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N°11
La Lettre
SUPPLEMENT SPECIAL CHINE
Jean-Pierre RAFFARIN a également mis l’accent sur les
Edouard de Lamaze, Avocat associé, et François Fiat,
incertitudes, en précisant que les autorités chinoises en sont
cogérant de la société BAUDINTER, ont été invités par
conscientes :
Jean-Pierre Raffarin à participer à la « mission économique
et commerciale » organisée du 8 au 14 juin 2010 par le
- L’unité nationale est confrontée à des risques de
rupture (nationalismes régionaux, mouvements sociaux,
quotidien « Figaro Economie » en relation avec l’exposition
Avocat associé aux Barreaux de Paris et de Bruxelles
écarts entre pauvres et riches) mais les autorités y sont
universelle à Shanghai.
François FIAT, Geneviève FIAT,
Priscilla de LAMAZE
et Edouard de LAMAZE.
Shanghaï
« LES DEFIS DE SHANGAÏ 2010 »
Dans le cadre de ce séjour, s’est tenue une conférence dont
l’objet a été, comme l’a rappelé Etienne MOUGEOTTE,
Directeur de rédaction du Figaro, de « nous éclairer sur la
façon dont il faut aborder le plus grand marché de la planète ».
Tous les intervenants y ont contribué.
Jean-Pierre RAFFARIN, qui joue un rôle important dans les
relations sino-françaises, a rappelé les facteurs clés de la
réussite chinoise :
• La Chine se mobilise :
La combinaison d’un système contrôlé mais ouvert avec
une forte mobilisation a permis un développement
spectaculaire en trente ans :
- le PIB est passé de 0,5% à 5% du PIB mondial ;
- le taux de croissance est en moyenne de 12% par an ;
- 22 villes ont plus de 30 millions d’habitants.
Ce dynamisme est encouragé par une vision optimiste de
l’avenir qui contraste avec le pessimisme occidental.
Ainsi, le budget recherche et développement augmente
de 15% par an pour atteindre 2,5% du PIB en 2020.
• La Chine s’affiche :
Le gigantisme des événements récents (jeux olympiques,
exposition universelle) répond à des motivations de fierté
nationale mais également au désir de montrer au monde
le savoir-faire chinois.(1)
• La Chine est ouverte :
Elle est passée d’un système refermé sur lui-même à un
système ouvert, décomplexé qui observe, comprend le
monde et accepte de prendre en compte les défis de la
planète notamment en matière de développement durable.(2)
Ainsi 400 villes vertes sont en cours de développement,
ce qui représente autant de pôles d’attraction pour les
technologies occidentales. La Chine a compris l’interdépendance des économies en entrant à l’OMC en 2001 et
en acceptant récemment une réévaluation du yuan par
exemple. Elle est attachée à un monde multipolaire tout
en restant fidèle à la relation Chine-États-Unis.
très attachées. Pour la Chine, la stabilité est plus qu’un
moyen, c’est une valeur ;
- Le fameux « péril jaune », avec un envahissement des
marchés extérieurs, risque de conduire à un déséquilibre
mondial mais on assiste actuellement à une inflexion de
la politique économique en faveur de la demande intérieure.
Ainsi le SMIC a été revalorisé de 20%, les revendications
salariales commencent à être acceptées et la protection
sociale est progressivement mise en place pour faire
baisser le taux d’épargne (40%).
- La relation Chine-États-Unis :
Très structurante, la « Chimérica », selon l’expression de
Monsieur RAFFARIN, peut également constituer un risque
de déséquilibre.
En conclusion de son exposé, Monsieur RAFFARIN a insisté
sur la nécessité de prendre en compte la culture chinoise
(le Yin et le Yang, le principe d’harmonie et d’équilibre, le
pragmatisme, le temps circulaire) et de s’apprivoiser mutuellement en travaillant sur des projets même modestes.
Monsieur l’Ambassadeur Cheng TAO, Vice-président de
l’Institut des affaires étrangères du peuple Chinois, a axé son
exposé sur l’importance de l’urbanisation, condition du
développement, en rappelant la vérité asiatique, thème de
l’exposition universelle : « une meilleure ville pour une meilleure
vie ». Mais cette urbanisation galopante est souvent débridée
et il importe de maîtriser le « couple vitesse/qualité ».
Des mesures concrètes sont actuellement prises pour favoriser
un urbanisme vert, ce qui constitue une opportunité pour les
entreprises françaises qui ont un savoir-faire reconnu en
matière d’urbanisation, de transport, d’assainissement, d’espaces
verts… et une coopération franco-chinoise se met en place.
Parallèlement, il faut maîtriser le flux migratoire en améliorant
le niveau de vie de la population rurale.
Les autres conférenciers sont intervenus sur les thèmes suivants :
- Thierry MATHOU, Consul général de France à Shanghaï :
l’orientation de Shanghaï, très industrielle, vers les services,
la culture, l’éducation et la recherche.
- Isabelle FERNANDEZ, Directrice d’Ubifrance en Chine :
« les conditions de la réussite en Chine ».
- Jean-Daniel GARDERE, actuellement consultant en Asie du
sud-est, ancien Ministre conseiller près l’Ambassade de
France à Washington, Chef des services d’expansion
économique français aux États-Unis, ex-Directeur général
du CFCE à Paris : « les clés de la réussite en Asie ».
- Benjamin BILTERYST, Directeur général de Christofle pour la
zone Asie-Pacifique : « luxe, les promesses du marché chinois ».
- Christophe SEMPELS, Professeur à la SKEMA Business
School : « Oser le marketing durable ».
- Pascal GONDRAND, Directeur grande Chine de l’agence
INVEST IN FRANCE : « les investissements chinois en France ».
(1) 33 milliards d’euros ont été investis pour l’exposition universelle.
(2) Comme l’a rappelé Monsieur Xu BO, adjoint au Commissaire de l’exposition
universelle, dans une interview au Figaro : « arrêter le gaspillage est aujourd’hui
une nécessité impérative. »
2010
N°11
2010
SUPPLEMENT SPECIAL CHINE
Tous ont mis l’accent sur la nécessaire intelligence de la
relation avec les partenaires Chinois et sur les atouts des
entreprises françaises. Il faut « dépasser la muraille », selon
l’expression d’Isabelle FERNANDEZ, pour comprendre la Chine
et ses différences avec l’Occident.
Notamment :
- Ne pas avoir le souci de la perfection et de la rationalité
mais accepter un accord harmonieux, équilibré, provisoire et
intégrant les différences.
Comme l’a rappelé Jean-Daniel GARDERE « montrer
comment » plutôt que « démontrer pourquoi ».
- Accorder de l’importance à la connaissance personnelle
même élémentaire de l’interlocuteur avant la relation
professionnelle. Tout n’est pas gagné en affichant son
savoir-faire.
Face aux enjeux et à la politique actuelle des autorités chinoises,
la France est bien placée. Les entreprises françaises ont un
savoir-faire reconnu dans les secteurs actuellement privilégiés.
Le tout est de s’y adapter dans un esprit de partenariat.
- Déséquilibres sociaux entre une classe riche urbaine,
une classe très pauvre rurale ou prolétarisée dans les villes
et une classe moyenne à l’état embryonnaire ;
- Déséquilibres entre production et consommation
intérieure en raison de la faiblesse du niveau moyen des
revenus et d’un taux d’épargne très élevé.
Aussi, actuellement, une nouvelle stratégie se met en place :
le développement du marché intérieur.
Le passage de l’enrichissement personnel à une redistribution
progressive est en cours. L’objectif est d’améliorer le niveau
de vie des classes défavorisées par une réévaluation des
salaires et une baisse du taux d’épargne.
La Chine de l’Ouest est moins délaissée avec une politique
qui combine développement urbain et amélioration du
niveau de vie des paysans pour limiter le prolétariat urbain.
Selon Monsieur l’Ambassadeur Cheng TAO, les agglomérations
vers lesquelles vont migrer les ruraux auront entre
200 et 300 millions d’habitants en 2020.
En conclusion, cette conférence a contribué à une meilleure
connaissance de l’approche du marché chinois en dépassant
les stéréotypes, en fournissant des conseils pratiques et en
insistant sur le « comment-faire » plutôt que sur le « savoir-faire ».
Les témoignages apportés ont montré que la réussite est possible
à condition d’aborder cet immense marché avec humilité,
patience, adaptation et dans une perspective de long terme.
Edouard de Lamaze
Pavillon français
Banlieue de Shanghaï
Dans ce contexte, quelle est la place des entreprises étrangères ?
Rappelons que la présence française est déjà significative
(1 300 entreprises implantées qui emploient 460 000 salariés,
8 000 exportateurs) et en progression depuis 1990 avec
notamment les investissements en augmentation de 11%
en 2009.
Pavillon de la Chine
L’IMPLANTATION INDUSTRIELLE
FRANÇAISE EN CHINE DE L’OUEST :
UN MIROIR AUX ALOUETTES ?
Délaissant le système socialiste de partage des richesses, la
Chine a opté pour un modèle de développement jugé plus
efficace et plus rapide conformément au traditionnel
pragmatisme chinois : la combinaison de l’ouverture à l’économie
de marché avec un contrôle strict par le parti unique.
L’objectif était, dans un premier temps :
- De favoriser, par l’initiative personnelle, l’émergence
d’une classe riche ;
- D’accorder la priorité à l’offre sur la demande intérieure
en orientant la production vers les marchés extérieurs
très demandeurs.
Ceci afin, dans un second temps, de procéder à une redistribution des richesses et de favoriser la consommation interne.
Cette politique associée à une mobilisation gigantesque a prouvé
son efficacité. Mais elle a aussi engendré des déséquilibres :
- Déséquilibres régionaux entre une côte-Est riche, urbanisée,
et une Chine de l’Ouest à forte population rurale migrant
en partie vers les villes ;
La présence occidentale est surtout attendue à l’Ouest où le
potentiel est énorme.
Comme l’a rappelé Madame Isabelle FERNANDEZ : « la politique
de rééquilibrage du gouvernement chinois au profit
de l’Ouest crée de belles opportunités » et elle incite les
investisseurs « à regarder vers les villes secondaires ».
De nombreuses opportunités existent :
- En agroalimentaire et « 5ème rayon » grâce à l’amélioration du pouvoir d’achat des classes pauvres favorables
à la demande de produits de base ;
- En termes de développement de villes vertes, qui
constituent des pôles d’attraction technologique ;
- En matière de services, notamment dans les grandes villes ;
- Dans la grande distribution.
Mais le gouvernement chinois est plus demandeur d’aides au
développement et de partenariats que d’implantations
directes d’entreprises industrielles à capitaux étrangers.
Citons l’exemple du groupe Lafarge installé dans le sud-est
depuis 1990 et qui a connu un fort développement
récemment grâce à une joint-venture avec un producteur
Hongkongais.
La Chine veut connaître de nouveaux concepts de produits,
de distribution, de magasins, de logistique… pour copier,
adapter et faire moins cher.
François Fiat