Demain, les Causses
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Demain, les Causses
PATRIMOINES EN RÉGION / Revue d’éducation aux patrimoines en Languedoc-Roussillon / GRATUIT / PRINTEMPS 2010 N°10 Revue d’éducation aux patrimoines en Languedoc-Roussillon en région Demain, les Causses PATRIMOINES EN RÉGION / 10 / PRINTEMPS 2010 1 2 en région Sur le site du Rajal del Gorp, entre la Cavalerie et Millau © Fanny Combes T Causses toujours ! oute une vie, une poésie, une humanité, se laissent découvrir derrière les apparences arides du monde des causses : c’est avec beaucoup de plaisir que l’équipe de Patrimoines en région en a fait l’expérience. Dans ce numéro, elle a souhaité mettre à l’honneur le Larzac, la Lozère et leurs habitants. Ils sont nos guides pour ouvrir le grand livre des Causses et ils nous emmènent très loin, vers le passé et… vers l’avenir. Comme chacun sait, le calcaire, qui a donné son nom à ces plateaux sans équivalent élancés vers le ciel, n’est pas un caillou sans vie. Demain, les Causses auront toujours des choses à dire… Et dès aujourd’hui, ils montrent un grand dynamisme. Au moment où sous le label « Causses et Cévennes » ces terroirs si riches vont peut-être entrer au patrimoine de l’humanité, partez donc avec nous dans ce voyage à travers les Causses dont Max Rouquette ou Adrienne Durand-Tullou, entre autres, avaient saisi l’âme profonde. Pierre Plancheron, Directeur de la publication Notez bien : en juin arrive votre deuxième numéro de L’Agenda du patrimoine, qui a connu, grâce à vous, un grand succès pour son lancement en 2009 ! Pour le recevoir CHEZ VOUS et tout connaître sur les événements de cet été, n’hésitez pas à vous abonner dès maintenant ! (voir au centre de la revue) Agenda ........................................................... 4 Dossier ........................................................... 6 Demain, les Causses Cogito .............................................................. 19 Les Causses, ces espaces écartelés L’œil de l’artiste - Aude................................. 20 Piet Moget Zoom - Gard .................................................. 22 Le syndicat mixte pour la gestion et la protection de la Camargue gardoise Lire, regarder & écouter ............................... 24 Les caves coopératives, un patrimoine régional souvent méconnu .................................... 25 région en région Vie du Carrefour des Patrimoines .............. 26 N°10 - Printemps 2010 - ISSN 1952-3025 - Dépôt légal à parution ÉDITEUR : Le Passe Muraille association - Homme et Patrimoine 510 A, avenue de Barcelone « Le Jupiter » 34080 Montpellier Tél. : 04 67 06 96 04 - Fax : 04 67 52 78 44 E-mail : [email protected] - www.lepassemuraille.org Directeur de la publication : Pierre Plancheron Comité de direction : Bruno Chichignoud, Grégoire Delforge, Pierre Plancheron Rédacteur en chef : René Lechon Conseil scientifique et éducatif : Yann Abonneau, Martine Ambert, Jean-Pierre Besombes-Vailhé, Christine Butzback, Bruno Chichignoud, Marie-Hélène Coll, Luc David, Véronique Delattre, Grégoire Delforge, JeanDaniel Estève, Véronique Ferhmin, Philippe Hammel, François Icher, Christian Jacquelin, Vincent Larbey, Pierre Laurence, Elisabeth Le Bris, Bernard Peschot, Pierre Plancheron, Claude Raynaud, Sabine Sutour, Marie-Odile Valaison, Nelly Viala Rédaction : René Lechon, Julie Savy Ont également participé à ce numéro : Martine Ambert, Daniel André, Jean-Luc Bonniol, Valérie Bousquel, Véronique Delattre, Jean-Daniel Estève, Philippe Galant, Christian Jacquelin, Elisabeth Le Bris, Laurent Schneider, Michel Wienin, le Club cévenol et le Parc national des Cévennes. Iconographie : René Lechon, Julie Savy, Guillaume Dessauw Secrétariat de rédaction : Julie Savy Publicité : Virginie Vileto Maquette - Suivi de fabrication : Marie Bazille, Guillaume Dessauw Impression : LPJ Hippocampe, Montpellier Contact rédaction : [email protected] Contact annonceurs : [email protected] MINISTÈRE DE LA SANTÉ DE LA JEUNESSE ET DES SPORTS PEFC / 10-31-1319 Imprimé sur papier issu de forêts gérées durablement. PATRIMOINES EN RÉGION / 10 / PRINTEMPS 2010 3 Animations Sorties & La grande foire des floralies et de la petite agriculture Le 9 mai à Maureilhan (34) Depuis 1989, l’association Terres Vivantes promeut l’emploi en agriculture et le développement local durable. Elle organise avec succès « Les 4 saisons agricoles de l’Hérault ». La grande foire du printemps regroupe un marché paysan, des pépiniéristes (Floralies), des artistes créateurs et des entreprises environnementales. L’occasion d’entrer en relation avec des producteurs locaux et de découvrir des produits du terroir, de qualité, respectueux de l’environnement et du consommateur, en privilégiant les circuits courts de distribution. Mais aussi de participer aux nombreuses animations (démonstration de chiens de troupeau, sculpture, point-conseil jardinage, pôle conseil éco-construction, jeux traditionnels, etc.). De 9h à 18h, gratuit. Au bonheur des Camellias Les 12 et 13 juin à Alès (30) Lors de ce week-end « Ivresse Verte », vous pourrez participer à des jeux botaniques et découvrir de nombreuses variétés de camélias (Camellias). Dans un véritable écrin de verdure de près de deux hectares, divers ateliers vous seront proposés, notamment sur la symbolique des couleurs ou sur l’art de la taille. Tous les secrets et astuces pour avoir la « main verte » ! Ces animations s’adressent à un public familial et sont menées de façon ludique. Gratuit. Contact : Parc des Camellias de la Prairie, www.camellia.fr Contact : 04 67 96 41 05 www.terresvivantes.org On sort les bottes ! Le 23 mai aux Hermeaux (48) Dans le cadre de la transhumance, le Conservatoire départemental des sites lozériens organise deux sorties sur le terrain à la découverte des zones humides et des tourbières de l’Aubrac (en partenariat avec l’association Aubrac Sud). Rendez-vous à 13h30 ou 15h30 au col de Bonnecombe pour découvrir une faune et une flore spécifiques. Gratuit, sur inscription. Prévoir bottes ou chaussures de marche imperméables. Contact : Anne Rémond, 04 66 49 28 78 www.conservatoire-sites-lozere.org française et internationale, musiques actuelles. Les artistes se succèdent sur dix scènes de la ville dont le Théâtre antique de la Cité Médiévale (classée au Patrimoine Mondial). Au programme cette année Bob Dylan, Jamiroquaï, Charlie Winston, The Cranberries, Mika, Jacques Dutronc, Alain Souchon, Marc Lavoine, Calogero, -M-, Roberto Alagna, l’Orchestre Philharmonique de Prague, du cirque avec la Cie Rasposo, du théâtre avec Francis Huster, Jean-Louis Trintignant, de la danse avec MC Pietragalla et Béjart Ballet Lausanne… Célébration de l’épicerie ancienne avec Marie Rouanet, Yves Rouquette et Jean Varela. Sur des textes de Honoré de Balzac, René Barjavel ou encore Francis Ponge, les comédiens rendent hommage à l’épicerie de l’enfance, lieu de toutes les conversations dans le quartier. Épicière au grand tablier blanc, lait du bidon, vin au tonneau, olives à la louche trouée et cornichons à la pince… Vous avez dit nostalgie ? Gratuit, réservation conseillée. Événements culturels Le vin, nectar des dieux, génie des hommes www.festivaldecarcassonne.fr Allée des camélias © A.Surelle Journée du Patrimoine de Pays Le 20 juin Cette année, la Journée du Patrimoine de Pays met à l’honneur les « Dates & Personnages ». Une initiative qui ravira les curieux d’histoire locale ! Collectivités, associations, offices de tourisme et propriétaires privés proposent des animations partout en France. Retrouvez le programme de toutes les activités proposées sur le site www.journeedupatrimoinedepays.com Festival de Carcassonne (11) Du 19 juin au 15 août Plus de cent spectacles proposés dont soixante-dix gratuits ! Le festival de Carcassonne s’impose comme un événement majeur du grand sud offrant une belle diversité culturelle : opéra, danse, théâtre, cirque, musique classique, variétés 4 Au Festival de Carcassonne 2009 (DR) La Grenouille rousse (Rana temporaria) © CDSL Le Grand Tour ! Le théâtre sortieOuest programme hors les murs cette saison pas moins de neuf spectacles, soit 59 représentations dans 44 communes : c’est Le Grand Tour ! À découvrir entre autres, le spectacle Neuf communes héraultaises accueillent la pièce au mois de mai (dates et horaires sur www.sortieouest.fr) Contact : sortieOuest, 04 67 28 37 32 Jusqu’au 27 juin à Lattes (34) Cette exposition, consacrée à l’histoire du vin dans l’Antiquité et à la tradition viticole de notre territoire, propose un voyage de l’Orient jusqu’à Lattes, en passant par la Grèce, l’Étrurie, le monde romain et la Gaule. De nombreuses animations gratuites sont proposées, avec notamment, lors de la Nuit des musées, le banquet-dégustation de vins et de plats inspirés de recettes antiques. À ne rater sous aucun prétexte ! Un intéressant cycle de conférences est également programmé jusqu’à fin juin. Quant aux centres aérés et groupes scolaires, ils pourront participer aux ateliers pédagogiques d’initiation aux décors peints, mosaïque romaine ou encore reproduction d’amphores. Le programme est donc riche et éclectique… à retrouver en intégralité sur le site www.montpellier-agglo.com/museearcheo. Tarifs expo : 3,5 €/3€/2€ ; animations et conférences gratuites. Contact : Musée archéologique Lattara, 04 67 99 77 20 terprétation centre d’in Ouverture duera Casa de l’Alb Pour que l’orgue résonne À Saint-Gervais-sur-Mare (34) La Maison cévenole organise deux concerts en l’église de Saint-Gervais les samedis 10 et 24 juillet à 21h avec ensembles vocaux et instrumentaux. Si les représentations sont gratuites, les spectateurs soucieux de la sauvegarde du patrimoine de la commune pourront verser une libre participation au profit de l’orgue de Saint-Gervais. Contact : Maison cévenole, 04 67 23 68 88 La terre vernissée, une tradition revisitée Jusqu’au 31 octobre à Saint-Quentin-la-Poterie (30) Le Musée de la Poterie Méditerranéenne accueille l’exposition de Geneviève Von Fritschen consacrée à la terre vernissée. Plus de quatre-vingts pièces utilitaires sont ici présentées (bols, plats, théières, saladiers, etc.), décorées de personnages joyeux et d’animaux espiègles qui empruntent volontiers à l’imagerie populaire et naïve de la poterie traditionnelle de Saint-Quentin-laPoterie. 3€/2,3€/gratuit pour les moins de 12 ans. Contact : 04 66 03 65 86 www.musee-poterie-mediterranee.com Le Temps des Jardins en Languedoc-Roussillon Du 1er mai au 31 octobre Pour sa seizième édition, Le Temps des Jardins réunit plus de quatre-vingts jardins privés et publics qui proposent visites guidées, expositions, spectacles de musique, danse, théâtre, ateliers de découverte de la nature, conférences, lectures, bourses aux plantes… Une brochure détaillée éditée à 30 000 exemplaires est disponible dans les offices de tourisme ou sur demande en contactant l’association des parcs et jardins du Languedoc-Roussillon. Temps fort de la manifestation, les « Rendez-vous aux jardins » se déroulent les 4, 5 et 6 juin avec pour thème cette année « Les outils du jardinier ». Contact : Association des parcs et jardins du L-R, 04 99 52 66 39 www.jardinslanguedoc.com &Conférences Débats Les dinosaures dans les vignes Le 17 avril à Capestang (34) Suite à la projection du film documentaire réalisé par le CNRS en 2009, le paléontologue Éric Buffetaut revient sur les travaux de son équipe, en étroite collaboration avec l’ACAP (association d’archéologues et paléontologues), autour des fouilles d’un gisement d’ossements de dinosaures à Cruzy, dans l’Hérault. À la Maison cantonnière à 18h30. Gratuit, réservation conseillée. À Argelès-sur-Mer (66) L’Albera est un petit massif situé à 30 km au sud de Perpignan. Véritable trait d’union entre les Pyrénées et la mer Méditerranée, il marque la frontière naturelle entre la France et l’Espagne. En 2005, la ville d’Argelès-sur-Mer décide d’agrandir et de moderniser le musée municipal pour créer un centre d’interprétation transfrontalier du patrimoine de l’Albera. Après deux ans de travaux, la Casa de l’Albera, labellisée « Pôle d’excellence rurale », ouvre ses portes en avril 2010. Le centre d’interprétation de l’Albera souhaite sensibiliser tous les publics aux patrimoines ethnologique, historique et naturel du massif. Il comprend une exposition permanente (espaces scénographiques sur la géologie et l’histoire, présentation de savoir-faire, films…) et des expositions temporaires (la première portant sur la fabrication d’objets traditionnels en terre cuite). Un espace pédagogique/centre de ressources est aménagé, par ailleurs, pour l’accueil des groupes scolaires. Côté visites guidées, la Casa de l’Albera propose les circuits « Argelès, ancienne cité royale », « Raconte-moi la plage », et fait partie du parcours sonore MP3 sur les sentiers de l’Albera. 3€, gratuit pour les enfants de moins de 13 ans. Contact : Casa de l’Albera, 4 place des Castellans à Argelès-sur-Mer Tél. : 04 68 81 42 74 Contact : Communauté de communes Canal-Lirou, 04 67 37 85 29 L’Hérault dans l’histoire André Ferran est ancien bâtonnier du barreau de Montpellier où il a exercé durant quarante ans. Diplômé de sciences criminelles et de législation viticole, il présente aujourd’hui les ouvrages Les grandes affaires criminelles de l’Hérault et L’État face à la révolte de 1907 dans le réseau des bibliothèques départementales de l’Hérault. Retrouvez-le en conférence le 8 avril à 18h à la bibliothèque de Ganges (04 67 73 84 24), le 30 avril à 18h à la bibliothèque du Caylar (04 67 96 20 42) et le 4 mai à 20h30 à la bibliothèque de Gignac (04 67 57 04 50). Gratuit, réservation conseillée. &Emplois Formations Encadrant technique L’association Le Passe Muraille recherche pour ses chantiers de jeunes bénévoles un encadrant technique pierre sèche/taille de pierre (poste basé dans l’Hérault). Si vous aimez le travail technique de qualité et possédez le goût de la retransmission, venez partager vos connaissances et vos expériences ! Contact : Association Le Passe Muraille, [email protected] (DR) PATRIMOINES EN RÉGION / 10 / PRINTEMPS 2010 5 Demain, les Causses Dossier réalisé par René Lechon obèrt Lafont) Dessús un Causse (R Dessús un Causse plantats Ont de signes d’òmes rite Fan una semblança deutada-lo paire es la pèira sa me passege. m’arriba que de nuech Sur un Causse s planttéésés Où des signes humain rite Ont une apparence de utééee--le pèrree est la pierre sa ener la nuit. il m’arrive de me prom 6 M éjean, Aven Armand, Larzac, Gorges du Tarn, ces noms évocateurs montent sponta- nément aux lèvres. Mais nous commençons à nous mélanger les pinceaux dès qu’il s’agit de donner une localisation à ces territoires : Causses Méridionaux, Grands Causses, Sauveterre, Causse Noir... Jean-Luc Bonniol, anthropologue, auteur de l’ouvrage de référence Dire les Causses et natif de ces terres, a pointé deux moments au moins où s’est exprimée l’unité de ces lieux géologiques qui a peiné à s’affirmer : d’abord, à la fin du XIXe siècle, quand le mot s’habille de majuscule, « Causse », « c’est le premier signal d’une région déterminée et identifiée de l’espace.» Puis, « cette image commence aussi à pénétrer les esprits des habitants eux-mêmes, à qui est révélée la beauté de leurs paysages familiers et qui vont dès lors s’investir en ceux-ci.» Ce qu’on avait définitivement rangé dans la catégorie des déserts, ou des lieux d’épouvante, s’est transmué aussi avec l’évolution du regard venu de l’extérieur. Aujourd’hui, les bouddhistes qui se sont installés sur les collines de l’Escandorgue recherchent précisément le « désert ». Mais, en 2010, chaque jour, des hommes, des femmes, des enfants, veulent habiter sur le Causse, y travailler, y inventer encore un art de vivre. Sans renier un héritage millénaire, ils souhaitent découvrir de nouveaux modes de résistance dans la lignée des combats du Larzac des années 1970 ou d’un Lanza del Vasto refusant un progrès aliénant. Ils espèrent une autre mise en valeur d’une histoire séculaire, une sorte de bonheur d’être en ce lieu, pour eux à nul autre pareil. Les bornes Michelin indiquaient à merveille, au XIXe siècle, les grottes et les curiosités de cette région dont les guides du même nom lanceront une forme de tourisme à la recherche des « hauts-lieux ». Il semble qu’au XXIe siècle, de nouveaux défis attendent la région des Causses. Au moins dans deux directions. Côté tourisme, comme le souligne encore Jean-Luc Bonniol, si ses « nouvelles activités ne sont pas parfaitement organisées, elles peuvent fragiliser le milieu et augmenter ainsi le risque de disparition » d’une certaine biodiversité. Côté élevage ensuite : l’avenir de ce territoire est donc bien lié « à l’évolution du pastoralisme qui en maintenant le milieu ouvert va permettre la survie de nombreuses espèces.» Cette dernière partie constituerait à elle seule le sujet d’un nouveau dossier. Nous l’avons volontairement délaissée cette fois-ci, sans ignorer combien la brebis -et non le mouton- est consubstantielle à ces plateaux. Nous y reviendrons dans un prochain numéro… Panoramique du Causse de Blandas - Es lo Larzac, la tèrra abandonada (Max Rouquette) © Fanny Combes PATRIMOINES EN RÉGION / 10 / PRINTEMPS 2010 7 L’identité caussenarde est avant tout paysagère L orsqu’on veut bien interroger aujourd’hui les habitants du Causse sur l’attachement qu’ils portent à leur pays, on est frappé par l’importance qu’ils donnent à toute une série d’éléments (les gorges, les « falaises », les grottes…) qui dessinent une palette de la sauvagerie, ce qui n’est peut-être que la face positive et moderne des anciennes épouvantes nées de ces territoires de la peur… Cet attachement recoupe en fait étroitement un cadre géologique et géographique (Adrienne Durand-Tullou1 accordait par exemple beaucoup d’importance au fait de « vivre sur du calcaire ») : on peut dire par là que l’identité caussenarde est avant tout paysagère, impliquant une forte affectivité, dans la mesure où l’impression visuelle va souvent de pair avec le sentiment, voire l’émotion qui submerge les natifs lorsqu’ils retrouvent, après une absence, la forme caractéristique des plateaux, avec leur couronne de falaises... Jean-Luc Bonniol, Professeur d’anthropologie - Université Paul-Cézanne (Aix-Marseille III). Ethnologies comparées N°8 (printemps 2005) « L’invention d’un territoire et sa confrontation aux limites administratives : Le cas des Grands Causses. » (1) Adrienne Durand-Tullou, toute sa vie durant, s’est consacrée au Causse de Blandas, tant dans l’éducation des enfants (elle fut institutrice à Rogues) que dans sa description savante. Le pays des asphodèles (Payot) l’a fait connaître du grand public. Sa thèse « Un milieu de civilisation traditionnelle : le causse de Blandas » vient d’être rééditée. Sur le causse de Campestre - Une palette de la « sauvagerie »... © Fanny Combes 8 PATRIMOINES EN RÉGION / 10 / PRINTEMPS 2010 Sur le Causse de Blandas Un « urbanisme » cinq fois millénaire C inq mille ans que les premières populations se sont installées sur ce plateau ! Par leurs pratiques agricoles, culture des céréales et élevage de moutons, elles ont marqué ce milieu à la spécificité géologique liée à la roche calcaire. L’absence d’eau en surface a entraîné les premiers caussenards à explorer le sous-sol. Cette spéléologie naissante leur a permis de récupérer et stocker le précieux liquide. Ces grottes citernes constituaient des réserves suffisantes pour traverser les périodes sèches. C’est autour de ces points d’eau, véritable richesse dans un milieu aride, qu’ils ont installé leur habitat. Seuls quelques bâtiments, construits en pierres et couverts de lauzes, étaient destinés à la vie d’une famille et de son troupeau. Autour des constructions, de nombreux aménagements étaient liés à la vie quotidienne. Plusieurs de ces sites ont été étudiés, certifiant ce modèle de l’occupation du sol. Ces premières pratiques économiques ont perduré tout au long de l’Histoire donnant sa particularité au domaine caussenard. On constate que les groupes humains y ont toujours été soumis aux contraintes du milieu calcaire : l’érosion des sols. C’est donc naturellement dans les mêmes conditions et sur le même modèle, que se sont développées les fermes protohistoriques, romaines et médiévales. Les puits et citernes ont remplacé les grottes, mais l’habitat est toujours proche des points d’eau. Les fermes sont restées isolées au sein d’un terroir partagé. L’organisation politique du Moyen Âge a entraîné l’apparition des villages à partir des hameaux les plus importants. À partir du XIIIe siècle, le développement de l’industrie minière va progressivement modifier les modes de vie. L’apogée de la culture industrielle des XIXe et XXe siècles supplantera les activités agro-pastorales amoindries. La forte érosion des terrains, épuisés par 2500 ans d’une intense exploitation, a lourdement marqué le paysage du Causse. L’exode rural du XXe siècle, la déprise industrielle, la crise agricole croissante, rendent progressivement les terrains abandonnés à la nature. Si quelques exploitations subsistent, le Causse se modifie lentement. L’habitat pavillonnaire s’étend autour des villages au détriment des terres agricoles. Sous couvert d’un modernisme quelque peu démesuré, ce territoire perd ses valeurs qui en font pourtant sa richesse historique et culturelle. Philippe Galant Direction Régionale des Affaires Culturelles du Languedoc-Roussillon, service de l’Archéologie. Ce menhir témoigne de 5000 ans d’histoire d’un territoire marqué d’une forte érosion induite par l’action de l’homme. © Ministère de la Culture et de la Communication (DRAC-LR / SRA / PhG) PATRIMOINES EN RÉGION / 10 / PRINTEMPS 2010 9 Au Parc National des Cévennes Une antenne « Causses-Gorges » au service de la biodiversité Rencontre avec Luc Fruitet, technicien de l’environnement, chef de l’antenne « Causses-Gorges » au Parc national des Cévennes. L e Parc national des Cévennes comporte une antenne Causses-Gorges. Quelle est sa raison d’être ? Notre équipe intervient sur les secteurs des Causses Méjean et Sauveterre, et des Gorges du Tarn et de la Jonte. Nous y effectuons de la surveillance, du suivi de la faune, de la flore et des milieux, ainsi que des actions de sensibilisation à l’environnement. Nous représentons l’établissement public du Parc national sur ces secteurs. Comment intégrez-vous cette dimension du « causse » dans l’ouverture au public et aussi aux éventuels chercheurs ? Les Causses sont des milieux très rares au niveau européen et dotés d’une richesse naturelle exceptionnelle ; ils attirent donc énormément de public. Nous avons comme projets de mettre en place un point d’information du public sur le Causse Méjean et de redynamiser l’écomusée des Causses. Nous proposons également un programme d’animations à destination du grand public, dans le cadre du Festival nature, en partenariat avec les offices du tourisme. Pour ce qui est de la recherche, nous travaillons en collaboration avec des organismes tels que le Muséum national d’histoire naturelle ou SUPAGRO Montpellier, ainsi qu’avec les autres établissements publics en charge du suivi de la faune et de la flore, et avec des associations. lité pour les communes d’intégrer les projets du Parc dans le cadre de la future charte, et la coïncidence de l’aire optimale d’adhésion avec la réserve de biosphère des Cévennes sont autant de chances et de signes de reconnaissance internationale du patrimoine exceptionnel des Causses. La faune et la flore du Causse sont prises en compte dans les activités du Parc… Les Causses sont en effet associés aux grands rapaces, Aigle royal, Grand-Duc, ainsi qu’aux Vautours fauve et moine. Pour ce qui est de la flore, ce sont les orchidées et la végétation steppique qui donnent aux Causses un attrait si important. Le Parc est-il en ce sens un lieu d’expérimentation ? Je parlerais plutôt d’un territoire sur lequel nous travaillons à la préservation d’enjeux majeurs : en ce sens, c’est un territoire où s’expérimente une prise en compte maximale de la biodiversité dans la vie économique et sociale. D’autre part, le Parc y soutient des projets tels que la ferme expérimentale de Cros-Garnon. La récente modification de la réglementation qui s’exerce dans le Parc est-elle également une chance pour les Causses ? Le nouveau décret du Parc offre de belles opportunités aux Causses : le classement de certains territoires en cœur de Parc, la possibi- 10 PATRIMOINES EN RÉGION / 10 / PRINTEMPS 2010 Vautours fauves et vautour moine © Jean-Pierre Malafosse Orchidée Sabot de Vénus © Yves Maccagno Cardabelle et Adonis... L a combinaison de l’altitude et des caractéristiques des sols calcaires a permis la constitution d’un riche patrimoine floristique, diversifié et unique, mêlant plantes méditerranéennes, montagnardes et endémiques, au sein duquel on trouve les espèces emblématiques des Causses : Adonis de printemps aux bouquets jaune brillant au milieu des pelouses sèches, stipe pennée (cheveux d’ange) aux plumets argentés ondulant au vent et donnant au plateau, à la fin du mois de juin, des reflets métalliques, orchidées aujourd’hui protégées, carline à feuille d’acanthe (cardabelle), déployant au ras du sol ses feuilles épineuses autour de son soleil central… L’unité visuelle est assurée par la présence généralisée de la pelouse sèche, à base de graminées, tout au long des immensités piquetées de buis et parsemées de genévriers ou d’amélanchiers, les arbres (pins sylvestres et chênes pubescents) ne se rencontrant que dans les zones à forte pente (comme sur les flancs des gorges) ou accidentées (comme dans les anfractuosités des reliefs dolomitiques). Jean-Luc Bonniol, Professeur d’anthropologie - Université Paul-Cézanne (Aix-Marseille III). À lire... Les ouvrages de Christian Bernard, botaniste renommé spécialiste de la flore des Causses, parmi lesquels Fleurs et paysages des Causses aux éditions du Rouergue (32 €). Cévennes, la revue du Parc National des Cévennes Tous les numéros sont disponibles à l’unité sur la boutique en ligne du PNC. Le N°55/56 s’intitule Guide des Causses et des Gorges (12 €). Au rayon « Livres », le coup de cœur de la rédaction va à l’ouvrage Les Gorges du Tarn et le Pays des Grands Causses (33 € ; Éditions Grand Sud : 05 63 43 20 97) >> Voir page 14. www.cevennes-parcnational.fr PATRIMOINES EN RÉGION / 10 / PRINTEMPS 2010 11 Les CPIE des Causses Méridionaux L Une gestion durable du territoire es Causses Méridionaux sont composés de cinq entités (Causse Noir, Causse Bégon, Causses de Blandas et de Campestre dans le département du Gard et Causse du Larzac méridional dans le département de l’Hérault). Au-delà de leurs « frontières » administratives, ces causses offrent les mêmes richesses patrimoniales, les mêmes problématiques et les mêmes enjeux. Aux prémices de la mise en œuvre de Natura 2000, en 1994, les acteurs locaux des cinq causses méridionaux se sont réunis et ont décidé de créer une structure associative (l’Association des Causses Méridionaux) pour gérer ce territoire de façon partenariale, concertée et durable. C’est donc à travers trois collèges (élus, représentants de l’agriculture et de la forêt et associations de chasse, de protection de la nature et d’éducation à l’environnement) que sont menées les réflexions, élaborés des programmes et des plans de gestion et mises en œuvre des actions. Dans un premier temps, le travail a porté sur un état des lieux très précis du territoire, l’identification des problématiques et l’apprentissage du travail en commun. Ainsi, de 1996 à 2000, grâce à la participation des éleveurs, de nombreuses actions d’ouverture des milieux (débroussaillages mécaniques et manuels) ont pu être réalisées pour reconquérir les terres ou accompagner le pâturage déjà existant. En 2002, l’association a mis en place un pôle éducation à l’environnement, un centre de ressources sur l’agriculture et l’environnement et obtenu le label CPIE. Elle tire son nom « CPIE des Causses Méridionaux » de cette époque. Puis progressivement, son territoire d’intervention s’est étendu Frédéric Roig se dit « caussenard ». Il est conseiller général du canton du Caylar, vice-président de la commission du développement économique, de l’insertion et de l’économie des besoins. Son canton se situe sur le Larzac pour les deux-tiers de sa superficie. 12 PATRIMOINES EN RÉGION / 10 / PRINTEMPS 2010 Valérie Bousquel, CPIE des Causses Méridionaux Contact : 04 67 44 75 79, www.cpie-causses.org À leur façon, les brebis participent à la reconquête des terres (DR) Un élu sur le Causse © René Lechon au Lodévois et aux Gorges de la Vis et de la Virenque. Aujourd’hui, l’ensemble de l’équipe œuvre pour maintenir les activités agro-sylvopastorales garantes de biodiversité et faire connaître les richesses patrimoniales de son territoire. > Voir également présentation de l’ouvrage Éleveurs des Causses Méridionaux en p. 24. D ans la propre histoire de Frédéric Roig, deux traditions de lutte se rejoignent : celle du pays catalan, par son grand-père, arrivé en France en 1936 pour fuir la dictature franquiste et celle du Larzac, terre de résistance s’il en fut, par sa mère et sa grand-mère. Fautil y voir les raisons de l’engagement politique, en des temps plus paisibles certes, de celui qui est maire de Pégairolles-de-l’Escalette, depuis 1995 et conseiller général du canton du Caylar depuis 2004 ? Comme dans sa mission départementale centrée sur le développement économique, il est partant quand il s’agit de valoriser les espaces des Causses et des Cévennes, en œuvrant en particulier dans Pendant une balade découverte à la recherche d’orchidées (DR) Le tourisme vert en pleine expansion G randes étendues d’herbes et de buis, rochers aux formes étranges, panoramas grandioses… les paysages caussenards constituent une zone de tourisme vert très attractive sur les thèmes du repos, de la découverte de la nature, de l’authenticité et des loisirs de pleine nature. Randonnées pédestres, équestres, à VTT ; balades, spéléologie… sont autant d’activités auxquelles peuvent s’adonner les passionnés ou les curieux. Depuis de nom- breuses années, les acteurs locaux privés ou publics des Causses Méridionaux ont engagé des démarches pour développer l’offre touristique, principalement dans deux directions. Tout d’abord, la promotion grâce à la publication de randofiches et cartoguides, la participation à des salons régionaux ou internationaux, l’organisation d’événementiels… Ensuite, la structuration à travers la professionnalisation des acteurs du tourisme, le re- groupement de diverses animations dans un calendrier commun, la labellisation de circuits de randonnée et de structures d’hébergement, l’utilisation de produits du terroir dans la restauration locale, le développement de l’agritourisme… Et c’est précisément au titre des « paysages culturels, vivants et évolutifs » que le territoire des Causses et des Cévennes est candidat au patrimoine mondial de l’UNESCO (voir p.16). l’association éponyme : « Le Larzac, pour moi, c’est une terre qui se mérite, un territoire qui fut souvent lieu de luttes, déjà pour les templiers, ou de passage, du Nord vers le Sud. Et les routes y sont présentes, depuis longtemps, voyez plutôt : Compostelle, la légendaire route du sel, le “pas” de l’Escalette qui porte bien son nom. Ici, c’est une terre d’échange, un territoire à la fois humanisé et sauvage. Il y a toujours eu de l’activité. » relier les hommes entre eux, sur cette terre enclavée, un nouveau moyen de communication s’est inscrit depuis quelques années dans le paysage, l’A75, dénommée la Méridienne. « L’A75 est une véritable atout… à maîtriser. Un nouveau quartier s’est créé avec des commerces, en bordure de l’autoroute, on capte ainsi des flux, des personnes sont génératrices d’économie. » Du viaduc de Millau à l’Escalette, l’activité s’est organisée autour de l’agro-tourisme, de l’économie d’entreprise, de l’agriculture et de l’élevage. « Et surtout, renchérit Frédéric Roig, n’oublions pas que nous sommes dans l’aire du roquefort. Plus près, ici, dans l’Hérault, nous avons l’AOC pélardon, les filières ovins-viande, bovins-viande et les caprins, bien évidemment. » Au lieu-dit de La Chapelle Saint-Vincent, au droit du tunnel de l’Escalette où souffle le fameux taral, il aime se promener et scruter le paysage jusqu’à la mer. Le conseiller général y forge l’une de ses convictions les plus fortes : « Une tradition d’identité au territoire aide forcément à dépasser les difficultés financières. Avec le Conseil général, nous avons acquis 800 ha sur une parcelle de 1700, non loin de Navacelles pour y maintenir… trois agriculteurs.» La Méridienne Aujourd’hui, l’action de l’élu s’appuie sur un développement à l’échelle du plateau. Pour PATRIMOINES EN RÉGION / 10 / PRINTEMPS 2010 13 La spéléologie dans les Grands Causses En bien d’autres lieux de France, des hommes sont très tôt allés sous terre pour y étudier des cavernes, souvent à des fins paléontologiques ou archéologiques. Cependant, c’est dans les Grands Causses qu’est née en 1888 la spéléologie, sous l’impulsion d’EdouardAlfred Martel (1859-1938). P our le profane, la spéléologie est restreinte aux seules cavités touristiques ; leur visite est nécessaire pour se faire une idée sur cette « obscure » activité que quelques centaines d’adeptes pratiquent dans ce territoire riche des grottes de la Clamouse, de Bramabiau, de Dargilan, de Labeil et de l’Aven Armand. Ces cavités-là ont concouru très largement à la prospérité de la région, en y apportant une nouvelle activité économique : le tourisme. Mais ce ne sont pas les seules ! La réputation de « terrain caverneux » des Grands Causses y a attiré un très grand nombre de spéléologues qui, se succédant au terme de plus d’un siècle d’intense pratique, y ont en effet révélé un fabuleux patrimoine caverneux. La « spéléologie », c’est tout simplement la « science des cavernes », néologisme forgé en 1890 par le préhistorien Émile Rivière (18351922) à partir du grec « speleos » (caverne) et « logos » (science). Martel l’employa dès 1893 ; le mot est largement passé dans l’usage public, même à l’étranger (espeologia, speleology). La plupart des nombreux adeptes actuels de cette activité n’y voient qu’un simple sport de plein air, à risques et original puisqu’il se déroule sous terre et souvent sur agrès dans des vides parfois impressionnants (comparable à l’alpinisme). La spéléologie, la « géographie souterraine », si elle n’est pas à elle seule une science, touche à beaucoup de disciplines qui nécessitent de la part de ses adeptes ne voulant pas restreindre leur passion à une banale activité physique, des efforts de documentation en de nombreux domaines : géologie, géomorphologie, karstologie, hydrogéologie, paléontologie, préhistoire, archéologie, histoire, etc. Un vrai spéléologue est une personne qui vit sa passion comme une activité intellectuelle découlant de l’exploration et de l’étude des phénomènes naturels liés au cavernement ; cette personne étudie et publie ses résultats. Dans les Grands Causses, les spéléologues ont permis la découverte d’un très riche patrimoine souterrain naturel, fort de plus de six mille grottes et avens, dont la plus profonde est de l’ordre des 400 m, et la plus longue de dix-sept kilomètres. Treize cavités atteignent les 300 m de dénivelé, et dix autres dépassent les dix kilomètres de longueur. Les spéléos caussenards ont rendu service à l’humanité en révélant de nombreux sites archéologiques en grottes, en réalisant des études pour la réalisation de captages en eau potable et en luttant contre la pollution (traçage à la fluorescéine), etc. Beaucoup de cavités qu’ils ont révélées, très riches en concrétions, attirent de nombreux spéléologues de toute l’Europe. La plus belle grotte française à concrétions fait partie du Causse Noir : c’est l’aven Noir (Nant, Aveyron). Daniel André, Spéléologue À lire... ans de lutz D’aicí mil eta) (Max Roqu t. on paíís desèr callèèron. m , s, ís í a p n o M na per una se Las bocas u ssan dins lo vent De voses pa raulas estrangièras. Amb de pa rtt.. on pays déésseer . Mon pays, m, une à une, se sont tues es ch u vent Les bo ssent dans le Des voix paaroles éétrangères. Avec des p 14 PATRIMOINES EN RÉGION / 10 / PRINTEMPS 2010 Les Gorges du Tarn et le Pays des Grands Causses, Jean-Paul Azam, Édi- tions Grand Sud, 33 €. La quatrième de couverture donne le ton avec cette citation d’Ella Maillart : « Je me disais : lire, lire, lire, ça ne vaut rien, il faut aller voir. » Ce conseil, l’auteur l’a suivi en faisant la part belle à la photographie. Quelques textes et documents d’archive émaillent l’ouvrage, mais ce sont bien les paysages intenses des gorges (Tarn, Jonte, Dourbie) et des Causses qui cueillent le lecteur à chaque page. Villages, rivières, sites ruiniformes et grottes vous donneront certainement l’envie d’arpenter à votre tour ces terres mystérieuses. Dans la rivière souterraine de la grotte de Malaval (Lozère). © Daniel Langlois, Association Malaval PATRIMOINES EN RÉGION / 10 / PRINTEMPS 2010 15 Causses et Cévennes S Pourquoi postuler au patrimoine mondial de l’UNESCO ? i on a la chance de survoler la France du Sud, on ne peut qu’être frappé par le contraste qui s’impose, lorsque succèdent à la marquèterie des parcelles du Sud-Ouest aquitain des étendues sur lesquelles la trace de l’homme se fait légère, que ces espaces soient dénudés ou boisés… Pièce maîtresse de cette sauvagerie persistante : la qualité des eaux des rivières, dont la transparence et les couleurs, si elles ne sont pas sans équivalent en Europe, sont parmi les plus belles… Cette sauvagerie, qui joue sur les codes du sublime et du grandiose (gorges calcaires ou schisteuses, grottes et avens, labyrinthes ruiniformes, plateaux déroulant leurs croupes à l’infini ou enchevêtrement des serres jusqu’aux lointains) a été en quelque sorte « rehaussée » par le travail des hommes : sculpture des pentes par les terrasses en pierres sèches, monticules d’épierrement sur les plateaux (clapas) ; maîtrise de l’eau par les beals, les toits-citernes, ou les dépressions circulaires tapissées de dalles calcaires pour recueillir l’eau de pluie (lavognes) ; dénudation des plateaux dans la longue durée de l’agro-pastoralisme, au profit d’une pelouse sèche ouvrant l’espace en grand à la manière d’une steppe ; châtaigneraie à l’image d’une forêt jardinée… Et l’habitat, qui s’affirme dans la splendeur d’une architecture rurale sans pareille, se situe dans le prolongement de cet environnement, tant dans ses matières premières que dans ses volumes. « Bascule » patrimoniale De ces terres émane enfin un patrimoine immatériel toujours actif, au sein duquel les valeurs de résistance et de solidarité, portées par une mémoire vive, affleurent au premier plan, des Camisards aux paysans du Larzac, ou comme l’illustre au moment où ces lignes sont écrites, la conduite exemplaire des habitants de Lasalle, accueillant sans rechigner les réfugiés afghans... Car la « bascule » patrimoniale, à savoir le transfert d’une ancienne valeur d’usage à une nouvelle valeur symbolique (fondée sur d’autres critères, comme celui de l’authenticité ou de l’esthétique…), ne saurait signifier une quelconque muséification de l’espace. Pas de fascination pour la « beauté du mort » ou pour l’agonisant : l’enjeu est bien que ces espaces soient préservés dans leur exceptionnalité, tout en restant vivants. C’est sans doute cette association rare de magnificence naturelle et de lustre culturel qui peut permettre aux Causses et aux Cévennes, en jouant de leur continuité spatiale, de rivaliser, même si ce ne sont que de « moyennes montagnes », avec d’autres candidatures. Car la concurrence est rude, et la France, pour ne citer qu’elle, doit prendre en compte l’émergence de nombreuses demandes : portion préservée de haute montagne comme le Mercantour, île tropicale aux hauteurs prodigieuses comme la Réunion… Les griefs portés par les experts du Comité du patrimoine mondial sont évidemment toujours fondés, car il ne paraît guère possible de changer la réalité de dégradations irréversibles : l’effort doit donc porter sur l’argumentaire de la candidature, et sur sa force de persuasion. Si la demande devait trouver une issue positive, nous aurions en main un nouvel outil pour freiner les altérations d’un bien dont nous avons hérité, et que nous devrions transmettre dans son intégrité. En savoir plus : www.causses-et-cevennes.com Jean-Luc Bonniol, Professeur d’anthropologie - Université Paul-Cézanne (Aix-Marseille III). Extrait de la revue Causses et Cévennes >> Voir page 24. Une lavogne sur le Larzac (Le Cros) - Sur le causse, le travail de l’homme est toujours présent. © Fanny Combes 16 Entre Méjean et Sauveterre O La forteresse mérovingienne de La Malène n connaissait la légende de Sainte-Enimie, sœur du bon roi Dagobert mais l’on ignorait tout à vrai dire de l’histoire des Gorges du Tarn à l’époque des premiers rois mérovingiens… Or voilà qu’une équipe du CNRS dirigée par Laurent Schneider a réalisé des découvertes archéologiques exceptionnelles. Sur le sommet de l’éperon rocheux qui domine le village de La Malène, les archéologues ont identifié les traces monumentales d’un ancien palais fortifié, occupé entre les années 475 et 700 par de grands aristocrates méridionaux. Saint-Hilaire, l’un des premiers évêques du Gévaudan, y aurait lui même trouvé refuge lorsque les descendants de Clovis étirèrent le royaume des Francs en direction des terres méridionales. Dans ce lieu improbable, les archéologues ont mis au jour une tourbastion, une citerne de 190 m3, une résidence luxueuse dotée d’une colonnade d’étage, un puissant rempart mais aussi des thermes disposant de salles chauffées… Initié par le CNRS en 2000 et dirigé depuis par Laurent Schneider (Laboratoire d’Archéologie Médiévale Méditerranéenne CNRSUniversité d’Aix-Marseille), ce programme bénéficie du soutien de la DRAC Languedoc-Roussillon et du Service Régional de l’Archéologie du Languedoc-Roussillon. Le projet vient de faire l’objet d’une présentation dans le numéro 106 (février-mars 2010) de la revue L’archéologue (www.larcheologue.com). Entre Causses et Aubrac La découverte de plusieurs amphores du VIIe s. provenant des anciennes provinces romaines d’Afrique (Tunisie actuelle) et d’Orient (Gaza) prouve quant à elle la survivance d’un grand commerce international irriguant jusqu’au cœur des causses alors que la théorie affirmait le contraire. Forteresse de villégiature, le site découvert à La Malène est un témoignage exceptionnel de ces temps troublés où plusieurs nations (Francs, Wisigoths…) s’affrontaient sur le sol de l’ancienne Gaule. La forteresse devait contrôler un carrefour, une position frontalière et jouait sans doute aussi un rôle de douane car l’on est ici au VIIe s. sur la frontière de la Septimanie wisigothique. On doit dès lors la mettre en relation avec l’importance politique, stratégique et économique que prirent à partir du règne de Dagobert les terres situées entre Causses et Aubrac dans le monde franc. Soutenues par le Conseil général de la Lozère, les fouilles de La Malène s’inscrivent dans le cadre d’un programme scientifique consacré à l’étude archéologique des « Oppida et castra de l’Antiquité tardive et du haut Moyen Âge en Gaule méridionale ». © Nicolas Clément Paraulas per lo ve nt (Max Roqueta) Ò vent, quand sera A l’aflat de son pei pas qu’una clòsca que rròda Que te’n sovenga de s sus la dura argela que nos beu, Quand ven suls sèr la doçoorr de l’aureta de mar E que se perd amonrrreess dels grands Causses t au grand escur de las selvas Ô vent, quand je ne Au gré de son po serai plus qu’un crânnee qui roule Qu’il t’en souviennids, sur la dure argile qui nous boit, Quand elle vient sue de la douceur de la brise de mer Et qu’elle se perd, r les montagnes des grands Causses llàà-haut, dans la gr ande ombre des for êêts PATRIMOINES EN RÉGION / 10 / PRINTEMPS 2010 17 La barque dans les Gorges L’ ����������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������� Ci-dessus : Peinture sur bois. Bateliers de la Malène dans les Gorges du Tarn au début du XXe s. (Collection particulière) histoire au secours… de la géographie. C’est pour s’enfoncer dans les Gorges du Tarn et leur relief tourment tourmenté que sont nés barques et bateliers. Dès D le XIVe siècle, la barque est le principal moyen pour se déplacer d dans le canyon. On voit apparaître des barques en bois de formes différentes dans chaque village. Elles sont utilisées comme moyen de transport pour relier les hameaux entre eux. Elles servent aussi pour le travail de la vigne et même pour la pêche au filet ou à l’épervier. À la fin du XIXe siècle, la nouvelle ligne de chemin de fer ParisBéziers amène les premiers touristes-explorateurs dans les Gorges du Tarn. On voit s’ouvrir des hôtels dans les villages. Les premières descentes touristiques apparaissent. Mais au début, rien n’est prévu pour la nouvelle épopée, les barques ne sont pas encore adaptées au tourisme et les photos de l’époque montrent des dames en grandes tenues assises dans les embarcations sur des chaises de cuisine... Le percement d’une route à travers les Gorges en 1905 va sonner le glas de la batellerie traditionnelle. À partir de 1940, seul le village de la Malène propose encore un départ pour la promenade touristique. Les Bateliers de la Malène se regroupent en 1952 en coopérative (Scop). Avec quelques adaptations, l’entreprise fonctionne aujourd’hui encore sous forme de Scop. Contact : Les Bateliers des Gorges du Tarn, 04 66 48 51 10 © Patrick Barois ur e h n o b Le ! t n o p est au 18 Grand site de france® Cogito Les Causses, ces espaces écartelés Par Jean-Luc Bonniol, Professeur d’anthropologie - Université Paul-Cézanne (Aix-Marseille III). L e terme « causse » est d’abord un simple nom commun, dérivé du latin calx (chaux), qui désigne un plateau calcaire… Il définit donc une simple forme topographique, conjuguée à une certaine nature du sol, mais ne renvoie pas à une région déterminée. Ces espaces caussenards n’ont donc pas constitué, pendant la majeure part de leur histoire, un socle pour l’émergence d’une identité commune : jusqu’au XIXe siècle, ils sont immergés dans les vieilles provinces, Languedoc, Gévaudan et Rouergue, puis dans les départements qui leur ont succédé. Leurs caractéristiques mêmes ont longtemps révulsé les visiteurs, qui parlent à leur propos de « contrées épouvantables », de « spectacle lugubre », de « désert stérile »… C’est dans la seconde moitié du XIXe siècle que ce terme, écrit désormais avec une majuscule - les Causses -, va servir à identifier un lieu déterminé, souvent doté d’un qualificatif destiné à mieux le circonscrire : Causses majeurs, précise le père de la spéléologie Edouard-Alfred Martel ; Grands Causses, nuance au début du XXe siècle le grand géographe montpelliérain Paul Marres. Cette singularisation s’est opérée par la grâce d’une révélation, largement liée au regard extérieur qui s’est alors posé sur eux… Tout change en effet au travers des mutations des sensibilités esthétiques face au paysage qui émergent dès la fin du XVIIIe et s’affirment avec force dans la deuxième moitié du XIXe siècle avec le développement du tourisme. C’est Martel qui, par son activité inlassable, d’abord sous terre, mais aussi en surface, a véritablement « inventé » les Causses à travers ses articles et ses ouvrages. L’image des Gorges du Tarn et des merveilles souterraines caussenardes commence à s’imposer sur le plan national, voire européen, sous le signe du grandiose et du sublime. Sainte-Énimie dans les Gorges du Tarn (DR) Les Causses ont toujours entretenu des liens étroits avec le bas-pays languedocien et, au-delà, avec la Méditerranée. Depuis l’Antiquité, les Grands Causses semblent intégrés dans des flux de direction essentiellement nord-sud, orientés vers le bas-pays. Mouvements de transhumance, échanges, migration des hommes vers la plaine, saisonnières puis définitives… Politique spatiale Toute la constitution du réseau routier, depuis les drailles immémoriales et les voies romaines jusqu’à l’autoroute A 75, en passant par les routes royales puis nationales, a obéi à cette direction principale. Le réseau ferré s’est lui aussi inscrit dans cette logique, avec l’axe Béziers-Paris. Le chemin de fer va en outre individualiser le comportement migratoire du Caussenard : alors que les originaires du nord de la Lozère et de l’Aveyron migrent désormais vers Paris, il continue à « descendre » vers le Midi. L’exode définitif, en vidant les Causses au profit du Bas Pays, a renforcé leur orientation vers le Languedoc méditerranéen, établissant entre les deux zones de nombreux liens familiaux, ponctués souvent de retours estivaux. Mais les Causses, malgré leur remarquable homogénéité paysagère, qui s’impose au regard et la forte valeur esthétique qui y est attachée, restent des espaces écartelés, entre départements, mais surtout entre deux régions : Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées… Trouver des solutions à ce morcellement, sans doute nuisible à la promotion d’un tourisme maîtrisé, pourrait être un objectif premier de politiques spatiales à venir, soucieuses de respecter le sens, tout à la fois naturel et humain, des territoires (d’où l’importance que revêtirait le classement de l’ensemble Causses et Cévennes, sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO…). PATRIMOINES EN RÉGION / 10 / PRINTEMPS 2010 19 Aude Piet Moget, peintre luministe L’artiste dans son cabanon des Montilles © René Lechon « Je cherche l’insaisissable... » «V enez, le temps est gris, ce sera mieux pour vous parler de ma peinture ! » Drôle d’invitation de la part d’un peintre : c’est celle que m’adresse Piet Moget en cette fin d’hiver à la météo agitée. À Port-la-Nouvelle, dans l’Aude, je le retrouve dans son cabanon des Montilles, grand ouvert sur les étangs et la mer. Il capte la lumière, ici, dans cette nature méditerranéenne qu’il a adoptée voilà plus de cinquante ans. Ou sur les quais où il installe son camion : le canal, la digue, la mer, l’espace sont ses motifs de prédilection. De façon générale, il peint sur le motif, ne peut pas travailler en chambre. Il s’est un moment amusé à changer d’horizon, adoptant celui des réservoirs de gaz, ces boules d’acier qui évoquent la frénésie de l’homme moderne et cette révolution industrielle qu’un artiste ne peut ignorer : « les sphères mangent la lumière au sommet et gardent l’ombre à la base »… Il s’en est éloigné après l’accident d’un ouvrier qu’il avait connu et qui est mort asphyxié en glissant dans le réservoir lors d’un nettoyage de la cuve. Au service de l’art contemporain Mais qu’est donc venu faire dans le Sud de la France ce Hollandais, admirateur de Geer Van Velde ? « Pourquoi ici, parce c’est plat, et aussi pour la lumière », dit-il. Plat comme dans son pays du Nord, mais avec une autre lumière, quand même… Il se dit dans le sillage d’un de ses concitoyens luministes (1), Piet Mondrian. Le matin, quand il ouvre sa fenêtre, c’est le premier choc, il sait « si la lumière sera bonne ou pas ». Aujourd’hui, Piet Moget apprécie le travail d’un Claude Lévêque, d’un Viallat ou encore d’un Fred Sandbach, exposé au Lac (2), lieu d’art contemporain, à Sigean. Car le peintre est aussi expert, on le consulte toujours. Il est surtout le véritable architecte d’une présence de l’art contemporain en région : il collabore également à la création de pôles d’art contemporain à Sérignan, à Béziers (exposition de Jacques Villon, Joan Miro), au Château de Jau, au Musée Fabre de Montpellier, au Musée Rigaud de Perpignan. À 82 ans, l’artiste rencontre souvent de jeunes peintres : il tente de les décourager de devenir « ces fabricants d’art qui donnent dans l’esthétisme, cherchant à séduire ». Lui se bat quotidiennement, là, tout seul, devant son chevalet : « Je cherche quelque chose que je ne peux pas saisir, mais c’est long : puis ça vient, ça finit par vous échapper, alors c’est bon, vous y êtes ! Pour l’esquisse, ça va très bien, mais ça ne suffit pas, la suite est plus dure. » (1) (2) Le luminisme se revendique d’un néo-impressionnisme - certains le disent plus proche du fauvisme - consacrant une grande attention aux effets de lumière et utilisant une grande gamme de couleurs. Lieu d’art contemporain, Hameau du Lac à Sigean. Tél. : 04 68 48 83 62. Page de droite : Huile sur toile © David Huguenin Dans des gammes chromatiques différentes, il se laisse parfois tenter par des couleurs à l’énergie chaleureuse. 20 PATRIMOINES EN RÉGION / 10 / PRINTEMPS 2010 PATRIMOINES EN RÉGION / 10 / PRINTEMPS 2010 21 Zoom Gard Dans la héronnière du Scamandre © SMCG - Simon Baudouin Exploration du marais au Centre du Scamandre © SMCG Le syndicat mixte pour la gestion et la protection de la Camargue gardoise Éduquer les petits… et les grands L e syndicat mixte, établissement public, a été créé en 1993 autour d’une charte d’environnement. Il associe le Conseil général du Gard aux huit communes de la Camargue gardoise. Dans ce numéro, nous nous attardons particulièrement sur l’un des cinq objectifs qu’il s’est donné, celui de l’éducation à l’environnement (1). « Dans le marais, nous allons prélever, à l’aide d’épuisettes, des insectes aquatiques avant de les identifier. Après exploration, les petites bêtes seront relâchées.» C’est ce type d’invitation qu’adressent aux scolaires les services du centre de découverte du Scamandre, créé par le syndicat, à Gallician (Gard). Dès 1995, le site ouvre ses portes aux scolaires, vocation pédagogique et scientifique oblige. Une éducation à l’environnement de la maternelle au lycée. Deux mille cinq cents enfants sont désormais accueillis chaque année, au printemps et à l’automne, avec une attention 22 PATRIMOINES EN RÉGION / 10 / PRINTEMPS 2010 Le sentier du Butor © SMCG particulière pour le public des huit communes composant la Camargue gardoise. Peu à peu, le site est aménagé pour accueillir aussi le grand public grâce à un parcours en platelage, prolongé encore tout récemment. L’innovation rencontre un vrai succès : douze mille personnes viennent ici, au printemps. « Préserver sans ouvrir pour faire connaître, c’est inimaginable » explique Serge Colombaud, responsable de l’accueil. Les hommes du territoire Récemment, une manifestation a convié chasseurs, ornithologues, Camarguais et néo-Camarguais pour une journée scandée de contes et légendes sans oublier l’énoncé d’une recette de gibier de Gallician : « Un vrai brassage en toute convivialité, se souvient Serge Colombaud, animateur ce jour-là, avec une réelle volonté d’associer à ce patrimoine les habitants des huit communes de la Camargue gardoise et pour fil conducteur des messages, la nécessité de bien mettre en exergue la place de l’homme dans cet environnement, l’éveil à une responsabilité à travers les récoltes et gestes traditionnels. » Ainsi, un week-end de pêche intitulé, avec poésie, « retour au pays des étanguilles » a-t-il rassemblé poètes, écrivains avec l’intervention d’un pêcheur et… une dégustation d’anguilles ! De même, dans la semaine dédiée aux zones humides, « la charrette du sagneur » (le cueilleur de roseaux) tirée par un cheval de travail, a emmené des visiteurs, assis sur des bot- tes de paille, à travers la réserve. Les commentaires étaient ceux du charretier, spécialiste de la traction animale. Les élus aussi Les élus ne sont pas en reste et viennent à leur tour, s’éduquer à l’environnement... Au syndicat mixte, le Conseil général du Gard décentralise parfois ses réunions. Il a accompagné à une autre occasion une délégation roumaine. Des formations, en direction des élus toujours, ont eu lieu ici, à plusieurs reprises : un cursus dynamique sur les zones humides, en lien avec le CNFPT (Centre National de la Fonction Publique Territoriale), la visite de formateurs du Greta ou encore de différentes chambres d’agriculture du département. « Notre président délégué lui-même, Jean Denat, reprend Serge Colombaud, est parfois mis à contribution pour expliquer à des stagiaires comment s’adresser précisément… à une collectivité pour lui raconter l’environnement.» (1) Les quatre autres objectifs : la maîtrise de l’espace, la mise en valeur du patrimoine naturel et culturel, l’amélioration de la gestion de l’eau et la promotion d’une économie favorisant un développement durable. Un site : www.camarguegardoise.com Visiter le Centre du Scamandre : Route des Iscles à Gallician, 30600 Vauvert Tél. : 04 66 73 52 05 PATRIMOINES EN RÉGION / 10 / PRINTEMPS 2010 23 Lire, regarder & écouter Jardins d’exception en Languedoc-Roussillon, Caroline Lemaître, Le Papillon Rouge Éditeur, 25 €. Le Languedoc-Roussillon abrite de nombreux jardins qui offrent une vraie diversité (potagers médiévaux, jardins exotiques ou méditerranéens, arboretum…). Cet ouvrage nous promène dans les allées de cinquante jardins régionaux, où se succèdent figures incontournables (Jardin des Plantes de Montpellier, Jardins de la Fontaine à Nîmes, Bambouseraie d’Anduze) et jardins plus atypiques ou confidentiels (Cactuseraie d’Escaïrefigue, Jardins du Redounel, Jardin de la Noria). Certains sites allient avec bonheur découvertes botaniques et patrimoine bâti, comme par exemple l’Abbaye de Valmagne avec son jardin médiéval ou encore le château de Flaugergues avec son jardin « à la française », ses vignes et son parc paysager… De quoi papillonner joyeusement tout au long du printemps et de l’été. www.papillon-rouge.com Éleveurs des Causses Méridionaux, regards sur une profession et témoignages de vie, Pascal Biston, Études & Communication Éditions, 19,50€. D’abord un regard sur la profession, celui de Pascal Biston qui, saison après saison, a suivi et photographié les éleveurs caussenards. Des témoignages de vie ensuite, ceux de ces hommes et ces femmes qui disent leur attachement aux Causses et leur passion pour le métier. Voilà le contenu de ce bel ouvrage qui embrasse le Larzac méridional, les Causses de Campestre, de Blandas, Bégon et Noir. Loin des clichés sur le monde rural, il nous révèle la relation homme-animal-territoire et les réalités économiques d’aujourd’hui. Réalisé en partenariat avec le CPIE des Causses Méridionaux, les conseils généraux de l’Hérault et du Gard et la Direction Régionale des Affaires Culturelles du Languedoc-Roussillon. http://lesziconofages.free.fr Le Centre Permanent de la Photographie de Fournels (48) expose les photos de cet ouvrage du 28 août au 2 octobre 2010 (www.fournels.fr). Causses et Cévennes, la revue du Club cévenol Cette revue trimestrielle régionale de documentation et de recherches historiques, géographiques et économiques, concerne les régions caussenarde et cévenole. Elle est disponible par abonnement et dans 24 PATRIMOINES EN RÉGION / 10 / PRINTEMPS 2010 quelques points de vente. Déjà paru : numéro spécial sur la candidature des Causses et Cévennes au Patrimoine mondial de l’UNESCO (février 2010). À paraître : numéro botanique « La flore sur les Causses et en Cévennes » (août 2010). www.club-cevenol.org Pour commander les anciens numéros : M. Christian Rebotier - La Perrière Nouvelle, 30270 St-Jean du Gard - Tél. : 04 66 85 17 01 [email protected] Châteaux Médiévaux en Cévennes Isabelle Darnas, ASFP Éditions, 30 €. Forte du succès des ses éditions précédentes (Itinéraire roman en Cévennes et Circuit roman cévenol), l’association des Amis de Saint-Flour du Pompidou publie ce nouvel ouvrage consacré à vingt et un châteaux médiévaux situés dans les hautes vallées des Gardons. L’auteure, docteur en histoire et archéologie médiévale, confère à l’ouvrage une approche érudite, basée sur des recherches historiques et une démarche avant tout scientifique. Un descriptif fouillé est proposé pour chaque site, des proto-châteaux (autour de l’an mil) aux châteaux résidentiels et maisons fortes (XIVe-XVIe siècles), en passant par les châteaux féodaux (XIe-XIIIe siècles). Tous les châteaux présentés étant des propriétés privées, le légendage permet de distinguer les sites ouverts de ceux fermés au public. Pour accompagner agréablement la lecture, le livre comprend un CD d’œuvres de Jean-Sébastien Bach, interprétées par le violoniste Frédéric Pélassy (enregistrement réalisé dans l’ancienne église de Saint-Flour du Pompidou). www.saintflourdupompidou.fr La Fille du fil. La soie, une histoire de femmes cévenoles Karine Bergami, Nouvelles Presses du Languedoc, 19,50 €. À travers le témoignage d’une fileuse, ce livre nous conte le quotidien d’une profession à la fois pénible et fascinante. Des témoignages d’époque (coupures de presse, extraits de publicités des filatures, chants et poésies) se mêlent au style poétique de l’auteure. Les photographies d’Aurore Le Maître valorisent ce qu’il reste des magnaneries et filatures des Cévennes. www.npl-editeur.fr Focus La sélection de François Icher, chargé de mission patrimoine et mémoire, Rectorat de l’Académie de Montpellier Le Patrimoine mondial de l’Unesco coédition Ouest-France/UNESCO, 35 €. Ce volumineux ouvrage de 832 pages se veut « le guide complet des lieux les plus extraordinaires ». Le lecteur appréciera en effet cet inventaire des 878 sites culturels ou naturels ayant une valeur exceptionnelle pour l’humanité, en vue de leur protection et de leur préservation. Ce livre présente l’intégralité de ces sites avec, pour chacun, les critères précis d’inscription et une carte de localisation. Entre la Cité de Carcassonne et le Canal du Midi, on s’attardera naturellement sur les fiches relatives à notre « Patrimoine en région ». Un regret toutefois : une iconographie qui, parfois, date de plusieurs années. Vraiment dommage pour cet ouvrage au demeurant fort utile. Splendeurs et Éternités des civilisations de Méditerranée, Égypte, Étrurie, Grèce, Rome, Laurent Deguara, Société archéologique de Montpellier, 30 €. Ce livre accompagne l’exposition du même titre présentée au Musée Languedocien jusqu’au 5 décembre 2010 (7 rue Jacques Cœur à Montpellier). En 304 pages illustrées par près de 500 photographies, cartes et croquis, ce catalogue est l’outil indispensable pour prolonger et approfondir ce voyage à travers quatre civilisations qui ont rayonné autour de la Méditerranée dans l’Antiquité. Et aussi... Les Marbres de l’Aude et de l’Hérault, Dossier Marbres 2, Arts et traditions rurales (édition 2009). L’ouvrage reprend les actes de la Journée Marbre de Cessenon (9 avril 2005) et d’Aspiran (12 décembre 2009). Disponible en édition papier (45 €) ou en CD-Rom (20 €). www.artstraditionsrurales.fr L’arrivée des Pieds-Noirs en Roussillon en 1962, Philippe Bouba, Éditions Trabucaire, 15€. L’auteur retrace, à la lecture de la presse locale, l’ampleur du phénomène et le recontextualise grâce à des témoignages. Il évoque l’accueil, les associations humanitaires et la naissance du concept de « Pieds-Noirs ». Les caves coopératives Un patrimoine régional souvent méconnu Michel WIENIN Service du Patrimoine Régional Conseil régional du Languedoc-Roussillon C © M. Kérignard, Région Languedoc-Roussillon Inventaire général, 2009 L’architecture de prestige de la Coopérative de Gignac (Hérault) inq cent quatre vingt deux ! Le Service du Patrimoine Régional a recensé cinq cent quatre vingt deux caves du Rhône aux Pyrénées, produisant une grande variété de vins, du « gros rouge » au mousseux (Blanquette de Limoux) en passant par les A.O.C. et les vins doux naturels (grenache, muscat…) dont le Languedoc-Roussillon est le premier producteur national. La « coopé », c’est ce bâtiment majestueux qui trône à la périphérie de la plupart de nos villages. Les caves sont nées au début du XXe siècle, époque de crises viticoles qui culminent avec la révolte de 1907, mais aussi de la création de nombreuses structures de solidarité (syndicats, coopératives, caisses de secours…). Témoins d’une région demeurée fondamentalement rurale mais aussi tournée vers la modernité technique et sociale, leur diversité se manifeste dans leur architecture. Les caves de Mudaison et des Vignerons Libres de Maraussan (Hérault), réalisées en 1905, ont été les plus anciennes caves coopératives françaises. L’étude réalisée a montré que ces bâtiments fonctionnels, généralement construits entre 1905 et 1965, présentent une riche variété de formes et que la recherche architecturale y côtoie souvent l’innovation technologique. Cette diversité s’exprime par l’organisation générale et la façade principale. La cave est une usine avec sa salle des machines autour de laquelle les cuves peuvent former un fer à cheval, souvent sur deux niveaux, ou, au contraire, s’aligner en rangées accolées vers l’arrière ou sur les côtés. Avant 1914, les caves reprennent l’architecture IIIe République des chais privés : arcs en briques et chaînages harpés dès les premières caves de P. Paul. Les bâtiments suivants sont de type industriel, complétés à partir de 1930 par un avant-corps qui abrite la réception et bénéficie d’un traitement architectural soigné. Les techniques modernes de construction se généralisent vers 1937 avec l’emploi du béton armé pour les murs et la charpente. Les influences régionalistes, liées au développement des appellations de terroir, deviennent importantes : décrochement des volumes, toit à faible pente en tuile creuse ou grand porche de réception puis murs en pierre de pays. De nos jours, la consommation de vin diminue et de nombreuses caves sont fermées ou détruites. Il est temps de se pencher sur un patrimoine récent toujours fortement inscrit dans l’identité et les paysages du Languedoc-Roussillon. Pour en savoir plus Caves Coopératives en LanguedocRoussillon, ouvrage collectif du Service Patrimoine Régional du Conseil Régional du Languedoc-Roussillon (textes de G. Gavignaud-Fontaine, J.-L. Vayssettes, J.-M. Sauget, M. Wienin, S. Normand, L. Rodriguez, J.-M. Touzard, photographies de M. Kérignard, cartographie de V. MarzoMarill), éditions Lieux Dits, Lyon, février 2010, format 24 x 29 cm, 256 pages, 316 illustrations, 45 €. PATRIMOINES EN RÉGION / 10 / PRINTEMPS 2010 25 Vie du Carrefour des Patrimoines L’Agenda du patrimoine 2010 Le compte rendu complet de la Journée est consultable sur le site de GRAINE LR : www.grainelr.org / GRATUIT / ÉTÉ 2009 été nature et culture en Languedoc-Roussillon Le 4 mars dernier, à la Maison des Jeunes et de la Culture de Gruissan (Aude), plus de quarante personnes étaient réunies pour partager savoirs et savoir-faire autour du thème « Du patrimoine aux projets éducatifs ». Venus de toute la région (de Collioure à Florac), travaillant pour certains dans des centres de loisirs, pour d’autres dans des structures d’éducation à l’environnement, tous étaient là dans une volonté d’échange et de mutualisation. L’enjeu était de travailler à partir de problèmes rencontrés par la MJC dans le cadre de certaines de ses activités. Les participants ont passé la matinée sur les lieux d’animation de la MJC et se sont retrouvés en atelier l’après-midi. L’atelier « jardin » s’est penché sur les difficultés liées au nombre élevé d’enfants participant à cette activité et leur venue irrégulière ainsi que sur la nécessité de maintenir l’activité de façon pérenne. L’atelier « rénovation de bétous » s’est concentré sur les difficultés liées à la participation irrégulière des jeunes, à l’imposibilité de mettre à l’eau les bétous une fois réparés pour des raisons de sécurité. Un troisième atelier avait pour thème « Construire des projets éducatifs de territoire dans un cadre de partenariat ». La MJC nous a présenté le cadre de ses partenariats, permettant aux participants de réagir et d’échanger leurs expériences et questionnements, souvent liés aux finances… L’Agenda du patrimoine / Un Pour échanger et mutualiser ÉTÉ 2009 Journée de rencontre 350 événements au jour le jour vivant // concerts et spectacle Balades et visites // traditions // expositions... fêtes, gastronomie et Toute l’équipe de rédaction travaille à la réalisation de L’Agenda du patrimoine 2010 qui sortira au mois de juin. Comme l’an passé, vous pourrez retrouver les événements « patrimoine » de l’été en Languedoc-Roussillon : balades, visites et jardins, concerts et spectacle vivant, fêtes, gastronomie et traditions, expositions… L’Agenda du patrimoine sera disponible gratuitement dans les offices de tourisme de la région et dans certains sites patrimoniaux. Pour en recevoir un exemplaire à domicile, il vous suffit de vous abonner à Patrimoines en région ! Voir bulletin d’abonnement au centre de la revue. Contact : Le Passe Muraille, 04 67 06 96 04 sur le site du Carrefour des Patrimoines ? Quoi de neuf Nous accueillons deux nouveaux inscrits : Association de l’Etangdart (Bages, 11) Dédiée à la médiation culturelle en art contemporain, cette structure a créé un lieu d’exposition sur la commune de Bages, une maison d’édition et une artothèque à disposition des collectivités, des entreprises et du grand public. Elle organise des manifestations culturelles et développe un programme pédagogique en direction des scolaires (découverte des patrimoines à travers le dessin et le land art). Le Parc du Cosmos (Les Angles, 30) Implanté depuis plus de 25 ans aux portes d’Avignon sur trois hectares de garrigue, le Parc du Cosmos propose de nombreuses activités autour de l’astronomie, dont une visite guidée du circuit « Découvertes astro », un planétarium numérique et des ateliers pédagogiques thématiques pour les enfants. Aujourd’hui, 285 structures régionales sont présentées sur le site du Carrefour. Si vous souhaitez référencer gratuitement votre association, rendez-vous sur le site www.carrefour-des-patrimoines.net (inscription en ligne). Contact : CEMEA, Ariane Sirota et Elisabeth Le Bris Tél. : 04 67 93 72 07 [email protected] ; [email protected] (DR) 26 Centre d’Interprétation de l’Architecture et du Patrimoine Pézenas Val Hérault d’ Printemps 2010 Escapades du terroir 17 et 22 avril Sentiers de randonnées Visites guidées thématiques Exposition permanente 9,16,23 avril - 22 mai - 12,19, 25 juin Visites audio-guidées Jeu de piste familial Pézenas Entrée libre www.ciap-pezenas.com Hôtel de Peyrat - Place des Etats du Languedoc 34120 PEZENAS - 04 67 98 36 40 28 avril Molière SCENOVISION Renseignements et réservations Office de Tourisme Pézenas Val d’Hérault Place des Etats du Languedoc - 34120 PEZENAS - Tél : 04 67 98 36 40 www.pezenas-tourisme.fr PATRIMOINES EN RÉGION / 10 / PRINTEMPS 2010 27 Sortez au Vous avez découvert en septembre 2009 « la collection d’hiver » du domaine d’O. Avec le printemps 2010, le domaine d’O vous présente ses festivals, de mai à septembre. Vous êtes chanceux, toutes les cultures vous attendent, choisissez ce qui vous plait… Saperlipopette, voilà enfantillages ! Festival jeune public Du 8 au 30 mai Printemps des comédiens La route tsigane Du 3 au 27 juin Arabesques Rencontres des arts du monde arabe 21, 22, 23 mai Folies d’O opérette et comédie musicale sous les étoiles La vie parisienne 7, 9, 10 juillet Nuits d’O cinéma et musique en plein air Du 19 au 28 août Domaine d’O — 178 rue de la Carrièrasse — 34 090 Montpellier — herault.fr — domaine-do-34.eu 28