Le nombre de musulmans en France : Qu`en sait-on
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Le nombre de musulmans en France : Qu`en sait-on
Le nombre de musulmans en France : Qu’en sait-on ? La France, dit-on, se refuse à recueillir des informations sur les affiliations religieuses. Si c’était vrai, ce serait un handicap insurmontable à la connaissance des affiliations et pratiques religieuses. Or, ce n’est pas vrai et, malheureusement, dans ce pays, n’avoir aucun dispositif de collecte ne paraît jamais un obstacle insurmontable. S’il est exact que le recensement de population, tant qu’il est obligatoire, ne permet pas le recueil d’informations sur la religion, toute enquête non obligatoire peut le faire. Et si, jusqu’à présent et depuis 1872, date du dernier recensement dans lequel la religion était encore mentionnée, la statistique publique a répugné à ce type de questionnement ce n’est pas parce qu’elle ne peut pas mais parce qu’elle ne veut pas. Les instituts de sondage privés n’ont pas eu autant de « principes » et n’ont pas hésité à traiter des questions religieuses, surtout depuis que l’islam a pris quelque importance dans les esprits. La loi Informatique et Liberté n’interdit pas le recueil d’informations susceptibles de mettre en évidence les opinions politiques, affiliations religieuses ou appartenances ethniques, pourvu que l’enquêteur reçoive l’accord exprès de l’enquêté (art. 31). La répugnance à traiter ce type de questions reste importante puisque l’INSEE vient de conduire avec l’INED une enquête sur la formation des identités qui fait l’impasse sur les affiliations religieuses ou politiques ! Ces réticences sont un gros handicap à la connaissance de l’importance des communautés religieuses et de leur évolution. S’agissant de l’islam, cette difficulté ne peut être surmontée actuellement parce que les pouvoirs publics, les médias... ont l’impression de savoir. Les chiffres « à la mode » ont fini par faire consensus. L’Etat n’est pas incité à dépenser de l’argent pour obtenir une information qu’il croît détenir et qui ne fait guère l’objet de contestation. Et la collecte coûte extrêmement cher. Islam : pas de méthode mais un consensus Aujourd’hui, Le chiffre de cinq millions a la préférence des pouvoirs publics. On ne citera pas la litanie des déclarations publiques de M. Sarkozy dans lesquelles il accrédite ce chiffre. Mais les médias et les sociologues de l’islam ne l’ont pas attendu. De temps en temps, l’un d’entre eux est soudain saisi d’un scrupule et rétrograde à « 4 ou 5 millions ». Il faut reconnaître que le chiffre de cinq millions lui-même apparaît comme un retour à la raison par rapport aux six millions qui ont eu une courte gloire en 2000-20011. Quelle est la source statistique qui autorise une telle assurance ? Quelles évolutions justifient de telles fluctuations ? Nous n’en savons rien. Personne ne s’oblige à « sourcer » les chiffres cités. Le seul qui, à l’origine, ait vraiment fait quelque effort pour appuyer son estimation sur un début de réalité, c’est Alain Boyer2 qui, en 1998, en estimait le nombre à 4,16 millions. Quelle était la méthode ? Il se fondait sur les pays d’origine en estimant « au doigt mouillé » le nombre de Français et y ajoutait, c’était un exploit, un nombre de demandeurs d’asile et clandestins musulmans mais aussi quelques dizaines de milliers de convertis. Depuis, certains n’ont pas hésité à donner un coup de pouce à ce chiffre. C’est ainsi 1 Il n’empêche, c’est encore ce chiffre qui est repris dans un récent article du Washington Post. « For Jews in France, a “Kind of Intifada” » , Glenn Frankel, July, 16, 2003. Ce chiffre a séduit par son côté un peu « magique » - soixante millions de Français, dont six millions de musulmans et 600 000 juifs - les trois chiffres étant liés par un diviseur commun, le chiffre 10 ! 2 Alain Boyer, L’islam en France, PUF, 1998. 1 que, lassé des 4 millions, Franck Frégosi, au bout de quelques années a choisi le chiffre 53. Par ailleurs, comment expliquer qu’il y ait cinq millions de musulmans et « six millions de Maghrébins », téléspectateurs de BeurTV4 ? Quelle est la définition du musulman sous-jacente à ce type d’ « estimation » ? Bien qu’aucune explication ne soit jamais fournie sur ce que recouvre l’expression « cinq millions de musulmans », on voit bien qu’elle repose sur une naturalisation du fait religieux. On naît musulman et on meurt de même. Curieuse définition dans un pays où la liberté individuelle est sacralisée et où tout semble permis, au nom des droits de l’homme, pourvu que ce soit l’individu qui décide. Ces choix méthodologiques sont d’autant plus critiquables qu’ils émanent de personnes qui, souvent, usent et abusent du reproche d’essentialisation ou d’ethnicisation. Le Monde, notamment, qui n’hésite pas à jeter l’anathème sur d’autres alors que lui-même « claironne », à longueur de colonnes, le message ministériel sur les cinq millions de musulmans. Par exemple, Emmanuel Brenner commettrait le péché d’ethnicisation lorsqu’il dénonce les attitudes, propos et actes antisémites de certains élèves d’origine maghrébine dans nos écoles5. Pour Luc Bronner et Xavier Ternisien, l’auteur prendrait le prétexte de « prêcher la bonne parole républicaine » pour ethniciser les conflits. Ces deux auteurs ont même le front de faire, sous la garde républicaine de Michel Wieviorka, la leçon à Emmanuel Brenner : « on assigne aux élèves concernés une identité de “ jeunes maghrébins-musulmans ”, on les enferme dans une catégorie ethno-religieuse qui n’a plus rien à voir avec la vision républicaine ».6 Avec leurs cinq millions de musulmans, Le Monde, et d’autres, adoptent une conception islamique de la religion généralement peu soucieuse de liberté de conscience et du droit à changer de religion. Il suffit, pour s’en convaincre, de reprendre les paroles de Tareq Obrou, imam de Bordeaux qui a les faveurs du Monde7 et président de l’association des imams de France. Dans un livre d’entretiens avec Leila Babès, il explique ce qu’il faut entendre par – « Pas de contrainte en religion »- verset dont on nous rebat les oreilles pour nous démontrer que l’islam respecte le choix individuel. D’après les circonstances dans lesquelles ce verset a été révélé, il ne concernerait que la conversion à l’islam. Une fois qu’on a adopté l’islam, on serait obligé de s’y tenir : « l’islam n’impose pas la foi et l’homme reste libre de croire ou de ne pas croire. Mais une fois qu’on a adhéré à la foi musulmane, qu’on accepte la Révélation et le dogme, il y a inévitablement des conséquences comportementales. […] Quitter sa religion est clairement interdit par le Coran. »8 En plus, d’après Tareq Obrou, peu de choses suffisent pour se dire musulman : « le minimum de religiosité musulmane requis est d’avoir une foi : une croyance même vague, sans être informé des détails et même si on “ ne pratique rien ” de l’islam.[…] Tant qu’il a du bien dans son for intérieur, le musulman est nécessairement pratiquant.»9 Ce n’est pas un hasard si la mention du droit à changer de religion, dans la charte donnée à signer aux parties prenantes de la Consultation mise en place par Jean-Pierre Chevénement en 1999 pour créer une instance représentative de 3 Franck Frégosi a justifié ce bond devant le HCI en 2000 d’une manière peu orthodoxe : « Ca fait longtemps qu’on dit quatre ». Dans un rapport récent du FASILD sur la question, Fanck Frégosi, soudain saisi par le doute, évaluait à “ 3 à 4 millions ” le nombre de musulmans. Cf. rapport du groupe de travail « Islam et intégration », FASILD, 2002. 4 Le Monde, 5 avril 2003 5 Les territoires perdus de la République, Emmanuel Brenner (dir), Mille et une nuits, 2002. 6 Le Monde, 12 avril 7 « Jours tranquilles à la mosquée de Bordeaux », 4 décembre 2002. 8 Ce que confirme Anne-Marie Delcambre, docteur d’Etat en droit et en civilisation islamique : « le “point de contrainte en religion” ne les concerne pas ; il s’agit du respect des autres religions monothéistes. » L’islam des interdits, Desclée de Brouwer, 2003. 9 Leila Babès, Tareq Obrou, Loi d’Allah, loi des hommes. Liberté, égalité et femmes en islam, Albin Michel, 2002. 2 l’islam, a suscité une vive réaction de la part de l’Union des organisations islamiques de France (UOIF) qui en a obtenu le retrait10. En fait, deux domaines restent fortement investis par la charia, celui de la famille et de l’apostasie qui, tous deux, touchent à la transmission et au maintien de la communauté. La famille parce qu’elle forme le cœur de la transmission des traditions islamiques et l’apostasie qui interdit de quitter le groupe. On retrouve aujourd’hui ces deux questions dans les avis juridiques européens, avec premièrement une mobilisation sur la question du statut personnel et deuxièmement une réaffirmation de la sanction d’apostasie, dont l’exécution est cependant reconnue impossible en Europe, faute d’un gouvernement islamique pour prononcer et exécuter la sanction11. On ne voit pas pourquoi la statistique devrait conforter ce genre de représentations. Quid des enquêtes « représentatives » des musulmans menées par les instituts de sondage privés Si les instituts de sondage privés n’ont pas été aussi timorés que la statistique publique, ils ne peuvent faire des miracles. Le B. A. BA de la technique d’enquête est qu’on ne peut représenter une population inconnue. Dans les enquêtes par quotas, les instituts cherchent à caler leurs échantillons sur des caractéristiques connues par ailleurs, généralement fournies par l’INSEE : sexe, catégorie socio-professionnelle, type d’agglomération etc. Mais comme l’INSEE ne sait rien des musulmans, il ne peut fournir aucune indication valide pour construire des quotas pertinents. Toutes ces enquêtes, qui font les premières pages des hebdomadaires ou des quotidiens, n’ont donc de représentatif que le nom. On ne peut pas non plus, de ce fait, à quelques années de distance, interpréter les différences entre deux enquêtes en termes d’évolution, comme on le fait régulièrement dans la presse française. Les échantillons n’étant maîtrisés à aucun moment, ne peuvent être comparables que par « la grâce de Dieu », qui n’est pas un argument statistique. Par ailleurs, lors des enquêtes par quotas sur des populations rares, les enquêteurs sont toujours tentés de se porter sur des lieux connus pour leur forte concentration au détriment des autres lieux, ce qui n’est pas sans effet sur les affiliations et les pratiques : Le meilleur moyen pour trouver des musulmans c’est encore d’aller dans des quartiers où ils sont nombreux à résider. Enfin, lors d’enquêtes généralistes, les échantillons sont souvent trop petits pour qu’on puisse en tirer grand-chose. Le Monde du 17 avril a publié les résultats d’un sondage réalisé par le CSA. Xavier Ternisien y écrit que « les personnes se déclarant musulmanes passent de 2% à 6% » de 1994 (date d’une précédente enquête de CSA) à 2003, soit une multiplication par trois en neuf ans. Une telle explosion n’appelle de sa part aucun commentaire. Pourtant les effectifs correspondant à ces 2% et 6% dans la population française « grandeur nature » sont 10 « Le maintien de la mention initiale explicitée et isolée au “ droit à changer de religion ” a été considéré par eux comme inutile et blessant. Cette objection a été jugée fondée. » déclaration d’Alain Billon, conseiller de Jean-Pierre Chevènement, Islam de France, N°8, 2000. Si tel est le cas, pourquoi l’y avoir mise initialement ? 11 Le Conseil européen de la fatwa et de la recherche recommande ainsi aux musulmans d’Europe « d’œuvrer inlassablement en vue d’obtenir des pays dans lesquels ils résident la reconnaissance de l’islam en tant que religion, ainsi que l’exercice – pour les musulmans en tant que minorité religieuse à l’instar des autres minorités religieuses – de tous leurs droits relatifs à l’organisation de leur statut personnel en matière de mariage, de divorce et d’héritage. » Il justifie ainsi la condamnation à mort pour celui qui « affiche son apostasie » : « Sa mort vise en fait à protéger la religion et la société [il faut entendre communauté] de ses méfaits. […] Les intérêts de l’Etat et de la société [communauté] prévalent sur l’intérêt individuel personnel. Cette question est en vérité similaire à ce que les lois modernes qualifient de “ haute trahison ”, à la suite des préjudices qui en découlent pour l’intérêt général. Recueil de fatwas, Série n°1, Yûsuf Al-Qardâwî, préface et commentaires de Tariq Ramadan, Tawhid, 2002. Le Conseil européen de la fatwa et de la recherche, basé à Londres, a été créé en 1997 à l’initiative de l’UOIE, équivalent européen de notre UOIF, dont Yûsuf Al-Qardâwî est le maître à penser. 3 910 000 et 2,77 millions ? Doit-on en déduire qu’on est passé d’une désaffection des personnes de « culture » musulmane vis-à-vis de la religion à un fol engouement ? Doit-on y voir un accroissement de la population dite musulmane qui défie tout bon sens démographique ? Y a-t-il eu des conversions massives à l’islam ? Concrètement, l’effectif absolu, d’une vingtaine de personnes se déclarant musulmanes en 1994, est de 60 en 2003. Face à l’ampleur apparente de la croissance des adeptes de l’islam, le CSA aurait pu s’interroger sur la variation de qualité, d’une enquête à l’autre. Y a-t-il eu plus de refus sélectifs ? La méthode des quotas est-elle suffisamment fiable pour donner lieu au type d’exploitation qui est pratiqué ? D’après cette enquête, sur un échantillon extrêmement court, il y aurait 9 à 10% d’autres religions que les religions chrétiennes. Une autre enquête de CSA réalisée pour La Croix à Noël 2001, ne s’est, hélas, intéressée qu’aux chrétiens. Mais l’échantillon de 25 000 personnes donnait un pourcentage de 7% d’autres religions. Cette évolution en moins de deux ans a-t-elle quelque réalité ? Si oui, elle mérite quelques explications. Que croire ? CSA pour La Croix en 2001 ou CSA pour Le Monde en 2003 ? Il n’y a donc guère d’échappatoire à la tenue, par la statistique publique, d’une grande enquête aléatoire sur les affiliations et pratiques religieuses. Cela permettrait de sortir des imprécisions et de se dégager de la conception islamique de la statistique qui est pour l’instant la nôtre. On ne peut à la fois affirmer que la religion est un choix personnel, relevant de la sphère privée, et continuer de s’appuyer sur la filiation, pour estimer le nombre de musulmans en France. Mais, même en se fondant sur la filiation pour déterminer les contours d’une population susceptible d’être musulmane du fait de ses origines, il faut avoir les informations nécessaires que nul n’a eu jusqu’à présent. Les contours d’une population susceptible d’être musulmane, d’après la filiation Grâce à l’enquête conjointe au recensement de 1999 sur l’histoire familiale, nous disposons d’informations permettant une estimation de cette population sur trois générations. Pour les 380 000 adultes de 18 ans et plus enquêtés, on connaît le pays de naissance des parents et diverses informations sur leurs propres enfants, mais aussi des caractéristiques rapatriées du recensement. L’estimation des populations susceptibles d’être musulmanes n’est pas simple mais se fonde, pour la première fois sur des informations réelles12. Elle est ellemême le sous-produit d’une étude plus vaste dont les résultats et la méthodologie vont faire l’objet d’une publication prochaine dans la revue de l’INED, Population. D’après le pays d’origine des migrants et la filiation, le nombre de personnes possiblement musulmanes serait de 3,65 millions de personnes13. Ce chiffre ne tient pas compte d’origines très minoritaires ou des convertis dont le nombre est totalement inconnu. Il faudrait donc supposer une sous-estimation de ce chiffre de l’ordre de 10% pour atteindre les 4 millions de musulmans « potentiels ». On est loin des cinq millions régulièrement revendiqués par le ministère de l’Intérieur ou la presse. Ces 3,65 millions se décomposent en 1,7 millions d’immigrés, 1,7 millions d’enfants d’au moins un parent né en France (1ère génération née en France) et un peu moins de 300 000 petits enfants d’immigré(s) (au moins un grand-parent immigré, 2ème génération née en France). Contrairement à ce qu’on s’imagine souvent, la première génération née en France est loin d’être complète : les personnes âgées de 40 ans et plus n’en représentent qu’à peine 5%. Et encore, leur nombre est surévalué du fait de la présence de quelques milliers d’enfants d’Arméniens qu’il a été impossible de sortir de 12 Elle nécessite ainsi, pour les pays du Maghreb notamment, de séparer les descendants d’immigrés des descendants de rapatriés. Ce que nous avons fait, moyennant quelques hypothèses. 13 Incluant quelques juifs de Tunisie et quelques Arméniens, mais surtout descendants d’Arméniens, qu’il n’a pas été possible d’exclure. Par ailleurs, on a supposé qu’un originaire d’Afrique noire sur deux pourrait être musulman par filiation. 4 l’effectif « turc ». La deuxième génération commence à peine et la majorité de ceux qui sont déjà nés n’ont pas encore atteint, en 1999, leur majorité (tableau 1). L’Algérie a été le plus gros contributeur à cette population susceptible d’être musulmane (43%) loin devant le Maroc (28%) et, au total, le Maghreb en regroupe 82%. Le courant migratoire algérien étant le plus ancien, plus de 45% de la première génération née en France et 82% de la deuxième sont d’origine algérienne. Pour les personnes d’origine noire africaine14 ou turque, qui ne forment chacune qu’environ 9 % de la population « potentiellement » musulmane, plus de 80% sont des immigrés. La question musulmane est donc encore largement une question maghrébine et pour longtemps encore. Tableau 1.- Population susceptible d’être musulmane, d’après la filiation, par origine, et N° de génération (en milliers). Contribution de chaque origine à chaque groupe d’âges (%) Maghreb Afrique noire Turquie Algérie Maroc Tunisie % % % % % % Algérie Maroc Tunisie Maghreb Afrique noire Turquie Total Total IMMIGRES Moins de 18 ans 29 36 7 72 21 15 108 26,9 33,3 6,5 66,7 19,4 13,9 18-39 ans 179 215 57 451 101 96 648 27,6 33,2 8,8 69,6 15,6 14,8 40-59 ans 231 213 91 535 65 50 650 35,5 32,8 14,0 82,3 10,0 7,7 60 ans et plus 135 59 47 241 9 13 263 51,3 22,4 17,9 91,6 3,4 4,9 Total 574 523 202 1299 196 174 1669 34,4 31,3 12,1 77,8 11,7 10,4 Moins de 18 ans 311 312 119 742 119 105 966 32,2 32,3 12,3 76,8 12,3 10,9 18-39 ans 418 132 73 623 21 18 662 63,1 19,9 11,0 94,1 3,2 2,7 40-59 ans 47 7 4 58 2 8 68 69,1 10,3 5,9 85,3 2,9 11,8 1ère GENERATION 7 0 1 8 0 8 16 43,8 0,0 6,3 50,0 0,0 50,0 783 451 197 1431 142 139 1712 45,7 26,3 11,5 83,6 8,3 8,1 180 30 17 227 227 79,3 13,2 7,5 100,0 40 1 1 42 42 95,2 2,4 2,4 100,0 220 31 18 269 269 81,8 11,5 6,7 100,0 Moins de 18 ans 520 378 143 1041 140 120 1301 40,0 29,1 11,0 80,0 10,8 9,2 18-39 ans 637 348 131 1116 122 114 1352 47,1 25,7 9,7 82,5 9,0 8,4 40-59 ans 278 220 95 593 67 58 718 38,7 30,6 13,2 82,6 9,3 8,1 60 ans et plus 142 59 48 249 9 21 279 50,9 21,1 17,2 89,2 3,2 7,5 Total 1577 1005 417 2999 338 313 3650 43,2 Source : Estimation INED d'après l'enquête Etude de l'histoire familiale , INSEE, 1999, 27,5 11,4 82,2 9,3 8,6 60 ans et plus Total 2ème GENERATION Moins de 18 ans 18-39 ans 40-59 ans 60 ans et plus Total TOTAL Lorsqu’on dit qu’il y a 3,65 millions de personnes en France susceptibles d’être musulmanes, on y inclut les nourrissons qui auraient bien du mal à se prononcer sur leur religion dans une enquête. Si l’on se limite aux adultes, le nombre de personnes qui pourraient 14 L’enquête n’ayant pas codé le pays de naissance précis, on a supposé que la moitié des Africains noirs venus en France et de leurs descendants étaient susceptibles d’être musulmans. L’autre moitié étant plutôt de tradition chrétienne ou/et animiste. 5 l’être descend à 2,35 millions (tableau 2). Parmi eux, les deux-tiers sont immigrés. A partir de 40 ans, c’est le cas de plus de 90% des adultes. Chez les adultes toujours, la moitié sont encore de nationalité étrangère. Il ne faut donc pas s’étonner que l’islam soit encore largement une question d’importation et que le Maroc et l’Algérie soient fortement impliqués dans les affaires de culte en France puisque 44% des musulmans adultes potentiels sont nés dans ces deux pays15. Par ailleurs, si l’on veut regarder le problème en termes de clientèle électorale, comme ont eu tendance à le faire dernièrement les partis politiques, les Français en âge de voter ne sont, en 1999, pas plus de 1,2 million. Ces électeurs sont à près de 90% d’origine maghrébine, l’Algérie représentant à elle seule plus de la moitié. Ce nombre aura tendance à s’accroître au fil des ans par le passage à l’âge adulte de nombreux jeunes, dans une population encore globalement très jeune. Il faut en effet savoir qu’en 1999, 56% de la première génération née en France et 85% de la deuxième, qui commence à peine, ont encore moins de 18 ans. Tableau 2.- Adultes et étrangers susceptibles d’être musulmans (milliers et %) Maghreb Total Adultes Dont : Immigrés % 1ère génération % 2ème génération % Etrangers Total % Dont adultes % Algérie 1577 Maroc 1004 Tunisie 417 Total 2998 1056 626 273 545 51,6 472 44,7 39 3,7 487 77,7 139 22,1 1 0,2 475 30,1 431 40,8 506 50,4 371 59,3 Afrique noire Turquie Total 339 313 3650 1955 200 193 2348 194 71,2 78 28,6 1 0,2 1226 62,7 688 35,2 41 2,1 176 88,0 24 12,0 0 0,0 159 82,5 34 17,5 0 0,0 1561 66,5 746 31,8 41 1,7 154 36,8 116 42,4 1135 37,9 918 47,0 142 41,8 111 55,7 206 65,7 143 74,0 1483 40,6 1172 49,9 Source : Estimation INED d'après l'enquête Etude de l'histoire familiale , INSEE, 1999, Cette grande jeunesse globale de la population susceptible d’être musulmane tient au caractère relativement récent des flux migratoires qui en sont à l’origine. Elle se traduit par la part variable, au fil des âges, de cette population dans la population française. Globalement un peu supérieure à 6%, la proportion de personnes « potentiellement » musulmanes ne cesse de 15 Voilà comment Hakim El Ghissassi, rédacteur en chef de La Médina et de Islam, rendait compte des tractations qui ont accompagné les derniers moments de la Consultation : « Le 8 octobre, et sur l’initiative de l’ambassadeur du Maroc, les trois ambassadeurs des pays du Maghreb vont se retrouver dans le bureau du ministre de l’intérieur (à noter l’absence de l’ambassadeur de la Tunisie qui se fera représenter) afin de trouver une solution à une question qui n’a, il faut le reconnaître, que trop duré. Après maintes discussions, les chancelleries se mettent d’accord sur la proposition de Dalil Boubakeur comme futur président du CFCM [Conseil français du culte musulman], “ une personne aimée des Français et qui leur inspire confiance ”. les ambassadeurs s’engageront à adopter une neutralité active afin “ d’éviter les extrémistes ”. » Islam, N°4, février 2003. 6 faiblir avec l’âge. Alors qu’une personne sur dix pourrait l’être avant 18 ans, ce n’est plus le cas que d’une personne sur cinquante à partir de 60 ans. Tableau 3.- Proportion de personnes susceptibles d’être musulmanes dans l’ensemble de la population française ‘(%) % Moins de 18 ans 18-39 ans 40-59 ans 60 ans et plus 10,2 7,5 4,7 2,2 Total 6,2 Source : idem Ces chiffres permettent de relativiser des impressions souvent exagérées de l’importance possible des populations musulmanes, favorisées par la diffusion de chiffres reposant sur du vent. Mais la grande jeunesse de ces populations, la composition probable des flux migratoires dans les années qui viennent indiquent aussi que l’islam reste une question d’avenir en France. Cette perspective oblige la statistique publique à développer les outils adéquats de mesure des affiliations et pratiques religieuses. En effet, à une époque ou « l’alerte à l’amalgame » est donnée à tout bout de champ, il faut éviter le premier d’entre eux qui consiste à attribuer d’office une religion à des personnes du fait de leur origine ou de leur filiation car ce serait donner crédit à la vision que cherchent à imposer les militants de l’islam. Ce serait aussi, symboliquement, livrer les musulmans laïques à la tutelle des religieux. Introduire des distinctions est ce dont on a le plus besoin aujourd’hui et la statistique publique peut y contribuer. Il n’est sûrement pas inutile de rappeler que l’enquête Mobilité géographique et insertion sociale de 1992 faisait apparaître que 30% des jeunes âgés de 20-29 ans, dont les deux parents étaient algériens à leur venue en France, se déclaraient sans religion. La proportion montait à 60% lorsque le couple parental était mixte16. Michèle Tribalat 16 M. Tribalat, Faire France, La Découverte, 1995. 7