L`Ecole de Vienne
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L`Ecole de Vienne
André Larquié président Brigitte Marger directeur général Dans les années vingt, tandis que les peintres s’engagent dans la voie de l’abstraction en se libérant du « sujet », les compositeurs qu’on allait rassembler sous le nom de Seconde Ecole de Vienne orientent la musique du XXe siècle vers une conception radicalement neuve, en rejetant les lois de l’attraction tonale. De cette « École », fondatrice s’il en fut, l’enseignement se devait d’être poursuivi auprès des interprètes de demain. C’est tout le sens de la collaboration entre l’Ensemble Intercontemporain et le Conservatoire de Paris pour le programme du 19 octobre, dirigé par Heinrich Schiff : des étudiants en ont préparé les œuvres avec des solistes de l’Ensemble, à l’image de cette transmission qui fut un souci constant de l’École de Vienne. « Mon mérite, écrivait Webern, est d’avoir écrit une musique nouvelle qui, de même qu’elle est issue de la tradition, est destinée à devenir une tradition. » Cette « force de libération capitale, décisive » – selon les termes de Pierre Boulez, qui dirige le concert du 13 octobre – s’est aussi investie dans des réalisations requérant des effectifs nombreux, très rarement réunis du fait de leur diversité. Remarquable à cet autre titre, le programme du 13 octobre marque donc un événement exceptionnel, en proposant en particulier l’interprétation des Cantates de Webern, grâce au Chœur de chambre Accentus et à la Camerata Academica de Salzbourg, deux ensembles qui collaborent régulièrement avec l’Ensemble Intercontemporain et la cité de la musique. vendredi 13 octobre - 20h salle des concerts Arnold Schoenberg Musique d’accompagnement pour une scène de film, op 34 durée : 8 minutes Anton Webern Symphonie, op 21 durée : 10 minutes I - Ruhig schreitend II - Variationen : Thema (sehr ruhig), Var. I lebhafter, Var. II sehr lebhaft, Var. III wieder mäßiger, Var. IV aüßerst ruhig, Var. V sehr lebhaft, Var. VI marschmäßig nicht eilen, Var. VII etwas breiter, Coda Alban Berg Trois pièces de la Suite lyrique durée : 17 minutes andante amoroso (2e mouvement de la Suite pour quatuor) allegro misterioso (3e mouvement de la Suite pour quatuor) adagio appassionato (4e mouvement de la Suite pour quatuor) entracte Anton Webern Deuxième cantate, op 31 (voir traduction page 10) I - Schweigt auch die Welt (sehr lebhaft) II - Sehr tief verhalten innerst Lebens (sehr verhalten) III - Schöpfen aus Brunnen des Himmels (sehr bewegt) IV - Leichteste Bürden der Bäume (sehr lebhaft) V - Freundselig ist das Wort (sehr mässig) VI - Gelockert aus dem Schoße (sehr fliessend) durée : 14 minutes Anton Webern Das Augenlicht, op 26 (voir traduction page 14) durée : 6 minutes l’école de Vienne Anton Webern Variations pour orchestre, op 30 durée : 9 minutes Première cantate, op 29 (voir traduction page 17) I - Zündender Lichtblitz des Lebens (getragen) II - Kleiner Flügel Ahornsamen (leicht bewegt) III - Tönen die seligen Saiten Apolls (ruhig) Arnold Schoenberg Musique d’accompagnement pour une scène de film, op 34 Contemporaine des films de Fritz Lang, F. W. Murnau ou G. W. Pabst, la Musique d’accompagnement pour une scène de film fut écrite en 1929-1930 à la demande de l’éditeur Heinrichshofen qui proposa à plusieurs musiciens de « faire comme s’ils composaient pour le cinéma ». La scène du film étant laissée à l’imagination des compositeurs, Schoenberg a construit son œuvre sur un scénario archétypal en trois parties : Danger menaçant, Angoisse, Catastrophe (Lent, Très vite, Adagio). Plus tard, le compositeur écrira : « J’ai fait la preuve, dans mes opéras Von Heute auf Morgen (Du jour au lendemain) et Moïse et Aaron, qu’il est parfaitement possible de rendre en totalité le climat et les traits propres à une action dramatique avec le seul style de la dissonance libérée » (Le Style et l’idée). De fait, conçu dans l’esprit des musiques du cinéma muet, ce mouvement symphonique – de forme très libre et d’écriture dodécaphonique – renoue avec l’expressionnisme du monodrame Erwartung (1909) ou du Wozzeck de Berg (1925). Schoenberg devait reconnaître que la complexité de son écriture musicale et l’effectif instrumental imposant rendait quelque peu difficile l’utilisation éventuelle de son œuvre au cinéma. Aussi, créée et diffusée au concert depuis sa création, la Musique d’accompagnement dut attendre 1972 pour que les cinéastes Jean-Marie Straub et Danielle Huillet lui adjoignent une scène de film. durée : 8 minutes Pierre Boulez, direction Christiane Oelze, soprano Olivier Lallouette, basse Laurence Equilbey, chef de chœur Chœur de Chambre Accentus Camerata Academica Salzburg Ensemble Intercontemporain Anton Webern Symphonie, op 21 coproduction cité de la musique, Ensemble Intercontemporain, Octobre en Normandie avec le soutien de la Fondation d’Entreprise France Télécom composition : du 15 octobre 1929 au 14 février 1930 ; création : le 6 novembre 1930 à Berlin sous la direction de Otto Klemperer ; effectif : flûte/flûte piccolo, hautbois, 2 clarinettes, basson, 2 cors, 2 trompettes, trombone, 3 percussions, piano, cordes ; éditeur : Heinrichshofen. composition : 1928 ; création : le 18 décembre 1929 à New York sous la direction d’A. Smallens ; effectif : clarinette, clarinette basse, 2 cors, harpe, cordes ; dédicace : « à ma fille Christina » ; éditeur : Universal Edition. Tandis que la Symphonie de chambre op 9 de Schoenberg pour quinze instruments solistes atteinotes de programme | 5 l’école de Vienne l’école de Vienne gnait, par son écriture, à la densité sonore d’un véritable orchestre symphonique, la Symphonie op 21 de Webern (pour petite formation symphonique) rejoint, par sa transparence, l’univers plus intimiste de la musique de chambre. La Symphonie frappe d’un côté par ses références au passé – un premier mouvement, Ruhig schreitend, de forme sonate ; un second, Sehr ruhig, de forme thème et variations ; une écriture essentiellement canonique – et de l’autre, par le dépouillement et la densité de son univers sonore conséquents d’une technique sérielle des plus radicales. Inaugurant (à la suite du Trio à cordes op 20) une « troisième manière » dans la production du compositeur, la Symphonie marque une étape décisive, non seulement dans le traitement de la série (série aux « propriétés remarquables », prédilection pour l’écriture abstraite du canon et économie de moyens), mais surtout dans une conception novatrice du son (distension des intervalles, valorisation du silence, fractionnement des motifs, Klangfarbenmelodie [mélodie de timbres] et spatialisation). Alban Berg Trois pièces de la Suite lyrique composition : 1928 ; création : le 31 janvier 1929 à Berlin sous la direction de Jascha Horenstein ; effectif : 8 violons I, 7 violons II, 4 altos, 4 violoncelles, 2 contrebasses ; l’œuvre est dédiée à Alexander von Zemlinsky ; éditeur : Universal Edition. C’est en 1928, à l’instigation de Emil Hertzka, directeur des éditions Universal, qu’Alban Berg remania pour orchestre à cordes trois des six mouvements de sa Suite lyrique dont la version originale pour quatuor à cordes (1925-26) avait rencontré un accueil chaleureux lors de sa création en 1927 par le Quatuor Kolisch. La Suite lyrique emprunte son titre – ainsi que sa construction en six mouvements – à la Symphonie lyrique d’Alexander von Zemlinsky (1923). Si, à la différence de cette dernière qui fait intervenir la voix, l’œuvre de Berg est purement instrumentale, elle n’en possède pas moins une trame narrative sous-jacente qui l’assimile au domaine de la musique à programme. 6 | cité de la musique Cet « opéra latent », selon l’expression d’Adorno, raconte l’amour secret de Berg pour Hanna Fuchs, rencontrée en 1925. Celui-ci apparaît de manière cryptée tout au long de l’œuvre grâce aux procédés de la solmisation et du symbolisme numérique, ainsi qu’à des citations musicales comme celle de la Symphonie lyrique de Zemlinsky dans l’adagio appassionato, cité « en forme de très libre récitatif » et correspondant dans cette œuvre aux mots « Du bist mein Eigen, mein Eigen » (« Tu es mon moi, mon propre moi »). Écrit immédiatement après Wozzeck et le Concerto de chambre, ce deuxième quatuor marque l’imprégnation progressive par le compositeur du langage dodécaphonique utilisé partiellement dans l’Andante amoroso, ainsi que sa prédilection pour les formes en miroir comme dans l’allegro misterioso en trois parties, la dernière étant la reprise en rétrograde de la première. Anton Webern Deuxième cantate, op 31 composition : 1941 à 1943 ; création : 23 juin 1950 à Bruxelles au Festival de la S.I.M.C. sous la direction de Herbert Häfner, avec Ilona Steingruber (soprano) et Otto Wiener (basse) ; effectif : soprano, basse, chœur mixte, flûte piccolo, flûte, hautbois, cor anglais, clarinette, clarinette basse, basson, saxophone alto, cor, trompette, trombone ténor-basse, tuba basse, glockenspiel/cloche tube, célesta, harpe, cordes ; éditeur : Universal Edition. En juillet 1942, Webern écrit à Hildegard Jone : « Je vois maintenant une œuvre très développée qui m’occupera un long, très long temps ». De fait, la composition de la Deuxième Cantate, dernier opus du compositeur, s’échelonne de façon assez exceptionnelle sur près de trois ans. Les six mouvements s’organisent selon un plan que Webern lui-même compare à celui d’une missa brevis : le premier air, de basse de caractère hymnique, serait le Kyrie ; le second, un double canon de forme lied, le Gloria ; l’air pour soprano et chœur féminin – un double canon de forme rondo – le Credo ; et celui pour soprano solo, écrit selon Webern à la manière d’un récitatif, le Benedictus ; enfin, l’aria pour soprano, chœur et notes de programme | 7 l’école de Vienne 8 | cité de la musique l’école de Vienne violon obligé serait le Sanctus ; et le chœur mixte final, conçu comme un choral dans l’esprit des œuvres a capella du XVIe siècle, l’Agnus Dei. Cet organisation répond à des exigences aussi bien musicales (celles de la technique sérielle) que poétiques, le passage progressif du grave de la basse à l’aigu du soprano correspondant à celui qui mène de la nuit à la clarté dans les textes de H. Jone, ou encore de la supplication à la paix dans le cadre d’une missa brevis. Plus encore que dans les deux autres cantates, Webern réalise ici la fusion des genres de la cantate profane et religieuse. Anton Webern Deuxième cantate, opus 31 Eurydice Jousse I. Schweigt auch die Welt, aus Farben ist sie [immer, so lang die Sonne scheint. Die Nachtigall, wenn nachts kein Farbenschimmer mehr leuchtet, Freude weint. I. Même silencieux, le monde est coloré, [tant que brille le soleil. La nuit, lorsque plus aucune couleur ne scintille, le rossignol pleure de joie. Dann klingt es auf, wenn nichts das Aug mehr [bindet, dann flutet Glanz ins Ohr: Wenn das beweglich Farbige verschwindet, tritt das Bewegende im Klang hervor. Alors s'élève le chant, quand plus rien ne retient [le regard, alors, le flot de lumière envahit l'oreille : quand disparaissent les couleurs mouvantes, le mouvement se manifeste dans le son. II. Sehr tief verhalten innerst Leben singt im Bienenkorb in stiller Mitternacht, weil es in ihm noch immer Kunde bringt, daß Fleiß aus bunter Vielheit Süße macht. Il. Renfermée au plus profond, la vie intime chante dans la ruche, dans le silence de minuit, elle continue d'annoncer que, de mille couleurs, le zèle peut extraire la douceur. Der Bienenkorb, das weiße Stemenzelt, ist dicht durchtropft vom süßen Schöpfungslicht. Es kreist darin ein jedes Bienlein Welt, bevor der Schwarm in ewige Frühe bricht. La ruche, blanc firmament, est parsemée de la douce lumière de la Création. Chaque abeille, tel un monde, y tournoie avant que l'essaim s'envole vers une aube éternelle. Das Herz, der kleinste Bienenkorb, umgibt die andern alle. Seinen Honig klärt der eine Imker, der die Süße liebt der reinen Liebe, die er voll gewährt. Le cœur, la plus petite ruche, embrasse toutes les autres. Son miel, cet apiculteur le recueille ; il aime la douceur du pur amour qu'il dispense pleinement. III. Schöpfen aus Brunnen des Himmels nach [Wassern des Worts ist das Läuten, wenn so die menschliche Hand zieht an den [Krügen des Klangs. Alle Glocken, die Herzen, wollen wir läuten, [o Menschen! Nimmer durch Räume der Zeit, nimmer [verstumme ihr Schlag! IlI. Sonner, C'est puiser aux fontaines du ciel les eaux [du Verbe, quand la main humaine remonte du puits [des vases emplis de son. Toutes les cloches, les cœurs, nous voulons les [sonner, ô hommes ! Que jamais, par les espaces du temps, que jamais [ne cesse leur tintement ! Sturmläuten muß man die Liebe! Sie komme [nicht träge und müde: Nein, sie bewege die Luft, rühre an innersten [Schlaf. Sonnons l'amour à toute volée ! Qu'il ne sente [ni paresse ni fatigue : non, puisse-t-il mouvoir les airs, toucher au [plus profond du sommeil. Komme durch dichtestes Dunkel und lege Traverser les plus noires ténèbres pour donner aux notes de programme | 9 l’école de Vienne l’école de Vienne [die Toten zur Ruhe, wache, wo Leben noch glimmt, daß sie es [wecke zu sich. [morts le repos, veiller la dernière lueur de vie pour l'éveiller toute [à l’amour. IV. Leichteste Bürden der Bäume trag ich durch [die Räume: die Düfte. Bring dir der Linde Gestalt, fernher, aus [leisestem Hauch. IV. Je porte à travers les espaces les plus légers [fardeaux des arbres : les parfums. Je t'apporte des lointains la forme du tilleul, [dans le plus léger souffle. V. Freundselig ist das Wort, das uns um unsre Liebe zu sich fragt, «fürchte dich nicht, ich bin es» tröstet durch die Dunkelheit, das mitten unter uns ist, wenn wir friedlich sind. V. Bienveillant est le Verbe qui s'enquiert de notre amour pour lui, « Ne crains rien, c'est moi » nous console dans l'obscurité, et qui est parmi nous quand nous sommes [paisibles. Was kann denn anderes mitten unter uns sein [als das Wort? Weil es am Kreuz verstummte, müssen wir ihm [nach, in allen Ernst der Bitternis ihm folget unser [Hauch. Doch wenn es wieder aufklingt in der [Morgenfrühe, dann wenden wir uns alle selig als Geruf’ne um. Que peut-il y avoir parmi nous, [sinon le Verbe ? Parce qu'il s'est tu sur la croix, nous devons aller [sur ses traces, dans la gravité de l'amertume notre souffle [le suit. Mais lorsqu'il retentit de nouveau au [petit matin, tous nous nous retournons, heureux d'être appelés, Freundselig ist das Wort. Und wenn du weißt, daß es urn alles Deine weiß, dann kennst du es: dann tut's dir weher als [der Tod, wenn eine Wolke Feindseligkeit: der Tränen [Mutter sich zwischen dir und ihm erweitert und [die Kälte schafft. Bienveillant est le Verbe. Et si tu sais qu’il sait tout ce qui est tien, alors tu le connais : alors, plus cruel que [la mort sera un nuage d'hostilité, cette mère des [larmes qui se répand entre lui et toi, [glaciale. VI. Gelockert aus dem Schoße in Gottes Frühlingsraum; gekommen als das Bloße zu Stern und Mensch und Baum aus Größerem ins Große. VI. Détaché du sein maternel dans le printemps de Dieu ; arrivé, nu, devant les étoiles, les hommes et les arbres ; passé de l'immensité à la grandeur. Ein Leben ist gegeben dem Licht von dieser Welt; sie muß sich neu beleben, vor seinen Blick gestellt: Une vie est donnée à la lumière de ce monde qui, placé devant son regard, doit s'animer à nouveau : 10 | cité de la musique der kann der Nacht entheben. son regard vainc la nuit. Der kann den Himmel halten und führt zum größten Licht. lm Friedensschoß gestalten uns, weil ein Kindlein spricht, der Liebe Urgewalten. Il peut soutenir le ciel et mène à la plus grande lumière. Au sein de la paix, parce qu'un enfant parle, les puissances premières de l'amour nous donnent forme. Hildegard Jone traduction © 1996 Bernard Banoun disque DG 447 765-2 avec l’aimable autorisation de Deutsche Grammophon notes de programme | 11 l’école de Vienne Anton Webern Das Augenlicht, op 26 l’école de Vienne composition : 1935 ; création : le 17 juin 1938 au Queens Hall de Londres avec les chœurs et l’Orchestre de la BBC sous la direction de Hermann Scherchen ; effectif : chœur mixte, flûte, hautbois, clarinette, saxophone alto, cor, trompette, trombone ténor-basse, 2 percussions, célesta, harpe, mandoline, 8 violons, 4 altos, 4 violoncelles ; dédicace : « à ma fille Amalie Waller » ; éditeur : Universal Edition. Première grande œuvre vocale des dernières années de Webern, Das Augenlicht (La lumière des yeux) pour chœur mixte et orchestre, fait suite à l’orchestration en Klangfarbenmelodie (mélodie de timbres) de la Fuga Ricercata de Bach que le compositeur avait réalisée en 1935. La référence au Bach des cantates, des chorals et de L’Art de la Fugue est d’ailleurs omniprésente dans la correspondance du Viennois concernant cette œuvre – et, plus tard, les Cantates op 29 et 31. Première du « triptyque », Das Augenlicht tire son texte du Viae inviae d’Hildegard Jone, poète et peintre que Webern avait rencontrée en 1926. Sa poésie pleine de mysticisme panthéiste avait déjà inspiré au compositeur ses Lieder op 23 et 25. L’orchestre constitue l’un des ensembles les plus importants de l’œuvre webernien depuis les Six pièces pour orchestre, op 6 de 1909. C’est la première fois que le compositeur utilise la mandoline que l’on retrouvera également dans la Première Cantate. Cuivres et cordes sont traités avec sourdine, vents et percussion en solistes, et l’écriture chorale est alternativement contrapuntique et harmonique. « Das Augenlicht, à l’audition, se révèle plein d’harmonie poétique. Voix et instruments, souvent très éloignés les uns des autres, opposent leurs plans sonores. La partition semble s’enrichir de ces mystérieuses vibrations que lui confèrerait une exécution sous une cloche de verre » (L. Dallapiccola, cité par H.-L. Matter in Webern, 1938). 12 | cité de la musique Anton Webern Das Augenlicht La Lumière des yeux Durch unsre offnen Augen fließt das Licht ins [Herz und strömt als Freude sanft zurück aus ihnen. lm Liebesblick quillt mehr herauf als je [herabgedrungen. Was ist geschehen, wenn das Auge strahlt ? Sehr Wunderbares muß es uns verraten : Daß eines Menschen Innerstes zum Himmel ward mit soviel Sternen als die Nacht erhellen, mit einer Sonne, die den Tag erweckt. Par nos yeux ouverts, la lumière s'écoule [dans le cœur et revient doucement, flot de joie. Ce que le regard d'amour a reçu, il le reverse [au centuple. Qu'est-il arrivé, lorsque l'œil rayonne ? Il a de rares merveilles à nous révéler : que l'intérieur d'un homme est devenu ciel, avec autant d'astres qu'il en est dans la nuit, et un soleil qui suscite le jour. O Meer des Blickes mit der Tränenbrandung! Die Tropfen, welche sie versprüht auf [Wimpernhalme, vom Herzen und der Sonne werden sie [beschienen. Wenn sich die Nacht der Lider über deine [Tiefen still niedersenkt, dann spülen deine Wasser an die des Todes: deiner Tiefen Schätze, die tagerworbnen, nimmt er sacht mit sich. Jedoch aus seinen unergründlich dunklen Tiefen, wenn mit den Lidern sich der Tag erhebt, ist manches seiner Wunder in den [Blick, den neuen, heraufgeschwommen, und es macht ihn gut. O mer du regard et ton ressac de larmes ! Les gouttes dispersées sur les cils, Hildegard Jone traduction © 1996 Bernard Banoun disque DG 447 765-2 avec l’aimable autorisation de Deutsche Grammophon ces fétus, le cœur et le soleil les illuminent. Lorsque descend sur toi, silencieuse, la nuit des paupières, tes eaux se mêlent à celles de la mort : emportant doucement les trésors de tes profondeurs, recueillis dans le jour. Pourtant, lorsqu'avec les paupières le jour se lève de ses insondables et obscures profondeurs, nombre de ses prodiges ont passé dans le [regard, neuf, et lui ont donné la bonté. notes de programme | 13 l’école de Vienne Anton Webern Variations pour orchestre, op 30 l’école de Vienne composition : 1940 ; création : 3 mars 1943 à Winterthur (Suisse) par le Stadtorchestrer placé sous la direction de Hermann Scherchen ; effectif : flûte, hautbois, clarinette, clarinette basse, cor, trompette, trombone ténor-basse, tuba, timbales, piano, harpe, cordes ; l’œuvre est dédiée à Werner Reinhardt ; éditeur : Universal Edition. C’est en 1936 (dans l’Opus 27 pour piano) que Webern utilise pour la première fois le titre de Variations. Il le reprend quatre ans plus tard dans son Opus 30, ultime œuvre orchestrale de sa production suivie immédiatement de la Deuxième Cantate, op 31. Pour autant, la notion de variation est omniprésente dans l’œuvre webernienne, ne serait-ce que sous la forme d’une métamorphose continuelle de la série. Les Variations op 30 s’apparentent selon l’auteur à « une sorte d’ouverture, mais basée sur des variations », au nombre de six. Le principe de variation est inhérent au matériau originel, lui-même caractérisé par une concentration extrême (série divisée en deux tronçons isomorphes de six notes et utilisant exclusivement deux intervalles : seconde et tierce mineures). Ce souci d’économie, déjà à l’œuvre dans le maniement sériel de la Symphonie op 21, du Concerto op 24 et du Quatuor op 28, confine ici à l’épure, voire à l’abstraction, et faisait même dire à Webern : « Il est probable qu’au premier coup d’œil sur la partition, la réaction sera : « Mais il n’y a rien là-dedans ! ». Première cantate, op 29 trois recueils différents, sont reliées par une même série de douze sons. La première pièce Zündender Lichtblitz des Lebens (L’éclair, feu de la vie) fait alterner l’écriture transparente de l’orchestre et celle plus compacte et homorythmique du chœur a capella. Le grand Lied central confié au soprano solo et à l’orchestre Kleiner Flügel Ahornsamen (Petite aile, graine d’érable) est de forme strophique. Tönen, die seligen Saiten Apolls (Sons, cordes sacrées de la lyre d’Apollon) rassemble le soprano, le chœur et l’orchestre dans la fugue finale à quatre voix. E. J. composition : 1938-1939 ; création : 12 juillet 1946 à Londres par Emelie Houke (soprano), les chœur et orchestre de la BBC, sous la direction de Karl Rankl ; effectif : soprano solo, chœur mixte, flûte, hautbois, clarinette, clarinette basse, cor, trompette, trombone ténor-basse, 2 percussions, célesta, harpe, mandoline, cordes ; éditeur : Universal Edition. Dans l’esprit de Webern, la Première Cantate op 29 est une « sorte de symphonie avec des passages vocaux ». L’effectif orchestral, proche de celui de Das Augenlicht, s’est étoffé, en particulier le pupitre des percussions. Les trois parties de cette cantate, écrites chacune sur un poème de Hildegard Jone, tirées de 14 | cité de la musique notes de programme | 15 l’école de Vienne Anton Webern I. Kantate Première Cantate I. Zündender Lichtblitz des Lebens schlug ein aus [der Wolke des Wortes. Donner der Herzschlag folgt nach, bis er in [Frieden verebbt. I. Venu de la nuée du Verbe, l'éclair de la vie, [étincelle de lumière, a frappé. Suit le tonnerre, cœur qui bat puis retrouve [la paix. Il. Kleiner Flügel Ahornsamen schwebst im Winde ! Mußt doch in der Erde Dunkel sinken. Aber du wirst auferstehn dem Tage, all den Düften und der Frühlingszeit ; wirst aus Wurzeln in das Helle steigen, bald im Himmel auch verwurzelt sein. Wieder wirst aus dir du kleine Flügel senden, die in sich schon tragen deine ganze schweigend Leben sagende Gestalt. Il. Petite aile, graine d'érable qui planes au vent, ton lot est de descendre dans la terre obscure ! Mais tu renaîtras au jour, au printemps, à tous les parfums ; de tes racines, tu monteras à la clarté, et t'enracineras bientôt dans le ciel. Alors toi-même tu sèmeras de ces petites ailes, porteuses déjà de ta forme entière qui dit tacitement la vie. Ill. Tönen die seligen Saiten Apolls, wer nennt sie Chariten? Spielt er sein Lied durch den wachsenden Abend, wer denket Apollon? IlI. Si résonnent les cordes bénies de la lyre [d'Apollon, qui les nomme Charités ? S'il joue sa mélodie dans le soir qui s'avance, qui songe à Apollon? Sind doch im Klange die früheren Namen alle verklungen; sind doch im Worte die schwächeren Worte lange gestorben ; und auch die blasseren Bilder zum Siegel des Spektrums geschmolzen. Car les noms d'autrefois se sont tous éteints dans le son ; car les mots les plus faibles depuis longtemps sont morts dans le Verbe ; les plus pâles images elles aussi se sont éternisées dans le spectre lumineux. Charis, die Gabe des Höchsten: die Anmut der Gnade erglänzet! Schenkt sich im Dunkel dem werdenden Herzen als Tau der Vollendung. Charis, don du plus haut : que se révèle la beauté de la grâce ! S'offrant, dans l'obscurité, au cœur en devenir, rosée de l'accomplissement. Hildegard Jone traduction © 1996 Bernard Banoun disque DG 447 765-2 avec l’aimable autorisation de Deutsche Grammophon 16 | cité de la musique jeudi 19 octobre - 18h30 amphithéâtre du musée clefs d’écoute Schoenberg et son école conférence en relation avec les concerts des 13 et 19 octobre avec Martine Kaufmann, producteur à France Musiques et Etienne Barilier, auteur de Alban Berg, essai d’interprétation jeudi 19 octobre - 20h salle des concerts Anton Webern Cinq mouvements, op 5 (version pour orchestre à cordes) I - Heftig bewegt (violemment animé) II - Sehr langsam (très lent) III - Sehr lebhaft (très vif) IV - Sehr langsam (très lent) V - In zarter bewegung (doucement animé) durée : 12 minutes Franz Schreker Symphonie de chambre durée : 25 minutes Arnold Schoenberg La Nuit transfigurée, op 4 (version pour orchestre à cordes) durée : 30 minutes Heinrich Schiff, direction Ensemble Intercontemporain Orchestre du Conservatoire de Paris coproduction cité de la musique, Ensemble Intercontemporain et Conservatoire de Paris l’école de Vienne Anton Webern Cinq Mouvements, op 5 l’école de Vienne composition : 1909 (orchestration réalisée en 1930) ; création : le 26 mars 1930 à Philadelphie par le Philadelphia Chamber String Orchestra, sous la direction de Fabien Sevitzky ; effectif : orchestre à cordes ; éditeur : Universal Edition. Contemporains des Pièces pour piano op 11 et du Livre des jardins suspendus op 15 qui marquent dans la production de Schoenberg le passage à l’atonalité, les Cinq mouvements pour quatuor à cordes de Webern ouvrent la première grande période de composition du compositeur après une première série d’œuvres, dont la Passacaille op 1, marquées encore du sceau de la tonalité élargie. Ce « premier quatuor » confirme en effet les recherches stylistiques entreprises la même année dans les Lieder op 3 et 4 pour voix et piano (1909). « En renonçant à la tonalité, on perdait du même coup le moyen le plus important utilisé jusqu’alors pour construire des œuvres de longue haleine » (Webern, Chemin vers la nouvelle musique). En effet, l’une des caractéristiques les plus frappantes des Cinq mouvements est l’extrême brièveté de leur forme « concentrée à un si haut degré qu’elle ne peut supporter un long développement dans le temps par suite de la richesse des moyens exploités et de la poétique qui les gouverne » (Pierre Boulez). A ce caractère aphoristique de la forme est liée intrinsèquement la disparition de la notion de thème au profit de l’intervalle et du motif : ainsi le premier mouvement est-il entièrement basé sur les intervalles de neuvième mineure et de septième majeure (qui deviendront si caractéristiques du vocabulaire de l’École de Vienne), et les troisième et dernière pièces sur une texture de sons épars où le silence tient une place déterminante. L’alternance systématique des modes de jeu (pizzicato, con legno, sul ponticello, sons harmoniques, sourdine) et des dynamiques (une nuance par intervention) substituent, à la thématique et au développement traditionnels, une organisation timbrique préfigurant la Klangfarbenmelodie (mélodie de timbres) des œuvres orchestrales à venir. 20 | cité de la musique Franz Schreker Symphonie de Chambre composition : 1916 ; création le 12 mars 1917 à Vienne par les professeurs de l’Académie de Musique et les membres du Wiener Philharmoniker, sous la direction du compositeur ; effectif : flûte, hautbois, clarinette, basson, cor, trompette, trombone ténor-basse, timbales, percussion, piano, harmonium, célesta, harpe, 4 violons, 2 altos, 3 violoncelles, 2 contrebasses ; dédicace : « Herrn Präsidenten Dr. Carl Ritter von Wiener verhungsvollst zugeeignet » ; éditeur : Universal Edition. Compositeur autrichien, Franz Schreker est d’abord connu pour ses opéras, en particulier Die Gezeichneten (Les Stigmatisés, 1918), Der Schatzgräber (Le Chercheur de trésor, 1920), mais surtout Der ferne Klang (Le Son lointain, 1912) qui lui apporta la célébrité en son temps. Cet ouvrage fit une impression profonde sur ses contemporains à la fois par son langage dégagé de toute influence wagnérienne et straussienne, et par son orchestration empreinte de l’impressionnisme français. Si Schoenberg cite certains passages de cette œuvre dans son Traité d’harmonie, elle semble surtout avoir marqué Berg qui en réalisa une réduction pour piano, et ne sera pas sans influencer Wozzeck. Composée en 1916, la Symphonie de chambre est une commande de l’Académie des Beaux-Arts et de la Musique de Vienne dont Schreker était le professeur de composition. Comme celle de Schoenberg (opus 9) écrite dix ans auparavant pour quinze instrumentistes, la Symphonie de chambre, qui fait appel à vingt-trois exécutants, fusionne en un seul tenant les quatre mouvements traditionnels d’une symphonie (allegro de forme sonate, scherzo, passages lents, retours du thème initial à la manière du refrain d’un rondo final). L’œuvre frappe par son fort aspect thématique, souvent sous la forme de mélodies accompagnées, et par sa grande souplesse rythmique due à la grande mobilité des tempi. notes de programme | 21 l’école de Vienne l’école de Vienne Arnold Schoenberg composition : 1899 ; version pour orchestre à cordes : 1942 ; La Nuit transfigurée, op 4 création de la version pour orchestre : 1943 à Los Angeles ; effectif : orchestre à cordes ; titre original : Verklärte Nacht ; édition : Universal Edition/Birnbach. Il est difficile aujourd’hui d’imaginer que La Nuit transfigurée ait pu provoquer lors de sa création un véritable scandale. La société de concerts de Vienne en refusa même l’exécution à cause de certaines audaces harmoniques. A propos d’un passage de l’œuvre, Schoenberg rapporte : « L’avis général fut : "On dirait que des musiciens d’orchestre donnant Tristan et Isolde de Wagner ont tout à coup perdu le fil de la partition et jouent chacun de leur côté" ». Avec La Nuit transfigurée apparaît une forme d’incompréhension qui accompagnera Schoenberg tout au long de sa vie. Et ceux qui lui reprochent son langage d’alors seront sans doute ceuxlà même qui, au moment de son passage à l’atonalité, l’accuseront de n’avoir pas « continué de composer dans le même style ». Comme l’explique Schoenberg luimême, son œuvre doit pourtant à la double influence historique de Brahms et de Wagner visiblement insuffisante « à calmer le public ou à le rassurer ». De Wagner, le compositeur retient d’abord le « traitement thématique d’une cellule, développée au-dessus d’une harmonie très changeante. S’il s’inspire de Brahms pour la formation instrumentale et pour sa « technique de développement par variation, il s’en écarte cependant pour introduire dans l’univers « pur » de la musique de chambre l’esprit de la musique à programme. Placé en exergue à la partition, le poème de Richard Dehmel, tiré du recueil Weib und Welt (Femme et monde, 1896) irrigue de sa teneur émotionnelle toute la composition. C’est, à la nuit tombée, le dialogue entre un homme et la femme qu’il aime, laquelle lui avoue attendre un enfant d’un autre. Au pardon de l’homme et au triomphe de l’amour correspond la transfiguration par le mode majeur du thème principal exposé après l’introduction lente du début de l’œuvre dans la tonalité sombre de ré mineur. Eurydice Jousse 22 | cité de la musique biographies Pierre Boulez Né en 1925 à Montbrison (Loire), Pierre Boulez suit les cours d’harmonie d’Olivier Messiaen au Conservatoire de Paris. Il est nommé directeur de la musique de scène à la Compagnie RenaudBarrault en 1946. Soucieux de la diffusion de la musique contemporaine et de l’évolution des rapports du public et de la création, Pierre Boulez, tout à la fois compositeur, analyste et chef d’orchestre, fonde en 1954 les concerts du Domaine musical (qu’il dirige jusqu’en 1967), puis l’Ircam et l’Ensemble Intercontemporain en 1977. Il est nommé chef permanent du BBC Symphony Orchestra à Londres en 1971. En 1969, il dirige pour la première fois l’Orchestre philharmonique de New York, dont il assure la direction de 1971 à 1977. A la fin de l’année 1991, il abandonne ses fonctions de directeur de l’Ircam, tout en restant directeur honoraire. Professeur au Collège de France de 1976 à 1995, Pierre Boulez est l’auteur de nombreux écrits sur la musique. Il est invité régulièrement aux festivals de Salzbourg, Berlin, Edimbourg, et dirige les grands orchestres de Londres, Chicago, Cleveland, Los Angeles, Vienne ainsi que l’Ensemble Intercontemporain avec lequel il entreprend de grandes tournées. L’année de son 70e anniversaire est marquée par une tournée mondiale avec le London Symphony Orchestra, et la production de Moïse et Aaron à l’Opéra d’Amsterdam avec le Nederlandse Opera dans une mise en scène de Peter Stein qu’il reprendra à Salzbourg en 1996. Il se retire du pupitre de mars 1997 à mars 1998 pour se consacrer à la composition, puis reprend ses activités de chef d’orchestre. Invité au Festival d’Art lyrique d’Aix-enProvence en juillet 1998, il dirige une nouvelle production de Barbe Bleue de Bartók en collaboration avec la chorégraphe Pina Bausch. Pierre Boulez se voit décerner les distinctions telles que Prize of notes de programme | 23 l’école de Vienne the Siemens Foundation, Leonie Sonning Prize, Praemium Imperiale of Japan, The Polar Music Prize, le Grammy Award de la meilleure composition contemporaine pour Répons, et possède une importante discographie. Son catalogue comprend une trentaine d’œuvres allant de la pièce soliste (Sonate pour piano, Dialogue de l’ombre double pour clarinette, Anthèmes pour violon) aux œuvres pour grand orchestre et chœur (Le Visage Nuptial, Le Soleil des eaux) ou pour ensemble et électronique (Répons, ...explosantefixe...). Sa dernière composition sur Incises a été créée en septembre 1998 au Festival d’Edimbourg. Christiane Oelze Après avoir étudié le chant avec Klesie KellyMoog à Cologne de 1984 à 1989, Christiane Oelze se perfectionne auprès d'Elisabeth Schwarzkopf. En 1987, elle est lauréate du Concours Hugo-Wolf et remporte l'année suivante le Premier prix du Concours universitaire 24 | cité de la musique l’école de Vienne allemand de lied en duo. Elle participe dès lors à des émissions de radio et est l'invitée de grands festivals internationaux : Schleswig-Holstein, Bodensee, Festival Mozart de Würzburg, Schubertiades d'Hohenems et Festwochen de Berlin. Elle effectue également des tournées à travers l'Europe, les Etats-Unis, l'Amérique du Sud et le Japon. En concert, outre sa collaboration avec Helmut Rilling, elle se produit avec le Chamber Orchestra of Europe dirigé par Sir Roger Norrington et avec l'English Chamber Orchestra dirigé par Leopold Hager. Elle chante avec les Bamberger Symphoniker sous la conduite de Horst Stein et de Christoph Eschenbach. Elle effectue une tournée en Allemagne avec l'Academy of St. Martin-in-the-Fields dirigée par Neville Marriner et donne des concerts avec des chefs prestigieux comme Vaclav Neumann, Frans Brüggen ou Yuri Ahronovitch. Dans le domaine de l'opéra, elle fait ses débuts en 1990 dans le rôle de Despina (Così fan tutte) à Ottawa. Puis elle incarne Constance (L’Enlèvement au sérail) au Festival de Salzbourg, dans une production mise en scène par Joannes Schaaf, avec la Staatskapelle de Dresde dirigée par Horst Stein. C'est avec ce même rôle qu'elle fait ses débuts à Zürich, sous la direction musicale de Nikolaus Harnoncourt. Fidèle au répertoire mozartien, elle chante un peu plus tard Pamina (La Flûte enchantée) à Leipzig, sous la direction de Yehudi Menuhin. Christiane Oelze a participé à l'enregistrement d'Hänsel und Gretel d'Humperdinck avec le RSO de Francfort dirigé par Horst Stein, et chanté le rôle de la Fée Rosée dans une nouvelle production de ce même opéra avec la Staatskapelle de Dresde conduite par Sir Colin Davis. Christiane Oelze interprète également Regina dans Mathis der Maler (1996), Zdenka dans Arabella, Serlina dans Don Giovanni (1998), Ännchen dans Der Freischütz, Servilia dans La Clemenza di Tito. Elle interprétera Ighino, en 2000-2001, dans le Palestrina de Pfitzner. Olivier Lallouette commence sa formation en 1979 avec Marion Sylvestre puis Peter Gottlieb au Conservatoire de Paris et à l'Ecole d'Art lyrique de l'Opéra de Paris avec Michel Sénéchal. Il travaille au Studio Opéra du Centre de Musique baroque de Versailles avec René Jacobs et aborde le répertoire de la musique ancienne : Giulio Cesare, Il Ritorno d'Ulisse in Patria, Roland, etc. Par la suite, il collabore également avec Roy Goodman, Jean-Claude Malgoire, William Christie, Christophe Rousset, Philippe Herreweghe. Son répertoire s'étend des rôles mozartiens à ceux du bel canto et de l’opéra français du XIXe, ainsi qu’à des créations contemporaines : Le Miracle secret de Martin Matalon, Schlieman de Betsy Jolas, la création française de Candide de Leonard Bernstein et Le Surmâle de Bruno Gillet. Il se consacre au lied et à la mélodie et a chanté notamment avec JeanPhilippe Collard. Il participe aussi à la création d'Horizons Chimériques, spectacle de Lieder et mélodies sur le romantisme allemand et français, avec Hélène Delavault. En concert, on a pu entendre Olivier Lallouette avec l’Orchestre national de France, l’Orchestre des ChampsElysées, la Philharmonie tchèque, l’Orchestre philharmonique de Radio France, l’Orchestre national d'Espagne et l’Orchestre de la Radio Suisse-italienne, l’Orchestre national de Lyon, etc. Olivier Lallouette a déjà collaboré avec des chefs de renom tels Uwe Mund, Serge Baudo, Armin Jordan, Frédéric Chaslin. Il participera, le 7 novembre prochain à la cité de la musique, à la création française de l’opéra d’Elliott Carter What Next ? Après des débuts à l’Opéra de Hambourg en septembre 2000 dans Tri Sestry, il retrouvera l’Opéra d’Avignon en avrilmai 2001 pour le rôle titre de Don Giovanni. Heinrich Schiff Né en 1951, Heinrich Schiff étudie tout d’abord le piano pour se consacrer ensuite au violoncelle, à l’âge de dix ans. Après avoir suivi l’enseignement de Tobias Kühne et d’André Navarra, il fait ses débuts à Vienne et à Londres en 1971. Depuis vingt-cinq ans, invité des plus grands festivals et familier des salles de concert les plus prestigieuses, il se produit aux côtés d’orchestres très renommés, que se soit en Europe, aux USA ou au Japon. Il a travaillé notamment avec C. Abbado, S. Celibidache, C. Davis, C. von Dohnányi, M. Gielen, B. Haitink, N. Harnoncourt, M. Jansons, K. Masur, E.P. Salonen, W. Sawallisch, G. Sinopoli et K. Tennstedt. Une part importante de son travail est centrée sur de la musique contemporaine, comme en témoigne sa collaboration avec Witold Lutoslawski, Hans Werner Henze, Luciano Berio, Friedrich Cerha et Ernst Krenek. Ses nombreux enregistrements (chez EMI et Philips) ont reçu notes de programme | 25 l’école de Vienne plusieurs distinctions dont le Grand Prix du Disque (Concertos pour violoncelle de Chostakovitch), et le Deutscher Schalplattenpreis (Double Concerto de Brahms avec Frank Peter Zimmermann et le London Philharmonic Orchestra). En tant que chef d’orchestre, il a dirigé, entre autres, le Philharmonia Orchestra, le Los Angeles Philharmonic Orchestra et la Staatskapelle de Dresde. De 1990 à 1996, il a été directeur artistique du Northern Sinfonia et, entre 1990 et 1992, principal chef invité de la Deutsche Kammerphilharmonie. Entre 1996 et 1999, il a été chef principal de l’Orchestre philharmonique de Copenhague ; depuis 1996, il est chef principal du Musikkollegium Winterthur et, depuis 1998, principal chef invité du SDR Symphony Orchestra de Stuttgart. Laurence Equilbey Formée aux conservatoires de Paris et de Vienne, en Sorbonne, ainsi qu'auprès de Nikolaus Harnoncourt et 26 | cité de la musique l’école de Vienne de l'Arnold Schönberg Chor, elle étudie la direction de chœur principalement avec Eric Ericson. En 1991, elle fonde le Chœur de Chambre Accentus, dont la vocation est de promouvoir le riche répertoire a cappella, en particulier celui de ces deux derniers siècles. Sous son impulsion, cet ensemble professionnel est rapidement salué par le public et la critique, et collabore avec des chefs renommés. Parallèlement à ses activités pédagogiques, elle crée en 1995, avec le soutien de la Ville de Paris, le Jeune Chœur de Paris et obtient plusieurs récompenses avec cet ensemble au Concours international de Chant Choral 1999 de Tours (1er Prix international, Prix du Ministère de la Culture, Prix FrancisPoulenc). Le Syndicat professionnel de la Critique dramatique et musicale a élu Laurence Equilbey « Personnalité Musicale de l’année 1997-1998 ». En 1998, elle est invitée à diriger la Chapelle royale, le Collegium Vocale de Gand et le RIASKammerchor de Berlin dans le cadre du Festival de Saintes. Elle est nommée chef du chœur Léonard-de-Vinci au Théâtre des Arts de Rouen. Elle aborde également le répertoire lyrique et dirige cette saison une nouvelle production de Cenerentola dans le cadre du Festival d’Art lyrique d’Aix-en-Provence ainsi que Medeamaterial de Pascal Dusapin (production T&M Nanterre). Grâce à son expérience musicale à l'échelle européenne et ses liens privilégiés avec le répertoire des pays d'Europe du Nord, elle apporte une contribution essentielle à la diffusion et au renouveau du répertoire vocal a cappella en France. Chœur de Chambre Accentus Réuni par Laurence Equilbey en 1991, cet ensemble professionnel de 32 chanteurs a pour vocation d'interpréter en formation de chœur de chambre le riche répertoire des œuvres a cappella. En renouant avec cette tradition, Accentus interprète principalement les œuvres majeures des deux derniers siècles dans leur formation originelle et participe à la création contemporaine. Accentus se produit également sous la direction du prestigieux chef de chœur suédois Eric Ericson, invité privilégié de l'ensemble, et collabore régulièrement avec l’Ensemble Intercontemporain, l’Orchestre de Paris et le Théâtre du Châtelet, travaillant notamment avec Pierre Boulez, Christoph Eschenbach, David Robertson et Jonathan Nott. L’Ensemble est présent dans les grands festivals, en France comme à l’étranger – Schleswig-Holstein, Bach Tage Berlin – et prépare une tournée aux EtatsUnis en novembre 2000. Salué par la critique dès son premier enregistrement en 1994 des chœurs profanes de Poulenc et Ravel (Prix de l'Académie du Disque Lyrique et « Must » de Compact), Accentus a obtenu une nomination aux Victoires de la Musique en 1996 pour son enregistrement consacré aux Chansons et Ballades a cappella de Brahms et Schumann. Il reçoit en 1995 le Prix Liliane-Bettencourt décerné par l'Académie des Beaux-Arts. Son enregistrement des œuvres sacrées de Francis Poulenc a été récompensé par les ffff de Télérama, le 10 de Répertoire, le Diapason d’Or de Diapason, le Choc du Monde de la Musique ainsi que le Prix de la Nouvelle Académie du Disque. Son disque de Psaumes et Motets de Mendelssohn a reçu le Choc du Monde de la Musique. Le Chœur de chambre Accentus est associé à Léonard de Vinci / Opéra de Rouen. Il est soutenu par la Fondation d'entreprise France Télécom, et subventionné par le ministère de la Culture, la Ville de Paris, Musique Nouvelle en Liberté et l’AFAA pour ses tournées à l’étranger. chefs de chant Denis Comtet Nicolas Krüger sopranos Sylvie Colas Yoko Takeuchi Claire Henry-Desbois Solange Añorga Anne-Marie Jacquin Caroline Chassany Violaine Lucas Geneviève Boulestreau altos Valérie Rio Florence Barreau Emmanuelle Biscara Anne Gotkovsky Hélène Moulin Benjamin Clee Dominique Favat Catherine Hureau ténors Stéphane Bagiau Benoît Porcherot Bruno Renhold Nicolas Kern Mathieu Kotlarski Jean-François Chiama Jean-Marie Puissant Nicolas Maire basses Pierre Corbel Paul-Alexandre Dubois Christophe Olive Laurent Slaars Bertrand Bontoux Vincent Billier Jean-Loup Pagesy Fabrice Chomienne notes de programme | 27 l’école de Vienne Camerata Academica Salzburg Fondée en 1951 par Bernhard Paumgartner (1887-1971), musicologue, chef d’orchestre autrichien et cofondateur du Festival de Salzbourg, la Camerata Academica de Salzbourg réunit des élèves et des professeurs de la Hochschule du Mozarteum de Salzbourg. Composé, selon les cas, de vingt à quarante-cinq musiciens, cet orchestre de chambre a travaillé près de vingt ans avec Sándor Végh, qui en a été le directeur musical de 1978 jusqu’à sa mort (janvier 1997) et sous la direction duquel il s’est considérablement développé. S’il continue de consacrer l’essentiel de son énergie aux œuvres de Mozart, conformément à son objectif primitif, l’orchestre a peu à peu élargi son répertoire, qui va désormais de l’époque baroque aux œuvres du début du XXe siècle (Bartók, Stravinsky, Schoenberg, Berg), en passant par Haydn, Beethoven, Schubert, Mendelssohn, Brahms, Dvorák ou Tchaïkovski. 28 | cité de la musique l’école de Vienne Hôte régulier du Festival de Salzbourg et de la Semaine Mozart depuis 1993, l’orchestre de la Camerata Academica s’est également produit à Vienne (Musikverein), à Cologne, aux Schubertiades de Feldkirch et à Rome. Il a effectué de nombreux enregistrements pour Deutsche Grammophon, DECCA, Philips, EMI ou Capriccio. violons Liesbeth Ackermans György Acs Natalie Chee Eva Cserm·k Norah Farkas Annelie Gahl Alexander Hohenthal Balazs Moldicz Gabor Papp Hannah Perowne Gèza Rhomberg Aviva Selling Gregor Sigl Yukiko Tezuka Dagny Mirjam Wenk-Wolff Orsolya Winkler altos Predrag Katanic Firmian Lermer Martina Engel Jason Sah Pascal Siffert Jörg Steinkrau violoncelles Raphael Chretien Claudia Hödl Dana Micicoi Bernadette Valik Shane Woodborne contrebasses Christian Junger Peter Palotai Notburga Pichler Josef Radauer Orchestre du Conservatoire de Paris La pratique de l’orchestre est inscrite dans l’histoire de l’institution : dès 1803, les symphonies de Haydn, puis de Mozart et Beethoven étaient jouées par les élèves sous la direction de FrançoisAntoine Habeneck ; ce même chef fonde en 1828 avec des anciens étudiants la Société des Concerts du Conservatoire, à l’origine de l’Orchestre de Paris. Cette pratique constitue aujourd’hui un des axes forts de la politique de programmation musicale proposée par le Conservatoire dans ses trois salles publiques, aussi bien que dans des institutions partenaires de son projet pédagogique : cité de la musique, Théâtre du Châtelet, Théâtre des Bouffes du Nord, Musée de l’Armée, Musée d’Orsay, Printemps Haussmann... Un instrumentiste doit en effet pouvoir pratiquer, au cours de ses années d'apprentissage, la musique d'ensemble sous toutes ses formes – de la création contemporaine en petit effectif au répertoire symphonique – et acquérir l'expérience de la scène. L’orchestre du Conservatoire est constitué à partir d'un ensemble de 350 instrumentistes, réunis en des formations variables, renouvelées par session, selon le programme et la démarche pédagogique retenus. Les sessions se déroulent sur des périodes de une à deux semaines, en fonction de la difficulté et de la longueur du programme. L’encadrement en est le plus souvent assuré par des professeurs du Conservatoire ou par des solistes de l’Ensemble Intercontemporain, partenaire privilégié du Conservatoire. Le principe de la programmation de l’orchestre du Conservatoire est simple : faire aborder aux étudiants des chefs-d'œuvre de périodes et de styles variés, avec les meilleurs chefs d’orchestre : pour la saison 2000/2001, Jacques Israelievitch, Jens McManama, Ami Flammer, Heinrich Schiff, Guillaume Bourgogne, János Fürst, Emmanuel Krivine, Alain Louvier, Dmitry Yablonsky, François Théberge, François-Xavier Roth, Maurizio Dini Ciacci, Shlomo Mintz et les solistes de l’Orpheus Chamber Orchestra. Les étudiants auront ainsi abordé des œuvres aussi diverses et essentielles que le Concerto en ré de Stravinski, les Métamorphoses de Richard Strauss, West Side Story de Bernstein, La Nuit transfigurée de Schoenberg, la Sérénade pour ténor, cor et orchestre à cordes de Britten, le Concerto pour deux orchestres à cordes, piano et timbales de Martinu, le Double concerto pour violon et violoncelle de Brahms, la Symphonie n° 8 de Chostakovitch et Quasi una fantasia pour piano et orchestre de György Kurtág. préparation des étudiants : violons Hae-Sun Kang Jeanne-Marie Conquer altos Christophe Desjardins Odile Auboin violoncelle Pierre Strauch contrebasse Frédéric Stochl étudiants : flûte Kumi Morikawa hautbois Alexandre Emard clarinette Laurent Bienvenu basson Hélène Souque cor Vladimir Dubois trompette Gery Desrumaux notes de programme | 29 l’école de Vienne l’école de Vienne percussions Dorothée Leclair Violaine Miller Laurent Muller David Vainsot Jean-Philippe Cochenet Marc Dumazert violoncelles trombone Julien Lucchi harpe Célia Perrard célesta Kaneko Abe Paul Ben Soussan Alexandre Bernon Sébastien Hurtaud Frédéric Peyrat Marlène Rivière Pierre Cordier harmonium contrebasses Maki Belkin Hsiao Yi Chiary Nolwenn Le Dauphin Michel Robache Hélène Westphal piano Marta Godeny violons Pierre Bleuse Caroline Bournaud Eliad Floréa Asako Fujibayashi Daniel Garlitsky Arielle Gill Nicolas Gros Nadège Gruffat Harold Hirtz Mana Kato Leslie Levi Claire Michelet Aude Miller Anaïs Perrin Carole Petitdemange Laetitia Ringeval altos Cédric Catrisse Julien Kunian 30 | cité de la musique Ensemble Intercontemporain Fondé en 1976 par Pierre Boulez, l’Ensemble Intercontemporain est conçu pour être un instrument original au service de la musique du XXe siècle. Formé de trente et un solistes, il a pour directeur musical David Robertson, remplacé par Jonathan Nott à partir d’août 2000. Chargé d’assurer la diffusion de la musique de notre temps, l’Ensemble donne environ soixante-dix concerts par saison en France et à l’étranger. En dehors des concerts dirigés, les musi- ciens ont eux-mêmes pris l’initiative de créer plusieurs formations de musique de chambre dont ils assurent la programmation. Riche de plus de 1600 titres, son répertoire reflète une politique active de création et comprend également des classiques de la première moitié du XXe siècle ainsi que les œuvres marquantes écrites depuis 1950. Il est également actif dans le domaine de la création faisant appel aux sons de synthèse grâce à ses relations privilégiées avec l’Institut de Recherche et Coordination Acoustique Musique (Ircam). Depuis son installation à la cité de la musique, en 1995, l’Ensemble a développé son action de sensibilisation de tous les publics à la création musicale en proposant des ateliers, des conférences et des répétitions ouvertes au public. En liaison avec le Conservatoire de Paris, la cité de la musique ou dans le cadre d’académies d’été, l’Ensemble met en place des sessions de formation de jeunes professionnels, instrumentistes ou compositeurs, désireux d’approfondir leur connaissance des langages musicaux contemporains. piano Hidéki Nagano harpe Frédérique Cambreling musiciens supplémentaires flûtes Sophie Cherrier Emmanuelle Ophèle saxophone hautbois tuba László Hadady Didier Pateau Benoît Fourreau Vincent David mandoline clarinettes Alain Damiens André Trouttet Christian Schneider technique cité de la musique régie générale clarinette basse Alain Billard Christophe Gualde (13/10) Olivier Fioravanti (19/10) régie plateau basson Pascal Gallois Eric Briault régie lumières Marc Gomez cors Jens McManama Jean-Christophe Vervoitte Ensemble Intercontemporain régie générale trompette Antoine Curé Jean Radel régie plateau Damien Rochette trombone Philippe Jacquin Benny Sluchin Nicolas Berteloot percussions Vincent Bauer Michel Cerutti Daniel Ciampolini Conservatoire de Paris régie générale Bernard Purrans régie plateau Xavier Laure notes de programme | 31