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Numéro 5 du 15 mai 2008 http://www.clionautes.org Ces deux affiches électorales, très souvent reprises dans les manuels d’histoire du secondaire, marquent l’entrée de la France dans la Ve république. La première date de septembre 1958. Elle invite les électeurs à approuver par référendum la constitution que le général de Gaulle, devenu président du conseil, a inspiré et qu’une équipe de juristes et de politiques a rédigé sous la direction du garde des sceaux Michel Debré. Les Français ne resterons pas sourds à cet appel puisque plus de huit sur dix se déplacent pour déposer un bulletin dans l’urne et que le OUI l’emporte avec environ 82 % des suffrages. La deuxième affiche évoque le référendum du 28 octobre 1962, qui propose une modification de la constitution pour élire le président de la république au suffrage universel. Le général de Gaulle obtint là aussi la majorité des suffrages, 62 % de OUI. L’abstention atteint 23 % du corps électoral. Le succès était incontestable mais ce n’était plus le raz de marée dont la presse avait pu parler quatre ans plus tôt. Cette nouvelle disposition constitutionnelle donne à la cinquième république sa forme quasi définitive. 28 septembre 1958, le dernier acte d’une longue crise politique Le référendum de 1958 est l’aboutissement d’une longue crise politique ouverte par les événements du 13 mai 1958. Cinq mois d’incertitude et d’agitation pendant lesquels l’opinion métropolitaine a été secouée par les rumeurs de guerre civile et la crainte d’un coup d’Etat. Les Parisiens sont sans cesse mis en alerte par les manifestations et les bruits des klaxons qui scandent : « AL-GE-RIE-FRAN-ÇAI-SE » ou « LE-FASCISME-NE- L’image du mois, le labo des Clionautes, n°5 du 15 mai 2008 1 PASSE-RA-PAS ». Cette atmosphère électrique a été décrite dans un livre nommé fort à propos : Les 13 complots du 13 mai (1). Les historiens discutent encore de la part prise par le général de Gaulle dans ces événements. L’opinion prévaut que si le général n’a pas encouragé les « complots » il ne les a pas découragés car ils servaient ses ambitions. Dans ses conférences de presse comme dans ses apparitions publiques, le général se présente comme le celui qui peut : « être utile, encore une fois, directement, à la France ». Il évoque avec une modestie feinte son rôle historique : « Naguère, certaines choses se sont passées, ont été accomplies, les Français le savent… ». Une fois l’investiture obtenue son obsession est de mener à bien et le plus rapidement possible la transformation constitutionnelle. Même à Alger, le 4 juin 1958, cette préoccupation ne quitte pas son esprit. A la foule qu’il dit avoir compris il parle surtout de rénovation des institutions et conclut dans sa langue inimitable : « et c’est pourquoi me voilà ! ». Le 4 septembre 1958, Place de la République à l’occasion d’un gigantesque meeting politique en faveur du oui au référendum, André Malraux résumera le paradigme gaullien dans une formule oratoire de son cru. Le général est : « l’homme qui tient de l’histoire le droit de vous appeler en témoignage mais dont l’entreprise ne peut tenir que de vous sa légitimité ». (3) Analyse de l’affiche « OUI à la constitution… OUI à la république » En 1958, l’affichage politique et militant tient encore une place importante sur les murs des villes. Recouvertes, déchirées ou défendues par des équipes organisées de colleurs, le placard politique est un support de choix dans un combat électoral ou la radio et la télévision n’occupent pas encore tout l’espace médiatique. L’image centrale n’est pas très originale, elle reprend des éléments iconiques anciens : la Marianne, les chaînes brisées, les bras levés en forme de V de la victoire. Ces signes sont encore aujourd’hui faciles à décoder. L’enjeu c’est bien de libérer la république du « système », mot qui dans le vocabulaire gaulliste dénonce le « système des partis » qui rend l’exécutif impuissant. Le slogan et le graphisme se conjuguent dans une condamnation redondante. Le général est l’homme qui peut redresser la situation parce qu’il s’identifie au destin de la France et à la rénovation des institutions. Son ombre discrète et bienfaitrice fait écho à Marianne au point que l’on ne sait plus qui est l’allégorie de la France. Si le slogan « oui à l’essor social et économique » ne pose pas de problème d’interprétation, il faut en revanche apporter quelques précisions sur le : « oui à la France et à la communauté ». Le 28 septembre 1958, on vote aussi dans les territoires de « l’Union française » - ou pour parler plus clairement dans les colonies - qui doivent décider si elles veulent adhérer à la « Communauté française », prévoyant une fédération entre la France et les peuples associés. Seule la Guinée de Sékou Touré vote massivement NON au référendum et obtient dans la foulée sont indépendance complète. L’affiche n’est pas signée mais elle a un commanditaire dont le nom figure au bas entouré par deux France frappées d’une croix de Lorraine. Il s’agit du « Comité ouvrier et professionnel pour le soutien à l’action du général De Gaulle ». Derrière ce mystérieux « Comité » qui ne fera guère parler de lui, se cachent les réseaux gaullistes chargés de chercher des relais dans toutes les couches de la société française. Depuis la dissolution du RPF, De Gaulle ne veut pas entendre parler de parti. De Gaulle n’appartient à personne, c’est à dire qu’il appartient à tous dira le général de lui même. Il est donc important que des ouvriers, des syndicalistes, habituellement classés à gauche, voire communistes, puissent soutenir l’homme providentiel en transcendant les barrières politiques. Le but de cette affiche est bien de trouver un équilibre entre une large approbation démocratique et des tentations bonapartistes. (1) M. et S. Bromberger Les 13 Complots du 13 Mai ou la Délivrance de Gulliver. Fayard, 1959 (2) voir sur ce sujet le programme du colloque de sciences po sur le 13 mai 1958, pour le 50e anniversaire http://centre-histoire.sciences-po.fr/centre/colloque/mai_1958.html (3) Pour les extraits vidéos qui contiennent ces citations voir : De Gaulle ou l’éternel défi de jean Lacouture, Rolland Mehl et Jean Labib .TF1 - Kuiv Productions - INA - 1987 Le référendum du 28 octobre 1962, une relation personnelle avec les Français Le référendum d’octobre est le deuxième de l’année, puisque début avril les électeurs avaient approuvé à plus de 90 % de oui les accords d’Evian qui mettaient fin à la guerre d’Algérie. Le 22 août 1962, le général échappe de peu à une embuscade organisée par un commando OAS au Petit Clamart. Le chef de l’Etat profitant de l’émotion provoquée par cette tentative d’assassinat - on montre à la télévision la DS présidentielle criblée de balles – s’adresse directement aux Français, les prend à témoins : l’attentat perpétré contre ma vie […], me font une obligation d’assurer après moi […] une république solide, ce qui implique L’image du mois, Le labo des Clionautes, n°5 du 15 mai 2008 2 qu’elle le soit au sommet ». De Gaulle profitait des circonstances pour lever le tabou qui pesait sur l’élection du président de la république au suffrage universel depuis le coup d’Etat de Louis Napoléon Bonaparte. Pour modifier la constitution président choisit la voie référendaire (article 11) plutôt que de passer par le vote du congrès (article 89) car il sait bien que les deux chambres sont hostiles à ce changement. A cette occasion le président du Sénat Gaston Monnerville parlera de « forfaiture ». L’assemblée nationale votera la seule et unique motion de censure qui réussit à renverser le gouvernement de Pompidou. De Gaulle use de son pouvoir de dissolution pour renvoyer devant les électeurs les députés élus en 1958. Cette année 1962 est une véritable « étude de cas » pour qui souhaite expliquer le fonctionnement des institutions. Analyse de l’Affiche Au premier abord, cette affiche semble banale. Le doigt injonctif qui sort du rectangle pour s’adresser au passant relève d’un procédé ancien. Beaucoup de Français de 1962 avaient en mémoire l’index de l’Oncle Sam, voire celui de Kitchener qui « a besoin de vous ». A mieux y regarder l’affiche est pourtant plus subtile qu’il n’y paraît. De Gaulle qui est pourtant l’instigateur de l’événement est totalement absent de l’affiche, seul l’emploi des couleurs nationales pourrait évoquer indirectement sa présence. Cet effacement permet de faire porter sur l’électeur tout le poids de la responsabilité et du choix politique. Mettre le citoyen au centre de la décision est un habile procédé de communication, propre à flatter le narcissisme des Français. Entre ce doigt et le regard du passant la relation est directe. Elle passe par dessus tous les autres médiateurs y compris les partis politiques. L’affiche est d’ailleurs éditée, comme la précédente par un comité de soutien hébergé rue de Solferino, siège du parti gaulliste. Cette affiche sent la patte d’un publicitaire, elle a été déclinée en plusieurs formats dont de très grands pour occuper les emplacements publicitaires. D’une certaine manière c’est une entrée dans l’ère de la communication. Il ne lui manque plus qu’à basculer qu’en format 4X3 pour se calquer sur le format de la télévision et de la modernité. Propositions de mise en œuvre pédagogique 1 -Analyse du contexte et chronologie constitutionnelle Ces deux affiches de 1958 et 1962 ont des points communs, faites en la liste… - circonstances électorales - objectif politique - commanditaire de l’affiche Depuis 1962, la constitution a-t-elle été modifiée ? A quel sujet, et par quel procédé électoral (citez le numéro de l’article de la constitution) 2 – analyse d’image : regarder et expliquer les éléments ci-dessous L’image du mois, Le labo des Clionautes, n°5 du 15 mai 2008 3 1- Qui est l’ombre derrière Marianne ? Pourquoi l’auteur a-t-il fait ce choix graphique ? 2 – Que représente la croix sur la carte de France ? Pourquoi la carte est-elle soutenue par une main noire et une main blanche ? 3 – Que veut dire « communauté » ? (Faites la relation avec la question précédente) 4 – Quel sens donner à ce slogan : « la république libérée du système », et que veut dire « système » ? 5 – Qui sont les éditeurs de l’affiche ? Qui peut se « cacher » derrière ce « comité ouvrier » ? Pourquoi aucun parti politique n’apparaît sur l’affiche ? Sur le Web Fondation Charles De Gaulle : ce site est l’héritier de celui de l’institut Charles De Gaulle. Il permet une recherche thématique très basique. http://www.charles-de-gaulle.org/rubrique.php3?id_rubrique=26 Pour approfondir, consulter le site éducatif réalisé par le ministère et le CNRD qui contient de nombreuses ressources adaptées aux élèves de collège et de lycée. Si le coeur vous en dit vous pouvez aller consulter la rubrique « surfer avec le général » http://www.de-gaulle-edu.net/ Sur les référendum et la constitution, consultez « vie publique.fr » http://tinyurl.com/2lj8t6 Ou Election politique.com http://www.election-politique.com/ref19621.php Lire Coups de cœur Dans Parution .Com Un dossier sur la guerre d’Algérie et un entretien avec Bernard Droz qui aborde de manière claire les rapports entre De Gaulle et l’Algérie. Pour les affiches électorales voir Election-politique.com http://www.electionpolitique.com/pres_ci_1965.php L’auteur Claude Robinot, enseigne au lycée Geoffroy Saint-Hilaire à Etampes et à l’Iufm de l’académie de Versailles. [email protected] Laurent Gervereau, La propagande l’affiche, Syros alternative, 1991. par Jean-Jacques Becker, Histoire politique de la France depuis 1945, Armand Colin, 1996. Michel Winock, L’agonie de la IVe république : le 13 mai 1958, coll les journées qui ont fait la France. Jean Lacouture, De Gaulle, Le seuil, 19841986 Attention ! Le prochain numéro sortira le 15 septembre L’image du mois, Le labo des Clionautes, n°5 du 15 mai 2008 Le_Labo, revue bimestrielle des Clionautes Directrice de publication : Caroline Jouneau-Sion Rédacteur en chef : Jean-Pierre Meyniac Adhérer à l’association : http://www.clionautes.org/spip.php?arti cle493 4