littoral nord de l`État du Paraná
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littoral nord de l`État du Paraná
INSTITUT NATIONAL AGRONOMIQUE PARIS-GRIGNON THESE Présentée par Lovois de Andrade MIGUEL Ingénieur agronome pour l'obtention du titre de DOCTEUR DE L'INSTITUT NATIONAL AGRONOMIQUE PARIS-GRIGNON Formation, évolution et transformation d'un système agraire dans le sud du Brésil (littoral nord de l'État du Paraná) Une paysannerie face à une politique de protection de l'environnement : "Chronique d'une mort annoncée?" Directeur de thèse : M. Marcel Mazoyer soutenue le 27 février 1997 devant la commission d'examen composée de : M. Marcel Mazoyer - Professeur à l'Institut National Agronomique, président. M. Claude Raynaut - Directeur de Recherche au CNRS, premier rapporteur. M. Yves Goussault - Professeur Émérite à l'Université Paris I, second rapporteur. Mme. Jeanne-Marie Viel - Professeur à l'Institut National Agronomique. SOMMAIRE RÉSUMÉ AVANT PROPOS INTRODUCTION 1 CHAPITRE 1 - La mise en place d'un système de production esclavagiste et la formation de la paysannerie "caiçara" (1580-1888) 19 1. La période aurifère et l'intégration de la région à la colonie portugaise 20 1.1. Le littoral du Paraná à l'époque précolombienne 20 1.2. La destruction des communautés indiennes et la colonisation de la région par des 21 chercheurs d'or au début du XVIIe siècle 1.3. L'épuisement de l'or au début du XVIIIe siècle 2. La constitution d'un nouveau système agraire sur le littoral nord du Paraná 2.1. La formation d'une société agraire 2.2. Une conjoncture favorable au développement des activités agroforestières et de transformation artisanale 2.3. Un mode d'exploitation du milieu fondé sur l'économie de cueillette et sur l'agriculture de défriche-brûlis 2.4. Une société agraire bien différenciée : des paysans, des agriculteurs esclavagistes et des grands propriétaires esclavagistes 3. Transformations et crise du système esclavagiste 3.1. De profonds changements d'ordre politique et économique à partir du milieu du XIXe siècle 3.2. Crise du système esclavagiste et déclin général de l'activité économique régionale : conséquences sur la société agraire du littoral nord du Paraná 23 24 24 25 27 31 44 44 47 CHAPITRE 2 - L'apogée et le déclin de la paysannerie "caiçara" (1888-1992) 51 1. La mise en place d'un nouveau système agraire 52 1.1. Un système agraire en formation depuis le milieu du XIXe siècle 1.2. Un mode d'exploitation du milieu toujours fondé sur le système de culture de défrichebrûlis et sur l'exploitation des ressources naturelles 1.3. La paysannerie "caiçara" au début du XXe siècle : organisation économique et rapports de production 1.4. Une période d'essor économique et démographique 2. Les années 30 : le début d'une longue période de crise … 2.1. Les origines de la crise paysanne 2.2. Des changements dans le mode d'exploitation du milieu comme réponse à la crise 2.3. Les interventions des pouvoirs publics dans la région à partir de 1965 accentuent la crise paysanne 3. La mise en place d'une politique de protection de l'environnement sur le littoral paranéen à partir de 1982 3.1. Le contexte socio-économique et politique au Brésil et au Paraná à partir des années 60 3.2. La politique de protection de l'environnement sur le littoral nord du Paraná 3.3. Les actions et interventions entreprises par les pouvoirs publics pour compenser les restrictions d'usage des ressources naturelles sur le littoral nord du Paraná CHAPITRE 3 - Une conjoncture agraire complexe et en pleine mutation 1. Caractérisation socio-économique des exploitations agricoles du littoral nord du Paraná 1.1. Typologie fonctionnelle des principaux systèmes de production 1.2. Modélisation des résultats économiques des principaux systèmes de production 52 54 64 72 76 76 81 91 109 109 124 131 146 147 148 215 2. Une société agraire marquée par d'importantes inégalités 229 2.1. Développement différentiel et crise paysanne : une paysannerie à deux vitesses ? 2.2. Immigration et expansion des productions maraîchères 2.3. Des propriétaires de néolatifundias en quête de nouvelles possibilités de développement 229 244 248 CHAPITRE 4 - Comment concilier les impératifs de la protection de l'environnement avec ceux du développement agricole sur le littoral nord du Paraná? 1. Les paradigmes actuels sur la problématique environnement-développement 2. La paysannerie et la problématique environnement-développement sur le littoral nord du Paraná 2.1. Les enjeux de la problématique environnement- développement sur le littoral nord du Paraná 2.2. La majeure partie de la paysannerie est confrontée à une situation socio-économique fort précaire 3. Quelle politique de développement agricole pour le littoral nord du Paraná? 3.1. Une politique de développement centrée sur la paysannerie 3.2. Redéfinir l'action des pouvoirs publics 3.3. Redistribution foncière et mise en place d'une "réserve extractiviste" de cœur de palmier 3.4. La promotion des structures associatives paysannes CONCLUSION BIBLIOGRAPHIE ANNEXES LISTE DES FIGURES LISTE DES TABLEAUX LISTE DES PLANCHES LISTE DES ANNEXES 257 258 262 263 266 270 272 273 277 282 286 294 314 Résumé Cette thèse est consacrée à l'étude de l'évolution et de la différenciation des systèmes agraires qui se sont succédés sur le littoral nord de l'État du Paraná (sud du Brésil) depuis la colonisation portugaise jusqu'à nos jours. Elle révèle une société agraire largement structurée autour d'une paysannerie dont le mode d'exploitation du milieu demeure fondé sur l'appropriation directe des ressources naturelles (agriculture de défriche-brûlis, cueillette, pêche, chasse). Elle montre comment certaines interventions récentes des pouvoirs publics, en altérant le mode d'exploitation des ressources naturelles, l'organisation de l'espace et l'organisation sociale, sont devenues des facteurs d'aggravation de la crise déjà ancienne de cette société paysanne. Tout en mettant en évidence la situation d'exclusion socio-économique que la majorité de cette paysannerie affronte, elle démontre que les possibilités de concevoir un projet de développement qui concilie les impératifs de la protection de l'environnement et ceux de l'amélioration des conditions de vie de cette paysannerie sont aujourd'hui largement réunies. Mots-clés Système agraire - Brésil - Paraná - Guaraqueçaba - Agriculture défriche-brûlis - Cueillette Paysannerie - Développement - Environnement. Summary This paper focuses on the evolution of and the differences between the agrarian systems that have been set up along the Northern coast of Paraná State (southern Brazil), from the Portuguese colonisation until today.This paper brought to light an agrarian society based on small farming which relied mainly on natural resources (such as shifting cultivation, fruit gathering, fishing and hunting). This work underlines how inadequate and harmful recent government schemes have proved to be. By changing the farmers' methods of exploiting natural resources they have made the crisis even worse. And, farmers are excluded from socio-economic patterns. However, this paper endeavours to show that a development scheme aiming both at protecting the environment and improving small farmers' living conditions can be devised. Key words Agrarian system - Paraná - Brazil - Guaraqueçaba - Schifting cultivation - Fruit gathering - Peasants Development - Environment. Resumo Este trabalho compreende o estudo da evolução e da diferenciação dos sistemas agrários que se sucederam no litoral norte do Estado do Paraná (região sul do Brasil) desde o período da colonisação portuguesa até os dias de hoje. Analiza uma sociedade agrária estruturada em torno de pequenos agricultores familiares cujo modo de exploração do meio caracteriza-se pela apropriação direta dos recursos naturais (agricultura de queimada, extrativismo, pesca, caça). Coloca em evidência que certas intervenções recentes dos poderes públicos nesta região, alterando o modo de exploração dos recursos naturais, a organização do espaço e a organização social, tornaram-se fatores de agravação da crise que esta sociedade agrária já vem atravessando desde os anos 30. Ao mesmo tempo que este estudo destaca a situação de exclusão sócioeconômica da maioria dos pequenos agricultores familiares, ele demonstra que os elementos necessários para conceber um projeto de desenvolvimento que concilie os imperativos da proteção ambiental com os da melhoria das condições de vida desta população encontram-se hoje amplamente reunidos. Palavras chaves Sistema agrário - Brasil - Paraná - Guaraqueçaba - Agricultura de queimada - Extrativismo Pequenos agricultores familiares - Desenvolvimento - Meio Ambiente. AVANT PROPOS Tous ceux qui se sont aventurés sur le long et solitaire chemin de la rédaction d'une thèse, savent que nous ne pouvons pas entreprendre seul un tel projet. Tout au long de ce parcours, des gens nous épaulent discrètement, nous aident, nous soutiennent. Parfois, ce ne sont que des petits signes de gentillesse et d'attention, mais des signes qui nous encouragent à continuer notre travail. Me voilà donc confronté à cet exercice, très délicat, mais juste, que sont les remerciements (mais oui, il faut les faire !!!). Pour toutes ces raisons je dois faire part de ma gratitude : A M. Marcel MAZOYER, pour avoir accepté de diriger cette thèse et m'avoir prodigué ses conseils et ses remarques toujours pertinentes. A Mlle. Sophie DEVIENNE et à Mme. Jean-Marie VIEL, pour leur attention et leur pertinence dans la lecture de la thèse. A Mme. Magda ZANONI, Maître de Conférence à l'Université de Paris VII, coordinatrice du programme de développement durable de la région de Guaraqueçaba (État du Paraná, Brésil) intitulé "Gestion des ressources naturelles pour un développement durable dans une Zone d'Environnement Protégée". A Magda, responsable et initiatrice de ce programme dans lequel se place cette recherche, mais également et avant tout, celle qui a encouragé ma venue en France. Pendant une bonne partie de mon séjour et de ma formation en France, j'ai pu bénéficier d'une bourse brésilienne octroyée par le Conselho Nacional de Desenvolvimento Científico e Tecnológico - CNPq. Ce soutien m'engage à vie dans la voie du partage de la connaissance et de l'humilité. A Mme. Francine BASSU, pour sa gentillesse et sa sensibilité à toute épreuve. A Marie-Dominique ROUGEULLE pour sa précieuse collaboration dans la révision finale de ce texte. A Tatiana ENGEL GERHARDT, Michèle PRETET, Dominique HAUTEBERGUE, Angela D. FERREIRA, Solange et Pierre RAMOND, sans qui cette thèse ne serait jamais arrivée à terme. Enfin, je tiens à remercier les paysans et pêcheurs du littoral Nord du Paraná, à qui je souhaite du fond de mon coeur qu'ils puissent devenir des citoyens à part entière. INTRODUCTION Pour qui connaît l'importance de l'État du Paraná (région sud du pays) dans l'économie agricole du Brésil, avec ses vastes plateaux consacrés pour l'essentiel à une agriculture issue de la "révolution verte", la portion nord du littoral paranéen1 est considérée à plusieurs égards comme une région remarquable (figure 1). Celle-ci, l'une des premières de l'État à avoir été colonisée par les Portugais au XVIe siècle, conserve en effet une richesse et une diversité biologique considérables. Si quelques centaines de kilomètres à peine la séparent des centres urbains très dynamiques comme Curitiba (figure 2), la capitale de l'État, et São Paulo, principal pôle économique du pays, elle est encore aujourd'hui très faiblement peuplée (on y compte moins de 4 habitants au km2), et demeure l'une des régions les plus pauvres et les plus démunies du Sud du Brésil. Un regard plus attentif permet de comprendre les origines de ce paradoxe qui ne peut manquer d'attirer l'attention sur cette portion du territoire paranéen dont la superficie atteint environ 3.000 km2. En premier lieu, le climat, de type subtropical humide2 avec une pluviométrie et une humidité de l'air très élevées, s'avère fort limitant quant au développement des activités agricoles. Par ailleurs, la plupart des terres agricoles y sont soumises à de fortes limitations d'usage en raison du relief accidenté ou de mauvaises conditions de drainage. Pour compléter ce tableau d'ensemble, soulignons la précarité des voies de communication. Tandis qu'une chaîne montagneuse, la Serra do Mar3, constitue une véritable frontière naturelle au Nord et à l'Ouest, les estuaires 1 La limite géographique retenue est approximativement celle de la région d'étude adoptée par le décret de création de la Zone d'Environnement Protégé de Guaraqueçaba (décret fédéral n°90883 du 31/01/85) exception faite de deux petites régions localisées sur le plateau au nord de la région d'étude. En effet, nous avons délibérément exclu ces deux petites régions car l'histoire agraire, ainsi que les caractéristiques géo-climatiques diffèrent sensiblement de celles rencontrées dans l'ensemble de la région littorale du Paraná. Notre région d'étude couvre la plupart de la commune de Guaraqueçaba et les parties nord et est de la commune d'Antonina. 2 Le climat de la région est fortement marqué par la latitude (entre les parallèles 25° et 26°) et par l'action orographique de la chaîne de montagnes "Serra do Mar" et des trois centres d'action atmosphériques de l'Amérique du Sud (l'anticyclone de l'Atlantique sud, l'anticyclone migratoire polaire et la dépression du Chaco). Par conséquent, le climat peut être défini comme subtropical humide et est caractérisé par le balancement régulier d'une saison hivernale à sécheresse modérée et d'une saison chaude humide estivale (Naizot - 1993, p. 15). Les précipitations annuelles moyennes varient entre 2100 et 2800 mm, ces variations étant liées à la proximité de la chaîne montagneuse et au gradient altitudinal. En outre, les précipitations sont très inégalement réparties sur l'année : les précipitations les plus faibles ont lieu pendant l'hiver - de juin à août - et les plus élevées à la fin de l'été - février à avril (figure 3). Même pendant la période hivernale, le volume des précipitations demeure important avec une moyenne mensuelle supérieure à 80 mm. Par contre, les pluies torrentielles qui ont lieu notamment en été peuvent dépasser facilement 100 mm par jour et ceci pendant plusieurs jours consécutifs, occasionnant les crues des principaux fleuves. En conséquence, le bilan hydrique est fortement excédentaire tout au long de l'année avec des excédents hydriques souvent supérieurs à 500 mm (IPARDES - 1990, p. 19). Néanmoins, de courtes périodes de déficit hydrique peuvent survenir sporadiquement pendant certaines périodes de l'année, notamment en hiver et au début de l'été. L'humidité relative de l'air est également très forte en toutes saisons : elle varie entre 80 et 90%. 3 Cette chaîne montagneuse a eu comme origine le processus de constitution de la bordure Est du socle brésilien lors de la rupture de la plaque tectonique afro-américaine à la fin de l'ère mésozoïque (Maack et Bigarella citées par Naizot - 1993, p. 28). Cette bordure périphérique, avec la forme d'un bourrelet montagneux (Birot citée par Naizot - 1993, p. 11) et avec une altitude plus élevée que les plateaux de l'intérieur du continent, sera à l'origine de la chaîne de montagnes "Serra do Mar". Outre le front de l'escarpement, cette chaîne de montagnes est constituée d'un ensemble complexe de montagnes en blocs, les uns surélevés, les autres au contraire abaissés, aux escarpements profondément disséqués qui forment des "serras" isolées et marginales et baies qui la bordent au Sud sont de faible profondeur (figure 4). Même l'existence d'un réseau hydrographique très dense ne permet pas de compenser ces contraintes : le transport fluvial est lui aussi confronté à des fortes limitations, car à l'exception des quelques fleuves principaux qui traversent la région, la plupart des cours d'eau sont trop sinueux et étroits pour permettre une véritable navigation fluviale (figure 5). À ceci s'ajoute la localisation géographique du littoral nord, complètement à l'écart des principaux axes de communication terrestres qui traversent le littoral paranéen (figure 6). Autant de contraintes qui ont fait du littoral nord du Paraná une région longtemps dotée de faibles avantages comparatifs notamment par rapport aux régions de plateaux de l'intérieur de l'État4 ou même aux régions voisines du littoral centre et sud5. (Naizot - 1993, p. 14). Les structures rocheuses sont d'origine précambrienne et jurassique-crétacée et elles sont composées par des roches ignées (granites) mais surtout par des roches métamorphiques (notamment des migmatites et gneiss) (IPARDES - 1990, pp. 23-24). Les failles dans le substratum précambrien ont été soumises à un long processus d'érosion géologique qui a donné origine aux principales orientations du relief et aux vallées alluviales avec une orientation Nord-est, Nord et Nord-ouest. La partie plus élevée de cette chaîne montagneuse s'élève à environ 1500 mètres, mais la plupart des montagnes ont des altitudes inférieures à 800 mètres (IPARDES - 1990, p. 35). 4 Les régions de plateaux de l'État du Paraná étaient, jusqu'aux années 60, le grand front pionnier du Sud du Brésil avec de vastes étendues de terres vierges et un climat relativement tempéré. 5 C'est là que l'on trouve les principaux ports maritimes et fluviaux de l'État. Elles sont par ailleurs plus proches des régions de plateaux. Figu r e 3 - T e m pé r at ur e e t pr é cipi t a t io ns* an nue lle s sur le li t t or al Nor d de l' Ét a t du Par a ná C° 3 0 4 0 0 m .m . 350 25 300 20 250 15 200 150 10 100 5 Dec Nov Oct Sep Août Juil Jui Mai Av r Mar Fev 50 Jan 0 0 Temp érat ur e moyenne mensuelle Hum id it é relat ive de l' air : 8 0 % (sept à jan v ) à 9 0 % ( avril à ao ût ) Temp érat ur e maximale men suelle Temp érat ur e m inimale men suelle Précipit at io ns mm/ mo is Ensoleillement heures/ mo is Note : * Calcul de la moyenne des précipit at ions mensuelles pour la période de 197 8-90 SOURCE : D' après les données fournies par l'IAPAR, 197 8-90 . Le littoral nord du Paraná a donc été réduit à jouer un rôle secondaire et périphérique tout au long du processus de développement économique de l'État du Paraná dans son ensemble et même du reste de la région littorale. Cette situation n'a permis qu'une intégration partielle au marché économique régional et national, et la région est restée longtemps à l'écart de toute politique d'aménagement du territoire et de développement. Contrairement à ce qui s'est produit dans la plupart des régions du sud du Brésil, fortement marquées par une colonisation récente, la société agraire du littoral nord du Paraná est restée largement structurée autour d'une paysannerie dont les origines remontent aux premiers temps de la colonisation. Cette société paysanne, appelée localement "caiçara", a ainsi pu mettre en œuvre un mode d'exploitation du milieu adapté de longue date au milieu naturel. Jusqu'aux années 60, ce mode d'exploitation du milieu est resté fondé sur l'appropriation directe des ressources naturelles - comme la cueillette du cœur de palmier (Euterpe edulis), l'exploitation du bois et des lianes, la pêche et la chasse, sur la transformation artisanale de produits forestiers et agricoles et sur la culture de la banane, du riz pluvial, du manioc (et dans une moindre mesure le haricot et le maïs), selon le système de culture de défriche-brûlis. Il faudra attendre la fin des années 60 pour que cette situation soit profondément bouleversée par toute une série d'interventions des pouvoirs publics, et tout d'abord par la mise en place par le gouvernement fédéral d'un ambitieux programme de développement des activités forestières. Les avantages fiscaux offerts par ce programme déclenchèrent en effet un ample mouvement de concentration foncière, en incitant l'installation d'un grand nombre de néolatifundias dans la région. Cette installation fut suivie par le désenclavement progressif des principales vallées agricoles avec la construction de pistes en terre et quelques routes goudronnées. Enfin, à partir des années 80, les pouvoirs publics brésiliens intervinrent de nouveau dans la région en mettant en place une politique régionale de protection de l'environnement. A l'origine, ce travail devait répondre à une problématique portant sur des conflits d'usage des ressources naturelles opposant la paysannerie locale et les organismes publics chargés d'appliquer cette politique de protection de l'environnement. Depuis le environnementaux, associés milieu des années 80, ces organismes à l'occasion à des organisations non gouvernementales de protection de l'environnement, accusent en effet cette paysannerie, au même titre que les néolatifundias, de détruire et de dégrader les écosystèmes forestiers existants dans la région. Mais au fur et à mesure de l'approfondissement de la recherche, une situation bien plus complexe a été mise à jour. Tout d'abord, nous avons pu constater que la paysannerie locale était depuis fort longtemps confrontée à une grave crise dans son mode d'exploitation du milieu. Puis nous nous sommes aperçus que les interventions récentes des pouvoirs publics dans la région avaient largement contribué à aggraver cette crise paysanne. Ces constats nous ont amené à réorienter notre problématique de départ et à centrer notre étude sur l'ensemble des facteurs qui ont déclenché et aggravé cette crise paysanne. Pour atteindre cet objectif, il nous est apparu indispensable d'identifier et d'analyser les origines et les conséquences de cette crise à travers la reconstitution de l'évolution et de la différenciation des systèmes agraires qui se sont succédés sur le littoral nord du Paraná depuis le début de la colonisation portugaise jusqu'à nos jours. Cette démarche nous a conduit à nous consacrer davantage à la compréhension de la dynamique agraire actuelle. Nous nous sommes particulièrement intéressés à l'analyse des perspectives d'avenir de cette paysannerie prise au piège d'une conjoncture régionale marquée par d'importants paradoxes entre la politique de protection de l'environnement et la politique de développement agricole mise en œuvre par les pouvoirs publics. Dès lors, nous avons placé notre étude au cœur des débats sur la problématique environnement/développement, une problématique dont les enjeux dépassent largement les limites de notre petite région d'étude et qui se révèle être d'une grande actualité dans le contexte brésilien actuel. Pour mettre davantage en évidence les potentialités agro-écologiques ainsi que l'hétérogénéité des milieux naturels existants (figure 7), nous avons pris soin d'élaborer un zonage de la région d'étude. Ce zonage a été conçu en considérant notamment la localisation géographique et l'occurrence et l'importance des différentes unités de milieu naturel. Il s'avère un outil indispensable à la compréhension des différentes étapes de l'occupation de l'espace et des modes d'exploitation du milieu qui se sont succédés tout au long de l'évolution, mais également à la différenciation des systèmes agraires sur le littoral Nord du Paraná. La région d'étude a pu ainsi être divisée de façon schématique en 4 sousrégions distinctes (figure 8) : • Sous-région des plaines littorales et des bas-fonds Cette sous-région comprend l'ensemble des plaines littorales et l'aval des principales vallées alluviales. Dans celles-ci, plus de 3/4 des surfaces de fonds de vallée sont occupées par des bas-fonds. Les plaines littorales ("restingas") sont des plaines sablonneuses légèrement ondulées localisées autour des baies et estuaires. Elles résultent du dépôt de sédiments d'origine maritime lors des dernières régressions de la mer au cours de la période Quaternaire. Cette unité de milieu naturel est soumise à une importante influence des marées qui se traduit par l'occurrence d'une nappe phréatique superficielle. En revanche, les bas-fonds ont été formés par le dépôt de sédiments alluviaux récents. Les bas-fonds se situent le long des principaux fleuves (sur des anciens méandres de fleuve) et à proximité de leur embouchure. Cette unité de milieu naturel se caractérise par la faible profondeur de la nappe phréatique tout au long de l'année (à l'exception des mois de plus faibles précipitations, c'est-à-dire de juillet à septembre, quand on observe un abaissement sensible de la nappe phréatique). Cette situation s'explique par la faible déclivité des bas-fonds combinée parfois à l'influence des marées. Cette sous-région se caractérise par la prédominance de sols sablo-argileux (podzolisés hydromorphes et hydromorphes gley) et par un mauvais drainage naturel. La végétation climacique varie d'une végétation hygrophile herbacée ou arbustive dans les zones marécageuses, à une végétation constituée par une forêt ombrophile dense dans les endroits mieux drainées. • Sous-région des vallées alluviales larges Cette sous-région comprend la partie intermédiaire des principales vallées alluviales. La largeur des fonds de vallées peut dépasser 6 km et 40 à 60% des surfaces sont occupées par des plaines d'épandage de crues et des terrasses alluviales. Le reste des surfaces de fond de vallée est constitué des bas-fonds. Les terrasses alluviales ont été formées par le dépôt de sédiments d'origine alluviale pendant le Quaternaire, lorsque les périodes de transgression de la mer ont noyé les vallées alluviales. Cette unité de milieu naturel comprend la partie des fonds de vallée non inondés par les crues d'été (ou très exceptionnellement) en raison de leur altitude supérieure au niveau des crues des fleuves. Les plaines d'épandage de crues (appelés localement "terras de desmonte") se situent en bordure des principaux fleuves et bénéficient périodiquement de dépôts de sédiments alluviaux récents. Ces plaines sont inondées par des crues d'été ("água do monte") pendant les mois de février et de mars, d'une durée très variable (d'une demi journée à quelques jours) et qui apportent des quantités considérables de sédiments organiques et argileux d'origine alluviale. Les terrasses alluviales comme les plaines d'épandage de crues se caractérisent par la prédominance de sols peu évolués d'apport (sols alluviaux) avec un bon drainage naturel. Cette sous-région comprend également quelques versants de montagnes. Selon la composition du substratum géologique et leur déclivité, ces versants ont des sols pseudo gley, lithiques, ferralitiques ou peu évolués d'apport (sols colluviaux) d'une épaisseur très variable. La végétation climacique sur les fonds des vallées varie d'une végétation herbacée, voire arborée, hygrophile, à une végétation constituée par une forêt ombrophile dense qui prédomine sur les versants de montagnes. • Sous-région des vallées alluviales étroites Elle comprend la partie amont des vallées alluviales presque entièrement entourées par la sous-région montagneuse. Ces vallées sont relativement étroites (leur largeur est souvent inférieure à 2 km), et les plaines d'épandage de crues et les terrasses alluviales occupent plus de la moitié des surfaces de fond de vallée. Le reste des surfaces de fond de vallée est composé de bas-fonds. Au même titre que la sous-région précédente, elle comprend également des versants de montagnes. La végétation climacique est semblable à celle rencontrée dans la sous-région précédente. • Sous-région montagneuse Cette sous-région couvre plus de la moitié de la superficie du littoral nord du Paraná (IPARDES - 1989a, p. 245). Elle est constituée d'une multitude de petites vallées alluviales secondaires et étroites et par l'ensemble des montagnes. Si les surfaces de fond de vallée sont insignifiantes, ces petites vallées alluviales possèdent souvent des versants de montagnes de faible déclivité et dont les sols sont peu évolués d'apport (sols colluviaux). La forêt ombrophile dense est prédominante sur cette sous-région, mais lorsque l'altitude dépasse 1000 mètres (IPARDES - 1990, p. 64), elle cède progressivement la place à une végétation arbustive puis herbacée. La planche 1 illustre les sous-régions présentées ci-dessus. Cette étude a été organisée en quatre chapitres. Les premier et second chapitres sont consacrés à la reconstitution de l'évolution et à la différenciation des systèmes agraires depuis la colonisation portugaise jusqu'à nos jours. Nous avons ainsi pu mettre en évidence les différentes étapes de la formation de la société paysanne sur le littoral nord du Paraná. Il s'agissait avant tout de comprendre le processus de différenciation sociale à l'intérieur de cette paysannerie, de façon à pouvoir appréhender l'ampleur de l'impact des interventions des pouvoirs publics brésiliens dans cette région à partir du milieu des années 60. Pour la période la plus ancienne, cette reconstitution a été réalisée à partir d'une recherche bibliographique basée sur des ouvrages historiques et des documents d'origine très diverse (recensements, correspondance administrative et personnelle, documents d'archives, etc.). En ce qui concerne la période plus récente, c'est-à-dire à partir du début du XXe siècle, la principale source d'information consiste en des enquêtes réalisées auprès des paysans locaux et d'autres acteurs sociaux (commerçants, techniciens et représentants de l'État, agriculteurs, propriétaires des néolatifundias, etc.). Pour la période postérieure aux années 70, mais surtout à partir du début de la décennie 80 qui correspond à la mise en place de la politique environnementale, nous avons pu mettre à profit d'autres sources d'information et notamment des articles de journaux, des rapports et des études réalisés par des organismes d'État ou des travaux universitaires. Dans le troisième chapitre, nous nous sommes attachés à l'analyse détaillée de la conjoncture agraire actuelle sur le littoral nord du Paraná. Il s'agit avant tout d'une caractérisation socio-économique de l'ensemble des catégories sociales rencontrées aujourd'hui dans cette région. À travers l'élaboration d'une typologie fonctionnelle et d'une modélisation des systèmes de production mis en œuvre par ces catégories sociales, nous avons pu déterminer les performances économiques de chacun de ces systèmes et mener une analyse critique de leurs perspectives d'avenir. Nous avons effectué, entre 1990 et 1992, 110 enquêtes approfondies sur les systèmes de production. Par ailleurs et pour améliorer nos connaissances sur certains systèmes de production peu représentés dans la région étudiée, nous avons réalisé 26 enquêtes supplémentaires auprès d'exploitants du littoral centre et sud. Cette démarche nous a permis de mieux comprendre la conjoncture agraire actuelle dans l'ensemble de la région littorale du Paraná et de tester nos hypothèses sur les tendances d'évolution de certains systèmes de production. Le quatrième et dernier chapitre est consacré à une réflexion sur les atouts dont dispose cette paysannerie pour faire face aux enjeux de la problématique environnement-développement sur le littoral nord du Paraná. Nous terminons notre étude en présentant un certain nombre de propositions en vue de la mise en place d'un projet de développement agricole qui puisse concilier les impératifs de la protection de l'environnement et ceux de l'amélioration des conditions de vie de cette paysannerie. Nous avons ainsi voulu montrer que les possibilités de concevoir un tel projet de développement agricole pour le littoral nord du Paraná sont aujourd'hui largement réunies. F ig u r e 7 - Sc h é m a d e l a ré g i o n li t t o r a le N o r d d u Par a ná a v e c se s 5 u n it é s m o r p h o p é d o lo g i q u e s e t l a v é g é t a t i o n cl im ac iq u e V IV III II 1.2 0 0 I Haut es Mont agne s Alt it u de ( m èt res ) B as- f onds Ter r as s es alluv iales non inondées par les c rues d ' ét é Plaine d ' épandage de c r ues Plaine lit t or ale " r es t ing a" 20 à 5 0 B as V er sant s fleuv es Niv eau d e la m er Sols : • ps eudo -gley • f er ralit iqu es • peu év olués d' appo rt ( co lluv iaux) Baie s So ls hy dr omo rph es gley • M ajo rit é des m ont ag nes mig m at it es et gneis s ( m ét amor phiques ) • Haut es m on t agnes granit es ( ignées ) Sols peu év olués d' ap por t ( allu viaux ) • Séd imen t s alluv io nnaux Quat er nair es Sols podz olisés hy dr om or phes • Major it é d es m ont agnes m igm at it es et gneiss ( m ét amor phiques ) • Haut es mont ag nes g ranit es ( ignées ) • S édiment s m ar it imes Q uat ernair es F or êt o m b r op h ile de ns e V é gé t at io n a rb o ré e et m ar ais l ac u st re F or êt d e m ang r o v e s ( m a rai s m ar it im e s ) SOURCE : IPA RDES, 1 9 9 0 et r elev és de t err ain 1 9 8 9 , 1 9 9 1 et 1 9 9 2 . CHAPITRE 1 La mise en place d'un système de production esclavagiste et la formation de la paysannerie "caiçara" (1580 - 1888) 1. La période aurifère et l'intégration de la région à la colonie portugaise 1.1. Le littoral du Paraná à l'époque précolombienne Avant la découverte du Brésil par les Portugais en 1500, le littoral du Paraná était habité par des Indiens de la grande famille culturelle Tupi-guarani. Il semble que ces Indiens soient arrivés sur le littoral sud du Brésil lors d'un vaste mouvement d'expansion des tribus Tupi depuis le nord de l'Amérique du Sud et qu'ils aient repoussé les anciennes tribus habitant ces régions (probablement de la famille culturelle Gê) vers l'intérieur du continent. Vraisemblablement, les Tupi possédaient un niveau technologique et culturel sensiblement supérieur aux anciennes tribus du littoral brésilien. Ainsi par exemple, ils étaient les seuls à dominer la technologie indispensable à la transformation du manioc "amer" (qui demandait un outillage plus complexe et spécialisé que le manioc "doux"). De toute évidence, l'arrivée des Indiens Tupi sur la côte brésilienne semble être relativement récente (entre 0 et 500 après Jésus-Christ), car au moment de la découverte du Brésil par les Portugais, ce mouvement d'expansion n'était pas encore achevé. Les récits des premiers Européens présents dans cette région révèlent qu'une large portion du littoral brésilien appartenait encore aux anciennes tribus indiennes et que des guerres constantes opposaient ces deux groupes (Steward - 1946 - Vol. 3 - p. 97, pp. 885886 et 894; Dean - 1996, pp. 47-48; Santos - 1973, pp. 28-30; Sanoja - 1981, pp. 142-147, pp. 169 et 178; Schmitz - 1989, pp. 47-48). Les tribus Tupi étaient installées notamment au bord des baies et à l'embouchure des grands fleuves, où elles avaient accès à la fois aux ressources naturelles des écosystèmes d'estuaires et forestiers. Lorsque les ressources naturelles, notamment d'origine protéique, manquaient, elles déplaçaient leurs villages (Sanoja - 1981, pp. 16-17, pp. 39 et 120; Steward - 1946 - Vol. 3 - pp. 103 et 886). Leur mode de vie et leur culture matérielle s'apparentaient à ceux de l'homme du Néolithique. Les Tupis fabriquaient des haches en pierre polie, des couteaux en silex, des mortiers en bois, des pirogues et un outillage pour la transformation du manioc relativement élaboré (râpe en bois, pressoir en paille ou en tiges de palmier, plaque de cuisson en argile cuite). L'agriculture, la chasse, la pêche et la collecte (huîtres, crabes, cœur de palmier, lianes, etc.) assuraient leur subsistance. La principale activité de ces Indiens était la culture du manioc "amer", mais ils cultivaient également du maïs, du manioc "doux", des piments, des calebasses, des ananas, du tabac, etc. (Sanoja - 1981, pp. 135 et 171; Dean - 1996, pp. 48-49). Si le manioc représentait un aliment abondant et riche en glucides, sa faible teneur protéique les obligeait à pratiquer la chasse, la pêche et la cueillette (Dean - 1996, p. 49). Le système de culture sur brûlis était utilisé pour exploiter l'écosystème forestier composé d'une forêt ombrophile dense (Steward - 1946 - Vol. 3 - p. 99, p. 886, pp. 894-895 et Vol. 6 - p. 482 ; Staden - 1979, p.163; Dean - 1996, pp. 44-46). L'analyse de leur outillage nous amène à penser que le déboisement des parcelles était caractérisé par l'essartage en clairière. D'après les estimations réalisées dans d'autres régions côtières brésiliennes semblables au littoral du Paraná et occupées également par des tribus d'Indiens Tupi (Ribeiro - 1983, p. 58; Dean - 1996, p. 51), nous pouvons affirmer que la densité démographique, dans les endroits plus proches des baies et estuaires, était inférieure à 9 habitants au km2. 1.2. La destruction des communautés indiennes et la colonisation de la région par des chercheurs d'or au début du XVIIe siècle Jusqu'au début du XVIIe siècle, le littoral du Paraná était pratiquement ignoré de l'administration coloniale portugaise et était resté à l'écart des premiers efforts de colonisation. En effet, depuis le milieu du XVIe siècle, cette administration a concentré ses efforts sur le développement de la production de sucre dans les régions côtières du centre et du nord-est du Brésil (Mauro - 1977, pp. 50-51). Il est vrai qu'à cette époque, cette denrée jouissait d'une grande valeur commerciale en Europe, car les principaux producteurs (les îles Madère et São Tomé, le Cap Vert, la Sicile et l'Orient), n'en fournissaient que de petites quantités (Prado Jr. - 1976, p. 32). En outre, le coût de production dans ces régions était sensiblement supérieur à celui du Brésil (Mauro - 1977, pp. 55-56). A partir de 1570, la culture de la canne et la fabrication du sucre devinrent les deux activités dominantes de l'économie brésilienne (Mauro - 1977, p. 55). Néanmoins, c'est au cours de cette période que furent établis les premiers contacts entre les Indiens du littoral paranéen et les Européens. En 1549, l'aventurier STADEN rencontra là quelques Européens vivant déjà parmi les Indiens, problablement dans le but d'approvisionner les expéditions et les bateaux de passage (Staden - 1979, pp. 41-43). A partir de 1585, les habitants de la région voisine de São Vicente (actuel État de São Paulo) organisèrent des expéditions armées (appelées "Bandeiras"), dont l'objectif était la capture d'Indiens pour l'esclavage. A l'époque, l'activité des habitants de ces régions consistait en la capture et le commerce d'esclaves indiens (Furtado - 1962, pp. 49-50 et 63). En effet, le prix des esclaves était très élevé sur le marché en raison de la forte demande dans les régions sucrières du Nord-Est (Simonsen - 1978, p. 218). Ainsi pendant plusieurs années, des expéditions successives venues de São Vicente traversèrent le littoral du Paraná pour y chasser et capturer les Indiens (Martins 1944, p. 37). Il fallut attendre 1614 pour que la première demande officielle de concession de terres6 sur le littoral du Paraná soit déposée par un membre de ces expéditions (Martins - 1944, p. 37). C'est d'ailleurs la découverte de l'or de lavage qui a permis le démarrage d'un véritable processus de colonisation de la région au début du XVIIe siècle. Les premières références à l'existence d'or dans la région datent de 1640 (Negrão - 1920, p. 39). La nouvelle de cette découverte sur le littoral du Paraná se propagea rapidement dans la colonie, et la région connut alors un important afflux de population. D'anciens membres d'expéditions armées, des aventuriers portugais ou des habitants des régions voisines s'installèrent dans la région et demandèrent des concessions en vue de l'exploitation aurifère (Ritter - 1980, p. 147 et pp. 221222). Parallèlement à l'exploitation de l'or de lavage, les chercheurs d'or pratiquaient une agriculture d'autoconsommation (Ritter - 1980, pp. 127 et 147). Vraisemblablement, la culture du manioc demeurait la principale activité agricole de la région (Fernandes - 1964, p. 7). S'agissant de travaux essentiellement manuels, l'exploitation de l'or comme les activités agricoles étaient très demandeuses en main d'œuvre et pour répondre à cette demande, ils utilisaient des esclaves indiens. C'est à cette époque que l'outillage en fer d'origine européenne introduit par les chercheurs d'or et les colons se répandit dans la région. En outre, nous estimons que l'amélioration des techniques de fabrication de farine de manioc avec l'introduction d'équipements d'origine portugaise, comme les pressoirs en bois, la râpe manuelle à manioc et le chaudron en cuivre pour la torréfaction de farine en cuivre, date de cette époque (Fernandes - 1964, pp. 8 et 17). 6 La législation mise en place par la couronne portugaise prévoyait la concession de terres ("sesmarias") à des colons et pionniers en vue d'inciter la colonisation du Brésil. En fait, la plupart des "sesmarias" étaient de vastes extensions de terres octroyées à des notables (hauts fonctionnaires, militaires, hommes d'église, commerçants, etc.). Pour les pionniers et les petits colons sans aucun pouvoir politique ou expression économique, la seule manière d'accéder à la terre était l'appropriation d'un lopin et sa mise en culture. Dans ce cas, la reconnaissance officielle et légale de la possession foncière passait obligatoirement par une importante accumulation de capitaux et de moyens de production (esclaves, bétail, ateliers, etc.). 1.3. L'épuisement de l'or au début du XVIIIe siècle Contrairement aux prévisions, la plupart des gisements d'or s'épuisèrent rapidement et les nouvelles découvertes se révélèrent décevantes. En 1735, la production d'or de la région avait atteint un niveau si bas que la fonderie d'or implantée dans la ville portuaire de Paranaguá dut être définitivement fermée (Negrão - 1920, pp. 47-48). Le déclin progressif de l'activité minière entraîna un ralentissement général de l'activité économique sur le littoral du Paraná et suscita le départ d'une partie de la population, principalement vers les plateaux de l'intérieur de l'Etat où de vastes prairies naturelles propices à l'élevage étaient encore inoccupées. A partir du début du XVIIIe siècle, le ravitaillement des nouvelles régions productrices d'or (Minas Gerais, Mato Grosso et Goiás) incita le développement de l'élevage bovin et d'animaux de trait dans le sud du Brésil (Mauro - 1977, pp. 157161). La région des plateaux du Paraná connut ainsi un processus de colonisation fondée sur l'implantation de grandes fermes d'élevage et d'engraissement de bétail (Machado - 1963, pp. 8-9). D'ailleurs, c'est à partir de cette période que la région littorale fut progressivement dépassée par les régions de plateaux de l'intérieur, aussi bien en termes démographiques qu'économiques (Padis - 1981, p. 40). Néanmoins, la période aurifère a permis la mise en place des bases matérielles et économiques à l'occupation permanente du littoral du Paraná. Le recouvrement des impôts et le contrôle de l'activité minière contraignaient le pouvoir colonial à assurer une certaine structure politique et administrative (justice, milice, administration, etc.). En outre, le développement des activités commerciales et artisanales liées à l'exploitation aurifère (commerces, ateliers, comptoirs, fonderies, etc.) (Ritter - 1980, p. 126), a donné l'élan à la formation de quelques villages. On peut donc considérer que l'économie aurifère a très certainement suscité le développement d'un petit marché local pour certaines denrées alimentaires et marchandises produites sur place. C'est également pendant la période aurifère que les premiers chemins reliant les principaux ports fluviaux et maritimes du littoral et les régions de plateaux furent tracés. Ils favorisèrent l'établissement de relations commerciales et marchandes entre ces deux régions (notamment pour les produits manufacturés importés, le bétail bovin, la farine de manioc et le maté). Le premier rencencement de population sur le littoral du Paraná, réalisé en 1720, estimait à environ 2.000 le nombre d'habitants non esclaves et adultes de la région (Ritter - 1980, pp. 122-123). La grande majorité de la population avait alors un niveau de vie très modeste et arrivait à peine à assurer sa reproduction socioéconomique (Negrão - 1920, p. 53). Avec l'agriculture d'autoconsomation, ses principales activités économiques étaient la pêche, la culture du manioc et sa transformation en farine, et la fabrication de cordages en lianes (Vieira dos Santos 1950 - Vol. 1, pp. 123-124). D'après des documents de l'époque et des travaux plus récents, seuls quelques habitants avaient réussi véritablement à accumuler des capitaux et des moyens de production pendant la période aurifère (Machado - 1963, p. 8; Vieira dos Santos - 1950 - Vol. 1 - p. 155). Il s'agissait surtout d'anciens orpailleurs qui, ayant pu s'approprier les gisements les plus productifs, étaient devenus commerçants (Negrão - 1920, p. 43; Ritter - 1980, pp. 123-127). 2. La constitution d'un nouveau système agraire sur le littoral nord du Paraná 2.1. La formation d'une société agraire L'origine de l'occupation portugaise sur le littoral nord du Paraná remonte à la période aurifère, comme nous l'avons déjà vu. Outre l'exploitation du métal précieux, les chercheurs d'or s'employaient à des activités agricoles et artisanales destinées pricipalement à l'autoconsommation. Leurs besoins en main d'œuvre étaient assurés, en large partie, par des Indiens locaux réduits à l'esclavage, puis la disparition des communautés indigenes, probablement à la fin du XVIIe siècle (Vieira dos Santos - 1950 - Vol. 1 - p. 59, Ianni - 1988, pp. 23-27 et 123), entraîna l'utilisation d'esclaves noirs. Avec le déclin de l'activité minière au début du XVIIIe siècle, les habitants de la région se tournèrent davantage vers l'agriculture, l'exploitation des ressources forestières et halieutiques et certaines activités artisanales. La production était destinée en priorité à l'autoconsommation et, dans une moindre mesure, à l'approvisionnement du marché régional. Cette société agraire se caractérisait par une importante autonomie (aussi bien économique que sociale et politique), vis-à-vis du monde extérieur. En outre, le groupe domestique semble avoir occupé une place centrale dans l'organisation sociale et économique de cette société agraire. Autant de caractéristiques qui nous permettent de définir cette société agraire comme une société à dominante paysanne7. Enfin, nous avons pu constater que l'accumulation 7 D'après MENDRAS, une société paysanne peut être définie par les cinq traits suivants (Mendras - 1976, pp.12- 13) : A. L'autonomie relative des collectivités paysannes à l'égard d'une société englobante, qui les domine mais tolère leurs originalités. B. L'importance structurelle du groupe domestique dans l'organisation de la vie économique et de la vie sociale de la collectivité. de capitaux et de moyens de production pendant la période aurifère semble avoir joué un rôle fondamental dans la formation et dans la différenciation sociale à l'intérieur de cette société. 2.2. Une conjoncture favorable au développement des activités agroforestières et de transformation artisanale La progressive réorganisation de l'économie locale autour des activités agricoles et de cueillette, depuis la fin de la période aurifère, a été possible pour plusieurs raisons. Tout d'abord, par l'existence dans la région d'écosystèmes forestiers et halieutiques très diversifiés, d'une grande richesse biologique et couvrant de vastes étendues (forêt ombrophile dense, forêt de mangrove et estuaire). Cette richesse en ressources naturelles permit l'exploitation d'une grande variété de produits forestiers et halieutiques (bois nobles, lianes, gibier, huîtres, poissons, etc.). En outre, ces ressources étaient exploitées, bien qu'à plus petite échelle, depuis fort longtemps, et les processus techniques étaient parfaitement maîtrisés par les habitants de la région. Enfin, la plupart de ces ressources étaient en libre accès et leur exploitation demandait des moyens de production relativement peu importants. A partir de la fin du XVIIIe siècle, plusieurs phénomènes permirent aux populations du littoral nord d'élargir et de développer davantage leurs activités agroforestières et artisanales. Les difficultés d'approvisionnement des marchés mondiaux en café, en sucre et en riz entraînèrent une augmentation des prix sur le marché intérieur. En ce qui concerne le café, la production mondiale était trop insuffisante pour approvisionner les marchés des pays du Nord alors en pleine expansion. Par leur proximité des ports maritimes, le littoral du Paraná comme celui de São Paulo et de Rio de Janeiro furent les premières régions concernées au Brésil par le développement de la culture du café, et cela dès la fin du XVIIIe siècle (Papy 1952, p. 366). C. Un système économique d'autarcie relative, qui ne distingue pas consommation et production, et qui entretient des relations avec l'économie englobante. D. Une collectivité locale caractérisée par des rapports internes d'interconnaissance et de faibles rapports avec les collectivités environnantes. E. La fonction décisive des rôles de médiation des notables entre collectivités paysannes et société englobante. Les marchés internationaux de riz et de sucre ont été bouleversés par la déstructuration de la production sucrière en Haïti (due aux révoltes d'esclaves), et par l'exclusion du marché rizicole mondial des Colonies anglaises de l'Amérique du Nord (en raison de la guerre d'Indépendance) (Furtado - 1962, pp. 98-100). Enfin, à partir du début du XIXe siècle, la région centre du littoral paranéen rentra dans une période de prospérité économique avec le développement des activités de transformation et d'exportation du maté (Westphalen - 1972, p. 40; Moreira - 1975 - Vol. 1 - p. 397; Vieira dos Santos - 1950, pp. 312-313). Le maté était récolté sur les plateaux du Paraná et la production acheminée vers le littoral pour y être transformée et exportée vers le sud du Brésil et les pays de La Plata. En effet, la place attribuée à l'époque à la filière maté dans la région centre du littoral paranéen se justifiait à plusieurs titres. La région jouissait d'une situation géographique privilégiée et d'infrastructures comme des chemins et des pistes en terre et des ports maritimes et fluviaux. En outre, elle disposait d'un important potentiel hydraulique pour les moulins à maté (Borges - 1984, p. 20). Cette période de prospérité entraîna une considérable expansion du marché urbain régional (Furtado - 1962, p. 151) et, par conséquent, un important accroissement de la demande en denrées alimentaires et marchandes produites sur l'ensemble de la région littorale du Paraná. L'analyse des données disponibles sur les échanges commerciaux de la ville portuaire de Paranaguá - par laquelle transitait alors la production du littoral nord du Paraná - nous permet de mieux visualiser les conséquences des changements intervenus tout au long de cette période (tableau 1). Tableau 1 - Les principaux produits exportés par le port de Paranaguá en 1798, 1822, 1826 et 1848/49 (en % de la valeur totale des produits commercialisés) PRODUIT 1798 1822 1826 Maté Poutres et planches en bois, cordages en lianes, bois non transformé Chaux Riz Farine de manioc Café Sucre et eau de vie Divers 17,9 N/D 45,2 69,8 17,1 1848/49 (A) 89,6 4,0 43,8 33,0 2,0 3,3 0,2 54,0 0,6 - 1,7 7,1 N/D N/D 2,1 2,2 3,0 0,4 <0,1 1,5 1,4 Source : WESTPHALEN - 1972, p. 40; WESTPHALEN - 1964, p. 21; WESTPHALEN - 1962, p. 33; VIEIRA DOS SANTOS - 1950, p. 311. (A) Uniquement les produits exportés vers l'étranger. Si au début du XVIIIe siècle, les principaux produits exportés par le port de Paranaguá étaient le poisson séché, la farine de manioc et les cordages en lianes (Vieira dos Santos - 1950 - Vol. 1 - pp. 123-124), en 1798, nous retrouvons le riz, la farine de manioc et le bois. Soulignons également l'accroissement spectaculaire des exportations de maté qui devint, en un demi siècle, le principal produit exporté par ce port. 2.3. Un mode d'exploitation du milieu fondé sur l'économie de cueillette et sur l'agriculture de défriche-brûlis Le mode d'exploitation du milieu sur le littoral nord du Paraná était fondé sur l'appropriation des ressources forestières et halieutiques et sur une agriculture pratiquée avec le système de culture de défriche-brûlis (figure 9). Figure 9 - Mode d'exploitation du milieu sur le littoral Nord du Paraná (1730 - 1888) V IV III II I exploitation de produits de la forêt (bois, lianes) et chasse pêche FLEUVE Versants de montagnes Terrasses Bas-fonds Plaines d'épandage de alluviales Plaine littorale crues Paysan : Agriculteur esclavagiste - culture du maïs - culture du maïs - culture du manioc/ haricot - banane/ plantain : Grand exploitant esclavagiste : - culture manioc/ haricot - culture du riz pluvial (<1,0 ha) - banane/ plantain * - culture du riz pluvial (< 3 ha)*/ - culture du manioc/ haricot canne-à-sucre - culture du riz pluvial - culture du café (1,0 - <1,5 ha/an)* - production de farine de manioc (atelier manuel) -exploitation des produits de la forêt (bois, lianes) et artisanat (planches et poutres bois, câbles lianes) - pêche et chasse +/- 90% exploitations - entrepôt commercial/ alambic/ - production farine de manioc moulin manioc - riz - café - exploitation du bois et artisanat - bateaux à voile *estimation de la surface cultivée annuelle en hectares, réalisée à partir de la production de riz pluvial déclarée lors du recensement de 1806. (poutres et planches) - commerçants dans les villes portuaires au - pêche/ poisson séché < 9% exploitations littoral centre > 1% exploitations SOURCES: "Maços de Populações da Provincia de São Paulo - 1806"; Ritter pp.197-201; Vieira dos Santos vol.1 - pp.80-90; Rapports de la Chambre de Conseillers Municipaux de Guaraqueçaba - 1886 et 1893 . Baies D'une manière générale, l'équipement disponible consistait en un outillage manuel très simple : hache, serpe, machette, scie, houe, herminette, bâton fouisseur, etc. La transformation des produits d'origine agricole était assurée par des équipements eux aussi simples et polyvalents (mortiers en bois, chaudrons en cuivre, râpe manuelle, pressoir en bois). Pour la transformation de certains produits agricoles comme la canne à sucre, le manioc et le riz, on trouvait des équipements plus complexes comme des moulins hydrauliques8 ou à traction animale, et à part l'outillage en fer et les moulins hydrauliques, la plupart des équipements étaient fabriqués par des artisans locaux (pirogues, pressoirs en bois, mortiers, etc.). Les principales activités forestières étaient l'exploitation et la transformation artisanale du bois et des lianes récoltés dans la forêt ombrophile dense. Les lianes étaient transformées manuellement par les paysans dans leurs exploitations : on retirait l'écorce, séchait la liane puis tissait les cordages. Le bois était utilisé pour la fabrication de pirogues, de moulins manuels à manioc, de pressoirs, de planches et de poutres. Le processus de transformation était manuel et les principaux outils employés étaient la scie, l'herminette, la machette et la hache. Le bois était grossièrement débité dans la forêt avant d'être transporté vers les exploitations où il était façonné et travaillé. En ce qui concerne les activités agricoles, la mise en culture des terres était fondée sur le système de culture de défriche-brûlis avec une durée d'abandon au recrû d'environ 20 ans, qui permettait le développement d'une végétation arborée. La reproduction de la fertilité des parcelles était assurée par le développement et l'accumulation de la biomasse pendant la période de recrû. Celle-ci avait également pour objectif de réduire l'infestation des parcelles par les herbes adventices et par les insectes (notamment des fourmis9). Le système de défriche-brûlis consistait en le 8 D'après des récits provenants de la région de Guaratuba (littoral sud), les moulins hydrauliques pour la transformation du riz installés sur le littoral paranéen avaient une capacité de production de moins de 2.000 Kg de riz pilé par mois (Mafra - 1952, pp. 258-259). 9 DEAN, dans son ouvrage sur l'histoire et la destruction de la forêt atlantique brésilienne, fait référence à d'importants dégâts causés aux cultures et aux pâturages par les fourmis (notamment des espèces Atta - les "saúvas"). En s'appuyant sur de nombreux récits historiques, il affirme que les parcelles étaient infestées par ces insectes après deux ou trois ans de culture. Selon lui, l'absence de moyens efficaces de contrôle de ces insectes était l'une des principales raisons de l'utilisation du système de défriche-brûlis (Dean - 1996, pp. 124127). La situation sur le littoral nord du Paraná n'était guère différente, car W. MICHAUD, dans une lettre datée de 1897 affirmait : "(...) L'un des plus grands désavantages pour l'agriculture ici sont les fourmis; ces insectes détruisent tout; l'on perd des journées et des journées chaque année à les suivre pour arriver au nid qui souvent est assez éloigné et une fois trouvé il faut chercher du bois, faire du feu et bouillir de l'eau pour les tuer sinon elles détruisent toutes les plantes, excepté les bananiers, le gros blé et la canne à sucre (...)" (Correspondance de Michaud, 15/02/1897). défrichement de la végétation arbustive à l'aide de la machette, suivie par la coupe des arbres à la hache. L'opération de défrichement intervenait pendant la période la plus sèche de l'année de façon à permettre un séchage plus rapide de la biomasse végétale. Les branches et feuillages étaient ensuite débités, puis après quelques mois de séchage, la biomasse végétale était brûlée. Le semis intervenait sitôt après le brûlis de la biomasse végétale qui permettait aux plantes cultivées de profiter au maximum des apports fertilisants en éléments minéraux des cendres, ainsi que d'une période de faible concurrence avec des herbes adventices et la repousse de la recrû. L'outillage utilisé pour les travaux de semis et de plantation était constitué du bâton fouisseur et de la houe. A l'exception de la culture du riz pluvial, les cultures annuelles et bisannuelles (maïs, haricot, patate douce, piment, potiron, taro, manioc "amer" et manioc "doux") étaient fréquemment réalisées en association pendant un ou même deux cycles de culture avant l'abandon de la parcelle à la repousse forestière. Pour les cultures permanentes (bananiers, orangers, caféiers, plantains), la durée des plantations était inférieure à une dizaine d'années. Seul le riz pluvial était cultivé sur les parcelles situées sur les bas-fonds et les plaines littorales mal drainées et dans ce cas, par un seul cycle de culture avant l'abandon au recrû (Platzmann - 1872, pp. 158-172 ; Vieira dos Santos - 1950 , pp. 89-90). L'élevage occupait une place secondaire dans les systèmes de production locaux. L'élevage bovin et porcin se limitait à quelques têtes de bétail dans certaines grandes exploitations esclavagistes (Saint-Hilaire - 1978, p. 72; Revue Marinha 1940; Rapports de la Chambre des Conseillers Municipaux de Guaraqueçaba, 1886 à 1893). Au contraire, les activités de chasse, de pêche et de cueillette tenaient une place importante dans cette société agraire, en raison de la richesse de la faune et de la flore et de la grande variété et diversité des écosystèmes. La chasse était pratiquée à l'aide de différents pièges ("arataca") et le gibier était destiné à l'autoconsommation (Platzmann - 1872, pp. 158-172). La pêche était une activité complémentaire (Correspondance de la Capitainerie du port de Paranaguá, 31/12/1857) dont la production était destinée à l'autoconsommation et, dans une moindre mesure, à la vente. Elle était cependant plus importante dans les localités situées à proximité des estuaires et des baies (d'après les données du recensement de 1806). Le poisson était conservé dans du sel et séché au soleil. La capture était pratiquée à l'aide de filets fabriqués localement en fibres végétales ou de pièges fixes (le "cerco") ou mobiles (le "covo"). Les activités de cueillette couvraient une vaste gamme de produits forestiers et halieutiques : huîtres et moules de mangrove, cœur de palmier, crabes, petits fruits locaux ("jaboticaba", "jambo", "bacupari", etc.), diverses fibres végétales, etc. 2.4. Une société agraire bien différenciée : des paysans, des agriculteurs esclavagistes et des grands propriétaires esclavagistes L'analyse des recensements et de sources secondaires nous a permis d'élaborer une caractérisation schématique des exploitants du littoral nord du Paraná au début du XIXe siècle. Nous avons regroupé ces exploitants en trois grandes catégories socio-économiques. La paysannerie était alors la catégorie la plus nombreuse mais également la plus démunie en moyens de production. Ensuite, les petits agriculteurs esclavagistes, moins nombreux, mais qui disposaient de moyens de production plus importants et pouvaient employer de la main d'œuvre esclave. Enfin, les grands exploitants esclavagistes, très peu nombreux, mais dont le rôle était considérable dans l'organisation socio-économique régionale (tableau 2). Les esclaves représentaient environ 12% de la population totale du littoral nord paranéen, estimée à environ 2.000 individus (d'après le recensement de 1806). Tableau 2 - Pourcentage estimé de chaque catégorie d'exploitants, nombre d'esclaves par exploitation, surface des exploitations et leurs principales activités dans la première moitié du XIXe siècle sur le littoral nord du Paraná Catégorie de l'exploitant PAYSANS AGRICULTEURS ESCLAVAGISTES Nombre d'esclaves par exploitation % des exploitations % du total d'esclaves Surface totale estimée de l'exploitation % de la main d'oeuvre libre "agregado" 0 > 90% --- < 200 ha < 60% 1à5 < 6% < 20% < 10% > 100 ha plus de 6 < 3% > 50% > 20% Principales activités exploitation bois et lianes et fabrication de poutres, planches en bois et cordages de lianes; culture riz pluvial; culture manioc et production de farine; cultures de subsistance; pêche exploitation bois et fabrication de poutres, planches en bois; culture riz pluvial; culture manioc et production de farine; cultures de subsistance; pêche culture riz pluvial; culture manioc et production de farine; cultures de subsistance culture riz pluvial et transformation; culture canne à sucre et production d'eau de vie; culture manioc et production farine; cultures de subsistance; entrepôt et transport Remarque : Nous avons pris en compte les informations concernant les localités suivantes : Taguasetuba, Rio dos Medeiros, Itaqui, Borrachudo, Tagasaba, Serra Negra, Guaraqueçaba, Cerco Grande, Purocoava et Superaguy, Varadouro, Ilha das Pesas. Sources : "Maços de Populações da Província de São Paulo - 1806"; RITTER - 1980, pp. 197-201; VIEIRA dos SANTOS - 1950 - vol.1, pp. 8090; GALLARDO - 1986, pp. 68 et 167. GRANDS EXPLOITANTS ESCLAVAGISTES plus de 10 > 1% > 30% > 200 ha < 10% La presque totalité des exploitations agricoles étaient situées le long des principaux fleuves et en bordure des baies et estuaires (Rapport de la Chambre de Conseillers Municipaux de Guaraqueçaba, 1886), car le transport était réalisé pour l'essentiel par voie fluviale et maritime. Ce constat ainsi que d'autres indices historiques (ruines d'exploitations esclavagistes, chroniques de l'époque, cartes anciennes, etc.), nous ont permis de considérer que l'occupation du littoral nord du Paraná se limitait au début du XIXe siècle à la sous-région des plaines littorales et des bas-fonds, ainsi qu'à la partie de la sous-région des vallées alluviales larges localisée à proximité des baies et estuaires. - Une paysannerie nombreuse mais disposant de moyens de production très limités Les exploitations paysannes représentaient la grande majorité des exploitations locales (environ 90% des exploitants de la région). Ces paysans étaient pour la plupart des descendants des anciens chercheurs d'or portugais et des esclaves indiens. Ils disposaient de moyens de production limités à une pirogue, à quelques outils manuels et parfois à un petit moulin à manioc manuel. Ils utilisaient comme force de travail leur main d'œuvre familiale parfois complétée par de la main d'œuvre libre "agregada" (Ianni - 1988, pp. 74-75). Les "agregados" étaient des individus et parfois des familles d'affranchis, ou des personnes juridiquement libres (des blancs pauvres, des métis ou des noirs), qui vivaient dans la dépendance tutélaire d'une autre famille ou exploitant agricole (Mattoso - 1979, p. 141). Les rapports sociaux qui liaient les paysans et les "agregados" permettaient à ces derniers d'avoir accès aux moyens de production nécessaires pour pouvoir réaliser des cultures de subsistance (semences, outils, moulins à manioc) en échange de quoi ils s'engagaient à fournir leur force de travail (Gallardo - 1986, p. 30; Dean 1996, pp. 122-123)10. Le système de production mis en œuvre reposait sur la culture du manioc, du maïs, du haricot noir, du riz pluvial et de quelques bananiers, plantains et caféiers. En plus, ils produisaient de la farine de manioc, du poisson séché, de cordages de lianes et des planches et poutres en bois. Ils commercialisaient la totalité de la 10 Contrairement à d'autres régions où des études historiques affirmaient que les "agregados" étaient plutôt associés à la grande exploitation esclavagiste (Machado - 1963, p.15; Santos - 1976, p. 159), sur le littoral nord du Paraná nous avons retrouvé les "agregados" davantage associés à la paysannerie. D'après le recensement de 1806, environ 60% des "agregados" étaient liés à des exploitations paysannes. production de cordages et de planches et poutres ainsi que leurs faibles surplus de riz pluvial, de farine de manioc et de poisson séché. - Des agriculteurs esclavagistes disposant de moyens de production plus importants Les agriculteurs esclavagistes étaient moins nombreux que les paysans (environ 9% des exploitants de la région en 1806). Ils étaient problablement des descendants d'anciens chercheurs d'or qui avaient réussi à accumuler des biens et des capitaux pendant la période aurifère. Ces agriculteurs possédaient environ deux tiers des esclaves recensés sur le littoral nord du Paraná. Selon l'importance de l'utilisation de la main d'œuvre esclave et les activités économiques réalisées, nous avons classé les agriculteurs esclavagistes en deux groupes distincts. Le premier concerne la majorité des agriculteurs esclavagistes dans la région11, qui possédaient un nombre réduit d'esclaves - environ 60% des agriculteurs esclavagistes possédaient entre 1 à 4 esclaves. D'une manière générale, ces agriculteurs mettaient en œuvre un système de production fondé sur des activités agricoles et sur certaines activités de cueillette (pêche et exploitation du bois), ainsi que sur la transformation de la production issue de ces activités. Le second groupe est composé des agriculteurs esclavagistes qui possédaient un nombre d'esclaves beaucoup plus important - environ 40% des agriculteurs esclavagistes possédaient plus de 6 esclaves (à ce propos, voir le tableau 2). Leur système de production était essentiellement fondé sur des activités agricoles et de transformation de la production agricole. L'analyse des systèmes de production mis en œuvre par ces agriculteurs montre que plus le nombre d'esclaves dont les agriculteurs esclavagistes disposaient était important, plus ces agriculteurs se consacraient à des activités demandant une importante concentration de main d'œuvre. En effet, en concentrant l'utilisation du travail esclave dans ces activités, la surveillance et le contrôle des esclaves étaient facilités. 11 La prédominance d'exploitations esclavagistes disposant de quelques esclaves n'est pas une exclusivité du littoral nord, cette situation a été également retrouvée dans d'autres régions du Paraná et du Brésil (Gallardo 1986, pp. 38 et 45-46). Les rares informations disponibles sur la division du travail dans ces exploitations nous portent à conclure que la main d'œuvre esclave était utilisée dans les activités nécessitant une forte concentration de force de travail (transformation du manioc, pêche, travaux agricoles, etc.). C'est d'ailleurs pour cela que la cueillette et la production de cordage en lianes était une activité peu importante pour ces exploitants (d'après le recensement de 1806). En effet, la grande dispersion spatiale de la ressource dans la forêt ombrophile rendait impossible la surveillance des activités de cueillette réalisées par les esclaves. À l'instar des paysans, ces agriculteurs disposaient parfois d'une main d'œuvre composée de quelques "agregados". La main d'œuvre familiale et libre "agregado" était employée dans tous les travaux agricoles et de transformation et supervisait en outre le travail des esclaves. Les agriculteurs esclavagistes disposaient de moyens de production plus importants que la paysannerie. Outre les esclaves, ils possédaient des pirogues et un moulin à manioc manuel. Ils élevaient quelques porcins en plein air destinés à l'autoconsommation (Rapport de la Chambre de Conseillers Municipaux de Guaraqueçaba - 1886), et réalisaient les mêmes activités agricoles que les paysans. En outre, ils exploitaient le bois et fabriquaient manuellement des planches et des poutres qu'ils vendaient au même titre que leurs surplus de riz et de farine de manioc. - Des grands propriétaires esclavagistes dominant la formation agraire régionale Les grandes exploitations esclavagistes appartenaient à des commerçants et à des notables coloniaux (militaires, hauts fonctionnaires, etc.), établis dans les villes portuaires. La plupart de ces exploitations leur avaient été concédées gracieusement par les autorités qui souhaitaient ainsi inciter la colonisation et la mise en valeur des terres sur cette portion du littoral. Ces exploitations étaient le plus souvent implantées sur des sites privilégiés, comme l'embouchure des grands fleuves, les rives des estuaires et des baies ou sur quelques îles, autant de lieux de passage des paysans et des agriculteurs de l'arrière-pays et des embarcations qui se dirigeaient vers les centres portuaires du littoral du Paraná. Ces exploitations étaient dirigées par des régisseurs et la main d'œuvre était essentiellement esclave. Très peu nombreuses (moins de 2% des exploitations en 1806), elles concentraient environ 30% de la main d'œuvre esclave de la région. Ces exploitants disposaient alors d'une main d'œuvre relativement abondante et de moyens de production et d'infrastructures importants par rapport aux catégories précédentes : des alambics, des moulins et des pressoirs hydrauliques ou à traction animale, des barques et parfois des voiliers pour le transport à l'intérieur des baies et des estuaires (Vieira dos Santos - 1950, pp. 299-302). Quelques propriétaires possédaient des entrepôts pour la vente de marchandises et l'achat de la production agricole et artisanale des paysans et agriculteurs des environs, ainsi que de grands commerces et des entrepôts dans d'autres villes du littoral (Revue Marinha - 1940 ; Vieira dos Santos - 1950 - Vol. 1 - pp. 80-89 et Vol. 2 - pp. 299-300). Souvent, ces individus possédaient d'autres exploitations dans les régions voisines ou sur les plateaux du Paraná (Gallardo - 1986, p. 40; Vieira dos Santos - 1950, pp. 299-300, Machado - 1963, p. 10). Leur système de production reposait sur des activités agricoles destinées à l'autoconsommation (culture du haricot, du maïs, de la banane et du manioc), ainsi que sur la culture du riz pluvial, de la canne à sucre et parfois de caféiers (Vieira dos Santos - 1950 - pp. 80-89). Ces exploitants ne réalisaient aucune cueillette, problablement en raison des difficultés de surveillance et de contrôle de la main d'œuvre esclave. Ils assuraient la transformation de leur propre production agricole et de celle achetée aux paysans et agriculteurs locaux : du café en grain, de l'eau de vie, du riz pilé et de la farine de manioc. L'essentiel de la production était destiné à être commercialisé dans les principales villes portuaires du littoral (Paranaguá, Morretes et Antonina). L'élevage bovin et porcin était peu développé et la production était destinée à l'autoconsommation (Rapport de la Chambre de Conseillers Municipaux de Guaraqueçaba - 1886; Revue Marinha - 1940). - Une société agraire caractérisée par une forte autonomie matérielle et vivrière Les exploitations, aussi bien paysannes qu'esclavagistes, étaient structurées de façon à assurer la production de la plupart des denrées alimentaires nécessaires à l'autoconsommation (d'après le recensement de 1806). En outre, elles produisaient des produits agricoles, halieutiques et forestiers destinés à la vente (riz pluvial, farine de manioc, câbles de lianes, poisson séché, planches et poutres en bois, etc.). Certaines denrées (sel, viande salée, etc.) et marchandises (tissus, objets métalliques, etc.), dont la production locale était insuffisante ou inexistente, étaient achetées sur le marché régional. Ces produits étaient commercialisés dans les entrepôts des grands exploitants esclavagistes ou par des commerçants établis dans les villes portuaires de la région. En ce qui concerne les moyens de production, une partie importante de l'outillage et des équipements étaient fabriqués sur place à partir des ressources locales par des paysans-artisans : des pirogues et des barques, des moulins et des pressoirs à manioc, des pressoirs à canne à sucre, des paniers, des ustensiles domestiques, etc. (Platzmann - 1872, pp. 158-172). Cependant, la main d'œuvre esclave et certains biens d'équipements devaient être achetés sur le marché régional. La première était acquise auprès de propriétaires d'esclaves de la région ou à des intermédiaires spécialisés dans ce commerce et établis dans les villes du littoral centre et sud (notamment Antonina et Paranaguá). Si les paysans-artisans locaux produisaient la plupart de l'équipement et de l'outillage destinés à la transformation du bois et des autres matériaux d'origine forestière, ils ne dominaient cependant pas les techniques de transformation et de fabrication de l'outillage et des équipements métalliques. Par conséquent, l'outillage en fer et une partie de l'équipement nécessaire à la transformation de la production agricole (les alambics, les engrenages des moulins hydrauliques à riz et à manioc, les fours en cuivre pour la torréfaction de la farine de manioc, etc.) était importés (Westphalen - 1964, p. 19). - Une situation foncière marquée par l'absence de titres fonciers Depuis le XVIe et jusqu'à la fin du XIXe siècle, le Brésil connut deux législation foncières distinctes. La première fut mise en place au lendemain de la découverte du Brésil et resta en vigueur jusqu'à 1822, c'est-à-dire pendant toute la période coloniale. Elle prévoyait la concession, par le pouvoir colonial, d'un titre foncier appelée "sesmaria", comme seul moyen de régulariser juridiquement une tenure foncière. Comme nous l'avons montré précédemment, les bénéficiaires de cette législation furent des notables coloniaux et des agriculteurs et des exploitants possédant d'importants moyens économiques (notamment en esclaves), au détriment de la paysannerie et des petits exploitants. L'application de cette législation foncière marqua profondément la structure agraire du littoral nord du Paraná. Tout d'abord, par le maintien d'un grand nombre d'exploitations dans une situation juridique fort précaire et sans aucune reconnaissance légale : d'après le recensement de 1818 ("Inventário dos bens rústicos" de la ville de Paranaguá, à laquelle le littoral nord était rattaché à l'époque, cité par Ritter - 1980, pp. 197-201), plus de 40% des exploitations avaient des possessions foncières non régularisées juridiquement ("posses"). Ensuite par le faible nombre de "sesmarias" octroyées par le pouvoir colonial portugais dans la région : RITTER, dans son étude sur ces concessions coloniales au Paraná, n'a pu en retrouver que deux sur le littoral nord jusqu'à la fin du XVIIIe siècle (Ritter - 1980, pp. 221-248). Ces constats nous permettent de faire certaines considérations sur la situation foncière sur le littoral nord du Paraná au cours de cette période. Tout d'abord, il importe de souligner que la plupart de colons et des pionniers voulant s'installer au Paraná ne disposaient alors que de leur propre force de travail. Pour ces individus, le processus de colonisation se caractérisait, dans un premier temps, par l'occupation et l'appropriation des terres avec le développement progressif des activités de production. C'est seulement lorsqu'ils parvenaient à accumuler suffisamment de capitaux et de moyens de production (bétail, équipements, mais surtout esclaves) qu'ils pouvaient entreprendre la régularisation de leurs possessions foncières auprès des autorités coloniales. Néanmoins, la plupart des chercheurs d'or et des pionniers installés sur le littoral nord ne réussissaient jamais à franchir la deuxième étape de ce processus, c'est-à-dire une véritable accumulation en capitaux et en moyens de production, condition préalable à toute demande de régularisation foncière. Ainsi, la grande majorité d'entre eux sont restés de simples exploitants de "posseiros"). possessions foncières non régularisées juridiquement (des Par ailleurs, nous pouvons d'une certaine manière confirmer notre analyse à travers la situation foncière du littoral centre du Paraná. Contrairement à la situation sur le littoral nord, nous retrouvons là de nombreuses concessions octroyées par les autorités coloniales : dans son étude, RITTER en a recensé plus de 30 (Ritter 1980, pp. 221-248). Cette structure foncière était sans doute liée à deux facteurs : l'existence de gisements d'or plus productifs et la proximité de villes portuaires et de pistes reliant le littoral centre et sud aux plateaux de l'intérieur. Cette conjoncture permit d'attirer des colons et des aventuriers disposant de moyens économiques et de production plus importants, et incita un nombre considérable de propriétaires à accumuler suffisamment de biens et de moyens de production pour obtenir la régularisation de leurs tenures foncières. A partir de la fin du XVIIIe siècle, l'aggravation des conflits fonciers et les problèmes d'approvisionnement des centres urbains en denrées alimentaires entraîna l'abrogation, en 1822, de cette législation foncière (Feres - 1990, pp. 68-69 et 137-138). Néanmoins, la concession de grandes surfaces à un nombre réduit d'individus tout au long de la période coloniale avait abouti à une situation catastrophique : une structure foncière marquée par une forte concentration et où la majorité des latifundias étaient non cultivés ou produisaient pour l'exportation. L'ancienne législation avait permis aux grands propriétaires d'accaparer de vastes étendues de terres agricoles, mais surtout d'être les seuls à disposer des moyens légaux de les régulariser juridiquement. En revanche, la grande majorité de la population rurale restait confrontée à une situation socio-économique fort précaire, car même lorsqu'elle possédait une tenure foncière, celle-ci n'avait aucune reconnaissance légale et juridique. Il fallut attendre 1850 pour qu'une nouvelle législation, prônant la réglementation de l'accès à la terre et mettant en place des mécanismes de régularisation foncière, soit progressivement mise en place au Brésil. Cette nouvelle législation se distinguait notamment de la précédente par le fait qu'elle permettait, sous certaines conditions, la régularisation des possessions foncières établies antérieurement à sa promulgation (Loi n°601 de janvier 1851, aussi appelée la "Loi des Terres"; Lois de l'État du Paraná n° 68 de décembre 1892 et n° 01 d'avril 1893). Néanmoins, elle interdisait l'occupation et la régularisation de nouvelles possessions et stipulait que l'achat du foncier, à l'État brésilien ou à son propriétaire légitime, était le seul moyen de régulariser de nouvelles possessions foncières (Dean - 1978, pp. 425-426). Cette nouvelle législation12 s'avèra insuffisante pour faire face aux graves problèmes fonciers existants sur le littoral nord du Paraná, notamment ceux concernant la régularisation des exploitations paysannes. Tout d'abord, elle limitait la régularisation foncière à environ deux fois la surface agricole effectivement cultivée, sans tenir compte des parcelles abandonnées au recrû. Ainsi, dans cette région, les surfaces agricoles régularisées étaient donc largement inférieures aux surfaces agricoles effectivement nécessaires. Seule une partie des tenures foncières pouvait être régularisées (généralement aux alentours de l'habitation et des bordures des fleuves), la plupart des parcelles ainsi que les forêts plus éloignées (utilisées pour la cueillette et l'exploitation sélective de certaines ressources forestières), ne le pouvant pas et demeurant des "possessions", ou simplement des "terres vacantes et sans maître" (les "terras devolutas"). En outre, le processus de régularisation foncière exigeait de la part des paysans une certaine démarche bureaucratique auprès de l'administration, ainsi que des investissements en capital (frais de notaire, 12 Ceci a pu être confirmé par certains documents relatifs au littoral nord retrouvés dans les Archives Publiques de l'Etat : "Registros de terras feitos de accôrdo com o Decreto n° 1318 de 30/01/1854"; "Registros de terras feitos de accôrdo com o Decreto n° 01 de 08/04/1893"; "Propriedades legitimadas pelo Governo do Estado do Paraná e que figuram no mappa - 1893". coût des services topographiques, déplacements, etc.) (Correspondance de la Chambre de Conseillers Municipaux de Guaraqueçaba, 10/08/1884). Enfin, en imposant l'achat du foncier et en multipliant les conditions nécessaires à la régularisation foncière des "possessions", cette législation s'avéra un obstacle presque insurmontable pour les habitants de la région désirant entreprendre la régularisation de nouvelles "possessions" foncières. Une situation que la poursuite de la croissance démographique régionale13, et par conséquent du nombre d'exploitations paysannes et esclavagistes, semble avoir accentuée. Par conséquent, et malgré la nouvelle législation, nous pouvons affirmer que la plupart des paysans du littoral nord sont restés à l'écart de tout processus de régularisation foncière. Comme avant, cette paysannerie ne put bénéficier que du droit d'usage des terres et des ressources naturelles qui s'y trouvaient, toute reconnaissance légale étant par ailleurs exclue. - Une forte dispersion de l'habitat Le mode d'occupation de l'espace sur le littoral nord se caractérisait par une forte dispersion de l'habitat et par une faible densité démographique14. Cette situation était probablement due à certaines caractéristiques du système agraire régional. En effet, la plupart des exploitations étaient dispersées le long des principaux fleuves et sur les rives des baies et des estuaires en raison de la prédominance du transport fluvial et maritime. En outre, le mode d'exploitation du milieu dans la région était fondé sur l'exploitation directe des ressources naturelles et sur une agriculture de défriche-brûlis. La pérennité de ce mode d'exploitation du milieu reposait sur l'exploitation de vastes étendues de terre et sur le maintien d'une faible densité démographique. Ce mode d'occupation de l'espace se traduisit par la formation à l'époque d'un seul village sur le littoral nord du Paraná (Guaraqueçaba, alors chef-lieu de la région). Jusqu'au milieu du XIXe siècle, les différentes sources historiques consultées se limitent à signaler l'existence de quelques hameaux éparpillés en bordure des baies et des estuaires, des hameaux le plus souvent composés de quelques maisons construites autour d'un commerce ou du siège d'une grande exploitation esclavagiste. 13 Entre 1806 et 1866, le nombre d'habitants sur le littoral nord du Paraná est passé de 2.050 à 4.233 (Lista nominativa dos habitantes da Provincia de São Paulo - 1806 et d'après Romário MARTINS - 1941). 14 Nous avons pu estimer la densité démographique sur le littoral nord du Paraná au milieu du XIXe siècle à moins de 10 habitants au km2 (estimation personnelle). - Des rapports de production et d'échange favorables aux grands propriétaires esclavagistes La grande dispersion spatiale, l'importante autonomie vivrière des exploitations agricoles (aussi bien paysannes qu'esclavagistes) et la faible importance du travail salarié15 nous permettent de supposer que les rapports entre les différentes catégories sociales se limitaient, le plus souvent, à des échanges marchands sporadiques. La commercialisation des faibles surplus agricoles et de la production artisanale rapportait semble-t-il suffisamment d'argent à la paysannerie et à la plupart des agriculteurs pour acquérir les quelques denrées et marchandises qui n'étaient pas produites sur leur exploitations (sel, tissus, outils en fer, etc.). Dans cette société agraire, les grands propriétaires esclavagistes constituaient des intermédiaires presque incontournables dans la commercialisation et le transport de la production agricole et artisanale. L'isolement et l'éloignement de la région par rapport aux principaux marchés (les villes portuaires de Paranaguá, Antonina et Morretes) et les difficultés du transport à l'intérieur des estuaires et des baies sont sans doute les principales causes de cette situation. Il nous paraît fort probable, comme d'ailleurs cela a été le cas dans d'autres régions du Paraná à cette époque (Bigg-Whiter - 1974, pp. 325-329), que ces grands propriétaires esclavagistes aient joué également un rôle significatif dans le financement des activités agricoles et artisanales réalisées par les paysans et agriculteurs locaux (notamment sous forme d'avances d'argent et de marchandises). L'analyse des données de population montre la poursuite de la croissance démographique tout au long du XIXe siècle16 et nous permet de supposer qu'en dépit de rapports d'échange peu favorables avec les grands exploitants esclavagistes, la paysannerie parvenait à assurer sa reproduction sociale. En effet, le mode d'exploitation du milieu mis en œuvre par cette paysannerie était peu exigeant en moyens de production (outillage et équipements manuels fabriqués sur place), et les paysans pouvaient disposer de vastes étendues de terre encore non appropriées. En revanche, il paraît tout à fait probable que cette situation n'ait pas permis à cette paysannerie d'entreprendre une véritable accumulation de capitaux et de moyens de production. Outre les prélèvements réalisés par les propriétaires des grandes exploitations esclavagistes lors des activités commerciales, la majorité de la 15 D'après le recensement de 1806, nous avons pu estimer que moins de 5% de la population non esclave du littoral nord du Paraná se consacrait au travail salarié à temps complet ou de façon sporadique. 16 Entre 1806 et 1854, la population du littoral nord du Paraná est passée de 2.000 à 3.500 habitants environ. paysannerie n'avait accès qu'aux terres localisées plus à l'intérieur du continent et, par conséquent, moins avantagées en termes de transport fluvial. Nous pouvons donc considérer que dans ce contexte, les écarts d'accumulation entre la paysannerie d'une part et les agriculteurs et grands exploitants esclavagistes d'autre part se sont maintenus tout au long de cette période. - La place du littoral nord dans la division inter-régionale du travail La place du littoral nord du Paraná dans la division inter-régionale du travail était fort modeste. Le surplus agricole dégagé par les exploitations agricoles était destiné au ravitaillement des villes portuaires localisées plus au sud de l'estuaire (Paranaguá, Morretes et Antonina) (Correspondance de la Chambre de Conseillers Municipaux de Guaraqueçaba, 11/01/1886 et 02/03/1886). En dehors du marché régional, les possibilités commerciales se limitaient à quelques produits semitransformés, comme les planches et les poutres en bois, les cordages de lianes17, la farine de manioc et le riz pilé (Vieira dos Santos - 1950 - Vol.1 - p. 102). Ces produits étaient transportés par barques ou par de petits voiliers vers les principaux ports du littoral, pour ensuite être réexpédiés notamment vers les ports du sud du Brésil et des pays de La Plata, par des caboteurs de faible tonnage (Correspondance de la Chambre de Conseillers Municipaux de Guaraqueçaba, 02/03/1886; Westphalen - 1964, p. 29 et Westphalen - 1962, pp. 22, 29 et 45). 17 Ces produits d'origine forestière étaient peu disponibles dans les régions côtières et pourtant très valorisés dans les villes portuaires du sud de l'Amérique du Sud. Les rares informations disponibles sur les échanges commerciaux du littoral nord du Paraná à cette période concernent uniquement la fin du XIXe siècle (tableau 3). Tableau 3 - Répartition des recettes (en %) dans le budget de la commune de Guaraqueçaba, 1882 - 1887 Recette 1882 1883 1884 1885 1886 1887 Riz, maïs, café (A) Poutres/ planches et bois non transformé; cordages de lianes Bananes Eau de vie Briques et tuiles Impôts sur des unités de transformation (riz, eau de vie, etc.) Autorisations, impôts divers, etc. 25,5 14,4 42,8 6,6 52,6 4,5 45,4 8,8 0,9 (B) 21,2 0,2 (B) 0,5 6,5 2,3 4,3 0,7 0,4 3,0 0,2 0,3 2,6 0,3 2,9 6,0 0,8 0,6 1,2 6,8 67,5 49,1 36,7 47,0 81,0 69,2 Remarques : (A) cette rubrique concerne presque exclusivement l'impôt sur la commercialisation du riz pluvial, car le café et le maïs faisaient l'objet de faibles échanges marchands à cette époque. (B) l'importante réduction de cette rubrique est due à l'exonération d'impôts (suite à la loi provinciale du 11/12/85) accordée aux bois et dérivés. Néanmoins, l'exploitation et la transformation du bois demeurait la plus importante activité économique de la région. Source : Rapports du Président de la Chambre de Conseillers Municipaux de Guaraqueçaba, 1882 à 1888. Elles confirment l'importance de l'exploitation et de la transformation des ressources forestières dans l'économie régionale et la prédominance de la culture du riz pluvial comme principale activité agricole de rente à l'époque. 3. Transformations et crise du système esclavagiste 3.1. De profonds changements d'ordre politique et économique à partir du milieu du XIXe siècle A partir du milieu du XIXe siècle, l'économie du littoral nord du Paraná fut profondément bouleversée par toute une série de changements d'ordre politique et macro-économique. Le principal d'entre eux fut sans doute le long processus d'abolition de l'esclavage. Face aux pressions économiques et politiques anglaises, le gouvernement impérial brésilien interdit officiellement le trafic négrier dès 1850. Cette mesure se répercuta rapidement sur l'ensemble de l'économie brésilienne, occasionnant une diminution progressive de l'offre de main d'œuvre esclave et une importante augmentation du prix des captifs sur le marché brésilien18 (Furtado 1962, pp. 127-129; Santos - 1976, pp. 195-205). Ceci entraîna d'importants déplacements de main d'œuvre esclave vers les provinces de São Paulo et de Rio de Janeiro, alors en plein essor économique en raison du développement de la culture du café. Les producteurs de café confrontés à une pénurie de main d'œuvre esclave dans cette région recherchèrent des captifs dans des régions périphériques et économiquement moins importantes, comme ce fut le cas de la région du littoral nord du Paraná (Mattoso - 1979, pp. 69-71 et 107-108; Prado Jr. - 1976, p. 179)19. Entre 1860 et 1871, les exploitants et agriculteurs esclavagistes du Paraná se séparèrent massivement de leurs esclaves (Santos - 1976, pp. 149, 206-207 et 230234). Nous avons pu estimer qu'entre 1806 et 1872, la population esclave sur le littoral nord du Paraná a été diminuée de moitié environ (figure 10). Cette réduction de la population esclave se poursuivit jusqu'en 1888, date où l'esclavage fut officiellement aboli au Brésil. 18 D'après SANTOS, entre 1860 et le début des années 70, le prix moyen de la main d'œuvre esclave destinée aux tâches agricoles sur le littoral paranéen à plus que doublé (Santos - 1976, p. 209). 19 Des régions brésiliennes en plein déclin économique (comme par exemple les anciennes régions minières du centre du Brésil) ou celles intégrées de manière subsidiaire à l'économie d'exportation et disposant d'une économie moins dynamique et plutôt tournée vers l'approvisionnement du marché interne (comme par exemple le Paraná). Figure 10 - Import ance de la populat ion escl ave (en pourcent age) par rapport à la populat ion t ot ale du lit t oral nord du Paraná* ent re 1806 et 1888 % 20 15 Int erdict ion du t rafic d' esclaves 10 Fin de l' esclavage au Br ésil 5 0 180 0 182 0 184 0 186 0 188 0 190 0 années *La population rurale de la vallée du fleuve Cachoeira n'a pas été prise en compte. SOURCES :"L ist a Nom inat iva dos hab it ant es d a Provin cia de São Paulo" , 1 8 06 ; Romário Mart ins, 1 9 41 ; "Mappa est at ist ico d a Provincia do Paraná - Arquivo Público d o Paraná" , 18 5 8; Rap port d e la Cham bre de Conseillers Municipaux d e Guaraq ueçab a, 1 88 6 . Cette deuxième moitié du XIXe siècle fut également marquée par une importante amélioration des transports maritimes et terrestres au Brésil, notamment grâce à la généralisation des bateaux à vapeur et à l'expansion des chemins de fer. Même s'il n'a pas concerné directement le littoral nord du Paraná, le développement des communications engendra un important renforcement de la concurrence interrégionale pour ses principaux produits agricoles. Une concurrence inter-régionale souvent amplifiée par des facteurs internationaux. En ce qui concerne le riz, cette intensification de la concurrence résulta d'une part du développement de la culture de cette céréale dans les anciennes régions caféières de São Paulo, Rio de Janeiro et Minas Gerais, et d'autre part, des importations massives et à bas prix en provenance des États-Unis, notamment à partir de 1890 (Müller - 1980, p. 32). En revanche, les produits dérivés de la canne à sucre (sucre, eau de vie) subirent une importante baisse des prix en raison d'une production mondiale excédentaire, qui s'explique en grande partie par l'amélioration considérable des rendements de la culture de la betterave sucrière imputable à la "révolution agricole" en Europe et aux États-Unis, et par la mise au point d'un processus industriel qui permit le développement de la production industrielle de sucre à partir de la betterave (Furtado - 1962, pp. 118-120; Prado Jr. - 1976, pp. 157-158; Meyer - 1989, pp. 191-236). Déjà considérée comme une activité économique secondaire sur le littoral nord du Paraná, la culture du café vit son importance se réduire encore davantage pour devenir, au début du XXe siècle, une culture destinée exclusivement à l'autoconsommation. Portée par l'expansion des chemins de fer, la "vague caféière" délaissa progressivement les régions littorales pour déferler vers l'intérieur du Brésil. En effet, les régions côtières brésiliennes n'étaient pas les plus propices au développement de cette culture. Les surfaces agricoles où la culture du café était possible se limitaient le plus souvent à des versants de montagnes fortement exposés à l'érosion, et les conditions climatiques humidité élevée et saison sèche trop courte -, se traduisaient par une maturité non uniforme des grains et par des difficultés accrues de séchage et de stockage de la production (Papy - 1952, p. 366). W. MICHAUD, un colon suisse venu s'installer dans la région au siècle dernier, écrit dans une lettre adressée à sa famille que la production de café sur le littoral du Paraná n'était qu'une goutte d'eau par rapport à celle de Rio de Janeiro et de São Paulo (Correspondance de Michaud, 06/01/1902). Depuis la fin du XVIIIe et surtout à partir du début du XIXe siècle, la région littorale fut progressivement devancée, aussi bien dans le domaine économique que démographique, par les régions des plateaux du Paraná qui, avec une économie en large partie fondée sur la cueillette du maté et sur l'élevage, devinrent les centres les plus dynamiques du Paraná (Padis - 1981, pp. 25-28). Ceci contraignit les pouvoirs publics brésiliens à améliorer les voies de communication entre les villes portuaires du littoral centre et les plateaux. En 1876 fut inaugurée une piste carrossable, puis, en 1885, ce fut le tour d'une ligne de chemin de fer. Cette progressive amélioration des voies de communication engendra, dès le milieu du XIXe siècle, le transfert des ateliers de transformation de maté du littoral centre et sud vers les régions de cueillette dans les régions de plateaux (Martins - 1944, p. 200; Linhares - 1969, pp. 169-172; Ianni - 1988, p. 57). Dès lors, le littoral centre et sud en fut réduit à une simple zone de transit, le maté arrivant aux ports de la région déjà industrialisé. Cette délocalisation des ateliers à maté signifia une importante diminution de l'activité économique sur le littoral centre et sud du Paraná, et, par conséquent, un considérable rétrécissement du marché régional. 3.2. Crise du système esclavagiste et déclin général de l'activité économique régionale : conséquences sur la société agraire du littoral nord du Paraná Comme nous l'avons vu précédemment, l'économie du littoral nord était étroitement liée aux marchés des centres urbains et portuaires du littoral centre et sud du Paraná, dans la mesure où les exploitations agricoles représentaient d'importants fournisseurs de denrées alimentaires et de produits de la cueillette. Le déclin du littoral centre et sud, provoqué par la délocalisation des ateliers à maté, affecta donc considérablement l'économie du littoral nord. En outre, l'amélioration des conditions de transport entre les régions des plateaux et le littoral centre facilita les échanges marchands et suscita une augmentation de la concurrence, notamment sur les marchés du littoral. Autant de contraintes économiques qui vinrent s'ajouter aux importantes difficultés de communication qui continuaient à caractériser le littoral nord, toujours tributaire d'un transport fluvial et maritime précaire (barques, petits voiliers, ou le plus souvent pirogues à voile). Par conséquent, sa participation au marché régional se réduisit progressivement. La nouvelle conjoncture régionale issue des transformations intervenues tout au long de la deuxième moitié du XIXe siècle eut un impact considérable sur l'ensemble de la société agraire du littoral nord du Paraná, un impact différencié néanmoins selon les catégories sociales considérées. Les grands propriétaires esclavagistes furent sans aucun doute les plus touchés par cette nouvelle conjoncture qui remettait en question les bases mêmes de leurs exploitations, à savoir le travail esclave et les activités de production, de transformation et de commercialisation des produits agricoles. Confrontés à la fois à une forte augmentation de la valeur des esclaves et à une concurrence de plus en plus vive sur le marché régional, tout porte à croire que ces grands exploitants esclavagistes soient rentrés alors dans un progressif processus de décapitalisation et de déclin économique. Dans un premier temps, ils cessèrent leurs activités économiques plus demandeuses en main d'œuvre (les activités agricoles et de transformation de la production agricole, notamment la culture du café, la culture et la transformation de la canne à sucre et du riz pluvial), et la plupart des esclaves furent vendus. Il est probable que les capitaux dégagés par la vente des esclaves furent placés dans le développement de leurs activités commerciales dans les villes portuaires du littoral. La poursuite de cette crise entraîna à terme la cessation des activités commerciales et, par conséquent, l'abandon définitif des exploitations esclavagistes par leurs propriétaires. D'ailleurs, des études réalisées dans la région voisine de Baixada do Ribeira font état d'un processus de crise du système esclavagiste très semblable (Müller - 1980, pp. 2830). Avec le retrait des anciens exploitants esclavagistes, les terres auparavant exploitées par ceux-ci devinrent des "terres vacantes et sans maître" et furent progressivement occupées par des paysans locaux. En effet, les propriétaires de ces exploitations ne parvenaient souvent pas à vendre leurs domaines dans une conjoncture régionale guère favorable à la poursuite de l'activité. En outre, le recours à la main d'œuvre salariée, très peu disponible sur le littoral nord paranéen, était incertain. Au fur et à mesure de leur émancipation, les esclaves restés sur place avaient en effet quitté la région et migré vers les centres urbains du Sud-Est du Brésil (Correspondance de Michaud, 21/06/1896), et la paysannerie locale, malgré son importance dans la région, était géographiquement très dispersée. Les agriculteurs esclavagistes furent contraints de transformer leur mode d'exploitation de la nature pour faire face à cette nouvelle conjoncture régionale. Ils réduisirent leurs activités agricoles pour se consacrer davantage à des activités de cueillette et de transformation, comme la production de farine de manioc, la pêche, l'exploitation et la transformation du bois et des lianes. Ces activités se caractérisaient par un calendrier souple et sans véritables pointes de travail, ce qui permettait non seulement une meilleure utilisation de la main d'œuvre familiale, mais également le recours sporadique au travail salarié. Certains d'entre eux, mieux situés en termes de voies de communication, remplacèrent les grands exploitants esclavagistes en mettant en place des petits commerces. Avec un fond de commerce de moindre importance, ils se limitaient au commerce de marchandises et de produits de consommation courante (médicaments, tabac, eau de vie, viande séchée) et à l'achat de certains produits agricoles et artisanaux des paysans des environs (Correspondance de Michaud, 01/07/1896). Il est fort probable que ces paysans-commerçants jouèrent, dans une moindre mesure certes, un rôle dans le financement de la paysannerie, notamment en accordant des avances de marchandises. Cette nouvelle conjoncture eut un impact bien moindre sur la paysannerie, en raison probablement de la grande autonomie vivrière et matérielle de cette catégorie sociale et du faible niveau des échanges marchandes entre ces paysans et les exploitants esclavagistes. Néanmoins, elle l'obligea à modifier ses modes d'exploitation du milieu et en particulier à réduire, à l'instar des anciens agriculteurs esclavagistes, ses surfaces cultivées en riz pluvial et à développer davantage l'exploitation et la transformation artisanale des produits d'origine forestière (notamment le bois et les cordages en liane), ainsi que la production de farine de manioc. Par ailleurs, cette période fut marquée par une progressive colonisation des sous-régions des vallées larges et des vallées étroites localisées plus à l'intérieur du continent. L'étude de documents historiques20 révèle que ce mouvement de colonisation s'est produit dans les dernières décennies du siècle, à travers deux fronts distincts et simultanés. Le plus important fut conduit par des petits paysans originaires de la sous-région des plaines littorales et des bas-fonds, attirés par les vastes étendues de terres vierges localisées plus à l'intérieur du continent. Le second, de moindre importance, concerna exclusivement l'amont de la vallée alluviale du fleuve Guaraqueçaba et fut conduit par des paysans venus des régions voisines de l'État de São Paulo, au nord de notre région d'étude. Confrontés à l'épuisement des terres et à un manque de nouvelles surfaces agricoles, ces paysans entreprirent la colonisation de cette vallée alluviale de l'amont vers l'aval, en suivant une ligne télégraphique. Ils s'installèrent sur les rives des principaux fleuves navigables et purent ainsi s'approprier une grande partie des plaines alluviales, notamment les mieux situées en termes de transport fluvial. 20 A partir de certains documents et registres retrouvés dans les Archives Publics de l'État du Paraná : "Registros de terras feitos de accôrdo com o Decreto n°01 de 08/04/1893"; "Propriedades legitimadas pelo Governo do Estado do Paraná e que figuram no mappa - 1893"; demande de régularisation d'une possession foncière réalisée par Américo Silva Pontes en 22/10/1894. CHAPITRE 2 L'apogée et le déclin de la paysannerie "caiçara" (1888 - 1992) 1. La mise en place d'un nouveau système agraire 1.1. Un système agraire en formation depuis le milieu du XIXe siècle Les changements politiques et économiques intervenus depuis le milieu du XIXe siècle ont créé les conditions favorables à la mise en place d'un nouveau système agraire sur le littoral nord du Paraná. Comme nous l'avons vu, l'économie de la région avait été fortement marquée à la fin de la période précédente par l'effritement du système de production esclavagiste et par le déclin de ses principales activités agricoles (riz pluvial, canne à sucre et café). La crise du système esclavagiste avait permis l'émergence d'une nouvelle classe sociale représentée par des petits commerçants locaux qui, pour la plupart d'anciens agriculteurs esclavagistes, accaparèrent progressivement les négoces tenus jusqu'alors par les grands exploitants esclavagistes. Les rapports sociaux furent eux aussi profondément bouleversés, notamment en qui concerne la division du travail avec le développement du travail salarié. Enfin, à cette nouvelle conjoncture s'est ajoutée à la fin du XIXe siècle une considérable amélioration du transport maritime de cabotage au Brésil avec la généralisation des bateaux à vapeur. La réduction significative de la durée des transports maritimes de courte et moyenne distance ouvrit de nouveaux débouchés pour les produits agricoles tropicaux du littoral brésilien, notamment vers les pays du Rio de La Plata. Le trajet entre les ports du littoral du Paraná et ceux de Montevideo et de Buenos Aires passa de 18 jours en moyenne en voilier (Westphalen - 1962, p. 21) à quelques jours seulement en bateau à vapeur (Schmidt - 1934, p. 170). De plus, l'essor économique des pays du Rio de La Plata, imputable aux exportations de céréales et de viande bovine vers l'Europe, contribua à intensifier la demande de produits tropicaux, notamment des fruits. Cette nouvelle conjoncture incita certains commerçants établis dans les villes portuaires du littoral du Paraná à se lancer dans l'exportation de la banane. Le premier document relatif à ce commerce sur la portion nord de ce littoral concerne la mise en place d'un impôt d'exportation en 1883 (Archives de la Mairie de Guaraqueçaba, Résolution de l'Assemblée de la Province du Paraná, 07/11/1883). La culture de la banane, jusqu'alors destinée essentiellement à l'autoconsommation, devint à la fin du siècle la principale culture de rente du littoral paranéen, modifiant profondément le paysage agraire régional (Nascimento - 1908, p. 8; correspondance de Michaud, 03/02/1899). En 1908, la production du seul littoral nord était estimée à plus de 50.000 régimes par mois (Nascimento - 1908, pp. 10 et 24). La filière de la banane était alors organisée selon une structure pyramidale dont le sommet était occupé par quelques établissements commerciaux implantés dans les villes portuaires. Ces commerçants étaient à la tête d'un réseau d'intermédiaires chargés de l'achat et du transport de la production de la région, le plus souvent des petits commerçants installés dans les principales vallées alluviales. Quelques jours avant l'accostage des caboteurs, ils leur passaient commande et à leur tour, ces intermédiaires envoyaient des commis transmettre la commande aux producteurs des environs. Les petits commerçants assuraient le transport des régimes de banane en pirogue jusqu'à l'embouchure des grands fleuves, où des barques et des petits voiliers prenaient le relais jusqu'aux caboteurs (Nascimento 1908, pp. 8-10). Sur le littoral nord paranéen, il semble que le commerce de la banane ait été contrôlé par deux établissements commerciaux installés dans la ville de Guaraqueçaba, puis plus tard dans la ville portuaire de Paranaguá (Nascimento 1908, p. 10; Diário do Paraná du 29/03/1970). Cependant, le développement local de la culture de la banane se heurtait aux mauvaises conditions de transport. Le transport fluvial en pirogue requérait la mobilisation d'une importante main d'œuvre, et la multiplication des ruptures de charges et l'absence de protection contre la chaleur et les chocs contribuaient à la dépréciation de la marchandise. Ajoutons à tout cela les incertitudes quant aux jours et aux horaires des caboteurs et leur faible capacité de transport. Dans ces conditions, l'activité revêtait un caractère fort aléatoire et les pertes étaient parfois considérables (Nascimento - 1908, p. 10). La proximité des fleuves navigables était donc une condition indispensable au développement de la culture de la banane sur le littoral nord du Paraná, et seules les parcelles localisées sur les plaines d'épandage de crues, sur les terrasses alluviales et les bas versants des montagnes situées à proximité des fleuves navigables pouvaient être cultivées avec des bananeraies. Cette contrainte a considérablement limité les possibilités d'accès d'une partie de la paysannerie à cette activité. En effet, dans les régions d'occupation plus ancienne (sous-régions des plaines littorales et bas-fonds et sous-région des vallées alluviales larges), un petit nombre de paysans, pour la plupart d'anciens agriculteurs esclavagistes, s'étaient déjà approprié la plupart des parcelles susceptibles d'être cultivées avec des bananeraies. Dans les régions d'occupation plus récente (sous-région des vallées alluviales étroites), ces parcelles étaient déjà occupées par les premiers paysans venus s'installer. Nous reviendrons plus tard sur les conséquences de cette situation sur le renforcement de la différenciation sociale au sein de la paysannerie. La production de câbles et de cordes en lianes et l'exploitation du bois demeuraient quant à elles d'importantes activités économiques (Rapports du Président de la Chambre de Conseillers Municipaux de Guaraqueçaba, 1884 à 1888). Cette dernière fut d'ailleurs relancée par la demande de poutres et des traverses pour la construction des chemins de fer dans le sud du Brésil (Correspondance de Michaud, 01/07/1896). 1.2. Un mode d'exploitation du milieu toujours fondé sur le système de culture de défriche-brûlis et sur l'exploitation des ressources naturelles Les changements observés sur le littoral nord du Paraná à partir du milieu du XIXe siècle n'eurent pas d'impacts sur le mode d'exploitation du milieu mis en œuvre par la paysannerie qui restait fondé sur le système de culture de défriche-brûlis, sur l'exploitation des ressources forestières (bois, lianes, fibres végétales) et sur la transformation artisanale de certains produits agroforestiers. Ces activités étaient destinées en grande partie à la consommation locale. Ce mode d'exploitation du milieu s'insérait dans un contexte de front pionnier. En effet, la région ne subissait qu'une faible pression démographique et de vastes étendues étaient encore vierges et inoccupées, et l'équilibre de ce système agraire reposait en grande partie sur l'incorporation constante de nouveaux espaces agroforestiers. La rareté des documents historiques relatifs au mode d'exploitation du milieu mis en œuvre par la paysannerie dans la région étudiée nous a contraint à nous intéresser davantage aux régions voisines présentant des caractéristiques similaires, comme les littoraux sud de São Paulo et centre du Paraná. Nous avons également exploité les enquêtes réalisées auprès des anciens paysans locaux, qui nous ont permis d'approfondir nos connaissances notamment sur le système de culture de défriche-brûlis mis en œuvre. L'outillage manuel était semblable à celui utilisé au cours de la période précédente (houe, hache, serpe, machette, bâton fouisseur, etc.). Il en allait de même pour la transformation de la production agricole et forestière : ateliers manuels ("trafegos") et quelques moulins hydrauliques pour la fabrication de la farine manioc ; quelques outils manuels en fer (scie, herminette, etc.) pour le travail du bois ; mortiers manuels en bois ("pilão") et hydrauliques ("monjolo") pour le décorticage du riz et pour la fabrication de la farine de maïs ; machines manuelles en bois pour le tissage des câbles et des cordes en lianes. Dans les régions d'occupation plus ancienne, (sous-régions des plaines littorales et des bas-fonds et sous-région des vallées alluviales larges), l'écosystème se caractérisait par une végétation secondaire très diversifiée et déjà fort anthropisée, qui variait d'une simple végétation herbacée à une végétation arborée. Les régions localisées plus à l'intérieur, c'est-à-dire en amont des principales vallées alluviales (sous-région des vallées alluviales étroites et sous-région montagneuse), restaient couvertes d'une végétation primaire représentée en grande partie par la forêt ombrophile dense. - Le système de culture de défriche-brûlis au début du XXe siècle Le système de culture de défriche-brûlis pratiqué sur le littoral nord du Paraná était encore pour l'essentiel fondé sur l'utilisation de parcelles couvertes d'un recrû arboré de moins de 20 ans ou, dans le cas de nouvelles parcelles, d'une végétation arborée primaire. D'une manière générale, le défrichement était réalisé au cours de la période de plus faible pluviométrie - en juin, juillet et août - pour faciliter le séchage de la biomasse végétale. Ces travaux étaient essentiellement manuels et commençaient par le nettoyage de la strate arbustive, puis les gros arbres étaient coupés et les branches débitées. Les branchages et les troncs plus légers étaient empilés pour faciliter le brûlis. L'ensemble de ces travaux représentait entre 20 et 30 journées de travail par hectare. La durée du séchage était étroitement liée à la quantité de biomasse végétale et aux conditions climatiques. Elle variait de quelques semaines (pour les recrûs arbustifs), à quelques mois (pour les recrûs arborés ou pour la végétation primaire). La reproduction de la fertilité était assurée par la biomasse végétale accumulée pendant la durée du recrû et libérée par le brûlis. D'autres mécanismes de reproduction de la fertilité pouvaient intervenir de manière plus au moins importante. Ainsi, les parcelles localisées sur les plaines d'épandage de crues recevaient les apports alluvionnaux des crues d'été, dont l'importance variait en fonction de leur fréquence (certaines années, il n'y avait pas de crues) et de leur durée (de quelques heures à plusieurs jours). En amont de certaines vallées, ces apports alluvionnaires pouvaient être considérables et constituer ainsi un important mécanisme de reproduction de la fertilité des parcelles cultivées. Les parcelles localisées sur certains versants des montagnes (notamment les bas versants de faible déclivité), recevaient des apports colluviaux, quoique moins importants, par les eaux de ruissellement. L'opération du semis intervenait sitôt après le brûlis de la biomasse végétale pour profiter aux maximum des éléments minéraux ainsi libérés. Le semis était réalisé à l'aide du bâton fouisseur pour le maïs, le riz, le haricot, et de la houe pour la banane et les tubercules. Pour les cultures en succession, une préparation superficielle manuelle à la houe précédait la plantation ou le semis. Le calendrier des travaux pour les principales cultures est présenté dans l'annexe 1. Sauf en ce qui concerne les nouvelles parcelles conquises sur la forêt, l'âge auquel les recrûs étaient défrichés et remis en culture avec le système de défrichebrûlis était inférieur à une vingtaine d'années (Correspondance de Michaud, 20/11/1890). En réalité, cet âge variait selon la culture et la localisation de la parcelle et était le plus souvent compris entre 5 et 20 ans (tableau 4). Tableau 4 - Les systèmes de culture sur le littoral nord du Paraná au début du XXe siècle Unité de milieu naturel Systèmes de culture - Bas-fonds - Riz Pluvial ∅ Recrû (durée de moins de 20 ans) - Plaines littorales - Riz Pluvial ∅ Recrû (durée de moins de 20 ans) - Manioc + haricot ∅ Manioc+ haricot ∅ Recrû (durée de moins de 10 ans) - Plaines d'épandage de - Banane + maïs ∅ Recrû (durée d'environ 10 ans) crues - Maïs ∅ Canne-à-sucre ∅ Recrû (durée de moins de 10 ans) - Terrasses alluviales - Banane + maïs ∅ Recrû (durée de moins de 20 ans) - Manioc + Haricot ∅ Manioc + Haricot ∅ Recrû (durée de moins de 10 ans) - Maïs ∅ Haricot ∅ Haricot ∅ Recrû (durée de moins de 20 ans) - Maïs ∅ Haricot ∅ Manioc + Haricot ∅ Recrû (durée de moins de 20 ans) - Versants des - Banane + maïs ∅ Recrû (durée de moins de 20 ans) montagnes - Manioc + Haricot ∅ Manioc + Haricot ∅ Recrû (durée de moins de 10 ans) - Maïs ∅ Haricot ∅ Haricot ∅ Recrû (durée de moins de 20 ans) - Maïs ∅ Haricot ∅ Manioc + Haricot ∅ Recrû (durée de moins de 20 ans) - Caféiers ∅ Recrû (durée de moins de 20 ans) Sources : Correspondance W. Michaud (1883 - 1902); Archives de la Chambre de Conseillers Municipaux de Guaraqueçaba; Nascimento (1908); Enquêtes de terrain (1989 - 1992). L'analyse des différentes opérations agricoles et de la productivité du travail dégagée par le système de défriche-brûlis nous a permis de comprendre l'intérêt porté par les paysans à l'utilisation des parcelles avec des recrûs de moins de 20 ans d'âge. Les rendements et la durée des sarclages étaient pratiquement les mêmes que pour les parcelles disposant de recrûs plus âgés. Cependant, la durée des travaux de défrichement était considérablement moindre. L'exemple de la culture du riz pluvial avec le système de défriche-brûlis nous permet d'illustrer cette situation. On constate qu'à partir de la dixième année de recrû, la productivité du travail tendait fortement à se stabiliser (figure 11). Ceci nous permet également de comprendre pourquoi certaines parcelles (notamment les plus éloignées des fonds des vallées alluviales, et donc les moins avantagées en termes de transport fluvial), devenaient à nouveau en libre accès lorsque l'âge des recrûs dépassait une vingtaine d'années. Pr od uct ivit é d u t r avail( en Kg d e riz p ar j our née d e t r avail) F igu r e 1 1 - Pr o d u ct i vi t é d u t r av a il d an s l a cu lt ur e d u ri z p lu v ial a ve c le sy st è m e d e c ul t u r e d e dé f r ich e - b r û lis se lo n l ' äg e d u r ec r u ( re c r u h er b a cé , r e cr u a r b u st i f e t r e c ru ar b o r é ) 25 20 15 10 5 0 0 5 10 15 20 Dur ée du recr u ( en ann ées) SOURCE : D' apr ès d es ren seig neme nt s f ou rnis par des ancien s p aysan s d u lit t or al no rd d u Par aná ( enq uêt es de t err ain 1 9 8 9 , 1 9 9 1 et 1 9 9 2 ) . En effet, le défrichement et la remise en culture de telles parcelles demandaient un investissement en travail aussi important que pour les parcelles disposant d'une végétation primaire arborée, pour des rendements semblables. Les surfaces agricoles localisées sur l'unité de milieu naturel des bas-fonds étaient utilisées exclusivement pour la culture du riz pluvial avec le système de défriche-brûlis. La culture du riz pluvial se limitait à un seul cycle de culture, suivi d'une période d'abandon au recrû de moins de 20 ans. Les variétés présentaient un cycle long (d'environ 5 mois) et une taille élevée. Le riz pluvial était la seule culture possible dans ces bas-fonds, car il profitait de l'abaissement de la nappe phréatique pendant les mois d'hiver (notamment juillet et août). Le mauvais drainage des basfonds et l'écartement réduit dans cette culture obligeait le contrôle des herbes adventices à l'aide de la machette. Ce contrôle parvenait à peine à ralentir le développement des herbes adventices et empêchait donc un deuxième cycle avec cette culture en succession. La récolte constituait la principale pointe de travail, car elle intervenait pendant une période de pluviométrie élevée (mars-mai). En raison des difficultés de transport et des conditions climatiques fort instables au moment de la récolte, le riz était récolté en panicule à l'aide d'un petit couteau. Outre la culture du riz pluvial avec un système de culture semblable à celui utilisé sur les bas-fonds, les surfaces agricoles localisées sur les plaines littorales étaient cultivées, lorsque les conditions de drainage le permettaient, avec du manioc (parfois associé à la culture du haricot noir). Ce système de culture se caractérisait par la culture du manioc dès la première année en tête de rotation suivi par un second cycle de culture avec du manioc (parfois même un troisième), avant l'abandon de la parcelle à un recrû d'une durée inférieure à 10 ans. La culture du manioc et du haricot noir était possible car l'écartement entre plants facilitait le sarclage à la houe, et ces cultures étaient moins sensibles aux contraintes de la mise en culture en succession. Le manioc est une culture pluriannuelle avec un système racinaire développé et performant dans le pompage des éléments minéraux. Le haricot est une légumineuse qui fixe l'azote. La plantation du manioc était déjà précédée par la confection de buttes à la houe (aussi bien en première année de culture qu'en succession) qui améliorait considérablement les conditions de drainage autour des racines. Les variétés de manioc21 cultivées à l'époque redoutaient les sols humides et gorgés d'eau, même pendant de courtes durées. Les variétés de manioc "amer", moins susceptibles à l'humidité des sols que les variétés de manioc "doux", étaient toujours plus répandues. Les buttes ("cavados") étaient de 21 Les principales variétés de manioc "amer" étaient la "cascuda", "ilhéu", "ruivinha", "São Pedro", "tordinha" et de manioc "doux" la "vassourinha". forme allongée. D'une hauteur d'environ 50 cm et d'une longueur pouvant dépasser quelques mètres, elles pouvaient recevoir quelques dizaines de boutures. Le sarclage était réalisé à la houe trois fois par an, et le manioc était récolté à partir de la fin de la deuxième année de culture pour les variétés de manioc "amer", et à partir de la première année pour le manioc "doux". Dans l'unité de milieu naturel des plaines d'épandage de crues, les activités agricoles se limitaient à la culture de la banane, du maïs et de la canne à sucre. Les cultures de la banane et de la canne à sucre ne craignent pas les inondations de courte durée et le maïs était cultivé très tôt pour pouvoir être récolté avant la période de crues. En revanche, les plaines d'épandage de crues soumises à des inondations de longue durée ne peuvent être cultivées qu'avec la culture précoce du maïs. La culture de la banane (en association avec le maïs, dans la première année de culture) était réalisée avec le système de culture de défriche-brûlis. Le bananier cultivé dans la région appartenait au groupe Cavendish, appelé localement "maça" (ou "prata" sur le littoral de São Paulo) (Nascimento - 1908, p. 22). Le bananier "maça" est relativement haut (entre 4 à 6 mètres), forme des touffes épaisses et produit des régimes d'un poids inférieur à 20 kg. En outre, ce cultivar est sensible à la maladie Fusarium cubense plus connue sous le nom de "maladie du Panamá" (Cunha - 1948, p. 102). Les bananeraies "maça" demandent des sols profonds, humides et bien drainés. Suite aux opérations de défrichement et de brûlis de la biomasse végétale, les œilletons de bananiers étaient plantés à quelques mètres d'intervalle. La conduite des plantations était très restreinte (Nascimento - 1908, p. 20) et se limitait à un léger débroussaillage sporadique (à la machette) de la végétation spontanée et de la repousse des souches d'arbres pendant les premières années de culture. Dans ce système de culture, la reproduction de la fertilité était assurée par l'accumulation de la biomasse végétale (pendant la période de recrû) complétée par d'importants apports fertilisants d'origine alluviale. Les bananeraies étaient exploitées pendant moins d'une dizaine d'années, suivies par une période de développement du recrû d'une durée équivalente. Outre en association avec la banane, le maïs était cultivé en tête de rotation avec le système de défriche-brûlis. Dans ce cas, la canne à sucre était le plus souvent cultivée en succession et les plantations exploitées quelques années avant l'abandon au recrû d'une durée de moins de 10 ans. Les systèmes de culture mis en œuvre sur les terrasses alluviales s'avéraient plus diversifiés que ceux rencontrés sur les unités de milieu naturel précédentes en raison des meilleures conditions de drainage. Ces surfaces agricoles pouvaient ainsi être cultivées avec des bananiers, du maïs, du manioc et du haricot. Le système de culture de la banane sur les terrasses alluviales était semblable à celui utilisé sur les plaines d'épandage de crues. Cependant, la reproduction de la fertilité était assurée uniquement par l'accumulation de la biomasse végétale pendant la période de recrû. Ceci se répercutait aussi bien sur la durée d'exploitation des plantations que sur celle du recrû. Par conséquent, les bananeraies n'étaient exploitées que pendant quelques années, avec une période de recrû pouvant dépasser parfois une vingtaine d'années. Outre en association avec la banane, le maïs était cultivé en tête de rotation avec le système de défriche-brûlis (recrû d'une durée de moins de 20 ans) suivi en succession par la culture du haricot noir ou par la culture du manioc associé ou non au haricot noir. Le manioc, associé ou non au haricot noir, était cultivé en succession au maïs ou parfois au haricot pendant 2 à 3 cycles de culture avant l'abandon de la parcelle au recrû. De la même manière que sur les plaines littorales, la plantation était précédée par la confection de grandes buttes à la houe. Outre l'ameublissement du sol qui facilite le contrôle des herbes adventices et le développement des plantes cultivées, la confection de buttes améliore considérablement l'écoulement des eaux de pluies. Parfois, le manioc (quelque fois associé au haricot) était cultivé en tête de rotation. Dans ce cas, ce premier cycle de culture était suivi d'un ou deux cycles de culture avec du manioc (associé ou non au haricot) en succession avant l'abandon au recrû (d'une durée inférieure à 10 ans). Le haricot noir était cultivé en succession à la culture du maïs et cela pendant un ou deux cycles. La culture du haricot en succession était également réalisée dans une seconde saison culturale et l'on parlait alors du "haricot des pluies", car le semis intervenait à la fin de l'été (février/mars). Le haricot était la seule culture possible au cours de cette période et cela malgré la réduction de la durée de la photopériode journalière. Malgré une réduction d'environ un tiers des rendements par rapport à la première, cette seconde saison culturale permettait d'assurer le ravitaillement en haricot tout au long de l'année. Cette situation s'expliquait par les difficultés rencontrées dans la région dans la production de haricot (difficultés de récolte pendant les périodes de forte pluviométrie), et par les problèmes de conservation des grains dus à l'humidité. La plupart des vergers de case étaient également situés sur les terrasses alluviales, aux alentours des habitations. On y trouvait notamment des plantains, des avocatiers, des orangers et des goyaviers. Ils recevaient indirectement des apports en éléments fertilisants d'origine domestique et animale (déjections des animaux de basse-cour). Les jardins de case n'existaient pas car les légumes, les condiments et les tubercules étaient cultivés en association à d'autres cultures avec le système de défriche-brûlis. D'ailleurs, les parcelles les plus proches des habitations étaient cultivées en priorité avec du manioc (associé ou non à la culture du haricot), des légumes et des tubercules (courges, courgettes, concombres, piments, tarot, igname, etc.). La proximité des habitations s'avérait indispensable en raison de l'importance des travaux agricoles et de la nécessaire surveillance (notamment pour les légumes et les tubercules). D'autre part, il fallait transporter à dos d'homme de considérables quantités de racines de manioc jusqu'aux ateliers de fabrication de farine22. Les systèmes de culture mis en œuvre sur les versants des montagnes étaient similaires à ceux utilisés sur les terrasses alluviales. A côté de la culture de la banane, du maïs, du manioc et du haricot noir, on trouvait des plantations de caféiers (Correspondance de Michaud, 20/11/1890) exploitées pendant moins d'une dizaine d'années. Lorsque les rendements avaient atteint un niveau trop bas, l'entretien des plantations était arrêté pour permettre le développement du recrû pendant une durée de moins d'une vingtaine d'années. La récolte constituait la principale contrainte de cette culture. Elle débutait en mars, à un moment de forte pluviométrie (Correspondance de Michaud, 10/03/1896) et la maturation non uniforme des grains en allongeait considérablement la durée. Sur ces versants, la culture du manioc (aussi bien en tête de rotation qu'en succession) était également précédée par la confection de petites buttes. Celles-ci étaient plus petites que sur les plaines alluviales (moins d'un mètre carré) pour faciliter l'écoulement des eaux des pluies et recevaient quelques boutures de manioc. 22 Pour la fabrication d'un kg de farine de manioc il faut environ quatre kg de racine de manioc. - Les systèmes d'élevage La basse-cour se limitait à quelques volailles (pintades, poulets et canards) élevées en plein air. Les porcins étaient eux aussi élevés en plein air et divaguaient dans les bananeraies et dans les vergers de case autour des habitations. Prédominaient les races rustiques d'origine ibérique destinées à la production de graisse. Les animaux étaient nourris des résidus de cultures (manioc, taro), de maïs, de fruits (goyaves, agrumes) et de régimes de banane. Les transferts de fertilité par les activités d'élevage étaient limités et seules les parcelles localisées autour des habitations bénéficiaient de ces apports fertilisants. Les porcs gras étaient destinés à l'autoconsommation et dans une moindre mesure à la vente sur pied à des commerçants locaux. Quant aux bovins, ils étaient élevés sur des pâturages permanents localisés sur les fonds de vallées et sur les plaines alluviales, à proximité des habitations. Aucun recueil des déjections ou transfert de fertilité n'était réalisé entre les parcelles cultivées et l'élevage, et c'était là l'une des caractéristiques de ce système. Les taurillons et les animaux de réforme étaient destinés essentiellement à être vendus sur pied à des commerçants locaux. - Le stockage et la transformation de la production agricole Les conditions du stockage de la production dans les exploitations étaient alors précaires. La production était le plus souvent stockée à l'intérieur même des maisons et dans les ateliers de fabrication de farine de manioc. Ce stockage concernait seulement certains produits agricoles destinés à l'autoconsommation (riz, maïs et haricot), sans qu'aucune transformation n'ait été réalisée préalablement. Après la récolte, les panicules de riz et les épis de maïs étaient empilés dans un coin et les fagots de plantes de haricot accrochés sous le toit à des cordes ou à des traverses en bois pour faciliter la conservation et la manipulation des produits agricoles. La part de la production destinée à la vente était livrée aussitôt après la récolte. En ce qui concerne la transformation de la production agricole, les activités de chasse et de pêche, l'exploitation et la cueillette des produits forestiers et halieutiques (bois, lianes, poisson, etc.), ainsi que leur transformation manuelle, très peu de changements ont été observés par rapport à la période précédente. Au niveau régional, quelques nouvelles unités de transformation ont été installées par les propriétaires de quelques établissements commerciaux implantés sur le littoral nord du Paraná : un moulin à riz à vapeur, une petite conserverie de cœur de palmier et une unité de séchage de crevettes dans la ville de Guaraqueçaba (Correspondance de la Mairie de Guaraqueçaba, 31/07/1930), et une scierie à vapeur dans la localité de Serra Negra. Néanmoins, ces unités de transformation n'eurent que peu d'impacts sur l'économie régionale. Les difficultés de transport limitaient leur zone de chalandise et constituaient un obstacle au développement de leurs activités économiques. 1.3. La paysannerie "caiçara" au début du XXe siècle : organisation économique et rapports de production A partir de quelques documents bibliographiques et d'un certain nombre d'entretiens avec les paysans les plus âgés, nous sommes parvenus à reconstituer la société agraire sur le littoral nord de l'État du Paraná au début du XXe siècle. Nous avons ainsi pu reconstituer, au moins partiellement, les différentes catégories sociales alors existantes et caractériser leur mode d'exploitation du milieu (figure 12). Ainsi, nous avons pu mettre en évidence trois catégories sociales avec leurs principales caractéristiques, ainsi que leur place dans cette société agraire : - Les petits paysans (les "camaradas") Les exploitations des petits paysans représentaient environ 80% des exploitations de la région au début du siècle. Cette catégorie sociale descendait de paysans locaux ou de nouveaux arrivants attirés par le développement de la culture de la banane. Ces paysans disposaient d'un outillage manuel (houe, serpe, machette, hache, herminette, etc.), auquel s'ajoutaient une pirogue et parfois un atelier manuel de farine de manioc. Ces exploitations étaient des "possessions" établies sur des terres considérées comme "vacantes et sans maître" et étaient donc situées loin des principaux fleuves. Elles occupaient une surface de moins de 60 hectares, répartis inégalement sur plusieurs unités de milieu naturel et notamment sur les bas-fonds et sur les versants de montagnes. Leurs systèmes de production étaient fondés sur des activités agricoles mises en œuvre avec le système de défriche-brûlis (avec de recrûs de moins d'une vingtaine d'année) ainsi que sur certaines activités non agricoles. Ces paysans se consacraient en priorité aux activités agricoles d'autoconsommation (culture du maïs, du haricot et du manioc) et, dans une moindre mesure, à celles dont les produits étaient destinés à la vente (riz pluvial et banane). Nous avons estimé que les surfaces consacrées à la culture du riz pluvial et de la banane étaient respectivement inférieures à 1,5 et 3 hectares. Les activités agricoles destinées à l'autoconsommation occupaient quant à elles des surfaces cultivées de 0,5 hectare, pour la culture du manioc et du haricot noir, et de moins d'un hectare pour la culture du maïs. F ig u r e V 1 2 - IV d ' e x p lo i t a t i o n I II E x p l o it a t i o n la M o d e fo rê t d u m il ie u au d éb u t d u X X e s iè c l e su r le l it t o r a l N o r d d u P a ran á II d e s p ro d ui ts I de ( b o i s , li a n e s ) , c h a s s e F L EU V E V e rs a nt s d e m on t ag n es T e rra s s e s a ll u v ia le s B as - fo nd s P a y s a n s " m o y e n s " ( 8 0 à 1 4 0 h a S A U / e x p l) - c u lt u r e d u r i z p l u v i a l - c u lt u r e d u m a ïs ( < - c u lt u r e m a n i o c / - b a na n e (7 à 1 5 3 P la in e s d ' é pa n da g e d e c ru es P e t it s (< 4 - a t e lie r f a r in e ( m o in s d e - c u lt u r e d u r iz p lu v ia l ( < 1 , 5 ha ) - c u l t u r e d u m a ïs ( < 1 h a) h a r ic o t ( + / - 1 ha ) - c u l t u r e d u m a n io c / - b an an e ha ) b o v in ( < 1 5 p a y s a n s 6 0 h a S A U / e x p l) t ê te s) m a n io c m a n u e l e t : (< 3 ,0 ha ) h a ) h a r ic o t ( + / - 0 , 5 ha ) h a) - v e n t e d e la f o r c e d e t r a v a il ( jo u r n a lier ) - e x p l o i t a t i o n d e s p r o d u i t s d e la f o r ê t ( l i a n e s , b o is ) e t a r t is a n a t ( c â b les , p la n c h e s ) SO U RCES p a r f o i s h y d r a u l iq u e - at e lie r f ar in e m an io c m a n u e l nord e x p lo i t a t i o n s e n v ir o n 8 0 % e x p l o i t a t io n s : in f o r m a t i o n s du 19 9 2); e n v ir o n 2 0 % B a ie s : - é le v a g e p o r c in e n p le in a ir ( q u e lq u e s t ê t e s ) ( a v e c le s p e r t e s e n b a na n e ) - é le v a g e P l a i n e l it t o r a l e " r e s t in g a " Est im a t io n s f o u r n ie s P a ra n á par p e rs o n n e l l e s des (enq uêt es Co r r e sp o n d a n c e de a n c ie n s de W . à p a r t ir pay s ans du t e r r a in 19 8 9, 1 9 91 M ic h a u d (1 8 83 - A rc h i v e s d e la C h a m b r e d e C o n s e il l e r s G u a r a q u e ç a b a ; N a s c im e n t o , 1 9 0 8 . des li t t o r a l et 19 0 2); M u n icip a u x de Néanmoins, la plupart de ces paysans ne parvenaient pas à dégager des surplus agricoles, pas même avec la culture de la banane. En effet, la plupart des parcelles dont ils disposaient étaient soumises à des fortes limitations d'usage, en raison notamment des difficultés de transport de la production. Pour pouvoir acheter les marchandises qui n'étaient pas produites sur place, ces paysans vendaient leur force de travail en réalisant certaines activités non agricoles. Outre la collecte, la fabrication artisanale de cordages de lianes et l'exploitation et la transformation du bois, ils s'engageaient comme salariés auprès des paysans "moyens" et des commerçants locaux23. Les "agregados" représentaient dans cette catégorie le plus bas niveau de l'échelle sociale. Comme nous l'avons vu au long de la période précédente, les "agregados" étaient des paysans qui s'associaient à d'autres, faute des moyens de production et de capitaux pour pouvoir entreprendre à leur compte des activités agricoles et artisanales. - Les paysans "moyens" La catégorie des paysans "moyens" était formée d'anciens agriculteurs esclavagistes et, dans une moindre mesure, de paysans récemment arrivés des régions voisines pour coloniser les vallées situées en amont des principales vallées alluviales. Ces paysans représentaient environ 20% des exploitations du littoral nord du Paraná. Nous avons pu estimer la surface de leurs exploitations entre 80 et 150 hectares, dont une grande partie située sur les plaines d'épandage de crues et sur les terrasses alluviales. Leur niveau d'équipement était beaucoup plus important que celui des petits paysans : outre l'outillage manuel, ils possédaient un atelier de production de farine manioc (manuel ou parfois hydraulique), des pirogues et parfois quelques animaux de trait (mulets et chevaux). Les systèmes de production mis en œuvre par ces paysans "moyens" étaient essentiellement fondés sur des activités agricoles avec le système de défriche-brûlis (avec de recrûs de moins d'une vingtaine d'années) et dans une moindre mesure, sur des activités d'élevage. Nous avons pu estimer que les surfaces cultivées avec le riz pluvial variaient entre 2 et 4 hectares et celles concernées par la banane entre 7 23 Sur le littoral du Paraná, les paysans qui vendaient leur force de travail étaient appelés "alugados". et 15 hectares en production. Les activités agricoles destinées à l'autoconsommation occupaient une surface cultivée d'environ un hectare, pour la culture du manioc et du haricot noir, et de 1,5 à 3 hectares pour la culture du maïs. Ils élevaient essentiellement des porcs, mais certains "paysans moyens" possédaient en outre des bovins. L'élevage porcin était réalisé en plein air et les animaux étaient nourris avec les résidus et les pertes de production. L'élevage bovin se limitait le cas échéant à une quinzaine de têtes de bétail élevées en plein air. Vraisemblablement, l'élevage constituait pour ces paysans un moyen d'épargne facilement disponible en cas de besoin. Ces activités agricoles et d'élevage permettaient à ces paysans d'assurer leurs besoins d'autoconsommation et de dégager un important surplus notamment en banane et en riz pluvial. Outre la main d'œuvre familiale, ces paysans recouraient à de la main d'œuvre externe. Lorsqu'une importante mobilisation de force de travail était nécessaire, comme par exemple pour le défrichement des parcelles ou la récolte riz, les paysans "moyens" organisaient des "journées de travail collectif" (appelées, selon la localité, "mutirão" ou "pixirão"). Le paysan invitait ses voisins à y participer, et en échange, il fournissait l'alimentation, la boisson et le bal du soir. Ces journées, qui pouvaient rassembler plusieurs dizaines de paysans pendant plusieurs jours, demandaient un important investissement en capital et en travail (les semences et l'outillage agricole pour les plantations, les denrées alimentaires, les boissons, etc.). Pour compléter leurs besoins de main d'œuvre non assurés par les membres de la famille ou par les "journées de travail collectif", ces paysans embauchaient des journaliers (des petits paysans des environs ou des "agregados") pour des courtes périodes et pour des tâches bien spécifiques comme le transport en pirogue et certains travaux agricoles (sarclages, semis, etc.). - Les commerçants locaux Les commerçants étaient d'anciens agriculteurs esclavagistes ou, parfois, des petits commerçants venus d'ailleurs et qui s'étaient installés dans la région suite au développement du commerce de la banane. A part quelques commerçants installés en aval des principales vallées alluviales, à l'embouchure des principaux fleuves ou en bordure des baies, la plupart d'entre eux avaient une implantation locale et disposaient de petits fonds de commerce. Ils vendaient des vivres et des marchandises de consommation courante, achetaient la production agricole et artisanale locale, et finançaient d'une certaine façon les activités agricoles des paysans les plus démunis (avances d'argent, ravitaillement pendant les périodes de soudure, etc.). Une partie des commerçants jouaient également le rôle d'intermédiaires dans le commerce bananier et assuraient alors l'achat de la production de banane des paysans des environs et son transport en pirogue vers les points d'embarquement situés en amont des vallées alluviales ou sur les rives des baies et des estuaires. Les commerçants représentaient d'incontournables intermédiaires dans cette société agraire. Outre leur rôle dans le financement de la production des paysans, ils étaient les seuls à pouvoir assurer la logistique requise par le transport fluvial de la production. L'exemple de la localité du Batuva, localisée en amont de la vallée alluviale du fleuve Guaraqueçaba, illustre bien cette situation : il fallait deux jours pour une pirogue montée par deux hommes et d'une capacité de transport d'environ 40 régimes de banane pour faire l'aller et retour vers la ville de Guaraqueçaba, située sur la rive de l'estuaire. Par ailleurs, une partie des commerçants, notamment ceux implantés dans les localités les plus isolées, développaient des activités agricoles (culture de la banane et du riz pluvial) et d'élevage (porcin et bovin) destinées essentiellement à la vente. Outre leur main d'œuvre familiale, ces commerçants embauchaient des journaliers pour réaliser leurs travaux agricoles et pour transporter la production en pirogue. - une organisation sociale structurée autour de la famille élargie Cette paysannerie était organisée autour d'une unité sociale, la famille élargie, composée d'un ou plusieurs groupes domestiques (ou familles nucléaires). La famille élargie était soumise à l'autorité de l'ascendant patriarcal chargé de résoudre les conflits entre les différents groupes domestiques, de régler l'utilisation des moyens de production (atelier de farine de manioc, pirogues, etc.), et d'attribuer des terres localisées à proximité des habitations. Cette forme d'organisation sociale était d'une importance fondamentale lors des héritages, car elle représentait un obstacle efficace à la division du patrimoine qui restait ainsi au sein de la famille élargie. Chaque famille nucléaire possédait une habitation propre située le plus souvent à proximité de celle de l'ascendant patriarcal. En revanche, le mode de production était individuel et chaque groupe domestique possédait ses propres plantations et son propre cheptel. Comme au cours de la période précédente, on retrouvait auprès de certaines familles élargies des individus ou même des familles sans aucun lien de parenté avec elles : les "agregados". Les rapports sociaux qui liaient les "agregados" à ces familles leur permettaient de jouir d'une certaine "sécurité" et de l'usufruit de certains moyens de production (atelier de farine de manioc, outillage agricole, pirogue, etc.). Ces "agregados", qui avaient par ailleurs leur propre habitation, réalisaient des activités agricoles destinées à leur autoconsommation. En échange, ils apportaient leur force de travail, notamment lors des périodes de pointe de travail agricole (récolte du riz, défrichements, sarclages, etc.). En tant qu'unité sociale de base, la famille élargie permettait aux différents groupes domestiques de disposer collectivement des biens de productions (atelier de farine de manioc, pirogues, animaux de trait, etc.). En outre, cette forme d'organisation sociale constituait un important réseau de solidarité (avances d'argent et de nourriture, aide matérielle lors de maladies, etc.). Il existait des rapports d'entraide, aussi bien entre des groupes domestiques appartenant à la même famille élargie qu'entre ceux appartenant à différentes familles élargies. L'entraide ("troca-dia", ou "échange de journée de travail") était sans aucun doute la forme de travail collectif la plus répandue chez les paysans de la région. Le groupe domestique envoyait une ou plusieurs personnes travailler pour de courtes périodes dans un groupe domestique voisin, et en échange, il pouvait disposer ultérieurement d'un apport de main d'œuvre équivalent. - paysannerie et rapports de production L'existence de vastes surfaces de terres non appropriées et en libre accès n'empêchait pas pour autant le développement des rapports de production basés sur le métayage et le fermage ("alforo") au sein de cette société agraire. Ces accords de métayage et de fermage se limitaient à la culture du maïs et du riz pluvial, et cela pendant une durée dépassant rarement un cycle de culture. Le métayage constituait le rapport de production le plus répandu et concernait les petits paysans qui ne disposaient pas des ressources suffisantes pour avancer les semences nécessaires ou ne pouvaient "faire la soudure" jusqu'à la récolte. Ces individus mettaient alors en place des accords de métayage avec des paysans "moyens" ou avec des commerçants locaux. Le métayer fournissait la main d'œuvre pour la réalisation des travaux agricoles, et le commerçant ou le paysan "moyen" s'engageait à fournir les semences et des avances en nourriture. Après la récolte, le métayer remettait la moitié de la production et réglait les avances en nourriture avec une partie de la production. Quant au fermage, il concernait les paysans intéressés par la mise en culture de parcelles dont le droit d'usage était acquis par un tiers. Il s'agissait le plus souvent de parcelles avec des recrûs de moins de vingt ans, ou encore localisées le long des principaux cours d'eau ou à proximité des habitations. Pour cela, les prétendants à la mise en culture de ces parcelles étaient contraints à des accords de fermage avec les paysans jouissant du droit d'usage. En dépit d'un loyer correspondant à un tiers environ de la production totale, la mise en culture s'avérait fort intéressante pour le fermier, car le transport de la production était considérablement facilité par la localisation des parcelles. En outre, la mise en culture d'une parcelle disposant d'un recrû de moins de 20 ans d'âge demandait un investissement en travail moins important que dans le cas d'une parcelle avec recrû d'âge supérieur ou couverte de forêt primaire, tout en dégageant des rendements semblables. - le renforcement de la différenciation sociale à l'intérieur de la paysannerie Cette période s'est caractérisée par le renforcement de la différenciation sociale à l'intérieur de la paysannerie. Le développement de la culture de la banane a permis aux paysans "moyens" d'accumuler davantage de capitaux et de moyens de production qu'au cours de la période précédente. Ceci s'est traduit par le développement de leurs activités d'élevage (porcin mais surtout bovin) et par l'acquisition de quelques animaux de trait destinés à faciliter le transport de la production. En revanche, les perspectives d'accumulation de la petite paysannerie ne changèrent guère. Faute de surfaces agricoles sur les plaines d'épandage de crues et sur les terrasses alluviales à proximité des principaux cours d'eau, les petits paysans se voyaient dans l'incapacité de développer la culture de la banane. Par ailleurs, contraints de vendre leur production agricole et artisanale au commerçant local, ils devaient accepter des conditions d'achat souvent très défavorables. Enfin, la plupart des petits paysans restaient tributaires des commerçants et des paysans "moyens" pour la mise en culture des terres et pour faire face aux périodes de soudure et aux mauvaises récoltes. Privés de toute possibilité d'accumulation, les petits paysans ne pouvaient espérer mieux que d'assurer, au moins partiellement, leur autosubsistance et de consacrer le reste de leur force de travail au travail salarié et à l'exploitation et à la transformation artisanale du bois et des lianes. Néanmoins, ces petits paysans parvenaient à assurer les besoins essentiels de leurs familles et leur reproduction sociale. 1.4. Une période d'essor économique et démographique Dès la fin du XIXe siècle, le développement des échanges marchands (et notamment le commerce du riz pluvial, du bois et surtout de la banane) a permis au littoral nord du Paraná de vivre une période d'essor économique sans précédent. Le développement de la ville de Guaraqueçaba (chef-lieu de la région) reflétait alors l'impact de cet essor sur l'ensemble de la région. Outre d'imposants édifices, cette petite ville bénéficia de considérables améliorations en termes d'infrastructures urbaines comme la construction de fontaines publics, d'un réseau de drainage urbain, d'un petit marché public (Gazeta do Povo, 14/09/86). Les récits et témoignages historiques font état d'une étonnante vie culturelle pour une ville de quelques centaines d'habitants seulement : journal, club littéraire, fanfare municipale, etc. (Diário do Paraná, 29/03/1970). Cette période, nous l'avons vu, fut également marquée par l'implantation d'importants établissements commerciaux et par l'installation de plusieurs unités de transformation de produits agricoles et de cueillette (scieries, moulins à riz, alambic et conserverie de cœur de palmier notamment). Cet essor économique, associé à l'existence de vastes étendues de terres vierges notamment en amont des principales vallées alluviales, suscita un important flux migratoire. Des paysans installés en bordures des estuaires et des baies, mais également des paysans des régions environnantes confrontés à l'épuisement des terres et au manque de nouvelles surfaces agricoles, entreprirent rapidement la colonisation des vallées alluviales. Ce mouvement démographique prit une ampleur telle que la population de la région doubla entre 1890 et 1910 (figure 13). Le littoral nord du Paraná fut, à partir de 1920, le siège de quelques initiatives destinées à inciter davantage encore la colonisation de certaines localités. Ces initiatives purent voir le jour grâce à la mise en place, par les pouvoirs publics brésiliens, d'une nouvelle politique foncière. En effet, les différents dispositifs politiques et législatifs fonciers instaurés depuis le début du XIXe siècle n'avaient pas suffi à régulariser les possessions foncières déjà existantes, ni à promouvoir la colonisation des régions encore peu habitées (Costa - 1977, pp. 61-68). Suite à la proclamation de la République en 1889, la nouvelle Constitution brésilienne délégua aux gouvernements des régions la responsabilité de la question foncière (Dean 1978, pp. 431-432). C'est dans ce contexte que le gouvernement du Paraná mit progressivement en place, à partir de 1892, une nouvelle politique foncière qui prônait en particulier la concession de vastes surfaces de terres à des compagnies privées de colonisation (Costa - 1977, pp. 70-78). Au début des années 20, la Compagnie União Colonial Ltda. se vit ainsi attribuer une concession d'environ 52.000 hectares par le gouvernement du Paraná sur le littoral nord24. Cette compagnie entreprit la régularisation de quelques possessions foncières de paysans déjà sur place, installa une quarantaine de familles (la plupart d'origine allemande) sur des exploitations d'une trentaine d'hectares, et prit en charge certaines infrastructures comme un moulin à riz, une scierie, un alambic et la construction de chemins25. 24 Une deuxième concession de terres d'environ 5.000 hectares fut accordée à une deuxième compagnie privée vers 1920 à l'extrême nord de la région étudiée (en amont de la vallée du fleuve Rio Guaraqueçaba) (Petrone 1960, pp. 153-167). La colonie "Santa Maria" étant localisée dans la zone d'influence du système agraire de la vallée du Ribeira, elle n'a pas été intégrée à notre région d'étude. 25 Les actions de colonisation et de régularisation foncière réalisées dans le cadre de concessions à des compagnies privées sur le littoral nord du Paraná se sont avérées des échecs complets. Selon la législation en vigueur, les compagnies de colonisation devaient consentir aux paysans locaux la régularisation des terres qu'ils exploitaient. En réalité, les surfaces accordées aux paysans ont été limitées à moins d'une trentaine d'hectares par exploitation, ce qui était très en deçà des surfaces nécessaires aux exploitations paysannes si l'on prend en compte leur mode d'exploitation du milieu. La plupart des terres ont été considérées comme "vacantes et sans maître", et furent par conséquent intégrées à la concession de la compagnie de colonisation. Les résultats du processus de délimitation de terres, réalisé en 1919 et 1920 préalablement à la mise en place du projet de colonisation par la Compagnie União Colonial Ltda, montrent clairement l'exiguïté des surfaces légalement accordées à la paysannerie. Sur les 52.615 hectares du périmètre délimité dans les vallées alluviales des fleuves Serra Negra et Tagaçaba, seuls 2.615 furent accordés aux paysans locaux, soit moins de 5% de la surface totale de la concession (Processo n° 624 du 27/01/1920 - D.G.T.C.). Même si ce processus n'empêcha pas la paysannerie locale de continuer à exploiter ces terres (car le programme de colonisation n'arriva pas à terme), il exclut définitivement les paysans d'une future appropriation légale de ces terres. Au milieu des années 20, le programme de colonisation fut stoppé et rentra dans une période de déclin. Cette situation s'expliquait par l'insuffisance des infrastructures de transport et de commercialisation de la production dans la région et par la succession de litiges à propos des limites de la concession qui opposèrent la Compagnie União Colonial, les services juridiques du gouvernement du Paraná et les personnes qui s'étaient arrogées la concession de terres dans la région. Face à cette situation, la compagnie se défit progressivement de la totalité des terres en divisant la concession en grands lots (les "glebas"). D'une superficie dépassant souvent plusieurs milliers d'hectares, ces lots furent ensuite vendus à d'autres compagnies ou à des individus en vue de la constitution de grandes exploitations. Le lot le plus vaste que nous ayons pu répertorier a été celui acquis par la Compagnie de Colonisation Brésilienne Ltda. (C.C.B.) en 1960 : il couvrait environ 17.880 hectares (d'après document n°3940 D.G.T.C. du 16/06/1961). Ainsi, ce projet de colonisation fut un échec, mais en outre il permit la cession de vastes surfaces de terres avec des titres fonciers régularisées juridiquement, ce qui incita plus tard l'implantation de grands domaines sur le littoral nord du Paraná. Ces événements furent également à l'origine d'un processus de spéculation foncière qui ne cessa d'ailleurs de s'intensifier au fil des années, et qui fut renforcé notamment par l'arrivée, à partir des années 50, d'une multitude d'aventuriers (les "grileiros de terra") désireux de s'approprier de vastes étendues de terres en profitant de la confusion régnant dans la région. n o m b r e d ' h a b i t an t s Fi gur e 1 3 - Ev olut ion de l a pop ul at ion t ot a le du l it t or al nor d de l ' ét at du Par a ná* e nt r e 1 8 0 6 e t 1 9 9 1 10000 9 00 0 8 00 0 7 00 0 6 00 0 5 00 0 4 00 0 3 00 0 2 00 0 19 80 19 60 19 40 1 920 1 900 1 880 1 860 1 840 1 820 1 800 0 199 1 1 00 0 a nné e s * Remarque: la population r urale de la vallée alluv iale de Cachoeir a n' est pas comprise SOURCE : IBGE - Recens ements nationaux 19 40, 1 950 , 196 0, 19 70,19 80 et 199 1. Lis te nominat iv e des habit ants de la Province de São Paulo, Archives de l'État de São Paulo, 1 806 . Mairie de la ville de Guaraqueç aba, 198 6. MARTINS, R. - " Quem somos e quantos somos ?" , 19 41. VIEIRA DOS SANTOS, A. - " Mem ória hist ór ic a da cidade de Paranguá e seu Munic ípio" , 19 50. 2. Les années 30 : le début d'une longue période de crise .... 2.1. Les origines de la crise paysanne Au début des années 20, la colonisation des vallées alluviales situées en amont des grands fleuves (sous-région des vallées étroites), était achevée. Désormais, la poursuite de l'expansion des activités agricoles marchandes, comme la culture de la banane, et des activités destinées à l'autoconsommation ne pouvait plus être assurée par l'incorporation de nouvelles parcelles sur les vallées alluviales desservies par des fleuves navigables en raison de la constante augmentation de la population rurale. Ainsi, les paysans furent contraints de réduire la durée de la période de recrû des parcelles déjà exploitées dans les principales vallées alluviales et durent mettre en culture des parcelles de plus en plus éloignées, localisées sur les versants des montagnes et dans les vallées alluviales secondaires. La réduction progressive de la durée des recrûs eut pour conséquence une diminution des conditions de reproduction du système de culture de défriche-brûlis. En effet, elle entraîna non seulement la diminution de l'accumulation de la biomasse végétale (et donc la diminution de la reproduction de la fertilité des parcelles), mais également la réduction de l'efficacité de la période de recrû dans le contrôle des herbes adventices (aussi bien dans la diminution du stock de semences que dans le contrôle des herbes adventices vivaces). Il s'ensuivit donc une réduction des rendements des cultures et une augmentation du temps de travail, notamment pour les opérations de sarclage. Ces deux facteurs furent à l'origine d'une progressive diminution de la productivité du travail des activités agricoles. Pour compenser la réduction des rendements, les paysans durent augmenter peu à peu les surfaces cultivées, contribuant ainsi à accélérer davantage la rotation du système (figure 14). La durée de la période de recrû, qui était d'une vingtaine d'années au début du siècle, fut progressivement réduite à 6 ans environ à la fin des années 40, dans la plupart des parcelles agricoles localisées dans les principales vallées alluviales. Figure 1 4 - La crise du syst è me de cult ure de dé friche - brûlis s ur le lit t ora l Nord du Para ná a u dé but des anné es 3 0 Zone cult ivable désormais limit ée avec l'ach èvem ent de la colonisat ion de la "sou s-régio n d es vallé es alluv iales ét ro it es" + Expan sion de la cult ure de la ban ane et A ccro issem ent de la pop ulat ion rurale mise e n cult u re de s su rf aces cult iv ées p arcelles d e p lus en plus éloigné s rend emen t s agricoles durée du recru et t e mp s de sarclage f ert ilit é de s parcelle s cult ivées et h erbes ad vent ices • exode de la pop ulat ion rurale • mo dif icat ion s d ans les syst èm es de produ ct ion : - dév eloppement élev . bov in/ porc in - dév eloppem ent c ul t ure m ani oc et t r ansf orm at ion f ar ine - recul cul t ur e ri z pluv ial - nouv eau sy st ème de cul tur e banane • développ ement d 'aut res act ivit és é co nomiques : - cuei ll et t e du c oeur de palm ier - pêc he ar t isanale Cette réduction de la durée des recrûs permit à la paysannerie d'augmenter les surfaces maximales cultivables par actif tout en réduisant les surfaces totales en rotation. En effet, l'étude du calendrier des travaux agricoles des cultures annuelles avec le système de défriche-brûlis montre que la principale pointe de travail était la récolte. Par conséquent, la réduction des rendements et la réduction du temps de récolte par hectare qui en résultait permettait d'augmenter les surfaces maximales cultivables. En revanche, la réduction de la durée des recrûs et l'accélération de la rotation des parcelles entraînèrent une augmentation de la surface totale en rotation par actif proportionnellement moins importante que celle de la surface cultivable par actif. Ainsi, si nous prenons l'exemple de la culture du riz pluvial avec le système de défriche-brûlis, la réduction de la durée de la période de recrû de 20 ans à 6 ans signifiait une réduction des rendements d'environ 50% et de la productivité du travail d'environ 30% (tableau 5). Par ailleurs, la réduction de la durée des recrûs de 20 à 6 ans permettait presque de doubler la surface maximale cultivable par actif, tout en réduisant d'environ un tiers la surface totale en rotation. Tableau 5 - Les travaux agricoles, les rendements et la productivité du travail dans la culture du riz pluvial avec le système de culture de défriche-brûlis dans les bas-fonds, selon l'âge des recrûs (arbustifs et arborés) Recrû arbustif (+/- 6 ans) Recrû arboré (+/- 10 ans) Recrû arboré (+/- 20 ans) Défrichement/ nettoyage et semis (jW/ ha) Sarclage (jW/ ha) Récolte (jW/ ha) Rendement moyen (Kg/ ha) Surface maximale cultivable/ actif (ha) Surface totale en rotation/ actif (ha) Productivité du travail (Kg riz/ jW) 13,5 8 17,0 600 2,8 20 15,6 17,5 2 24,0 900 2,0 22 20,7 19,5 2 33,0 1200 1,5 32 22,0 Remarque : jW = journée de travail homme; Kg = kilogramme; ha = hectare Source : D'après des renseignements fournis par des anciens paysans du littoral nord du Paraná (Enquêtes de terrain 1989, 1991 et 1992). Les paysans transférèrent une partie de leurs activités agricoles sur des parcelles de plus en plus éloignées des principales vallées alluviales, notamment les cultures annuelles dont la production pouvait être plus facilement transportée à dos d'homme ou de mulet. Ils purent ainsi disposer de nouvelles parcelles avec des recrûs de plus de 10 ans d'âge, voire même avec une végétation primaire. En contrepartie, la mise en culture de parcelles de plus en plus éloignées des vallées alluviales signifia une augmentation du temps de transport et donc une baisse de la productivité du travail. Le transport de la production agricole constituait d'ailleurs la principale contrainte pour la majeure partie de la paysannerie, en raison de la précarité des moyens de transport dont elle disposait, de la grande dispersion des parcelles et du relief accidenté (petites vallées encastrées, ravins, versants avec forte déclivité, etc.). À titre d'exemple, nous avons estimé les capacités de transport d'un mulet et d'un homme à moins de 200 et 80 kg respectivement par jour. En ce qui concerne la culture de la banane, qui ne pouvait être transférée vers les moyens versants et les vallées secondaires en raison des difficultés de transport, la paysannerie fut contrainte de réduire la durée des recrûs. Toutefois, les conséquences de cette réduction dépendaient de la localisation des parcelles. Ainsi, les plantations situées sur les terrasses alluviales et sur les bas versants des montagnes furent les plus affectées dans la mesure où, comme nous l'avons vu précédemment, la reproduction de la fertilité y était essentiellement assurée par l'accumulation de biomasse végétale pendant la période de recrû et de façon secondaire seulement par de faibles apports colluviaux. En revanche, la reproduction de la fertilité dans les plantations localisées sur les plaines d'épandage de crues était principalement assurée par les apports alluvionnaux. D'une manière générale, cette progressive réduction de la durée des recrûs entraîna une chute de la qualité des bananes et en particulier une sensible diminution de la taille des régimes. Il s'ensuivit une augmentation des pertes, dans la mesure où d'après les normes fixées par les exportateurs de bananes, seuls les régimes bien formés et composés de plus de 9 mains pouvaient être exportés. A cela vint s'ajouter tout au long des années 20 le déclin des exportations de banane, qui s'expliquait par la concurrence de plus en plus vive de la production de la région littorale de São Paulo. Celle-ci bénéficiait en effet de conditions pédoclimatiques très semblables à celles du littoral nord du Paraná et jouissait par ailleurs de la proximité de l'énorme marché de consommation que représentait déjà cette ville (Papy - 1952, p. 388) et de la constante amélioration, depuis 1892, des conditions de transport (id, pp. 365-366). Contrairement au littoral paranéen, le littoral de São Paulo était alors desservi par des voies de communication routières, ferroviaires (notamment la ligne de chemin de fer Santos-Juquiá) et maritimes modernes destinées à l'origine à l'écoulement du café des régions productrices de l'intérieur vers le port de Santos mais utilisées en partie aussi pour le transport de la production de banane (Petrone - 1960, pp. 206 et 386-387). Dans ces conditions, les producteurs de banane du littoral de São Paulo purent ainsi accaparer progressivement, à partir de la veille de la première Guerre mondiale, le marché d'exportation de la banane (Papy - 1952, p. 389) (tableau 6). Tableau 6 - Les exportations de banane (en milliers de régimes) de l'État de São Paulo et de l'ensemble du Brésil entre 1910 et 1930 ANNÉE 1910 1912 1914 1916 1918 1920 1922 1924 1926 1928 1930 São Paulo (SP) 757 1219 1952 2252 1659 2304 2901 3818 3990 5025 6500 Brésil (B) 2542 2596 3260 2980 1869 2618 3227 3879 4075 5303 7087 SP / B X 100 29,8 47,0 59,9 75,6 88,8 88,0 89,9 98,4 97,9 94,8 91,7 Source : d'après Schmidt - 1934, p. 172. Au milieu des années 30, les exportations de bananes du littoral nord du Paraná vers les pays du Rio de La Plata cessèrent définitivement et le commerce se limita désormais aux marchés local et régional, certes moins exigeants en termes de qualité des régimes, mais restreints et par ailleurs déjà approvisionnés en partie par les régions centre et sud du littoral du Paraná. 2.2. Des changements dans le mode d'exploitation du milieu comme réponse à la crise Les stratégies adoptées jusqu'alors par la paysannerie se sont avérées à moyen terme des facteurs d'aggravation de la crise et les paysans ne pouvaient échapper à la dégradation des conditions de production, en particulier en ce qui concerne la reproduction de la fertilité dans le système de culture de défriche-brûlis. Une dégradation des conditions de production qui d'ailleurs, ne cessa de s'intensifier au fil des années. Soulignons par ailleurs que les difficultés de transport et donc de commercialisation de la production locale constituaient un facteur aggravant des impacts de cette crise. Pour faire face à cette situation, la paysannerie du littoral nord du Paraná fut contrainte de modifier son mode d'exploitation du milieu (figure 15) et notamment de développer de nouvelles activités comme la cueillette du cœur de palmier Euterpe edulis, de modifier ses systèmes de production en développant en particulier l'élevage bovin et porcin, la culture et la transformation du manioc, en abandonnant partiellement les cultures annuelles et en introduisant un nouveau système de culture de la banane. Les impacts de cette crise sur la paysannerie furent très divers en fonction de la localisation des exploitations, des moyens de production et des capitaux disponibles. D'une façon générale, cette conjoncture agraire contribua à renforcer encore davantage la différenciation sociale au sein de cette société paysanne, dans la mesure où les possibilités de transformation et d'adaptation des modes d'exploitation du milieu dépendaient avant tout des moyens de production et des capitaux accumulés au cours des périodes précédentes. La localisation des exploitations représenta un facteur prépondérant dans le choix des modes d'exploitation du milieu à adopter, car elle déterminait les conditions de transport et l'accès aux différentes unités de milieu naturel. - les paysans "moyens" adaptent leurs systèmes de production à la nouvelle conjoncture Pour les paysans "moyens", qui disposaient des moyens de production et des capitaux nécessaires (quelques têtes de bétail et des mulets, des parcelles sur les plaines d'épandage de crues, des possibilités de crédit auprès des commerçants, etc), la modification des systèmes de production fut possible. En particulier, ils purent développer certaines activités agricoles au calendrier de travail souple comme l'élevage bovin et porcin, et de nouvelles activités non agricoles dont l'exemple le plus caractéristique fut la cueillette du cœur de palmier. Le cœur de palmier est une partie du bourgeon du palmier Euterpe edulis, l'une des espèces arborées les plus répandues dans la forêt ombrophile dense brésilienne, dont elle occupe le strate intermédiaire (Inoue et al. - 1984, p. 165). Soulignons qu'en 1951, des industriels de São Paulo installèrent une conserverie dans la ville de Guaraqueçaba pour pouvoir exploiter les vastes peuplements naturels existants sur le littoral nord du Paraná et compenser ainsi la croissante pénurie en matière première sur le littoral de l'État de São Paulo due à l'épuisement des peuplements naturels (Guerra - 1957, p. 354). F i g u re 1 5 - M o d e d ' e x p lo it a t io n d u m i lie u s u r l e li t t o ra l N o r d d u P a ra n á a u m i lie u d u X X e s iè c le V IV III II I Ex plo it at io n de s p r o du it s d e la f o r ê t ( b o is , lia n es) , ch asse , c ue ille t t e d u cœ u r de pa lm ier Pêc he FL EU V E Ve r sa nt s m on t ag n es Bas- f o n d s T e r r asse s a lluv iales Pla ine d' ép a nd a ge d e cr u e s Plain e lit t or ale " r est in ga " Pa y s a n s " m o y e n s " (< d e 1 0 0 h a SA U/ e x p l .) : P e t i t s p a y s a n s ( m o in s d e 3 0 h a SA U/ e xp l. ) : - c ult u r e r iz p luv ial ( < 7 h a) - c ult u r e r iz p luv ial ( < 1 ,5 h a) - c ult u r e d u m a ïs ( < 6 h a) - c ult u r e m a ïs ( < 2 ha ) - c ult u r e m a nio c/ h ar ic o t ( < 1 ,5 h a) - c ult u r e m a nio c/ h ar ic o t ( < 0 ,5 h a) - b a na n e " na ine " ( 2 à 6 h a) - b a na n e " na ine " ( < 0 ,5 h a) - é le vag e po r c in e n p lein a ir - é le vag e po r c in e n a sso ciat io n av e c la ba n an e ( 2 à 6 t r u ies) ( n o u r r is r é sid us d e s c ult ur es) - é le vag e b ov in ( < 3 0 t êt es) - a t e lier f a r ine de m an io c m an u el - a t e lier f a r ine m an io c m an u el o u se m i- m o t o r isé - v e nt e d e la f o r c e d e t r ava il ( jo u r na lier s) ; ( < 1 t r uie ) ex t r a ct io n pr od u it s d e la f o r ê t ( lia ne s) e t - c o m m e r ce e t / o u int e r m ed ia t io n c œ ur d e p alm ie r B a ie s ar t isan at ( câ b les) et c ue illet t e pa lm ier SOU RCE : Es t i m a t i on s à p a r t i r d e s in fo r m a t i o n s fo urn i e s p a r d e s a n c i e n s p a y sa n s d u l it t o ra l no r d d u Par an á ( e n q u êt e s d e t e rr a i n 1 9 8 9 , 19 9 1 e t 1 9 9 2 ) . Le cœur de palmier, jusqu'alors cueilli en faible quantité pour être consommé en l'état ou mis en conserve artisanalement sur le littoral nord du Paraná, devint alors une matière première valorisée sur le marché, et la cueillette se développa rapidement dans l'ensemble de la région. En effet, cette cueillette n'était soumise à aucune réglementation et les peuplements étaient en libre accès dans la région montagneuse. Par ailleurs, une partie des paysans "moyens" complétèrent cette activité de cueillette par le commerce du cœur de palmier en jouant le rôle d'intermédiares dans la filière : ils achetaient la production des paysans des environs, à proximité des lieux de cueillette, pour la transporter jusqu'aux conserveries. Le transport était alors assuré à dos de mulets et en pirogues, et dans certains cas, les conserveries finançaient des barques à moteur pour faciliter le transport de la production sur les principaux fleuves. Le développement de la culture du manioc et de sa transformation en farine a été possible pour plusieurs raisons. Tout d'abord, ces paysans disposaient déjà, comme nous l'avons vu auparavant, d'ateliers manuels ou hydrauliques. Par ailleurs, la farine de manioc représentait une denrée alimentaire à forte valeur ajoutée, de longue conservation, et, et c'est là l'essentiel, plus facilement transportable que le produit brut. Enfin, la culture du manioc était moins affectée par la diminution de la période de recrû : le manioc jouit d'un système racinaire profond et efficace dans le pompage des éléments minéraux et l'écartement entre plants facilitait le sarclage à la houe. C'est d'ailleurs dans le but d'améliorer la productivité du travail dans cette culture que de nouvelles variétés de manioc "doux" furent introduites26. Moins sensibles à l'humidité des sols, celles-ci n'exigeaient pas la confection de grandes buttes sur les parcelles localisées sur les terrasses alluviales et sur les plaines littorales, et leur cycle végétatif plus court garantissait la récolte dès le 18e mois après la plantation. D'après les enquêtes réalisées chez ces paysans, les surfaces cultivées en manioc étaient inférieures à 1,5 hectare par exploitation. En revanche, les paysans "moyens" réduisirent considérablement leurs surfaces cultivées avec les cultures annuelles. Ils déplacèrent la presque totalité des cultures de riz, de maïs et de haricot vers les vallées alluviales secondaires et vers les versants des montagnes de plus en plus éloignés des fonds de vallée. Ils prirent pour cela possession de parcelles qui, pour la plupart, n'avaient encore jamais été cultivées et étaient donc considérées comme des terrains indivis ou "vacants et sans 26 Les principales variétés de manioc "doux" étaient le "manteiga", le "amarelo", le "santista" et le "preto". maître". Pour pouvoir séjourner pendant toute la saison agricole sur ces parcelles éloignées des principales vallées alluviales, les paysans durent y installer des campements (ces possessions étaient appelées "capuavas"). Dans ces conditions, le transport de la production requérait l'utilisation de mulets et de chevaux. Nous avons estimé les surfaces cultivées en riz pluvial et en maïs à moins de 7 et 6 hectares respectivement. En ce qui concerne la banane, ces paysans mirent en place un nouveau système de culture sur les plaines d'épandage de crues. Avec une meilleure utilisation des ressources édaphiques, ce système permettait la suppression de la période d'abandon au recrû. En utilisant les apports alluviaux des crues comme seul mécanisme de reproduction de la fertilité, il autorisait un doublement de la surface des bananeraies en exploitation. Ce nouveau système de culture reposait sur un nouveau cultivar du groupe cavendish : le bananier "nain". D'une hauteur inférieure à 3 mètres, le bananier "nain" produisait des régimes plus réguliers et d'une taille supérieure à ceux l'ancien cultivar "maça". Il était également plus résistant à la "maladie du Panamá". Par ailleurs, ce nouveau système de culture était caractérisé par une nouvelle conduite des plantations, avec un écartement plus large (d'environ 3 à 4 mètres), ainsi que par des débroussaillages et œilletonnages périodiques. Les bananiers étaient replantés au fur et à mesure du vieillissement des souches. Néanmoins, les difficultés de commercialisation de la production limitaient les surfaces en bananeraies à moins de 6 hectares par exploitation. Les paysans "moyens" développèrent également l'élevage porcin en plein air. Jusqu'alors destiné presque exclusivement à l'autoconsommation, l'élevage porcin devint ainsi pour eux une importante activité de rente. Ils construisaient alors des enclos ceints de haies autour des anciennes bananeraies localisées sur les versants, ou autour des bananeraies "naines" sur les plaines d'épandage de crues. L'élevage porcin permettait ainsi la valorisation de la production des bananeraies qu'on ne parvenait plus à vendre en raison des difficultés rencontrées dans la commercialisation. Les animaux étaient parqués et nourris essentiellement avec les régimes de banane, et dans une moindre mesure avec du maïs, notamment dans le cas d'animaux destinés à l'engraissement. Le transport de la production, beaucoup moins pénible car les animaux pouvaient être conduits par voie terrestre chez les commerçants locaux ou jusqu'aux points d'embarquement proches des estuaires, représentait un autre avantage de l'élevage porcin. Le cheptel par exploitation pouvait atteindre quelques dizaines de têtes et comptait de 2 à 6 truies. L'élevage bovin était déjà présent dans la région mais il était encore peu développé et se limitait à quelques paysans "moyens" et commerçants locaux. A partir des années 30, les paysans s'y consacrèrent davantage, aux dépens de la culture du riz pluvial avec l'implantation de pâturages sur les terrasses alluviales mais surtout sur les bas-fonds. La technique utilisée alors était simple : après la culture du riz pluvial, des nettoyages périodiques à la serpe empêchaient le développement d'espèces arbustives et permettaient l'entretien d'un tapis herbacé. Et à l'instar des porcins, les animaux pouvaient être conduits par voie terrestre. Le nombre de bovins dont ces paysans disposaient a été estimé de quelques têtes seulement à une trentaine par exploitation. En ce qui concerne l'outillage manuel, il importe de souligner l'introduction dans la région du semoir manuel en fer. Moins maniable que le bâton fouisseur, le semoir manuel pouvait néanmoins être utilisé grâce à la réduction de la durée des recrûs. L'utilisation de parcelles avec des recrûs arbustifs réduisait considérablement l'encombrement par les troncs et les souches d'arbres, et permettait ainsi l'utilisation des semoirs manuels. Mais malgré une sensible amélioration de la productivité du travail, qui s'explique par la réduction de moitié environ de la durée du semis des cultures annuelles (maïs, haricot, riz), cet outil resta peu répandu dans la région. Plusieurs facteurs y contribuèrent. En premier lieu, le semis n'était pas considéré comme une importante pointe de travail dans le système de culture de défrichebrûlis. En outre, le semoir manuel, contrairement au bâton fouisseur, ne pouvait être fabriqué sur place et les paysans étaient contraints de l'acheter. Enfin, son utilisation se limitait aux sols bien drainés, car le mécanisme de distribution des semences, peu au point, s'enrayait fréquemment. Le choix et l'importance des modifications apportées aux systèmes de production mis en œuvre par les paysans "moyens" étaient, nous l'avons dit, étroitement dépendants de la localisation des exploitations. Ainsi, dans la sous-région des vallées alluviales étroites, les paysans "moyens" optèrent pour l'élevage bovin (notamment sur les parcelles localisées sur les bas-fonds et sur les terrasses alluviales) et pour l'élevage porcin en plein air (nourris avec la production résiduelle des anciennes bananeraies et celle des nouvelles bananeraies "naines") : ces exploitations paysannes étaient implantées dans les régions les plus enclavées, proches de la sous-région montagneuse où les plaines d'épandage sont bien représentées. Les cultures annuelles se limitaient le plus souvent à l'autoconsommation et les surfaces concernées étaient situées plus à l'intérieur de la sous-région montagneuse. Parmi ces paysans, quelques-uns s'engagèrent comme intermédiaires et comme transporteurs du cœur de palmier. À la fin des années cinquante et dans la localité du Batuva par exemple, localisée en amont du fleuve Guaraqueçaba, 3 ou 4 paysans "moyens", qui disposaient de dix à trente mulets et de quelques pirogues, assuraient le transport du cœur de palmier vers les conserveries. Dans la sous-région de vallées alluviales larges, les paysans "moyens" mirent en place des systèmes de production fondés sur la culture du manioc et sur sa transformation en farine, sur l'élevage bovin en plein air et sur la culture de la banane (avec le nouveau système de culture). Le développement de ces activités fut possible grâce à leurs importantes surfaces agricoles situées sur les plaines d'épandage de crues et sur les terrasses alluviales et à la bonne localisation des exploitations en termes de transport fluvial. Enfin, dans les sous-régions des bas-fonds et des plaines littorales, les paysans "moyens" mirent en œuvre des systèmes de production fondés sur l'élevage bovin en plein air et dans une moindre mesure sur la culture du riz pluvial. En effet, et en dépit des facilités de transport fluvial, les exploitations comprenaient en grande partie des parcelles soumises à d'importantes limitations d'usage liées au mauvais drainage. Parmi ces paysans, certains réussirent à acquérir, avec l'aide des conserveries de cœur de palmier, des bateaux à moteur destinés au développement des activités de transport de produits locaux comme la banane, le bois, le bétail, mais surtout le cœur de palmier. - la petite paysannerie en voie de paupérisation Pour les petits paysans, cette période se caractérisa par une exclusion socioéconomique et une paupérisation croissantes : ne disposant ni des moyens de production, ni des capitaux suffisants, il ne pouvaient faire face à la nouvelle conjoncture agraire régionale en modifiant leurs systèmes de production. Trop démunis, ils ne pouvaient développer l'élevage bovin et porcin, et leurs surfaces agricoles insuffisantes sur les plaines d'épandage de crues limitaient considérablement les possibilités de développement de la culture de la banane avec le nouveau système de culture. Nous avons estimé la surface consacrée à la culture de la banane dans chacune de ces exploitations à moins de 0,5 hectare. Le déplacement des cultures annuelles vers les parcelles les plus éloignées des principales vallées alluviales était difficilement réalisable, voire impossible, dans la mesure où la plupart de ces petits paysans, qui ne possédaient que rarement des mulets, ne pouvaient compter que sur leur propre force pour transporter la production. Ils étaient alors contraints de continuer à mettre en œuvre des systèmes de culture fondés sur le système de défriche-brûlis avec l'utilisation de recrûs arbustifs voire même herbacés (de moins de 6 ans d'âge). Ces systèmes de culture, nous l'avons vu précédemment, dégageaient une faible productivité du travail dans la plupart des activités agricoles. Nous avons pu estimer que les surfaces cultivées avec du riz pluvial et du maïs étaient inférieures à 1,5 et 2 hectares respectivement. Les cultures du manioc et du haricot noir occupaient quant à elles moins de 0,5 hectare. A cela venait s'ajouter une réduction significative des opportunités de travail auprès des paysans "moyens" et des commerçants locaux qui privait ainsi cette petite paysannerie d'une importante source de revenus. Cette réduction s'expliquait par la baisse du transport fluvial et par les modifications adoptées par les paysans "moyens" dans leurs systèmes de production. La paupérisation d'une partie des petits paysans était telle qu'ils ne pouvaient sans aide extérieure réaliser la cueillette du cœur de palmier qui pourtant, n'exigeait aucun moyen de production ou investissement en équipement particuliers. En effet, leurs disponibilités en capitaux et en denrées alimentaires étaient si faibles que pour pouvoir s'engager dans cette activité, ils n'avaient d'autre alternative que de s'endetter et de demander des avances en nourriture et financières (pour acquérir des marchandises, des médicaments, etc.) aux paysans "moyens" et aux commerçants locaux. D'ailleurs, si cette situation accentuait leur dépendance vis-àvis des paysans "moyens" et des commerçants, elle permettait à terme à ceux-ci de les déposséder de la plus value dégagée par la cueillette du palmier. Ainsi, les petits paysans étaient pris dans un cercle vicieux. En se consacrant davantage à la cueillette du cœur de palmier, ils étaient contraints de diminuer leur temps consacré aux activités agricoles. Une situation que se traduisait bien évidemment par une intensification de leur dépendance vis-à-vis des commerçants et paysans "moyens" et par une perte progressive de leur autonomie alimentaire. Si la cueillette du palmier pouvait se faire à tout moment de l'année, elle signifiait des séjours dans la sous-région montagneuse de plusieurs jours, et à la fin des années 50, ils consacraient déjà plus du tiers de leur temps de travail à la cueillette du palmier. - crise paysanne et exode rural Les modifications apportées aux systèmes de production et le développement de nouvelles activités ne permirent pas pour autant le maintien d'une paysannerie aussi nombreuse sur le littoral nord du Paraná. A partir des années 30, un mouvement d'exode rural se déclencha des régions agricoles vers les localités situées en bordure des estuaires et vers les centres portuaires du littoral. Ce mouvement concerna pour l'essentiel des petits paysans et des paysans "agregados", dont la survie était de plus en plus précaire dans leur région d'origine. Une partie d'entre eux se fixèrent dans les villages riverains des baies et des estuaires et se convertirent dans la pêche artisanale. L'attrait exercé par cette activité s'expliquait par l'amélioration des moyens de conservation par le froid sur littoral nord du Paraná. En effet, à partir des années 30, des bateaux équipés de tels moyens de conservation et appartenant à des commerçants du littoral de São Paulo parcouraient les baies et les estuaires pour acheter la production aux pêcheurs locaux (Archives de la Mairie de Guaraqueçaba, 20/07/30). Ce nouveau débouché pour les produits de la pêche et la richesse en ressources halieutiques des écosystèmes estuariens locaux donnèrent un nouvel élan à cette activité maritime. L'ampleur de ce mouvement migratoire est illustrée par l'évolution démographique du quartier de pêcheurs du Costão de la ville de Guaraqueçaba. A partir d'enquêtes réalisées auprès des anciens habitants de ce quartier, nous avons pu estimer que le nombre de foyers a plus que triplé entre 1930 et 1950, en raison notamment de l'installation d'anciens paysans. D'autres migrèrent vers les principales villes portuaires du littoral sud du Paraná, à savoir Antonina et Paranaguá, alors en plein essor économique grâce au développement des activités portuaires et commerciales. À partir des années 20 en effet, l'expansion du processus de colonisation des plateaux de l'intérieur du Paraná (notamment la région nord) et le développement de la culture du café suscitèrent une augmentation considérable du trafic ferroviaire vers les ports du littoral sud et centre du Paraná. Antonina et de Paranaguá, les villes les plus dynamiques du littoral, confirmèrent leur rôle de centres d'attraction régionaux et bénéficièrent d'importants investissements publics (améliorations des ports, des voies de communication terrestres, services publics, etc.) et du développement d'activités industrielles et commerciales. Dès le milieu des années 30, le gouvernement paranéen entreprit d'importants travaux d'agrandissement et de modernisation du port de Paranaguá (Morgenstern - 1985, p. 63), et la ville d'Antonina, moins importante en ce qui concerne le développement des activités portuaires, devint elle aussi un pôle d'attraction économique régional (Magalhães 1964, pp. 69-73). La comparaison de l'évolution démographique des régions nord, d'une part, et centre et sud du littoral paranéen, d'autre part, confirme cette tendance (tableau 7). Alors que le nord représentait environ 18% de la population de l'ensemble de la région littorale en 1854, sa part n'atteignait plus que 13% en 1950. Tableau 7 - Évolution démographique des littoraux nord, centre et sud en pourcentage de la population totale entre 1854 et 1950 1854 Littoral nord (Guaraqueçaba) Littoral centre (Morretes, Antonina, Porto de Cima) Littoral sud (Paranaguá, Guaratuba) TOTAUX 3.476 (18%) 7.869 (40%) 8.097 (42%) 19.442 1890 5.417 (16%) 13.717 (41%) 14.437 (43%) 33.571 1920 8.556 (16%) 19.972 (39%) 23.052 (45%) 51.580 1950 7.180 (13%) 21.183 (37%) 28.352 (50%) 56.715 Sources : "Relatório do Presidente da Província do Paraná" du 15/06/1854 et Recensements démographiques cités par Padis - 1981, pp. 26 et 30; Recensements nationaux de 1920 et 1950. Néanmoins, les différentes sous-régions du littoral nord ne furent pas touchées avec la même intensité par ce mouvement d'exode. Celui-ci fut plus sensible et plus rapide dans les sous-régions des bas-fonds et des plaines littorales que dans les sous-régions des vallées alluviales étroites, en raison de l'importance du travail salarié (notamment pour le transport de la banane en pirogue) par rapport aux activités destinées à l'autoconsommation. L'arrêt des exportations de banane à la fin des années 20 porta un coup d'arrêt à ces activités et le développement de l'élevage bovin qui leur succéda n'offrait quant à lui que de trop rares opportunités de travail pour la petite paysannerie. En revanche, dans la sous-région des vallées alluviales étroites plus proches des ressources en palmier ce mouvement d'exode rural fut moins brusque. Là, les nouvelles activités développées par les paysans, et notamment la cueillette du cœur de palmier, leur permirent de retarder leur départ, et cela bien qu'ils fussent privés de la plus value dégagée dans cette activité et confrontés à des difficultés pour assurer leur subsistance. 2.3. Les interventions des pouvoirs publics dans la région à partir de 1965 accentuent la crise paysanne En 1964, un coup d'État porta les militaires brésiliens au pouvoir. Les gouvernements qui se succédèrent étaient profondément influencés par une idéologie à la fois modernisatrice et conservatrice (Martine - 1987, p. 19) et à partir de 1964, une vigoureuse politique de stabilisation économique fut instaurée27. Le modèle de développement préconisé était en grande partie fondé sur l'expansion des investissements publics en infrastructures de base (routes, chemins de fer, ports, usines hydroélectriques) et sur le développement de l'industrie lourde (sidérurgie, pétrochimie, etc.). Par ailleurs, l'action de l'État fut très intense et interventionniste dans le secteur agricole dès 1964 (Favero - 1983, p. 93), avec notamment un recours croissant à des politiques d'incitation fiscale (Baer - 1977, p. 10). Pour répondre aux nouvelles exigences du capitalisme industriel brésilien, les gouvernements militaires successifs mirent en place une politique de modernisation technique et de réorganisation du secteur agricole (Favero - 1983, p. 126). Il s'agissait avant tout de tuer dans l'œuf tout mouvement de revendication sociale en faveur d'une véritable politique de réforme agraire (Linhares et Teixeira da Silva 1981, p. 41). Outre des intérêts géo-politiques, à travers la colonisation de l'Amazonie par exemple, cette politique visait le développement du secteur agricole considéré comme producteur de matières-premières et d'aliments bon marché, mais également comme débouché important pour le secteur industriel (machines agricoles, intrants, etc.) (Martine - 1987, p. 20). - l'arrivée des néolatifundiaires sur le littoral nord du Paraná A partir du milieu des années 60, les pouvoirs publics lancèrent un ensemble de programmes fédéraux de développement des activités agro-industrielles et forestières. Conçus dans le but spécifique d'inciter le développement agro-industriel des régions Nordeste et Nord du Brésil (notamment de l'Amazonie), certains de ces programmes furent appliqués sur l'ensemble du territoire national et avaient pour 27 Celle-ci était principalement fondée sur la restructuration des marchés de capitaux, sur une croissante indexation de l'économie à l'inflation (à travers la "correction monétaire"), sur une importante réduction des déficits publics, sur une limitation du crédit et des salaires ainsi que sur l'accroissement des recettes fiscales (par une augmentation des impôts et par une amélioration de leur recouvrement) (Baer - 1977, pp. 8-9). objectif d'exhorter la bourgeoisie industrielle et financière, mais aussi les groupes économiques et commerciaux, à investir dans le secteur agricole. En particulier, d'importants avantages fiscaux furent concédés à tout individu ou groupe économique qui s'engageait à développer des activités forestières. Il s'agissait notamment de financer de grands projets de reboisement fondés sur des essences forestières exotiques ou locales. Dans son étude sur l'intervention financière de l'État brésilien dans le secteur agricole, Faveiro souligne que pour la seule période 19701973, près de 500 millions de francs furent ainsi engagés par l'État dans de tels programmes (Favero - 1983, p. 135). Les principaux dispositifs légaux concernant développement des activités forestières furent : ce programme de - la Loi fédérale n°5.106 du 02/09/1966 - qui accordait d'importantes déductions fiscales à toute personne physique ou morale ayant investi des capitaux dans la mise en place de projets de reboisement avec des essences forestières. - les Décrets fédéraux n°1.134 du 16/11/1970, n°1.307 du 16/01/74 et n°1.376 du 12/12/74 - qui élargirent le champ d'application de la Loi n°5.106, notamment avec la mise en place d'un "Fonds d'Investissements Sectoriels" (FISET) qui permettait à des personnes juridiques d'acquérir de droits d'exploitation (les "cotas de investimento") dans des projets de reboisement implantés par des entreprises spécialisées. Ces droits d'exploitation des reboisements donnaient droit aux déduction fiscales. Le programme de développement des activités forestières a concerné environ 843.800 hectares sur l'ensemble du territoire paranéen (source DE/P.R. - IBDF). Les principales essences forestières utilisées dans les projets de reboisement ont été les espèces de pinus, d'eucalyptus, de conifère Araucaria angustifolia et de palmier Euterpe edulis. Sur le littoral nord du Paraná, les premiers projets furent implantés dès 1969 (source DE/P.R. - IBDF), avec des reboisements en essences forestières exotiques (pinus, eucalyptus, noyers) ou locales (palmier Euterpe edulis, "guapuruvú" Schizolobium parahyba). Néanmoins, la presque totalité des projets étaient fondés sur le palmier Euterpe edulis, comme ce fut le cas pour la commune de Guaraqueçaba, où entre 1969 et 1977, 69.800 des 70.000 hectares de reboisements autorisés dans le cadre de l'application de ce programme concernèrent cette espèce (tableau 8). Ceci explique l'importance des capitaux publics engagés dans ce programme sur le littoral nord du Paraná (entre 70 et 100 millions de francs pour les sept années du programme)28. Tableau 8 - Surfaces concernées par le programme de développement des activités forestières (Loi n°5.106 et Décret n°1.134) avec le palmier Euterpe edulis dans la commune de Guaraqueçaba (en hectares) Loi n°5.106 1970 1971 1972 1973 1974 1975 1976 1977 TOTAL 496,6 0 429,7 13.806,6 9.242,0 22.162,8 9.421,5 0 55.559,2 Décret n°1.134 0 1.000,0 1.000,0 0 1.738,5 3.079,0 4.393,0 1.936,0 13.146,5 TOTAL 496,6 1.000,0 1.429,7 13.806,6 10.980,5 25.241,8 13.814,5 1.936,0 68.705,7 Source : Inventário nacional das florestas plantadas nos Estados do Paraná e Santa Catarina - IBDF - 1982 (Annexe II - pp. 33-34 et Annexe I - pp. 42-45). Le choix en faveur du palmier "Euterpe edulis se justifiait à l'époque par des raisons d'ordre économique et agronomique. En effet, les reboisements en palmier étaient exploitables bien avant les autres essences forestières (la première cueillette pouvait intervenir dès la 8ème année), et le cœur de palmier (le "palmito") était un produit de grande valeur marchande en raison de la demande croissante sur le marché brésilien comme sur le marché international (figures 16, 17, et 18). En outre, Euterpe edulis était une essence très répandue dans la forêt ombrophile dense, mais également dans les formations végétales secondaires présentes dans la région en raison de l'ombrage indispensable au développement végétatif de cette espèce qu'elles garantissaient. D'après les recensements des bénéficiaires de ce programme publiées dans l'Inventaire national des forêts plantées dans les États du Paraná et de Santa Catarina (Inventário nacional das florestas plantadas nos Estados do Paraná e Santa Catarina, IBDF, 1982), la presque totalité des projets de reboisements en palmier mis en place sur le littoral nord du Paraná ont été réalisés par des entreprises spécialisées dans des activités de reboisement29 ou par des groupes industriels et commerciaux brésiliens étrangers au secteur agricole. Ces groupes industriels et commerciaux se chargeaient eux-mêmes de constituer des exploitations dans la région. Ils sous-traitaient le plus souvent les 28 D'après des calculs personnels. 29 D'après de nombreux témoignages, la plupart des entreprises spécialisées dans ces activités de reboisement ont été spécialement créées lors de la mise en place du programme de développement des activités forestières (Enquêtes de terrain, 1989-1992). opérations de reboisement à des petits entrepreneurs locaux et étaient directement remboursés des investissements engagés par le biais de déductions fiscales. Les entreprises spécialisées constituaient elles aussi des exploitations ou établissaient des contrats de fermage avec des propriétaires fonciers locaux. Puis elles commercialisaient les droits d'exploitation des reboisements ou vendaient les exploitations reboisées en palmiers à des groupes industriels et commerciaux. Ceuxci pouvaient alors, attestations et reçus à l'appui, bénéficier des déductions fiscales. t onne s F ig u r e 1 8 - Évo l ut io n d e la p r o d u ct i o n b r é sil ie n ne d e s co n se r ve s d e c o eu r d e p al mi e r, 1 9 4 9 à 1 9 8 4 250000 200000 150000 100000 50000 0 1949 1959 1970 1973 1974 1975 1976 1977 1978 1979 1980 1981 1982 1983 1984 a nné e s SOURCE : IBGE/ Pe sq uisa , in Palm it o , A n ais d o 1 ° Enc on t ro Nac ion a l d e Pes qu isad o re s, 1 9 8 7 , EMB RA PA , PP. 1 3 5 . US$/tonne Fi gure 1 6 - Év olut i on de s pr ix d' e xpor t at ion br é sil ie ns du c oeur de pa lmie r e n c onse rv e ( en dolla r s pa r t onne ) ent r e 1 9 6 0 et 1 9 7 3 7 00 6 00 5 00 4 00 3 00 2 00 1 00 0 1960 1961 1962 1963 1964 1965 1966 1967 1968 1969 1970 1971 1972 1973 années SOURCE : ROSSETTI et alli, pp. 132. tonnes Fi gure 1 7 - Év olut i on de s v olume s e xpor t és par le Br é sil de c oe ur de pal mie r e n co nse r v e ( e n t onne s) e nt r e 1 9 6 0 e t 1 9 8 8 80 00 70 00 60 00 50 00 40 00 30 00 20 00 10 00 0 1960 1961 1962 1963 1964 1965 1966 1967 1968 1969 1970 1971 1972 1986 1988 années SOURCE : ROSSETTI et alli, pp. 132. Plusieurs raisons expliquent l'intérêt porté à la mise en place de ce type de projets sur le littoral nord du Paraná et tout d'abord le prix de la terre très inférieur à celui pratiqué dans la région Sud du Brésil. D'après les témoignages de certains propriétaires de néolatifundias, ce prix était à l'époque deux à trois fois moins élevé que dans d'autres régions de l'État du Paraná (enquêtes de terrain, 1989-1992). En outre, de vastes étendues de terres, notamment dans la sous-région montagneuse, étaient encore considérées comme "vacantes et sans maître". Il s'agissait là d'atouts considérables car les entreprises de reboisement comme les groupes industriels et commerciaux désirant participer au programme de développement des activités forestières avaient besoin de vastes étendues de terre. Et en s'appropriant des terres couvertes d'une végétation arborée, ils disposaient des peuplements naturels en palmier qui s'y trouvaient et pouvaient éviter de la sorte des investissements en infrastructure et en production (semis, nettoyage des parcelles, construction de chemins, etc.), tout en bénéficiant de la totalité des déductions fiscales. Pour pouvoir constituer aussi rapidement ces nouvelles exploitations, les entreprises spécialisées et les groupes industriels et financiers utilisèrent deux mécanismes distincts. Le principal a sans doute consisté en l'appropriation de grandes surfaces forestières localisées dans la sous-région montagneuse et encore considérées comme "vacantes et sans maître". Ils mirent en place certaines infrastructures (des maisons, des chemins, des clôtures) et embauchèrent des paysans locaux pour assurer une permanence au siège des domaines. Ils acquirent en outre des exploitations paysannes et d'anciens latifundias abandonnés pour la plupart par leurs propriétaires qui disposaient de titres de propriété légaux. Ces latifundias étaient à l'origine d'anciens lots du projet de colonisation des années 20 ou encore des latifundias30 implantés dans la région depuis les années 50. Les plus souvent, ce n'étaient pas tant les surfaces forestières de ces exploitants qui les intéressaient, mais bien plutôt l'acquisition de titres fonciers qui leur permettaient ensuite, à travers des subterfuges juridiques, de régulariser leurs possessions foncières sur des "terres vacantes et sans maître". 30 Ces latifundias étaient constitués par des spéculateurs fonciers (les "grileiros de terra") arrivés dans la région à partir des années 50 et attirés par l'exode de la paysannerie locale et par l'existence de vastes étendues de terres non régularisées juridiquement. Ils réussirent à former quelques latifundias (dont certains d'une superficie de plusieurs milliers d'hectares) notamment dans les vallées des fleuves Abobreira et Trancado ainsi que dans une partie de la sous-région montagneuse localisée autour de la vallée du fleuve Guaraqueçaba (Enquêtes de terrain, 1989-1992). Mais la plupart des projets de reboisements prévus dans le cadre du programme de développement des activités forestières sur le littoral nord du Paraná étaient voués à l'échec. Tout d'abord, soulignons que la grande majorité des projets de reboisements réalisés dans la région avaient pour principal objectif de permettre aux entreprises de reboisement et aux groupes industriels et financiers de bénéficier de déductions fiscales à moindre frais, sans même parfois avoir à se plier aux exigences prévues. Ainsi, la plupart des reboisements en palmier à la charge des entreprises de reboisement ne furent jamais réalisés. Le stratagème employé était simple. En possession de quelques récepissés et titres fonciers achetés le plus souvent à des paysans locaux, ces entreprises et groupes industriels et financiers entreprenaient la régularisation foncière de vastes étendues de terres. Les titres une fois acquis, ils reboisaient en palmier une petite partie seulement de ces terres en prévision d'éventuels contrôles, et après des démarches bureaucratiques auprès de l'Institut Brésilien du Développement Forestiers (IBDF) et de la Banque du Brésil, ils pouvaient légalement commercialiser des droits d'exploitation des reboisements en palmier donnant lieu à des déductions fiscales. Aussitôt les droits d'exploitation vendus, les terres concernées étaient abandonnées et restaient exploitées par des paysans locaux. Outre les entreprises de reboisement, certains fonctionnaires de l'IBDF chargés du contrôle de ce programme furent mêlés au "scandale du palmier", pour reprendre les termes employés par les médias brésiliens. Outre le détournement de fonds publics, cette affaire porta préjudice à de nombreux groupes industriels et commerciaux impliqués dans ce programme de développement des activités forestières : possesseurs d'exploitations ou de droits d'exploitation de reboisements de palmier, ceux-ci ne purent jamais tirer les bénéfices de reboisements jamais réalisés (à ce propos, voir les articles publiés dans les quotidiens "O Estado de São Paulo" et "Jornal da Tarde" du 15/12/1983 au 30/12/1983). Quant aux projets de reboisement en palmier réellement mis en œuvre, leurs résultats s'avérèrent médiocres. En effet, les connaissances agronomiques sur les techniques de reboisement en palmier Euterpe edulis sous couvert arboré étaient très limitées à l'époque. La plupart des techniques utilisées étaient davantage fondées sur des expériences empiriques que sur des travaux scientifiques. Les reboisements en palmier étaient précédés d'un éclaircissement manuel de la strate arbustive et du défrichement de la végétation herbacée sur les lignées parallèles. Ces lignées étaient écartées de deux mètres pour le semis en poquets et un écartement entre les poquets d'un à deux mètres, et dix mètres pour le semis à la volée. La densité d'implantation en palmier recherchée était d'environ 5.000 plants par hectare, avec une vingtaine de kilos de semences par hectare. L'implantation des reboisements exigeait une importante mobilisation de main d'œuvre car plus de 50 journées de travail homme par hectare étaient nécessaires (Enquêtes de terrain, 1989-1992). L'état actuel des connaissances sur le palmier Euterpe edulis laisse présager que ces opérations de reboisement, lorsqu'elles ont été effectivement réalisées, n'ont donné que de faibles résultats, voir même des résultats insignifiants, sur l'accroissement de la production en palmier sous couvert arboré, en raison des techniques employées à l'époque. Les enquêtes réalisées auprès de quelques néolatifundias ont permis d'estimer que les rendements nets en cœur de palmier dégagés par des reboisements implantés selon ces techniques variaient entre 4,5 et 9 kg par hectare et par an. En effet, le taux de germination des semences utilisées dans les reboisements était très bas, voire nul dans certains cas, en raison de la mauvaise qualité des semences. En outre, le taux de survie des plantes a été largement sous-estimé. Les entretiens avec des paysans investis dans la cueillette du cœur de palmier sur les néolatifundias concernés par les opérations de reboisement en palmier, confirment indirectement ces affirmations : selon eux, le cœur de palmier récolté dans ces exploitations proviendrait en grande partie de palmiers issus de la régénération naturelle (Enquêtes de terrain, 1989-1992). Une analyse économique des projets de reboisement en palmier réalisée en 1988 montre la non-rentabilité de ces projets, avec un taux de rémunération du capital investi était 2,8% (Campos - 1988, p. 76). C'est sans aucun doute cela qui explique que la fin des déductions fiscales ait coïncidé avec la fin des projets de reboisement en palmier. Le dernier projet dans le cadre du programme de développement des activités forestières sur le littoral paranéen a été implanté en 1977 (source DE/Pr. - IBDF). Par ailleurs, le faible intérêt porté par la plupart des groupes économiques concernés par ces projets à leurs reboisements explique pourquoi jusqu'à la fin des années 70, aussi peu de conflits fonciers ou d'exploitation des ressources forestières aient éclaté entre les néolatifundias et la paysannerie locale31. Soulignons que les surfaces concernées par les projets de reboisements en palmier correspondaient à 31 Les enquêtes historiques concernant les années 70 ont mis en évidence peu de conflits fondés sur des problèmes fonciers. Le plus important concernait une vingtaine de petits paysans de la partie aval de la vallée alluviale du fleuve Guaraqueçaba qui contestaient l'appropriation d'environ 1.000 hectares de fond de vallée par le propriétaire d'un néolatifundia (Enquête de terrain, 1989-1992). environ 30% de la surface de la région nord du Paraná. Nous verrons ultérieurement que cette situation se modifia considérablement au début des années 80. A partir de 1969, et malgré l'échec du programme de développement des activités forestières, les pouvoirs publics brésiliens, à travers l'Institut Brésilien des Forêts (IBDF), procédèrent à la réglementation des activités de cueillette et de transformation du cœur de palmier en mettant progressivement en place une législation spécifique (Carneiro - 1971, pp. 77-78). Celle-ci instaura une série de dispositifs contraignant les conserveries de cœur de palmier à entreprendre des projets de reboisement (la "reposição florestal") pour compenser l'exploitation des peuplements naturels en palmier. Dans le cadre de cette législation, 500 hectares environ furent reboisés en palmier Euterpe edulis par des conserveries sur le littoral nord du Paraná entre 1970 et 1981 (Inventário nacional das florestas plantadas nos Estados do Paraná e Santa Catarina - IBDF - Annexe III, 1982, p. 50). Cette législation soumettait également les producteurs de cœur de palmier à des autorisations de cueillette et de commercialisation de la production, et les obligeait à se faire enregister auprès de l'IBDF. Les producteurs étaient alors classés en 2 groupes, selon qu'ils exploitaient les reboisements issus du programme de développement forestier ou les peuplements naturels à travers un plan de gestion forestière (le "manejo florestal sustentado"). Certains propriétaires de néolatifundias entreprirent progressivement la diversification de leurs activités économiques en y développant l'exploitation du bois, la culture du café mais surtout l'élevage du bétail en plein air. Les plantations de caféiers trouvent leur origine dans la mise en place d'une série de programmes d'incitation au développement de la culture du café lancés par l'Institut Brésilien du Café (IBC) tout au long des années 70 (IPARDES - 1978, pp. 449-451; ACARPA - 1982, p. 35) et qui accordaient des crédits subventionnés. D'après les enquêtes réalisées, ce programme a permis l'implantation sur le littoral nord du Paraná d'environ 300 hectares de caféiers distribués sur une dizaine d'exploitations appartenant à de néolatifundiaires (Enquête de terrain, 1989-1992). Néanmoins, les résultats des premières récoltes se révélèrent décevants : outre une maturité non uniforme des grains qui compliquait énormément la récolte, les conditions climatiques de la région ne permettaient pas la production d'un café de bonne qualité. En conséquence, le développement de nouvelles plantations fut stoppé et les plantations existantes ne furent exploitées que quelques années avant d'être définitivement abandonnées. Le bois était destiné à la vente, sous forme de matière première brute, ou à sa transformation sur place en charbon. La production était commercialisée sur le marché régional (scieries, fournisseurs de bois de chauffe, industries de papier, etc.). Mais l'intérêt porté à cette activité reposait sur la possibilité qu'elle offrait d'implanter des pâturages permanents pour le développement de l'élevage du bétail. Celui-ci fut notamment le fait de néolatifundias qui possédaient de vastes surfaces dans les plaines littorales mal drainées et dans les bas-fonds, ou couvertes d'une végétation herbacée et arbustive. Outre qu'il permettait la mise en valeur de ces unités de milieu naturel, le développement de l'élevage de bétail intéressait les propriétaires de néolatifundias pour la faible quantité de main d'œuvre et les investissements en infrastructures restreints qu'il requérait. Les zébus furent remplacés progressivement par des buffles, des animaux mieux adaptés au climat chaud et humide et plus résistants aux parasitoses. Les animaux restaient en plein air toute l'année et leur alimentation était assurée par la production fourragère des pâturages permanents. Ces pâturages étaient composés de graminées et de quelques légumineuses locales parfois améliorées par des graminées exotiques. Selon la surface en pâturage dont ils disposaient et le niveau des investissements de départ, les néolatifundiaires mirent en place des systèmes d'élevage du type naisseur/engraisseur (le plus souvent dans les exploitation les plus anciennes et les plus grandes), ou du type naisseur (dans les exploitations de moindre taille et plus récentes). La production était vendue directement à des abattoirs industriels (boeufs et animaux de réforme), ou à des éleveurs engraisseurs d'autres régions du Paraná. L'implantation des néolatifundias sur le littoral nord du Paraná contraignit les pouvoirs publics à intervenir une fois encore dans cette région. A la fin des années 60, l'État du Paraná entreprit le désenclavement d'une partie de la région, avec la construction d'une première piste. La PR-404, d'une longueur d'environ 80 km, fut inaugurée en 1970, qui relie la ville de Guaraqueçaba à la localité de Cacatu. Elle traverse la région d'est en ouest, et serpente le long des baies et des estuaires. Des pistes secondaires furent alors progressivement tracées pour desservir les villages localisés dans les principales vallées alluviales, notamment celles des fleuves Guaraqueçaba, Cachoeira, Serra Negra, Tagaçaba et Cedro (cf. figure 6). Mais l'implantation et le développement des néolatifundias ne suffisent pas à expliquer le désenclavement de la région. Celui-ci devait en outre permettre le démarrage de la construction d'une future route fédérale (BR-101), qui devait traverser le littoral nord paranéen. Une route fédérale très attendue par ailleurs par les propriétaires des néolatifundias qui prévoyaient ainsi une forte valorisation de leurs terres. - un faible impact sur le développement économique régional Les interventions publiques ne permirent pas de dynamiser le développement économique du littoral nord paranéen, en dépit de l'importance des investissements réalisés. Elles n'eurent d'autres effets sur l'économie locale que son dopage momentané, sans pour autant entraîner un réel développement du secteur productif. En effet, les activités mises en œuvre dans les néolatifundias ne contribuèrent que très faiblement à l'augmentation de la valeur ajoutée régionale, et même aucunement si l'on considère les néolatifundias restés inexploités. Ces activités étaient fondées sur l'exploitation directe de ressources naturelles qui le plus souvent, étaient déjà exploitées par les populations locales (comme les peuplements naturels de palmier et d'une certaine façon le bois). L'élevage, la seule activité économique introduite par les néolatifundiaires, ne dégageait quant à elle qu'une très faible productivité de la terre et du travail. L'analyse de la participation du littoral nord à la valeur ajoutée totale de l'État du Paraná sur la période 1975-1985 confirme ce constat (tableau 9). Tableau 9 - Participation du littoral nord* à la valeur ajoutée totale de l'État du Paraná, entre 1975 et 1985 Participation en % de la V.A. totale 1975 1977 1979 1981 1983 1985 0,0073 0,0081 0,0075 0,0174 0,0089 0,0104 *Remarque : uniquement la commune de Guaraqueçaba. Source : Anuário Estatistico - Dept. Estadual de Estatística - Pr. Il en va de même si l'on considère l'évolution de l'offre de travail : l'implantation des néolatifundias n'a eu qu'une faible répercution sur le marché de travail régional. En effet, les opportunités de travail chez les néolatifundias étaient à moyen terme très limitées, dans la mesure où les systèmes de production mis en œuvre étaient peu complexes et caractérisés par des travaux sans période fixe et peu demandeurs en main d'œuvre. Dans le cas par exemple de l'exploitation du palmier, les besoins en main d'œuvre pour la surveillance des boisements se situaient aux alentours d'un employé pour 600 hectares de surface exploitée. Quant à l'élevage de buffles, il ne nécessitait pas plus d'un employé pour 50 à 150 hectares de pâturages, selon le système d'élevage mis en œuvre (Enquêtes de terrain, 1989-1992). - les conséquences sur la paysannerie D'une manière générale, les changements intervenus tout au long de cette période eurent un impact considérable sur la paysannerie du littoral nord du Paraná. La cueillette et la transformation du palmier réalisées par la paysannerie devinrent alors des activités illégales. La réglementation de la filière du cœur de palmier octroyait le droit de cueillette aux seuls néolatifundias investis dans des projets de reboisement ou des plans de gestion agroforestière du palmier, et limitaient les activités de transformation aux conserveries industrielles qui purent jouir ainsi d'une situation de monopole. Cette réglementation excluait ainsi la paysannerie de toute légalisation de ses activités de cueillette. En effet, la mise en place d'un plan d'exploitation ou d'un projet de reboisement en palmier signifiait, en plus d'un responsable technique, agronome ou forestier, le paiement de taxes foncières et administratives, la constitution d'un dossier administratif, plusieurs déplacements jusqu'à Curitiba et des démarches administratives auprès des diverses administrations (certificats de paiement des impôts fonciers, attestations de notaires, etc.). Des démarches qui constituaient autant d'obstacles insurmontables pour la paysannerie. Ainsi jusqu'en 1989, aucun paysan de la région nord n'avait réussi à obtenir la concession d'un plan d'exploitation ou d'un projet de reboisement en palmier (source DE/Pr. - IBDF). La cueillette et la transformation du palmier réalisées par la paysannerie étant illégales, celle-ci fut contrainte de vendre sa production considérée clandestine aux seules conserveries industrielles, les seules à pouvoir désormais la légaliser. Pour couvrir cette production illicite, les conserveries utilisaient les autorisations délivrées par les organismes de contrôle et accordées pour les boisements de palmier des néolatifundias. Souvent aussi, elles mettaient à profit les contacts privilégiés qu'elles entretenaient avec les autorités locales (grâce à des "pots de vin" et autres avantages en nature). En outre, les paysans "moyens" perdirent leur rôle d'intermédiaires dans l'achat de la production du cœur de palmier des petits paysans, et avec le désenclavement de la région, les conserveries les remplacèrent par leurs propres intermédiaires (les "gatos"). En revanche, l'amélioration des voies de communication permit à la paysannerie de surmonter en partie les difficultés de commercialisation. Mais d'importants blocages au développement des activités de rente persistaient, notamment au niveau du transport de la production. En effet, celui-ci restait tributaire de quelques intermédiaires propriétaires de camions qui pouvaient alors imposer les dates d'enlèvement et les prix. Les revenus des paysans demeuraient ainsi caractérisés par une grave instabilité et de sensibles fluctuations. C'est dans les villages localisés dans la sous-région des vallées alluviales étroites que l'amélioration des conditions de commercialisation de la production entraîna les plus profonds changements dans les systèmes de production des paysans "moyens". Ceux-ci abandonnèrent progressivement l'élevage porcin en plein air, puisque la banane jusqu'alors utilisée comme aliment du bétail, fut désormais destinée essentiellement à la vente. Ils entreprirent également de développer la culture de la banane en mettant en culture la plupart de leurs parcelles encore non exploitées faute de débouchés et situées sur les plaines alluviales d'épandage de crues. Ainsi, dans la localité du Batuva localisée en amont du fleuve Guaraqueçaba, la production de bananes des paysans a été multipliée par trois depuis la construction d'une piste au milieu des années 80 (Enquêtes de terrain, 1989-1992). Le système de culture de la banane mis en œuvre par ces paysans ne permettait que la production d'une banane de taille réduite et tachetée. Malgré cela, la production trouvait un débouché sur le marché régional grâce à son prix de vente inférieur à celui de la banane produite dans les régions avoisinantes (notamment du littoral de l'État de São Paulo et Santa Catarina). Quant aux paysans "moyens" localisés à proximité des pistes et propriétaires d'ateliers artisanaux de production de farine de manioc, ils développèrent la transformation de cette matière première. En effet, la croissance du marché urbain sur le littoral paranéen (notamment à Paranaguá, Antonina et Morretes) et les habitudes alimentaires régionales leur assuraient un marché relativement protégé. Contrairement au produit industriel fabriqué dans d'autres régions du sud brésilien, la farine du littoral du Paraná était très recherchée car produite selon un procédé artisanal local particulier : râpage très fin du manioc, torréfaction lente et par étapes successives, aucune extraction de la fécule ("polvilho"). Ces paysans "moyens" investirent dans l'amélioration de leurs ateliers artisanaux en motorisant les opérations de râpage et de torréfaction et en adoptant des pressoirs en fer. Certains groupements réussirent même à acquérir des motoculteurs destinés à la préparation du sol mais surtout au transport des racines vers les ateliers de transformation. Soulignons, à partir des années 70, l'adoption progressive par les paysans "moyens" du contrôle chimique des herbes adventices dans la culture du riz pluvial pratiqué avec le système de défriche-brûlis. L'application d'herbicides totaux était réalisée avant le semis du riz avec un petit pulvérisateur manuel. L'utilisation d'herbicides permettait notamment de diminuer les besoins de sarclage pendant les premiers mois de culture tout en utilisant des parcelles avec des recrûs d'une durée plus courte. Seuls les paysans "moyens" pouvaient adopter cette technique qui demandait des herbicides). investissement relativements élevés (pulvérisateur manuel, Les années 70 coïncident également avec l'adoption par la paysannerie de nouveaux outils tels que la tronçonneuse et le "taille-prés" ("espadão"). La tronçonneuse a été utilisée par les néolatifundiaires, mais aussi par quelques paysans "moyens" employés au défrichement des parcelles appartenant aux néolatifundiaires. A ce titre, nous avons pu estimer que l'utilisation de la tronçonneuse dans le défrichement d'une végétation arborée secondaire permettait un accroissement de productivité d'environ 100%. Le "taille-prés" est un outil constitué d'un grand manche en bois sur lequel on adapte une lame de machette. Cet outil était employé pour contrôler la végétation herbacée dans les plantations de banane, et pour nettoyer les pâturages permanents (refus et herbes indésirables). Contrairement à la tronçonneuse, le "taille-prés" a été adopté par l'ensemble de la paysannerie en raison de son faible coût. Sa maniabilité, sa polyvalence et son bas prix, lui permettait de remplacer la serpe dans un grand nombre de travaux. Enfin, cette période a été marquée par une importante expansion du travail salarié parmi la paysannerie. Une partie des paysans "moyens" se consacrait à des travaux "à la tâche" (reboisement, construction de clôtures ou défrichement) pour des néolatifundias de la région. Pour réaliser ces travaux, ils s'appuyaient parfois sur des équipes de petits paysans. En outre, ces petits paysans pouvaient aussi être employés en tant que journaliers directement par les néolatifundiaires. Il s'agissait notamment de travaux de défrichement, de nettoyage de pâturages, et de construction de clôtures. - le développement de nouveaux systèmes de culture Les caractéristiques topo-pédo-climatiques du littoral paranéen ont conféré à cette région d'importants avantages comparatifs par rapport aux ceintures maraîchères des alentours de curitiba, la capitale de l'État. Le climat doux en contresaison, l'abondance de sols d'apports alluviaux, une pluviométrie élevée et régulière toute l'année et la proximité de Curitiba représentaient autant d'atouts que la précarité des conditions de transport sur le littoral du Paraná n'avait pas permis jusqu'alors de mettre à profit. Il fallut attendre la construction, en 1967, d'une voie express reliant les régions sud et centre du littoral paranéen à Curitiba pour que ce blocage fut définitivement levé. Très rapidement, quelques producteurs de banane du littoral centre, rejoints ultérieurement par des producteurs maraîchers des environs de Curitiba en quête de nouveaux espaces agricoles, progressivement en œuvre des systèmes de cultures maraîchères. mirent Ces systèmes étaient fondés sur l'utilisation d'intrants externes (engrais chimiques, produits phytosanitaires et motoculteurs pour la préparation du sol). Les producteurs étaient installés notamment dans la vallée alluviale où se situe la ville de Morretes, bien desservie par les routes secondaires goudronnées et possédant de vastes plaines bien drainées. Leurs activités étaient concentrées sur des périodes considérées par les producteurs de la ceinture maraîchère de Curitiba, comme de contre-saison, c'est-à-dire sur la période hivernale (de mai à septembre), quand les cours atteignent leur plus haut niveau sur le marché. Ils produisaient certains produits maraîchers (tomate, haricot vert, concombre, poivron, laitue, etc.), du gingembre et du chayotte. Puis progressivement, les producteurs étalèrent sur toute l'année leur production maraîchère, à l'exception des mois d'été, de décembre à février, en raison de la chaleur excessive et de la faible pluviométrie. Ils développèrent également la culture du fruit de la passion, dont la période de récolte est plus précoce que dans d'autres régions pour des conditions climatiques, ce qui leur permettait de bénéficier de prix de vente plus élevés. De plus, la culture du fruit de la passion en rotation avec la culture du chayotte permettait d'atténuer certains problèmes phytosanitaires. L'ensemble de la production était vendu à des intermédiaires spécialisés dans le commerce des produits maraîchers et était expédié par camion vers le marché de gros de Curitiba. À partir de 1985, une augmentation significative du prix du gingembre sur les marchés internationaux incita les producteurs du littoral paranéen à développer davantage cette culture. Cependant, cela obligea les producteurs maraîchers à modifier considérablement leurs systèmes de culture. En effet, la culture du gingembre exige des investissements en consommations intermédiaires (engrais chimiques et organiques, produits phytosanitaires), beaucoup plus lourds que les cultures maraîchères, et cela sur une période de temps beaucoup plus longue (de 8 à 10 mois, contre 1 à 2 mois). Et pour des questions phytosanitaires, le gingembre doit être cultivé en rotation avec les cultures maraîchères et/ou avec le taro. Sur le littoral nord du Paraná, il fallut cependant attendre le milieu des années 80 pour que les conditions fussent enfin réunies pour le développement de la production maraîchère. C'est à cette époque que les ceintures maraîchères plus anciennes, localisées sur le littoral et aux alentours de Curitiba, furent confrontées à un manque de nouvelles surfaces agricoles. L'État du Paraná mit alors en place un système de subventions destiné à inciter le développement de la production maraîchère dans la région littorale. Appelé Programme d'Irrigation et Drainage (PROID), ce programme prenait en charge jusqu'à 50% des capitaux nécessaires à l'acquisition et au financement d'équipements et d'infrastructures de production (canaux de drainage, correction des sols, équipements d'irrigation, etc.). C'est à cette période que les premiers producteurs originaires des anciennes ceintures maraîchères s'installèrent dans la vallée du fleuve Cachoeira, la seule vallée alluviale du littoral nord desservie par une route goudronnée. Ils constituèrent des exploitations d'une surface inférieure à une centaine d'hectares en achetant des exploitations paysannes, notamment celles qui possédaient des parcelles dans les plaines d'épandage de crues et dans les terrasses alluviales. Ils mirent en œuvre des systèmes de culture fondés sur l'utilisation d'intrants extérieurs (engrais, herbicides, fumure de volaille) et sur une intense préparation motorisée du sol, et produisirent des cultures maraîchères, du chayotte, du fruit de la passion, du gingembre et du taro. Leur équipement était composé d'un tracteur, d'un motoculteur et de pulvérisateurs. La plupart des producteurs maraîchers durent en outre s'équiper d'un camion pour assurer le transport de la production, car en raison de leur faible nombre et de leur dispersion spatiale, la vallée alluviale du Cachoeira n'était pas desservie par les intermédiaires. La presque totalité de la production était destinée au marché. La production maraîchère, de taro, de chayotte, de gingembre de seconde catégorie et de fruit de la passion était commercialisée sur le marché de gros de l'État. La production de gingembre de première catégorie était quant à elle vendue avec des exportateurs implantés à Morretes ou sur le littoral de l'État de São Paulo. Les besoins en main d'œuvre de ces producteurs maraîchers étaient assurés par des journaliers (manouvriers et petits paysans des environs), et parfois des salariés fixes. Quant aux paysans locaux, qui ne disposaient ni des moyens de production, ni des capitaux nécessaires exigés notamment par le programme PROID pour bénéficier de subventions, ils ne purent développer ces activités. Selon les renseignements fournis par l'antenne de l'organisme de vulgarisation agricole de l'État du Paraná (ACARPA) d'Antonina, aucun paysan de la vallée du fleuve Cachoeira n'a pu bénéficier des subventions du programme PROID (Enquête de terrain, 1989-1992). 3. La mise en place d'une politique de protection de l'environnement sur le littoral paranéen à partir de 1982 3.1. Le contexte socio-économique et politique au Brésil et au Paraná à partir des années 60 Au Brésil, les problèmes d'environnement trouvent leurs racines dans les processus d'industrialisation et d'urbanisation que le pays a connus à partir des années 40 (Zanoni - 1989, p. 139) et qui furent considérablement accentués par le modèle de développement adopté à partir de 1964 par les gouvernements militaires. D'une société agraire et mercantile, le Brésil est devenu rapidement l'une des sociétés industrielles et capitalistes les plus avancées du Tiers Monde, et c'est d'ailleurs pour cela que cette période fut qualifiée comme celle du "Miracle économique brésilien". Outre un impact social et économique considérable, ce modèle de développement entraîna des conséquences graves sur l'environnement, que quelques exemples suffisent à mettre en évidence : l'installation d'innombrables industries de base potentiellement pollueuses (de cellulose, d'aluminium, pétrochimiques, etc.), la construction d'immenses barrages hydroélectriques comme ceux d'Itaipu et de Tucuruí, l'ouverture de gigantesques mines à ciel ouvert (Carajás, Trombetas, etc.) ou encore la déforestation à grande échelle de l'Amazonie pour le développement d'élevage bovin. A ce propos, une phrase est devenue célèbre dans les médias brésiliens de l'époque : "Le Brésil voudrait des industries, il a un grand espace à polluer" (Reis Velloso cité par Maimon - 1993, p. 51). Ce désintérêt pour l'environnement fut d'ailleurs l'un des principaux facteurs d'attraction des investisseurs. La protection de l'environnement était même considérée par le pouvoir en place comme opposée au développement national (Maimon - 1993, p. 50). La position officielle brésilienne à la Conférence Internationale de Stockholm en 1972 illustre assez bien cette situation : elle considérait que le développement pouvait se poursuivre sous une forme prédatrice, en ne se préoccupant que de façon secondaire des agressions contre la nature (Azambuja cité par Maimon - 1993, p. 50). Cette position était d'ailleurs en accord avec celle d'autres pays du Tiers Monde, qui estimaient que les problèmes environnementaux avaient été "inventés" par les grandes puissances pour freiner l'expansion industrielle des pays en développement (Maimon - 1993, p. 50). Les politiques de l'État concernant l'environnement furent révélatrices de cette situation. Il fallut attendre 1973 pour que soit créé un Secrétariat à l'Environnement (SEMA), subordonné au Ministère de l'Intérieur, et que certaines agences soient renforcées au niveau des États (comme la FEEMA dans l'État du Rio de Janeiro et la CETESP dans celui de São Paulo). D'ailleurs, la création de la SEMA révèlait avant tout la volonté du gouvernement brésilien d'atténuer l'image négative laissée à la Conférence de Stockholm (Viola et Leis - 1992, pp. 83-84). Le thème de l'environnement a été pris en compte pour la première fois dans la planification du pays en 1975, au cours du IIe Plan National de Développement (IIe P.N.D.). Jusqu'à la fin des années 70, la position de l'État à l'égard de la problématique environnementale évolua très peu, un phénomène mis en évidence par la façon encore très ponctuelle et souvent marginale dont les pouvoirs publics brésiliens continuaient à traiter les problèmes environnementaux (Maimon - 1993, p. 52). Les mesures législatives prises dans le cadre de la protection de l'environnement concernèrent essentiellement l'utilisation des ressources naturelles (avec une approche fondée sur la conservation et la protection de la nature) et la pollution industrielle. Les plus importantes furent le code forestier (Loi n° 4.771 du 15/09/65), la législation de protection de la faune (Loi n° 5.197 du 03/01/67) et une législation de contrôle et de prévention de la pollution industrielle (Lois n° 1.413 du 14/08/75 et n° 76.389 du 03/10/75). La prise de conscience par la société civile brésilienne des problèmes liés à l'environnement date du début des années 7032 et était alors étroitement liée aux 32 Au Brésil en réalité, les premières associations de protection de l'environnement ont été fondées à partir de la fin des années 50 (comme par exemple la Fondation Brésilienne pour la Conservation de la Nature - FBCN, en 1958). En raison de leur conception plutôt philanthropique et de leur caractère trop aristocratique, ces organisations ont eu une très faible répercussion auprès de la société brésilienne et des organisations écologistes qui apparurent à partir des années 70 (Diegues - 1994, pp. 236/237 ; Viola et Leis - 1992, p. 81). changements politiques, économiques et sociaux engendrés par le modèle de développement adopté depuis les années 60. Elle se traduisit dès 1971, mais surtout pendant les années 80, par un important développement du mouvement écologiste. Dans une première phase, celui-ci se caractérisa par la naissance d'associations de protection de la nature, dont la conception de l'environnement était proche de celle des États-Unis fondée sur la préservation de la nature (Viola - 1987, pp. 87-94). A la fin des années 70, le retour progressif à la démocratie (avec l'assouplissement de la répression et le retour des exilés politiques) permit au mouvement écologiste d'acquérir une dimension davantage politique. A partir du milieu des années 80, le mouvement écologiste gagna une influence et une participation croissantes dans la vie politique nationale ("mouvement pour les élections directes", élections municipales, débats de la nouvelle Constitution, etc.) mais également dans les organisations paysannes et de "sans-terres", dans les partis politiques de gauche et dans le milieu universitaire. Ce mouvement était composé d'une multitude d'associations écologistes33 d'orientations très diverses (selon leur orientation, ils étaient classés comme fondamentalistes, réalistes, écocapitalistes ou écosocialistes). Cette diversité n'empêcha pas pour autant l'organisation d'une série de forums et la mise en place de structures de coordination dans quelques États brésiliens (surtout dans les régions Sud et SudEst) mais également à un niveau national (Viola - 1987, pp. 96-99). L'influence du mouvement écologiste (principalement les organisations de dénonciation de caractère préservationniste) se fit sentir au sein même des organismes publics liés à la problématique environnementale. Ainsi par exemple, le plus haut fonctionnaire du Secrétariat à l'Environnement en poste sur le littoral nord du Paraná au milieu des années 80 participait activement à une ONG de protection de l'environnement ("S.O.S. Mata Atlântica"). Tout au long des années 80, l'influence, le plus souvent indirecte, de ces mouvements écologistes fut réelle sur le pouvoirs publics brésiliens. A partir de la fin des années 70, le gouvernement fédéral entreprit progressivement la restructuration de la politique environnementale et l'appareil législatif fut alors considérablement amplifié avec la formulation de nouveaux dispositifs légaux (cf. annexe 2). À côté d'anciens dispositifs concernant notamment la création de parcs nationaux et la réglementation de l'usage de la flore et de la faune, de nouveaux dispositifs virent le jour. Soulignons en particulier la création de nouveaux types d'espaces de préservation de l'environnement : les Stations Écologiques et les Zones d'Environnement Protégé (Loi n°6902 du 27/04/1981), et 33 Selon MINC, cité par VIOLA (1987 - p. 99), il existait en 1985 entre 900 et 1.000 associations écologistes autonomes. les Réserves Écologiques et les Zones d'Intérêt Écologique (Décret n°89.336 du 31/01/1984). Les dispositifs concernant les Zones d'Environnement Protégé furent sans aucun doute les plus importants dans le cadre de la législation environnementale brésilienne : en permettant la création d'espaces de protection de l'environnement compatibles avec le maintien sur place des populations locales, elle donnait naissance à une nouvelle approche des relations homme-nature. Par ailleurs, le gouvernement instaura la Politique Nationale de l'Environnement (Loi n°6938 du 31/08/1981), avec la création du Système National de l'Environnement (composé d'un ensemble d'instances administratives dont le CONAMA - Conseil National de l'Environnement). Cette politique avait pour objectif de coordonner la politique environnementale au niveau national et d'harmoniser les interventions fédérales, des États et des communes (Maimon - 1993, pp. 53-54). Une importante restructuration des organismes fédéraux chargés de la gestion des ressources renouvelables et de la protection de l'environnement fut également entreprise. La SUDEPE, l'IBDF et la SEMA34 fusionnèrent en un seul organisme fédéral : l'Institut Brésilien pour l'Environnement et les Ressources Renouvelables IBAMA (Loi n°7735 du 22/02/1989 et Loi n°7732 du 14/02/1989). Cette restructuration visait à améliorer la coordination et l'efficacité de l'application de la législation environnementale, et le regroupement de ces trois organismes, dont les fonctions était très semblables, permit un renforcement des moyens aussi bien en personnel qu'en infrastructures (véhicules, locaux, etc.). Malgré ces importantes avancées, la politique de protection de l'environnement brésilienne reste fondée sur une approche que GODARD définit comme un "régime réglementaire" de la protection de la nature35. Une analyse plus détaillée de cette politique nous permet de soulever quelques questions. Tout d'abord, cette politique est presque exclusivement fondée sur la délimitation d'espaces à protéger et sur des réglementations d'usage des ressources naturelles, censées définir le cadre d'une conciliation entre développement socio-économique et protection de la nature. Comme l'affirme GODARD, les lois et les réglementations sont investies d'un grand pouvoir de régulation des pratiques sociales et, plus 34 SUDEPE - Surintendance du Développement de la Pêche ; IBDF - Institut Brésilien du Développement Forestier ; SEMA - Secrétariat Spécial à l'Environnement 35 Selon GODARD, un "régime réglementaire" peut être caractérisé de la façon suivante (Godard - 1989, pp. 327-332) : - représentations de la nature et de la société : l'objet existant en soi et par soi; - problématiques de l'action collective : la nature à protéger; - les instruments de politique auxquels il est fait appel de manière privilégiée : l'autorité de la puissance publique; - disciplines scientifiques convoquées prioritairement : le droit articulé aux sciences de la nature; - démarches engagées : positivisme et approche analytique et responsabilités définies par la connaissance des causes. particulièrement, d'une grande ambition en ce qui concerne la protection de la nature et la gestion des équilibres de l'environnement (Godard - 1989, p. 330). Ceci soustend que l'environnement, et par conséquent la nature, ne sont nullement un produit de l'action humaine et qu'elles peuvent exister par elles-mêmes. Enfin, l'efficacité de cette politique environnementale est étroitement fondée sur l'application de l'autorité de la puissance publique aussi bien d'une manière symbolique que d'une manière effective. La problématique environnementale de l'État du Paraná ne se distingue pas fondamentalement de celle de l'ensemble du Brésil. Le Paraná a été soumis, depuis les années 30, à un important processus de front pionnier avec la colonisation progressive des régions de plateaux de l'intérieur. Cette colonisation s'est faite au détriment du couvert forestier : celui-ci est passé de 80% de la surface du territoire à l'origine, à moins de 17% en 1980 (Paula et al.,1984, pp. 826-830) (figure 19). A cette importante réduction du couvert forestier, il convient d'ajouter, à partir de la fin des années 60, le développement sur ces plateaux d'une agriculture fondée sur la motorisation agricole et sur une utilisation intensive d'intrants d'origine industrielle. Dans le nord et le nord-ouest du Paraná, le développement de grandes cultures commerciales comme le blé et le soja engendra de graves problèmes environnementaux comme la pollution des ressources hydriques par des produits phytosanitaires et une importante érosion de sols. Des recherches réalisées au début des années 80 sur les problèmes environnementaux dans l'État du Paraná ont révélé une situation alarmante : on estime une perte de 360 millions de tonnes de sol par an, c'est-à-dire l'équivalent de 90.000 hectares de terres agricoles (IPARDES - 1983, pp. 1-2). En outre, les problèmes sociaux se sont considérablement aggravés avec l'intensification de l'exode rural et de la concentration foncière. 109.000 exploitations agricoles de moins de 50 hectares ont disparu au Paraná, pour une surface totale de 900.000 hectares pendant les années 70 (Carnasciali et al. - 1987, p. 139). Enfin, à ce tableau déjà catastrophique, vint s'ajouter la construction d'un gigantesque barrage hydroélectrique dans l'ouest de l'État. La mise en eau du réservoir du barrage d'Itaipu au début des années 80 inonda 135.000 hectares de terres agricoles, signifia l'expulsion de 43.000 habitants et fit disparaître un remarquable ensemble de chutes d'eau (les "Sept chutes d'Iguaçu") (Zanoni - 1989, pp. 138 et 144). Les premiers dispositifs législatifs mis en place par l'État du Paraná concernant directement la question environnementale datent du début des années 50. Il fallut attendre la fin des années 70 et la montée en puissance de la contestation écologiste dans l'État (représentée par quelques ONGs et en particulier par l'Association de Défense et d'Education Environnementale - ADEA), pour voir poindre un relatif engagement du gouvernement paranéen dans la problématique environnementale. L'insuffisance des moyens financiers alloués limitèrent la portée de cette législation et la mise en place de quelques espaces de préservation de l'environnement. Ce n'est qu'en 1982, avec la démocratisation de la vie politique et les élections du gouvernement de l'État au suffrage universel, que la question environnementale devint un enjeu majeur au Paraná. Dès 1984, un programme environnemental très ambitieux fut lancé par le gouvernement paranéen : le PEMA (Programme de l'État pour l'Environnement), qui contenait le fondement politique et technique qui allait désormais orienter les actions des différents organismes gouvernementaux en matière d'environnement. Il considérait que la problématique environnementale ne se limitait pas uniquement à la préservation des écosystèmes mais qu'elle englobait la qualité de l'air, l'assainissement, la pollution hydrique, la protection des sols agricoles, l'éducation, etc. Ceci se traduisit par un important renforcement de l'appareil législatif avec l'élargissement du champ d'application des dispositifs déjà existants, ainsi qu'une restructuration et un accroissement des moyens techniques et financiers mis à la disposition des organismes d'État chargés de la protection de l'environnement : Institut des Terres et de la Cartographie (ITC), Surintendance des Ressources Hydriques et de l'Environnement (SUREHMA) et Police Militaire (Bataillon de la police forestière). L'appareil législatif de l'État du Paraná s'est structuré autour de la création et du renforcement des espaces de préservation, du contrôle de la pollution ainsi que de la réglementation de l'utilisation des ressources renouvelables. La police forestière fut renforcée par la création de nouveaux bataillons et par l'extension des zones d'action. La SUREHMA fut chargée du contrôle de la pollution et de l'environnement et renforcée avec l'augmentation du personnel technique et la création de nombreuses antennes locales. L'ITC (Institut des Terres et de la Cartographie) fut chargé de l'application de la réglementation sur la protection des forêts, de l'utilisation des ressources naturelles et des espaces de préservation paranéens et dans certains cas fédéraux. Il bénéficia lui aussi de la multiplication de ses antennes locales. Mais une analyse approfondie montre qu'au même titre que la politique fédérale, la politique de protection de l'environnement instaurée dans l'État du Paraná reste pour l'essentiel fondée sur une approche "réglementaire" de la question environnementale. La presque totalité des espaces de préservation ont été implantés sur la région littorale. Plusieurs raisons expliquent ce phénomène. En 1980, le littoral paranéen, qui représentait moins de 3% de la surface totale de l'État, possédait plus de 30% de la couverture arborée naturelle (tableau 10). En outre, cette région renfermait plus de 70% des espèces de mammifères présentes au Paraná (IPARDES - 1987, p. 151). Tableau 10 - La surface totale et le couvert forestier naturel du littoral paranéen, du reste de l'État et de l'État du Paraná (en hectares et en pourcentage), en 1980 Surface totale par rapport à l'ensemble du Paraná Région littorale 3% 585.000 ha Restant de l'État 97% 19.321.000 ha Ensemble de l'État Paraná 100% 19.906.000 ha Couvert forestier naturel par rapport à la surface totale du Paraná (a) Couvert forestier naturel par rapport à la surface forestière naturelle du Paraná (a) 2,4% 33,2% 4,7% 66,8% 7,1% 100% 468.000 ha 941.000 ha 1.409.000 ha (a) Forêts primaires, forêts secondaires et recrûs arborés. Source : d'après Paula et al. - 1984, p. 830. C'est également sur le littoral paranéen que l'on trouvait encore de la forêt ombrophile dense (la "Mata Atlântica") et d'autres écosystèmes associés (mangroves et estuaires) encore peu anthropisés. Soulignons que la "Mata Atlântica" couvrait à l'époque précolombienne plus de 3.000 kilomètres de la façade atlantique brésilienne. Depuis la période coloniale, l'exploitation des ressources forestières et la déforestation massive de cette forêt à des fins agricoles l'ont réduite à moins de 10% de l'étendue du biome originel (M.A.B. - 1993, p. 4). Mais la richesse et la relative préservation des écosystèmes locaux n'étaient pas les seuls motifs à la création d'espaces de préservation de l'environnement sur le littoral nord de l'État. Cette région était caractérisée par sa très faible densité démographique (environ 4 habitants au km2), par une grande dispersion de population et par l'absence de grands centres urbains. En outre, comme nous l'avons montré auparavant, l'importance économique de cette région par rapport à l'ensemble de l'État du Paraná était infime36 et le littoral nord était resté relativement à l'écart du développement agricole de l'État, et notamment des plateaux de l'intérieur (tableau 11). Dans ces conditions, les enjeux économiques et sociaux de la mise en défens de grandes étendues de terre y étaient beaucoup moins importants qu'ailleurs. Tableau 11 - L'utilisation du sol dans les communes du littoral paranéen (en hectares et en pourcentage de la surface totale de la commune) en 1980 Commune Forêt ombrophile dense Reboisements aRecrûs et friches Pâturages et prairies Mangrove Surface urbaine Surface totale de la commune Guaratuba Matinhos Morretes Antonina Paranaguá Guaraqueçaba 64% 88.442 ha 59% 5.868 ha 53% 40.252 ha 62% 51.313 ha 55% 44.459 ha 72% 143.947 ha 1% 1.967 ha 20% 26.967 ha 7% 10.170 ha 6% 8.787 ha <1% 864 ha 137.200 ha <1% 18 ha 24% 2.380 ha 9% 918 ha 2% 232 ha 5% 481 ha 9.900 ha 2% 1.569 ha 28% 21.397 ha 16% 11.829 ha <1% 534 ha <1% 117 ha 75.700 ha <1% 317 ha 22% 17.617 ha 12% 9.416 ha 4% 3.135 ha <1% 300 ha 82.100 ha <1% 131 ha 24% 19.027 ha 10% 7.602 ha 7% 5.709 ha 4% 3.270 ha 80.200 ha <1% 292 ha 12% 25.037 ha 8% 15.622 ha 8% 15.030 ha <1% 69 ha 200.000 ha -a- : hors reboisements avec le palmier Euterpe edulis. Source : d'après COPEL/ITC/FUPEF/COMEC - 1984, p. 65. Soulignons enfin le développement important des activités forestières et d'élevage dans les "néolatifundias" et l'éclatement de graves conflits fonciers sur le littoral nord du Paraná au début des années 80. Une situation d'autant plus critique qu'elle constituait une lourde menace à la sauvegarde des écosystèmes forestiers et estuariens locaux. Le développement des néolatifundias était étroitement lié à la perspective de la construction d'une route fédérale (la BR-101) qui devait traverser le littoral nord du Paraná et ainsi valoriser considérablement leurs terres. Cette perspective contribua 36 La participation de la commune de Guaraqueçaba à la valeur ajoutée totale de l'État du Paraná a été estimée en 1981 à 0,0174% et en 1983 à 0,0089% (source "Anuário Estatistico - Dept. Estadual de Estatística do Paraná"). en effet à entretenir un important mouvement de spéculation foncière dans l'ensemble de la région37. La richesse des écosystèmes forestiers et l'amélioration des voies de communication incitèrent également les néolatifundiaires à intensifier l'expansion de leurs activités économiques dans la région. Le plus souvent, ces individus se limitaient à des activités peu exigeantes en investissements de départ et en main d'œuvre, comme l'élevage de buffles en plein, ou encore à des activités fondées sur l'exploitation des ressources forestières, comme le bois et le cœur de palmier Euterpe edulis . Les propriétaires des néolatifundias signèrent avec des entrepreneurs privés (scieries, producteurs de charbon végétal, fournisseurs de bois de chauffe à des industries alimentaires, etc.) ou avec certaines industries de papier localisées sur le littoral paranéen des contrats pour l'exploitation du bois présent sur leurs domaines. En commercialisant ainsi ces ressources, ils récupéraient des parcelles défrichées et prêtes à être transformées en pâturages, et pouvaient de la sorte accélérer l'expansion de leurs activités d'élevage. Certains propriétaires, comme le groupe industriel Madezzatti qui possédait une exploitation de plusieurs dizaines de milliers d'hectares, projetaient même d'installer des scieries sur leurs exploitations. Les planches 2 et 3 illustrent le développement de ces activités dans quelques vallées de la région nord du littoral du Paraná. 37 Face à des restrictions budgétaires et à la pression des organismes de protection de la nature, cette route fédérale n'a jamais été construite. Une partie des propriétaires des néolatifundias se consacrèrent en outre à l'exploitation du cœur de palmier, et soucieux d'empêcher la paysannerie locale de le cueillir, ils embauchèrent des gardiens, le plus souvent originaires d'autres régions du Paraná. En réalité, ils entérinaient ainsi l'exclusion socio-économique dont souffrait la paysannerie locale depuis longtemps déjà : déjà privés du droit d'exploiter et de transformer de manière légale le cœur de palmier, les paysans étaient désormais empêchés d'accéder à la plupart des boisements naturels en palmier existants dans la région. La conjoncture régionale incita une partie des néolatifundiaires à se lancer dans l'aggrandissement de leurs exploitations. Ils continuèrent à accaparer des surfaces forestières encore considérées comme "vacantes et sans maître" et situées dans la sous-région montagneuse. Très rapidement, ils entrèrent en conflit avec des paysans locaux qui y cultivaient de petites parcelles et exploitaient les ressources naturelles. Dans certains cas, des conflits éclatèrent même avec d'autres néolatifundias. Au début des années 80, la situation s'aggrava en plusieurs endroits, comme sur l'île du Superagüi et aux alentours des localités de Ariri et de Ararapira. Outre des déboisements massifs pour l'implantation de pâturages, certains néolatifundiaires installés dans ces régions élaborèrent des stratégies pour forcer la population locale, pêcheurs ou petits paysans, à quitter ses terres (menaces de mort, incendies de maisons et plantations, destruction des plantations par des buffles, etc.). Cette situation entraîna la réduction considérable des surfaces agricoles de la majorité des exploitations paysannes. Les paysans se virent ainsi confisquer la plupart des parcelles agricoles localisées dans la sous-région montagneuse, et une partie de celles situées dans les principales vallées alluviales. La réduction de la surface des exploitations obligea les paysans à réduire encore davantage la durée des recrûs utilisés dans le système de défriche-brûlis. Pour un grand nombre d'exploitations paysannes, ce phénomène signifia leur disparition définitive et par voie de conséquence la prolétarisation de leur propriétaires. Les exploitations de moins de 100 hectares, qui occupaient en 1950 environ 70% de la surface totale de la région, n'en couvraient plus que 10% en 1980 (IBGE, 1950 et 1980). La pression foncière évoquée ci-dessus eut pour corollaire une rapide accélération de l'exode rural et l'apparition d'une nouvelle catégorie sociale, les manouvriers, qui consacraient la plus grande partie de leur temps de travail au salariat agricole comme journaliers dans les néolatifundias d'élevage de buffles et d'exploitation de palmier, ou à la cueillette clandestine du palmier dans les montagnes. Dans certains cas, ces manouvriers exploitaient de petites surfaces agricoles autour de leurs habitations, où poussaient quelques arbres fruitiers, des bananiers et du manioc. Les néolatifundiaires, pour se garantir à proximité une main d'œuvre bon marché et toujours disponible, leurs proposaient en effet de conserver ces petits lopins de terre. En outre, ils établissaient avec eux des accords de fermage : en échange du droit de cultiver une parcelle dans le néolatifundia au cours d'une saison culturale, les manouvriers s'engageaient à rendre l'année suivante la parcelle défrichée et couverte d'une végétation herbacée. Dans plusieurs localités rurales situées en amont des fleuves Serra Negra et Guaraqueçaba, où la pression des grands domaines était forte, les paysans locaux se retrouvèrent pris au piège d'une véritable guerre entre néolatifundiaires engendrée par des litiges sur les limites de leurs exploitations. L'exemple de la localité de Laranja Azeda, localisée en amont du fleuve Serra Negra, illustre bien cette situation. Au début des années 70, une trentaine de familles paysannes y vivaient notamment de la cueillette du cœur de palmier et de l'agriculture de subsistance (Enquêtes de terrain, 1989-1992). Dix ans plus tard, paniqués par les menaces et les violences commises par des gardes des néolatifundias qui les empêchaient de réaliser la cueillette du cœur de palmier, ces paysans cédèrent progressivement leurs possessions foncières et quittèrent la localité. Aujourd'hui, à l'endroit de cette localité s'étend un vaste pâturage où paissent quelques buffles, et dans la vieille église abandonnée, une messe est quelquefois célébrée par un prêtre payé par le néolafundiaire. Au début des années 80, la question foncière sur le littoral du Paraná, et plus particulièrement dans sa portion nord, fut fortement marquée par la spéculation. La figure 20 montre l'ampleur de l'implantation des néolatifundias dans cette région où ces exploitations de plus de 1.000 hectares occupaient déjà plus de 80% des terres (IBGE, 1980). Ces événements trouvèrent un large écho auprès des médias brésiliens, des organisations des droits de l'homme38 et de certaines organisations de protection de la nature des États du Paraná et de São Paulo (notamment l'ONG "S.O.S. Mata Atlântica" basée à São Paulo et d'orientation fortement préservationniste)39. Ils 38 Notamment la "Comissão Pastoral da Terra" et la "Comissão de Justiça e Paz do Paraná" liées à une tendance progressiste de l'Église Catholique brésilienne et à la C.N.B.B. 39 A ce propos, voir Gomes - 1984, p. 53-61 et les quotidiens Estado de São Paulo (07/06/81, 13/10/83, 20/10/83, 10/01/84), Estado do Paraná (31/01/81, 30/08/81) et Jornal da Tarde (10/01/84, 11/01/84). eurent également une importante répercussion auprès des pouvoirs publics. L'Assemblée législative du Paraná mit en place une Commission Parlementaire d'Enquête (C.P.I.) chargée d'analyser la situation. Le gouvernement fédéral et celui de l'État du Paraná intervinrent à leur tour en déployant sur place un important dispositif policier, mais surtout en multipliant les opérations de contrôle dans la région. Ils incitèrent également l'ITCF (Institut des Terres, de la Cartographie et des Forêts) à contester juridiquement les titres fonciers des néolatifundias mêlés à ces événements. Enfin, les pouvoirs publics instaurèrent les conditions nécessaires à l'élargissement des espaces de protection de l'environnement et à la mise en place des nouveaux dispositifs environnementaux. 3.2. La politique de protection de l'environnement sur le littoral nord du Paraná A partir du début des années 80, le gouvernement brésilien et celui de l'État du Paraná mirent en place une série de mesures visant la sauvegarde des écosystèmes locaux. Il s'agissait de la création d'espaces régionaux de protection de l'environnement et du renforcement de appareil de contrôle au niveau régional et local (figure 21). C'est cet ensemble complexe, et souvent d'origine très diverse, de dispositifs et d'actions gouvernementales qui forme le noyau de la politique environnementale encore en vigueur aujourd'hui sur le littoral nord du Paraná. 100 80 Classes de surface 60 - 100 ha 40 100 à 1000 ha 20 + 1000 ha 198 5 19 80 1 975 197 0 0 19 50 % de la surf ace t ot ale Figure 2 0 - Évolut ion de la surface des exploitations sur le litt oral Nord du Paraná, ent re 1 95 0 et 1 9 85 * ( en pourcent age de la surface tot ale) années * La vallée alluviale de Cachoeira n'est pas comprise. SOURCE : Recensements nationaux (Censos Agropecuários - 1970 à 1985; et Demográfico - 1950), FIBGE. Certains dispositifs législatifs sur lesquels s'appuie cette politique sont anciens dans la législation brésilienne sur l'usage des ressources naturelles et la protection de l'environnement. A ceux-ci vint s'ajouter à partir des années 80, un ensemble de dispositifs concernant l'usage des ressources naturelles. Les espaces de protection les plus significatifs sur le littoral nord du Paraná sont la Station Écologique et la Zone d'Environnement Protégé ("A.P.A.") de Guaraqueçaba, créées respectivement en 1982 et 1985 (tableau 12). La Station Écologique a été le premier espace de protection de l'environnement créé dans la région. Elle concerne des écosystèmes de mangrove et a permis un premier déploiement sur place des organismes publics chargés de la protection de l'environnement. En revanche, la Zone d'Environnement Protégé (A.P.A.) de Guaraqueçaba intéresse l'ensemble de la région nord du littoral du Paraná. Par sa superficie (313.400 hectares environ) et l'ampleur de ses dispositifs, la Zone d'Environnement Protégé de Guaraqueçaba est devenue la pièce maîtresse de la politique de protection de l'environnement régionale. D'après la législation brésilienne, les Zones d'Environnement Protégé sont des espaces de conservation destinés à préserver la qualité de vie des populations et à protéger et à améliorer les conditions écologiques locales (Loi Fédérale n°6902 du 27/04/1981). Si le droit domanial n'est pas affecté, en revanche, les activités productives y sont sévèrement réglementées et contrôlées (Marés de Souza - 1993, pp. 27-28). Tableau 12 - Les principaux dispositifs environnementaux concernant directement le littoral Nord du Paraná dans la législation Fédérale et dans celle de l'État du Paraná DATE 31/05/82 31/01/85 05/11/85 25/06/86 25/04/89 11/05/89 TYPE Décret fédéral - n°87222 OBJET Création de la Station Écologique de Guaraqueçaba Décret fédéral - n°90883 Création de la Zone d'Environnement Protégé (APA) de Guaraqueçaba Décret fédéral - n°97888 Création des Zones d'Intérêt Écologique (ARIE) d'Ilha dos Pinheiros et d'Ilha do Pinheirinho Edital de la Coordination du Tombamento de la "Serra do Mar" Patrimoine du Paraná Décret fédéral - n°97688 Création du Parc National de Superagüi Décret Paraná - n°5040 Réglementation du zonage de la région littorale du Paraná Source : SEDU - 1990, pp. 365-514 et MARES de SOUZA F° - 1993, pp. 9-78. A partir du milieu des années 80, l'application de cette politique environnementale se traduisit par une série d'interdictions et de limitations d'usage concernant aussi bien les activités agricoles et forestières que les activités complémentaires (comme la chasse et la pêche). Cette politique environnementale présente aussi d'importantes restrictions au développement futur de l'activité touristique ou industrielle. En ce qui concerne les activités agricoles et de cueillette, cette politique environnementale prône la limitation voire l'interdiction totale des pratiques susceptibles de dégrader les milieux naturels. Les principales limitations d'usage des ressources naturelles imposées aux activités agricoles sont l'instauration d'autorisations obligatoires pour le déboisement et le défrichement de toute végétation arborée, l'interdiction de défrichage le long des cours d'eau et la restriction du défrichement des versants de montagnes et des bas-fonds. En ce qui concerne les activités de cueillette, les principales limitations d'usage sont l'interdiction totale de la chasse (même celle destinée à l'autoconsommation), l'interdiction de l'exploitation des produits forestiers (sauf le cœur de palmier et certains produits destinés à l'autoconsommation ou à l'artisanat) et le renforcement des règlements concernant la cueillette du cœur de palmier. L'ensemble de ces interdictions et limitations d'usage ainsi que les dispositifs législatifs correspondants figurent dans l'annexe 3. Avec la création de la Zone d'Environnement Protégé, les moyens de contrôle ont été considérablement renforcés. En 1989, les différents organismes chargés de l'environnement disposaient de 6 agents, d'une vingtaine de policiers forestiers, de 2 véhicules, de 4 bateaux à moteur et de 6 postes de contrôle fixes dans la région (Enquête de terrain, 1989-1992). L'application de la loi devint ainsi plus efficace : alors que le manque de moyens permettait jusqu'alors souvent au contrevenant d'agir impunément (comme c'est encore le cas dans d'autres régions du Brésil), il lui est désormais difficile d'échapper aux contrôles, et les infractions sont aujourd'hui sévèrement punies (Rougeulle - 1993, p. 345). La successions des étapes lors de la mise en place de cette politique de protection de l'environnement et la multiplication des conceptions de la problématique environnementale ont entraîné une superposition des réglementations, qu'elles soient fédérales ou paraéennes. Soulignons par ailleurs le cumul des compétences institutionnelles dans l'application de la loi, qui relève en même temps d'un organisme fédéral (l'IBAMA - Institut Brésilien pour l'Environnement et les Ressources Renouvelables) et de deux organismes paranéens (l'IAP - Institut pour Environnement du Paraná - et la Police Forestière). Comme nous l'avons vu, l'application de cette politique de protection de l'environnement s'est faite par le renforcement de l'appareil de contrôle dans la région. Ce système de surveillance est essentiellement fondé sur des méthodes coercitives et répressives, qui vont de la confiscation de la ressource prélevée, jusqu'à des contraventions et à des peines de prison ou des sévices (Zanoni et Miguel - 1995, p. 11). Depuis le milieu des années 80, cette situation entretient un climat permanent de conflit entre les organismes chargés de l'application de la loi, les populations locales et les propriétaires de néolatifundias. Les incidents qui éclatent sporadiquement s'expliquent le plus souvent par des abus dans l'application de cette politique environnementale ou par la méconnaissance de cette politique par la population locale. Et l'absence de représentation politique et sociale de la population locale, incapable de faire reconnaître ses droits, contribue à aggraver la situation. L'exclusion des populations locales de l'élaboration et de la mise en place de cette politique et l'absence d'étude préalable (aussi bien de leur situation socioéconomique que de leurs modes d'exploitation du milieu) en sont d'autres facteurs aggravants40. En outre, il n'existe aucune instance de discussion et de délibération entre les populations locales et les organismes chargés de l'application de la politique environnementale. Nous pouvons ainsi affirmer que toutes les décisions prises par ces organismes concernant l'application de la politique environnementale l'ont été sans aucune concertation. La méconnaissance de la réalité des populations locales et de leur mode d'exploitation du milieu n'est certes pas le fruit du hasard. Cette situation est bien au contraire le résultat de l'influence des organisations de protection de la nature sur les législateurs chargés de l'élaboration et sur les organismes chargés de la mise en place de cette politique. Pour ces organisations41, la politique de protection devait transformer la région en un "sanctuaire écologique", voué au tourisme écologique et à la protection de la nature. Une conception des espaces de protection de l'environnement prédomine d'ailleurs encore aujourd'hui chez la plupart d'entre elles, comme le montrent certaines études réalisées par la principale ONG environnementale brésilienne implantée sur le littoral nord du Paraná. La "Société pour la Protection de la Vie Sauvage et l'Education à l'Environnement" (SPVS) s'est ainsi distinguée par différentes études et expertises sur la gestion des espaces de préservation de l'environnement et sur le fonctionnement des organismes publics de contrôle implantés dans la région. Il s'agit notamment d'études financées en grande partie par les organismes chargés de la conception et de l'application de la politique de protection de l'environnement eux-mêmes, comme l'Institut Brésilien pour 40 Les seules études et recherches sur la situation socio-économique et le mode de vie des populations locales et sur les écosystèmes de la région ont été réalisées postérieurement à la mise en place de cette politique environnementale. Elles ont été menées par des universitaires, des ONGs de protection de la nature et quelques organismes publics paranéens. Citons les travaux réalisés par l'IPARDES entre 1988 et 1990, l'ONG SPVS et ses membres entre 1992 et 1995 ainsi que une série d'études réalisées par des universitaires (ROUGEULLE 1993 ; MARTIN - 1992 ; NAYZOT - 1993 et ENGEL GERHARDT - 1994). 41 Représentés par deux ONGs brésiliennes : "SOS Mata Atlântica" et SPVS (Société pour la Protection de la Vie Sauvage et l'Éducation Environnementale). l'Environnement et les Ressources Renouvelables (IBAMA) et l'Institut Environnemental du Paraná (IAP) (à ce propos, voir SPVS - 1992 et IAP - 1995). Certaines études sur la situation socio-économique des populations locales et sur la faune et la flore ont été réalisées postérieurement à la mise en place de cette politique environnementale. Elles ont été commandées par des organismes publics de contrôle et sont le fruit d'ONGs de protection de la nature et de quelques organismes publics paranéens. La centralisation de l'organisation des pouvoirs publics brésiliens influe sur l'élaboration, sur la mise en place de cette politique environnementale, et sur son application. Le mode de fonctionnement des organismes de contrôle est à ce propos très révélateur. Les antennes locales disposent encore d'une autonomie si faible que même les décisions courantes (comme par exemple les autorisations de défrichement de petites parcelles concédées à des paysans) nécessitaient la consultation de l'administration régionale. Il en va de même pour la participation des populations locales et des acteurs institutionnels locaux et régionaux à la conception de la réglementation environnementale. Toute modification de cette réglementation, pour l'essentiel d'origine fédérale, implique des démarches politiques longues et complexes et dans ces conditons, de nombreuses maladresses ont été commises par les législateurs. L'exemple le plus significatif a été la promulgation du Décret fédéral n°99547 du 25/09/9042 qui interdisait toute exploitation de la végétation naturelle le long de la côte brésilienne : le terme "végétation naturelle" dans ce Décret-fédéral signifiait la végétation arborée primaire et secondaire mais également la végétation herbacée et arbustive. Du jour au lendemain, les populations locales vivant de l'agriculture de système de défriche-brûlis et de l'exploitation de certaines ressources forestières se sont ainsi retrouvées dans une situation de totale illégalité vis-à-vis des organismes de protection de l'environnement. 3.3. Les actions et interventions entreprises par les pouvoirs publics pour compenser les restrictions d'usage des ressources naturelles sur le littoral nord du Paraná A partir de 1980, parallèlement à la mise en place de la politique de protection de l'environnement, les pouvoirs publics mirent en œuvre une série d'actions et de programmes de développement sur le littoral nord de l'État du Paraná. Ces interventions visaient l'amélioration des conditions de vie des 42 Ce Décret-loi a été d'ailleurs abrogé quelques années plus tard. populations locales et la réduction des impacts sociaux de la politique environnementale sur ces populations déjà en situation socio-économique fort précaire. Les dispositifs législatifs concernant la création et la gestion des espaces de protection de l'environnement faisaient explicitement mention de ces questions. Ce fut le cas notamment de la résolution n°10 du 14/12/88 du Conseil National pour l'Environnement (CONAMA) sur la gestion des Zones d'Environnement Protégé (SEDU - 1990, p. 346). À l'évidence, les actions et programmes de développement auraient dû être en accord avec la politique de protection de l'environnement en vigueur. La responsabilité de cette politique de protection de l'environnement appartient à la fois à l'Etat fédéral et à l'État du Paraná. Cependant, tous les programmes et actions de développement mis en œuvre dans la région ont été le fait du seul gouvernement paranéen. Plusieurs raisons expliquent le désintérêt du gouvernement fédéral et de ses représentants dans l'État du Paraná pour cette question, et en particulier l'éclatement des compétences et des attributions institutionnelles entre plusieurs organismes fédéraux distincts et la concentration de l'administration et du personnel de ces organismes dans la capitale de l'État. Jusqu'en 1989, au moins trois organismes fédéraux étaient directement impliqués dans les questions d'environnement et des ressources naturelles renouvelables43. En 1989, la fusion de ces organismes au sein de l'IBAMA (Institut Brésilien pour l'Environnement et les Ressources Renouvelables) ne modifia pas pour autant cette situation. En effet, ce processus de réorganisation ne fut pas suivi d'une remise en question du fonctionnement et de la hiérarchie interne de ces organismes fédéraux, et la création de l'IBAMA ne suffit donc pas à remettre en question les anciennes attributions de compétence et les intérêts spécifiques de chacun. Aussitôt la création de ce nouvel organisme achevée, ces caractéristiques se répétèrent à l'intérieur des différentes structures de l'IBAMA. Les fonctionnaires originaires de l'ancien IBDF s'emparèrent des postes-clé dans la haute administration de l'IBAMA et conservèrent le contrôle des structures chargées de la gestion des ressources forestières. Soulignons que la plupart des fonctionnaires de l'IBDF s'étaient illustrés dans le passé par le partage des intérêts des grands 43 Ces organismes fédéraux étaient la SUDEPE - Surintendance du Développement de la Pêche ; l'IBDF - Institut Brésilien du Développement Forestier et la SEMA - Secrétariat Spécial à l'Environnement groupes économiques liés à l'exploitation des ressources forestières du Paraná (Bigarella - 1986, pp. 29-44)44. Les fonctionnaires originaires de la Surintendance de la Pêche (SUDEPE) et du Secrétariat Spécial à l'Environnement (SEMA) conservèrent le contrôle des structures chargées de la gestion des espaces de protection de l'environnement et les postes administratifs dans les antennes locales de l'IBAMA. Beaucoup d'entre eux se démarquèrent en partageant les conceptions des mouvements écologiques brésiliens dits "conservationnistes". Ainsi par exemple sur le littoral nord du Paraná et jusqu'en 1992, le principal responsable de l'antenne locale de l'IBAMA était un militant actif de l'ONG de protection de l'environnement "SOS Mata Atlântica". Dans une telle situation, les fonctionnaires de l'IBAMA prenaient systématiquement position contre la mise en œuvre d'actions et de programmes de développement ou évitaient simplement d'intervenir auprès de leur hiérarchie sur la nécessité de telles actions. La faible implication fédérale dans l'amélioration de la situation socio-économique des populations vivant dans les espaces de protection de l'environnement sur le littoral nord du Paraná demeure ainsi la règle générale. - Les principales actions et programmes de développement mis en place par les pouvoirs publics depuis les années 80 A la fin des années 70, le gouvernement de l'État du Paraná conçut un vaste projet de développement pour la région littorale (le PROLITORAL), qui orienta les actions de développement dans le cadre d'un grand programme de développement agricole mis en place quelques années plus tard : le PRO-RURAL (Programme intégré d'appui au petit producteur rural). Le PRO-RURAL était un programme de développement très ambitieux concernant 62 communes de l'État du Paraná. Il était en grand partie financé par la Banque Interaméricaine pour le Développement (la B.I.D.) (SEAG - s/d, pp. 1-2). La principale action entreprise sur le littoral nord fut le renforcement de l'association de producteurs PROHORTA. Cette association, fondée en 1979 avec l'appui de l'organisme de vulgarisation de l'État du Paraná (ACARPA) par environ 85 agriculteurs des alentours de la ville de Morretes, localisée sur le littoral centre (IPARDES - 1980, pp. 103-104), avait pour objectif l'amélioration de la commercialisation de produits locaux (notamment de banane et de produits 44 Cet organisme fédéral jouissait d'une si mauvaise réputation auprès des associations écologistes paranéennes (notamment de l'ADEA) qu'il avait reçu le surnom de l'Institut Brésilien de la Destruction Forestière (Bigarella - 1986, pp. 31-32). maraîchers) et la transformation sur place d'une partie de la production. En mettant en place des mécanismes de commercialisation, cette association devait permettre de réduire la dépendance des producteurs locaux vis-à-vis des intermédiaires et commerçants établis dans la région. Les investissements des pouvoirs publics en infrastructures (SEAG - 1984, p. 74) et en personnel furent considérables : camions, équipements d'une unité de transformation de produits agricoles, hangars répartis dans plusieurs localités pour le rassemblement de la production, entrepôts de vente directe dans la ville de Morretes et sur le marché de gros de Curitiba, mise à disposition de techniciens par l'organisme de vulgarisation de l'État (ACARPA), etc. Cependant, les résultats de cette action furent très modestes et l'association PROHORTA ne parvint pas à mener à terme la plupart des activités et services qu'elle s'était engagée à assurer : sa gestion financière désastreuse entraîna tout au long des années 80 une série de crises économiques et administratives. L'implantation de l'unité de transformation de produits agricoles fut abandonnée. Il s'ensuivit d'importants retards dans les paiements des associés et des fournisseurs et l'arrêt de l'entretien des camions, jusqu'à la fermeture définitive en 1990 de l'entrepôt de vente directe et la réduction du nombre de producteurs et agriculteurs associés, dont le nombre passa de 180 environ en 1985 à une vingtaine seulement en 1990 (Enquêtes de terrain, 1989-1992). Au début des années 90, l'association PROHORTA ne parvenait qu'à grand peine à assurer la commercialisation de banane. La faible participation des associés dans la gestion de l'association, l'accroissement trop rapide de l'association et une gestion financière et administrative trop hasardeuse expliquent cette situation. L'action du PROHORTA dans la commercialisation de la banane fut néanmoins positive dans la mesure où elle contribua à augmenter sensiblement les prix payés les intermédiaires et les commerçants. Au milieu des années 80, le programme PRO-RURAL fut restructuré et une série d'actions sectorielles de développement agricole coordonnées par le Secrétariat d'État à l'Agriculture du Paraná (SEAG) furent implantées dans le cadre de ce programme. Par l'importance des capitaux engagés, le Programme d'Irrigation et de Drainage (le PROID) lancé en 1987 fut sans doute le plus important. Il proposait des subventions à des exploitants agricoles du littoral paranéen en vue de l'acquisition d'équipements de production et de la mise en place d'infrastructures de production. Ces subventions atteignaient au maximum 50% du total des capitaux nécessaires. Malgré l'importance des subventions accordées par l'État, seuls des producteurs maraîchers et quelques néolatifundias d'élevage de buffles purent bénéficier de ce programme sur le littoral nord du Paraná, les premiers pour l'acquisition d'équipements d'irrigation, de motoculteurs et d'infrastructures de drainage, les seconds pour l'appui technique de spécialistes pour creuser des canaux de drainage. Mais faute de pouvoir apporter les capitaux propres nécessaires, aucun paysan du littoral nord n'y avait encore eu accès en 1992 d'après les informations fournies par l'ACARPA (Enquêtes de terrain, 1989-1992). Le Programme de Gestion Intégrée des Sols et de l'Eau (PMISA) fut lancé en 1983 dans le cadre du PRO-RURAL et resta en vigueur tout au long de la décennie 80. Il préconisait auprès des agriculteurs et des producteurs agricoles du Paraná la vulgarisation de mesures et de pratiques agricoles à caractère "conservationniste", aussi bien au niveau des bassins hydrographiques que des exploitations agricoles. Sur le littoral nord du Paraná, le PMISA participa à des travaux d'entretien des pistes en terre et de construction d'infrastructures de drainage. Il permit aussi la donation de certains intrants (notamment du calcaire) et de quelques motoculteurs à des groupements et à des associations de paysans. Tout au long des années 80, le gouvernement paranéen renforça également la présence de l'organisme de vulgarisation agricole de l'État du Paraná (l'ACARPA), notamment par l'augmentation du nombre de techniciens et par la multiplication des antennes locales dans la région : on en compte aujourd'hui trois au total, localisées à Antonina, Guaraqueçaba et dans la localité de Tagaçaba, pour une dizaine d'agents administritifs et techniques. L'ACARPA fut également chargée de l'application d'un certain nombre de programmes et d'actions, dont le Programme d'Approvisionnement Alimentaire ("Programa de abastecimento alimentar" ) et le Programme de Transformation Artisanale de la Production Agricole ("Programa de indústria caseira" ), destinés à inciter la formation de groupements de producteurs pour l'exploitation en commun du matériel agricole et de transformation, à apporter un appui technique au développement des activités de transformation et de commercialisation de la production agricole et à financer la modernisation de quelques ateliers de fabrication de farine de manioc ou de produits artisanaux. Les résultats de ces programmes n'ont cependant pas été à la hauteur des perspectives initiales. Tout d'abord, le nombre de paysans bénéficiaires était insuffisant en raison des trop faibles crédits alloués pour le littoral nord, contrairement à d'autres régions du Paraná. D'après les enquêtes réalisées auprès des exploitants de la région, moins d'un quart d'entre eux ont été concernés par le PMISA. En outre, la plupart des donations en équipements ont été accordées à des associations ou à des groupements de producteurs créés à la hâte et peu structurés. Le bilan de l'action de l'organisme de vulgarisation de l'État (ACARPA) dans la région est mitigé. Vraisemblablement, les actions menées ont eu un effet non négligeable sur l'amélioration des conditions de vie des populations locales, notamment en ce qui concerne l'assainissement, les conditions d'hygiène, l'habitat et sur certains aspects de leur vie matérielle, comme l'amélioration de certains procédés de conservation et de transformation artisanale des produits agricoles ou l'introduction de nouvelles variétés de plantes. Toutefois, les actions concernant la vulgarisation d'innovations technologiques et organisationnelles se sont soldées par des échecs en raison d'erreurs d'appréciation. Depuis le début des années 80, les orientations politiques du gouvernement paranéen avaient considérablement évolué et l'appui au développement de la petite paysannerie était devenu une réelle priorité dans les actions gouvernementales, mais à l'ACARPA, la conception de la vulgarisation et du développement agricole avait quant elle peu changé. Comme dans d'autres régions du Paraná, l'ACARPA mit en place un réseau de vulgarisation agricole vertical fondé sur la diffusion d'innovations technologiques originaires pour la plupart de la recherche agronomique ou de l'industrie d'intrants agricoles. Il s'agissait avant tout de répondre aux exigences d'expansion d'une agriculture mécanisée et fondée sur des intrants chimiques dans les campagnes brésiliennes. Cette orientation s'avéra particulièrement mal adaptée à la réalité socio-économique des populations du littoral paranéen, dont le mode d'exploitation du milieu était fondé sur l'exploitation directe des ressources naturelles et en particulier sur des activités agricoles pratiquées avec le système de défriche-brûlis. Par méconnaissance ou par manque de formation, les techniciens de l'ACARPA ne furent pas capables de répondre aux problèmes rencontrés par la paysannerie dans la mise en œuvre de ses systèmes de production. L'intervention de l'ACARPA dans la formation de groupements de producteurs pour l'utilisation en commun du matériel agricole et d'équipements de transformation de la production agricole ne fut guère plus convaincante. L'absence de suivi technique et le manque d'expérience, les constants changements au sein des équipes de terrain condamnèrent ces actions à l'échec. Les groupements de producteurs se démantelèrent rapidement et le matériel agricole et les équipements financés par les différents programmes furent les plus souvent repris par quelques agriculteurs pour être utilisés individuellement. Au début des années 80, le gouvernement du Paraná chargea plusieurs centres de l'Institut de Recherche Agronomique du Paraná (IAPAR) de mettre en place des programmes de recherche sur la région littorale. Deux unités de recherches localisées sur la commune de Morretes (au littoral centre) furent chargées de recherches sur les possibilités d'introduction de nouvelles cultures comme celle du cacaotier, d'épices et de condiments exotiques comme la cannelle et le clou de girofle. Une unité appartenant au centre de l'IAPAR de Curitiba fut également chargée d'analyser le fonctionnement des systèmes de production existants dans les différentes régions du Paraná, et en particulier la région littorale nord (Miranda et Miranda - 1995, p. 1). A partir du milieu des années 80, des changements successifs à la tête du gouvernement paranéen entraînèrent un progressif demantèlement des programmes de recherche entrepris par l'IAPAR sur le littoral paranéen et beaucoup ne purent être menés à terme, comme la plupart des recherches sur des nouvelles cultures et sur les systèmes de production sur le littoral paranéen45. Suite à des pressions exercées par l'Association des Eleveurs de Buffles du Paraná (ABUPAR), un des centres de recherche de Morretes fut transformé quelques années plus tard en un centre de recherche sur l'élevage de buffles, chargé de réaliser des études sur la nutrition animale, l'amélioration génétique et l'utilisation des buffles pour la traction. La plupart des résultats de ces recherches ne furent jamais divulgués, ni auprès du public, ni auprès des organismes de vulgarisation et de développement. Confronté à un manque chronique de moyens à la fois humains et financiers, le centre de recherche sur l'élevage de buffles ne fut jamais en mesure de fonctionner. En outre, il ne rencontra aucun appui auprès des éleveurs et des paysans de la région littorale. Malmenés par la politique environnementale, les éleveurs de buffles n'étaient nullement soucieux d'investir davantage dans l'amélioration génétique de leur cheptel ou de la qualité de leurs pâturages. La paysannerie locale ignora ces recherches car elle ne possédait ni les moyens économiques ni les surfaces suffisantes pour développer ce type d'élevage. En outre, l'introduction de la traction animale ne fut d'aucune utilité en raison du mode d'exploitation du milieu mis en œuvre par ces paysans. Mais le démantèlement des programmes de recherche de l'IAPAR ne fut pas la seule origine de cette situation. En effet, la définition des thèmes de recherche était fondée sur une démarche méthodologique contestable en raison de l'absence de diagnostics préliminaires sur les conditions agro-écologiques et sur une 45 Le programme systèmes de production conduit par une équipe du centre de recherches de l'IAPAR de Curitiba fut restructuré en 1984. Il a été décidé de concentrer les activités du programme sur la région d'Irati située sur le plateau de l'État (Wibaux - 1986, pp. 9-17). caractérisation de la situation agraire dans les régions concernées. Cette absence de diagnostics influa sur la définition des axes de recherche qui s'avérèrent le plus souvent dissociés de la réalité agraire. La plus récente "intervention" des pouvoirs publics sur le littoral nord paranéen date de 1992. Le gouvernement de l'État, considérant les dispositifs existants dans la Constitution fédérale brésilienne et de l'État du Paraná, instaura la "loi des royalties écologiques" (Loi complémentaire n°59 du 01/10/91), qui modifiait la répartition de l'Impôt sur la Circulation des Marchandises et sur les Services (ICMS). Cette loi visait à indemniser les communes dont une partie du territoire avait été déclarée espace de protection de l'environnement et qui par conséquent, étaient contraintes d'accepter des limitations et des restrictions à leur développement socioéconomique. Les nouveaux critères de répartition de cet impôt bénéficiaient aux communes possédant des espaces de protection de l'environnement et des sources de captage d'eau. Environ 1,25% de la totalité de l'ICMS encaissé par l'État du Paraná46 est ainsi concerné par cette mesure. Le littoral nord du Paraná, qui comprend une partie de la commune d'Antonina et la totalité de la commune de Guaraqueçaba, bénéficia largement de la nouvelle répartition de cet impôt. La commune de Guaraqueçaba tira un énorme bénéfice de cette loi : il est vrai que la totalité de son territoire est classée espace de protection de l'environnement. De la 273e place en terme d'importance de l'ICMS reçu avant l'entrée en vigueur de cette loi, elle est passée à la 57e en 1992, soit un gain d'environ 600% par rapport l'année 1991 (SEFA - IPARDES et Tribunal de Contas, 1991). En 1993, d'après le Secrétariat d'État aux Finances du Paraná, sur un million de francs versés à la commune au titre de la redistribution de l'ICMS, environ 800.000 provenaient des "royalties écologiques" (tableau 13). La part de l'ICMS dans la formation du revenu total de la commune de Guaraqueçaba passa ainsi d'environ 21% en 1991 à plus de 44% en 1994 (source IPARDES - Indicadores Analíticos, 1995). En outre, la loi des "royalties écologiques" n'impose aucune directive ni même orientation pour l'utilisation de ces ressources et accorde ainsi une liberté totale aux dirigeants municipaux. 46 Pour l'année fiscale 1994, les sommes concernées s'élevaient à environ 100 millions de francs français (source : Secrétariat d'État aux Finances du Paraná, 1995). Tableau 13 - Part des différentes rubriques composant l'Impôt sur la Circulation des Marchandises et sur les Services (ICMS) versé à la commune de Guaraqueçaba en 1993 RUBRIQUES Part de la commune dans la taxe sur la valeur ajoutée de l'État Part de la production du secteur primaire par rapport à l'ensemble de l'État Part de la population par rapport à l'ensemble de l'État Part des espaces de protection de l'environnement ou des ressources hydriques par rapport à l'ensemble de l'État ("royalties écologiques") Part du nombre d'exploitations agricoles par rapport à l'ensemble de l'État Part de la surface de la région par rapport à l'ensemble de l'État Part fixe Pourcentage 2,7% 3,8% 2,5% 77,7% 2,0% 8,8% 2,5% Source: Secrétariat d'État aux Finances du Paraná - 1994. L'analyse des résultats de la loi des "royalties écologiques" sur le littoral nord du Paraná révèle plusieurs points critiques. La plupart des actions entreprises par les communes de la région ne visaient pas le développement du secteur productif local, et les ressources supplémentaires provenant de la loi des "royalties écologiques" ont été destinées à l'amélioration des services municipaux (notamment dans les domaines de la santé, de la collecte des ordures ménagères et de l'éducation), à certains travaux d'infrastructure (construction de pistes secondaires, aménagements urbains, etc.) et l'augmentation du personnel municipal. A titre d'exemple, le nombre de fonctionnaires municipaux de Guaraqueçaba est passé de 200 environ à la fin des années 80 à plus de 300 en 1992 (Enquêtes de terrain, 1989 - 1992). L'utilisation de ces fonds publics au profit d'actions de développement ou d'amélioration des infrastructures de production a été insignifiante voir même nulle dans certains domaines. Outre la construction de quelques chemins dans certaines localités agricoles, les actions des équipes municipales successives se sont limitées au prêt d'un camion à l'Association des Petits Producteurs du Batuva et à la fourniture de matériaux de construction à des paysans et à des associations locales. Une réalité représentative d'une stratégie électorale, qui a d'ailleurs valu aux maires de la région une bonne assise populaire entretenue par des propos virulents à l'encontre de la politique de protection de l'environnement et des acteurs institutionnels chargés de son application. Cette stratégie politique reposait notamment sur la faible prise de conscience politique des populations locales et sur leur faible implication dans les affaires politiques. En effet, la représentation politique municipale était structurée essentiellement autour des notables locaux (petits commerçants locaux, propriétaires et gérants des conserveries de cœur de palmier notamment). Évidemment, cette situation a contribué à accentuer une pratique devenue coutume dans la région, à savoir les rapports de clientélisme entre les dirigeants municipaux et la population. Les pressions exercées par le maire sur les employés municipaux sont chose courante, en particulier en période électorale, et l'embauche comme employé municipal s'avère d'autant plus facile et rapide que le candidat au poste appartient à la famille ou au groupe politique des dirigeants en place. - Les actions et programmes de développement mis en place par les pouvoirs publics n'ont pas atteint pas les résultats escomptés Les enquêtes de terrain et l'analyse de rapports officiels sur les actions et programmes de développement menés par les pouvoirs publics à partir des années 80 sur le littoral nord du Paraná nous permettent de formuler quelques remarques. Tout d'abord, ces programmes et actions de développement ne sont pas parvenus à améliorer les conditions de vie des populations ni à compenser les limitations d'usage des ressources naturelles imposées par la politique de protection de l'environnement. Vraisemblablement, les actions et programmes de développement mis en œuvre sur cette région du littoral paranéen ont eu une portée très limitée, étant donné l'importance des enjeux en question. Des enjeux écologiques mais surtout économiques et sociaux car la région littorale nord était l'une des plus démunies de l'État du Paraná. Ainsi par exemple en 1991, la commune de Guaraqueçaba était classée à l'avant-dernier rang en terme de P.I.B sur les 371 communes de l'État du Paraná47 (IPARDES - Indicadores Analíticos, 1993). La participation de cette commune dans la formation de la valeur ajoutée totale de l'État du Paraná ne cessera de décroître : de 0,0075% en 1979, elle passe à 0,0039% en 1993 (IPARDES, Indicadores Analíticos). Il en va de même pour la situation sanitaire : en 1990, le taux de mortalité infantile y était nettement supérieur à celui de l'ensemble de l'État (47,94 contre 33,26/1.000) (Engel Gerhardt, 1994, p. 78). En outre, plusieurs vices de conception méritent d'être soulignés, comme la très faible participation des populations locales, le considérable pouvoir d'ingérence et de centralisation des acteurs institutionnels et leur faible connaissance de la réalité locale. Reprenons l'exemple du programme PROLITORAL réalisé par l'Institut paranéen de développement économique et social (IPARDES) en 1979. Cet 47 En 1991, le P.I.B. par habitant de Guaraqueçaba était estimé à environ 1.100 francs par habitant (source BD - IPARDES, 1992). ambitieux programme, dont les propositions ont orienté la plupart des actions de développement mises en place sur le littoral paranéen tout au long des années 80, s'appuyait pour l'essentiel sur des données statistiques et des recensements48 et très peu seulement sur des analyses de la réalité socio-économique locale. Cependant, c'est l'absence d'une vision globale du développement qui caractérise le mieux la politique régionale. Elle se traduit par la multiplication d'actions indépendantes les unes des autres, mais aux objectifs néanmoins complémentaires. Ce manque de coopération inter-institutionnelle a entraîné la mise en place d'une multitude de programmes et d'actions souvent de courte durée et limités en termes de moyens financiers. Et les problèmes de fonctionnement de ces institutions, comme les constants changements de l'administration et l'instabilité de la politique salariale, eurent de lourdes répercussions sur ces organismes (départ des agents les mieux formés, embauche massive de personnel sous-qualifié). L'échec des actions et des programmes de développement a encore aggravé les difficultés rencontrées par les organismes environnementaux auprès des populations locales. Celles-ci, face à la déroute des actions de développement et toujours confrontées à d'importantes restrictions et limitations d'usage des ressources naturelles, n'ont pas été en mesure d'adapter leur mode d'exploitation du milieu aux nouvelles dispositions de la politique environnementale. On peut dès lors considérer que cette dernière a été en quelque sorte piégée par l'échec des actions et des programmes de développement. Un piège qui d'ailleurs s'est répandu progressivement à l'ensemble des organismes publics concernés par la problématique environnementale régionale. Ces acteurs institutionnels structurèrent leur action autour de mécanismes de gestion de type répressif et qui ne laissaient aucune place à la participation des populations locales, et se retrouvèrent ainsi enfermés dans un cercle vicieux : durcissement de la répression /sentiment de révolte des populations locales /impossiblité de dialogue et de concertation. Dans la pratique, les honorables intentions de départ et les références à l'amélioration des conditions de vie à et à la sauvegarde de la culture des populations locales furent progressivement reléguées au second plan. A cet égard, la comparaison entre les effectifs des différents organismes publics présents dans la région est exemplaire : en 1992, les antennes locales des organismes de protection de l'environnement comptaient au total plus de quarante 48 Les recensements et les statistiques concernant les activités agricoles, halieutiques et forestières ont une validité que nous considérons fort limitée. La grande dispersion spatiale des populations locales, les conditions de communication souvent difficiles, la diversité des activités de production et l'importance des activités économiques clandestines dans la région sont autant de variables qui doivent inciter à une extrême prudence. fonctionnaires, contre moins d'une dizaine pour les agences de développement et de vulgarisation agricole (Enquêtes de terrain, 1989-1992). En outre, à partir de la fin des années 80, le gouvernement paranéen se désengagea progressivement des initiatives en matière de développement, non tant en raison des échecs subis, mais bien plutôt du manque d'intérêt politique une fois passée la période d'implantation et de consolidation des espaces de protection de l'environnement. Quant à la législation sur les "royalties écologiques", les résultats n'ont pas été à la hauteur des espoirs suscités au moment de sa mise en place. Libre de décider de l'emploi de ces nouvelles sources de revenu, les maires concernés ont été accusés publiquement de ne pas les avoir investies au profit de la population, et l'effet d'entraînement sur la dynamique économique régionale a été très limité. - Un contexte régional marqué par d'importantes disparités économiques Depuis le début des années 30, l'ensemble de la région littorale du Paraná subit un intense déclin économique qui s'explique en grande partie par les conséquences des politiques de développement mises en œuvre depuis la fin du XIXe siècle, tournées vers la colonisation des vastes plateaux de l'intérieur plus propices aux développement des cultures d'exportation (notamment la culture du café puis la culture du soja) que les régions côtières. C'est dans ce contexte que furent décidées la plupart des interventions des pouvoirs publics sur le littoral paranéen tout au long de cette période, comme la modernisation des infrastructures portuaires d'Antonina mais surtout de Paranaguá et l'amélioration des voies de communication entre ces ports et l'intérieur de l'État. Et c'est cette logique qui a orienté la mise en place de la politique de protection de l'environnement sur une grande partie de la région littorale du Paraná. D'autres interventions de portée plus restreinte avaient pour objectif le développement de certaines activités agricoles, comme les cultures maraîchères et le reboisement avec des espèces forestières. Aujourd'hui, l'économie du littoral du paranéen est largement dépendante du secteur tertiaire (tableau 14). Les activités portuaires, pour la presque totalité regroupées à Paranaguá, représentent la principale activité économique de la région. Ce port constitue le point de passage obligatoire pour l'exportation de la plus grande part de la production agricole et pour l'importation d'intrants agricoles et de produits pétroliers. En conséquence, Paranaguá contribue pour plus de 90% au PIB du littoral paranéen (tableau 15). Mais l'agrandissement et la modernisation de ce port se sont faits au détriment de celui d'Antonina. Tableau 14 - Part des différents secteurs économiques dans la valeur ajoutée (en pourcentage) des communes du littoral du Paraná, en 1989 Commune Valeur Ajoutée secteur primaire (en %) Valeur Ajoutée secteur secondaire (en %) Valeur Ajoutée secteur terciaire (en %) Antonina 12,7 52,7 34,6 Guaraqueçaba 30,6 55,0 14,4 Guaratuba 22,0 25,9 52,1 Matinhos 3,6 17,1 79,3 Morretes 16,4 49,3 34,3 Paranaguá 0,4 16,6 83,0 Source : d'après IPARDES - Indicadores Analíticos; Secretaria de Finanças du Paraná, 1992. Pendant la période estivale, le tourisme représente lui aussi une importante activité économique, en particulier pour les communes du littoral sud comme Guaratuba et Matinhos, et le commerce de produits locaux (artisanat, fruits, etc.) le long des principales routes trouve alors un large débouché. Les activités industrielles sont concentrées aux alentours des principaux centres urbains, et surtout de Paranaguá où elles sont spécialisées dans la transformation et la fabrication de certains produits qui transitent par le port : transformation du soja, élaboration d'engrais chimiques, fabrication de rations animales, etc. Quant à Antonina et Morretes, elles sont le siège d'industries de moindre importance, spécialisées dans la transformation des produits locaux (bois, banane, cœur de palmier, concombre). Tableau 15 - Produit intérieur brut total et par habitant des communes du littoral du Paraná, en 1991 Commune P.I.B. (en millions de dollars US $) P.I.B. par habitant (en dollars US $) Antonina 16,6 970,9 Guaraqueçaba 1,7 220,6 Guaratuba 15,7 872,4 Matinhos 10,0 887,1 Morretes 8,4 639,6 Paranaguá 510,5 4.744,7 Source : IPARDES - Indicadores Analíticos; Secretaria de Finanças du Paraná, 1992. Malgré l'essor des activités maraîchères depuis les années 80, notamment aux alentours de la ville de Morretes, les activités agricoles ne représentent qu'une faible part de la valeur ajoutée régionale. Et la pêche affronte une crise profonde qui trouve son origine dans la surexploitation des ressources halieutiques (Rougeulle 1993, pp. 351- 353). Ainsi, la conjoncture économique du littoral paranéen demeure marquée par d'importantes disparités régionales et les activités économiques réalisées s'avèrent insuffisantes pour insuffler un dynamisme capable de faire démarrer l'économie régionale. En dépit de leur importance en termes financiers, les activités portuaires ont peu de retombées au niveau local. Elles créent peu d'emplois, et les principales industries locales se limitent le plus souvent à la transformation de produit déjà élaborés et importés d'autres régions. CHAPITRE 3 Une conjoncture agraire complexe et en pleine mutation 1. Caractérisation socio-économique des exploitations agricoles du littoral nord du Paraná Tout au long du chapitre II, nous avons reconstitué l'évolution et la différenciation des systèmes agraires sur le littoral nord du Paraná depuis la fin du XIXe siècle jusqu'à nos jours. Nous avons ainsi pu mettre en évidence que le système agraire régional était essentiellement fondé jusqu'aux années 60-70 sur l'exploitation directe des ressources naturelles, sur une agriculture de défriche-brûlis ainsi que sur la transformation artisanale de certains produits agricoles et forestiers. Depuis une trentaine d'années, cette dynamique agraire a été profondément bouleversée par toute une série de changements conjoncturels intervenus à l'échelle régionale. Comme nous l'avons vu précédemment, ces changements ont été en large partie le résultat d'une importante intervention des pouvoirs publics sur le littoral nord du Paraná. C'est d'ailleurs cette nouvelle dynamique agraire qui a permis l'émergence de deux nouvelles catégories sociales dans la région : les néolatifundiaires et les agriculteurs patronaux. Ces catégories sociales ont mis en œuvre des systèmes de production fondés sur de nouveaux systèmes de culture et d'élevage (notamment l'élevage de buffles en plein air et les cultures maraîchères et du gingembre). Cette situation a également contraint la paysannerie locale à adapter ses systèmes de production au nouveau contexte agraire. La caractérisation socio-économique des exploitations agricoles du littoral nord du Paraná a été entreprise en faisant appel aux outils méthodologiques propres à l'analyse systémique que sont la typologie et la modélisation. Dans un premier temps, nous avons défini une typologie fonctionnelle des principaux systèmes de production mis en œuvre dans les exploitations agricoles (item 1.1.). Puis cette typologie nous a permis d'élaborer une modélisation des différents systèmes de production rencontrés (item 1.2.). C'est en procédant ainsi que nous avons pu dresser une analyse critique plus fine et pertinente de la situation agraire actuelle dans la région étudiée. 1.1. Typologie fonctionnelle des principaux systèmes de production La typologie des systèmes de production a pour but de mettre en évidence les différences observées entre les différentes trajectoires d'évolution des exploitations agricoles et de rendre compte de la diversité des critères de gestion pris en considération par les exploitants agricoles dans la mise en œuvre de leurs systèmes de production. Pour cela, nous avons procédé à l'identification et à la caractérisation des principaux types de systèmes de production en vigueur dans les exploitations agricoles. Nous avons ainsi pris en considération pour chacun des types de système de production, les moyens de production, les rapports sociaux et leur comportement face aux évolutions technologiques. Cette typologie nous a permis de mettre en évidence les mécanismes qui incitent les exploitants agricoles à mettre en œuvre des systèmes de production différents (Dufumier - s/d, pp. 4 et 9). Pour pouvoir caractériser ces systèmes de production, nous nous sommes intéressés à l'analyse approfondie de leurs différents composants et éléments. Par ailleurs, nous avons analysé les relations de réciprocité qu'ils entretiennent entre eux d'une part et avec l'environnement extérieur d'autre part. Nous avons restitué le nouveau mode d'exploitation du milieu issu des transformations subies par le système agraire régional pour chaque système de production identifié. Tout d'abord, cette restitution a été réalisée en prenant en compte l'origine des systèmes de production tout en mettant en évidence les conditions qui ont permis leur mise en place et leur développement : conditions initiales, enchaînement des investissements, changements techniques, évolution de la productivité du travail et mécanismes d'accumulation du capital. Ensuite, nous avons procédé au recensement des disponibilités en force de travail et en moyens de production, en précisant les caractéristiques, les modalités d'acquisition, les périodes de disponibilité, et les utilisations effectives. Enfin, nous avons décrit et analysé les principaux systèmes de culture et d'élevage ainsi que les principales activités non agricoles, et souligné leurs performances. Ceci nous a permis de repérer la cohérence interne et les principaux points de blocage des différents systèmes de production étudiés (Dufumier - 1990, p. 48). L'observation du mode d'exploitation du milieu adopté actuellement par les exploitants agricoles sur le littoral nord du Paraná a été réalisée dans un premier moment à partir d'enquêtes exploratoires suivies d'une série d'enquêtes approfondies. Soulignons également que nous avons regroupé de manière systématique les systèmes de culture et d'élevage dont les caractéristiques et les limites de validité sont similaires. Nous avons représenté schématiquement le mode d'exploitation du milieu actuel sur littoral nord du Paraná dans la figure 22. Cette démarche nous a permis de faire un certain nombre de constats. Tout au long de la recherche de terrain, nous avons pu constater une grande diversité de systèmes de culture dans l'ensemble de la région d'étude. En effet, nous avons observé un large éventail de systèmes de culture allant de l'utilisation exclusive du système de défriche-brûlis (avec des recrûs de plus d'une dizaine d'années) jusqu'à la préparation du sol et à l'utilisation d'intrants. Nous pouvons considérer que cette situation est due en grande partie à l'extrême diversité agroécologique qui caractérise les différentes unités de milieu naturel. L'identification des principaux systèmes de culture a été réalisée en prenant en compte à la fois leur caractère reproductible et leur représentativité. Ensuite, nous avons caractérisé ces systèmes de culture en fonction d'un certain nombre de critères qualitatifs et quantitatifs : la nature des cultures et leur ordre de succession, les itinéraires techniques, les résultats obtenus et leur régularité, l'utilisation des facteurs de production, leur occurrence dans les différentes unités de milieu naturel, l'état du milieu ainsi que les contraintes externes (voir également les annexes 4, 5 et 6). En ce qui concerne les systèmes d'élevage, nous avons pris en compte un certain nombre de critères comme la conduite de l'élevage, les itinéraires techniques, les performances obtenues, l'utilisation des principaux facteurs de production ainsi que les contraintes externes. Nous avons également tenté de mettre en évidence la logique sur laquelle était fondé chacun de ces systèmes d'élevage. Ceci nous a permis de constater le faible dynamisme des systèmes d'élevage mis en œuvre sur le littoral nord du Paraná. En effet, aucune amélioration majeure des systèmes d'élevage déjà existants dans l'ensemble de la région n'a pu être observée. De même, nous n'avons répertorié le développement d'aucun nouveau système d'élevage depuis les années 70 (Enquêtes de terrain, 1989 - 1992) et nous avons pu constater que l'importance des activités d'élevage ne cesse de diminuer depuis quelques années dans l'ensemble de la région. Les activités d'élevage bovin mais surtout porcin ont été ébranlées par l'amélioration progressive des voies de communication et des réseaux de commercialisation. En effet, si cette amélioration a permis aux paysans de réduire sensiblement leurs pertes en bananes à certaines époques de l'année (en hiver notamment), ils disposent désormais cependant d'une moindre quantité d'aliments pour le bétail. En outre, la viande produite localement subit de plus en plus la concurrence des produits d'origine animale importés d'autres régions (notamment la viande de volaille congelée et les charcuteries) et vendus à bas prix par les commerçants locaux. En ce qui concerne l'élevage de buffles, il a été touché de plein fouet par la mise en place de la politique environnementale depuis le milieu des années 80. Cette politique environnementale a mis fin à leur expansion en compromettant leur viabilité économique dans la région. La caractérisation des activités non agricoles a été réalisée à partir de relevés et d'enquêtes de terrain réalisées aussi bien auprès de la paysannerie que d'autres acteurs sociaux locaux (agriculteurs "patronaux", néolatifundiaires, intermédiaires et responsables des conserveries de cœur de palmier, commerçants, etc.). Les principales activités non agricoles répertoriées concernent la transformation des produits agricoles et forestiers (notamment la transformation du manioc et de la banane, la cueillette et la transformation du cœur de palmier et les activités artisanales comme la construction de pirogues, de paniers, de balais), ainsi que le salariat (sous forme de travail journalier, de salariat permanent ou de travail à la tâche). Nous considérons que le large éventail d'activités non agricoles est étroitement lié à la forte instabilité qui caractérise le système agraire régional. Un système agraire marqué notamment, comme nous l'avons vu précédemment, par une problématique environnementale instable et par d'importantes difficultés de transport et de commercialisation de la production agricole. Ce contexte agraire rend l'accès à ces activités non agricoles très incertaines et aléatoires. Par ailleurs, la rémunération dégagée par ces activités est sujette à de sensibles fluctuations. Les effectifs de chaque type de système de production ont été estimés à partir d'une extrapolation. Tout d'abord, nous avons déterminé la distribution des différents types de systèmes de production dans chacune des sous-régions qui caractérisent la région d'étude. Pour cela, nous avons fait des relevés de terrain dans 5 localités distinctes et représentatives des différentes sous-régions. C'est à partir de ces relevés ainsi que des résultats des recensements IBGE (Institut Brésilien de Géographie et de Statistiques) de 1985 et 1991 et de la Mairie de Guaraqueçaba de 1992 (Botelho - 1993), que nous avons pu estimer la représentation des différents types des systèmes de production sur l'ensemble du littoral nord du Paraná. Nous avons ainsi pu distinguer 11 types distincts de systèmes de production rassemblés en 5 catégories sociales : néolatifundiaires, agriculteurs patronaux, manouvriers, paysans minifundistes, paysans "moyens". Les principales caractéristiques socio-économiques des différents systèmes de production rencontrés sur le littoral nord du Paraná sont représentées dans l'annexe 7. - Les systèmes de production des néolatifundiaires Ces exploitations appartiennent à des groupes économiques (commerciaux ou industriels) ou à des individus (notamment des professions libérales) extérieurs à la région qui sont venus s'installer dans les années 60/70 pour tirer profit du programme de développement des activités agroforestières mis en place par le gouvernement fédéral. Les néolatifundias représentent aujourd'hui environ 14% du nombre d'exploitations mais couvrent plus de 80% de la surface de la région (Enquêtes de terrain, 1989-1992 et IBGE, 1985). La superficie de ces néolatifundias varie énormément et certaines d'entre elles atteignent plusieurs milliers d'hectares. Dans la mesure où elles sont caractérisées par l'absentéisme du propriétaire, et c'est le cas dans la plupart de ces exploitations, la gestion en est assurée par un employé résidant sur place. Ainsi, les systèmes de production mis en oeuvre exigent rarement la présence du propriétaire : il s'agit de systèmes peu complexes, fondés sur un seul, parfois deux systèmes de culture ou d'élevage distincts. Soulignons par ailleurs l'absence d'activité agricole d'autoconsommation. Ces exploitations utilisent une main d'œuvre permanente, mais l'essentiel de la force de travail reste néanmoins journalière ou même à la tâche. Les quelques postes permanents sont ceux de gérant, de vacher et de gardien, qui reviennent le plus souvent à des travailleurs originaires d'autres régions du Paraná. Ceci s'explique par le fait que ces régions soumises à un fort processus d'émigration servent de réservoirs de main d'œuvre bon marché, tandis que la paysannerie locale ne trouve aucun avantage dans cette situation car elle arrive souvent à dégager, avec d'autres activités, une rémunération plus élevée. Par contre, le travail journalier ou à la tâche est surtout le fait de la petite paysannerie locale, et cela malgré le faible niveau de rémunération. Cette petite paysannerie y trouve en effet un moyen de compenser la baisse d'activité temporaire dans son exploitation, alors que les opportunités de travail non agricole sont rares. On distingue deux types de travail à la tâche, selon que les travaux sont réalisés en équipe ou individuellement. Le premier concerne les travaux agricoles qui exigent une importante mobilisation de main d'œuvre, comme c'est le cas pour le nettoyage des pâturages. Il est organisé par des paysans locaux qui constituent des équipes de journaliers, et se fonde le plus souvent sur des rapports de clientélisme avec le gérant ou le propriétaire des néolatifundias. Quant au travail à la tâche individuel, il est la norme pour la réalisation de travaux plus spécialisés et moins demandeurs de main d'œuvre, comme la réparation de clôtures. Tableau 16 - Rémunération moyenne des différentes formes de travail salarié sur le littoral nord du Paraná ACTIVITÉ Journalier A la tâche Rémunération en francs/actif/an (A) 3.500 6.000 Travail permanent (vacher) 5.000 (A) En considérant que les occasions se présentent tout au long de l'année. Source : Enquêtes de terrain 1991-92. Outre la possibilité de disposer d'une main d'œuvre à bon marché, le recours au travail journalier et à la tâche présente un avantage non négligeable pour les employeurs, dans la mesure où il n'est pas déclaré et n'est ainsi tributaire d'aucune charge sociale. Les systèmes de production mis en œuvre dans les néolatifundias ont été classés en 2 types distincts, IVA et IVD. Le système de production IVA est pratiqué dans environ 6% des exploitations de la région. Celles-ci ont une surface totale inférieure à 3.000 hectares et leur système de production est fondé sur l'élevage de buffles en plein air et, dans une moindre mesure, sur l'exploitation de boisements naturels de palmier éventuellement existants sur leurs exploitations. Plusieurs raisons permettent d'expliquer l'introduction de ce système de production sur le littoral nord du Paraná dans les années 70. Tout d'abord, ce système requérait alors des investissements de départ relativement faibles. Les frais d'implantation des pâturages étaient largement couverts par l'exploitation des ressources en bois (charbon de bois, bois de chauffe, etc.), le cheptel initial se limitait souvent à un petit nombre de reproducteurs et le développement de l'exploitation suivait l'accroissement naturel du cheptel de reproducteurs. L'élevage de buffles en plein air se caractérise également par le bas niveau des consommations intermédiaires (inférieures de moitié environ aux consommations intermédiaires dans le cas de bovins et de zébus), les buffles étant des animaux rustiques et mieux adaptés au climat humide et aux températures élevées. Enfin, ces exploitations sont le plus souvent situées dans la sous-région des plaines littorales et des bas-fonds et dans celle des vallées alluviales larges et se caractérisent donc par de vastes étendues de terres avec un mauvais drainage naturel. L'élevage de buffles en plein air permet de mettre en valeur ces terres tout en évitant de gros investissements en infrastructures de drainage et en équipements. Le capital fixe est composé d'un outillage manuel, de quelques bâtiments et d'installations pour le bétail (clôtures renforcées, parc et couloir de rétention, etc.). Dans ces systèmes d'élevage, les animaux restent en plein air toute l'année et leur alimentation est basée essentiellement sur la production fourragère des pâturages permanents. Les pâturages étant le plus souvent situés sur les plaines littorales et les fonds de vallée, leur entretien se limite au nettoyage manuel des refus et des herbacées indésirables. À l'exception des produits de prophylaxie sanitaire et d'un supplément minéral, aucun intrant d'origine extérieure n'est employé dans ces systèmes. Par ailleurs, aucune récupération des déjections n'est réalisée. Ce système de production se caractérise par deux systèmes distincts d'élevage de buffles en plein air. Le système d'élevage de buffles naisseurs est utilisé dans les néolatifundias d'une surface totale inférieure à 600 hectares. Il peut être géré par un simple vacher car les besoins en main d'œuvre fixe sont peu importants. Le système d'élevage de buffles naisseurs se caractérise par la nécessité de faibles investissements de départ ainsi que par un rapide retour économique. En effet, le rassemblement des animaux au sein d'un unique troupeau facilite la conduite de l'élevage et requiert de moindres investissements en clôtures. Ce système permet de dégager un surplus commercialisable dès la première année de production, car les broutards sont vendus à l'âge d'environ 8 mois à des éleveurs établis dans d'autres régions de l'État. C'est d'ailleurs pour ces raisons que ce système a été mis en place par un grand nombre de néolatifundias lors de leur implantation dans la région. Le système d'élevage de buffles naisseurs-engraisseurs est mis en œuvre dans les néolatifundias dont la surface totale de l'exploitation peut atteindre 3.000 hectares. Ce système d'élevage requiert la présence d'une main d'œuvre fixe composée d'un gérant et des quelques vachers. Le bétail est regroupé en plusieurs troupeaux selon la catégorie des animaux. Les bœufs et les animaux de réforme sont vendus directement à des abattoirs industriels ou abattus sur place pour être vendus à des commerçants des environs. Tableau 17 - Le mode d'exploitation du milieu mis en place par néolatifundias VA Surface agricole utile (hectares) Mode d'exploitation du milieu - Élevage buffles Naisseur/ Engraisseur en plein air (N/E) 70 à 700 Source : Enquêtes de terrain, 1991-92. Outre une main d'œuvre salariée fixe (vacher et éventuellement gérant), il est fait appel à de la main d'œuvre journalière ou embauchée à la tâche pour la plupart des travaux (notamment le nettoyage des pâturages et l'entretien des clôtures). En effet, ces travaux ne sont pas réalisés à période fixe et peuvent attendre les époques de l'année où la main d'œuvre journalière est plus disponible et donc moins coûteuse. Quel que soit le système d'élevage mis en œuvre, le système de production VA se caractérise par une mobilisation de main d'œuvre relativement peu nombreuse (1 actif pour environ 30 hectares de pâturage) et dégage une très faible productivité de la terre (entre 160 et 260 francs par hectare). D'après les enquêtes de terrain, nous avons pu estimer que les néolatifundias qui utilisent ce système de production emploient entre 2 et 20 actifs par exploitation avec une productivité du travail variant entre 3.500 et 7.300 francs par actif. Outre ces faibles performances techniques et économiques, les néolatifundias VA sont aujourd'hui fortement compromis par la mise en place de la politique environnementale dans la région. Parmi les nombreuses mesures instaurées, citons l'interdiction d'agrandir les pâturages et, par conséquent, l'impossible développement des élevages de buffles. La majorité des néolatifundias possèdent des installations et des infrastructures de production surdimensionnées par rapport à leur taille réelle. Ce constat a été confirmé par les enquêtes de terrain : plus de 80% des néolatifundias du type VA consacrent moins de la moitié de la surface totale de leurs exploitations en pâturages ou prairies. En outre, seul un quart des néolatifundias exploitent sporadiquement les boisements naturels de palmier Euterpe edulis existants sur leurs exploitations. Ces exploitations sont aujourd'hui en déclin et même le plus souvent dans état de délabrement. L'entretien des équipements et des infrastructures de production n'est plus assuré dans de nombreux cas et les pâturages sont laissés à l'abandon. Nous avons d'ailleurs pu constater lors des enquêtes de terrain qu'aucun investissement récent n'avait été réalisé dans ces exploitations et que la plupart de ces néolatifundias étaient constamment mis en vente. Ainsi en 1992, dans les localités de Tagaçaba et de Putinga, plus de 50% des néolatifundias d'élevage de buffles enquêté étaient à vendre ou avaient changé récemment de propriétaire (Enquêtes de terrain, 1992). L'analyse de la modélisation des résultats économiques dégagés par ce système de production nous a permis de comprendre le comportement des propriétaires de ces néolatifundias (voir à ce propos l'item 1.2.). Le système de production V.B. est présent dans 7% des exploitations. Avec une surface totale supérieure à 400 hectares, ces exploitations couvrent l'essentiel de la superficie de la région49. Ce système de production est fondé exclusivement sur l'exploitation du cœur de palmier Euterpe edulis. Plusieurs raisons nous permettent d'expliquer le choix en faveur de ce système de production. Euterpe edulis est une espèce endémique de la forêt ombrophile dense mais pousse également sous le couvert d'une végétation arborée secondaire. Le plus souvent, les ressources en palmier présentes dans ces néolatifundias ont pour origine des peuplements naturels, mais l'on y trouve également des reboisements réalisés dans le cadre du programme de développement de l'agroforesterie des années 60/70. Enfin, ces exploitations sont localisées dans la sous-région des plaines littorales et des bas-fonds et dans la sous-région montagneuse, et sont pour la plupart couvertes par une végétation arborée composée de forêts primaires et secondaires. Le capital fixe y est le moins élevé parmi les néolatifundias et se restreint à un outillage manuel et à quelques maisons pour les employés. 49 D'ailleurs, nous avons pu rencontrer deux néolatifundias dont les surfaces totales dépassaient largement une dizaine de milliers d'hectares : "Agroflorestal INVESTI" (appartenant à la conserverie industrielle de cœur de palmier GUAM) et "SECOMIL" (appartenant à l'industrie de transformation du bois "Madezzatti"). Tableau 18 - Le mode d'exploitation du milieu mis en œuvre par néolatifundias VB Surface agricole utile (hectares) Mode d'exploitation du milieu - Exploitation du cœur de palmier (sous couvert arboré) 400 à 1700 Source : Enquêtes de terrain, 1991-92. Ces exploitations utilisent exclusivement de salariés fixes (gardiens et parfois un gérant) et demandent très peu de main d'œuvre. Ce système de production se caractérise par une productivité du travail très importante et par une très faible productivité de la terre. Nous avons pu estimer qu'un actif peut à lui seul s'occuper de 400 à 600 hectares de surfaces forestières et que la productivité de la terre est de l'ordre de 20 à 30 francs par hectare. Les besoins en main d'œuvre de ces néolatifundias varient de 1 à 3 salariés fixes qui dégagent une productivité du travail comprise entre 11.000 et 19.000 francs par actif. Plusieurs phénomènes expliquent cette situation. En premier lieu, l'exploitation du cœur de palmier n'implique aucune pointe de travail particulière dans la mesure où les travaux se limitent à la surveillance périodique contre la cueillette clandestine des cœurs de palmier. Les consommations intermédiaires sont pratiquement nulles, le palmier ne demandant aucun intrant et la cueillette pouvant être réalisée à n'importe quel moment de l'année. En outre, l'épuisement des ressources en palmier dans la région sud du Brésil a transformé le cœur de palmier en une matière première rare, et par conséquent fortement valorisée par les conserveries industrielles. En 1992, le prix de commercialisation du cœur de palmier in natura atteignait environ 5 francs par kilogramme dans la région (Enquête de terrain, 1992). Quant aux fortes variations de rendements (de 4,5 à 9 kg par hectare et par an), elles sont en large partie déterminées par la pression exercée sur les peuplements de palmier. La surexploitation de cette ressource induite par la cueillette généralisée de palmiers juvéniles et de matrices en réduit considérablement la régénération. Les peuplements de palmiers soumis à une surexploitation présentent par conséquent les rendements les plus faibles. D'une manière générale, les néolatifundias dont la tenure foncière est précaire et non reconnue juridiquement, réalisent la cueillette à blanc des palmiers âgés de plus de 4 ou 5 ans. La surexploitation de la ressource vise à dégager des bénéfices au plus court terme possible. Par contre, les néolatifundias disposant d'une situation foncière reconnue juridiquement ne réalisent la cueillette que lorsque les palmiers atteignent plus de 8 ans d'âge. Outre une abondante régénération des palmeraies, ils parviennent à dégager à long terme des rendements presque deux fois plus importants. Signalons également que contrairement au précédent, le système de production VA n'a pas été directement concerné par les mesures instaurées dans le cadre de la politique environnementale qui n'y remet pas en question l'exploitation du palmier (voir annexe 7). - Le système de production des agriculteurs patronaux Les agriculteurs patronaux sont à l'origine des producteurs maraîchers originaires de la ceinture maraîchère de la ville de Curitiba. Leur implantation sur le littoral nord du Paraná est récente puisqu'elle remonte au milieu des années 80. Comme nous avons pu le voir précédemment, leur présence dans la région s'explique notamment par un manque de nouvelles surfaces agricoles dans les ceintures maraîchères plus anciennes ainsi que par la mise en place d'un programme gouvernemental d'incitation au développement des activités de maraîchage sur le littoral du Paraná. En effet, la mise en place de ce système de production implique de très lourds investissements : à lui seul, le capital fixe des exploitants patronaux varie entre 300.000 et 500.000 francs par exploitation. Ce capital est constitué d'un ou plusieurs motoculteurs, d'un tracteur, d'équipements d'irrigation, d'un hangar, d'installations de palissage et d'un camion. Ces agriculteurs représentent aujourd'hui à peine 1% des exploitants de la région et disposent d'une surface agricole totale comprise entre 8 et 20 hectares. Leur faible représentation dans la région tient à plusieurs phénomènes. Tout d'abord, la mise en œuvre de ce système de production ne peut se faire que dans les localités desservies par des routes goudronnées, puisque son développement dépend directement des conditions de commercialisation et de transport de la production. En effet, la presque totalité de la production est commercialisée sur le marché de gros de l'État du Paraná ou par des intermédiaires installés dans la région. Par conséquent, le transport de la production doit être possible à n'importe quelle période de l'année et sans aucune détérioration. Aujourd'hui encore, seule la localité de Cachoeira est desservie par une route goudronnée. Les agriculteurs patronaux comptent parmi les rares exploitants de la région à avoir accès au crédit bancaire car ils disposent des garanties exigées par les banques, notamment en terme de biens matériels et fonciers. En effet, la plupart d'entre eux étaient déjà producteurs maraîchers dans la ceinture maraîchère de Curitiba, une activité qui leur a permis d'accumuler les fonds propres nécessaires. Soulignons que ces disponibilités financières et patrimoniales ont servi de contrepartie à l'obtention de subventions gouvernementales dans le cadre des programmes de développement développés dans la région. Ce système de production se caractérise par des systèmes de culture fondés sur les cultures maraîchères, la culture du gingembre et celle du chayotte/fruit de la passion. Ces systèmes de culture nécessitent une intense préparation du sol (avec motoculteur et charrue), une importante utilisation d'intrants d'origine externe et s'appuient sur un mode de reproduction de la fertilité fondé exclusivement sur l'utilisation d'engrais chimiques et organiques (notamment la fumure de volaille). Les parcelles cultivées sont concentrées sur les terrasses alluviales. Malgré un bon drainage naturel, elles doivent être préalablement aménagées par l'installation d'un réseau de drainage et la construction de pistes secondaires. Tableau 19 - Les principaux systèmes de culture mis en œuvre par les agriculteurs patronaux sur les terrasses alluviales Système de culture Surface agricole utile par actif familial (ha/ actif) < 0,5 - Cultures maraîchères (travail du sol / intrants externes), en succession culture du taro ou du maïs ou du manioc ou friche 4 mois - Culture du gingembre (travail du sol / intrants externes), en succession cultures maraîchères ou culture du taro - Culture du chayotte ou du fruit de la passion (travail du sol / intrants externes) < 1,7 - Jardin de case < 2,0 < 0,7 Source : Enquêtes de terrain, 1991-92. Le système de culture de maraîchage avec en succession la culture du manioc ou de cultures annuelles se caractérise par l'emploi d'intrants externes (engrais chimiques, organiques et produits phytosanitaires) pour les seules cultures maraîchères. Celles-ci se concentrent notamment en contre-saison c'est-à-dire d'avril à octobre. C'est d'ailleurs pour cette raison que la principale pointe de travail a lieu à cette époque de l'année : en raison du cycle très court des cultures maraîchères, la récolte s'étale tout au long de cette période. En outre, les conditions climatiques et en particulier l'intense évapotranspiration pendant la période estivale, limitent considérablement les activités maraîchères et c'est hors-saison que les cours des produits maraîchers sont les plus élevés sur le marché de gros car les autres régions maraîchères, localisées sur la région de plateau, subissent de fortes gelées en période hivernale. Par contre, les cultures en succession se concentrent notamment pendant la période estivale. Entre autres avantages, soulignons que les cultures en succession assurent une protection contre les importantes pluies estivales et permettent de réduire les problèmes phytosanitaires qui touchent les cultures maraîchères. En outre, ce système de culture permet aux cultures en succession de récupérer les apports fertilisants résiduels des cultures maraîchères. Le système de culture du gingembre suivie en succession par la culture du taro ou des cultures maraîchères a été mis en œuvre il y a quelques années suite au développement de la culture du gingembre dans la région. Le gingembre doit être cultivé en rotation avec les cultures maraîchères, ou avec le taro, pour des raisons phytosanitaires et notamment pour contrôler la dissémination d'insectes et de pourritures. Ce système de culture se caractérise par de très importants investissements de campagne, et cela pour une période très longue. Les cultures du gingembre et du taro ont un cycle de 6 à 10 mois et la saison maraîchère s'étale sur environ 7 à 10 mois. La principale pointe de travail dans ce système de culture se produit entre juin et août, période à la fois de la récolte du gingembre et des cultures maraîchères. En ce qui concerne le système de culture du chayotte et du fruit de la passion, il se caractérise par des consommations intermédiaires et des investissements en équipements qui comptent parmi les plus élevés dans l'ensemble des systèmes de culture mis en œuvre sur le littoral nord du Paraná. Outre les équipements destinés au travail du sol et au transport de la production (motoculteur, tracteur avec remorque), ce système de culture nécessite des installations de palissage très coûteuses, que nous avons estimées à environ 30.000 francs par hectare. Ce système de culture se caractérise également par la souplesse du calendrier agricole et par l'absence d'une véritable période de pointe de travail : les herbes adventices sont contrôlées périodiquement par un travail superficiel du sol à l'aide du motoculteur et par l'emploi d'herbicides, et la préparation des parcelles et le repiquage des jeunes plants sont possibles pendant une longue période. La récolte s'étale sur presque toute l'année. Comme pour les cultures maraîchères, les cours du chayotte sur le marché de gros atteignent leurs plus hauts niveaux en contre-saison. C'est d'ailleurs pour cette raison, et pour augmenter les rendements du chayotte, que la fertilisation chimique a lieu à cette période de l'année. La culture du fruit de la passion n'est possible que sur le littoral en raison du climat plus clément et sans gelées. Contrairement au chayotte, les cours sur le marché de gros du fruit de la passion sont plus élevés pendant la période estivale en raison d'une importante augmentation de la demande à cette période de l'année (notamment pour la réalisation de boissons rafraîchissantes). De même que pour la culture du chayotte, la fertilisation chimique est concentrée sur cette période de l'année. Ces deux cultures sont cultivées en rotation pour des raisons essentiellement phytosanitaires, notamment pour éviter les maladies virales et fongiques. Cette rotation intervient après 2 à 3 ans de culture. Aussitôt après l'arrachage des anciens plants et un intense travail du sol, la parcelle est replantée avec des jeunes plants. La diversification des activités agricoles revêt un véritable intérêt pour ces agriculteurs. En effet, le développement de l'ensemble de ces activités agricoles permet l'utilisation d'équipements et d'installations durant pratiquement toute l'année, les besoins en main d'œuvre sont repartis sur une période plus longue et les risques liés aux variations de prix et aux aléas climatiques se trouvent sensiblement diminués. Par ailleurs, certains agriculteurs possèdent des parcelles avec des cultures maraîchères en association avec des paysans minifundistes. Ces contrats de métayage permettent aux agriculteurs patronaux de maximiser l'utilisation de l'équipement (aussi bien agricole que de transport de la production), tout en réduisant leurs besoins en main d'œuvre journalière, notamment lors de la période de récolte. Malgré une importante disponibilité en capitaux propres et l'accès au crédit bancaire, seule une partie des agriculteurs patronaux parviennent à développer à la fois les cultures maraîchères, du chayotte, du fruit de la passion et du gingembre. Outre des besoins accrus en équipements et en installations, le développement de l'ensemble de ces activités nécessite une augmentation considérable des investissements de campagne et cela au cours d'une très longue période. Par rapport aux cultures maraîchères, les investissements de campagne indispensables pour les cultures du chayotte, du fruit de la passion et du gingembre sont environ 2 fois plus élevés et peuvent s'étaler sur une période de plus de 8 mois. Ce système de production se caractérise également par la très faible importance des activités agricoles à vocation vivrière. Celles-ci se limitent à un jardin de case, à la culture du maïs et à une basse cour. La basse cour ne compte que quelques volailles et parfois quelques porcs à engrais. L'élevage de ces porcins permet de valoriser la production de maïs et les résidus et les pertes de produits maraîchers. Les installations se réduisent à des petites porcheries en bois, les animaux restant parqués pendant toute la période d'engraissement. Les porcelets sont achetés à des éleveurs des environs pour être engraissés pendant une période dépassant souvent une année. Les animaux sont abattus localement et la viande est destinée à l'autoconsommation. Les agriculteurs patronaux destinent la presque totalité de leur production agricole au marché qui est commercialisée par des intermédiaires implantés sur le marché de gros de l'État. Seule la production de gingembre de meilleure qualité est commercialisée par des intermédiaires spécialisés dans l'exportation. Par conséquent, contrairement aux cultures maraîchères et à la culture du taro qui sont confrontées à d'importantes variations de cours sur le marché régional, le prix du gingembre est relativement stable et les débouchés sont garantis dans la mesure où les prix de commercialisation sont fixés par le marché international. Les intermédiaires se chargent de la préparation, du conditionnement et de l'expédition du produit. Ces exportateurs jouent également un rôle significatif dans le financement de cette culture. Dans de nombreux cas, ils financent des agriculteurs à court d'argent ou qui ne peuvent pas accéder au crédit bancaire, se garantissant ainsi l'exclusivité de la commercialisation de leur production de gingembre destinée à l'exportation. En raison des difficultés de transport de la production vers le marché de gros, la plupart des agriculteurs patronaux disposent d'un camion qui leur permet également de se ravitailler à moindre prix auprès des détaillants d'intrants agricoles établis aux alentours de Curitiba. Ces contacts leur donnent la possibilité de suivre les cours sur le marché de gros et leurs tendances. Souvent, et en particulier pendant la période estivale lorsque la production est sensiblement moindre, ils regroupent leur production et en assurent le transport à tout de rôle. D'après les enquêtes réalisées, le système de production mis en œuvre par les agriculteurs patronaux permet à chaque actif familial de s'occuper de 2,5 à 4 hectares, tout en demeurent très dépendants de la main d'œuvre externe. Nous avons pu estimer les besoins en main d'œuvre externe de ces agriculteurs entre 4 et 15 actifs, soit 40 à 90% de la force de travail utilisée dans leurs exploitations. La plupart des besoins en main d'œuvre sont couverts par l'emploi de journaliers, pour la plupart des paysans manouvriers et minifundistes des environs. En raison de sa faible rémunération, la petite paysannerie se consacre à cette activité lorsque les travaux agricoles dans ses exploitations sont moins importants et que les opportunités de travail dans d'autres activités non agricoles sont rares. Comme pour les néolatifundias, le recours au travail journalier présente un intérêt important pour les employeurs : il n'est pas déclaré et n'est donc tributaire d'aucune charge sociale. Les exploitants qui se consacrent davantage à la culture du gingembre et du chayotte/fruit de la passion ont besoin d'une main d'œuvre stable et relativement nombreuse toute l'année et doivent par conséquent employer des salariés fixes. La plupart de ces postes de travail sont occupés par des travailleurs originaires d'autres régions, car ils sont souvent inaccessibles pour la paysannerie locale. Ils nécessitent le plus souvent une formation technique ou une certaine expérience dans le machinisme et dans la gestion agricoles, une exigence qui écartent souvent les paysans locaux au profit d'individus étrangers à la région. C'est d'ailleurs grâce à cette importante mobilisation de main d'œuvre externe peu coûteuse et à la mise en œuvre de systèmes de culture dégageant une valeur ajoutée brute à l'hectare très importante (entre 10.000 et 22.000 francs par hectare SAU), que ce système de production présente les productivités du travail et de la terre les plus élevées parmi les systèmes de production étudiés, soit respectivement de 20.000 à 45.000 francs par actif familial et de 8.000 à 12.000 francs par hectare. - Les systèmes de production des paysans manouvriers Les manouvriers représentent la catégorie sociale la plus répandue dans la région étudiée, avec environ 37% du total des exploitants agricoles. Ils s'agit essentiellement d'anciens petits paysans locaux, et éventuellement de manouvriers récemment arrivés dans la région. Les premiers ont été prolétarisés lors de l'implantation des néolatifundias à partir de la fin des années 60 et leur importante représentation s'explique sans doute par l'ampleur de ce phénomène sur le littoral nord du Paraná (cf. chapitre 2). Quant aux manouvriers récemment arrivés dans la région, ils sont venus d'autres régions maraîchères de l'État du Paraná, attirés par les opportunités de travail créées par le développement des cultures maraîchères, du gingembre et du chayotte depuis la fin des années 80. La distribution des manouvriers sur l'ensemble de la région est très variable. Ces individus se concentrent principalement dans les localités les mieux desservies par les voies de communication terrestres en raison notamment de l'importance des néolatifundias fondés sur l'élevage de buffles qui y sont implantés. Pour pouvoir disposer d'une main d'œuvre nombreuse et bon marché, les propriétaires de ces néolatifundias ont incité les petits paysans à y demeurer en leur permettant d'exploiter des petits lopins de terres le long des routes et des pistes. À titre d'exemple, dans la sous-région des plaines littorales et des bas-fonds où l'accaparement du foncier par les néolatifundias d'élevage de buffles a été le plus important, la catégorie des manouvriers représente plus de 40% des exploitations de ces sous-régions. En revanche, ils représentent moins de 20% des exploitants dans les villages localisés dans la sous-région des vallées alluviales étroites où les néolatifundias fondés sur l'exploitation du palmier sont prédominants (Enquêtes de terrain, 1992). La superficie des lopins de terre que les manouvriers sont parvenus à conserver varie entre 0,2 et 2,4 hectare par actif familial. On distingue 2 types de systèmes de production parmi les paysans manouvriers, à savoir les types IA et IB. Les manouvriers du type IA se caractérisent par la possession d'un petit outillage manuel, auquel s'ajoute parfois un petit atelier manuel de farine de manioc. La surface agricole des exploitations est inférieure à 0,4 hectare par actif familial et est concentrée sur les terrasses alluviales. Ces faibles surfaces agricoles sont occupées en large partie par un jardin de case planté de bananiers, de plantains, de caféiers, d'avocatiers, d'orangers ainsi que par la culture de quelques tubercules (manioc, taro, etc.). Ces derniers sont cultivés en permanence après une préparation superficielle du sol à la houe. Les apports fertilisants apportés au jardin de case se limitent aux résidus ménagers et de l'élevage de basse-cour (quelques volailles). Toutes les activités agricoles de ces manouvriers ont une vocation exclusivement vivrière. La productivité du travail dégagée par ce système de production est estimée à moins de 500 francs par actif familial et la productivité de la terre à moins de 1.400 francs par hectare. Outre les équipements du type IA, les manouvriers du type IB disposent parfois d'un atelier semi-motorisé de farine de manioc. Les surfaces agricoles des manouvriers du type IB sont très restreintes. Elles varient entre 1,2 et 2,4 hectares par actif familial répartis inégalement sur plusieurs unités de milieu naturel. Le choix des systèmes de culture mis en œuvre par ces manouvriers est en large partie déterminé par les faibles surfaces agricoles dont ils disposent. Tableau 20 - Principaux systèmes de culture mis en œuvre par les paysans manouvriers IB sur les terrasses alluviales Système de culture Surface agricole utile par actif familial (ha/ actif) < 0,6 - Culture du manioc associé ou non au haricot noir (avec le système de défriche-brûlis), en succession culture du manioc suivie par l'abandon au recrû (durée de 2 à 4 ans) < 0,9 - Jardin de case Source : Enquêtes de terrain, 1991-92. Outre le jardin de case (semblable à celui rencontré dans le type IA), les terrasses alluviales sont cultivées uniquement avec du manioc associé au haricot avec le système de défriche-brûlis (avec une durée des recrûs inférieure à 4 ans). Ce système de culture se caractérise par la culture du manioc (associée ou non à celle du haricot) dès la première année en tête de rotation, suivie parfois en succession d'un deuxième cycle de culture avec du manioc. Dans ce système, lors de la mise en culture en succession, les parcelles sont travaillées superficiellement à la houe. Par ailleurs, nous avons souvent observé la réalisation d'une préparation superficielle du sol à la houe suite à l'opération de défriche-brûlis et cela dès le premier cycle de culture. Cette pratique vise à ralentir le développement initial des herbes adventices et à réduire ainsi le sarclage pendant les premiers mois de culture. En effet, la durée des recrûs permet un contrôle peu efficace des herbes adventices et une accumulation en biomasse végétale relativement peu importante. La reproduction de la fertilité est assurée par le développement du recrû herbacé/ arbustif auquel s'ajoutent, pour les parcelles localisées sur les versants des montagnes, des apports colluviaux. Les cultures du manioc et du haricot s'avèrent les plus adaptées à ces conditions de culture peu favorables : l'écartement entre les plants facilite le sarclage à la houe, le manioc est une culture bisannuelle avec un système racinaire assez performant dans le pompage des éléments minéraux et le haricot est une légumineuse qui fixe l'azote. En outre, ce système de culture se caractérise par une valeur ajoutée brute par actif relativement élevée, tout en demandant une surface agricole totale par actif restreinte et des consommations intermédiaires réduites voire nulles. Les cultures du manioc et du haricot permettent également une grande souplesse d'utilisation de la main d'œuvre, car les travaux agricoles se répartissent tout au long de l'année sans véritables pointes de travail. La principale période de surcharge de travail se situe lors de la récolte du haricot, celle-ci intervenant pendant l'été (de novembre à mai), c'est-à-dire au cours d'une période de forte pluviométrie. S'il exige un important investissement en travail, le sarclage du haricot ne constitue cependant pas une véritable pointe de travail car en dehors des premiers mois de la culture, le sarclage n'a pas de période fixe. Quant au manioc, il supporte assez bien la concurrence épisodique des herbes adventices en raison de son port élevé et de son système racinaire profond et développé. Tableau 21 - Le principal système de culture mis en œuvre par les paysans manouvriers IB sur les versants de montagnes Système de culture - Culture du manioc associé ou non au haricot noir (avec le système de défriche-brûlis) suivie par l'abandon au recrû (durée de 3 ans) Surface agricole utile par actif familial (ha/actif) < 0,8 Source : Enquêtes de terrain, 1991-92. Les quelques parcelles disponibles sur les versants de montagnes sont cultivées avec un système de culture semblable à celui rencontré sur les terrasses alluviales. En raison des difficultés rencontrées dans le transport de la production et dans l'accès aux parcelles, le manioc n'est pas cultivé en succession sur les versants de montagnes, mais sur les parcelles situées sur les terrasses alluviales, plus accessibles et moins éloignées des ateliers de transformation de manioc. En dehors des terrasses alluviales et des versants de montagnes, les manouvriers du type IB exploitent parfois des surfaces agricoles sur d'autres unités de milieu naturel. La majorité d'entre eux disposent de petites parcelles sur les plaines d'épandage de crues d'une surface agricole inférieure à 1,3 hectare par actif familial. Selon la durée des inondations, ces parcelles sont cultivées avec la culture de la banane ou du maïs. Tableau 22 - Les principaux systèmes de culture mis en œuvre par les paysans manouvriers IB sur les plaines d'épandage de crues Système de culture - Culture permanente de la banane - Culture du maïs (avec le système de défriche-brûlis) suivie par l'abandon au recrû (durée d'environ 3 ans) Surface agricole utile par actif familial (ha/actif) < 0,7 < 0,6 Source : Enquêtes de terrain, 1991-92. Le système de culture de la banane pratiqué sur les plaines d'épandage des crues mérite à plusieurs égards une analyse approfondie. Là, l'importance des apports fertilisants alluvionnaux permet la culture permanente de la banane sans l'utilisation d'intrants externes. Une situation que l'entretien d'un tapis herbacé dans les bananeraies pour assurer une couverture des sols tout au long de l'année contribue à renforcer. En effet, cette pratique permet non seulement de réduire les pertes en éléments fertilisants par lessivage, mais assure de plus une protection assez efficace contre le potentiel érosif des crues d'été et des pluies. C'est d'ailleurs pour cela que ce système de culture se caractérise par de sensibles variations de rendements : nous avons pu observer des rendements moyens compris entre 6 et 15 tonnes par hectare. Ces variations sont étroitement liées à la quantité d'apports alluviaux déposés par les crues d'été. Les enquêtes de terrain ont montré que les plaines d'épandage de crues localisées dans la sous-région des vallées étroites reçoivent davantage d'apports alluvionnaux que celles localisées dans la sousrégion des vallées larges. Mais l'importance des apports alluvionnaux n'est pas la seule cause de la variation des rendements des bananeraies sur le littoral nord du Paraná. L'âge moyen des plantations doit lui aussi être pris en considération car les problèmes phytosanitaires s'intensifient avec le vieillissement des bananeraies (notamment avec la maladie de Sigatoka "Mycosphaerella musicola, LEACH" mais surtout avec l'infestation des souches par le charançon du bananier "Cosmopolites sordidus"). Cette situation se répercute également sur l'aspect et sur l'homogénéité de la production des bananeraies. De ce fait, la production est classée en deuxième catégorie et est pénalisée par un prix de commercialisation nettement plus bas. Nous avons pu estimer que le prix de commercialisation de la banane de deuxième catégorie auprès des détaillants installés sur le marché de gros est inférieur d'environ 30 à 40% à celui de la première catégorie. Le système de culture de la banane se caractérise par un calendrier de travail très souple et par une demande en main d'œuvre relativement constante sur l'année. Les travaux d'entretien des bananeraies n'ont pratiquement pas de période fixe et peuvent être réalisés même pendant la saison des pluies (replantation de souches, contrôle d'adventices). La récolte et le transport de la production vers les points d'embarquement sont les principales contraintes de la culture de la banane, même si la récolte n'a lieu qu'une à deux fois par mois. En effet, peu de pistes secondaires traversent les plantations et le transport des régimes est souvent réalisé par pirogue, parfois même à dos d'homme, une situation qui entraîne une baisse de la productivité du travail dans les bananeraies et une dépréciation des fruits due aux chocs et aux impacts subis par les régimes pendant le transport. La récolte et le transport de la banane vers les points d'embarquement occupent plus de 25% de la force de travail nécessaire à l'exploitation d'une bananeraie. Le système de culture du maïs est pratiqué notamment sur les plaines d'épandage de crues soumises à des inondations d'une durée plus longue qui limitent l'utilisation de ces plaines à cette seule culture (seul le maïs peut être semé précocement et récolté avant même la période des crues). Ce système est caractérisé par un seul cycle de culture suivi aussitôt d'un recrû d'une durée d'environ 3 ans. L'abandon de la parcelle après un cycle de culture s'avère indispensable en raison de l'important développement des herbes adventices, notamment des graminées, que les opérations de sarclage manuel pendant la culture du maïs ne parviennent pas à contrôler suffisamment pour permettre un deuxième cycle de culture en succession. Ce système de culture se caractérise également par d'importantes variations de rendements (entre 0,5 et 1,3 tonne par hectare) en fonction de la quantité d'apports alluvionnaux déposés par les crues d'été et de la qualité du matériel génétique. Nous avons souvent pu observer l'emploi de semences de maïs d'origine hybride pendant plusieurs années consécutives. Ce système de culture n'utilisant aucun intrant externe et les travaux agricoles étant essentiellement manuels, les consommations intermédiaires se limitent à l'achat des semences. Le calendrier de travail est relativement souple et la principale pointe de travail intervient lors de la préparation des parcelles, entre juin et août. Enfin, ces paysans disposent de quelques parcelles localisées sur les basfonds et les plaines littorales. Ces parcelles sont utilisées uniquement pour la culture du riz pluvial avec le système de défriche-brûlis, celle-ci étant en effet la seule activité agricole dont les manouvriers disposent afin de mettre en valeur cette unité de milieu naturel. Tableau 23 - Principal système de culture mis en œuvre par les paysans manouvriers IB sur les bas-fonds et les plaines littorales Système de culture Surface agricole utile par actif familial (ha/actif) - Culture du riz pluvial (avec le système de défriche-brûlis) suivie par l'abandon au recrû (durée de 3 à 5 ans) < 0,3 Source: Enquêtes de terrain, 1991-92. Ces unités de milieu naturel ne sont jamais inondées par les crues d'été mais le drainage naturel y est insuffisant en raison de la nappe phréatique qui demeure superficielle pendant presque toute l'année, à l'exception de quelques mois d'hiver et en particulier notamment de juillet à septembre. La culture du riz pluvial est possible car le semis est réalisé au moment de l'abaissement de la nappe phréatique, pendant la période hivernale. Ce système de culture se caractérise par un seul cycle de culture avant l'abandon de la parcelle au recrû (d'une durée de 3 à 5 ans), car les herbes adventices ne peuvent être suffisamment contrôlées. En effet, l'écartement utilisé pour la culture du riz rend le sarclage à la houe impossible et le désherbage à la machette peu efficace dans le contrôle des adventices. Le contrôle chimique de ces dernières exige d'importantes dépenses (pulvérisateur manuel, herbicides) que ces manouvriers ne sont pas en mesure d'engager. Ce système de culture est confronté à une importante pointe de travail au moment de la récolte. La récolte a une très faible productivité du travail (les panicules sont récoltées manuellement à l'aide d'un couteau) et coïncide avec une période de pluviométrie très élevée (de février à mai). Autant de contraintes qui font de cette culture une activité à haut risque en raison des importantes possibilités de pertes de la production. D'une manière générale, et bien que les contraintes qui pèsent sur les activités agricoles soient considérables, celles-ci permettent aux manouvriers IB d'assurer une partie de leurs besoins d'autoconsommation et de dégager éventuellement un petit surplus en banane et en manioc. C'est d'ailleurs ce surplus qui permet aux manouvriers du type IB d'engraisser un porcin. Ils disposent pour cela d'une petite porcherie en bois très rustique construite avec des matériaux récoltés localement. Le porcin est souvent engraissé pendant plus d'une année, car l'alimentation des animaux est déséquilibrée et peu variée. Les porcins sont abattus sur place et la viande est essentiellement destinée à l'autoconsommation. L'engraissement d'un porcin permet de valoriser des produits agricoles locaux comme la production de bananes non commercialisée (soit en raison de leur mauvaise qualité soit faute d'acquéreur), et les résidus de la transformation du manioc en farine. Les investissements nécessaires dans ce système d'élevage se limitent à l'achat d'un porcelet et à la construction de la porcherie. Réalisé à petite échelle, l'élevage porcin permet par ailleurs de valoriser les temps morts. Malgré la possibilité de pouvoir réaliser plusieurs activités agricoles à la fois, dont certaines avec une valeur ajoutée à l'hectare plus élevée (comme c'est le cas pour la culture de la banane), la productivité de la terre dans ce système de production demeure très modeste avec à peine 1.200 francs à l'hectare. La productivité du travail n'est guère plus importante et elle est inférieure à 2.400 francs par actif familial. Qu'ils soient du type IA ou IB, les manouvriers ne parviennent pas à assurer la survie de leurs familles par leurs seules activités agricoles. Ils sont donc contraints de vendre jusqu'à 70% de leur force de travail familial dans des activités non agricoles, qui fournissent entre 50 et 90% de leur revenu total. Un taux de dépendance qui tend à accentuer l'instabilité de cette catégorie sociale. Ces activités non agricoles requièrent un équipement peu spécialisé et souvent manuel. Il s'agit essentiellement de la cueillette du cœur de palmier et de sa conservation artisanale, du salariat agricole, de la transformation du manioc en farine et de certaines activités secondaires (pêche, artisanat, etc.). En effet, la plupart de ces activités sont intermittentes car soumises à de fortes variations saisonnières ou à de contraintes externes. D'autre part, cette dépendance incite les manouvriers à développer davantage certaines activités mieux rémunérées, mais caractérisées par une forte instabilité. C'est seulement lorsque celles-ci s'avèrent impraticables qu'ils décident de s'engager des activités non agricoles moins rémunératrices. La cueillette et la transformation du cœur de palmier Euterpe edulis est sans doute l'activité non agricole la plus recherchée par les manouvriers du littoral nord du Paraná. Parmi les activités non agricoles accessibles aux manouvriers, ce sont elles en effet qui dégagent la rémunération du travail la plus élevée, une situation qui s'explique par certaines particularités du marché, par l'organisation de cette activité au niveau régional et par la réglementation de l'exploitation du cœur du palmier. A propos de l'organisation de la filière du cœur du palmier sur le littoral nord du Paraná voir la figure 23. Soulignons tout d'abord que le cœur de palmier Euterpe edulis, une ressource naturelle abondante dans la forêt atlantique brésilienne et en libre accès jusqu'à la fin des années 60, est devenu au fil des années rare et très valorisé sur le marché brésilien. Des spécificités propres à la nature de cette ressource ont contribué à cela. Outre qu'il présente de très faibles rendements, le palmier Euterpe edulis possède des caractéristiques bio-physiologiques qui rendent la pérennité de son exploitation extrêmement difficile. Sa croissance est très lente sous couvert arboré (7 à 10 ans pour atteindre l'âge adulte), sa période de reproduction est tardive et cette plante présente un unique rejet. Fig ur e 2 3 - F ili èr e d u cœ u r d e p a lm ie r su r l e li t t o ra l N o r d d u Pa ra n á Boi se m en t s d e p a lm i e r so u s c o u v e rt a rb o ré : -n at u re ls -re b o is e me n t s Cue i llet t e ( c o up eu rs sou s c on t ra t a v ec u n e c o n se rv e r ie o u in d é p e n da n t s ) e t t ra ns p o r t d e la p rod u ct io n ( à d o s d 'h o mm e , p a r p irog ue o u p a r mu le t ) Ram a ss a ge d e la p r od u c t io n d e s c o u pe u r s e t t ran s p o r t M ise en c o n s e rv e ass u ré p ar u n int e rm é d ia r e " g a t o " ( ba t ea u / c am io n ) c la nd e s t in e M ise e n c o n s erv e d a ns u n e c o n s e rv e rie in d u st r ie lle S u p e rm ar ch é s Re st au r an t s Ep ic erie s Caf é t ér ia s SOURCE: D'a p rès PORCHERON, 1 9 9 5 , pp . 1 2. V en t e d ir e ct au c o n so m m a t e u r Par ailleurs, le marché est marqué par une très forte demande de conserves de cœur de palmier, aussi bien au niveau intérieur qu'à l'exportation, et l'épuisement des stocks dans le sud du pays contribue à renchérir ce produit. Ainsi par exemple, le prix d'exportation du cœur de palmier en conserve a pratiquement doublé entre 1960 et 1973, passant d'environ 350 à presque 700 dollars US la tonne (Rossetti et al. - 1987, p. 132) (cf. chapitre 2). Enfin, la réglementation de la filière du cœur de palmier contribue à expliquer l'importance de la rémunération dégagée par ces activités (à ce propos voir annexe 8). En fonction de leur conformité avec la législation en vigueur, nous avons classé la cueillette du cœur de palmier en légalisée et en clandestine. La première est réalisée dans les néolatifundias bénéficiant d'une "autorisation d'exploitation" délivrée par les organismes environnementaux. Sont concernés les reboisements qui ont bénéficié du programme de développement des activités forestières des années 60/70 et les boisements naturels ayant fait l'objet d'un "plan de gestion forestier". Dans ce cas, les manouvriers sont engagés par les conserveries industrielles pour la cueillette. En revanche, la cueillette clandestine est réalisée dans la sous-région des montagnes appartenant à des néolatifundiaires ou considérées comme étant des terres "vacantes et sans maître". Il s'agit du principal mode d'exploitation du cœur de palmier par les manouvriers du littoral nord du Paraná car cette situation satisfait aussi bien les manouvriers que les conserveries industrielles. Les premiers parviennent à écouler la totalité de leur production et reçoivent une rémunération plus élevée que dans le cas d'une cueillette autorisée. Cette différence, estimée à environ 30%, résulte des risques de contrôle de la part des organismes environnementaux et de confrontation avec les gardiens des néolatifundias (tableau 24). En ce qui concerne les conserveries, la cueillette clandestine permet d'assurer leur approvisionnement en matière première, et cela à un moindre coût. Mais qu'ils travaillent légalement ou illégalement, les manouvriers sont contraints à une situation de clandestinité dans la mesure où ils ne bénéficient d'aucun contrat de travail ou lien officiel avec les conserveries. Le plus souvent, aucune indemnité ne leur est versée après un accident de travail ou une maladie, et s'ils sont clandestins, les paysans interpellés lors d'un contrôle peuvent dans le meilleur des cas disposer des services juridiques d'un avocat pour régler au mieux leurs démêlés avec la Police Forestière. Tableau 24 - Rémunération moyenne obtenue avec la cueillette légal et avec la cueillette clandestine du cœur de palmier sur le littoral nord du Paraná ACTIVITÉ Cueillette (B) clandestine du cœur de palmier Cueillette (B) légale du cœur de palmier Rémunération en F.F/actif/an (A) 9300 5900 (A) En considérant que les opportunités de réaliser ces activités se présentent tout au long de l'année (B) Transport de la production au dos d'homme et/ ou par pirogue Source : Enquêtes de terrain 1992. En outre, une série de facteurs influent de manière plus ou moins importante sur la régularité de l'activité de cueillette clandestine : intensité des contrôles des organismes de protection de l'environnement, possibilité d'une certaine couverture légale par l'existence d'autorisations de cueillette dans les environs, pressions des médias et des organisations écologistes ainsi que les relations avec les gérants et gardiens des néolatifundias (arrangements pour laisser réaliser la cueillette sur leurs terres ou traverser leurs exploitations). Cette activité est d'autant plus incertaine que des périodes de restriction des activités de cueillette alternent avec des périodes moins contraignantes. Ainsi par exemple, entre 1989 et 1991, la cueillette était relativement libre en raison du grand nombre d'autorisations d'exploitation du cœur de palmier délivrées à des conserveries industrielles dans la région. Puis à partir de 1992, l'intensification de la surveillance dans les néolatifundias et l'expiration de la plupart des autorisations légales d'exploitation ont renversé complètement cette situation et les paysans ont été obligés de réduire considérablement leurs activités de cueillette (Enquêtes de terrain, 1989-92). En ce qui concerne la transformation et la commercialisation de la conserve du cœur de palmier, la réglementation en vigueur a accordé le monopole de ces activités aux conserveries industrielles. Ces conserveries sont ainsi devenues incontournables dans le processus de légalisation de la production du cœur de palmier d'origine clandestine. Entre autres conséquences, cette situation a permis aux conserveries industrielles d'imposer une sous-rémunération de la matière première livrée par les récolteurs. L'analyse du coût de la mise en conserve artisanale confirme l'importance de la plus-value réalisée par les conserveries industrielles et leurs intermédiaires. Ainsi, nous avons constaté que les producteurs de conserve artisanale, qui vendent leur production au prix moyen de 9 francs le bocal, parviennent à dégager un bénéfice moyen unitaire d'environ 4 francs (Enquêtes de terrain, 1992). Cette situation a incité un grand nombre de manouvriers à transformer artisanalement, et donc clandestinement, le cœur de palmier. En effet, le procédé de mise en conserve requiert une technologie peu complexe et le coût de production est très bas. Le processus de conservation utilisé est celui du traitement par la chaleur et de la mise en bocal en verre hermétique. Les équipements nécessaires existent dans la plupart des exploitations paysannes (cuisinière à gaz, marmites de cuisine) et les intrants nécessaires sont disponibles sur le marché régional à très faible coût. Avec ce niveau d'équipement, nous avons calculé qu'un actif peut mettre en conserve quotidiennement une centaine de bocaux et que cette activité dégage une rémunération d'environ 400 francs par jour par actif (Enquêtes de terrain, 1992). Cependant, en raison de son caractère clandestin, le développement de la transformation artisanale du cœur de palmier est confronté à d'importantes contraintes au niveau de la commercialisation. Les contrôles et fouilles réalisés par les organismes environnementaux incitent les producteurs de conserves à courir eux-mêmes le risque de livrer leur production à leurs clients (petits restaurants, commerçants ou particuliers). Dans la mesure où ces paysans ne disposent pas de moyens de transport propres, ils n'ont alors d'autre solution que d'emprunter les autocars qui desservent la région. Une situation d'autant plus contraignante qu'elle les expose encore davantage aux risques de contrôles et fouilles. Face à cela, la plupart des paysans manouvriers limitent leur production à quelques centaines de bocaux par mois (Enquêtes de terrain, 1989-1992). Enfin, certaines autres caractéristiques de cette activité permettent d'expliquer l'importance de la rémunération dégagée par ces activités. Si la cueillette du cœur de palmier peut être pratiquée dans la région tout au long de l'année, elle est cependant plus aisée en dehors de la saison des pluies (entre mai et août) quand les longs déplacements en forêt sont facilités et quand les températures plus douces garantissent une meilleure conservation de la matière première. Le transport de la production des zones de cueillette vers les points d'embarquement est réalisée à dos d'homme ou en pirogue et très souvent, les longues distances et la multitude d'obstacles naturels à traverser imposent de combiner ces deux modes de transport. Pour faciliter le transport à l'intérieur de la forêt, les cœurs de palmier sont rassemblées en bottes (les "feixes") qui peuvent atteindre plus de 50 kg. Les conditions de travail sont insalubres et le travail fort pénible : journées très longues en terrain accidenté, chutes fréquentes, port de lourdes charges pendant de longues périodes, nourriture déficiente, forte humidité, etc. C'est d'ailleurs pour des raisons de sécurité que les récoltants de cœur de palmier s'organisent en petits groupes pour se rendre en montagne. Ils installent un campement provisoire à mi-chemin où, à la fin de chaque journée, les cœurs de palmier sont rassemblés. Au bout de 3 à 4 jours, ils quittent ces campements pour acheminer la récolte vers les points d'embarquement situés en bordure des pistes. Ils parviennent ainsi à rassembler jusqu'à 3 bottes, composées chacune de 20 à 40 cœurs de palmier (Enquêtes de terrain, 1992). Les manouvriers sont rémunérés par les conserveries en fonction du nombre d'unités de conserve fabriqués avec la matière première livrée. Le travail salarié est la seconde forme de vente de la force de travail des manouvriers. Il s'agit avant tout du travail journalier ("por dia") et à la tâche ("empreita") et très rarement d'un emploi permanent. Malgré sa faible rémunération (tableau 25), le travail journalier constitue le mode de travail salarié le plus répandu parmi les manouvriers qui se consacrent à cette activité lorsque les travaux agricoles dans leurs exploitations sont moins importants et les opportunités de réaliser la cueillette du cœur du palmier sont rares. La rémunération du travail journalier varie considérablement en fonction des différentes sous-régions. Ainsi, dans les villages localisés dans la sous-région des vallées étroites (proches des ressources en palmier et où le nombre de manouvriers est peu important), elle est environ 30% supérieure à celle du travail journalier dans la sous-région des terrasses alluviales et des bas-fonds (où le nombre de paysans manouvriers est plus élevé et où les opportunités de cueillette du palmier sont plus rares) (Enquête de terrain, 1992). Tableau 25 - Rémunération moyenne des différents modes de travail salarié sur le littoral nord du Paraná ACTIVITÉ Journalier A la tâche Rémunération en F.F./actif/an (A) 3.500 4.800 Travail permanent (vacher) 5.000 (A) En considérant que les opportunités de réaliser ces activités se présentent tout au long de l'année Source : Enquêtes de terrain, 1992. Le travail à la tâche est moins répandu chez les manouvriers que le travail journalier. Il se limite à de petits travaux agricoles (récolte, sarclage des plantations, etc.), notamment chez des paysans "moyens". Le travail permanent est réalisé par un nombre très restreint de manouvriers. En effet, les opportunités d'un tel emploi ne concernent que quelques postes dans les néolatifundias (gérants, vachers, gardiens, etc.), ainsi que dans les exploitations patronales (notamment comme conducteurs de machines agricoles et gérants). Ces postes sont occupés le plus souvent par des travailleurs originaires d'autres régions de l'état, voire même d'autres états brésiliens, en raison des bas salaires offerts et du manque de qualification de ces manouvriers. Les manouvriers arrivent à dégager, avec d'autres activités non agricoles, une rémunération plus élevée que celle proposée par les néolatifundias (notamment comme vacher et ouvrier agricole). En revanche, les postes de travail permanent dans les exploitations patronales sont souvent inaccessibles à ces paysans car ils requièrent une formation technique ou une certaine expérience dans le machinisme et la gestion agricoles, une compétence qui écartent souvent ces paysans au bénéfice de ceux venus d'ailleurs. La troisième forme de travail dont les manouvriers disposent pour vendre leur force de travail est la transformation de la production de manioc en farine. La production de farine de manioc est une pratique très ancienne dans la région, puisque elle remonte à la période précolombienne (cf. chapitre 1). Les manouvriers produisent la farine dans des ateliers artisanaux installés dans leurs exploitations, chez un membre de leur famille ou chez un paysan voisin. Dans ce dernier cas, pour pouvoir utiliser l'atelier, ils doivent verser au propriétaire l'équivalent de 10% de la production totale en farine de manioc. La transformation du manioc en farine peut être réalisée tout au long de l'année, mais certaines périodes de l'année sont plus favorables. La période hivernale est considérée comme la plus indiquée car les racines de manioc présentent alors une plus forte concentration d'amidon, et les températures plus fraîches limitent les risques de fermentation de la pâte de manioc à chacune des étapes du processus de fabrication. En outre, les calendriers agricoles sont moins chargés pendant cette période de l'année et la main d'œuvre familiale est donc plus disponible. Le processus de fabrication artisanale confère à la farine de manioc locale une très bonne acceptation sur le marché régional. Contrairement à la farine produite industriellement, elle conserve tout son amidon et le processus de torréfaction est plus long. La production est destinée à l'autosubsistance mais les excédents sont vendus à des intermédiaires ou, le plus souvent, livrés directement par le producteur à des commerçants locaux ou établis dans les régions voisines. Dans ce cas, la farine est transportée par autocar. Cependant, le développement de cette activité par ces manouvriers est confrontée à une série de difficultés et de contraintes. Tout d'abord, ces manouvriers n'arrivent pas à assurer un approvisionnement en matière première suffisant pour pouvoir développer cette activité tout au long de l'année, en raison de l'insuffisance des surfaces agricoles propices dont ils disposent. D'après les enquêtes de terrain, celles-ci varient entre 0,1 et 0,8 hectare par actif familial. En outre, le manque de moyens de transport empêche la mise en culture du manioc sur des parcelles éloignées des ateliers de transformation, ainsi que l'achat de la production de manioc à d'autres paysans des environs. Enfin, nous avons pu constater que plus de 70% des manouvriers disposent d'ateliers manuels de farine de manioc (I). Ces ateliers se caractérisent par la prédominance des équipements manuels et par la simplicité des installations : équipements en bois (râpeuse, pressoir), chaudron en cuivre, petit appentis en bois, absence d'eau courante et d'électricité, sol en terre battue. L'équipement est en grande partie construit sur place, ou peut être acheté d'occasion bon marché. Cet atelier se caractérise également par une faible productivité du travail et par une basse rémunération dégagée par actif (tableau 26). Tableau 26 - Différents types d'ateliers de fabrication de farine de manioc utilisés par les manouvriers selon le niveau d'équipement, la productivité du travail, la production totale annuelle et la rémunération annuelle dégagée par actif Productivité du travail (Kg de farine par actif par jour) Production totale annuelle (tonnes de farine par an) Rémunération annuelle par actif (francs) 10 8,6 2500 24 20,7 5900 I. Atelier manuel II. Atelier semi-motorisé Source : Enquêtes de terrain (1989, 1990 et 1992). En revanche, moins de 30% des manouvriers sont équipés d'un atelier semimotorisé (II). Il s'agit essentiellement de manouvriers du type IB. L'atelier semimotorisé (II) dégage une productivité et une rémunération du travail plus de deux fois supérieure à celles dégagées par les ateliers manuels (I). L'équipement de l'atelier semi-motorisé est semblable au type précédent mais la râpeuse est équipé d'un moteur électrique. Le plus souvent, ces ateliers sont d'anciens ateliers manuels (I) améliorés par la motorisation de la râpeuse à manioc. Les modifications nécessaires sont réalisées par le propriétaire de l'atelier et le moteur électrique est acheté d'occasion auprès de récupérateurs de ferraille de la région. La dernière forme de vente de la force de travail dont les manouvriers disposent concerne les activités non agricoles considérées comme secondaires, et notamment la pêche artisanale et l'artisanat. Nous avons qualifié ces activités non agricoles de secondaires, car elles ne concernent qu'un petit nombre d'individus et revêtent un caractère fort sporadique. Dans certaines localités agricoles, notamment celles situées à proximité des baies et des estuaires, une partie des manouvriers trouvent dans la pêche artisanale une activité d'appoint, notamment lorsque les autres activités non agricoles sont rares. Cette activité est saisonnière et ne concerne que la capture de quelques espèces comme la crevette et le mulet. Le paysan manouvrier est alors engagé comme équipier par un paysan ou un commerçant voisin qui possède les outils de pêche nécessaires. Il est payé en nature, l'équivalent d'un tiers du produit de la pêche. La rémunération moyenne journalière de cette activité est estimée à 30 francs. L'artisanat est depuis toujours une activité très présente chez ces paysans. Les restrictions imposées par la législation de protection de l'environnement et l'arrivée massive de produits manufacturés bon marché ont fait considérablement régresser cette activité depuis quelques décennies. Actuellement, cette activité se limite à la production de certains biens de consommation indispensables à ces paysans. Elle concerne ainsi les produits dont l'équivalent manufacturé existant sur le marché ne correspond pas aux besoins des paysans locaux ou à leurs disponibilités financières. Ainsi, certains manouvriers se consacrent à la fabrication de produits comme les pirogues, des équipements pour les ateliers de transformation (pressoirs en bois, râpes, etc.), des balais et paniers en fibre végétale. Étant donné les particularités de ces activités artisanales, il ne nous a pas été possible d'en estimer la rémunération. - Les systèmes de production des paysans minifundistes Les minifundistes représentent la deuxième catégorie en termes d'effectifs sur le littoral nord du Paraná, avec 33% du total des exploitants. À l'origine, ces paysans sont eux aussi des petits paysans locaux, mais contrairement aux manouvriers, ils ont réussi à conserver au moins une partie des surfaces agricoles qu'ils exploitaient lors de l'implantation des néolatifundias dans la région. Ils ont en effet pu résister à cette situation grâce à la possession de titres fonciers ou de récépissés délivrés par l'administration de l'État. C'est d'ailleurs pour cette raison que leur représentation n'est pas uniforme sur l'ensemble de la région. Ils sont plus nombreux dans les localités situées plus à l'intérieur des terres, notamment dans la sous-région des vallées alluviales étroites où le développement de la culture de la banane depuis le début du siècle a incité les paysans a entreprendre, au moins partiellement, la régularisation de leurs exploitations agricoles. Dans ces localités, les paysans minifundistes représentent plus de 30% des exploitants. En revanche, dans les localités situées dans la sous-région des plaines littorales et des bas-fonds, restées à l'écart de cette vague de régularisation foncière, les exploitants minifundistes sont très peu représentés, ne représentant que 10% des exploitants (Enquêtes de terrain, 1992). D'une manière générale, les systèmes de production mis en œuvre par les paysans minifundistes s'avèrent plus complexes que ceux de la catégorie précédente. Ces paysans disposent de surfaces agricoles supérieures (entre 3,5 et 7 hectares par actif familial), et ont accès simultanément à plusieurs unités de milieu naturel. Les systèmes mis en œuvre privilégient des activités agricoles qui présentent un calendrier souple, ce qui leur permet de travailler à l'extérieur de l'exploitation dès que se présentent des opportunités de travail. Cette stratégie est vérifiée à travers l'analyse des différents systèmes de production mis en place par ces paysans. Ces systèmes minifundistes ont été classés en 3 types distincts à savoir IIJ, IIM et IIV. - Le système de production des paysans minifundistes type IIJ La surface agricole des paysans minifundistes mettant en place le système de production IIJ varie entre 3,5 et 7 hectares par actif familial. Ils représentent environ 15% des exploitants de la région. Leurs surfaces agricoles sont réparties sur plusieurs unités de milieu naturel, mais celles localisées sur les bas-fonds et les plaines littorales prédominent. D'une manière générale, les paysans minifundistes disposent d'un outillage manuel et de petits ateliers manuels de farine de manioc. Ces minifundistes possèdent un jardin de case semblable à celui des manouvriers : bananiers, plantains, caféiers, avocatiers, orangers ainsi que la culture de quelques tubercules (manioc, taro, etc.). L'élevage de basse-cour se limite à quelques volailles, parfois d'un porcin. Les systèmes de culture les plus répandus restent fondés sur le système de défriche-brûlis, avec l'utilisation de recrûs de courte durée (moins de 5 ans d'âge), souvent complétés par une préparation superficielle et manuelle du sol. Dans certaines parcelles localisées sur les versants des montagnes, ils utilisent des systèmes de défriche-brûlis avec des recrûs de moyenne durée (moins de 10 ans d'âge). Dans tous les cas, la mise en culture en succession est réalisée après une préparation superficielle du sol à la houe. La surface cultivable des paysans minifundistes, déjà restreinte par la petite taille des exploitations, comprend une partie importante de bas-fonds. D'après les enquêtes réalisées, plus de 60% des minifundistes IIJ ont une surface agricole située pour plus de la moitié dans les bas-fonds. La mise en valeur de ces parcelles se limite exclusivement à la culture du riz pluvial, avec le système de défriche-brûlis (la durée du recrû est de 3 à 5 ans), car leur faible capacité d'accumulation ne leur permet pas de développer l'élevage bovin naisseur-engraisseur. Pour certains d'entre eux, la surface agricole concernée par la culture du riz pluvial sur les basfonds peut atteindre jusqu'à 4 hectares par actif familial. Les minifundistes IIJ possèdent moins de 30% de leurs surfaces agricoles sur les terrasses alluviales. La faible disponibilité de surfaces agricoles dans cette unité de milieu naturel contraint ces paysans à utiliser des systèmes de culture fondés sur le système de défriche-brûlis, avec des recrûs d'une durée inférieure à 4 ans. Tableau 27 - Les principaux systèmes de culture mis en œuvre par les paysans minifundistes IIJ sur les terrasses alluviales Système de culture - Jardin de case - Culture du manioc associé ou non au haricot noir (avec le système de défriche-brûlis), en succession culture du manioc suivie par l'abandon au recrû (durée de 2 à 4 ans) - Culture du maïs ou du haricot noir (avec le système de défriche-brûlis), en succession culture du manioc associé ou non au haricot noir suivie par l'abandon au recrû (durée d'environ 3 ans) Surface agricole utile par actif familial (ha/actif) < 0,5 < 0,8 < 0,8 Source : Enquêtes de terrain, 1991-92. Outre le jardin de case, ces paysans "moyens" cultivent le manioc (en association avec le haricot) avec le système de défriche-brûlis en tête de rotation, suivie en succession par un 2ème cycle de culture avec du manioc avant l'abandon au recrû. Certains paysans IIJ mettent en œuvre des systèmes de culture avec des cultures annuelles en tête de rotation (maïs, haricot noir), avec le système de défriche-brûlis (recrû de courte durée) suivie en succession, et après une préparation superficielle et manuelle du sol, par la culture du manioc (associé ou non au haricot). Ce système de culture présente un avantage certain : en plaçant les cultures annuelles en tête de rotation, ces systèmes de culture permettent une plus longue durée de mise en culture avant l'abandon au recrû. Ceci n'entraîne pas pour autant une modification significative des surfaces agricoles en rotation ni de la durée des recrûs, et l'augmentation de la durée de mise en culture a peu de conséquences sur les cultures du manioc et du haricot réalisées en succession. La culture du haricot en tête de rotation est réalisée au cours d'une 2e saison culturale, en mars - avril, après la période des pluies. La culture du haricot est alors possible car cette légumineuse est peu sensible à la diminution de la photopériode journalière. Cette seconde saison culturale vise l'approvisionnement en haricot pendant le reste de l'année et le renouvellement des semences. En effet, le grain se conserve difficilement (à cause des charançons et du taux d'humidité), et les difficultés de récolte limitent les surfaces cultivées en haricot en 1e saison culturale. Ces paysans disposent en outre de petites surfaces agricoles dans les plaines d'épandage de crues. Sur les parcelles inondées par les crues d'été de courte durée, qui représentent moins de 1,2 hectare par actif familial, ils cultivent en permanence de la banane. En revanche, sur les parcelles inondées par les crues de longue durée, les activités agricoles se limitent à la culture du maïs avec le système de défriche-brûlis (la durée du recrû est d'environ de 3 ans). Tableau 28 - Les principaux systèmes de culture mis en œuvre par les paysans minifundistes IIJ sur les plaines d'épandage de crues Système de culture - Culture permanente de la banane - Culture du maïs (avec le système de défriche-brûlis) suivie par l'abandon au recrû (durée d'environ 3 ans) Surface agricole utile par actif familial (ha/actif) < 1,2 < 1,3 Source : Enquêtes de terrain, 1991-92. Environ 40% des minifundistes IIJ possèdent quelques petites parcelles agricoles sur les versants de montagnes où ils utilisent uniquement des systèmes de défriche-brûlis. Les cultures annuelles sont placées en tête de rotation, avec le système de défriche-brûlis (avec recrû de courte durée). Le manioc, parfois en association avec le haricot, est cultivé en tête de rotation avec le système de défriche-brûlis (avec recrû de courte durée) ou en succession. La culture du haricot en succession est réalisée au cours d'une seconde saison culturale, en mars - avril, après la période des pluies. Quelques paysans IIJ cultivent la banane avec le système de défriche-brûlis (avec des recrûs de 8 à 10 ans d'âge) sur des parcelles localisées sur les bas versants de montagnes. Ces paysans cherchent ainsi à augmenter leurs surfaces totales cultivées avec la banane et, d'une certaine manière, à compenser les faibles surfaces agricoles dont ils disposent sur les plaines d'épandage de crues. Tableau 29 - Les principaux systèmes de culture mis en œuvre par les paysans minifundistes IIJ sur les versants de montagnes Système de culture - Culture de la banane (avec le système de défriche-brûlis) pendant 5 à 6 ans, suivie par l'abandon au recrû (durée de 8 à 10 ans) - Culture du riz pluvial ou maïs (avec le système de défriche-brûlis), en succession culture du manioc associé ou non au haricot noir suivie par l'abandon au recrû (durée de 3 à 5 ans) - Culture du riz pluvial, du maïs ou du haricot noir (avec le système de défriche-brûlis), en succession culture du haricot noir suivie par l'abandon au recrû (durée de 3 à 5 ans) - Culture du manioc associé ou non au haricot noir (avec le système de défriche-brûlis) suivie par l'abandon au recrû (durée de 3 ans) Surface agricole utile par actif familial (ha/ actif) < 0,3 < 3,0 < 3,5 < 0,7 Source : Enquêtes de terrain, 1991-92. Ce système de culture de la banane est mis en œuvre uniquement sur les bas versants de montagnes. Il se caractérise par un mode de reproduction de la fertilité fondé sur des apports colluviaux, mais surtout par le développement d'un recrû à partir de la 6e année d'exploitation de la bananeraie. Ce système de culture permet certes la culture de la banane sur les versants de montagnes, mais il rencontre un certain nombre de problèmes. Les rendements et la qualité des fruits produits dans ces bananeraies sont nettement inférieurs à ceux rencontrés dans les bananeraies implantées dans les plaines d'épandage des crues. En effet, le mode de reproduction de la fertilité utilisé dans ce système de culture est moins efficace, mais le transport de la production est par ailleurs davantage pénalisé par l'éloignement des fonds de vallée et par l'escarpement des versants de montagnes. Il arrive même souvent qu'une partie de la production ne soit pas récoltée, ou qu'elle soit utilisée pour nourrir des porcins sur place. De plus, ce système de culture a été fortement touché par la politique de protection de l'environnement qui interdit le défrichement de toute végétation arborée. Cette mesure entraîne une réduction de la durée du recrû, et se traduit à court terme par une diminution sensible des rendements et de la qualité de la production. Ce processus signifie à terme l'abandon définitif de ce système de culture. Néanmoins, ce système de culture présente l'avantage d'un calendrier de travail très souple tout au long de l'année et les travaux d'entretien se limitent au contrôle à la machette des arbustes et des repousses des souches. La récolte et le transport de la production constituent la principale pointe de travail de ce système de culture, puisqu'ils occupent plus de 40% de la force de travail nécessaire à l'exploitation d'une bananeraie. À côté des systèmes de culture présentés ci-dessus, près de la moitié des paysans élèvent une truie en vue de la vente de porcelets à des paysans des environs et l'engraissement de quelques porcins pour l'autoconsommation. Mais les possibilités de commercialisation de la production de viande porcine sont rares en raison des moyens de conservation précaires et de l'insuffisante qualité de la viande considérée trop grasse par les commerçants et les intermédiaires locaux. L'intérêt que ces paysans portent à cette activité tient essentiellement à la valorisation des pertes de banane et des résidus de la transformation du manioc qu'elle permet. En tant qu'activité secondaire, l'élevage porcin est peu exigeant en investissements et en travail. La simplicité des installations exclut le recueil des déjections et donc les transferts directs de fertilité. Le plus souvent, les bénéfices de ces apports fertilisants se limitent au jardin de case et aux bananeraies situées aux alentours des installations d'élevage. L'étude du système de production mis en œuvre par les paysans minifundistes IIJ révèle qu'il s'appuie pour beaucoup sur des activités agricoles dont la valeur ajoutée est peu élevée, comme c'est le cas notamment de la culture du riz pluvial. En outre, les activités agricoles à forte valeur ajoutée, comme la culture de la banane et du manioc, y jouent un rôle très limité en raison de l'insuffisance des surfaces agricoles propices à ces cultures. Ceci se traduit par des performances économiques et techniques les plus faibles parmi celles dégagées par les systèmes de production des paysans minifundistes : la productivité du travail est inférieure à 4.000 francs par actif familial et la productivité de la terre atteint moins de 750 francs par hectare. Comme les manouvriers, ces paysans minifundistes ont recours à des activités non agricoles pour assurer leur survie. D'après les enquêtes réalisées, nous estimons qu'ils consacrent entre 30 et 70% de la force de travail familial à de telles activités, qui leur procurent de 30 à 80% de leur revenu total. Cette importante dépendance vis à vis des activités non agricoles, combinée avec des opportunités de travail non agricole souvent aléatoires, tend à accentuer l'instabilité de ces paysans. L'activité non agricole la plus rémunératrice est pour eux la cueillette et la transformation artisanale du cœur de palmier. Cependant, comme nous avons pu le voir précédemment, cette activité se caractérise autant par sa précarité que par son illégalité. Les opportunités de salariat agricole se limitent le plus souvent au travail journalier qui dégage une faible rémunération. La transformation du manioc en farine demeure une activité non agricole rarement entreprise par ces paysans minifundistes : ils disposent de faibles surfaces agricoles pour la culture du manioc et leurs ateliers de transformation se caractérisent par une faible productivité du travail. Les activités non agricoles secondaires concernent notamment la pêche artisanale et l'artisanat. Du fait de leur caractère saisonnier et sporadique, elles ne représentent que des activités d'appoint. - Le système de production des paysans minifundistes type IIM Les surfaces agricoles des paysans minifundistes qui mettent en place le système de production type IIM varient entre 4 et 7 hectares par actif familial et sont réparties inégalement sur plusieurs unités de milieu naturel. Ces paysans représentent environ 12% des exploitants de la région. Avec une surface comprise entre 0,3 et 0,6 hectare par actif familial, le jardin de case est semblable à celui rencontré chez le type IIJ. D'une manière générale, ces paysans minifundistes disposent d'un outillage manuel, d'un pulvérisateur manuel et de petits ateliers manuels de farine de manioc. Environ un tiers des minifundistes disposent également d'un mulet pour le transport du cœur de palmier qu'ils ont pu acquérir à travers des financements accordés par les conserveries de palmier. Le plus souvent, cette situation concerne les minifundistes implantés dans les localités les plus proches des boisements naturels en palmier, c'est-à-dire dans la sous-région des vallées alluviales étroites. En effet, avec l'épuisement progressif des boisements naturels en palmier depuis quelques années, ces paysans sont contraints à des déplacements de plus en plus longs en forêt. C'est donc dans le but d'améliorer leur approvisionnement en cœur de palmier clandestin que les conserveries achètent des mulets et les mettent à la disposition à ces paysans. En contrepartie, ceux-ci s'engagent à fournir une partie de leur production de cœur de palmier, un moyen en sorte de rembourser les animaux. Les systèmes de culture les plus répandus parmi ces paysans sont semblables à ceux rencontrés chez les paysans minifundistes IIJ. Ils sont fondés sur le système de défriche-brûlis avec l'utilisation de recrûs de courte durée (moins de 5 ans d'âge), souvent complétés par une préparation superficielle et manuelle du sol. Dans tous les cas, la mise en culture en succession est réalisée après une préparation superficielle et manuelle à la houe. Parmi les paysans minifundistes, les paysans IIM disposent des plus importantes surfaces agricoles sur les plaines d'épandage de crues. En effet, environ 70% des minifundistes IIM disposent de plus de 30% de leurs exploitations situés sur des plaines d'épandage de crues. Une situation d'autant plus favorable que la plupart des parcelles disponibles sur ces plaines d'épandage sont soumises à des crues de courte durée, ce qui permet de développer davantage la culture de la banane. Outre une production à haute valeur ajoutée, la culture de la banane assure des rentrées monétaires tout au long de l'année, tout en demandant une distribution assez régulière des travaux agricoles. Les surfaces agricoles soumises à des inondations de longue durée sont cultivées uniquement avec du maïs selon le système de défriche-brûlis. Tableau 30 - Les principaux systèmes de culture mis en œuvre par les paysans minifundistes IIM sur les plaines d'épandage de crues Système de culture - Culture permanente de la banane - Culture du maïs (avec le système de défriche-brûlis) suivie par l'abandon au recrû (durée d'environ 3 ans) Surface agricole utile par actif familial (ha/actif) < 3,1 < 1,8 Source : Enquêtes de terrain, 199192. Contrairement à ceux du type IIJ, ces minifundistes disposent de surfaces agricoles restreintes sur les bas-fonds. D'après les enquêtes réalisées, moins de 50% des paysans IIM y disposent de surfaces agricoles dont la mise en valeur se limite exclusivement à la culture du riz pluvial, car la faible capacité d'accumulation de ces paysans ne permet pas le développement de l'élevage bovin naisseurengraisseur. Les surfaces concernées par la culture du riz pluvial dans cette unité de milieu naturel sont inférieures à 1,4 hectare par actif, ce qui correspond à moins de 30% des surfaces agricoles disponibles pour ces paysans. Pour le contrôle des herbes adventices dans la culture du riz pluvial, la majorité de ces paysans utilisent des herbicides avant le semis, même si le contrôle chimique ne parvient à contrôler le développement des herbes adventices qu'au cours des premières semaines de culture. L'emploi d'herbicides leur permet de diminuer les besoins en main d'œuvre ainsi que l'utilisation des parcelles disposant de recrûs avec une durée plus courte. Cependant, cette pratique signifie des investissements relativement élevés (pulvérisateur manuel, herbicides), sans permettre pour autant un deuxième cycle de culture de riz pluvial en succession. Ces paysans disposent également de surfaces agricoles relativement importantes sur les terrasses alluviales : d'après les enquêtes, la majorité d'entre eux possèdent plus de 30% de leurs surfaces agricoles dans cette unité de milieu naturel. Ces paysans cultivent des cultures annuelles (maïs, haricot, riz pluvial) en tête de rotation avec le système de défriche-brûlis (avec de recrûs de court durée), suivie en succession par la culture du haricot noir en 2e saison culturale. Le manioc, parfois en association avec le haricot, est cultivé aussi bien en tête de rotation avec le système de défriche-brûlis (avec recrû de court durée), qu'en succession. Tableau 31 - Les principaux systèmes de culture mis en œuvre par les paysans minifundistes IIM sur les terrasses alluviales Système de culture - Jardin de case - Culture du manioc associé ou non au haricot noir (avec le système de défriche-brûlis), en succession culture du manioc suivie par l'abandon au recrû (durée de 2 à 4 ans) - Culture du maïs, du riz pluvial ou du haricot noir (avec le système de défriche-brûlis), en succession culture du haricot noir suivie par l'abandon au recrû (durée de 3 à 5 ans) Surface agricole utile par actif familial (ha/actif) < 0,6 < 0,8 < 1,5 Source : Enquêtes de terrain, 1991-92. En dehors des terrasses alluviales et des plaines d'épandage de crues, la majorité des minifundistes IIM exploitent des surfaces agricoles sur les versants de montagnes. Les systèmes de culture mis en œuvre sur ces parcelles sont semblables à ceux utilisés sur les terrasses alluviales. En outre, environ un tiers de ces minifundistes possèdent des parcelles localisées sur les versants de montagnes plus éloignés des fonds des vallées. L'utilisation de ces parcelles se limite à l'exploitation des boisements naturels de palmier Euterpe edulis, ainsi que de certaines ressources forestières (bois, lianes, etc.). En plus des systèmes de culture présentés ci-dessus, l'élevage et l'engraissement des porcins est présent dans la majorité des exploitations, sans pour autant revêtir une importance significative par rapport à d'autres activités agricoles. Les paysans se consacrent à l'élevage porcin à des fins d'autoconsommation et dans une moindre mesure pour dégager un revenu complémentaire (vente de quelques porcs gras, mais surtout de porcelets). Environ un quart des paysans se limitent uniquement à l'engraissement d'un à trois porcins par an pour l'autoconsommation. Figure 32 - Les principaux systèmes de culture mis en œuvre par les paysans minifundistes IIM sur les versants de montagnes Système de culture - Culture du riz pluvial ou maïs (avec le système de défriche-brûlis), en succession culture du manioc associé ou non au haricot noir suivie par l'abandon au recrû (durée de 3 à 5 ans) - Culture du riz pluvial, du maïs ou du haricot noir (avec le système de défriche-brûlis), en succession culture du haricot noir suivie par l'abandon au recrû (durée de 3 à 5 ans) - Culture du manioc associé ou non au haricot noir (avec le système de défriche-brûlis) suivie par l'abandon au recrû (durée de 3 ans) - Exploitation du cœur de palmier (sous couvert arboré) (A) Surface agricole utile par actif familial (ha/actif) < 2,4 < 2,3 < 0,8 < 20 (A) Les surfaces concernées par l'exploitation du cœur de palmier sous-couvert arboré ne sont pas pris en compte dans la SAU des exploitants minifundistes IIM. Source : Enquêtes de terrain, 1991-92. Les paysans IIM disposent d'une marge de sécurité plus importante vis-à-vis de l'environnement extérieur que les minifundistes type IIJ. En effet, le système de production mis en œuvre par ces minifundistes est en large partie fondé sur le système de culture de la banane qui dégage une forte valeur ajoutée brute. Par conséquent, ce système de production offre une productivité du travail comprise entre 5.000 et 6.000 francs par actif familial et une productivité de la terre entre 800 et 1.400 francs par hectare SAU. Ceci permet à ces paysans d'atténuer leur dépendance vis-à-vis des activités non agricoles, une situation importante notamment lorsque les opportunités de travail non agricole les plus rémunératrices se font rares ou sont interdites pour de longues périodes. Néanmoins, les minifundistes IIM demeurent tributaires des activités non agricoles auxquelles ils doivent consacrer entre 30 et 60% de leur force de travail familiale pour un revenu compris entre 20 et 50% de leur revenu total. À l'instar des minifundistes IIJ, ces paysans réalisent la cueillette et la transformation artisanale du cœur de palmier de manière clandestine. La disponibilité d'un mulet permet à ces paysans de pénétrer davantage dans la région montagneuse et d'entreprendre des parcours de plus en plus longs en forêt. Ils peuvent ainsi accéder à des zones forestières moins exploitées et plus riches en palmier, tout en augmentant leur capacité de transport. Ceci se traduit par une augmentation de la productivité du travail de cette activité de presque 30%. Tableau 33 - Rémunération moyenne obtenue avec la cueillette clandestine du cœur de palmier avec le transport de la production par mulet et au dos d'homme en 1992 sur le littoral nord du Paraná ACTIVITÉ Rémunération en F.F./actif/an (A) Cueillette clandestine du cœur de palmier (transport au dos d'homme et/ ou par pirogue) Cueillette clandestine du cœur de palmier (transport par mulet) 9.300 13.800 (A) En considérant que les opportunités de réaliser ces activités se présentent tout au long de l'année Source : Enquêtes de terrain 1992. Lorsque sont imposées des périodes de restriction des activités de cueillette et de transformation du cœur de palmier, ces paysans se consacrent à la réalisation des travaux agricoles comme entrepreneur auprès des néolatifundiaires (notamment pour des opérations de nettoyage des pâturages et de construction et de réparation de clôtures). D'une manière générale, pour pouvoir entreprendre ces travaux, ces paysans organisent des groupes de travail en embauchant des journaliers. L'obtention par ces paysans de tels travaux sous-tend souvent des rapports de clientélisme avec le gérant ou le propriétaire des néolatifundias. Nous avons pu estimer la rémunération annuelle par actif de cette activité à environ 6.000 francs. - Le système de production des paysans minifundistes type IIV La surfaces agricoles des manouvriers qui mettent en place le système de production type IIV varient entre 4 et 6,5 hectares par actif familial, réparties inégalement sur plusieurs unités de milieu naturel. Ces paysans minifundistes représentent environ 6% des exploitants de la région. Avec une surface comprise entre 0,3 et 0,6 hectare par actif familial, le jardin de case est semblable à celui rencontré dans les types IIJ et IIM. Outre un outillage et un pulvérisateur manuels, ces minifundistes disposent d'un atelier de farine de manioc semi-motorisé et parfois d'un motoculteur (en commune propriété). Ces paysans ont réussi à motoriser leurs ateliers de farine de manioc grâce à certains programmes de développement mis en place par l'État du Paraná, mais surtout par leurs propres moyens. Les motoculteurs font eux aussi partie de l'aide apportée par les programmes de développement (cf. chapitre 2). Ils ont été attribués à des groupes d'exploitants minifundistes dans le but d'améliorer la productivité du travail de la culture du manioc et des ateliers de production de farine. Ces groupes, composés de 6 à 10 paysans minifundistes, ont été constitués notamment dans les localités les plus favorables au développement de la production de farine de manioc, c'est-à-dire les mieux desservies par les transports routiers et qui disposent d'un plus grand nombre de parcelles sur les terrasses alluviales et les versants de montagnes. Les systèmes de culture les plus répandus parmi ces paysans sont semblables à ceux rencontrés chez les paysans minifundistes IIJ et IIM. Ils demeurent fondés sur le système de défriche-brûlis avec l'utilisation de recrûs de courte durée (moins de 5 ans d'âge), souvent complétés par une préparation superficielle et manuelle du sol. Dans certaines parcelles localisées sur les versants des montagnes, ils utilisent des systèmes de défriche-brûlis avec des recrûs de moyenne durée (moins de 10 ans d'âge). En outre, quelques minifundistes ont mis en place, sur certaines parcelles localisées sur les terrasses alluviales, des systèmes de culture fondés sur des activités agricoles en continu. Ces paysans disposent de petites surfaces agricoles situées sur les plaines d'épandage de crues limitées. En effet, plus de 70% des minifundistes IIV disposent de moins de 20% de leurs exploitations couvertes par des plaines d'épandage de crues. Ainsi, les surfaces agricoles avec la culture permanente de la banane sont limitées à moins de 1,6 hectare par actif familial. Entre 10 et 20% de ces paysans disposent également de surfaces agricoles relativement restreintes sur les terrasses alluviales. Cette faible disponibilité de surfaces agricoles s'avère déterminante dans le choix des systèmes de culture qui, pour l'essentiel, sont fondés sur la culture du manioc (parfois en association avec le haricot noir), en tête de rotation avec le système de défriche-brûlis (avec des recrûs de courte durée). Ce premier cycle de culture est parfois suivi en succession par un second avec du manioc, avant l'abandon au recrû. Tableau 34 - Les principaux systèmes de culture mis en œuvre par les paysans minifundistes IIV sur les plaines d'épandage de crues Système de culture - Culture permanente de la banane - Culture du maïs (avec le système de défriche-brûlis) suivie par l'abandon au recrû (durée d'environ 3 ans) Surface agricole utile par actif familial (ha/actif) < 1,6 < 0,7 Source : Enquêtes de terrain, 1991-92. Depuis quelques années, et afin de mettre en valeur ces parcelles localisées sur les terrasses alluviales, quelques paysans minifundistes ont mis en place un nouveau système de culture. La préparation du sol est réalisée à l'aide d'un motoculteur et des cultures maraîchères en métayage sont réalisées en tête de rotation. La culture du riz pluvial, du maïs et du manioc intervient uniquement en succession. La reproduction de la fertilité de ces parcelles est alors assurée par des fertilisants (engrais chimiques et fumure de volaille), apportés pendant le cycle de cultures maraîchères en métayage. Les contrats de métayage sont passés avec les agriculteurs patronaux des environs et durent le temps d'une saison agricole, soit moins de 6 mois. Les agriculteurs patronaux assurent les travaux agricoles motorisés (préparation du sol, traitements phytosanitaires), les consommations intermédiaires (engrais, fumure, caisses, etc.) et la commercialisation de la production. En contrepartie, les paysans minifundistes apportent leur force de travail et mettent à disposition les parcelles dont ils disposent sur les terrasses alluviales. Nous avons pu estimer la rémunération des paysans aux alentours de 40% de la valeur ajoutée dégagée lors de la commercialisation de la production (Enquêtes de terrain, 1992). Ce système de culture garantit aux paysans IIV un revenu à l'hectare 4 à 8 fois supérieur à ceux dégagés par d'autres systèmes de culture pratiqués sur les terrasses alluviales, tout en dégageant une rémunération du travail semblable. Outre le nombre limité de paysans concernés par la mise en place de ce système de culture (d'après les enquêtes, moins de 10% des paysans minifundistes), les surfaces agricoles concernées sont encore relativement modestes et se limitent à moins d'un hectare par actif familial. Ce système de culture revêt également un autre intérêt pour ces paysans minifundistes. En effet, le recours aux cultures maraîchères en métayage pendant une saison agricole permet une amélioration considérable de la fertilité des parcelles en question, dans la mesure où d'importants apports en engrais chimiques et organiques sont réalisés tout au long de la période de culture maraîchères. Les cultures en succession bénéficient ainsi d'apports fertilisants résiduels considérables. Une situation dont les paysans n'hésitent pas à tirer profit, en mettant aussitôt ces parcelles en culture avec des cultures annuelles et du manioc. Néanmoins, le nombre d'exploitants minifundistes réalisant ce système de culture est très restreint et se concentre dans la seule vallée alluviale desservie par une route goudronnée - la vallée du fleuve Cachoeira. Cette situation est liée au faible nombre d'agriculteurs patronaux dans la région, ainsi qu'à la précarité du réseau routier qui dessert la plupart des localités agricoles. Tableau 35 - Les principaux systèmes de culture mis en œuvre par les paysans minifundistes IIV sur les terrasses alluviales Système de culture - Jardin de case - Culture du manioc associé ou non au haricot noir (avec le système de défriche-brûlis), en succession culture du manioc suivie par l'abandon au recrû (durée de 2 à 4 ans) - Cultures maraîchères (travail du sol / intrants externes), en succession cultures du maïs, haricot noir, riz pluvial ou manioc Surface agricole utile par actif familial (ha/actif) < 0,6 < 0,7 <1 Source : Enquêtes de terrain, 1991-92. À côté des surfaces agricoles situées sur les terrasses alluviales, la majorité des minifundistes IIV possèdent des surfaces agricoles relativement importantes sur les versants des montagnes. Nous avons pu estimer que ces paysans ont plus de 30% de leurs surfaces agricoles localisées sur cette unité de milieu naturel. Ces paysans y mettent uniquement en œuvre des systèmes de défriche-brûlis. Les cultures annuelles sont placées en tête de rotation sur les parcelles où les recrûs sont les plus âgés. Le manioc, parfois en association avec le haricot, est cultivé aussi bien en tête de rotation (dans les parcelles disposant de recrûs de courte durée), qu'en succession (dans les parcelles disposant de recrûs plus âgés). En outre, environ 30% des minifundistes IIV cultivent la banane avec le système de défriche-brûlis (avec des recrûs de 8 à 10 d'âge), sur des parcelles localisées sur les bas versants. Néanmoins, la plupart des surfaces de versants de montagnes sont cultivées avec du manioc et de la banane. En effet, en augmentant les surfaces cultivées avec ces cultures sur les versants, ces paysans cherchent à compenser les faibles surfaces agricoles dont ils disposent sur les plaines d'épandage de crues et sur les terrasses alluviales. Tableau 36 - Les principaux systèmes de culture mis en œuvre par les paysans minifundistes IIV sur les versants de montagnes Système de culture - Culture de la banane (avec le système de défriche-brûlis) pendant 5 à 6 ans, suivie par l'abandon au recrû (durée de 8 à 10 ans) - Culture du riz pluvial, du maïs ou du haricot noir (avec le système de défriche-brûlis), en succession culture du haricot noir suivie par l'abandon au recrû (durée de 3 à 5 ans) - Culture du manioc associé ou non au haricot noir (avec le système de défriche-brûlis), en succession culture du manioc suivie par l'abandon au recrû (durée de 3 à 5 ans) - Culture du manioc associé ou non au haricot noir (avec le système de défriche-brûlis) suivie par l'abandon au recrû (durée de 3 ans) Surface agricole utile par actif familial (ha/actif) < 0,4 < 2,8 < 3,2 <2 Source : Enquêtes de terrain, 1991-92. C'est d'ailleurs dans le système de culture de la banane que les interdictions imposées par les organismes de protection de l'environnement sont le plus fortement ressenties, car ce système de culture exige des parcelles disposant de recrûs plus âgés et localisés sur les versants de montagnes. Ces minifundistes disposent également d'importantes surfaces agricoles sur les bas-fonds, soit entre 20 et 60% de leurs surfaces agricoles. Outre la culture du riz pluvial, ces paysans mettent en valeur ces parcelles en développant l'élevage bovin naisseur-engraisseur qui présente plusieurs avantages par rapport à la culture du riz pluvial. Il dégage un revenu à l'hectare plus élevé, tout en demandant peu de main d'œuvre et n'implique aucune période de pointe de travail. Cependant, seuls certains paysans minifundistes du type IIV peuvent réaliser cette activité, le plus souvent limitée à un cheptel composé de quelques têtes de bétail seulement et à une surface en pâturage inférieure à 2,6 hectares par actif familial. En effet, le développement de l'élevage bovin exige un important effort d'accumulation, que seule une partie des paysans minifundistes peut entreprendre, notamment en mobilisant une partie significative des revenus monétaires provenant de certaines activités non agricoles (comme par exemple, la transformation du manioc en farine et, dans une moindre mesure, la cueillette et transformation du cœur de palmier). Cette activité est également soumise à des contraintes qui limitent considérablement leur rentabilité économique : absence d'un marché pour les produits laitiers, mortalité des animaux relativement élevée et importante variation de la disponibilité fourragère des pâturages. Seule la vente d'un boeuf, voir d'un veau par an, rapporte un revenu à l'éleveur. Pour ces paysans, l'élevage bovin constitue davantage un moyen d'épargne, dont le capital est facilement disponible, qu'une réelle rentabilité économique. L'élevage et l'engraissement des porcins concernent la moitié des exploitations minifundistes. L'intérêt que ces paysans portent à cette activité est surtout lié à la valorisation des pertes de banane et des résidus de la transformation du manioc, tout en demandant une très faible mobilisation en capital et en travail. Comme les minifundistes IIM, ces paysans se consacrent à l'élevage porcin à des fins d'autoconsommation, mais également pour dégager éventuellement un revenu complémentaire. Le choix des systèmes de culture et d'élevage mis en œuvre mérite une analyse plus approfondie. En effet, le comportement adopté par ces paysans est fortement marqué par la faible disponibilité de surfaces agricoles sur les plaines d'épandage et les terrasses alluviales, ainsi que par la disponibilité d'un motoculteur et d'un atelier de farine semi-motorisé. Cette situation a incité ces paysans à développer des systèmes de culture à forte valeur ajoutée, pour la plupart fondés sur la culture du manioc et, dans une moindre mesure, sur les cultures maraîchères. Les enquêtes réalisées auprès des paysans qui mettent en œuvre ce système de production nous ont permis de confirmer ce constat : la productivité du travail varie entre 3.500 et 6.000 francs par actif familial, et la productivité de la terre entre 600 et 1.100 francs par hectare SAU. Ces paysans ont systématiquement recours à des activités non agricoles, auxquelles ils consacrent entre 20 et 60% de leur force de travail familiale, pour un revenu compris entre 15 et 50% de leur revenu total. Contrairement aux paysans minifundistes des types IIJ et IIM, ils se consacrent davantage à la transformation du manioc en farine et au travail comme entrepreneur, qu'à la cueillette et la transformation artisanale du cœur de palmier. En effet, la disponibilité d'un atelier de farine de manioc semi-motorisé, et éventuellement d'un motoculteur, leur confère des atouts considérables. Tout d'abord, ces équipements permettent une augmentation de la productivité du travail dans les ateliers de farine comme dans les plantations de manioc. La motorisation de certaines tâches dans les ateliers entraîne une augmentation de la productivité du travail de plus de 50%. L'amélioration des conditions du transport permet à ces paysans de mettre en culture, avec du manioc, des parcelles de plus en plus éloignées des ateliers de transformation. Ces paysans peuvent ainsi disposer de parcelles avec des recrûs plus âgés pour la culture du manioc et, par conséquent, d'une productivité du travail plus élevée grâce à l'augmentation des rendements et à la réduction de la durée des travaux agricoles (notamment de sarclage). Par ailleurs, l'amélioration des conditions de transport les incite à établir des contrats de métayage avec des paysans des environs pour compléter leur approvisionnement en matière première. Par ces contrats, ils s'engagent à transporter les racines de manioc vers les ateliers et à les transformer en farine en échange de la moitié de la production totale de produit fini. C'est d'ailleurs pour cette raison que ces paysans minifundistes n'ont aucune raison de généraliser la préparation motorisée du sol pour la culture du manioc sur leurs exploitations. En effet, si le motoculteur permet certes de surmonter un important goulet d'étranglement - la préparation du sol -, en revanche, il ne permet pas de réduire les besoins de travail lors des opérations de sarclage : le temps nécessaire au sarclage tend à augmenter car la préparation du sol à l'aide du motoculteur nécessite l'utilisation de parcelles avec des recrûs de courte durée ou en succession (par conséquent, avec une infestation d'herbes adventices plus élevée). La culture du manioc avec une préparation du sol à l'aide du motoculteur demeure donc marginale et peu répandue parmi les paysans du type IIV. Enfin, ces paysans peuvent réaliser, de manière sporadique, des prestations de service à l'aide du motoculteur, comme le transport de produits agricoles et la préparation superficielle du sol de petites parcelles agricoles appartenant à des paysans des environs. Mais le principal avantage de ces activités non agricoles tient au fait qu'elles peuvent être réalisées tout au long de l'année, et qu'elles ne sont soumises à aucune contrainte liée à la politique de protection de l'environnement. Bien qu'elles dégagent une rémunération du travail moins élevée, notamment par rapport à la cueillette et la transformation du cœur de palmier, ces activités non agricoles assurent une réelle sécurité à ce système de production. - Les systèmes de production des paysans "moyens" La catégorie des paysans "moyens", qui représentent aujourd'hui environ 16% des exploitants de la région, est également formée de paysans locaux. Ces paysans ont été les plus favorisés par le long processus d'accumulation et de différenciation socio-économique qui a marqué la société paysanne de cette région, notamment depuis la fin du siècle dernier. Comme nous avons pu le voir tout au long du chapitre II, les paysans "moyens" sont parvenus à s'approprier les surfaces agricoles les mieux situées (notamment dans les plaines d'épandage de crues), ainsi que les principales activités économiques locales (commerce du cœur de palmier, commerce de détail, transport). L'implantation des néolatifundias et l'amélioration des moyens de communication depuis quelques décennies ont certes supprimé une partie de ces atouts, mais ces individus conservent encore une place privilégiée au sein de cette société agraire. Au même titre que les paysans minifundistes, ils ont pu résister aux assauts des néolatifundias car ils possèdent des titres fonciers ou des récépissés pour leurs exploitations agricoles délivrés par l'État du Paraná. Cependant, la plupart d'entre eux ont été dépossédés des surfaces agricoles dont ils disposaient à l'intérieur de la région montagneuse et dans les vallées alluviales secondaires. Malgré cela, leurs exploitations agricoles ont une superficie plus conséquente que celles appartenant aux paysans des catégories sociales précédentes (entre 8 à 21 hectares par actif familial). En outre, ces paysans disposent du niveau d'équipement le plus important parmi la paysannerie du littoral nord du Paraná. Cet équipement est très variable, mais dans la majorité des cas, tous possèdent un outillage manuel et un atelier de farine de manioc individuel ou en copropriété. De plus, ils disposent de mulets, de tronçonneuses, de camionnettes, d'ateliers de transformation de banane et de motoculteurs. Les systèmes de production mis en œuvre par les paysans "moyens" sont fondés en grande partie sur des systèmes de culture de défriche-brûlis (avec une durée des recrûs qui varient entre 2 et 10 ans), sur la culture permanente de la banane, sur l'élevage bovin en plein air, ainsi que sur un important recours aux activités non agricoles. Les systèmes de production mis en œuvre par le paysans "moyens" ont été classés en trois types distincts, à savoir IIIA, IIIB et IIIF. - Le système de production des paysans "moyens" type IIIA Le système de production type IIIA est mis en œuvre par des paysans "moyens" ayant des surfaces agricoles comprises entre 10 et 18 hectares par actif familial, réparties sur différentes unités de milieu naturel. Ces paysans "moyens" représentent environ 3% des exploitants de la région et sont pour la plupart implantés dans les villages localisés dans la sous-région des bas-fonds et des plaines littorales. Ces exploitations disposent donc d'un accès très limité à certaines unités de milieu naturel, comme les versants de montagnes et les terrasses alluviales. Le jardin de case, dont la surface est de 0,3 à 0,7 hectare par actif familial, est semblable à celui rencontré chez les minifundistes. Outre un outillage manuel et un petit atelier de transformation de farine (manuel ou semi-motorisé), ces paysans possèdent une tronçonneuse qu'ils ont le plus souvent pu acquérir d'occasion auprès des propriétaires des néolatifundias de la région. Leurs surfaces agricoles localisées sur les terrasses alluviales représentent moins de 20% de la surface totale de leurs exploitations. La faible disponibilité de surfaces agricoles sur les terrasses alluviales et l'absence de parcelles sur les versants de montagnes sont des facteurs déterminants dans le choix des systèmes de culture. Les parcelles disponibles sur les terrasses alluviales sont cultivées avec des systèmes de culture de défriche-brûlis (avec des recrûs de courte durée), où la culture du manioc occupe une place centrale. Le plus souvent, ces paysans mettent en œuvre des systèmes de culture avec la culture du manioc (parfois en association avec le haricot noir), en tête de rotation avec le système de défriche-brûlis (avec des recrûs de courte durée). Parfois, ce premier cycle de culture est suivi en succession par un deuxième cycle de culture avec du manioc avant l'abandon au recrû. Ces paysans "moyens" mettent également en œuvre un système de culture avec du haricot en tête de rotation, suivi en succession par la culture du manioc (associé ou non à la culture du haricot), avec le système de défriche-brûlis (recrû de courte durée). Dans ce cas, la culture du haricot est réalisée au cours d'une 2e saison culturale, suite à la période des pluies. Tableau 37 - Les principaux systèmes de culture mis en œuvre par les paysans "moyens" IIIA sur les terrasses alluviales Système de culture - Jardin de case - Culture du manioc associé ou non au haricot noir (avec le système de défriche-brûlis), en succession culture du manioc associé ou non au haricot noir suivie par l'abandon au recrû (durée de 2 à 4 ans) - Culture du haricot noir (avec le système de défriche-brûlis), en succession culture du manioc associé ou non au haricot noir suivie par l'abandon au recrû (durée de 2 à 4 ans) Surface agricole utile par actif familial (ha/actif) < 0,7 < 1,1 < 1,0 Source : Enquêtes de terrain, 1991-92. Les paysans "moyens" IIIA disposent en outre de parcelles sur les plaines d'épandage de crues qui peuvent représenter jusqu'à 30% des surfaces agricoles disponibles. Sur ces plaines cependant, la plupart des surfaces agricoles sont inondées par des crues de longue durée et ne peuvent donc pas être cultivées avec de la banane. Ces paysans disposent des surfaces en banane les moins importantes parmi les paysans "moyens" (moins de 0,8 hectare par actif). Ainsi, la mise en culture de ces parcelles se limite à la culture du maïs avec le système de défriche-brûlis. Tableau 38 - Les principaux systèmes de culture mis en œuvre par les paysans "moyens" IIIA sur les plaines d'épandage de crues Système de culture - Culture permanente de la banane - Culture du maïs (avec le système de défriche-brûlis) suivie par l'abandon au recrû (durée d'environ 3 ans) Surface agricole utile par actif familial (ha/actif) < 0,7 < 3,0 Source : Enquêtes de terrain, 1991-92. Environ 60% des surfaces agricoles dont disposent ces exploitants se concentrent sur les bas-fonds et les plaines littorales et leur mise en valeur se limite à la culture du riz pluvial avec le système de défriche-brûlis (avec des recrûs d'une durée de 5 à 10 ans), et l'élevage bovin naisseur-engraisseur en plein air. D'ailleurs, ce sont là les principales activités agricoles développées par les paysans "moyens" IIIA. Ces paysans disposent ainsi d'une surface en pâturage comprise entre 4 et 10 hectares par actif familial, et d'une surface cultivée en riz pluvial variant de 2 à 5 hectares par actif familial. Bien qu'elles dégagent une rentabilité économique très faible, ces activités agricoles présentent certains atouts pour ces paysans "moyens", car leur calendrier agricole est très souple : l'élevage bovin ne présente aucune pointe de travail et la surcharge de travail dans la culture de riz pluvial se limite à une courte période de l'année (notamment durant la période de récolte, entre mars et mai). De la même manière que les paysans minifundistes, ces paysans disposent assez souvent d'une truie pour produire des porcelets destinés à la vente, outre l'engraissement de quelques porcins pour l'autoconsommation. Les installations d'élevage sont alors simples et rustiques. En tant qu'activité secondaire, l'élevage porcin permet à ces paysans de valoriser les pertes de banane et les résidus de la transformation du manioc, tout en mobilisant une faible quantité de capital et de travail. L'analyse plus détaillée des activités agricoles pratiquées par ces paysans "moyens" nous a permis de souligner quelques-unes des particularités de ce système de production. En effet, la plupart des surfaces agricoles dont disposent ces paysans sont situées sur les bas-fonds et sur les plaines littorales, et ce système de production est donc fondé en large partie sur l'élevage bovin en plein air et sur la culture du riz pluvial qui, comme nous avons pu le voir précédemment, sont des activités à très faible valeur ajoutée. Cela se traduit par des performances économiques qui comptent parmi les plus basses des divers systèmes de production mis en œuvre par les paysans "moyens". Ce système de production présente une productivité du travail comprise entre 4.400 et 7.200 francs par actif familial et une productivité de la terre comprise entre 320 et 560 francs par hectare SAU. Par contre, en privilégiant ces systèmes de culture et d'élevage, ces paysans peuvent bénéficier d'un calendrier agricole souple avec des travaux agricoles concentrés sur une courte période de l'année, qui permet à une partie de la main d'œuvre familiale de se soustraire à l'exploitation pendant des périodes relativement longues. Ces paysans peuvent alors se consacrer à des activités non agricoles notamment comme entrepreneurs auprès des néolatifundias. Les prestations de service comme entrepreneur sont réalisées à l'aide de la tronçonneuse et concernent notamment des opérations de défrichement, la coupe et le façonnage du bois, ou encore la construction et la réparation de clôtures, autant de travaux le plus souvent rémunérés à la journée. Malgré les particularités de cette activité, nous avons pu estimer que la rémunération dégagée s'élève à environ 8.200 francs par actif et par an. Cependant, de telles opportunités de travail sont aujourd'hui de plus en plus rares dans la région, notamment en raison de la mise en place de la politique environnementale. Pour diversifier leurs activités et diminuer leur dépendance vis-à-vis des travaux d'entrepreneur, quelques paysans "moyens" IIIA ont développé depuis quelques années la production de farine de manioc. Pour cela, ils ont motorisé leurs ateliers de transformation et augmenté les surfaces cultivées avec la culture du manioc. Cependant, les faibles surfaces agricoles dont ils disposent pour la culture du manioc ne leur ont pas permis de développer davantage cette activité. D'après les enquêtes réalisées, leur production annuelle de farine de manioc se limite à 250 Kg de farine par actif familial, ce qui correspond à peine à 10 journées de travail par actif et par an. Quoi qu'il en soit, les activités non agricoles peuvent concerner jusqu'à 30% de la force de travail employée dans ces exploitations agricoles et leur participation dans le revenu total atteindre 40%. Les difficultés que les paysans "moyens" IIIA affrontent dans leurs activités non agricoles ne les empêchent pas pour autant d'embaucher des journaliers pendant certaines périodes de surcharge de travail, notamment de mars à mai pour la récolte du riz pluvial. Assez souvent d'ailleurs, ces paysans préfèrent investir leur main d'œuvre familiale dans certaines activités non agricoles, dont la rémunération du travail semble plus élevée que celle éventuellement obtenue sur leurs exploitations. Dans ce cas, des journaliers sont embauchés pour assurer à leur place les travaux agricoles. Nous estimons ces besoins en main d'œuvre externe à moins de 40% de la force de travail totale. - Le système de production des paysans "moyens" type IIIB Les paysans "moyens" mettant en œuvre le système de production type IIIB ont des surfaces agricoles comprises entre 12 et 21 hectares par actif familial et représentent environ 6% des exploitations de la région. Ils sont pour la plupart implantés dans les localités de la sous-région des vallées alluviales étroites. Ces paysans ont accès à toutes les unités de milieu naturel et, dans la catégorie des paysans "moyens', ce sont eux qui disposent des surfaces agricoles les plus importantes dans les plaines d'épandage de crues. Tableau 39 - Les principaux systèmes de culture mis en œuvre par les paysans "moyens" IIIB sur les plaines d'épandage de crues Système de culture - Culture permanente de la banane - Culture du maïs (avec le système de défriche-brûlis) suivie par l'abandon au recrû (durée d'environ 3 ans) Surface agricole utile par actif familial (ha/actif) < 5,0 < 3,0 Source : Enquêtes de terrain, 1991-92. Outre des ateliers de transformation de farine manuels ou semi-motorisés et d'un outillage manuel, ces exploitants disposent d'un mulet. Ces surfaces agricoles situées dans les plaines d'épandage de crues sont pour la plupart soumises à des inondations de courte durée et les paysans disposent ainsi des surfaces pour la culture de la banane les plus importantes : pour deux tiers d'entre eux, elles sont comprises entre 3 et 5 hectares par actif familial. De plus, ils cultivent du maïs avec le système de défriche-brûlis sur les plaines d'épandage qui ne peuvent pas être mises en culture avec la banane en raison de l'excessive durée des crues. Ces paysans "moyens" , comme les paysans IIIA, disposent de surfaces agricoles réduites sur les terrasses alluviales. Pour la majorité d'entre eux, celles-ci représentent moins de 10% de la surface de leurs exploitations. Cette faible disponibilité de surfaces agricoles incite ces paysans à mettre en œuvre des systèmes de culture fondés sur le système de défriche-brûlis, où la culture du manioc occupe une place centrale. En effet, la localisation des parcelles de manioc sur les terrasses alluviales et, par conséquent, à proximité des ateliers de farine, facilite considérablement le transport de la production. Les systèmes de culture mis en œuvre par ces paysans sont pour la plupart semblables à ceux utilisés par les paysans "moyens" IIIA. Tableau 40 - Les principaux systèmes de culture mis en œuvre par les paysans "moyens" IIIB sur les terrasses alluviales Système de culture - Jardin de case - Culture du manioc associé ou non au haricot noir (avec le système de défriche-brûlis), en succession culture du manioc associé ou non au haricot noir suivie par l'abandon au recrû (durée de 2 à 4 ans) - Culture du maïs ou du riz pluvial ou haricot noir (avec le système de défriche-brûlis), en succession culture du manioc associé ou non au haricot noir suivie par l'abandon au recrû (durée de 3 à 6 ans) Surface agricole utile par actif familial (ha/actif) < 0,8 < 1,0 < 0,7 Source: Enquêtes de terrain, 1991-92. Certains de ces paysans mettent en œuvre des systèmes de culture avec des cultures annuelles en tête de rotation (maïs, riz pluvial, haricot), avec le système de défriche-brûlis (recrû de courte à moyenne durée) suivi, en succession et suite à une préparation superficielle du sol manuel, par la culture du manioc (associé ou non au haricot). En plus des surfaces agricoles sur les plaines d'épandage et les terrasses alluviales, ces paysans disposent de surfaces agricoles considérables sur les versants de montagnes : environ la moitié des paysans "moyens" IIIB y ont là plus de 40% de leurs surfaces agricoles. Cette importante disponibilité de surfaces agricoles sur les versants des montagnes permet à ces paysans de mettre en place des systèmes de culture fondés sur le système de défriche-brûlis avec des recrûs de moyenne durée (plus de 6 ans d'âge). Les cultures annuelles sont alors placées en tête de rotation suivies, en succession, par la culture du manioc et du haricot noir avant l'abandon au recrû. Ces versants sont également cultivés avec de la banane, avec le système de défriche-brûlis. Environ un tiers des paysans "moyens" IIIB exploitent les boisements naturels de palmier existants sur les surfaces agricoles localisées sur les versants les plus éloignés des fonds de vallée. Tableau 41 - Les principaux systèmes de culture mis en œuvre par les paysans "moyens" IIIB sur les versants de montagnes Système de culture - Culture de la banane (avec le système de défriche-brûlis) pendant 5 à 6 ans, suivie par l'abandon au recrû (durée de 8 à 10 ans) - Culture du riz pluvial, du maïs ou du haricot noir (avec le système de défriche-brûlis), en succession culture du haricot noir suivie par l'abandon au recrû (durée de 6 à 10 ans) - Culture du riz pluvial, du maïs ou du haricot noir (avec le système de défriche-brûlis), en succession culture du manioc associé ou non au haricot suivie par l'abandon au recrû (durée de 6 à 10 ans) - Exploitation du palmier (sous couvert arboré) Surface agricole utile par actif familial (ha/actif) < 1,0 < 10,0 < 8,0 < 30,0 Source : Enquêtes de terrain, 1991-92. Enfin, ces paysans disposent de surfaces agricoles sur les bas-fonds et les plaines littorales, qui varient entre 15 et 40% de la surface totale des exploitations. La mise en valeur de ces parcelles se limite à la culture du riz pluvial, avec le système de défriche-brûlis (avec des recrûs d'une durée de 6 à 10 ans), mais surtout à l'élevage bovin naisseur-engraisseur en plein air. En effet, ces paysans consacrent à la culture du riz pluvial une surface agricole utile inférieure à 5 hectares par actif familial et disposent d'une surface en pâturage de 2 à 6 hectares par actif familial. Contrairement aux paysans IIIA, l'élevage bovin constitue pour ces paysans un moyen d'épargne, dont le capital peut être facilement disponible en cas d'imprévu. À l'instar des paysans "moyens" IIIA, l'élevage porcin aussi bien naisseurengraisseur qu'engraisseur est présent dans la plupart des exploitations, sans pour autant occuper une place importante dans ce système de production. Ce système de production présente la productivité du travail la plus élevée parmi tous ceux mis en œuvre par les paysans "moyens", en raison de l'importance des activités agricoles à forte valeur ajoutée (comme la culture de la banane). Les enquêtes réalisées auprès des paysans mettant en œuvre ce système de production ont permis de calculer des productivités du travail et de la terre variant respectivement de 9.200 à 16.200 francs par actif familial et de 480 à 940 francs par hectare SAU. En ce qui concerne les activités non agricoles, ces paysans sont, parmi les paysans "moyens", ceux qui y consacrent le moins de temps de travail. Elles mobilisent moins de 20% de leur force de travail totale et sont responsables de moins de 10% de leur revenu total. Ces paysans "moyens" trouvent dans la cueillette et dans la transformation du cœur de palmier leur principale activité non agricole. En effet, ce sont eux qui disposent du plus d'avantages pour entreprendre la cueillette du cœur de palmier et sa mise en conserve artisanale, car leurs exploitations sont implantées à proximité des boisements naturels de la région montagneuse. D'ailleurs, dans l'objectif d'améliorer la productivité du travail, une partie d'entre eux possèdent des mulets pour transporter la matière première. Lorsque ces activités s'avèrent impraticables, notamment à cause des contrôles des organismes environnementaux, ils produisent de la farine de manioc. Pour cela, la plupart disposent d'ateliers de transformation de manioc semimotorisés. Enfin, certains réalisent de manière sporadique des travaux agricoles comme entrepreneur auprès des néolatifundias. Contrairement à ce à quoi on pouvait s'attendre, les paysans IIIB sont, parmi les paysans "moyens", ceux qui utilisent le plus de main d'œuvre externe, dont la part peut atteindre près de 70% de leurs besoins en force de travail. En effet, les principales activités agricoles pratiquées par ces paysans sont en grande partie très demandeuses en main d'œuvre, comme c'est le cas par exemple de la culture de la banane ou du manioc. Qui plus est, la cueillette du cœur de palmier et les travaux comme entrepreneur imposent des périodes d'absence parfois longues et cela tout au long de l'année. - Le système de production des paysans "moyens" type IIIF Le système de production type IIIF comprend les paysans "moyens" qui disposent des surfaces agricoles les plus restreintes de la catégorie (entre 8 et 16 hectares par actif familial). Ces paysans représentent environ 7% des exploitants de la région et sont pour la plupart localisés dans la sous-région des vallées larges. Ils ont accès à toutes les unités de milieu naturel et sont les mieux équipés parmi les paysans "moyens" du littoral nord du Paraná : la majorité d'entre eux disposent d'un atelier de farine de manioc motorisé et parfois d'un motoculteur. Quelques paysans IIIF possèdent un atelier de transformation de banane et une camionnette. Certains de ces équipements ont été financés par des donations gouvernementales octroyées dans le cadre des programmes de développement mis en place par l'État du Paraná. Ces exploitants disposent de surfaces agricoles relativement importantes dans les plaines d'épandage de crues, dont la plupart sont soumises à des inondations de courte durée. Tableau 42 - Les principaux systèmes de culture mis en œuvre par les paysans "moyens" IIIF sur les plaines d'épandage de crues Système de culture - Culture permanente de la banane - Culture du maïs (avec le système de défriche-brûlis) suivie par l'abandon au recrû (durée d'environ 3 ans) Surface agricole utile par actif familial (ha/actif) < 3,0 < 2,0 Source : Enquêtes de terrain, 1991-92. Ainsi les surfaces occupées par la culture permanente de la banane peuvent atteindre 5 hectares par actif familial. Les surfaces cultivées en maïs avec le système de défriche-brûlis sont plus restreintes puisqu'elles ne dépassent pas 2 hectares par actif familial. Comme dans les systèmes de production précédents, ces paysans disposent de surfaces agricoles sur les terrasses alluviales représentant à peine 20% de la superficie de leurs exploitations. Outre le jardin de case, les surfaces agricoles disponibles sur les terrasses alluviales sont cultivées avec des systèmes de culture où prédomine la culture du manioc. Ces systèmes de culture sont semblables à ceux mis en œuvre par les paysans "moyens" IIIA et IIIB : des cultures annuelles (maïs, riz pluvial, haricot) ou de manioc (associé ou non au haricot), en tête de rotation avec le système de défriche-brûlis (recrû de courte durée), suivies en succession et suite à une préparation superficielle du sol manuel, par la culture du manioc (associé ou non au haricot). Tableau 43 - Les principaux systèmes de culture mise en œuvre par les paysans "moyens" IIIF sur les terrasses alluviales Système de culture - Jardin de case - Culture du manioc associé ou non au haricot noir (avec le système de défriche-brûlis), en succession culture du manioc associé ou non au haricot noir suivie par l'abandon au recrû (durée de 2 à 4 ans) - Culture du maïs ou haricot noir (avec le système de défriche-brûlis), en succession culture du manioc associé ou non au haricot noir suivie par l'abandon au recrû (durée de 3 à 6 ans) Source : Enquêtes de terrain, 1991-92. Surface agricole utile par actif familial (ha/actif) < 0,6 < 3,0 < 2,6 Certains paysans qui disposent d'un motoculteur ont adopté un nouveau système de culture pour la culture du manioc. Le brûlis y est supprimé et la préparation du sol est réalisée à l'aide du motoculteur. Après un ou deux cycles de culture avec du manioc, la parcelle est abandonnée pendant environ deux ans pour permettre le développement d'une végétation herbacée. Ce système se limite uniquement à la culture du manioc, car ce tubercule facilite les opérations de sarclage manuel à la houe et peut supporter la concurrence prolongée des herbes adventices. Cependant, les surfaces agricoles utiles concernées par ce système se limitent à moins de 1,2 hectare par actif familial. Il s'agit avant tout de petites parcelles localisées à proximité des ateliers de transformation. Ceci s'explique par le fait que l'amélioration de la productivité du travail dans ce système est contrebalancée par une réduction de la valeur ajoutée brute d'environ 30%, notamment à cause de la réduction des rendements en manioc. Bien qu'ils disposent parfois d'un motoculteur, ces paysans n'ont mis en œuvre aucun système de cultures maraîchères. Avec des fonds propres insuffisants et dans l'impossibilité de présenter les garanties exigées, ils n'ont pas accès au crédit bancaire dont les taux sont trop élevés. La plupart des subventions offertes par les programmes de développement de l'État leur échappent également, car il leur faudrait pouvoir disposer des capitaux nécessaires au financement de la contrepartie. Contrairement aux minifundistes, ces paysans "moyens" portent peu d'intérêt au développement des cultures maraîchères en métayage avec des agriculteurs patronaux, car leur main d'œuvre familiale est très peu disponible. Outre les plaines d'épandage et les terrasses alluviales, environ deux tiers des paysans IIIF disposent de surfaces agricoles sur les versants des montagnes. Les parcelles localisées sur les bas versants sont cultivées avec de systèmes de défriche-brûlis (avec des recrûs de courte à moyenne durée). Dans ces systèmes, les cultures annuelles (riz pluvial, maïs) ou la culture du manioc, parfois associé au haricot noir, sont placées en tête de rotation suivies, en succession, par la culture du manioc (associé ou non au haricot noir), avant l'abandon au recrû. La culture du manioc occupe une place prédominante sur les versants des montagnes, car l'utilisation d'un motoculteur permet de surmonter en grande partie l'obstacle que représente le transport de la matière première depuis les parcelles jusqu'aux ateliers de transformation. Un tiers environ des paysans IIIF disposent de surfaces agricoles sur les versants des montagnes plus éloignés des fonds de vallée dont ils exploitent les boisements naturels de palmier. Comme ceux des types IIIA et IIIB, ces paysans disposent d'importantes surfaces agricoles sur les bas-fonds et sur les plaines littorales, qui représentent entre 40 et 70% de la surface totale de leurs exploitations. La mise en valeur de ces surfaces est semblable à celle utilisée par les paysans "moyens" du type précédent : culture du riz pluvial avec le système de défriche-brûlis (avec des recrûs de moyenne durée), et élevage bovin naisseur-engraisseur en plein air. Ces paysans consacrent à la culture du riz pluvial une surface agricole utile inférieure à 6 hectares par actif familial, et à l'élevage bovin, une surface agricole utile entre 1 et 6 hectares par actif familial. Tableau 44 - Les principaux systèmes de culture mis en œuvre par les paysans "moyens" IIIF sur les versants de montagnes Système de culture - Culture de la banane (avec le système de défriche-brûlis) pendant 5 à 6 ans, suivie par l'abandon au recrû (durée de 8 à 10 ans) - Culture du riz pluvial, du maïs ou du haricot noir (avec le système de défriche-brûlis), en succession culture du manioc associé ou non au haricot suivie par l'abandon au recrû (durée de 3 à 5 ans) - Culture du manioc associé ou non au haricot (avec le système de défriche-brûlis), en succession culture du manioc associé ou non au haricot suivie par l'abandon au recrû (durée de 4 à 10 ans) - Exploitation du palmier (sous couvert arboré) Surface agricole utile par actif familial (ha/actif) < 5,0 < 4,0 < 6,0 < 30,0 Source : Enquêtes de terrain, 1991-92. L'élevage porcin naisseur/engraisseur comme engraisseur est présent dans la moitié des exploitations, où il se limite à l'élevage d'une truie ou de quelques porcs gras par an. Cette activité se justifie par la valorisation des résidus de la transformation de banane et de manioc qu'elle permet. En dépit d'une productivité de la terre élevée, la productivité du travail de ces paysans "moyens" est relativement faible, notamment par rapport à celle obtenue par les paysans IIIB, un phénomène qui reflète l'importance des activités agricoles et d'élevage à faible valeur ajoutée (notamment l'élevage bovin et la culture du riz pluvial) au sein de ces exploitations paysannes. D'après les enquêtes réalisées auprès des paysans mettant en œuvre ce système de production, nous avons calculé des productivités du travail et de la terre comprises respectivement entre 5.800 et 9.700 francs par actif familial et entre 560 et 840 francs par hectare SAU. En ce qui concerne les besoins en main d'œuvre externe des paysans IIIF, nous avons constaté qu'ils sont aussi élevés que ceux des paysans "moyens" IIIB. Nous estimons qu'ils peuvent atteindre 60% de la force de travail totale employée dans leurs exploitations. En effet, les principales activités agricoles (notamment la culture du manioc et de la banane), mais surtout les activités de transformation de la production agricole, se caractérisent par une importante demande en main d'œuvre, et cela tout au long de l'année. Pour compléter leurs besoins, ces paysans embauchent de journaliers qui sont le plus souvent des paysans manouvriers et des minifundistes des environs. Contrairement aux paysans IIIA et IIIB, les paysans IIIF consacrent une partie très importante de leur force de travail totale à des activités non agricoles, soit 20 à 50%, pour 30 à 70% de leur revenu total. En effet, les paysans IIIF ont bénéficié de certains atouts pour le développement de telles activités, notamment pour la transformation du manioc et plus récemment, pour la transformation de la banane. Ces paysans ont toujours joui d'une localisation privilégiée quant à l'accès aux voies de communication, qu'elles soient fluviales ou terrestres. Aujourd'hui, leurs exploitations sont directement desservies par les principales pistes en terre construites depuis les années 70. Ils ont par ailleurs été largement favorisés par les programmes de développement mis en place par le gouvernement du Paraná. Certes, les moyens financiers alloués étaient limités, mais l'organisme de vulgarisation agricole de l'État (EMATER) a concentré son action sur un nombre restreint de paysans, et notamment sur les paysans "moyens" IIIF en raison de leur localisation privilégiée, des importantes surfaces agricoles dont ils disposaient et de leur niveau d'équipement relativement élevé. La transformation artisanale du manioc en farine est sans doute la principale activité des paysans "moyens" IIIF. C'est d'ailleurs dans ces exploitations que l'on recense les ateliers de transformation de manioc les mieux équipés et les plus performants de la région. La majorité des ateliers appartiennent à des groupements de paysans, mais surtout à des familles élargies. Dans ce dernier cas, les ateliers ont été reçus en héritage et continuent à être gérés et exploités par les membres de la famille restés sur place. La plupart de ces familles élargies regroupent entre 2 et 3 exploitations paysannes. En revanche, les ateliers appartenant à des groupements de paysans ont été montés sur incitation de l'organisme de vulgarisation de l'État (EMATER), notamment depuis la fin des années 80. La plupart d'entre eux regroupent de 2 à 5 paysans voisins, sans lien de parenté direct. La presque totalité des motoculteurs appartient à des groupements de 2 à 3 paysans "moyens" et ont été acquis grâce à des prêts bonifiés spéciaux consentis par des organismes bancaires étatiques pendant les années 70 et 80. Les ateliers et les motoculteurs appartenant à des paysans de manière individuelle sont très peu courants. Plusieurs raisons nous permettent d'expliquer l'intérêt porté par la majorité des paysans "moyens" IIIF à la possession et à la gestion commune de ces équipements. Ils peuvent difficilement se consacrer davantage à la transformation du manioc en farine en raison des difficultés d'approvisionnement en matière première dues à la fois à l'éloignement et à la faible productivité du travail des plantations de manioc, et souvent aux importantes difficultés de transport de la récolte. Par conséquent, ces paysans ne peuvent pas faire fonctionner en permanence leurs ateliers. De plus, la gestion en commun des ateliers et des motoculteurs permet de réduire leurs dépenses d'amortissement et d'entretien. Nous avons classé les ateliers artisanaux de transformation de manioc rencontrés dans les exploitations du type IIIF en 2 classes distinctes selon le niveau d'équipement, la productivité du travail et la production totale annuelle (tableau 45). Tableau 45 - Les différents types d'ateliers de fabrication de farine de manioc dont disposent les paysans "moyens" IIIF, selon le niveau d'équipement, la productivité du travail, la production totale annuelle et la rémunération annuelle dégagée par actif Productivité du travail (Kg de farine par actif par jour) Production totale annuelle (tonnes farine par an) Rémunération annuelle par actif (francs) 28 32,2 7600 34 39,2 7500 Groupe III. Atelier motorisé (râpage, nettoyage et torréfaction motorisées) Groupe IV. Atelier motorisé (râpage, nettoyage et torréfaction motorisées) + motoculteur en commun Source : Enquêtes de terrain (1989, 1990 et 1992). L'atelier de transformation de manioc III bénéficie d'un équipement motorisé pour les principales opérations. Cet équipement est en général fabriqué artisanalement dans l'exploitation. L'atelier de transformation IV est le mieux équipé. Outre les équipements du groupe précédent, on y trouve un motoculteur pour assurer le transport des racines depuis les plantations jusqu'à l'atelier. Ses performances techniques sont supérieures à celles de l'atelier III, mais ne permettent pas de dégager une rémunération du travail supérieure en raison de l'augmentation considérable des frais d'entretien et d'amortissement, notamment du motoculteur. Si la disponibilité d'un motoculteur ne permet pas d'améliorer considérablement les performances techniques et économiques des ateliers de transformation, il permet par contre d'améliorer la productivité du travail des opérations de récolte et du transport de la production vers l'atelier de transformation. C'est ainsi que les paysans IIIF qui ont accès à un motoculteur peuvent s'approvisionner plus aisément en matière première auprès des paysans des environs. Dans ce cas, ils passent des accords de métayage avec ces derniers : en échange de la moitié de la farine produite, ils assurent la récolte, le transport des racines vers l'atelier et leur transformation en farine. Néanmoins, de tels accords concernent moins d'un quart du volume de manioc utilisé annuellement dans ces ateliers (Enquêtes de terrain, 1989- 1992). Quel que soit leur niveau d'équipement, les ateliers de production de farine de manioc demandent une main d'œuvre relativement importante. La transformation du manioc en farine peut être réalisée tout au long de l'année, mais certaines périodes y sont plus favorables. L'hiver est considéré comme la période la plus indiquée car les racines de manioc présentent alors une concentration d'amidon plus élevée et les températures plus fraîches limitent les risques de fermentation de la pâte tout au long du processus de fabrication. En outre, les calendriers agricoles sont moins chargés à cette période de l'année et la main d'œuvre familiale et externe est plus disponible. D'après les enquêtes réalisées, nous estimons que chaque exploitant IIIF utilise l'atelier de transformation de manioc pendant 25 à 50 jours par an pour une production de farine de 4 à 8 tonnes. La transformation artisanale de la banane est une activité très récente sur le littoral nord du Paraná, car elle remonte à la fin des années 80. Cette activité trouve son origine dans un programme de développement mis en œuvre par l'organisme de vulgarisation agricole de l'État du Paraná (EMATER) dont objectif était d'inciter les paysans de la région à développer la transformation artisanale de certains fruits locaux (banane, papaye, goyave, etc.) en produits tels que confitures, pâtes et fruits séchés. Outre un soutien technique, ce programme consistait en la donation d'équipements pour la mise en place d'ateliers artisanaux à quelques paysans de la région littorale. Pour la plupart, ces ateliers artisanaux se sont ensuite spécialisés dans la transformation de banane en confiture et en pâtes de fruit, la banane étant une matière première très abondante et de très bas coût, voir même de coût nul au cours de certaines périodes de l'année. Les procédés artisanaux utilisés dans la transformation de la banane confèrent également une très bonne qualité à la production, notamment par rapport aux produits industrialisés disponibles dans le commerce, tout en demeurant à bon marché. Les résultats obtenus par des paysans de la région voisine de Morretes, qui avaient quant à eux débuté plus tôt cette activité, sont à ce titre exemplaires. Profitant des nombreux touristes visitant cette région ou la traversant pour gagner les plages du littoral au cours de la période estivale, des boutiques de produits artisanaux locaux se sont multipliées dans la ville de Morretes et en bordure des principales routes. Ce débouché a incité les paysans de cette région à développer davantage leurs activités artisanales à partir des produits agricoles locaux et la banane a conquis une place prédominante. Le procédé de transformation employé dans les ateliers de transformation de banane est peu complexe. Il est fondé pour l'essentiel sur l'utilisation d'installations et d'équipements déjà existants sur place. Les procédés de transformation reposent sur la cuisson-évaporation et le séchage. Les ingrédients nécessaires, outre la banane, se limitent au sucre et éventuellement au jus de citron (Porcheron - 1995, p. 43). Le plus souvent d'ailleurs, les paysans adaptent certains équipements destinés à l'origine à la production de la farine de manioc. Ainsi par exemple, les chaudrons en cuivre sont mécanisés pour assurer le mélange en continu. D'une manière générale, l'équipement de base de ces ateliers artisanaux consiste en un ou deux chaudrons en cuivre (chauffés au bois ou au gaz), en une cuisinière à gaz, une table et une balance. Contrairement aux ateliers de transformation de manioc, la presque totalité de ces ateliers appartiennent à un paysan qui en assure la gestion, et non à un groupe d'individus. Cette situation s'explique probablement par l'orientation donnée par l'EMATER, qui incitait le développement individuel des ateliers de transformation. Seul l'atelier artisanal de l'Association des Producteurs de Batuva est géré de manière associative. La production est commercialisée directement sur les marchés des villes du littoral centre et sud (Paranaguá, Antonina, Morretes, ainsi que de certaines villes balnéaires), ou livrée à des commerçants. Ceux-ci commercialisent ces produits dans des petites boutiques installées dans les principales villes et le long des principales routes de la région. La transformation de la banane figure parmi les activités non agricoles les mieux rémunérées de la région, puisqu'elle fournit environ 20.000 francs par actif et par an. Cependant, les difficultés rencontrées dans l'écoulement de la production n'incitent pas les paysans IIIF à s'y consacrer davantage ou à se spécialiser dans cette activité. La plupart d'entre eux sont confrontés à une importante irrégularité de la demande, à des problèmes de transport et surtout à la concurrence de plus en plus vive des producteurs des régions voisines. Dans ces conditions, ils se contentent d'une matière première composée des pertes ou des bananes non commercialisées, sans pour autant se soustraire au marché de la banane "in natura". Les enquêtes nous ont permis d'estimer que chaque atelier de transformation de la banane fonctionne entre 50 et 70 journées par an pour une production comprise entre 2 et 3 tonnes de pâtes de banane. Ces exploitants ne réalisent pas la cueillette du palmier à cause de leur éloignement de la région montagneuse. Le plus souvent, ils se limitent à la mise en conserve artisanale et clandestine du cœur de palmier récolté sur leurs propres parcelles. Sporadiquement, certains d'entre eux proposent également leurs services à l'aide du motoculteur (transport pour des tiers, préparation de parcelles, etc.). 1.2. Modélisation des résultats économiques des principaux systèmes de production La typologie présentée ci-dessus nous a permis d'identifier les systèmes de production les plus importants et les plus représentatifs mis en œuvre par les exploitants agricoles sur le littoral nord du Paraná. Le recours à la modélisation a exigé une caractérisation économique plus approfondie de ces systèmes de production, réalisée par une série d'enquêtes approfondies auprès d'un certain nombre d'exploitants agricoles préalablement sélectionnés. Ainsi, entre 1990 et 1992, 110 enquêtes approfondies ont été réalisées auprès d'exploitants agricoles. Les résultats dégagés par ces enquêtes constituent la base de données de la présente étude (les principaux résultats de ces enquêtes figurent dans l'annexe 9). Ces enquêtes ont permis de cerner les caractéristiques techniques et économiques de chaque système de production et de dresser un modèle représentatif de chaque type d'exploitation agricole. Il ne s'agit pas pour autant d'établir une moyenne parfaite ou de dresser une courbe de régression en fonction des données recueillies. Car ces dernières reflètent également des modifications conjoncturelles de comportement et fausseraient ainsi tout essai de modélisation : une mauvaise récolte, des problèmes de santé ou familiaux peuvent induire de sensibles variations dans la composition du capital et les résultats économiques (Léonard - 1991, p. 228). Nous n'avons pas non plus pris en considération les moyennes des valeurs rencontrées auprès des représentants de chaque type, ni les régressions linéaires sur le nuage de points de celles-ci, car elles pouvaient compromettre la cohérence interne des systèmes de production. Nous avons donc tenté de dresser les limites de systèmes de production cohérents, en respectant les orientations économiques et les composantes techniques des exploitations de chaque type (Léonard - 1991, p. 228). En prenant en considération ces arguments, nous avons construit un modèle mathématique pour chaque type identifié lors de la mise en œuvre de la typologie de systèmes de production. Nous avons ainsi pu établir un lien linéaire entre certains critères économiques (Valeur Ajoutée et Revenu) et les surfaces agricoles exploitées. Pour cela, ont été utilisées les équations suivantes : VA/ actif = a SAU/ actif - b Rev/ actif = a SAU/ actif - b pour la paysannerie (I, II et III) et les agriculteurs patronaux (IV) et ..... VA = a SAU - b Rev = a SAU - b pour les néolatifundias (V). où le coefficient a reflète l'intensité d'exploitation de l'exploitation agricole et b l'importance des équipements et des installations. Une telle formulation a permis de représenter graphiquement l'évolution des critères économiques en fonction de la superficie agricole par actif familial ou par exploitant pour chacun des systèmes de production préalablement définis. Nous obtenons ainsi pour chaque système de production un segment de droite, limité par la fourchette de superficie que chaque actif familial ou exploitant peut exploiter grâce aux moyens de production dont il dispose (Léonard - 1991, p. 229). Néanmoins, quelques remarques s'imposent. Tout d'abord, en ce qui concerne la représentation graphique du revenu par actif familial dégagé par chaque type de système de production développé par la paysannerie. En effet, nous avons constaté que la plupart des activités non agricoles pratiquées par la paysannerie sont confrontées à une importante instabilité. Cette situation, comme nous l'avons vu précédemment, est étroitement et principalement liée à d'importantes variations au niveau de la rigueur de l'application de la politique environnementale. Afin de pouvoir restituer la complexité des situations qui en découlent, nous avons choisi de représenter le revenu de chaque catégorie sociale concernée par cette situation (à savoir les manouvriers et les minifundistes) par deux segments de courbe distincts. Les segments inférieurs (IA, IB, IIJ, et IIM) ont été calculés en considérant que les exploitants ont été contraints de vendre leur force de travail en réalisant des activités non agricoles dont la rémunération du travail est moindre. En revanche, les segments supérieurs (IA', IB', IIJ' et IIM') ont été calculés en considérant que les exploitants sont parvenus à vendre leur force de travail en réalisant des activités non agricoles dont la rémunération est supérieure, c'est-à-dire la cueillette et la transformation clandestine du cœur de palmier. De même, nous avons choisi de représenter par deux segments de courbe distincts la valeur ajoutée et le revenu dégagé par les néolatifundias, dont le mode d'exploitation du milieu est fondé sur l'élevage de buffles en plein air (type VA). Nous avons adopté une double représentation de ces critères économiques afin de mettre en évidence certaines particularités de la gestion de ces néolatifundias. En effet, les enquêtes de terrain réalisées auprès des néolatifundias VA ont révélé que ces exploitants avaient réduit, parfois même arrêté, le renouvellement de leurs équipements et de leurs installations. Les segments de courbe inférieurs (VA) ont été calculés en partant de l'hypothèse que l'amortissement du capital fixe disponible dans les néolatifundias VA a été pris en compte dans sa totalité. Par contre, les segments de courbe supérieurs (VA') ont été calculés en prenant en compte que l'amortissement du capital fixe a été réduit à environ un tiers. Enfin, les différents systèmes de production ont été classés par rapport aux critères de pérennité et de reproductibilité. Pour cela, nous avons fait appel à la notion de "seuil de reproduction". Nous considérons le "seuil de reproduction" comme le niveau de revenu en dessous duquel il n'est plus possible, pour un exploitant agricole, d'assurer à la fois le renouvellement du capital d'exploitation et la subsistance de sa famille (Dufumier - 1996, p. 346). Pour la paysannerie, le "seuil de reproduction" correspond au revenu qu'un actif doit dégager pour assurer sa propre reproduction sociale (alimentation, habillement, dépenses en médicaments, entretien de la maison, etc.), des inactifs à sa charge ainsi que du capital d'exploitation (outillage agricole, bâtiments agricoles, etc.). Ce seuil a été fixé en prenant en compte le revenu annuel moyen d'un salarié agricole permanent dans la région. Il se situe à environ 6.000 francs. En revanche, pour les agriculteurs patronaux et les néolatifundiaires dont l'objectif consiste à rentabiliser au mieux leur capital, nous avons fixé ce seuil sur la base du taux d'intérêt des placements financiers. Ainsi, ils atteignent le "seuil de reproduction" lorsque le taux de profit annuel dégagé par leurs exploitations est au moins égal à celui obtenu par des placements financiers. Étant donné que la politique monétaire brésilienne au cours de cette période a été marquée par des mesures anti-inflationnistes en partie fondées sur des taux d'intérêt très élevés, nous avons fixé ce seuil entre 20 et 30%. Les résultats économiques et la modélisation des systèmes de production identifiés dans le littoral nord du Paraná figurent dans l'annexe 10. - Les systèmes de production des manouvriers Nous avons représenté les systèmes de production des manouvriers de la manière suivante - tableau 46 (ces modèles sont illustrés dans les figures 24 et 25) : Tableau 46 - Systèmes de production des manouvriers Type IA SAU/ actif fam. 0,2 à 0,4 Valeur Ajoutée par actif familial (en francs) VA/actif = 1360 SAU/actif - 80 IB 1,2 à 2,4 VA/actif = 940 SAU/actif - 170 Revenu par actif familial (en francs) Rev/actif = 11600 SAU/actif - 80 et Rev'/actif = 26000 SAU/actif - 80 Rev/actif = 2350 SAU/actif - 170 et Rev'/actif = 4450 SAU/actif - 170 Les activités agricoles réalisées par ces paysans sont destinées essentiellement à l'autoconsommation (jardin de case, culture du manioc), mais dégagent une valeur ajoutée relativement importante. Cependant, la productivité du travail de ces activités demeure faible, et cela malgré leur tendance à une rapide progression avec l'augmentation de la taille de la surface cultivée. Cette situation s'explique par la taille très réduite des exploitations. Le capital immobilisé dans ces exploitations est très faible puisqu'il se limite à un équipement manuel. Ces paysans sont contraints pour survivre de recourir à des activités non agricoles, et notamment à la cueillette du cœur de palmier qui permet presque de doubler le revenu par actif par rapport au salariat. Ils consacrent plus de 70% de leur force de travail à ces activités. Nous avons constaté que les manouvriers des types I.A. et I.B. ne parviennent pas à atteindre le seuil de reproduction par les seules activités agricoles ou par la transformation manuelle du manioc, le salariat ou des activités non agricoles secondaires (pêche, artisanat, etc.). Pour pouvoir atteindre ce seuil, ils doivent réaliser, au moins partiellement, la cueillette et la transformation clandestine du cœur de palmier. Nous estimons que cette situation concerne environ 37% des exploitants de la région. - Les systèmes de production des paysans minifundistes Nous avons représenté les systèmes de production minifundistes de la manière suivante - tableau 47 (ces modèles sont illustrés dans les figures 24 et 25) : Tableau 47 - Systèmes de production des paysans minifundistes Type IIJ SAU/ actif familial 3,5 à 7 Valeur Ajoutée par actif familial (en francs) VA/actif = 550 SAU/actif - 200 IIM 4à7 VA/actif = 1120 SAU/actif - 200 IIV 4 à 6,5 VA/actif = 820 SAU/actif - 270 Revenu par actif familial (en francs) Rev/actif = 950 SAU/actif - 200 et Rev'/actif = 1600 SAU/actif - 200 Rev/actif = 1370 SAU/actif - 200 et Rev'/actif = 2040 SAU/actif - 200 Rev/actif = 1500 SAU/actif - 270 En ce qui concerne les minifundistes IIJ, ils disposent de surfaces agricoles plus importantes que la catégorie précédente mais ces surfaces sont situées le plus souvent sur des bas-fonds. La seule activité agricole qu'ils peuvent y réaliser est la culture du riz pluvial qui ne dégage qu'une très faible productivité du travail. Ces exploitants disposent d'un capital immobilisé faible car leur équipement est essentiellement manuel. Le recours au travail non agricole demeure indispensable pour leur survie, et ils y consacrent entre 30 et 70% de leur force de travail. Enfin, ces paysans ne peuvent se satisfaire du salariat et sont contraints de cueillir et de transformer artisanalement le cœur de palmier pour atteindre le seuil de reproduction. Les paysans IIM disposent d'une taille d'exploitation semblable à celle du type IIJ mais ont accès à des surfaces agricoles plus importantes sur les plaines d'épandage de crues et sur les terrasses alluviales. Ils ont ainsi la possibilité de développer des activités agricoles qui dégagent une productivité du travail plus élevée (comme le manioc et surtout la banane). Par conséquent, ils sont capables de doubler la productivité du travail par actif de leurs activités agricoles par rapport aux paysans type IIJ. Leur capital immobilisé est semblable à celui du type IIJ. Ces paysans sont obligés de vendre leur force de travail pour atteindre le seuil de reproduction. Néanmoins, ils peuvent l'atteindre uniquement avec des activités salariales sans être dépendants de la cueillette et de transformation du cœur de palmier. Les paysans IIV disposent d'une taille d'exploitation semblable à celles des types IIJ et IIM mais ont accès à des surfaces agricoles relativement importantes sur toutes les unités de milieu naturels. Ils peuvent ainsi développer des activités agricoles qui dégagent une productivité du travail plus élevée (la banane et surtout le manioc). La productivité du travail par actif familial de leurs activités agricoles est inférieure à celle des paysans IIM, mais demeure toutefois relativement élevée. Le capital immobilisé est plus important et permet une amélioration significative de la productivité du travail des activités agricoles. Comme les paysans minifundistes précédents, ces paysans doivent vendre leur force de travail pour atteindre le seuil de reproduction. La principale activité non agricole des paysans IIV est la transformation du manioc en farine, une activité caractérisée par une rémunération du travail relativement élevée. Nous pouvons donc affirmer que pour environ la moitié des exploitants minifundistes (soit 17% des exploitants de la région), la cueillette et la transformation du cœur du palmier est une activité non agricole indispensable pour atteindre le seuil de reproduction. L'épuisement progressif des ressources en palmier et l'intensification de la répression de la part des autorités risquent d'affecter considérablement la survie de ces paysans. - Les systèmes de production des paysans "moyens" Le tableau ci-dessous représente les systèmes de production des paysans "moyens" - tableau 48 (ces modèles sont illustrés dans les figures 24 et 25) : Tableau 48 - Systèmes de production des paysans "moyens" Type SAU/ actif familial Valeur Ajoutée par actif familial (en francs) Revenu par actif familial (en francs) IIIA 10 à 18 VA/actif = 440 SAU/actif - 950 Rev/actif = 460 SAU/actif - 950 IIIB IIIF 12 à 21 8 à 16 VA/actif = 850 SAU/actif - 440 VA/actif = 810 SAU/actif - 1260 Rev/actif = 880 SAU/actif - 440 Rev/actif = 1300 SAU/actif - 1260 Ces paysans "moyens" IIIA disposent d'importantes surfaces agricoles qui sont cependant pour la plupart localisées dans les bas-fonds. Par conséquent, les activités agricoles qu'ils sont à même de réaliser (élevage bovin, culture du riz pluvial) ne dégagent qu'une faible productivité du travail. Le bas niveau des revenus dégagés dans ces exploitations est le reflet des difficultés qu'ils rencontrent pour vendre leur force de travail. En effet, ces paysans se sont spécialisés dans des activités non agricoles (prestation de services à l'aide de tronçonneuse, entrepreneur de travaux agricoles), dont les débouchés sont aujourd'hui très limités sur le littoral nord du Paraná, notamment en raison de l'application de la politique de protection de l'environnement. Le capital immobilisé est relativement élevé en raison de l'importance des équipements et des installations nécessaires aux activités non agricoles et à l'élevage bovin. Le revenu dégagé par la plupart des paysans "moyens" IIIA se situe autour du seuil de reproduction. Ces paysans "moyens" IIIB disposent de plus vastes surfaces agricoles dans les plaines d'épandage de crues et ont ainsi la possibilité de développer davantage la culture de la banane (une activité agricole qui dégage une productivité du travail très élevée). C'est d'ailleurs en grande partie pour cette raison que la valeur ajoutée créée est très proche du revenu dégagé dans ces exploitations. En effet, ces exploitants consacrent relativement peu de main d'œuvre aux activités non agricoles (moins de 10% de la force de travail totale). La cueillette et la transformation du cœur de palmier sont les principales activités non agricoles réalisées par ces paysans. Le capital immobilisé le moins important se rencontre parmi ces paysans "moyens", les équipements et installations nécessaires étant très simples et peu coûteux. Ces paysans se situent au dessus du seuil de reproduction et disposent d'une marge d'accumulation significative. Cependant, le revenu dégagé par ces paysans provient essentiellement des activités de cueillette et de transformation du cœur de palmier. Tout en disposant de plus faibles surfaces cultivables, les paysans IIIF dégagent la valeur ajoutée la plus élevée parmi les paysans "moyens". En effet, ceux-ci ont accès à des surfaces agricoles dans les plaines d'épandage de crues, sur les bas versants de montagnes mais surtout sur les terrasses alluviales. Ils ont ainsi la possibilité de développer des activités agricoles qui dégagent une productivité du travail très élevée comme la culture de la banane mais surtout celle du manioc. C'est d'ailleurs pour cette raison que la valeur ajoutée générée par ces exploitants progresse très rapidement avec l'augmentation de la surface cultivée. Le revenu tiré de ces activités est sans doute le plus élevé parmi les paysans "moyens" car leurs activités non agricoles se caractérisent par une rémunération très élevée. Ces paysans sont donc, parmi les paysans "moyens", ceux qui consacrent le plus de temps aux activités non agricoles (entre 20 et 50% de leur force de travail totale). Leur capital immobilisé est le plus élevé parmi la paysannerie car leurs équipements et installations sont les plus performants et coûteux. Ces paysans se situent au dessus du seuil de reproduction et disposent de la marge d'accumulation la plus importante parmi la paysannerie. Nous avons pu estimer que l'ensemble des paysans IIIA, c'est-à-dire environ 3% des exploitants de la région, éprouvent des difficultés à atteindre le seuil de reproduction. Étant donné la poursuite de la mise en place de la politique de protection de l'environnement, nous pouvons affirmer que la reproduction à moyen terme de la plupart des exploitations IIIA n'est pas assurée. En raison de la faible importance des activités de cueillette et de transformation du cœur de palmier pour les paysans IIIB, la crise de la filière du palmier ne risque pas de fragiliser leurs exploitations. L'importance de leurs activités agricoles représente une réelle sécurité face à cette situation. En revanche, les paysans IIIF parviennent assez facilement à atteindre le seuil de reproduction. Leur système de production dégage une valeur ajoutée élevée, il est essentiellement fondé sur des activités agricoles et de transformation artisanale (notamment du manioc et de la banane). - Le système de production des agriculteurs patronaux Le système de production des agriculteurs patronaux est représenté de la manière suivante - tableau 49 (cf. également les figures 24 et 25) : Tableau 49 - Système de production des agriculteurs patronaux Type IV SAU/ actif familial 2,5 à 4 Valeur Ajoutée par actif familial (en francs) VA/actif = 12700 SAU/actif - 15000 Revenu par actif familial (en francs) Rev/actif = 12400 SAU/actif - 15000 Le système de production mis en place par les agriculteurs patronaux dégage une valeur ajoutée très élevée dans la mesure où il est fondé essentiellement sur des activités agricoles qui présentent une productivité du travail très élevée, comme les cultures maraîchères, du gingembre et du fruit de la passion/ chayotte. Et cela en dépit de l'importance du capital immobilisé dans ces exploitations (plus de 10 fois supérieur à la moyenne du capital immobilisé pour les paysans "moyens"). Le revenu de ces exploitations croît très rapidement avec la surface malgré une importante utilisation de main d'œuvre externe (entre 40 et 90% de la force de travail total). En outre, ces agriculteurs tirent une rente des parcelles qu'ils ont en métayage avec des paysans minifundistes de la région, une situation qui leur confère une marge d'accumulation très importante. Nous avons pu estimer que le taux de profit moyen (soit environ 20%) leur permet d'atteindre le seuil de reproduction fixé pour les exploitants capitalistes. Ceci se traduit dans la pratique par une expansion constante des surfaces cultivées, aussi bien en faire valoir direct qu'indirect, et par une importante disponibilité en fonds propres (pour l'autofinancement de la plupart des activités agricoles mais également pour des investissements en équipements et en installations de production). - Les systèmes de production des néolatifundias Le tableau ci-dessous représente les systèmes de production des néolatifundiaires - tableau 50 (ces modèles sont illustrés dans les figures 26 et 27) : Tableau 50 - Systèmes de production des néolatifundiaires Type VA SAU/ exploitation 70 à 700 VB 400 à 1700 Valeur Ajoutée par exploitation (en francs) VA = 200 SAU - 15300 ou VA' = 200 SAU - 4400 VA = 30 SAU - 700 Revenu par exploitation (en francs) Rev = 34 SAU - 15300 ou Rev' = 34 SAU - 4400 Rev = 10 SAU - 700 Avec des surfaces en pâturages inférieures à 700 hectares, les néolatifundias VA sont les moins étendus de leur catégorie. Le système de production est fondé sur l'élevage de buffles en plein air. En dépit d'une productivité du travail relativement faible, ce système permet encore de dégager une valeur ajoutée nettement positive, un phénomène qui s'explique pour l'essentiel par la taille des exploitations et par la réduction, voir l'arrêt du renouvellement de l'outil de production (entretien limité des infrastructures, non renouvellement des installations d'élevage, etc.). Également, depuis le milieu des 80, ces exploitations ont été fortement touchées par l'application de la politique de protection de l'environnement qui a interdit l'agrandissement des pâturages et l'expansion des élevages de buffles. Ces exploitations sont donc aujourd'hui pénalisées par des charges structurelles trop importantes par rapport à leur taille réelle, et par des installations et des infrastructures de production surdimensionnées. De fait, leurs frais de gestion sont très élevés. Néanmoins en prenant en compte la réduction considérable du renouvellement de l'outil de production, le revenu dégagé par la plupart des néolatifundias est positif. Ceci permet à ces exploitants de présenter un taux de profit moyen d'environ 10% qui se situe néanmoins en dessous du seuil de reproduction fixé pour les exploitations capitalistes. Les néolatifundias V.B mettent en œuvre un système de production fondé exclusivement sur l'exploitation du palmier Euterpe edulis sous couvert arboré et, dans ce sens, il n'ont pas été directement concernés par la politique environnementale. Ils présentent les superficies les plus étendues avec 400 à 1.700 hectares. Le système de production se caractérise par une très faible productivité de la terre, des charges proportionnelles presque nulles, un capital immobilisé relativement faible et une production très valorisée sur le marché (le cœur de palmier). Ces caractéristiques permettent à ces néolatifundias de dégager une valeur ajoutée qui varie certes lentement avec la taille de l'exploitation, mais qui reste cependant nettement positive. Ce système de production présente un revenu faible mais toujours positif quelle que soit la surface de l'exploitation. En prenant en compte le faible capital immobilisé, nous avons pu estimer le taux de profit moyen à environ 30%, ce qui permet à ces exploitations de dégager un taux de profit à peu près équivalent au seuil de reproduction fixé pour les exploitants capitalistes. Nous avons pu estimer que la majorité des néolatifundias dégagent des résultats économiques positifs. Cependant, ceux dont le système de production est fondé sur l'élevage de buffles (VA) méritent une analyse plus détaillée. Ces exploitants atteignent en effet ce niveau de performance en réduisant considérablement le renouvellement de l'outil de production. Nous estimons donc qu'ils ne sont pas reproductibles et sont amenés à disparaître à moyen terme. Plus de 40% des néolatifundias (soit l'ensemble des exploitations type VA, c'est-à-dire environ 6% des exploitants de la région) sont concernés par cette situation. 2. Une société agraire marquée par d'importantes inégalités 2.1. Développement différentiel et crise paysanne : une paysannerie à deux vitesses ? L'étude de l'évolution du système agraire régional depuis la fin des années 60 et les résultats dégagés par la modélisation des systèmes de production révèlent assez nettement l'importance du processus de différentiation socio-économique à l'intérieur de la paysannerie. Avant tout, il convient d'admettre que ce processus n'est pas nouveau sur le littoral nord du Paraná puisqu'il a été observé, certes avec une moindre intensité, tout au long des différentes étapes qui ont marqué l'évolution de ce système agraire. Comme nous avons pu le voir précédemment, ce processus de différenciation est étroitement lié à un long processus d'accumulation du capital et des moyens de production au sein d'une société essentiellement paysanne. Cependant, depuis une trentaine d'années, des profonds bouleversements ont contribué à modifier la dynamique de l'évolution du système agraire régional : installation des néolatifundias, amélioration des voies des communication et surtout mise en place de la politique de protection de l'environnement. Une nouvelle dynamique agraire face à laquelle les différentes catégories de paysans n'ont pas la même capacité de réponse et d'adaptation. Cette situation a conduit la paysannerie à adopter des comportements très divers. Les paysans "moyens" ont pu intensifier progressivement leur emprise sur les activités économiques les plus rémunératrices et stables. En revanche, les manouvriers et la majorité des minifundistes ont été contraints de s'enfoncer davantage dans un processus de prolétarisation. Dès lors, un constat s'impose : la nouvelle dynamique agraire tend inexorablement à aggraver le processus de différenciation socio-économique à l'intérieur de cette paysannerie. - L'exclusion socio-économique des paysans manouvriers et minifundistes s'accentue L'analyse des relevés de terrain, de la typologie et des résultats dégagés par la modélisation des systèmes de production nous a permis de constater un certain nombre de phénomènes concernant les manouvriers et les paysans minifundistes. Tout d'abord, ces catégories sociales disposent de moyens de production très limités. Leurs surfaces agricoles ne dépassent pas quelques hectares et sont localisées en grande partie sur des unités de milieu naturel caractérisées par d'importantes restrictions d'usage, comme les versants des montagnes et les basfonds. La plupart d'entre eux disposent d'un équipement et d'un outillage manuel peu spécialisés, avec une très faible productivité du travail. La vente de leur force de travail se limite donc à des activités non agricoles le plus souvent marquées par une faible rémunération (comme le salariat, la transformation manuelle du manioc) ou par une importante instabilité (comme la cueillette et transformation du cœur de palmier et la pêche artisanale). Ces exploitants affrontent donc de sérieuses difficultés pour assurer leur survie. Pour la plupart d'entre eux, la cueillette et la transformation clandestine du cœur de palmier est la seule activité permettant d'atteindre le seuil de reproduction. Étant donné l'importance des contraintes qui caractérisent cette activité, il nous paraît évident que la capacité d'accumulation à moyen et long terme de ces paysans est très aléatoire, voire même nulle. D'ailleurs, les enquêtes sur la reconstitution de la trajectoire des exploitations paysannes ont confirmé ce phénomène (enquêtes auprès de 32 exploitants appartenant à la catégorie des paysans "moyens"), puisqu'elles ont montré qu'il n'existait aucun ancien manouvrier ou paysan minifundiste parmi les actuels paysans "moyens" (Enquêtes de terrain,1991-1992). - un impact nuancé de la politique environnementale sur le mode d'exploitation du milieu de la petite paysannerie La mise en place, à partir de 1982, de la politique de protection de l'environnement a eu des impacts importants sur les manouvriers et les paysans minifundistes et sur leurs systèmes de production. Ces impacts sont directs (en ce qui concerne les activités agricoles, la chasse, la cueillette du cœur de palmier et d'autres ressources forestières), ou indirects (réduction des opportunités de travail dans les néolatifundias, etc.). En outre, les mesures instaurées ont entraîné l'adoption de nouveaux comportements pour faire face aux nouvelles contraintes imposées (voir annexe 11). D'une manière générale cependant, l'impact de cette politique environnementale sur les systèmes de production mis en œuvre par la petite paysannerie a été très nuancé. Ses activités agricoles ont été peu ébranlées car elles sont le plus souvent fondées sur des systèmes de défriche-brûlis avec des recrûs de courte durée. En outre, ces paysans exploitent des surfaces agricoles relativement peu importantes sur les versants de montagnes, qui représentent vraisemblablement l'unité de milieu naturel la plus touchée par les mesures environnementales (tableau 51). Tableau 51 - Répartition des exploitations des paysans manouvriers et minifundistes selon l'importance de la surface agricole utile par actif localisée sur les versants de montagnes (en %) Moins de 30% de la SAU par actif localisée sur les versants Entre 30% et 60% de la SAU par actif localisée sur les versants Plus de 60% de la SAU par actif localisée sur les versants 59% 27% 14% Source : D'après un échantillonnage de 58 exploitations (Enquêtes de terrain, 1991-92). Néanmoins, les quelques parcelles situées sur les versants de montagnes et cultivées avec la banane selon le système de défriche-brûlis ont été brutalement affectées. En effet, la législation environnementale a interdit la coupe de toute végétation arborée (correspondant dans cette région à une végétation secondaire de plus de 5-6 ans d'âge) sur les versants de montagnes. En raison des faibles apports en fertilisants que ces parcelles reçoivent par les eaux de ruissellement, la reconstitution de la biomasse par la végétation arborée, puis sa libération lors du brûlis, constitue le principal mécanisme de reproduction de la fertilité et dans ces conditions, l'interdiction de défricher cette végétation s'avère un obstacle insurmontable à la poursuite de la culture de la banane. Les paysans disposant des parcelles les plus visibles et les plus facilement repérables par les organismes de protection de l'environnement sont contraints d'abandonner leur exploitation. En revanche, ceux dont les parcelles sont plus difficilement repérables continuent à cultiver la banane de façon clandestine ou mettent en place des systèmes de culture avec des recrûs moins âgés (avec des cultures annuelles ou bisannuelles). Mais dans un cas comme dans l'autre, ces pratiques agricoles se traduisent par une augmentation de l'impact sur l'environnement. Elles entraînent une accroissement de l'érosion et affectent la biodiversité (aussi bien dans le cas de l'utilisation de recrûs arborés qu'arbustifs). L'interdiction de défricher en bordure des cours d'eau n'affecte pas quant à elle les quelques parcelles cultivées avec de la banane ou du maïs en défrichebrûlis, car les organismes de protection de d'environnement font preuve d'une certaine tolérance vis-à-vis des contrevenants. Mais la politique environnementale concerne directement la plupart des activités non agricoles développées par la petite paysannerie qui sont, à l'exception de la transformation artisanale du manioc et de la banane, fondées pour l'essentiel sur des activités de collecte. C'est le cas notamment de la cueillette du cœur de palmier et des produits forestiers, de la chasse et de la pêche, autant d'activités indispensables à sa survie et à sa reproduction sociale, comme nous avons pu le voir précédemment. La chasse, la cueillette et la transformation du cœur de palmier constituent sans aucun doute les activités les plus sévèrement réprimandées : elles ont été déclarées illégales et leur pratique est sévèrement réprimée, alors qu'elles constituent depuis longtemps les principales activités économiques de la petite paysannerie. Cette situation est ainsi responsable de l'intensification de la dépendance des paysans vis-à-vis des conserveries industrielles et des intermédiaires qui sont désormais les seuls à pouvoir "légaliser" le produit de la cueillette clandestine de palmier. Dans ce contexte, les paysans ne peuvent que se soumettre aux conditions d'achat, souvent très défavorables, qui leur sont imposées. L'interdiction de la chasse se répercute surtout au niveau de la subsistance des paysans car elle fournissait, notamment aux plus démunis, une partie de leur ration protéique. La restriction imposée à la cueillette des produits forestiers (bois, fibres, etc.) et le raccourcissement de la période de pêche en estuaire compromettent toute possibilité de diversifier leurs activités non agricoles (artisanat, vente de produits halieutiques, etc.). Paradoxalement, les mesures concernant les activités non agricoles ont engendré une accélération du processus de dégradation des ressources naturelles. En effet, et malgré l'importance des moyens logistiques dont ils disposent, les organismes de protection de l'environnement ne sont pas en mesure de faire respecter l'ensemble de la législation sur les ressources naturelles. Contrairement aux activités agricoles, ces activités sont très difficiles à surveiller : les espaces concernés sont très vastes et la plus grande partie de la région présente des difficultés d'accès considérables. Face à cette situation, les paysans ne se soucient plus guère des mécanismes de reproduction ou de gestion des ressources en question. Ainsi par exemple, la chasse est pratiquée dès que l'occasion se présente et à n'importe quel moment de l'année, sans distinction d'âge et de sexe du gibier. Il va de même pour la pêche, la cueillette du cœur de palmier et d'autres produits forestiers. Par conséquent, nous pouvons considérer que paradoxalement, ces mesures de protection peuvent engendrer à terme la disparition effective de certaines espèces de la faune et la flore locale. Quoiqu'il en soit, il paraît évident que cette situation contribue à déstabiliser encore davantage le mode d'exploitation du milieu mis en œuvre par cette paysannerie. En effet, ces paysans restent non seulement dépendants des activités dont l'accès est précaire et aléatoire, mais en plus, ils sont confrontés quotidiennement au risque de sévères punitions (amendes, confiscation de la production, emprisonnement). Ainsi, cette situation contribue à rendre cette paysannerie encore plus vulnérable par rapport à des contraintes externes (aléas climatiques, maladie, etc.). -une dépendance sans cesse croissante vis-à-vis de la cueillette et de la transformation clandestine du cœur de palmier Comme nous l'avons vu, la cueillette et la transformation du cœur de palmier constituent depuis longtemps les principales activités économiques de la petite paysannerie à permettre à la plupart d'entre eux d'atteindre le seuil de reproduction. Tout porte à croire que cette situation de dépendance s'accentuera dans les années à venir. La politique de protection de l'environnement est largement responsable de cette situation, notamment en réduisant considérablement les opportunités de travail chez les néolatifundiaires. En outre, les activités agricoles sont soumises à des contrôles plus rigides et systématiques que les activités de collecte. Il est évident que cela incite la petite paysannerie à délaisser quelque peu les activités agricoles pour se consacrer davantage à des activités fondées sur la collecte. Parmi celles-ci, la pêche mais surtout la cueillette et la transformation clandestine du cœur de palmier - difficilement repérables, d'une très courte durée, à forte valeur ajoutée et dont la production est aisément transportable -, sont largement favorisées. En outre, la plus grande partie de cette paysannerie n'a pu accéder à de nouvelles activités, qu'elles soient agricoles ou de transformation des produits agricoles et de collecte. L'adoption de nouveaux systèmes de culture (avec préparation superficielle du sol à l'aide d'un motoculteur pour les cultures de manioc, de maïs et de haricot, ou pour les cultures maraîchères), la motorisation des ateliers de fabrication de farine de manioc (pour la râpe et la torréfaction de la farine) ou le développement de la transformation artisanale et la commercialisation de certains produits agricoles comme les fruits, requièrent des investissements que les systèmes de production actuels des petits paysans ne permettent pas de financer. De tels investissements sont en effet 2 à 4 fois supérieurs à ceux nécessaires dans les conditions actuelles. La structure foncière dans la région constitue également un obstacle difficilement surmontable. Environ 50% des petits paysans sont des manouvriers et disposent d'une surface agricole inférieure à 2,4 hectares par actif familial. En outre, une partie considérable des surfaces agricoles dont la petite paysannerie dispose est localisée dans les bas-fonds et sur les versants de montagnes. Elles sont caractérisées par leur faible aptitude culturale (sols humides et mal drainés ou peu profonds et éloignés des voies de communication) et souvent soumises à de fortes restrictions d'usage par la politique de protection de l'environnement, des conditions qui empêchent par ailleurs la plupart d'entre eux d'envisager, même à long terme, le développement des cultures maraîchères en métayage avec des agriculteurs patronaux. Les quelques programmes de développement mis en place dans la région depuis le début des années 80 n'ont pas modifié pour autant cette situation. En effet, de portée très modeste, ils ont davantage privilégié d'autres catégories sociales : face à la limitation des ressources financières allouées, les acteurs du développement local ont délibérément concentré leurs actions sur un nombre relativement limité d'exploitations agricoles et le plus souvent, ces actions ont profité à des paysans "moyens" et à des agriculteurs patronaux. L'analyse de quelques petits paysans ayant bénéficié de la donation de certains équipements de transformation du manioc est exemplaire à plusieurs regards. Malgré une amélioration considérable de la productivité du travail dans leurs ateliers de transformation de manioc, ces paysans n'ont pas développé davantage la production de farine de manioc. Ils disposent en effet le plus souvent de surfaces agricoles insuffisantes et le système de culture mis en œuvre pour la production du manioc (système de défriche-brûlis suivie par une préparation superficielle manuelle avec recrû de 2 à 4 ans) exige d'importants investissements en travail, et cela sur une période supérieure à un an et demi. L'état de paupérisation de ces paysans est tel qu'ils ne peuvent se permettre d'abandonner leurs activités non agricoles quotidiennes (notamment salariat comme journaliers, pêche ou cueillette du cœur de palmier) au profit de la culture du manioc. - Un important impact de la politique environnementale et la diversification des activités des paysans "moyens" La politique environnementale a eu des répercussions considérables sur les paysans "moyens" et sur leur mode d'exploitation du milieu. Il est vrai que contrairement à ce qui s'est produit dans le cas de la petite paysannerie, les mesures instaurées ont eu un impact moins sensible sur les activités non agricoles développées par ces paysans. Les activités de collecte sont, pour les paysans "moyens", relativement moins importantes, voire même secondaires par rapport à l'ensemble des activités non agricoles, car ils ont accès à d'autres activités non agricoles, peu affectées par la mise en place de la politique environnementale (comme par exemple la transformation artisanale du manioc, de fruits locaux, etc.). Mais en revanche, l'impact de ces mesures sur les systèmes de production des paysans "moyens" a été d'autant plus considérable qu'ils sont en large partie fondés sur des systèmes de culture de défriche-brûlis avec des recrûs le plus souvent arborés. Par conséquent, les mesures de restriction au défrichement des parcelles couvertes par une végétation arborée, voire même arbustive, ont frappé directement la plupart des activités agricoles pratiquées par ces paysans. Ainsi, chaque année, les paysans sont désormais obligés de déposer une demande d'autorisation auprès des organismes de protection de l'environnement pour toute opération de défrichement. La longueur des démarches administratives et les constants retards dans la délivrance des autorisations entraînent souvent un bouleversement des calendriers agricoles et des retards dans la préparation des parcelles (de quelques semaines à plusieurs mois). Or, dans le système de défriche-brûlis, tout décalage dans le défrichement, et par conséquent dans le brûlis, provoque une augmentation des risques : plus le défrichement est reporté vers la période estivale, plus les probabilités d'occurrence de pluies après l'abattis augmentent. Ceci peut se traduire par un mauvais séchage de la biomasse végétale, et par conséquent par l'impossibilité d'effectuer le brûlis et le semis (figure 28). À l'instar de ce qui se produit pour la petite paysannerie, l'interdiction de défrichage le long des cours d'eau n'affecte pas les parcelles déjà cultivées de manière systématique avec des bananiers ou du maïs. Cependant, les paysans "moyens" qui disposent encore de parcelles non exploitées et couvertes par une végétation arborée le long des cours d'eau ne peuvent désormais plus les mettre en culture. Cette mesure est renforcée par l'interdiction de défricher les parcelles couvertes par une végétation arborée dans les fonds de vallée, et arbustive/arborée sur les versants de montagnes. Une mesure qui s'avère d'autant plus néfaste si l'on considère qu'elle contraint ces paysans à réduire l'âge des recrûs utilisés avec le système de défriche-brûlis. Comme nous l'avons vu précédemment, cette diminution de l'âge des recrûs se traduit par une remise en cause des mécanismes propres à ce système de culture qui visent à assurer la reproduction de la fertilité et le contrôle des herbes adventices des parcelles exploitées. Cette restriction signifie donc une baisse des rendements agricoles et une nécessaire augmentation du temps de travail en sarclage, qui à son tour, détermine en partie une baisse de la productivité du travail. L'exemple du riz pluvial est à ce propos révélateur : la réduction de la durée du recrû provoque une augmentation des besoins en journées de travail par hectare pour le sarclage, et une baisse significative du rendement des cultures et de la productivité du travail (tableau 52). Par ailleurs, lorsqu'il s'agit de cultures vivrières, cette restriction a pour conséquence une baisse de l'autonomie alimentaire des paysans. Tableau 52 - Les travaux agricoles, les rendements et la productivité du travail dans la culture du riz pluvial avec le système de culture de défriche-brûlis dans l'unité de milieu naturel des bas-fonds, selon l'âge des recrûs (recrû herbacé, recrû arbustif, recrû arboré) Recrû herbacé (+/- 3 ans) Recrû arbustif (+/- 6 ans) Recrû arboré (+/- 10 ans) Recrû arboré (+/- 20 ans) Défrichement/ne ttoyage et semis (jW/ha) 10,5 Sarclage (jW/ ha) Récolte (jW/ha) Rendement (Kg/ha) 18 13,5 500 Productivité du travail (Kg riz/jW) 11,9 13,5 8 17,0 600 15,6 17,5 2 24,0 900 20,7 19,5 2 33,0 1.200 22,0 Remarque : jW = journée de travail homme et ha = hectare Source : D'après les informations fournies par des paysans du littoral nord du Paraná (Enquêtes de terrain 1989, 1991 et 1992). Figure 28 - Précipitations mensuelles, période de semis/ plantation, période de défrichement avec le syst ème de cult ure de défriche-brûlis sur le litt oral Nord du Paraná MAIS RIZ PLUVIAL MANIOC / HARICOT 400 300 200 période de semis/ plant at ion période de défrichement SOURCES : Enquêt es de t errain (1989, 1991 et 1992) et d'après données climat iques IAPAR(1989). Nov Déc Oct Sept Juil Ao u Juin A vr Mai Mar Jan 100 Fé v Précipit ations moyenne (mm/ mois) Ces mesures entraînent également une réduction des surfaces agricoles disponibles car seules les parcelles disposant de recrûs de courte durée peuvent être cultivées. Cette réduction de la surface cultivable est difficilement mesurable, car les paysans locaux mettent en culture des parcelles sur les versants et les bords de cours d'eau avec des recrûs de courte durée ou de façon clandestine. Néanmoins, nous pouvons démontrer l'impact de ces mesures en observant l'importance que les surfaces agricoles localisées sur les versants de montagnes représentent par rapport aux surfaces agricoles totales des exploitations paysannes (tableau 53). Tableau 53 - Classification des exploitations appartenant à des paysans "moyens" selon l'importance de la surface agricole utile par actif localisée sur les versants de montagnes Moins de 30% de la SAU par actif localisée sur les versants Entre 30% et 60% de la SAU par actif localisée sur les versants Plus de 60% de la SAU par actif localisée sur les versants 44% 19% 38% Source : D'après un échantillonnage de 32 exploitations (Enquêtes de terrain - 1991-92). Nous avons pu identifier plusieurs comportements pour détourner ces mesures et en compenser les effets. Le plus souvent, ils concernent la mise en culture clandestine des parcelles isolées qui échappent aux contrôles. Le défrichement clandestin représente la manière la plus courante de détourner la politique environnementale. Le plus souvent, les parcelles défrichées se situent en forêt secondaire et ne disposent pas de bonnes conditions de culture (accès difficile, forte déclivité, sols fragiles et peu profonds). En conséquence, cette pratique accélère le processus de dégradation de l'écosystème forestier par déboisement et érosion. Par ailleurs, la mise en culture de ces parcelles éloignées des exploitations se traduit par un investissement supplémentaire en travail, et donc par une réduction de la productivité du travail. D'autres comportements visant à détourner l'interdiction de défricher la végétation arborée ont également pu être observés. Le plus couramment adopté consiste en l'éclaircissement progressif de la végétation arborée à travers plusieurs opérations partielles de défrichement, et en empêchant le développement des arbustes. Au bout de quelques années, le couvert végétal de la parcelle devient presque exclusivement arbustif, et n'est ainsi plus assujetti aux mesures environnementales. Le défrichement de la végétation arborée en laissant un rideau d'arbres est une autre alternative. Il permet de diminuer considérablement la visibilité des clairières lors des contrôles des organismes de protection de l'environnement. Nous pouvons donc considérer que les mesures environnementales contraignent cette paysannerie à adopter, à terme, des systèmes de culture avec des recrûs de courte durée. Les paysans sont alors incités à généraliser l'utilisation d'herbicides, et à se résigner à une augmentation du temps de travail avec des opérations de sarclage manuel. Quelles que soit les solutions adoptées, elles ne parviennent pas à enrayer la progressive diminution des rendements agricoles et la dégradation des conditions de mise en culture. En outre, elles entraînent une augmentation des coûts de production et une baisse de la productivité du travail de l'ensemble des activités agricoles. L'exploitation des ressources en palmier Euterpe edulis existantes sur les exploitations des paysans "moyens" est également concernée par les mesures environnementales. S'il existe un dispositif légal permettant la régularisation de l'exploitation des boisements en palmier appartenant à la paysannerie (le "plan simplifié d'exploitation de cœur de palmier"50), peu de paysans "moyens" cependant en ont bénéficié. Jusqu'à 1993, ils n'étaient que 22 paysans "moyens" à avoir obtenu une telle autorisation (tableau 54). Tableau 54 - Nombre de paysans "moyens" ayant bénéficié d'autorisations simplifiées pour l'exploitation du cœur de palmier entre 1988 et 1993 sur le littoral nord du Paraná Nombre "moyens" ANNÉE de paysans 1988 1989 1990 1991 1992 1993 0 2 8 7 5 0 Source : Antenne de l'IAP à Guaraqueçaba, 1996. Cette situation s'explique par le fait que la presque totalité des paysans "moyens" surexploitent depuis fort longtemps leurs boisements naturels en palmier et ne disposent donc plus aujourd'hui des stocks suffisants pour pouvoir déposer une demande d'autorisation dans le cadre du "plan simplifié d'exploitation". Les résultats d'un inventaire réalisé sur des parcelles couvertes d'une végétation arborée localisées dans la localité du Batuva (située en amont de la vallée alluviale du fleuve Guaraqueçaba) confirment ce constat. Sur environ 340 hectares, concernant un échantillonnage de 7 exploitations appartenant à des paysans "moyens", seuls 2 50 Le "plan simplifié d'exploitation du coeur de palmier" a été réglementé pour la première fois en 1987 (Ordem de serviço n°33/87 -IBDF-DE-PR). Actuellement, c'est le "plan simplifié d'exploitation" adopté en 1994 qui est en vigueur (Resolução Conjunta IBAMA/ SEMA n°001/94). La délivrance d'un plan simplifié exige que les boisements de palmier disposent d'une abondante régénération naturelle et limite la quantité à exploiter à 2.000 unités de cœur de palmier par exploitant et par an. exploitants (correspondant à une surface totale d'environ 70 hectares) possèdent des palmiers en âge et en quantité suffisante pour être exploités (Clément - 1996, p. 7). Dans ces conditions, la majorité des paysans disposant de parcelles avec des peuplements de palmier vendent le plus souvent leur production en cœur de palmier de manière clandestine, une situation qui n'incite pas ces paysans à gérer la ressource et à assurer la régénération de leurs boisements naturels. Les mesures environnementales concernent également certaines activités non agricoles entreprises par cette paysannerie, comme la chasse, la pêche et la collecte de produits forestiers. S'agissant d'activités secondaires pour les paysans "moyens", les conséquences de ces mesures sont sensiblement moins importantes que dans le cas de la petite paysannerie. Une fois de plus, ce sont les activités de cueillette et de transformation du cœur de palmier qui ont été le plus fortement touchées par ces mesures. Comme pour la petite paysannerie, ces activités ont été déclarées illégales, et leur pratique réprimée par les organismes de protection de l'environnement. En ce qui concerne la cueillette du cœur de palmier, ces paysans sont contraints de vendre la plus grande partie de leur production à des intermédiaires et à des conserveries industrielles. La production artisanale de conserves de palmier est directement livrée en autocar ou en camionnette aux acheteurs (petits restaurants, particuliers, etc.). Les difficultés de transport et la multiplication des contrôles obligent les paysans à limiter considérablement leur production de conserves et à ne consacrer à cette activité que quelques jours par mois. Enfin, les mesures environnementales ont également un impact sur une partie des paysans "moyens" qui louent leurs services comme entrepreneurs (construction et réparation de clôtures, nettoyage des pâturages, déboisements à la tronçonneuse, etc.) à des néolatifundias et à la paysannerie locale. Ces paysans "moyens" sont en effet confrontés à une sensible diminution des opportunités de travail dans la région. Les néolatifundias ont été contraints de réduire, voir de cesser définitivement certaines activités fondées sur l'exploitation des ressources naturelles, notamment celles liées à l'élevage et à l'exploitation du bois. De même pour la paysannerie qui a été contrainte de réduire ses activités de défrichement à des fins agricoles. Comme nous l'avons vu précédemment, la transformation artisanale de la production agricole et forestière représente depuis fort longtemps l'une des principales activités non agricole des paysans "moyens". Auparavant limitées à la transformation du manioc et de certains produits d'origine forestière (lianes, fibres, bois), ces activités se sont depuis quelques années progressivement étendues à d'autres produits locaux : outre la production de farine de manioc, ces activités concernent la production de pâtes de banane, de confitures de fruits locaux et de conserves de cœur de palmier. En effet, les produits artisanaux sont très prisés sur le marché local et régional en raison des procédés de fabrication employés et de leur qualité. Les activités de transformation artisanale permettent à ces paysans de valoriser une partie de leur production agricole qui ne trouve pas des débouchés commerciaux, et de dégager une très forte valeur ajoutée. Le développement récent des activités de transformation dans la région a été en grande partie favorisé par l'amélioration progressive des infrastructures locales, notamment le développement du réseau de distribution d'énergie électrique et des voies de communication. En outre, il convient de mentionner le rôle de l'organisme de vulgarisation (EMATER) et de certains programmes de développement de l'État du Paraná dans la mise en place d'actions en faveur du développement des activités de transformation artisanale de produits agricoles (organisation de marchés, assistance technique, dons d'équipements). Enfin, les paysans "moyens" peuvent utiliser une partie de leurs équipements destinés originellement à la production de farine de manioc (notamment le chaudron en cuivre et le pressoir) qui, grâce à leur caractère polyvalent, ont pu être facilement adaptés aux nouveaux procédés artisanaux de transformation des produits agricoles. Le plus souvent, les nécessaires adaptations sont réalisées par de petits artisans locaux (notamment la motorisation des chaudrons en cuivre), qui construisent également de nouveaux équipements artisanaux (éplucheuses et râpes motorisées). Dans ces conditions, les investissements indispensables au développement de ces activités artisanales restent relativement accessibles à la majorité des paysans "moyens". En revanche, les procédés de mise en conserve du cœur de palmier demeurent inchangés. Les contraintes liées à cette activité n'incitent guère les paysans "moyens" à investir dans des équipements plus performants et le procédé de mise en conserve utilisé par ces paysans reste artisanal (ils utilisent essentiellement des équipements ménagers : marmites de cuisine, cuisinière à gaz, etc.). Cependant, la poursuite du développement des activités de transformation par ces paysans se heurte aujourd'hui à d'importants blocages d'ordre administratif. La multiplication du nombre de producteurs et l'augmentation des quantités mises sur le marché ont engendré de nouveaux problèmes. Problèmes d'ordre sanitaire tout d'abord puisque ces ateliers ne disposent pas de registres auprès des organismes sanitaires et que la plupart d'entre eux ne sont pas conformes à la législation sanitaire en vigueur. D'ordre fiscal ensuite, car si le statut de producteur artisanal exempte le producteur du paiement de taxes, il ne permet pas pour autant la commercialisation de la production à l'exception de la vente directe sur des marchés locaux. De nouvelles circonstances qui requièrent donc des modifications techniques, et donc d'importants investissements. De plus, il importe de considérer la lourdeur des démarches bureaucratiques auprès des divers organismes de l'administration de l'État du Paraná, que la plupart des paysans "moyens" ne sont pas en mesure d'assurer, au moins de manière individuelle. 2.2. Immigration et expansion des productions maraîchères L'implantation des agriculteurs patronaux sur le littoral du Paraná est étroitement liée, comme on l'a vu, à un mouvement d'expansion des activités maraîchères à partir de la ceinture maraîchère de la ville de Curitiba. Ce mouvement a d'abord concerné les régions centre et sud du littoral du Paraná à partir des années 50 (INCRA - 1970, p. 29), puis s'est progressivement étendu au littoral nord à partir du milieu des années 80. Au fil des années, l'implantation des agriculteurs patronaux n'a cessé de s'intensifier sur le littoral du Paraná : de quelques exploitants à la fin des années 50, on estime leur nombre au début des années 90 à plus d'une soixantaine (Enquêtes de terrain, 1992) et à une dizaine sur le seul littoral nord. - L'essor des cultures maraîchères et du gingembre Les exploitants patronaux de la région bénéficient d'une conjoncture extrêmement favorable au développement des cultures maraîchères et du gingembre. Outre une importante disponibilité de sols alluviaux et un climat clément avec une pluviométrie élevée, ces exploitants ont bénéficié de plusieurs programmes de l'État du Paraná concernant le financement d'équipements et d'infrastructures de production. Ajoutons à cela les facilités de commercialisation offertes par le marché de gros de Curitiba, ainsi qu'une importante augmentation des cours du gingembre destiné à l'exportation à la fin des années 80. Des conditions favorables au point d'inciter un important développement de ces activités sur l'ensemble du littoral de l'État. Ainsi, les surfaces cultivées en gingembre sont passées d'une dizaine d'hectares au début des années 80 à 190 hectares environ en 1992 (SEAB - 1993 cité par SPVS - 1995, p. 30) et celles consacrées aux cultures maraîchères de 200 hectares environ au début des années 70 (INCRA 1970, p. 29) à plus de 400 hectares au début des années 90 (Enquêtes de terrain 1989-1992). Sur le seul littoral nord, l'expansion de ces cultures est relativement moins significative : en 1991, nous avons pu estimer la surface occupée par les cultures maraîchères et du gingembre à environ 20 et 30 hectares respectivement (Enquêtes de terrain, 1989-1992). Plusieurs raisons se conjuguent pour expliquer ce phénomène. Tout d'abord, il existe encore sur le littoral centre et sud de l'État une certaine disponibilité des surfaces agricoles susceptibles d'être aménagées dans le cadre du développement de ces activités agricoles. Mentionnons par ailleurs le relatif enclavement de la portion nord du littoral, mal desservie par des routes goudronnées, qui constitue un frein au développement des cultures maraîchères. Seule une vallée alluviale y est aujourd'hui encore desservie par une route asphaltée (la vallée du fleuve Cachoeira), et c'est d'ailleurs là que sont concentrés les producteurs maraîchers. Enfin, l'éloignement des réseaux de commercialisation contraint les agriculteurs patronaux désireux de s'installer dans la région à assurer eux-mêmes le transport de la production jusqu'au marché de gros, et l'acquisition d'un camion alourdit encore davantage l'investissement nécessaire à leur installation. Il en va différemment pour la culture du gingembre, car moins fragile, le gingembre supporte le transport sur des pistes en terre. Les faibles perspectives de développement du réseau de routes goudronnées sur le littoral nord du Paraná, qui s'expliquent par le coût et par les pressions exercées par les mouvements de protection de l'environnement, nous permettent de faire plusieurs suppositions. Dans la seule vallée alluviale du fleuve Cachoeira, tout laisse présager la poursuite de l'implantation des exploitants patronaux. Ce mouvement devrait s'accélérer avec la progressive saturation des surfaces agricoles disponibles sur les terrasses alluviales par les producteurs maraîchers du littoral centre et sud du Paraná. Un processus de saturation que l'expansion de la culture du gingembre dans ces régions contribue davantage à accentuer en raison de la période de rotation de 2 à 3 ans que cette culture exige pour des questions phytosanitaires. Dans les autres régions du littoral nord, nous pouvons également prévoir une poursuite de l'installation des agriculteurs patronaux avec, dans ce cas, un système de production fondé uniquement sur la culture du gingembre. Ceci nous permet d'entrevoir la mise en place de contrats de fermage pour la culture du gingembre entre ces agriculteurs patronaux et des paysans locaux, comme c'est d'ailleurs déjà le cas sur le littoral centre et sud. - Un système de production paradoxalement épargné par la politique environnementale Le système de production mis en place par les agriculteurs patronaux sur le littoral nord du Paraná est fortement spécialisé autour de quelques cultures, notamment maraîchères et du gingembre. Ce système de production est également fondé sur une intense motomécanisation et sur une utilisation massive d'intrants extérieurs. En outre, l'implantation de ce système de production exige la construction préalable d'un réseau de canaux de drainage. D'après les enquêtes, nous estimons que la préparation des parcelles demande jusqu'à une vingtaine d'opérations de travail du sol motomécanisées par an. En ce qui concerne l'apport de matières fertilisantes, celles-ci représentent annuellement entre 150 et 300 tonnes de fumier et de 3 à 6 tonnes d'engrais chimique par hectare. L'utilisation de produits phytosanitaires, notamment fongicides et insecticides, est également importante principalement pour la culture du gingembre et de certaines cultures maraîchères comme la laitue et la tomate. Au cours de certaines périodes de l'année, ces cultures peuvent recevoir des traitements avec une fréquence hebdomadaire, voir même plus souvent. Nous avons pu estimer les quantités annuelles des produits phytosanitaires51 utilisées pour la culture du gingembre entre 10 et 30 kg par hectare. L'expansion de ce système de production sur le littoral nord du Paraná pose donc un réel problème environnemental, d'autant plus qu'il va à l'encontre des objectifs affichés de la politique environnementale régionale. En effet, peu de mesures ont été prises par les organismes de protection de l'environnement concernant ces activités. Pourtant interdite par la législation en vigueur52, l'utilisation excessive de produits phytosanitaires ne fait l'objet d'aucun contrôle, ni d'aucune restriction. Jusqu'à ce jour, aucune liste de produits phytosanitaires autorisés n'a été élaborée par l'IBAMA53. À l'exception de l'interdiction de la poursuite d'un grand 51 Ces produits phytosanitaires ont comme principales matières actives mancozeb, oxychlorure de cuivre, bouillie bordelaise, prochorolaz, aldicarb, chlorpyrifos, methamidophos, thiophanate methyl et thiophanate methyl + chlorothanil (SPVS - 1995, p. 35). 52 Décret fédéral n° 90.883 du 31/01/85. 53 Resolução CONAMA n°10 de 14/12/88 projet de drainage54, la plupart des projets de construction d'infrastructures de drainage dans les fonds des vallées ont été approuvés par les organismes environnementaux. D'ailleurs, ces projets de drainage sont appuyés techniquement par l'organisme de vulgarisation agricole du Paraná (EMATER). Et les projets de développement des activités maraîchères par des agriculteurs patronaux ont reçu des subventions publiques (cf. chapitre 2). Plusieurs raisons nous permettent d'expliquer cette situation fort contradictoire. Des raisons économiques tout d'abord, car ces activités comptent aujourd'hui parmi les principales activités agricoles sur le littoral du Paraná. Avec seulement 370 producteurs et une surface exploitée d'environ 600 hectares, cellesci dégageaient en 1995 une production d'une valeur d'environ 25 millions de francs (tableau 55). Tableau 55 - Les principales activités agricoles sur le littoral du Paraná (nombre de producteurs, surface agricole exploitée et valeur estimée de la production en 1995) Activité agricole Nombre de producteurs Culture de la banane 1.500 Élevage de buffles 130 Cultures maraîchères 370 TOTAL 2.000 Surface exploitée en hectares et en pourcentage 4.300 ha (14%) 26.000 ha (84%) 600 ha (2%) 30.900 Valeur de la production en milliers de francs et en pourcentage 33.500 (53%) 4.800 (8%) 25.000 (39%) 63.300 Source : d'après SEAB - 1995, p.10. Les cultures maraîchères et du gingembre se caractérisent également par un considérable besoin de main d'œuvre. D'après les enquêtes de terrain, nous estimons que chaque hectare ainsi cultivé génère 1 à 2 emplois directs. Une aubaine pour une région où les opportunités de travail salarié, agricoles ou industrielles, sont rares. Enfin, citons les graves dysfonctionnements qui caractérisent les organismes de protection de l'environnement (cf. chapitre 2), et qui sont dus en particulier au bas niveau des salaires, comme c'est le cas dans la Police Forestière et à l'Institut de Protection de l'Environnement du Paraná (l'IAP). Dans une conjoncture aussi complexe que celle rencontrée dans la région, de tels salaires sont une incitation 54 Ce projet de drainage concernait la vallée du fleuve Tagaçaba. Il avait été mis en place avec l'objectif de diminuer les inondations à l'origine de graves dommages causés à la seule voie de communication qui dessert le littoral nord du Paraná (la PR-405). Des pressions exercées par les organismes environnementaux ont stoppé ce projet à la fin des années 80. Ce projet a permis d'améliorer indirectement les conditions de drainage d'une superficie agricole d'environ 300 hectares (Enquêtes de terrain, 1989-1992). des fonctionnaires à la corruption et au manque de conscience professionnelle. Par ailleurs, l'absentéisme des responsables locaux est trop souvent la règle à l'IBAMA (Institut Brésilien de l'Environnement, chargé de coordonner les organismes environnementaux présents dans la région) et explique en partie le profond désengagement de toute la hiérarchie locale dans l'application de la politique environnementale et le manque de coordination avec les autres organismes. Dans ces conditions, ces organismes ne sont pas en mesure d'imposer l'application des dispositifs prévus par la politique environnementale et concernant les activités agricoles développées par les agriculteurs patronaux, une catégorie sociale dont l'influence politique, mais surtout économique, est très importante sur le littoral du Paraná. 2.3. Des propriétaires de néolatifundias en quête de nouvelles possibilités de développement L'implantation de néolatifundias est relativement récente sur le littoral nord du Paraná puisqu'il date des années 60/70 (cf. chapitre 2). Ces exploitations ont été créées dans un but exclusivement spéculatif, dans la mesure où leurs propriétaires cherchaient avant tout à bénéficier des subventions octroyées par des programmes fédéraux de développement des activités agricoles et forestières. L'abondance des ressources forestières et la perspective d'un désenclavement à court terme n'ont fait qu'inciter davantage leur installation dans la région. On peut donc considérer que la grande majorité des propriétaires n'ont jamais réellement envisagé d'investir dans le développement des activités agro-pastorales. En effet, ils se sont contentés d'exploiter les ressources naturelles disponibles, en attendant une future valorisation de leur patrimoine foncier. La mise en place de la politique de protection de l'environnement à partir des années 80 a mis fin à leurs prétentions. Les bouleversements sociaux et environnementaux engendrés par l'implantation des néolatifundias dans la région a suscité à l'époque une vive réaction de l'opinion publique brésilienne (cf. chapitre 2), et sous la pression des médias et des organisations non gouvernementales, les pouvoirs publics ont été contraints d'appliquer à la lettre la plupart des dispositifs prévus dans cette politique environnementale. - Les conséquences de la politique environnementale sur les néolatifundias Suite à la mise en place de la politique environnementale sur le littoral nord du Paraná, les néolatifundias se virent donc imposer toute une série de mesures concernant l'exploitation des ressources naturelles sur leurs exploitations, dont la principale a sans doute été l'interdiction de défricher. Cette mesure a notamment touché les néolatifundias dont le système de production était fondé sur l'élevage de buffles en plein air et qui, ne pouvant plus augmenter les surfaces en pâturages, ont été contraints de cesser le développement de leurs activités. En outre, il leur est désormais impossible de financer l'expansion de leurs activités d'élevage en commercialisant le bois existant sur leurs terres, une situation qui se traduit par l'abandon presque total du développement de l'élevage de buffles dans ces exploitations. Les effets de cette mesure ont été davantage ressentis dans les néolatifundias les plus récents ou qui ne disposent que de faibles surfaces en pâturage. Ces néolatifundias se sont ainsi retrouvés avec de faibles surfaces en pâturage par rapport à la surface totale des exploitations. Ils sont confrontés non seulement à des frais de fonctionnement plus élevés (notamment à cause des besoins en main d'œuvre plus élevés) mais également à des infrastructures de production surdimensionnées par rapport à leur taille réelle. Nous avons pu constater que lorsqu'ils démarraient leurs activités, la plupart des néolatifundias étaient fondés sur un système d'élevage du type naisseur. Ce n'est qu'au fur et à mesure de l'agrandissement des surfaces en pâturages et des troupeaux qu'était progressivement mis en œuvre un système d'élevage type naisseur/engraisseur. Cette stratégie permettait aux néolatifundiaires de réduire considérablement les investissements de départ (aussi bien en animaux reproducteurs qu'en pâturages), et d'entreprendre une expansion progressive de leurs activités. Mais avec la mise en place de la politique environnementale, une part considérable de ces néolatifundias ont dû se satisfaire d'un système d'élevage de type naisseur. En revanche, les néolatifundias spécialisés dans l'exploitation du cœur de palmier Euterpe edulis ont été peu concernés par la mise en place de la politique environnementale. En effet, en ce qui concerne l'utilisation des ressources forestières par ces grands propriétaires, la seule exception accordée par cette politique environnementale a été l'exploitation du cœur de palmier. Il s'avère en fait que l'ancienne législation concernant l'exploitation de cette ressource n'a pas été altérée lors de la mise en place de la nouvelle réglementation environnementale. Cette situation trouve son origine dans l'antécédent créé par le programme de développement des activités forestières mis en œuvre dans les années 60/70 qui, comme nous l'avons vu, avait permis aux propriétaires des néolatifundias du littoral nord du Paraná de régulariser l'exploitation des ressources naturelles en cœur de palmier auprès de l'organisme fédéral chargé de la gestion des ressources forestières55. Les propriétaires des néolatifundias ont ainsi pu conserver leurs droits en dépit de l'évidente contradiction avec les objectifs de la politique environnementale. Un paradoxe qui est d'ailleurs d'autant plus évident si nous considérons que le cœur de palmier récolté dans les néolatifundias provient, pour l'essentiel, de boisements naturels. Quoi qu'il en soit, dans une conjoncture régionale si défavorable à l'exploitation des ressources forestières, le maintien de l'ancienne législation sur l'exploitation du palmier a été une aubaine pour ces néolatifundiaires. Et cela malgré l'existence de nombreuses lacunes de cette législation qui permet l'exploitation et la commercialisation du cœur de palmier récolté clandestinement par la paysannerie locale sur les domaines des néolatifundiaires. - Peu de perspectives de développement pour les néolatifundias Les perspectives d'un maintien, voire même de renforcement des principaux dispositifs de la politique environnementale concernant les néolatifundias implantés sur le littoral nord du Paraná nous permettent de faire quelques constats. Tout d'abord, il semble que la poursuite du développement de ces exploitations par l'exploitation des ressources forestières associées à des activités d'élevage ne puisse plus être assurée. Cette situation limite considérablement les possibilités de développement des néolatifundias implantés dans la région. Elle a mis fin au processus de financement du développement de ces exploitations avec l'argent dégagé par l'exploitation des ressources forestières. En outre, elle a réduit considérablement le processus de spéculation foncière qui sévissait dans la région et a eu pour conséquence le désengagement de nombreux propriétaires de 55 Cet organisme fédéral s'appelait à l'époque IBDF (Institut Brésilien du Développement Forestier). Comme nous l'avons vu auparavant, en 1989, l'IBDF a fusionné avec deux autres organismes fédéraux pour donner origine à l'IBAMA (Institut Brésilien de l'Environnement). C'est à l'IBAMA qu'incombe aujourd'hui la responsabilité de contrôler l'application de la politique environnementale sur le littoral nord du Paraná. néolatifundias. D'ailleurs, les enquêtes de terrain ont révélé qu'un grand nombre de néolatifundias, pour l'essentiel localisés sur la sous-région des montagnes, ne font l'objet d'aucune activité productive. Parmi les possibilités de développement qui se présentent aux néolatifundias, l'exploitation du cœur de palmier est évidement la plus souvent adoptée. S'il ne requiert que de faibles investissements (cf. chapitre 2), le développement de cette activité dans des néolatifundias pose néanmoins un certain nombre de problèmes. En effet, la plupart des boisements de palmier ont été longtemps surexploités par les propriétaires des néolatifundias eux-mêmes, mais également de manière clandestine par la paysannerie locale. Le développement de l'exploitation du palmier exige une mise en défens de plusieurs années ainsi qu'un important effort de surveillance. Cette volonté de développer l'exploitation du cœur de palmier a été confirmée par les enquêtes réalisées auprès de certains propriétaires de néolatifundias spécialisés dans l'élevage de buffles. En effet, ces exploitants disposent encore d'importantes surfaces forestières qui peuvent ainsi faire l'objet d'une mise en valeur. Mais cette mise en valeur des boisements de palmier laisse présager d'importants conflits avec les paysans locaux, jusqu'alors les seuls à exploiter ces ressources. La culture du gingembre peut elle aussi représenter une alternative intéressante pour ces néolatifundias. Pour éviter les lourds investissements en équipements et en capitaux que cette culture exige, certains néolatifundiaires du littoral centre et sud du Paraná mettent en place des contrats de fermage avec des agriculteurs patronaux. En 1992, nous avons rencontré sur le littoral nord quelques propriétaires de néolatifundias qui avaient entrepris des démarches auprès de certains agriculteurs patronaux pour la mise en place de tels contrats (Enquêtes de terrain, 1992). Dans ces circonstances et connaissant la conjoncture favorable à la culture du gingembre, il nous paraît donc fort probable que de telles pratiques se développent rapidement dans la région. Enfin, le maintien en l'état des exploitations en attendant l'éventuelle création d'un parc national est une autre perspective, lointaine certes, offerte aux propriétaires de néolatifundias. Néanmoins, cette perspective nous paraît très incertaine, car la mise en place d'une telle unité environnementale dans la région supposerait une intense intervention des pouvoirs publics et les obligerait notamment à s'engager dans une importante opération de dédommagement des propriétaires fonciers de la région. Une perspective d'autant plus improbable que l'on connaît les difficultés financières de l'État paranéen et du gouvernement fédéral brésilien. En outre, la création d'un parc national affronterait des difficultés d'ordre juridique considérables étant donné les problèmes qui caractérisent la situation foncière dans la région. Les planches 4, 5 et 7 illustrent quelques activités agricoles et non-agricoles développées par la paysannerie et l'outillage agricole, le mode de stockage et les moyens des transport utilisés par celle-ci sur le littoral nord du Paraná. La planche 6 illustre quelques activités agricoles et d'élevage développées par les agriculteurs patronaux et par les néolatifundiaires. CHAPITRE 4 Comment concilier les impératifs de la protection de l'environnement avec ceux du développement agricole sur le littoral Nord du Paraná ? 1. Les paradigmes actuels sur la problématique environnement-développement Depuis une trentaine d'années, la science du développement est confrontée à la montée en puissance des questions environnementales, qui prennent aujourd'hui une place croissante dans toutes les questions concernant le développement agricole. Nous pouvons même affirmer que les unes et les autres sont devenues indissociables. Si le binôme environnement-développement trouve aujourd'hui un écho croissant auprès des pouvoirs publics comme de l'opinion publique et scientifique, une question de fond subsiste néanmoins : comment concilier ces deux concepts fortement marqués par d'importantes contradictions ? Dès lors, nous nous sommes placés délibérément dans le contexte plus ample de la problématique développement-environnement et nous sommes pour cela attachés à dresser un état des lieux de ses paradigmes actuels. Pendant longtemps, les questions environnementales ont été considérées comme secondaires et la nature a été prise soit comme un substrat, soit comme une ressource à exploiter. La conception du développement était fondée sur la nécessaire transformation du milieu sans aucun souci de l'impact d'une telle transformation sur les ressources de la nature. Le développement était alors assimilé à la croissance économique, indépendamment de son impact sur l'environnement. Dans un premier moment, les débats concernant l'environnement se sont contentés de souligner les dommages ponctuels et spécifiques que le développement infligeait à la nature : surexploitation des ressources, dégradation des milieux, disparition de certaines espèces de la flore et de la faune, pollution industrielle, etc. À partir des années 60, l'approfondissement des connaissances sur le fonctionnement de la biosphère, sur les risques nucléaires et sur les changements atmosphériques à l'échelle planétaire ("l'effet de serre", la réduction de la couche d'ozone, etc.) a entraîné un renouveau des débats scientifiques sur cette question (Passet - 1992, p. 31; Deléage - 1991, pp. 268-292) et l'élaboration de grands programmes scientifiques internationaux comme "Man and Biosphere" (MAB) de l'UNESCO, le "Programme International Géosphère-Biosphère" (PIGB), ou nationaux comme en France, le "Programme National d'Étude du Climat" (PNEDC) ou le "Programme Interdisciplinaire de Recherche sur l'Environnement" (PIREN) du CNRS (Jollivet et Pavé - 1993, p. 6). Au niveau mondial, ceci suscita de nombreux forums et séminaires internationaux (en particulier la Conférence des Nations Unies de Stockholm en 1972, les séminaires de préparation du rapport de la Commission Mondiale sur l'Environnement et le Développement de l'ONU - "Commission Brundtland" - et la Conférence des Nations Unies sur l'Environnement et le Développement en 1992). L'une des questions centrales soulevées lors de ces forums et séminaires fut le degré de compatibilité entre développement économique et préservation de l'environnement. À la thèse d'une incompatibilité par essence entre ces deux objectifs, s'opposaient deux antithèses. Pour les uns, seule une croissance forte permettrait de financer une politique vigoureuse de l'environnement en misant sur la diffusion rapide de l'innovation, sur la prise en charge des coûts d'entretien ou de restauration des milieux et sur la mise en place de mécanismes de recyclage des matériaux ou d'élimination des déchets. Pour les autres, l'harmonisation entre objectifs du développement et préservation de l'environnement serait possible mais nécessiterait la conception de nouveaux modèles de développement se traduisant par des changements substantiels des modes de vie, des modes de production et des choix techniques, voire des formes sociales d'organisation. C'est ainsi qui sont apparus plusieurs vocables symbolisant la recherche de ces nouvelles voies notamment celui de "l'écodéveloppement" puis plus récemment celui de "développement durable" ou "développement soutenable" (Godard et al. - 1992, p. 323). Le concept d'écodéveloppement a été introduit par Maurice Strong, Secrétaire Général de la Conférence des Nations Unies de Stockholm et a été par la suite largement diffusé dans le domaine de la recherche et de la planification du développement. Selon SACHS, le concept d'écodéveloppement est porteur de l'idée d'un développement endogène ayant pour objectif de répondre à la problématique de l'harmonisation des objectifs sociaux et économiques du développement avec une gestion écologiquement prudente des ressources du milieu (Sachs - 1980, pp. 32 35). Actuellement, c'est le concept de développement soutenable ("sustainable development") qui focalise les réflexions et les débats à l'échelle nationale et internationale et qui a été adopté par l'IUCN (1980), par l'ONU (Commission Mondiale sur l'Environnement et le Développement, 1988) et par un grand nombre de scientifiques (Godard et al. - 1992, p. 333). Le concept de développement soutenable n'a cessé d'évoluer au fil des années. Néanmoins, la plupart des définitions apportées à ce concept56 conservent un certain nombre de points communs : l'intégration de la conservation et du développement, la satisfaction des besoins humains fondamentaux, le maintien de la diversité culturelle et la solidarité avec les générations futures. Ce nouveau paradigme a permis de traiter différemment les rapports entre développement et préservation de l'environnement, dans la mesure notamment où il met en valeur la notion de "gestion des ressources naturelles renouvelables". En considérant le développement soutenable comme inséparable de la gestion des ressources renouvelables, la question de la reproductibilité des relations entre les sociétés humaines et leur environnement a pris place au premier plan. Il impose une vision globale pour analyser les faits d'environnement dans toute la diversité et la complexité de leurs implications. Il nous paraît donc essentiel d'affirmer que "parmi toutes les représentations possibles de l'environnement, celle qui nous concerne, dès lors que l'on fait référence à la notion de développement, met au centre de ses préoccupations l'homme et les sociétés humaines. Elle s'interroge également sur les conditions de leur reproduction et de leur épanouissement, c'est-à-dire en fin de compte, sur leur devenir. Sous cet angle, l'homme et les sociétés humaines ne sont plus simplement considérés comme les hôtes du milieu qu'ils habitent. Ils font désormais partie intégrante de ce milieu dont ils sont à la fois, et pour une part importante, les sujets et les objets, les acteurs et les produits" (Zanoni et Raynaut 1994, pp. 169-170). Les rapports entre développement et environnement apparaissent désormais comme une dimension majeure de la question du développement soutenable. Ceci se justifie d'autant plus que les questions concernant l'environnement occupent une place croissante dans les préoccupations de l'opinion publique. Elles suscitent ainsi un appel à la recherche scientifique capable non seulement d'éclairer la décision, mais aussi d'aider à concevoir des formes de développement plus soucieuses de préserver la nature. Les réflexions actuelles sur le développement soutenable sont tout particulièrement dans la droite ligne de ces travaux, qu'il s'agisse de trouver des voies de développement ou d'aménagement pour des zones rurales fragiles ou menacées d'abandon, d'adapter les systèmes de production agricoles au nouveau contexte économique et aux nouvelles exigences en matière d'environnement, de fournir des connaissances et des outils aux gestionnaires d'espaces protégés, de 56 La définition de développement soutenable la plus communément reconnue est celle adoptée par la Commission Mondiale sur l'Environnement et le Développement : "Le développement soutenable est celui qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs propres besoins" (CMED - 1988). forêts ou de biomes mal connus, mal utilisés ou mal gérés ou de ressources d'intérêt général comme l'eau, de mieux valoriser des ressources végétales ou animales, etc. (Jollivet - 1992, pp. 26-30). L'émergence de ce nouveau paradigme a également suscité un important renouveau dans la conception de la protection de la nature. En effet, depuis la fin du XIXe siècle, la protection de l'environnement était en large partie fondée sur une perception anthropocentrique de la nature. Les arguments qui justifiaient cette conception s'appuyaient sur le fait que la nature de certaines régions exceptionnelles du point de vue esthétique et naturel devait être préservée. Là, la seule manière de préserver la nature était de contrôler sévèrement l'accès de l'homme et ainsi de protéger la vie sauvage ("wilderness") des méfaits de la société industrialisées (Kleitz - 1994, pp. 10-11). Cette conception de la protection de la nature a engendré notamment la création de zones protégées dont les parcs nationaux sont l'exemple le plus connu. En outre, ces zones protégées signifiaient le transfert de toutes les populations qui habitaient ces régions. L'application de ces préceptes notamment au Tiers-monde ont montré les limites de cette conception de la protection de l'environnement. En effet, le plus souvent, la création des zones protégées a concerné des régions depuis longtemps habitées par des populations autochtones, "tribales, traditionnelles ou culturellement minoritaires" qui habitent des régions plus reculées et avec des écosystèmes considérés comme fragiles (McNelly - 1993 cité par Diegues - 1994, p. 16). Au Brésil, il s'agissait le plus souvent de sociétés à dominante paysanne implantées depuis les premiers temps de la colonisation portugaise dans les interstices des régions de monoculture et des grands domaines. Ces populations ont développé des modes d'exploitation du milieu très proches de la nature et de ses cycles biologiques, avec une profonde connaissance de la nature, directement liées à l'exploitation des ressources naturelles et avec une technologie adaptée à ces milieux (Leff - 1993, pp. 72-77; Diegues - 1994, p. 12; Colchester - 1994, pp. 25-26). D'ailleurs, à travers une analyse bibliographique, nous avons pu constater l'ampleur des contraintes, aussi bien socio-économiques qu'écologiques, que l'application de cette conception de la protection de l'environnement a entraînées au cours des dernières années à travers le monde - Weber (1994), Diegues (1994), Aumeeruddy (1994), Tchamie (1994), etc. La plupart des auteurs affirment que les restrictions imposées à l'utilisation de ces ressources naturelles par ces populations et leur expulsion de l'intérieur de ces zones protégées ont été plus préjudiciables à la protection de la nature que le maintien du "status quo". Ceci a entraîné non seulement la perte des connaissances parfois ancestrales sur la gestion des ressources naturelles, mais également la diminution de la biodiversité des écosystèmes, une biodiversité que ces populations avaient pourtant contribué à développer. Il fallut attendre les années 70 pour que l'importance du maintien des populations autochtones dans les zones protégées fût mise en évidence par les organismes environnementaux internationaux et par le milieu scientifique en général. Néanmoins, c'est à partir du milieu des années 80 que cette problématique trouva de plus en plus d'écho auprès de ces instances. Celles-ci reconnurent alors progressivement le rôle des populations locales dans la protection de ces zones mais également dans la gestion des ressources naturelles (Colchester - 1994, pp. 30-31). 2. La paysannerie et la problématique environnement-développement sur le littoral nord du Paraná La problématique environnement-développement est plus que jamais d'actualité, notamment si l'on considère la complexité de la réalité agraire qui caractérise le littoral nord du Paraná. Si d'une part, la politique de protection de l'environnement a permis un certain ralentissement du processus de dégradation des ressources naturelles, d'autre part, elle s'est montrée inefficace pour enrayer la croissante paupérisation de la majorité de la paysannerie et l'expansion de certaines activités agricoles dont l'impact sur l'environnement est considérable (comme par exemple les cultures maraîchères et le gingembre). 2.1. Les enjeux de la problématique environnement-développement sur le littoral nord du Paraná La caractérisation des systèmes de production mis en œuvre par les différentes catégories sociales sur le littoral nord du Paraná (cf. chapitre précédent) a mis en évidence une société agraire complexe et fort différenciée. L'implantation de cette politique environnementale a eu par conséquent un impact très variable selon les catégories sociales considérées. Ceci nous a permis de comprendre dans quelle mesure cette politique environnementale a accéléré le processus de paupérisation et d'exclusion sociale d'une grande partie de la paysannerie. Un processus qui d'ailleurs tendra à se propager et à s'accentuer dans les années à venir si aucune mesure ou changement ne vient inverser cette tendance. L'analyse de certains aspects de la politique de protection de l'environnement mise en place sur le littoral nord du Paraná depuis une quinzaine d'années nous a permis de faire quelques considérations. Tout d'abord, nous avons pu constater que cette politique est fondée sur une conception très étroite de l'environnement, limitée le plus souvent à la protection des facteurs biotiques du milieu. Ainsi par exemple, les ressources hydriques, même si elles ont fait l'objet de quelques réglementations, n'ont à aucun moment bénéficié d'une réelle application de la loi. Les pouvoirs publics, tout en prétendant protéger les milieux et les ressources naturelles, n'ont guère attribué au facteur hydrique l'importance qu'il méritait (Engel Gerhardt - 1994, pp. 131-132). La pollution des cours d'eau par les déjections des buffles ou encore par les produits phytosanitaires utilisés à grande échelle dans les cultures maraîchères et du gingembre n'ont fait l'objet d'aucune mesure directe de contrôle ni de suivi technique de la part des organismes d'État chargés de l'application de la politique environnementale. Les sols font l'objet de mesures de protection plutôt liées à la préservation des écosystèmes forestiers qui s'y trouvent. Ils sont alors perçus exclusivement comme le support physique des écosystèmes forestiers à protéger. En revanche, le système de culture de défriche-brûlis est considéré aussi bien par les législateurs que par les organismes chargés de l'application des réglementations comme responsable de la destruction de la foret ombrophile dense et donc de la biodiversité, au même titre que l'exploitation du bois et l'implantation des pâturages. Or, cette vision traduit une profonde méconnaissance des mécanismes de fonctionnement de ce système de culture : la repousse du couvert arboré est à la base non seulement de la reproductibilité de la fertilité des parcelles, mais aussi du contrôle des herbes adventices. Nous pouvons donc affirmer que les paysans qui le pratiquent ne sauraient être leurs propres destructeurs, sauf à y être contraints (Zanoni et Miguel - 1996, p. 438). En outre, la politique environnementale ne fait pas de distinction entre les défrichements réalisés en vue de la mise en culture avec le système de défrichebrûlis et ceux réalisés à grande échelle pour l'exploitation du bois et l'implantation des pâturages. Pourtant, les impacts de ces pratiques sur l'écosystème forestier sont sensiblement différents, en raison des techniques d'abattage employées, des surfaces forestières concernées mais également de la durée et du mode d'exploitation mis en œuvre. Dans le système de défriche-brûlis, les arbres ne sont pas coupés au ras du sol, certains ne sont pas abattus (bois nobles, arbres fruitiers, etc.), et les surfaces défrichées se limitent au maximum à quelques hectares. Autant de facteurs qui limitent l'exposition des sols à l'érosion tout en permettant un rapide développement de la repousse forestière après une mise en culture des parcelles de quelques années seulement. En revanche, les coupes à blanc pratiquées pour l'exploitation commerciale du bois concernent de vastes étendues de terre et sont suivies par l'implantation de pâturages permanents. Autant de pratiques qui contribuent à accélérer l'érosion des sols et à réduire de manière permanente la diversité biologique des écosystèmes. Cette conception de la protection de l'environnement nie le rôle que les pratiques paysannes peuvent avoir dans l'entretien de la biodiversité. Ainsi par exemple, l'étude plus attentive du système de culture de défriche-brûlis révèle l'importance de ces pratiques dans l'entretien de la biodiversité des écosystèmes forestiers locaux. En effet, les formations végétales qui se succèdent suite à l'abandon des activités agricoles se caractérisent par une importante diversité des espèces : d'abord fortement dominées par des espèces herbacées, celles-ci cèdent progressivement leur place à des espèces arbustives puis arborées. Une diversité biologique au niveau de l'espace qui profite également à la faune qui y trouve alors une source de nourriture abondante et différente selon la formation végétale en question et la période de l'année. D'ailleurs, ce constat n'est pas nouveau : des études réalisées dans d'autres régions (Balée, 1988-1992 et Gomez-Pompa, 19711972 cités par Diegues - 1994, pp. 138-139) ont permis d'affirmer que la pratique de l'agriculture avec le système de culture de défriche-brûlis permettait l'entretien, parfois même l'accroissement, de la diversité biologique des forêts tropicales. Nous pouvons donc considérer que cette politique environnementale a été largement inspirée par des représentations d'une nature vierge et non anthropisée, tout en prônant le maintien sur place des populations locales. Ceci se caractérise par une approche des écosystèmes dans laquelle les dynamiques qui régulent leur fonctionnement excluent l'intervention des populations locales. et En perpétuant l'inégalité d'accès et d'appropriation aux ressources naturelles en niant la crise qu'elle affronte depuis longtemps, cette politique environnementale n'a pas permis à la paysannerie du littoral nord du Paraná de modifier son mode d'exploitation de la nature et de s'adapter à la nouvelle conjoncture régionale. Dans ces conditions, on peut affirmer que la situation agraire actuelle reste profondément marquée par un antagonisme entre protection de l'environnement et développement agricole. À ce propos, nous pouvons nous poser la question de la place de agriculture paysanne dans la division inter-régionale du travail. Cette agriculture n'est certes pas compétitive par rapport à celle réalisée sur les plateaux de l'intérieur, mais elle trouve néanmoins sa place sur le marché local et régional en raison de son potentiel de production de fruits tropicaux et de certains produits alimentaires artisanaux. Une place d'autant plus significative si l'on considère la qualité agro-biologique des produits agricoles locaux. Par ailleurs, soulignons le rôle que jouerait un développement agricole adapté à cette réalité agraire dans le ralentissement de l'exode rural dans cette région. 2.2. La majeure partie de la paysannerie est confrontée à une situation socioéconomique fort précaire L'analyse de la situation agraire actuelle sur le littoral nord du Paraná a montré que la majeure partie de la paysannerie est aujourd'hui confrontée à une situation socio-économique fort précaire. En effet, non seulement ces exploitations paysannes affrontent une crise agricole, mais outre, leur mode d'exploitation du milieu est en grande partie en désaccord avec la politique de protection de l'environnement mise en place dans la région. Nous avons vu que ces paysans ne parviennent pas à assurer la survie de leurs familles par leurs seules activités agricoles. Ils sont par ailleurs largement dépendants d'activités non agricoles caractérisées le plus souvent par une intense précarité. La cueillette du cœur de palmier est soumise à de sévères contraintes liées aussi bien à la politique environnementale qu'à l'épuisement de la ressource. Les possibilités de salariat dans la région sont rares et se limitent le plus souvent à des travaux à la tâche ou à la journée dont les opportunités sont très aléatoires : les systèmes de production des néolatifundias57 et des paysans "moyens" sont peu demandeurs en main d'œuvre, et les agriculteurs patronaux, dont les systèmes de production requièrent une importante main d'œuvre, sont peu nombreux dans la région et se concentrent dans la seule vallée alluviale desservie par une route goudronnée. Quant aux activités de transformation comme la production de farine de 57 Les salariés fixes représentent environ 50% de la main d'œuvre employée mais la plupart d'entre eux viennent d'autres régions (Enquêtes de terrain, 1989-1992). manioc ou de pâtes de banane, elles exigent des investissements que la plupart d'entre eux sont bien incapables de réaliser. - Une agriculture paysanne toujours en crise La crise de l'agriculture paysanne n'est pas un phénomène récent dans la région et est en grande partie la conséquence de la limitation des surfaces agricoles disponibles : environ 40% des paysans disposent d'une surface agricole inférieure à 3 hectares par actif familial. En outre, la plupart des parcelles sont souvent soumises à d'importantes restrictions d'usage, liées aussi bien à leur localisation qu'aux contraintes imposées par la politique environnementale. Une situation que l'insuffisance des moyens de production tend à accentuer dans la mesure où les paysans ne peuvent mettre ces parcelles en culture qu'avec des systèmes de défriche-brûlis avec des recrûs de courte durée qui, comme nous avons pu le voir précédemment, se caractérisent le plus souvent par une faible productivité du travail et par un important impact sur l'environnement lié notamment à l'érosion des sols. Cette crise paysanne est renforcée par d'importantes difficultés de commercialisation de la production agricole. Malgré le désenclavement de la plupart de vallées alluviales depuis la construction de routes et de pistes, l'éloignement des centres de consommation et les difficultés de communication et de transport permettent aux intermédiaires et aux commerçants locaux de profiter d'une situation de quasi monopole dans l'achat de la production agricole locale58 (notamment la production de banane et dans une moindre mesure de farine de manioc) et d'imposer ainsi leur prix d'achat et de décider selon leur gré le moment de la commercialisation de la production59. - Un mode d'exploitation du milieu en désaccord avec la politique de protection de l'environnement Le mode d'exploitation du milieu pratiqué par la plupart des paysans est en large partie en désaccord avec la politique de protection de l'environnement mise en 58 Le plus souvent, un seul intermédiaire ou commerçant est responsable de l'écoulement de la production agricole des paysans de deux ou parfois même trois vallées alluviales. 59 En 1992, les intermédiaires revendaient la banane deux fois plus cher sur le marché de gros de Curitiba que le prix qu'ils avaient payé aux producteurs (Enquêtes de terrain, 1992). PORCHERON, dans son étude sur la filière de la banane sur le littoral nord du Paraná, affirme que "la rémunération des producteurs de banane ne représente pas plus de 10% du prix payé par le consommateur" (Porcheron - 1995, p. 32). œuvre sur le littoral nord du Paraná. Les restrictions imposées par cette politique environnementale ont frappé de plein fouet la plupart des activités agricoles (fondées pour l'essentiel sur le système de défriche-brûlis) mais également les activités de cueillette et de transformation artisanale de produits forestiers (bois, lianes et surtout cœur de palmier), la chasse et la pêche. En outre, pour poursuivre ces activités, la paysannerie locale est contrainte à une situation de clandestinité vis-à-vis non seulement des organismes de protection de l'environnement mais également de l'ensemble de cette société agraire. Cette situation tend donc à la priver de toute reconnaissance sociale et constitue un obstacle à son organisation ainsi qu'à sa représentation face aux pouvoirs publics. Soulignons que cette clandestinité contraint la paysannerie à accepter des conditions très défavorables lors de la commercialisation de sa production. - Un processus continu de paupérisation L'étude de la dynamique agraire actuelle sur le littoral nord du Paraná a montré qu'une grande partie de la paysannerie locale est soumise à un intense processus de paupérisation. Ces paysans sont aujourd'hui dans une situation socioéconomique fort précaire et tout porte à croire que ce processus de paupérisation s'accentuera dans les années à venir. Tout d'abord, nous avons pu constater que cette paysannerie ne dispose que de moyens de production très limités. En outre, les opportunités de développement sont très rares, voire même inaccessibles. Enfin, les engagements pris par les pouvoirs publics brésiliens suite notamment à la Conférence de Rio de Janeiro en 1992 sur la protection de la Forêt Atlantique laissent penser que la politique environnementale mise en place sur le littoral nord du Paraná sera maintenue et probablement même renforcée progressivement. - des opportunités de développement inaccessibles à la petite paysannerie La petite paysannerie du littoral nord du Paraná est aujourd'hui dans l'impossibilité de profiter des nouvelles opportunités de développement. L'adoption de systèmes de culture en conformité avec la législation environnementale et le développement de la transformation artisanale demandent des investissements que la plupart des paysans ne sont pas en mesure de réaliser avec leurs systèmes de production actuels. À partir de 1980, le gouvernement de l'État du Paraná a mis en œuvre une série de projets et de programmes de développement agricole au profit des petits et moyens exploitants agricoles du littoral. La plupart visaient à compenser les limitations d'usage des ressources naturelles imposées par la politique environnementale et à améliorer les conditions de vie des populations locales. Cependant, leur impact sur la petite paysannerie du littoral nord a été très limité, voire même insignifiant dans certains domaines, dans la mesure où pour la plupart, ils lui étaient inaccessibles (cf. chapitre 3). En ce qui concerne l'exploitation et la transformation du cœur de palmier, la politique de protection de l'environnement a renforcé considérablement les restrictions d'accès à ces activités pour la paysannerie et donc sa dépendance vis-àvis des conserveries industrielles. En outre, cette situation a écarté la paysannerie locale de toute possibilité de développer la production artisanale de conserves de cœur de palmier. - les perspectives de renforcement de la politique de protection de l'environnement Depuis le début des années 80 notamment, la protection de la "forêt atlantique" brésilienne est devenue l'une des priorités de nombreuses organisations non-gouvernementales et d'organismes nationaux et internationaux (MAB-UNESCO, WWF, TNC, SOS Mata Atlântica, etc.), une priorité d'ailleurs réaffirmée à plusieurs reprises après la Conférence de Rio de Janeiro en 1992. Dans ce sens, il est important de rappeler que c'est sur le littoral du Paraná que l'on trouve la portion la mieux préservée de cet écosystème qui s'étendait à l'origine tout au long de la côte Ouest du Brésil. La politique environnementale mise en œuvre dans la région et la conception de la protection de l'environnement prédominante dans les organismes et organisations environnementales permettent d'envisager un renforcement de l'appareil répressif dans les années à venir. Et il n'est pas exclu que de nouvelles unités de protection de l'environnement soient créées ou que de nouveaux dispositifs législatifs concernant cette région soient instaurés. - l'épuisement progressif des ressources en cœur de palmier Comme nous l'avons vu précédemment, l'exploitation et la transformation du cœur de palmier sont devenues l'une des principales sources de revenu de la paysannerie du littoral nord du Paraná. Cependant, la législation instaurée depuis les années 70 exclut la paysannerie de tout développement légal de ces activités. Dans ces conditions, les paysans ont été contraints de poursuivre leurs activités de cueillette et de transformation artisanale de manière clandestine et même de compenser les prélèvements réalisés par les conserveries industrielles par une intensification considérable de l'effort d'exploitation des peuplements naturels. Soulignons par ailleurs que cette situation rend impossible toute gestion rationnelle de la ressource. Qui plus est, l'absence de données fiables empêche d'estimer le potentiel d'exploitation de cette ressource et le contexte institutionnel n'incite guère la paysannerie à la gérer de façon rationnelle. Aujourd'hui, outre la productivité du travail de l'activité de cueillette, c'est le renouvellement naturel de la ressource palmier qui se trouve sérieusement menacé. Nous estimons que l'épuisement des ressources en cœur de palmier risque de compromettre la survie de plus de 60% des paysans du littoral nord du Paraná (cf. chapitre 3). 3. Quelle politique de développement agricole pour le littoral nord du Paraná ? Proposer une politique de développement agricole pour le littoral nord du Paraná est un exercice périlleux, notamment si l'on considère les enjeux de la problématique agraire locale. Les échecs successifs subis par les programmes et actions de développement mis en œuvre par les pouvoirs publics et certaines ONGs sont encore très présents dans la mémoire des populations locales (cf. chapitre 2). Cependant, fort des résultats obtenus et de l'ampleur des connaissances sur la réalité agraire locale acquises tout au long de cette recherche, nous jugeons nécessaire de contribuer par quelques propositions à la recherche d'un développement soutenable et équitable pour les habitants de cette région. Soulignons dès à présent que la réussite d'un projet de développement dans une région présentant ces particularités aurait des conséquences considérables au niveau régional, bien sûr, mais également à une échelle plus globale. Elle pourrait notamment contribuer à faire progresser le débat sur l'avenir des régions tropicales humides au Brésil. Les pouvoirs publics doivent intégrer les questions d'environnement dans les programmes et projets de développement rural, de façon à ce que les exploitants puissent satisfaire leurs besoins vivriers et monétaires tout en respectant leur environnement naturel. Les projets tournés exclusivement vers la protection de l'environnement sont voués à l'échec si l'on ne parvient pas à améliorer le niveau de vie de la paysannerie de la région. Il appartient donc à l'État de créer les conditions socio-économiques nécessaires à la mise en œuvre par les paysans de systèmes de culture et d'élevage favorables à la reproduction des écosystèmes, et de faire en sorte que ces individus aient les moyens de les développer (Dufumier - 1992, p. 308). Devant une telle problématique, il est impératif que l'État impose une réelle coordination entre les organismes chargés de la promotion du développement rural et ceux chargés d'inciter une meilleure prise en compte des problèmes environnementaux. En effet, un constat s'impose : il ne suffit plus de souligner les enjeux de la problématique locale ou de fournir les bases scientifiques à la conception d'un projet de développement dans cette région. Le temps est venu de proposer des actions concrètes en faveur d'un développement soutenable, c'est-à-dire qui vise l'amélioration des conditions de vie des populations locales et le respect de l'environnement. 3.1. Une politique de développement centrée sur la paysannerie La caractérisation du mode d'exploitation du milieu mis en œuvre par la paysannerie du littoral nord du Paraná nous a permis de faire un certain nombre de constats. Tout d'abord, ce mode d'exploitation du milieu est fondé en grande partie sur la reproduction du potentiel écologique des milieux exploités. L'analyse des systèmes de production mis en œuvre par cette paysannerie (cf. chapitre 3), nous permet d'affirmer que ce mode d'exploitation du milieu se caractérise par un fort potentiel et par une aptitude à exploiter de façon durable les écosystèmes locaux, et cela malgré qu'il soit depuis fort longtemps marqué par l'empreinte de la crise. Ce mode d'exploitation de la nature se traduit par des interventions de courte durée et sur des espaces restreints afin de limiter les impacts sur les écosystèmes et de permettre, autant que possible, le maintien d'un équilibre entre l'utilisation et le renouvellement des ressources naturelles. Ensuite, la dégradation environnementale engendrée par ce mode d'exploitation du milieu est une conséquence directe des contraintes qui pèsent sur la paysannerie de la région. Des contraintes dues aussi bien à une importante limitation d'accès aux ressources naturelles qu'à une faible disponibilité en foncier. Nous pouvons affirmer que le mode d'exploitation de la nature mis en œuvre par la paysannerie n'est pas en soi un facteur de destruction et de dégradation des écosystèmes naturels à préserver et qu'il n'est donc pas en contradiction avec les objectifs de la politique de protection de l'environnement mise en place dans la région60. La mise en place d'une véritable politique de développement centrée sur la paysannerie doit permettre de rétablir cet équilibre entre utilisation et renouvellement des ressources naturelles. Ceci doit se traduire à court terme par une importante diminution de l'impact environnemental de l'ensemble des pratiques paysannes. Ce constat nous conduit impérativement à préconiser la paysannerie comme la catégorie sociale la plus susceptible de concilier développement et préservation de l'environnement sur le littoral nord du Paraná. D'autant plus, comme nous l'avons vu précédemment, que l'amélioration des conditions de vie de la paysannerie demeure la condition préalable à la réussite de toute politique environnementale concernant cette région. En revanche, il nous paraît judicieux de limiter voire même de stopper toute action de développement fondée sur la promotion des systèmes de production développés dans les néolatifundias et les exploitations patronales. Ces systèmes de production s'avèrent très demandeurs en travail et en moyens financiers et présentent des résultats économiques et sociaux très limités (cf. chapitre 3). En outre, à l'exception de l'exploitation du palmier Euterpe edulis, ils sont fondés sur une importante anthropisation du milieu et cela de manière permanente : importante utilisation d'engrais et de produits phytosanitaires, défrichements à blanc, mise en place de pâturages permanents, travail du sol en continu, etc. Comme nous l'avons vu (cf. chapitre 3), l'impact environnemental de ces systèmes de production est 60 La législation de protection de l'environnement mise en place sur le littoral nord du Paraná prévoyait au départ des limitations d'usage de certaines ressources naturelles tout en permettant le maintien de la paysannerie locale et de son mode d'exploitation du milieu (cf. chapitre 2). considérable et ceux-ci doivent donc être limités, voire exclus, d'une zone d'environnement protégé. En effet, ces activités économiques ont pu se développer dans la région en raison de leur importance économique et des dysfonctionnements des organismes publics chargés de l'application de politique environnementale. 3.2. Redéfinir l'action des pouvoirs publics Tout au long de notre recherche, nous avons souligné les lacunes des pouvoirs publics dans la promotion du développement rural sur le littoral nord du Paraná. La plupart des actions et des programmes de développement mis en place par les pouvoirs publics ont bénéficié à des exploitations patronales et à un faible nombre de paysans. Nous avons également constaté des dysfonctionnements dans les différents organismes chargés de ces tâches ainsi que d'importants vices de conception et la faible portée des actions et projets de développement en cours. Enfin, d'importantes contradictions ont été décelées dans la politique mise en œuvre sur le littoral nord du Paraná. En effet, bien qu'elle prône la sauvegarde du mode de vie des populations locales et leur maintien sur place, cette politique s'avère un obstacle à leur reproduction et à l'amélioration de leurs conditions de vie. La mise en place d'une politique de développement centrée sur la paysannerie sous-tend une profonde modification de l'action des organismes d'état implantés sur le littoral nord du Paraná mais également une importante intervention des pouvoirs publics notamment en ce qui concerne la question foncière. - Restructurer l'action de l'organisme de vulgarisation agricole et de la recherche agronomique Les antennes locales de l'organisme de vulgarisation agricole de l'État du Paraná (EMATER) manquent aujourd'hui cruellement de personnel qualifié et un important effort dans le renforcement du personnel technique est donc indispensable. En outre, une réorientation de l'action de cet organisme sur le terrain est souhaitable. Les interventions des techniciens auprès des associations et groupements de paysans doivent être privilégiées au détriment de celles réalisées auprès des exploitants individuels. Un important effort doit être également consenti pour inciter la création de structures collectives paysannes. Enfin, il nous paraît indispensable que ces antennes puissent disposer d'une plus grande autonomie d'action par rapport aux directives définies par la direction régionale qui, trop souvent, sont très éloignées de la réalité rencontrée par les vulgarisateurs sur le terrain. En ce qui concerne la recherche agronomique, il est impératif que ces organismes orientent de manière prioritaire leurs travaux vers la résolution des problèmes auxquels se trouvent directement confrontés les paysans. Ainsi, il convient surtout de mieux comprendre les mécanismes de régénération naturelle des couverts herbacés, arbustifs et arborés soumis à la pratique du système de défrichebrûlis. Un gros effort doit être fourni dans le domaine de l'agroforesterie notamment avec des recherches sur les systèmes de culture du palmier Euterpe edulis sous couvert arboré et en association avec la culture de la banane. Dans ce sens, une véritable concertation doit être envisagée entre les différents organismes aussi bien gouvernementaux que non gouvernementaux réalisant des recherches sur le littoral du Paraná. Ceci doit permettre d'éviter des répétions et garantir une meilleure utilisation des moyens financiers et humains. Enfin, il nous paraît indispensable de mettre en place une véritable concertation entre les organismes concernés par la vulgarisation agricole et la recherche agronomique et ceux concernés par la protection de l'environnement. En effet, nous avons remarqué que les techniciens de l'organisme de vulgarisation agricole de l'État (EMATER) n'hésitent pas à inciter les paysans de la région à l'utilisation de produits phytosanitaires ou à l'introduction d'espèces végétales exotiques (comme le palmier Euterpe oleracea). Le même phénomène a été observé parmi les chercheurs de l'Institut de Recherche Agronomique du Paraná (IAPAR) qui mènent des recherches sur l'introduction du palmier Euterpe oleracea sur le littoral paranéen. Ceci évidemment en complète contradiction avec l'action des organismes de protection de l'environnement et avec la réglementation de la politique environnementale en vigueur dans la région. - Recentrer et renforcer les programmes et actions de développement en cours D'une manière générale, les programmes et actions de développement mis en œuvre sur le littoral nord du Paraná n'ont bénéficié qu'à un nombre réduit de paysans (cf. chapitre 2). Cependant, l'analyse des résultats présentés par ces programmes et actions nous ont permis de mieux nous situer face à ces questions. Ces actions et programmes de développement doivent intégrer la participation paysanne aussi bien au niveau des études préalables qu'à celui de l'exécution. Par ailleurs, il est souhaitable que ces actions et ces programmes puissent être suivis et évalués par les paysans concernés. Ils doivent également s'intégrer à la politique environnementale en vigueur dans la région. Enfin, tout projet de développement sur le littoral nord du Paraná doit s'efforcer en priorité d'enrayer le processus de paupérisation qui frappe une grande partie de la paysannerie. Ce processus ne peut être stoppé que si l'on procède initialement à des investissements destinés à équiper la paysannerie de manière individuelle mais surtout collective. Pour cela, il faut concentrer les efforts sur des actions et des programmes de développement susceptibles d'intéresser immédiatement les paysans, comme par exemple certaines activités agricoles et de transformation à forte valeur ajoutée : production de farine de manioc, exploitation et transformation du cœur de palmier, transformation de la banane, etc. - Adapter la politique environnementale Comme nous l'avons vu précédemment (cf. chapitre 2), les orientations et règlements de la politique environnementale mise en œuvre sur le littoral nord du Paraná ont été décidés par les organismes publics et environnementaux sans aucune participation des populations locales. La mise en place d'instances de discussion et de délibération entre les divers organismes concernés par la protection de l'environnement et les populations locales et leurs représentants s'avère donc indispensable. Dans ce sens, la promotion de structures associatives de paysans devra permettre l'émergence d'une représentation paysanne active et bénéficiant d'une large assise locale. La politique environnementale devra s'intégrer dans une politique globale de développement pour la région, avec une définition claire des priorités pour tout ce qui concerne le choix des modalités et des zones d'intervention. Par conséquent, il faudra faciliter la concertation entre les pouvoirs publics et les populations locales pour que tous puissent se mettre d'accord sur les modalités d'aménagement et de gestion des ressources naturelles dans le cadre de la politique environnementale. Quoi qu'il en soit, des modifications dans la politique environnementale mise en place localement s'avèrent nécessaires. En ce qui concerne la filière du cœur de palmier, les dispositifs légaux qui assurent le monopole de la transformation aux seules conserveries industrielles doivent être abrogés. Il paraît également indispensable que la politique environnementale permette la délimitation des zones destinées à des activités agricoles, à la cueillette de produits forestiers et à la chasse d'autoconsommation. Ce zonage doit à notre avis prendre en compte les pratiques paysannes d'utilisation des ressources naturelles sans pour autant se limiter à la délimitation spatiale des milieux selon leurs aptitudes physiques. L'exemple des activités agricoles réalisées selon le système de culture de défriche-brûlis permet de conforter notre jugement. Celui-ci est pratiqué sur la plupart des parcelles localisées sur les fonds de vallée et sur quelques bas versants de montagnes depuis le début du siècle pour les vallées de colonisation plus récente et pour les vallées de colonisation plus ancienne au moins depuis le milieu du XVIe siècle. Par conséquent, les parcelles ainsi exploitées sont depuis fort longtemps profondément altérées par les activités anthropiques. La mise en défens de ces parcelles ne se justifie donc nullement en ce qui concerne la protection de la biodiversité de la forêt ombrophile dense et des écosystèmes locaux. C'est au contraire l'inverse que devrait prôner la politique de protection de l'environnement : régulariser la pratique du système de défriche-brûlis exclusivement pour les parcelles les plus anthropisées et ceci indépendamment de l'âge des recrûs ou de l'étape de développement de la végétation. 3.3. Redistribution foncière et mise en place d'une "réserve extractiviste" de cœur de palmier La reprise des vastes étendues de terres en possession des propriétaires des néolatifundias et leur redistribution à la paysannerie du littoral nord du Paraná est une condition préalable à la réussite de tout projet de développement dans cette région. En effet, la grande concentration foncière est en grande partie responsable de la situation d'exclusion socio-économique dans laquelle se trouve la majeure partie de la paysannerie de la région. Cette redistribution du foncier doit permettre d'augmenter les surfaces agricoles des exploitations paysannes et de créer une "réserve extractiviste" de palmier Euterpe edulis dans la sous-région des montagnes. Outre une importante amélioration des conditions de vie de la paysannerie, cette redistribution foncière vise la réduction de l'impact des activités paysannes sur l'environnement. En effet, la paysannerie du littoral nord pourra abandonner la mise en culture avec le système de défriche-brûlis des parcelles disposant de conditions de culture dont l'impact sur l'environnement s'avère le plus important (versants des montagnes, parcelles couvertes des recrûs arbustifs, etc.). En ce qui concerne les activités de cueillette, la redistribution foncière doit permettre aux paysans de réaliser une réelle gestion des ressources forestières. Enfin, il est indispensable que cette redistribution foncière soit suivie par un important effort d'encadrement de la paysannerie par les pouvoirs publics et les ONG présentes dans la région, et qu'un important soutien financier soit apporté à ces paysans (équipements, crédits de campagne, etc.). - Distribution foncière des terres de fond de vallée Les résultats dégagés par l'étude des systèmes de production nous ont permis d'estimer un module minimum pour les exploitations paysannes sur le littoral nord du Paraná. Nous avons ainsi pu calculer qu'elles doivent disposer d'une surface cultivable en rotation avec le système de défriche-brûlis d'environ 20 hectares, dont environ la moitié localisée impérativement sur les unités de milieu naturel des plaines d'épandage de crues et des terrasses alluviales. Outre la culture permanente de la banane, cette surface agricole en rotation doit permettre aux paysans de mettre en œuvre des systèmes de culture de défrichebrûlis avec une durée du recrû supérieure à 6 ans, d'assurer leurs besoins d'autoconsommation de denrées de base (riz, maïs, haricot, manioc, banane, jardin de case, basse-cour) et de dégager un surplus agricole (notamment en banane et en manioc). Nous estimons que ce système de production peut garantir une productivité du travail supérieure à 7.000 francs par actif familial. - Les possibilités de mise en place d'une "réserve extractiviste" de cœur de palmier La fin des années 80 a été marquée au Brésil par la montée en puissance de la contestation internationale du modèle de développement jusqu'alors prôné pour l'Amazonie. Ce modèle de développement, dont les origines remontent à la période des gouvernements militaires (1964-1985), n'a permis que l'installation de grandes exploitations d'élevage sous les décombres de la forêt amazonienne. A ceci s'est ajoutée une résistance de plus en plus active contre la destruction de la forêt amazonienne de la part des populations de collecteurs (notamment de latex "seringueiros" et de noix du Brésil "castanheiros") vivant dans certaines régions. Face à cette situation, les pouvoirs publics brésiliens ont mis en place au début des années 90 une législation concernant la création des "réserves extractivistes". Fortement inspirée par la législation sur les réserves indigènes, celle-ci permet la création des "réserves extractivistes" dans les régions dont les caractéristiques naturelles rendent possible leur exploitation durable par des populations "extractivistes" sans porter préjudice à la conservation du milieu (d'après le décret n° 98897 du 30/01/90). Cette législation représente une importante innovation en termes d'organisation sociale et d'occupation du territoire. En premier lieu, la création d'une "réserve extractiviste" modifie les rapports à la propriété privée car elle s'oppose à la spéculation et à la concentration foncière. Les terres concernées par une "réserve extractiviste" appartiennent à l'État brésilien qui en réserve l'usufruit aux populations locales. Ces populations doivent par conséquent mettre en œuvre un mode de gestion concertée pour en valoriser les ressources naturelles. En second lieu, elle est censée modifier les relations de l'homme avec la nature et s'opposer à l'exploitation prédatrice des ressources naturelles. La "réserve extractiviste" doit permettre le développement d'activités économiques viables, tout en assurant la sauvegarde de la biodiversité des écosystèmes exploités (Pinton cité par Aubertin 1995, p. 108) Le champ d'application de cette législation ne se limite pas à la région amazonienne. En 1994, sur les neuf "réserves extractivistes" existantes au Brésil, au moins cinq étaient situées en dehors de l'Amazonie dite "légale" (source CNPT/ IBAMA - 1995). L'analyse de la législation concernant la création des "réserves extractivistes" nous permet d'affirmer que la plupart des exigences requises pour leur application existent sur le littoral nord du Paraná. Cette législation stipule en particulier que les populations locales doivent exploiter depuis longtemps les ressources forestiers en question. Soulignons notamment que la paysannerie du littoral nord du Paraná exploite depuis longtemps les boisements de palmier existants dans la sous-région des montagnes. La création d'une "réserve extractiviste" sur le littoral nord du Paraná doit permettre à la paysannerie d'exploiter légalement les boisements de palmier existants. En effet, la législation concernant l'exploitation du palmier Euterpe edulis stipule que le droit d'exploiter cette ressource dépend de la possession de la terre et de la mise en œuvre d'une gestion durable de la ressource. Il n'existe donc aucune contradiction entre cette législation et la mise en place d'une "réserve extractiviste". Contrairement à la plupart des "réserves extractivistes" de la région amazonienne, l'implantation d'une telle réserve sur le littoral nord du Paraná ne devrait pas rencontrer de graves difficultés dans la commercialisation de la production. En effet, le marché du cœur de palmier est actuellement en pleine expansion au Brésil. Cette tendance doit d'ailleurs se poursuivre en raison notamment de la surexploitation des boisements de palmier localisés dans le sud du Brésil et de l'augmentation constante de la consommation de cœur de palmier en conserve dans les centres urbains brésiliens (cf. chapitre 2). En outre, la mise en conserve peut être réalisée sur place, à moindre coût, par les paysans eux mêmes. Enfin, l'exploitation du cœur de palmier peut être réalisée sous couvert de la végétation arborée naturelle (primaire et secondaire), ce qui permet d'assurer le renouvellement des boisements par régénération naturelle. Malgré un environnement politique défavorable à toute réforme agraire, nous considérons que l'expropriation des terres des néolatifundias par l'État et leur redistribution à la paysannerie ne représente pas un obstacle majeur. En effet, la création d'une "réserve extractiviste" ne relève pas de l'Institut Brésilien de la Colonisation et de la Réforme Agraire (INCRA), organisme public fortement influencé par des pressions politiques, mais d'un département de l'IBAMA61 implanté à Brasília - le Centre National pour le Développement Durable des Populations Traditionnelles (CNPT) -, chargé de la création des "réserves d'extraction" et sensible aux revendications des mouvements sociaux62. 61 Institut Brésilien de l'Environnement et Ressources Renouvelables. 62 C'est d'ailleurs dans ce sens qu'AUBERTIN, dans un article sur les "réserves extractivistes" en Amazonie affirme que la demande de la création d'une "réserve extractiviste" est devenu le modèle employé pour faire aboutir les revendications foncières (Aubertin - 1995, p. 112). En outre, la plupart des terres en question disposent d'une tenure foncière précaire qui n'est pas reconnue par la justice brésilienne. Nous estimons que 100.000 hectares environ peuvent être concernés par la création d'une "réserve extractiviste" sur le littoral nord du Paraná63. En prenant en compte les résultats dégagés par l'exploitation des boisements naturels de palmier Euterpe edulis, nous pouvons estimer que cette "réserve extractiviste"64 pourra produire environ 200 tonnes de cœur de palmier par an pendant les cinq premières années et environ 300 tonnes les années suivantes. - Bénéfices attendus de la redistribution foncière Cette redistribution foncière permettrait d'augmenter les surfaces agricoles des exploitations paysannes et de garantir à environ 300 paysans l'accès à un lot dans la "réserve extractiviste". D'après les estimations, elle doit permettre à chacune des familles paysannes concernées de disposer d'une exploitation d'une vingtaine d'hectares et d'un lot dans la "réserve extractiviste" d'environ 300 hectares. Nous estimons que ce système de production peut dégager un revenu variant entre 9.000 francs par actif familial (pendant les cinq premières années) et 11.000 francs par actif familial (à partir de la sixième année), c'est-à-dire une fois et demi à deux fois le seuil de reproduction sociale fixé actuellement pour cette catégorie sociale (cf. chapitre 3). 3.4. La promotion des structures associatives paysannes La paysannerie du littoral nord du Paraná se caractérise par une très faible organisation autour d'entités paysannes professionnelles ou de production. En 1992, aucun syndicat ne représentait la paysannerie et seules trois associations paysannes existaient dans l'ensemble de la région, rassemblant au total moins d'une centaine d'exploitants (Enquêtes de terrain, 1989-1992). La mise en place d'un projet de développement agricole sur le littoral nord du Paraná doit impérativement accorder une place importante à la promotion de 63 Estimation personnelle réalisée à partir du cadastre de l'INCRA (1991) et des relevés de terrain (1989-1992). 64 Nous avons pris comme hypothèse une production annuelle de 3,0 kg de cœur de palmier par hectare pendant les cinq premières années et 6,0 kg les années suivantes. En outre, nous avons considéré que les deux tiers environ de la surface de la réserve ne présentaient pas les conditions pédoclimatiques nécessaires pour permettre le développement du palmier "Euterpe edulis". structures associatives paysannes. Celles-ci doivent s'attaquer, au moins dans un premier temps, à la résolution des problèmes courants rencontrés par ces paysans et à la création des conditions socio-économiques favorables à l'augmentation de leurs revenus. Selon les objectifs recherchés, ces structures peuvent prendre la forme de petits groupements ou d'associations rassemblant un nombre plus important de paysans. Quoi qu'il en soit, elles doivent impérativement respecter les principes de la libre adhésion, de l'intérêt mutuel et de la gestion démocratique (Dufumier - 1990, p. 12). Si d'une part, la majeure partie de la paysannerie du littoral nord du Paraná n'est pas en mesure de financer les équipement nécessaires à la mise en place de telles structures associatives, d'autre part, les possibilités de financement existent aussi bien auprès des municipalités que des différents organismes de l'État du Paraná. Depuis quelques années, les municipalités disposent d'importants fonds publics provenants de la "loi des royalties écologiques" qui peuvent être mobilisés dans le financement des projets de développement agricole (cf. chapitre 2). En ce qui concerne l'État du Paraná, la promotion de l'agro-industrie rurale est devenue l'une des priorités de l'actuel gouvernement et des lignes de crédit et de financement ont été créées dans les dernières années. L'organisation de petits groupements de paysans doit être incitée pour la gestion des équipements agricoles ou de transformation demandant une importante souplesse d'utilisation et des coûts d'entretien relativement élevés. Cette forme d'organisation collective doit donc être choisie pour la gestion des équipements tels que les motoculteurs et les ateliers de transformation de manioc. Elle permet l'utilisation de ces équipement sur une plus longue durée tout en réduisant les coûts d'entretien et de fonctionnement. D'après les relevés réalisés sur le littoral nord du Paraná, l'atelier de transformation semi-motorisé (type II) semble le plus indiqué pour les groupements de producteurs. Outre l'utilisation de certains équipements déjà existants sur place (chaudron en cuivre, pressoirs), il peut être construit à moindre frais par les paysans eux mêmes. D'après les caractéristiques et les performances dégagées par ces ateliers, nous estimons que le groupement ne doit pas concerner plus que quelques exploitations paysannes. Dans le cas de motoculteurs, il doit être limité à moins d'une vingtaine d'exploitants. Malgré leur polyvalence (pour la préparation des parcelles mais surtout pour le transport de la production) et le fait qu'ils puissent être utilisés tout au long de l'année, leur gestion par les bénéficiaires peut engendrer d'importants conflits au sein du groupement. L'expérience des groupements de paysans possédant un motoculteur dans la région nous incite à confier le maniement de cet équipement à un paysan ayant une solide connaissance en machinisme agricole. Face aux difficultés rencontrées par la paysannerie dans la commercialisation de leur production (notamment de banane et de cœur de palmier), une place primordiale doit être accordée à l'amélioration des conditions de transport et à la mise en place de petites unités de conservation post-récolte auprès des structures associatives locales. Il s'agit d'une part de permettre à la paysannerie de se libérer, au moins partiellement, de l'emprise des réseaux de commercialisation dominés par des intermédiaires privés, et d'autre part de valoriser les pertes et les excédents de production. Pour cela, les structures paysannes doivent disposer d'un moyen de transport robuste et d'une capacité suffisante, dont le plus conseillé pour la région est le camion plateau ("truck") d'une capacité d'environ 10 tonnes. Il nous semble également impératif que les organisations paysannes puissent développer la transformation de la banane, du manioc et du cœur de palmier au sein de petites unités artisanales de transformation. L'expérience de l'Association de Petits Producteurs de Batuva, localisée en amont du fleuve Guaraqueçaba, est en ce sens exemplaire. Cette petite association dispose depuis 1989 d'un camion prêté par la mairie de Guaraqueçaba pour assurer le transport de la production de bananes de ses membres vers un grossiste établi à Curitiba. Elle parvient ainsi à obtenir un prix de vente d'environ 40% supérieur à celui proposé par des intermédiaires privés qui viennent chercher la production directement chez des producteurs (Enquêtes de terrain, 1989-1992). En outre, cette association s'est engagée depuis 1994 dans un projet de petite unité artisanale de transformation de produits agricoles et de cueillette65. Cette unité doit produire des pâtes de banane, des bananes séchées, des confitures de fruits locaux et des conserves de palmier. Elle est aujourd'hui en phase finale d'implantation et les premiers résultats (notamment en ce qui concerne les produits dérivés de banane) sont fort encourageants. L'analyse de cette expérience pilote et des ateliers de transformation existants dans la région nous a permis d'estimer le coût de construction d'une unité de transformation artisanale, comprenant un atelier de transformation du manioc ou un 65 Ce projet s'insère dans le programme franco-brésilien "Développement soutenable à Guaraqueçaba" en cours depuis 1988 englobant les volets agriculture, pêche, mangrove, énergie, déchets et santé. Ce programme est coordonné par l'Université Paris 7, l'Université Fédérale du Paraná - PROEC et l'Association HOLOS. Il a été financé en grande partie par le Ministère de l'Environnement (France), le Ministère des Affaires Étrangères (France), le Secrétariat au Plan (Gouvernement du Paraná) et l'Université Fédérale du Paraná. atelier de transformation de la banane et du cœur de palmier avec tous les équipements nécessaires, entre 150.000 et 250.000 francs (valeur 1995)66. A plus long terme, la multiplication des structures associatives peut permettre la création et la mise en place d'un label spécifique pour la production du littoral nord du Paraná. En effet, la plupart des produits agricoles et de collecte originaires de cette région bénéficient d'une excellente réputation auprès des consommateurs en raison de leur qualité et des procédés de transformation artisanaux employés. Ceci s'avère autant plus intéressant si nous considérons que le marché des produits artisanaux et "agro-biologiques" est en pleine expansion au Paraná, mais exige un gros effort de concertation et d'organisation parmi les associations de la région. Nous pouvons également envisager la mise en place d'une organisation mutualiste pour la collecte de l'épargne rurale et la distribution de crédits aux paysans. Des telles associations doivent aider les paysans à éviter le recours à des formes d'épargne peu lucratives comme par exemple l'élevage bovin. Outre une augmentation des revenus monétaires, le renforcement de l'organisation de la paysannerie doit aboutir à la formation de structures capables de représenter les intérêts des paysans auprès des pouvoirs publics. En effet, la paysannerie n'a aujourd'hui qu'une faible représentativité, notamment par la seule voix des maires locaux et de quelques conseillers municipaux, plus intéressés à défendre leurs intérêts personnels. En tant que catégorie sociale organisée, ils doivent pouvoir faire croître la reconnaissance sociale de leur travail et ainsi jouer un rôle plus actif dans la vie politique locale. Ceci doit permettre à la paysannerie d'être davantage et mieux représentée pour faire face aux pouvoirs publics, notamment en ce qui concerne la politique environnementale mise en place dans la région. Une représentation qui a fait cruellement défaut dans le passé, notamment lorsque les pouvoirs publics ont pris des décisions visant la réglementation et l'application de la politique environnementale sans prendre en compte les intérêts de la paysannerie. 66 Cette estimation prend en compte les normes sanitaires en vigueur dans l'État du Paraná, une assistance technique non rémunérée par les organismes publics de vulgarisation et développement agricole et la participation bénévole des paysans concernées à la construction de l'unité. CONCLUSION La reconstitution de la formation et de l'évolution des systèmes agraires sur littoral nord du Paraná a révélé une société agraire à dominante paysanne et dont le mode d'exploitation du milieu est resté jusqu'aux années 60 fondé sur l'exploitation des ressources forestières et halieutiques, sur une agriculture de défriche-brûlis et sur la transformation artisanale de certains produits agricoles et forestiers. Cette société agraire était alors caractérisée par une grande autonomie vivrière et matérielle vis-à-vis du monde extérieur et par sa place fort modeste dans la division inter-régionale du travail. Soulignons que le processus de différenciation socio-économique qui caractérise cette société agraire n'est pas récent, mais qu'il remonte au contraire aux premiers temps de la colonisation portugaise, quand les activités aurifères et l'appropriation des terres les mieux desservies par le réseau fluvial avaient donné naissance à un processus d'accumulation en capital et en moyens de production. Mais, et c'est là l'essentiel, la petite paysannerie locale ne put jamais s'intégrer à ce processus d'accumulation, en raison des rapports sociaux et de production favorables aux grands exploitants esclavagistes tout d'abord, puis aux commerçants et aux paysans "moyens". Même la crise du système de culture de défriche-brûlis, associée à l'effondrement du commerce bananier dès la fin des années 20, ne parvint à modifier les mécanismes de différenciation. Seule une partie de cette paysannerie, composée pour l'essentiel des paysans "moyens", disposait des moyens nécessaires pour s'adapter à cette nouvelle conjoncture agraire et put ainsi modifier ses systèmes de production en développant de nouvelles activités. Quant à la petite paysannerie, elle ne put échapper à la paupérisation et à la prolétarisation : face à la réduction des opportunités de travail et à la crise du système de culture de défrichebrûlis, elle n'avait d'autre alternative que de consacrer une part de plus en plus importante de son temps à des activités non agricoles, dont la cueillette du cœur de palmier est l'exemple type. À partir des années 60, cette situation fut considérablement aggravée par les interventions successives des pouvoirs publics. La mise en place d'un ambitieux programme de développement des activités forestières et la réglementation de la cueillette du cœur de palmier suscitèrent l'installation de nombreux latifundias dans la région et un intense mouvement de concentration foncière. C'est d'ailleurs la présence des premiers latifundias qui est à l'origine de la construction de pistes et de routes asphaltées et du consécutif désenclavement de la région. Très rapidement, ces grands exploitants accaparèrent de vastes terres et par voie de conséquence les boisements naturels en palmier qui s'y trouvaient. Ils firent de même pour de multiples possessions foncières localisées dans les montagnes et sur les vallées alluviales secondaires, aggravant de la sorte l'exclusion socioéconomique dont souffrait la petite paysannerie. Outre la concentration foncière, l'arrivée des néolatifundias déclencha un processus de dégradation des écosystèmes naturels à un niveau jamais atteint jusqu'alors sur le littoral nord paranéen : les boisements naturels de palmiers furent rapidement surexploités et de vastes étendues forestières furent défrichées pour être transformées en pâturages. Cette anthropisation définitive eut des impacts environnementaux, directs et indirects, considérables, comme l'accélération de l'érosion des berges des fleuves et la contamination des cours d'eau par les élevage de buffles. C'est justement pour inverser ce processus de dégradation des écosystèmes forestiers dû à l'expansion des activités des néolatifundiaires que les pouvoirs publics élaborèrent et mirent en œuvre une politique de protection de l'environnement. Ainsi, la petite paysannerie locale se retrouva prise au piège d'une profonde inégalité d'accès aux ressources forestières et d'une politique environnementale qui ne sut faire la différence entre les modes d'exploitation mis en œuvre par les différentes catégories sociales présentes dans la région, pourtant bien inégalement responsables de la dégradation des milieux. L'analyse de la situation agraire du début des années 90 permet de synthétiser ainsi ces différentes catégories sociales. La petite paysannerie est de plus en plus fragilisée : pour les deux tiers, elle doit sa survie à la cueillette et à la transformation clandestines du palmier, une situation d'autant plus précaire que l'épuisement de la ressource va s'intensifiant et que l'application de la politique environnementale présente un indéniable caractère répressif. Les paysans "moyens" sont quant à eux davantage privilégiés par ce nouveau contexte agraire, dans la mesure où ils ont pu diversifier leurs activités en développant des activités économiques peu affectées par la politique environnementale, comme la culture de la banane et la transformation artisanale du manioc. Il est vrai que si leurs activités agricoles, fondées pour l'essentiel sur des systèmes de culture de défriche-brûlis avec des recrûs le plus souvent arborés, ont été incontestablement frappées par cette législation, la cueillette et la transformation du cœur de palmier ne contribuent que faiblement à leurs revenus. Les agriculteurs patronaux, certes encore peu nombreux, connaissent une franche expansion, et cela bien que leur système de production fondé sur la motomécanisation et sur l'utilisation intensive d'engrais et de produits phytosanitaires soit en contradiction avec la législation environnementale. Un paradoxe qui s'explique essentiellement par les graves dysfonctionnements des organismes publics chargés de l'application de la politique de protection de l'environnement, mais également par les considérables retombées économiques et sociales de ces activités. Enfin, à l'instar de la paysannerie, les néolatifundias ont été fortement touchés par la politique environnementale mise en œuvre sur le littoral nord paranéen. L'exploitation des ressources forestières de leurs exploitations, à l'exception du cœur de palmier, leur est désormais interdite. Dans ces conditions, ils ne peuvent plus développer leurs activités d'élevages, ce qui explique pourquoi la moitié de ces exploitations sont aujourd'hui en déclin. Mais en dépit de leurs faibles perspectives de développement, leur emprise foncière demeure forte et ne devrait pas diminuer à court et moyen terme. En effet, leur maintien dans la région s'explique par les perspectives d'une valorisation du foncier dans le cadre notamment d'une hypothétique modification de la politique environnementale, que les dispositifs environnementaux s'assouplissent ou au contraire qu'ils se renforcent avec la création d'un parc national. Cette reconstitution de la formation et de l'évolution des systèmes agraires nous a aidé à mieux comprendre la situation agraire actuelle sur le littoral nord du Paraná et nous permet de revenir sur certains points essentiels soulevés tout au long de ce travail. En ce qui concerne la politique environnementale en vigueur dans la région, nous avons voulu mettre en évidence qu'elle émanait d'une multitude de dispositifs législatifs, nationaux ou propres à l'État du Paraná, fondés sur une approche "réglementaire" de la protection de la nature qui accorde à la législation, et par conséquent à l'autorité publique, une place prépondérante dans la gestion de l'environnement au détriment de la participation des communautés locales. On comprend dès lors mieux la conception de la protection de l'environnement qui a guidé les pouvoirs publics brésiliens dans l'élaboration et l'application de la politique environnementale dans cette région. Dans ce sens, certains aspects de cette politique environnementale nous semblent exemplaires à plusieurs titres. Tout d'abord, nous avons pu constater l'impossibilité de l'application d'une telle conception de la protection de l'environnement, dans une conjoncture où les pouvoirs publics s'avèrent incapables de faire respecter l'ensemble des dispositifs prévus dans la réglementation en vigueur. Ensuite, cette politique environnementale souffre cruellement d'un manque de légitimité en raison de l'absence de concertation avec les acteurs sociaux et de la méconnaissance de la réalité socio-économique de la région dont elle fait preuve. Et le vaste arsenal de réglementations et de lois dont est issue cette politique et la multiplicité des organismes impliqués dans son élaboration et sa mise en application en font une politique figée et difficilement applicable. Enfin, force est de constater que le succès de toute politique environnementale sur le littoral nord du Paraná dépendra avant tout de l'intégration socio-économique de la paysannerie locale. En effet, l'adhésion d'une paysannerie incapable de survenir à ses besoins les plus fondamentaux, à toute politique environnementale quelle qu'elle soit nous semble illusoire. Nous avons également tenté de montrer d'une part que les conditions de la mise en place d'un projet de développement agricole qui satisfasse aux impératifs de la protection de l'environnement et à ceux de l'amélioration des conditions de vie de la paysannerie locale sont aujourd'hui réunies, et d'autre part qu'un tel projet présente un caractère urgent. En effet, l'étude de situation agraire de la région nous pousse à croire que la poursuite du processus d'exclusion socio-économique de vastes segments de cette paysannerie s'accentuera dans les années à venir si aucune mesure n'est prise. 40% des exploitations paysannes se situent déjà en dessous du seuil de reproduction et dans les années à venir, ce nombre augmentera encore en raison de l'épuisement des ressources en cœur de palmier et du renforcement de la politique de protection de l'environnement. En outre, ce phénomène contribuera à intensifier l'exode vers les communautés estuariennes et entraînera une augmentation du nombre de pêcheurs artisans et donc de l'effort de pêche sur les ressources estuariennes. Une situation qui accentuera à son tour davantage encore la crise de la pêche artisanale dans la région. Nous avons voulu montrer que la paysannerie du littoral nord du Paraná dispose d'importants atouts en faveur de la mise en œuvre d'un projet de développement agricole. En effet, le mode d'exploitation de la nature mis en œuvre par la paysannerie locale n'est pas en soi un facteur de déstructuration et de dégradation des écosystèmes naturels et qu'il n'est par conséquent pas en contradiction avec les objectifs de la politique de protection de l'environnement en vigueur dans la région. En outre, certaines activités agricoles et artisanales développées par cette paysannerie, comme la culture de la banane et la transformation artisanale de produits locaux, jouissent d'un important potentiel de développement. Quoi qu'il en soit, toute proposition de développement agricole devra compter sur une importante intervention des pouvoirs publics. Des changements dans la politique environnementale en vigueur s'avèrent indispensables pour garantir la mise en place d'instances de délibération entre les organismes publics et les populations locales et pour reconsidérer les conditions d'exploitation des ressources naturelles. Tout projet de développement agricole devra également s'intéresser à la question fondamentale de la concentration foncière dans la région. La récupération par l'État des terres des propriétaires des néolatifundias et leur redistribution à la paysannerie permettra d'augmenter les surfaces agricoles des exploitations paysannes et de créer une "réserve extractiviste" de palmier Euterpe edulis dans la sous-région des montagnes. Cette redistribution de terres ne sera cependant pas suffisante et devra s'accompagner d'une politique de financement d'équipements et de crédit de campagne réellement accessible à l'ensemble de la paysannerie locale, incapable dans les conditions actuelles de dégager une marge d'accumulation suffisante. Le développement de structures associatives en vue de l'utilisation en commun d'équipements agricoles, de transport et de transformation de la production agricole et forestière est lui aussi une condition préalable. Et ce renforcement des structures associatives doit permettre une meilleure représentation des intérêts de la paysannerie auprès des pouvoirs publics. Les rares structures de ce type existant dans certaines localités ont démontré leur viabilité et les résultats en sont déjà encourageants. Il nous semble important de souligner les difficultés que nous avons rencontrées tout au long de notre travail de terrain. Si elles n'ont certes pas représenté des obstacles infranchissables quant à la réalisation des objectifs que nous étions fixés, elles nous ont néanmoins privé de précieuses informations indispensables à l'approfondissement de certains aspects étudiés. Ainsi, l'hostilité des propriétaires ou des responsables des néolatifundias, voire leur refus de répondre aux enquêtes, a sans aucun doute gêné la reconstitution de l'histoire agraire et de la situation actuelle de ces exploitations. Il en a été de même pour la recherche d'informations sur les activités de la petite paysannerie considérées illégales au regard de la politique environnementale. Fort heureusement, la comparaison systématique des informations recueillies et des séjours prolongés ont cependant permis d'établir un climat de confiance et de surmonter ainsi cet obstacle. Enfin, les organismes chargés de la politique de protection de l'environnement et de son application se sont montrés extrêmement réticents à nous ouvrir certaines archives concernant en particulier la gestion des ressources naturelles et les opérations de contrôle. Et lorsque nous avons pu y avoir accès, les informations se sont souvent révélées peu fiables et en contradiction avec la réalité de terrain. Pour finir, au fur et à mesure du déroulement de cette étude, nous avons pu identifier certaines pistes de recherche. La première concerne l'élargissement de l'étude de l'évolution et de la différenciation des systèmes agraires à l'ensemble du littoral paranéen. En effet, des enquêtes exploratoires réalisées dans les régions centre et sud de ce littoral ont mis en évidence une problématique agraire similaire à celle rencontrée sur la région nord. Mais, et c'est là un point important, elles ont montré en outre que le début de l'évolution et de la différenciation des systèmes agraires remonte dans ces régions à une époque bien antérieure. Dans ces conditions, l'étude de ces régions devrait constituer un outil de prospection essentiel pour mieux appréhender les tendances de l'évolution de certains systèmes de production rencontrés sur le littoral nord. La réalisation d'une étude approfondie des systèmes de culture de défrichebrûlis mis en œuvre par la paysannerie du littoral nord paranéen nous semble elle aussi nécessaire, en particulier en ce qui concerne leur impact sur l'environnement et les différentes successions végétales qui caractérisent la période de recrû. Enfin, le système de culture récemment mis en œuvre par certains paysans sur de petites parcelles et fondé sur la culture de la banane associée au palmier Euterpe edulis devra faire l'objet d'une recherche spécifique. BIBLIOGRAPHIE I. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES ACARPA (1982) - Região de Paranaguá : Diagnóstico Regional. ACARPA - Escritório Regional de Paranaguá, Paranaguá, 69p. (polycopié) ALVAR, J. & ALVAR, J. (1979) - Guaraqueçaba Mar e Mato. Universidade Federal do Paraná, Curitiba, 2 vol., 207p. et croquis. AUBERTIN, C. (1995) - Les "Réserves Extractivistes": un nouveau modèle pour l'Amazonie?, in Natures Sciences Sociétés, vol.3, n°2, Paris, pp.102-115. 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(1984) - Conservation farming for small farmers in the humid tropics, Department of Agriculture, Sri-Lanka and the Commonwealth Consultative Group on Agriculture for the Asia-Pacific Region, 39p. III. CARTES et PHOTOS AERIENNES Comissão da Carta Geológica do Paraná (1969) - Mapa geológico - folha Guaraqueçaba, Curitiba, escala 1:70.000. Comissão da Carta Geológica do Paraná (1970) - Mapa geológico - folha Antonina, Curitiba, escala 1:70.000. CPRM (1977) - Mapa geológico, Projeto Leste do Paraná - folha Guaraqueçaba, Curitiba, escala 1:100.000. EMBRAPA/IAPAR/SUDESUL/ITCF (1977) - Levantamento dos solos do litoral do Estado do Paraná, escala 1:300.000. IBGE (1983) - Carta de Curitiba, folha MIR 514/ MIR 515, escala 1:250.000. IPARDES (1990) - Zoneamento do litoral paranaense, escala 1:250.000. ITCF (1953) - Fotos aéreas, escala 1:25.000. ITCF (1980) - Fotos aéreas, escala 1:25.000. Ministério do Exército (1971) - Guaraqueçaba, Paraná, folha SG.22.X.D.III, escala 1:100.000. 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ARTICLES PARUS DANS LA PRESSE (JOURNAUX ET MAGASINS) 1973 : • "Guaraqueçaba, a terra onde a promissão custa a chegar", in Diário da Tarde (22/01/73). 1974 : • "Guaraqueçaba, onde o povo vive de esperanças", in Diário do Paraná (06/10/74). 1975 : • "Veja como a pequena Guaraqueçaba sobrevive com o menor orçamento do Estado", in Panorama (31/08/75). 1981 : • "Companhia Agropastoril só traz benefícios para Guaraqueçaba", in Estado do Paraná (12/08/81). • "Guaraqueçaba com central DDS e outras melhorias do Governo", in Diário do Paraná (06/12/81). 1982 : • "Guaraqueçaba vai ganhar a primeira estação ecológica", in Diário do Paraná (19/05/82). • "Repercute no Paraná criação da Reserva de Guaraqueçaba", in Gazeta do Povo (01/06/82). 1983 : • "Polícia põe fim a trabalho escravo" et "A cidade morre sob as patas de muitos búfalos", in O Estado de São Paulo (11/10/83). • "Governo ignorava ação de grupo no PR", in O Estado de São Paulo (12/10/83). • "Os jagunços da Capela atacam em Curitiba", in Jornal da Tarde (12/10/83). • "E o governo começa a agir contra Capela", in Jornal da Tarde (13/10/83). • "Primeiras medidas oficiais contra a Capela", in Jornal da Tarde (14/10/83). • "Capela : mais rigor na fiscalização", in Jornal da Tarde (15/10/83). • "Novas ações policiais contra a Capela", in Jornal da Tarde (19/10/83). • "Embargado outro desmatamento irregular da Capela no Paraná", in O Estado de São Paulo (19/10/83). • "Capela : "Fim da impunidade", in Jornal da Tarde (21/10/83). • "Tensão e medo no paraíso", in Jornal da Tarde (24/10/83). • "Capela não aceita pagar multa imposta pelo ITC", in O Estado de São Paulo (25/10/83). • "A Capela, interferindo nas investigações?", in Jornal da Tarde (25/10/83). • "O golpe do reflorestamento nas terras do Paraná", in Jornal da Tarde (15/12/83). • "O escândalo do palmito", in O Estado de São Paulo (21/12/83). • "Desvio em reflorestamento é maior", in O Estado de São Paulo (22/12/83). • "Reflorestamento : o IBDF acusa as vítimas" et "As denúncias desse reflorestador contra os métodos do IBDF", in Jornal da Tarde (23/12/83). • "IBDF admite desvio em reflorestamento", in O Estado de São Paulo (23/12/83). • "Reflorestamento : investidores estão unindo-se contra maus empresários", in Jornal da Tarde (24/12/83). • "Reflorestamento", in O Estado de São Paulo (24/12/83). • "Empresário faz denúncia de corrupção no IBDF", in O Estado de São Paulo (28/12/83). • "Policia apurará caso do palmito", in O Estado de São Paulo (30/12/83). 1984 : • "O fim da serra do Mar parece próximo", in O Estado de São Paulo (14/01/84). • "A rede clandestina dos palmitos", in O Estado de São Paulo (15/01/84). • "Dia mundial do meio ambiente - Comemorar o quê?", in Jornal da Tarde (05/06/84). • "Não há o que comemorar no dia do meio ambiente", in O Estado do Paraná (05/06/84). • "Rodovia na Serra do Mar? Isto é crime, protesta deputado", in Jornal da Tarde (06/06/84). • "Os madereiros pressionam. Mas não haverá estrada nessa região", in Jornal da Tarde (09/06/84). • "Estrada, ameaça no litoral sul", in O Estado de São Paulo (31/07/84). • "Pela proteção do nosso litoral", in Jornal da Tarde (02/08/84). • "Convênio para litoral deve sair em setembro", in Jornal da Tarde (24/08/84). • "Nosso paraíso litorâneo está salvo", in Jornal da Tarde (29/09/84). • "Ecologistas denunciam omissão no Paraná", in O Estado de São Paulo (20/12/84). • "Jagunços aterrorizam colonos", in O Estado do Paraná (28/12/84). • "Batuva : agricultores em pânico", in Correio de Notícias (28/12/84). 1985 : • "Um grito pela vida", in Caderno de programas e leituras - Jornal da Tarde (12/01/85). • "Tancredo vai salvar este paraiso?", in Jornal da Tarde (18/01/85). • "Montoro e Richa assinam na 5° feira convênio para litoral", in O Estado de São Paulo (22/01/85). • "Sr. Governador, eis o que os homens do litoral querem", in Jornal da Tarde (23/01/85). • "Hoje, o convênio para salvar o litoral", in O Estado de São Paulo (24/01/85). • "A festa pelo nosso litoral", in Jornal da Tarde (25/01/85). • "Areas no litoral recebem proteção", in O Estado de São Paulo (31/01/85). • "Em defesa do litoral"; "O Convênio"; "O homem e a natureza em perspectiva" et "Fortalecimento social & preservação", in São Paulo Interior - Revista da Secretaria de Estado dos Negócios do Interior de São Paulo n°2 (février/1985). • "Sob a proteção da lei. Isso basta?", in Jornal da Tarde (23/02/85). • "Area de Iguape ainda preocupa", in O Estado de São Paulo (17/04/85). • "Um balanço de Iguape-Paranaguá", in Jornal da Tarde (17/04/85). • "Ação sem fronteiras" et "Preservando a Serra", in São Paulo Interior - Revista da Secretaria de Estado dos Negócios do Interior de São Paulo n°6/7 (juin-juillet/1985). • "Proteção (agora oficial) para nosso estuário", in Jornal da Tarde (20/06/85). • "A última reserva" et "Estuário começa a ser preservado", in Correio de Notícias (21/06/85). • "Aqui acabou a pilhagem da natureza", in Jornal da Tarde (21/06/85). • "Silêncio. Vamos entrar no santuário de Guaraqueçaba", in Jornal da Tarde (02/07/85). • "O "progresso" chegou a Batuva. Com dias de medo e de morte", in Jornal da Tarde (30/09/85). • "Batuva : armas de jagunços apreendidas", in Jornal da Tarde (01/10/85). • "Visita ao centro de um santuário ameaçado", in Jornal da Tarde (07/10/85). • "O grande ataque ao verde de Cananéia" et "Guaraqueçaba tem 220 mil hectares de área. O INCRA registra 378 mil" in Jornal da Tarde (08/10/85). • "O dificil trabalho da polícia florestal", in O Estado de São Paulo (09/10/85). • "Grileiros em ação no Ribeira" et "Medo e indignação em Superagüi", in Jornal da Tarde (10/10/85). • "Vivendo e sofrendo no litoral", in Jornal da Tarde (15/10/85). • "Devastação no santuário ecológico", in Jornal da Tarde (16/10/85). • "Sarney, Montoro, Richa, o que vocês estão esperando?", in O Estado de São Paulo (16/10/85). • "Visita às terras de dois devastadores", in Jornal da Tarde (17/10/85). • "Os planos do Paraná para o seu litoral", in Jornal da Tarde (27/10/85). 1986 : • "Atrás do relógio", in São Paulo Interior - Revista da Secretaria de Estado dos Negócios do Interior de São Paulo n°4 (avril/1986). • "Serra do Mar : mais 562 mil hectares tombados", in Jornal da Tarde (06/06/86). • "Doze quilômetros de estrada. Que comprometem nosso litoral", in Jornal da Tarde (17/06/86). • "São Paulo vai denunciar ao Ministro - Por esta estrada a destruição pode chegar ao litoral", in O Estado de São Paulo (18/06/86). • "Paraná : polêmica na BR-101", in Jornal da Tarde (18/10/86). • "Cz$ 3,5 milhões para proteger Guaraqueçaba", in Jornal da Tarde (19/12/86). 1991 : • "Guaraqueçaba - entre a terra e o mar, a fonte da vida", in Manchete (13/04/91). • "Proibição do corte de árvores em xeque", in Gazeta Mercantil (28/09/91). 1993 : • "Palmito dá mais lucro sem destruir" supplément "O futuro da Mata Atlântica", in Gazeta Mercantil (28/01/93). 1994 : • "A força do imposto verde", in Veja (16/03/94). 1995 : • "Piratas" do palmito devastam Litoral", in Gazeta do Povo (14/04/95). ANNEXES ANNEXE 1 Calendrier des travaux des principales cultures e au début du XX siècle sur le littoral nord du Paraná récolte sarclage sarclage semis Riz Pluvial : (cycle d'environ 5 mois) - rendement : Déc Nov Oct Sept. Juil Août Mai Avr Juin Fév Mar Janv défrichement réc. récolte sarclage sarclage Maïs : -semis précoce (parcelles semis semis precoce normal inondées par les crues d'été) ou semis normal Nov Oct Déc - rendement : 1,0 à 2,0 tonnes/ ha cultivé Sept. Juil Août Juin Mai défrichement Avr Mar Fév inondation par les crues d'été Janv 0,8 à 1,3 tonnes/ ha cultivé 2 e sarclage 1e sarclage Haricot Noir : récolte semis récol Déc Nov Oct Sept. Juil Août Juin Mai Avr Mar Fév Janv 1e saison culturale - rendement : 0,4 à 0,8 tonnes/ ha cultivé préparation du sol 2e sarclage 1 e sarclage Haricot noir : récolte semis 2e saison culturale - rendement : Déc Nov Oct Sept. Juil Août Juin Mai 0,3 à 0,6 tonnes/ ha cultivé Avr Mar Fév Janv prép. du sol récolte et transformation en farine de manioc 1 ère 2 e sarclage sarclage Manioc "amer" et "doux" 1e 3 e sarclage (cycle de 1 à 3 ans) sarclage - rendement : 30 à 45 tonnes/ ha cultivé Déc Nov Oct Sept. Juil Août Juin Mai Avr Mar Fév Janv prép. sol et plantation récolte Culture de la Banane - rendement : plantation des rejets 3,0 à 6,0 tonnes/ ha cultivé Déc Nov Oct Sept Août Juil Juin Mai Avr Mar Fév Janv défrichement Source : Enquêtes de terrain, 1991 et 1992. ANNEXE 2 Les principaux dispositifs de la législation brésilienne en matière environnementale DATE 1934 23/01/34 TYPE Code Code 30/12/37 (a) Décret-loi 1962 Décret-loi 10/09/62 Loi 31/11/64 Loi 03/01/67 Loi 15/02/67 Décret-loi 28/02/67 1973 Décret-loi Décret 20/12/77 Loi 21/09/79 Décret 27/04/81 Loi 31/08/81 Loi 01/06/83 Décret 31/01/84 Décret 1988 (a) Loi 22/02/89 Loi 10/07/89 31/01/90 Loi Décret 12/04/90 Loi INTITULE OBJET Code des eaux Code forestier : aires de Création des Parcs Nationaux préservation permanente Protection des monuments historiques, artistiques et naturels Création Surintendance de Développement de la Pêche (SUDEPE) Expropriation pour l'intérêt social Protection des cours d'eau Création des Réserves Forestières Statut de la terre : expropriation Création d'aires de protection de la pour l'intérêt social faune et de la flore Protection de la faune Interdiction de la chasse, Réserve Biologique, Parc de chasse Création de l'Institut Brésilien de Gestion des ressources forestières et Développement Forestier (IBDF) des aires de protection forestière Usage de la flore et de la faune Secrétariat Spécial de l'Environnement (SEMA) Aires d'Intérêt Touristique Création de nouveaux espaces de protection de l'environnement Réglementation des Parcs Nationaux Station Écologique et Zones Création de nouveaux espaces de d'Environnement Protégées protection del'environnement Système National de l'Environnement et Conseil National de l'Environnement (CONAMA) Réglementation des Stations Écologiques et des Zones d'Environnement Protégées Réglementation des Réserves Biologiques et des Aires d'Intérêt Écologique Déclaration de Patrimoine Naturel Serra do Mar, forêt atlantique, forêt National et des Biens de l'Union amazonienne, Pantanal, région côtière et zones humides Création de l'Institut Brésilien de l'Environnement et des Ressources Naturelles (IBAMA) Fond National pour l'Environnement Réserves particulières du Création de nouveaux espaces de patrimoine naturel protection de l'environnement Secrétariat d'État de l'Environnement (SEMA) Sources : D'après M.A.B., p. 11, MARES de SOUZA F°, pp. 9-78 et SEDU, pp. 9-242. ANNEXE 3 Les principales limitations d'usage des ressources naturelles au littoral nord du Paraná et les dispositifs législatifs correspondants Limitations d'usage des ressources naturelles Dispositifs légaux • Interdiction totale de la chasse (même destinée à -Loi Fédérale n°5197 (03/01/67) -Port. IBDF n°267 de 1988 l'autoconsommation). • Interdiction de défricher les versants des montagnes avec une déclivité supérieure à 25% ou ayant un cota supérieur à 20 mètres par rapport au niveau de la mer. • Interdiction de défricher les versants des montagnes couverts par une végétation arborée naturelle ou par des recrûs d'une âge supérieure à environ 5 années. • Interdiction de défricher les plaines littorales et les fonds des vallées couverts par une végétation arborée ou par des recrûs d'une âge supérieure à environ 8 années. • Interdiction de défricher les rives des cours d'eau et les bordures des estuaires et baies. • Renforcement de l'interdiction de la cueillette, commercialisation et transformation du coeur de palmier récolté sur les terres considérées comme étant "vacantes et sans maître" ou d'origine inconnue (c'est-à-dire des peuplements naturels de palmier non régularisées auprès des organismes de protection de l'environnement et des ressources naturelles). • Interdiction de l'exploitation des produits forestiers (sauf pour certains produits destinées à l'autoconsommation et pour certaines activités artisanales). • Renforcement de l'interdiction de la mise en conserve artisanale du cœur de palmier et de sa commercialisation. • Demande d'autorisation préalable obligatoire pour l'exploitation des ressources forestiers ainsi que pour toute opération de défrichement aussi bien à des fins agricoles ou non. Sources : SEDU (1990) et Marés de Souza filho (1993). -Loi Fédérale n°7803 (18/07/89) -Loi Fédérale n°4771 (15/09/65) -Décret Paraná n°5048 (11/05/89) -Loi Fédérale n°4771 (15/09/65) -Décret Fédéral n°750 (10/02/93) -Décret Fédéral n°750 (10/02/93) -Loi Fédérale n°7803 (18/07/89) -Port. IBDF n°269 de 1981 -Port. IBDF n°039 de 1988 -Port. IBDF n°267 de 1988 -Port. IBDF n°218 de 1989 -Port. IBDF n°439 de 1989 -Port. IBAMA n°038 de 1989 -Port. IBDF n°300 de 1983 -Port. IBAMA n°039 de 1989 -Port. IBAMA n°027 de 1992 A NNEXE 4 Ca le ndr ie r de s t r av aux des pr inci pal es ac t i vi t é s a gr ic ole s au lit t or a l nor d du Pa r aná r éc olt e sa rc la g e s arc la g e Ri z p l uv ia l : c yc le 5 m o is sem is ré co lt e r éc ol t e sar cl ag e sa rclag e se mi s Ma ïs : - sem is pr éc o ce ( plai ne s d ' ép a nd a ge d e c ru e s) - sem is no r ma l ( t er ra sse s a ll uv ia le s e t v e rsa nt s d e m o nt ag n e s) D éc No v Oc t Sep t Ao û t Ju il Ju i n d é frich e me nt Mai A vr Ma r Fév se m is n o rm al p re co ce Pé ri od e d e c ru es Jan v Dé c No v Oct Se pt A o ût Jui l Ju in Ma i Av r Mar Fé v Ja nv d é fri ch e me nt 2 e sar cl ag e 1 e sa rc la ge ré co lt e ré co l se mi s Dé c Nov Oct Se p t Ao û t Ju il Ju in Ma i A vr Ma r Fév Jan v Har ic ot n o ir : 1 e sai so n c ul t ur al e dé f ric he m en t o u p ré p ar at io n d u so l 2e s arc la g e 1e sar clag e r éc olt e Dé c N ov Ao û t Jui l Ju in Ma i Av r Mar Fé v Ja n v Oct Ha ric o t no ir : 2 e sai so n cu lt u ral e Se p t se m is dé fr ic . ou p ré p . du so l ré co lt e et t r an sfo rm a tio n e n far in e de m an io c 4e sa rc la ge 1e sar cl ag e 4e sa rc la ge e 1e s arc la g e e 2 sar cl ag e 3 sar cl ag e Man i oc " d ou x" : cy cl e de 1 ,5 à 3 a ns Dé c Nov Oct Sep t Ao û t Ju il Ju in Ma i A vr Ma r Fév Jan v p la nt a ti o n Source : E nquêtes de terrain 1989, 1991 et 1992. suite de l'annexe 4 récolte récolte (saison chaude) récolte (saison froide) (saison chaude) 3 e période de 2 e période de contrôle adventices 1 e période de contrôle adventices contrôle adventices Culture permanente de la Banane : plantation des rejets plaines d'épandage de crues Période de Déc Oct Nov Sept. Août Juil Juin Mai défrichement Avr Mar Janv Fév crues récolte entretien (contrôle des herbacées et repousse souches) Culture de la Banane : avec le système de défriche- plantation des rejets brûlis (versants de montagnes) Déc Nov Oct Sept Août Juil Juin Mai Avr Mar Fév Janv défrichement récolte Culture du taro Déc Nov Oct Sept Août Juil Juin Mai Avr Mar Fév récolte sarclage/ herbicides sarclage/herbicides plantation préparation Culture du gingembre Déc Nov Oct Sept Août Juil Juin Mai Avr Mar Fév parcelle Janv Janv semis Source : Enquêtes de terrain 1989, 1991 et 1992. suite de l'annexe 4 réc. récolte récolte semis e e Déc Nov Oct Sept. Août Juil Juin Mai 1 saison Avr Mar Fév 2 saison Janv Culture du concombre semis récolte Culture de la laitue Nov Déc Oct Sept. Août Juil Juin Avr Mai Mar Fév Janv semis récolte Culture du poivron / tomate Déc Nov Oct Sept. Août Juil Juin Mai Avr Mar Fév Janv semis récolte Culture courgette Déc Nov Oct Sept. Août Juil Juin Mai Avr Mar Fév Janv semis Source : Enquêtes de terrain 1989, 1991 et 1992. suite de l'annexe 4 récolte réc. Culture aubergine Déc Nov Oct Sept. Août Juil Juin Avr Mai Mar Fév Janv semis récolte Culture du haricot vert Déc Nov Oct Sept. Août Juil Juin Mai Avr Mar Fév Janv semis récolte Culture du chayotte (bisannuelle) Déc Nov Oct Sept. Août Juil Juin Mai Avr Mar Fév Janv plantation récolte Culture du fruit de la passion (bisannuelle) Déc Nov Oct Sept. Août Juil Juin Mai Avr Mar Fév Janv plantation Source : Enquêtes de terrain 1989, 1991 et 1992. ANNEXE 5 Travaux agricoles et surface maximale cultivable des principales activités agricoles au littoral nord du Paraná Culture du riz pluvial : Travaux agricoles (journées de travail/ hectare) Système de défriche-brûlis (recrû 3 à 6 ans) -défrichement manuel : 6 à 12 -semis : 4 à 7 -sarclage manuel : 7 à 18 ou -sarclage manuel + herbicide : 4 -récolte : 8 à 20 Système de défriche-brûlis -défrichement manuel : 12 à 15 ou (recrû 10 ans) -défrichement manuel + tronçonneuse : 8 -semis : 5 à 7 -sarclage manuel : 3 -récolte : 18 à 25 En succession (préparation -préparation sol : 4 -semis : 4 à 5 du sol avec motoculteur) -sarclage manuel : 10 à 12 ou -sarclage manuel + herbicide : 4 -récolte : 20 à 24 Source : Enquêtes de terrain 1989, 1991 et 1992. Surface maximale cultivable/ actif (hectares/ actif) 3,0 à 4,5 2,5 à 3,5 2,5 Culture du maïs : Travaux agricoles (journées de travail/ hectare) Système de défriche-brûlis (recrû 3 à 6 ans) -défrichement manuel : 9 à 12 -semis : 2 à 3 -sarclage manuel : 5 à 8 -récolte : 3 à 5 Système de défriche-brûlis -défrichement manuel + tronçonneuse : 6 à 8 -semis : 2 (recrû 10 ans) -sarclage manuel : 3 -récolte : 4 à 6 En succession (préparation -préparation sol : 4 -semis : 2 du sol avec motoculteur) -sarclage manuel : 10 à 12 -récolte : 4 à 6 Source : Enquêtes de terrain 1989, 1991 et 1992. Surface maximale cultivable/ actif (hectares/ actif) 6,0 à 10,0 9,0 6,0 Culture haricot noir (1e saison culturale) : Travaux agricoles (journées de travail/ hectare) Système de défriche-brûlis (recrû 3 à 6 ans) -défrichement manuel : 10 à 20 -semis : 3 -sarclage manuel : 14 à 28 -récolte : 15 à 20 En succession (préparation -préparation sol : 20 à 30 -semis : 3 du sol manuelle) -sarclage manuel : 25 à 40 -récolte : 14 à 20 En succession (préparation -préparation sol : 4 -semis : 3 du sol avec motoculteur) -sarclage manuel : 15 à 30 -récolte : 20 à 24 Source : Enquêtes de terrain 1989, 1991 et 1992. Surface maximale cultivable/ actif (hectares/ actif) 1,5 à 2,0 2,0 2,0 Culture haricot noir (2e saison culturale) : Travaux agricoles (journées de travail/ hectare) Système de défriche-brûlis (recrû 3 à 6 ans) -défrichement manuel : 10 à 20 -semis : 3 -sarclage manuel : 14 à 28 -récolte : 15 à 20 En succession (préparation -préparation sol : 20 à 30 -semis : 3 du sol manuelle) -sarclage manuel : 20 à 35 -récolte : 10 à 15 Source : Enquêtes de terrain 1989, 1991 et 1992. Surface maximale cultivable/ actif (hectares/ actif) 1,5 1,5 Culture du manioc : Travaux agricoles (journées de travail/ hectare) Système de défriche-brûlis (recrû 3 à 6 ans) -défrichement manuel : 15 à 30 -plantation : 16 -sarclage manuel : 80 à 100 En succession (préparation -préparation sol : 20 à 25 -plantation : 16 du sol manuelle) -sarclage manuel : 90 à 110 En succession (préparation -préparation sol : 4 -plantation : 16 du sol avec motoculteur) -sarclage manuel : 70 à 80 Source : Enquêtes de terrain 1989, 1991 et 1992. Surface maximale cultivable/ actif (hectares/ actif) 2,0 à 2,5 2,0 3,0 Culture de la banane : Travaux agricoles (journées de travail/ hectare) Culture permanente (plaines d'épandage crues) -coupe rejets : 3 à 4 -nettoyage : 21 -replantation : 1 à 2 -récolte : 20 Système de défriche-brûlis -défrichement / replantation : 20 à 25 -nettoyage : 8 à 10 (recrû 8 à 10 ans) -récolte : 15 à 20 Source : Enquêtes de terrain 1989, 1991 et 1992. Surface maximale cultivable/ actif (hectares/ actif) 5,0 à 6,5 10,0 Culture du taro : Travaux agricoles (journées de travail/ hectare) En succession (préparation du sol motoculteur/ tracteur) -préparation sol : 10 -plantation : 25 -buttage : 20 -sarclage manuel : 15 -récolte/ conditionnement : 60 Source : Enquêtes de terrain 1989, 1991 et 1992. Surface maximale cultivable/ actif (hectares/ actif) 2,0 Culture du gingembre : Travaux agricoles (journées de travail/ hectare) En succession (préparation du sol motoculteur/ tracteur) -préparation sol : 15 -plantation : 15 -buttage : 20 -sarclage manuel : 35 -traitements phytosanitaires : 4 à 50 -récolte/ conditionnement : 380 Source : Enquêtes de terrain 1989, 1991 et 1992 et d'après informations fournis par ACARPA (1991). Surface maximale cultivable/ actif (hectares/ actif) 0,5 Culture du chayotte et du fruit de la passion : Travaux agricoles (journées de travail/ hectare) En succession (préparation du sol motoculteur/ tracteur) -préparation sol : 10 à 12 -plantation : 5 -sarclage manuel : 20 -tuteur : 20 à 25 -traitements phytosanitaires : 10 à 20 -récolte/ conditionnement : 50 à 60 Source : Enquêtes de terrain 1989, 1991 et 1992 et d'après informations fournis par ACARPA (1991). Surface maximale cultivable/ actif (hectares/ actif) 1,5 Cultures maraîchères : Travaux agricoles (journées de travail/ hectare) Concombre (préparation du sol motoculteur/ tracteur) -préparation sol : 8 -plantation/ semis : 6 -sarclage manuel : 20 -tuteur : 20 -traitements phytosanitaires : 30 -récolte/ conditionnement : 60 -préparation sol : 20 Laitue (préparation du sol -plantation/ semis : 80 motoculteur/ tracteur) -sarclage manuel : 18 -traitements phytosanitaires : 25 -récolte/ conditionnement : 60 Poivron (préparation du sol -préparation sol : 7 -plantation/ semis : 30 motoculteur/ tracteur) -sarclage manuel : 10 -tuteur : 20 -traitements phytosanitaires : 30 -récolte/ conditionnement : 60 -préparation sol : 7 Courgette (préparation du -plantation/ semis : 6 sol motoculteur/ tracteur) -sarclage manuel : 20 -tuteur : 20 -traitements phytosanitaires : 30 -récolte/ conditionnement : 60 Aubergine (préparation du -préparation sol : 7 -plantation/ semis : 15 sol motoculteur/ tracteur) -sarclage manuel : 20 -tuteur : 15 -traitements phytosanitaires : 40 -récolte/ conditionnement : 50 Haricot vert (préparation du -préparation sol : 7 -plantation/ semis : 5 sol motoculteur/ tracteur) -sarclage manuel : 20 -tuteur : 20 -traitements phytosanitaires : 30 -récolte/ conditionnement : 200 Source : Enquêtes de terrain 1989, 1991 et 1992 et d'après informations fournis par ACARPA (1991). Surface maximale cultivable/ actif (hectares/ actif) 1,7 1,3 1,5 2,2 1,5 1,0 ANNEXE 6 Présentation des principaux systèmes de culture et d'élevage mis en œuvre sur le littoral nord du Paraná 1. Les systèmes de culture Tout au long de la recherche de terrain, nous avons pu constater une grande diversité de systèmes de culture dans l'ensemble de la région d'étude. En effet, nous avons observé un large éventail de systèmes de culture allant de l'utilisation exclusive du système de défriche-brûlis (avec des recrûs de plus d'une dizaine d'années) jusqu'à l'utilisation du travail du sol et des intrants extérieurs. Nous pouvons considérer que cette situation est due en grand partie à l'extrême diversité agroécologique qui caractérise les différentes unités du milieu naturel rencontrées dans le littoral nord du Paraná. Nous avons représenté les systèmes de culture d'après leur occurrence sur les différentes unités du milieu naturel qui caractérisent la région d'étude : 1.A. Les systèmes de culture des plaines d'épandage de crues Les plaines d'épandage de crues se localisent dans le lit majeur des fleuves et sont souvent soumises à des dépôts d'alluvions par inondation (les "águas do monte"). Ces inondations ont lieu pendant l'été, notamment pendant les mois de février à avril, et elles permettent à la plupart des plaines de recevoir périodiquement des quantités considérables de sédiments organiques et argileux ainsi que des matériaux solubles. Les sols sont classés comme étant peu évolués d'apport et les sols gris alluviaux et alluviaux brunifiés sont les plus courants dans ces plaines (d'après IAPAR - 1977). En outre, ces sols disposent d'un bon drainage naturel malgré la présence d'une nappe phréatique qui subit une importante variation saisonnière. Cependant, l'occurrence et la durée des crues d'été sont des facteurs limitant le développement des activités agricoles. Selon la durée des crues, nous avons caractérisé ces plaines en 2 catégories distinctes : -les plaines inondées par les crues de courte durée (en général inférieure à une journée) - normalement localisées plus en amont des vallées alluviales; outre la culture du maïs, la culture de la banane devient possible car les bananeraies sont relativement peu affectées par les inondations d'une aussi courte durée. -les plaines inondées par les crues de longue durée (plusieurs journées consécutives) - normalement localisées en aval des vallées alluviales et proches des baies et estuaires; les activités agricoles se limitent à la culture précoce du maïs et à l'implantation de pâturages; Nous avons pu identifier deux systèmes de culture distincts : I - Culture permanente de la banane : les plantations sont composées de cultivars du groupe cavendish (notamment du type "grande naine"); tous les travaux agricoles sont manuels; le contrôle des adventices se limite à l'entretien d'un tapis herbacé bas; la reproduction de la fertilité est assurée uniquement par les apports alluvionnaux; l'utilisation d'intrants externes est très réduite, voire le plus souvent inexistante. II - Culture du maïs (avec défriche-brûlis) suivie de l'abandon de recrû (plus de 3 ans) : un seul cycle de culture avec du maïs avant l'abandon de la parcelle au recrû; les travaux agricoles sont exclusivement manuels; la reproduction de la fertilité est assurée par des apports alluvionnaux et par l'accumulation de biomasse végétale pendant la période de recrû; aucun intrant externe n'est utilisé. Systèmes de culture Culture permanente de la banane Culture du maïs ∅ recrû + 3 ans Système de culture I II {Banane} {Maïs} ∅ {recrû + 3 ans} Consommations Intermédiaires moyennes (francs/ ha cultivé) 20 à 460 20 Rendements moyens (tonnes/hectare cultivé) 6 à 15 0,5 à 1,3 Équipement Outillage manuel Outillage manuel VAB/actif (francs) 10700 4400 Surface totale en rotation/ actif (hectares) 6 24 1.B. Les systèmes de culture des terrasses alluviales Les terrasses alluviales sont composées de plaines alluviales et de bourrelets de berge. Ces terrasses alluviales ne sont pas inondées par les crues d'été (ou très exceptionnellement). Les sols sont profonds et ils possèdent un bon drainage naturel. Ils sont classés comme étant peu évolués d'apport avec des sols alluviaux brunifiés parfois gris alluviaux. Nous avons retrouvé 5 systèmes de culture : I - Culture du manioc associée ou non au haricot (avec défriche-brûlis et préparation manuelle du sol), en succession culture du manioc associée ou non au haricot (préparation du sol manuelle ou à l'aide d'un motoculteur) suivie de l'abandon au recrû (2 à 4 ans) : reproduction de la fertilité uniquement par le développement du recrû herbacé; à part certaines préparations du sol à l'aide de motoculteur en succession, tous les travaux sont manuels (sarclage, récolte, etc.); aucune utilisation d'intrants d'origine externe. II - Culture du riz pluvial, du maïs ou haricot (avec défriche-brûlis), en succession culture du manioc associé ou non au haricot (préparation manuelle du sol) suivie de l'abandon au recrû (4 à 10 ans) : reproduction de la fertilité uniquement par le développement du recrû arbustif/arboré; tous les travaux sont manuels; les intrants d'origine externe se limitent parfois à l'utilisation d'herbicides pour la culture du riz pluvial. III - Culture du gingembre et en succession culture du taro ou de cultures maraîchères (2 à 3 cycles de cultures maraîchères) (préparation des parcelles avec motocultivateur/charrue) : reproduction de la fertilité par des engrais chimiques et organiques; importante utilisation de produits phytosanitaires (herbicides, fongicides, insecticides); un capital immobilisé très élevé, notamment en équipements agricoles. IV - Cultures maraîchères (de 1 à 3 cycles de culture avec préparation des parcelles avec motoculteur/charrue), en succession 1 à 2 cycles de culture avec du maïs, haricot, riz pluvial ou manioc (préparation des parcelles avec motoculteur/avec charrue ou manuelle) : reproduction de la fertilité par des engrais chimiques et organiques; seules les cultures maraîchères reçoivent des engrais chimiques et organiques ainsi que des produits phytosanitaires (herbicides, fongicides, insecticides). V - Culture en continue du chayotte et du fruit de la passion (préparation du sol à l'aide d'un motoculteur/charrue) : reproduction de la fertilité par des engrais chimiques et organiques; importante utilisation de produits phytosanitaires (herbicides, fongicides, insecticides); capital immobilisé très élevé (équipements agricoles et construction de la palissade). Système de culture I IV {Manioc ou manioc + haricot/ manioc ou manioc + haricot} ∅ {recrû 2 à 4 ans} {Riz ou maïs ou haricot/ manioc ou manioc + haricot} ∅ {recrû 4 à 10 ans} (Maraîchères/ maïs ou manioc ou riz pluvial} {Gingembre/ taro ou maraîchères} V {Chayotte ou fruit de la passion} II III Consommations Intermédiaires moyennes (francs/ ha cultivé) 50 à 120 Équipement Outillage manuel uniquement ou avec motoculteur Outillage manuel 20 à 70 10000 à 16400 (cult. maraîchères) (A) 50 à 200 (manioc/ cult annuelles) 24800 (gingembre) (B) 1700 (taro) (C) 9400 à 13400 (cult. maraîchères) 14000 à 16000 (D) Motoculteur uniquement ou avec tracteur Motoculteur + tracteur Motoculteur + tracteur + installations de palissage Remarques sur quelques consommations intermédiaires moyennes : (A) Cultures maraîchères - fumure volaille (10 à 15 tonnes/ha); engrais (1 à 2 tonnes/ha); calcaire (2 à 3 tonnes/ ha); produits phytosanitaires (20 à 30 litres/ha); caisses bois (1.000 à 2.000 cx./ha); tuteurs (0 à 5.000 unités/ha); diesel (150 à 250 litres/ha). (B) Gingembre - fumure volaille (15 tonnes/ha); engrais (4 à 5 tonnes/ha); calcaire (2 à 3 tonnes/ ha); racines (1,5 à 2,5 tonnes/ha); produits phytosanitaires (25 à 35 litres/ha); diesel (500 litres/ha). (C) Taro - racines (1.000 kg/ha); produits phytosanitaires (5 à 10 litres/ha); diesel (250 litres/ha). (D) Chayotte/ fruit de la passion - fumure volaille (10 à 15 tonnes/ha); engrais (2 tonnes/ha); calcaire (2 tonnes/ ha); produits phytosanitaires (10 à 20 litres/ha); diesel (250 à 350 litres/ha); caisses bois (2.000 à 3.000 cx./ha). Système de culture I II {Manioc ou manioc + haricot/ manioc ou manioc + haricot} ∅ {recrû 2 à 4 ans} {Riz ou maïs ou haricot/ manioc ou manioc + haricot} ∅ {recrû 4 à 10 ans} III (Maraîchères/ maïs ou manioc ou riz pluvial} IV {Gingembre/ taro ou maraîchères} V {Chayotte ∅ fruit de la passion} Rendements moyens (tonnes/ha cultivé) 22 (manioc) 0,3 à 0,9 (haricot) VAB/actif (francs/actif) 9000 Surface totale en rotation/ actif 8 17 à 22 (manioc) 0,4 à 1,2 (maïs) 0,3 à 1,1 (riz) 0,2 à 0,7 (haricot) 20 (manioc) 1,2 à 1,5 (maïs) 0,8 à 1,2 (riz) 15 à 25 (gingembre) 8 à 12 (taro) 22 à 34 (fruit de la passion) 35 à 65 (chayotte) 8300 16 13500 1,1 15600 0,7 21400 1,5 Commentaires : Nous avons pu identifier deux groupes distincts de systèmes de culture dans les terrasses alluviales : des systèmes de culture fondés sur le système de défrichebrûlis (les systèmes de culture identifiés en I et II) ainsi que ceux fondés sur un intense travail du sol et une importante utilisation d'intrants d'origine externe (les systèmes de culture identifiés en III, IV et V). La comparaison des performances des systèmes de culture de défriche-brûlis nous paraît mériter une analyse plus détaillée. Contrairement à ce que l'on pouvait attendre, le système de culture avec des recrûs de courte durée (moins de 4 ans) dégage une valeur ajoutée brute par actif très proche de celle obtenue avec des recrûs plus âgées (tout en disposant d'une surface agricole totale par actif d'environ la moitié). Ceci est dû au fait que la culture du manioc dégage une valeur ajoutée bien supérieure à celle produite par les cultures du maïs et du riz pluvial et cela, en dépit de conditions de culture moins favorables. En outre, ces systèmes de culture se caractérisent par l'absence d'utilisation d'intrant externes. Les consommations intermédiaires vont se limiter au coût des semences auquel s'ajoutent parfois des frais occasionnés par l'utilisation du motoculteur. 1.C. Les systèmes de culture des bas-fonds Les bas-fonds comprennent les dépressions marécageuses situées tout au long des fleuves, des rivières et de la plaine littorale. Les sols sont classés comme étant peu évolués d'apport (notamment avec des sols alluviaux hydromorphes) et podzolisés (avec des sols podzols hydromorphes). Ces sols ne sont jamais inondés par les crues d'été mais ils se caractérisent par un mauvais drainage naturel. Cette situation est due à la nappe phréatique qui demeure superficielle la plupart de l'année (à l'exception de quelques mois d'hiver notamment de juillet à septembre). Cette situation est due, dans les dépressions marécageuses, à l'existence de bourrelets sur les berges des fleuves et rivières qui retiennent l'eau des précipitations et de ruissellement. Les mauvaises conditions de drainage dans la plaine littorale sont dues à la proximité des baies et estuaires, l'influence des marées combinée aux faibles gradients topographiques entraînant une remontée périodique de la nappe phréatique. Nous y avons observé un seul système de culture : I - Culture du riz pluvial (avec le système de défriche-brûlis) suivie par l'abandon au recrû (3 à 10 ans) : un seul cycle de culture du riz pluvial avant l'abandon de la parcelle au recrû; les travaux agricoles sont exclusivement manuels; la reproduction de la fertilité est assurée par l'accumulation de biomasse végétale pendant la période de recrû; les intrants d'origine externe se limitent parfois à l'utilisation d'herbicides. Système culture I de {Riz pluvial} ∅ {recrû 3 à 10 ans} Consommations Intermédiaires moyennes (francs/ ha cultivé) 30 à 50 Équipement Rendements moyens (tonnes/ ha) VAB/actif (francs) Surface totale en rotation/ actif (ha) Outillage manuel parfois pulvérisateur manuel 0,3 à 1,2 2300 à 3200 13 à 27 Commentaire : Le système de culture du riz pluvial est le seul système de culture mis en oeuvre dans les bas-fonds. La culture du riz pluvial est possible car le semis du riz est réalisé grâce à l'abaissement de la nappe phréatique pendant la période hivernale. 1.D. Les systèmes de culture des versants des montagnes Selon leur situation et selon la déclivité des versants, nous avons pu classer les différents sols rencontrés en deux groupes. Les bas-versants des montagnes disposant d'une déclivité relativement faible, constituent des sols peu évolués d'apport (des sols colluviaux). Les autres parties des versants des montagnes ont des sols peu évolués d'érosion (avec de lithosols) ainsi que des sols ferrallitiques (avec des sols ferrallitiques) et hydromorphes (avec des sols pseudo gley). Nous avons observé 5 systèmes de culture : I - Culture de la banane (avec le système de défriche-brûlis) suivie de l'abandon au recrû (durée d'environ 8 ans) : la reproduction de la fertilité est assurée par le développement du recrû à partir de la 5 - 6ème année d'exploitation des bananeraies et, d'une manière secondaire, par des apports colluviaux; tous les travaux sont manuels; aucune utilisation d'intrants d'origine externe. II - Culture du manioc associée ou non au haricot (avec le système de défrichebrûlis parfois suivi d'une préparation manuelle du sol), en succession culture du manioc associée ou non au haricot (préparation du sol manuelle) suivie de l'abandon au recrû (3 à 6 ans) : la reproduction de la fertilité est assurée par le développement du recrû arbustif et d'une manière secondaire par des apports colluviaux; tous les travaux sont manuels; aucune utilisation d'intrants d'origine externe. III - Culture du riz pluvial, du maïs ou haricot (avec le système de défriche-brûlis), en succession culture du haricot (préparation du sol manuelle) suivie de l'abandon au recrû (3 à 10 ans) : la reproduction de la fertilité est assurée par le développement du recrû arbustif/ arboré et, d'une manière secondaire, par des apports colluviaux; tous les travaux sont manuels; aucune utilisation d'intrants d'origine externe. IV - Culture du riz pluvial ou du maïs (avec le système de défriche-brûlis), en succession culture du manioc associé ou non au haricot (préparation du sol manuelle) suivie de l'abandon au recrû (3 à 10 ans) : la reproduction de la fertilité est assurée par le développement du recrû arbustif/ arboré et, d'une manière secondaire, par des apports colluviaux; tous les travaux sont manuels; les intrants d'origine externe se limitent parfois à l'utilisation d'herbicides pour la culture du riz pluvial. V - Exploitation du palmier "Euterpe edulis" : sous couvert arboré; régénération par l'ensemencement naturel; cueillette sélective de palmiers plus âgés (avec au moins 5 ans d'âge). Systèmes de culture Consommations Intermédiaires (francs/ha cultivé) Équipement Rendements moyens (tonnes/ha) VAB/actif (francs) Surface totale en rotation/ actif (ha) Outillage manuel Outillage manuel 4à7 6500 11 17 à 22 (manioc) 0,3 à 0,9 (haricot) 5600 à 10200 6 à 13 0,4 à 1,1 (maïs) 0,2 à 0,7 (haricot) 0,3 à 0,8 (riz) 17 à 22 (manioc) 0,4 à 1,1 (maïs) 0,3 à 0,7 (haricot) 0,3 à 0,8 (riz) 4,5 à 9 Kg cœur de palmier/ ha/ an 2800 à 5500 28 à 36 8600 à 9000 10 à 17 14800 500 I {Banane} ∅ {recrû 8 - 10 ans} 20 II {Manioc ou manioc + haricot/ manioc ou manioc + haricot} 0 à 70 ∅ {recrû 3 à 6 ans} III {Riz pluvial ou maïs ou haricot/ 20 à 70 Outillage manuel 0 à 120 Outillage manuel 0 Outillage manuel haricot} ∅ {recrû 3 à 10 ans} IV {Riz pluvial ou maïs/ manioc ou manioc + haricot} 3 à 10 ans} V ∅ {recrû {Palmier "Euterpe edulis"} Commentaires : Les systèmes de culture mis en oeuvre sur les versants des montagnes présentent un certain nombre de caractéristiques communes. Mise à part l'exploitation du coeur de palmier "Euterpe edulis", la reproduction de la fertilité est assurée en large partie par le système de défriche-brûlis. Cet ensemble se caractérise par la quasi absence d'intrants externes (la seule exception étant l'utilisation occasionnelle d'herbicides pour la culture du riz pluvial) et par la demande de travaux essentiellement manuels. Par conséquent, les consommations intermédiaires de ces systèmes sont très faibles et le plus souvent limitées au coût des semences. Les conditions qui s'avèrent déterminantes pour le choix de leur mise en oeuvre sont : la proximité des fonds des vallées, la profondeur des sols, ainsi que La déclivité des parcelles. En fonction de ces critères déterminants, nous avons pu classer les systèmes de culture en deux groupes distincts. Le premier groupe concerne les systèmes de culture de la banane (I), le système de culture du manioc associé au haricot suivi par un cycle de culture identique en succession suivi d'un recrû de courte durée (II) et le système de culture avec des cultures annuelles en tête de rotation suivies en succession par la culture du manioc associée au haricot avec abandon au recrû de courte à longue durée (III). Ces systèmes de culture sont principalment présents dans les bas-versants des montagnes. Les bas-versants sont avantagés par rapport au transport de la production (très important notamment pour la culture de la banane et du manioc où le volume de la production est très élevé). Ils disposent de plus de sols plus profonds et d'une déclivité plus faible. Le deuxième groupe concerne le système de culture avec des cultures annuelles en tête de rotation suivies en succession de la culture du haricot avec abandon au recrû de courte à longue durée (IV) et l'exploitation du palmier (V). Ces systèmes sont présents de préférence sur les moyens et hauts versants des montagnes. Ces systèmes de culture sont moins susceptibles aussi bien aux difficultés de transport (la production a un volume moins important) qu'aux sols peu profonds. En outre la déclivité accentuée de ces parcelles accélère le processus d'érosion et, par conséquent, limite les activités en succession à la culture du haricot. 2. Les systèmes d'élevage La caractérisation des système d'élevage a mis en évidence le faible dynamisme les systèmes d'élevage mis en oeuvre sur le littoral nord du Paraná. En effet, nous n'avons pu constater aucune amélioration majeure des systèmes d'élevage déjà existants dans l'ensemble de la région. De même, nous n'avons répertorié le développement d'aucun nouveau système d'élevage depuis les années 70 (Enquêtes de terrain, 1989 - 1992). En outre, nous avons pu constater que l'importance des activités d'élevage ne cesse de diminuer depuis quelques années dans l'ensemble de la région. Les systèmes d'élevage bovin et porcin sont touchés de plein fouet par l'amélioration progressive des voies de communication et des réseaux de commercialisation de la production agricole. En effet, cette nouvelle conjoncture permet une réduction considérable des pertes de production agricole, ainsi que le développement d'autres activités agricoles plus rémunératrices que ces activités d'élevage. En ce qui concerne les systèmes d'élevage de buffles, ils ont été fortement touchés par la mise en place de la politique environnementale depuis le milieu des années 80. Cette politique environnementale a mis fin à leur expansion en compromettant leur viabilité économique dans la région. Nous avons pu caractériser 6 systèmes d'élevage distincts : 2.A Système d'élevage bovin Les animaux appartiennent à un seul troupeau restant en plein air toute l'année. Ce système d'élevage comprend le cycle complet : de la naissance à l'engraissement et commercialisation des animaux. L'alimentation des animaux est basée sur la production fourragère de pâturages permanents localisés le plus souvent sur les plaines alluviales et bas-fonds. En raison de la faible production fourragère de ces pâturages en hiver, les animaux reçoivent des régimes de banane ou du manioc comme alimentation supplémentaire. D'ailleurs, la pénurie de fourrage pendant l'hiver et les parasitoses sont les principales contraintes de l'élevage bovin. L'entretien des pâturages se limite au nettoyage manuel des refus et des herbacées indésirables 2 à 3 fois par an. Le recueil des déjections animales est inexistant et aucun intrant d'origine extérieure n'est apporté. Les installations se limitent à une petite étable en bois. Les boeufs et les animaux de reforme sont vendus aux commerçants des environs. La production laitière est destinée uniquement à l'autoconsommation. Capacité de charge Production (unités/ ha/ an) UGB/actif (UGB/ha) Élevage bovin en plein air (N / E) 0,7 à 0,9 70 à 110 kg poids vif + 65 à 80 lt lait 10,2 Surface/ actif VAB/actif (ha) VAB/ hectare (francs/ha) 13,5 360 4.600 (francs) Commentaires : Cette activité, malgré ses résultats économiques assez modestes par rapport à d'autres activités agricoles, demeure très répandue dans la région pour plusieurs raisons. L'élevage bovin constitue l'activité des bas-fonds qui dégage la productivité de la terre (VAB/ ha) la plus élevée. Elle permet donc de mieux valoriser ces surfaces agricoles. Cette activité se caractérise également par un calendrier très souple et pratiquement sans aucune pointe de travail car les travaux s'étalent sur toute l'année. La majorité des travaux peuvent se réaliser à n'importe quel moment de l'année même pendant des périodes de pluviométrie élevée ou lorsque les opportunités de travail se font plus rares. Finalement, l'élevage bovin constitue une importante épargne et surtout une garantie de capital facilement mobilisable en cas de nécessité ou contrainte majeure. 2.B. Systèmes d'élevage de buffles L'élevage de buffles a été introduit dans la région au début des années 70 par des neolatifundiaires en raison de la grande rusticité des animaux et de leur adaptation aux conditions climatiques locales. Dans ces systèmes d'élevage, les animaux restent en plein air toute l'année et leur alimentation est basée essentiellement sur la production fourragère des pâturages permanents. Les pâturages se localisant le plus souvent sur les plaines alluviales et les bas-fonds, leur entretien se limite au nettoyage manuel des refus et des herbacées indésirables. Les installations comprennent notamment un couloir de rétention avec un parc ainsi que des clôtures renforcées. Mis à part les produits de prophylaxie sanitaire et une supplémentation minérale, aucun intrant d'origine extérieure n'est employé dans ces systèmes. De même, aucun recueil de déjections n'est mis en oeuvre. Nous avons pu distinguer 2 systèmes d'élevage de buffles sur le littoral nord du Paraná : 2.B.1. Naisseur Dans l'élevage de buffles de type naisseur, les animaux sont groupés en un seul troupeau. Les broutards sont commercialisés à l'âge d'environ 8 mois en direction d'éleveurs établis dans d'autres régions de l'État. Capacité de charge Production (unités/ha/an) UGB/ actif 0,5 à 0,7 15 à 29 kg poids vif + 0,2 à 0,4 broutards 18,7 (UGB/ ha) Élevage buffles en plein air (N) Surface/ actif (ha) 31,6 VAB/ ha VAB/actif 170 6.000 (francs/ ha) (francs) 2.B.2. Naisseur / Engraisseur Le bétail est groupé en plusieurs troupeaux selon la catégorie des animaux. Les boeufs et les animaux de réforme sont vendus directement à des abattoirs industriels ou abattus sur place pour être vendus aux commerçants des environs. Capacité de charge Production (unités/ ha/an) UGB/ actif (UGB/ ha) Élevage buffles en plein air (N/E) 0,5 à 0,8 Surface/ actif VAB/ ha VAB/ actif 30 250 6.500 (francs) (francs) (ha) 65 à110 kg poids vif 17,2 Commentaires : Le système d'élevage de buffles naisseur, se caractérise par de plus faibles investissements de départ ainsi que par un retour économique très rapide. En effet, en rassemblant les animaux dans un seul troupeau, non seulement la conduite de l'élevage est facilitée mais de plus les investissement en clôtures sont moindres. Ce système permet de dégager un surplus commercialisable (les broutards) dès la première année de production. C'est d'ailleurs pour ces raisons que ce système a été mis en place par un grand nombre de néolatifundias lors de leur implantation dans la région. Malgré des performances techniques semblables à celles obtenues par le système d'élevage de buffle naisseur/ engraisseur, le système naisseur dégage à la fois une plus faible productivité de la terre (VAB/ ha) et du travail (VAB/ actif). Cette situation est liée notamment aux difficultés de commercialisation des broutards car le marché pour ces animaux est relativement restreint et concentré sur la région des plateaux de l'État du Paraná. La comparaison entre les systèmes d'élevage de buffles et le système d'élevage bovin nous permet de constater que l'ensemble des performances techniques et économiques du système d'élevage bovin est nettement inférieur à celui des systèmes d'élevage de buffles. La seule exception concerne la productivité de la terre (VAB/ ha). Par rapport à l'élevage de buffles, celle-ci est d'environ 30 à 50% plus élevée dans le système d'élevage bovin. Cette situation s'explique par la capacité de charge en bétail plus élevée, ainsi que par une utilisation plus intensive de la main d'oeuvre, notamment pour le nettoyage des pâturages et pour la surveillance des animaux. 2.C. Systèmes d'élevage porcin Les élevages porcins se localisent dans les plaines alluviales, à proximité des habitations ou sur les bas-versants de montagnes. L'alimentation des animaux est produite sur place et est composée notamment de banane, manioc et parfois maïs. D'une manière générale, aucun transfert direct des déjections n'est mis en oeuvre à cause de la simplicité des installations et des difficultés de transport à l'intérieur des exploitations. Nous avons pu distinguer 3 systèmes d'élevage porcin sur le littoral nord du Paraná : 2.C.1. Naisseur/Engraisseur "hors-sol" Les installations sont très simples et se limitent à une petite porcherie "hors sol" en bois, les animaux restant parqués toute l'année. D'une manière générale, une partie des porcelets est commercialisées à l'âge de 4 mois et le reste engraissé jusqu'à 1,5 ans d'âge. Les porcelets sont vendus aux paysans des environs pour engraissement et les porcs gras et truies de reforme sont vendus à des intermédiaires ou abattus sur place (la viande est destinée à l'autoconsommation). Production Production totale (unités/actif 14 à 16 14 à 16 porcelets + 600 à 720 kg vif (porcelets/ truie/an) Élevage porcin en horssol (N/E) /an) Truies + suite/actif 1,5 VAB/ actif (francs) 3.000 2.C.2. Naisseur en plein air/Engraisseur en hors sol Les truies et porcelets restent en plein air toute l'année dans un vaste enclos construit autour de bananeraies. Par contre, les animaux en engraissement sont parqués en permanence dans de petites porcheries en bois "hors sol". D'une manière générale, une partie des porcelets est commercialisées à l'âge de 4 mois et les animaux restants sont engraissés sur place. Les porcelets sont vendus aux paysans des environs et les porcs gras et truies de reforme sont vendus à des intermédiaires mais surtout abattus sur place (la viande étant destinée à l'autoconsommation). Production Production totale 14 à 15 14 à 15 porcelets + 800 à 900 kg vif (porcelets/ truie/an) Élevage porcin (N/E) (unités/ actif/an) Truies + suite/actif 2,5 VAB/ actif (francs) 3.400 2.C.3. Engraisseur "hors sol" Les installations se limitent à des petites porcheries en bois, les animaux restant parqués dans des porcheries "hors sol" pendant toute la période d'engraissement. Les porcelets sont achetés aux éleveurs des environs pour être engraissés pendant une période dépassant souvent une année. Les animaux sont abattus localement et la viande est destinée surtout à l'autoconsommation. Production Porcins/ actif/ an VAB/ actif 1120 à 1300 kg vif 14 2.200 (unités/ actif/an) Élevage porcin hors sol (E) (francs) Commentaires : Les différents systèmes d'élevage porcin dégagent une valeur ajoutée brute par actif inférieure à la plupart des activités agricoles développées sur le littoral nord du Paraná. En effet, ces activités d'élevage présentent une très faible productivité du travail car les travaux sont manuels, les installations précaires et l'alimentation des animaux souvent déséquilibrée et peu variée. En outre, la viande porcine produite localement souffre de la concurrence d'autres viandes commercialisées à bon marché par les commerçants locaux (notamment la viande de volaille et les charcuteries). Cependant, ces systèmes d'élevage permettent de valoriser des produits agricoles locaux, comme les bananes non commercialisées (soit en raison de leur mauvaise qualité soit par faute d'acquéreur), et les résidus de la transformation du manioc en farine. En outre, ces systèmes demandent de très faibles investissements économiques en dehors des animaux et de la construction de quelques installations rustiques avec des matériaux locaux. En demeurant également à petite échelle, l'élevage porcin permet de valoriser le temps de travail mort. Nous avons pu constater que les systèmes d'élevage naisseur/engraisseur en "hors sol" et naisseur en plein air/ engraisseur en "hors sol" sont plus courants dans les localités mal desservies par les voies de communication. Cette situation est en grande partie liée au fait que, dans ces localités, les pertes de la production de banane, notamment pendant la période estivale, sont très importantes en raison des difficultés de commercialisation. D'ailleurs, les améliorations des voies de communication et des réseaux de commercialisation dans la plupart des localités de la région depuis quelques années ont réduit considérablement l'importance de ces systèmes d'élevage. La commercialisation de la banane "in nature" dégage une valeur ajoutée brute par actif bien supérieure à ces systèmes d'élevage porcin. En revanche, le système d'élevage engraisseur "hors sol" est prédominant dans les localités mieux desservies et disposant d'un réseau de commercialisation mieux structuré. Ce système d'élevage est également très présent dans les exploitations agricoles qui ont développé la production de farine de manioc. L'élevage porcin permet ainsi de valoriser les résidus de la transformation du manioc (épluchures, petites racines, etc.). ANNEXE 7 Principales caractéristiques socio-économiques des différents systèmes de production rencontrés sur le littoral Nord du Paraná TYPE Niveau équipement MANOUVRIERS: Outillage I.A. manuel + atelier transf. manioc manuel I.B. Outillage manuel + atelier transf. manioc manuel ou semi-motorisé Surf/ actif fam. (ha/ actif fam.) Plaines d'épandage crues (ha/actif fam.) 0,2 à 0,4 --- 1,2 à 2,4 • Banane (<0,7 ha/actif) • M ∅ R3 ans (<0,6 ha/actif) Terrasses alluviales (ha/actif fam.) • JDC ha/actif) (0,2 à 0,4 • JDC (0,3 à 0,6 ha/actif) • MA ou MA+HA ∅ MA ∅ R2 à 4 ans (<0,9 ha/actif) Bas-fonds et plaines littorales (ha/actif fam.) Versants de montagnes (ha/actif fam.) Système d'élevage Main d'oeuvre externe (% FWT) Activités non agricoles (en % de la force de travail totale) % exploit. --- --- • Basse-cour (volailles) --- 15% Basse-cour • RP ∅ 3 à • MA+ HA ∅ R3 ans • (volailles, 5 ans (<0,6 ha/actif) parfois porcins) (<0,3 ha/actif) --- • Journalier • Transf. manioc • Cueillette palmier (au dos) • Transf. clandestine palmier • Activités secondaires (>90%FWT) • Journalier • Transf. manioc • Cueillette palmier (au dos) • Transf. clandestine palmier • Activités secondaires (70 à 80% FWT) 22% LEGENDE : JDC - jardin de case M - maïs R .... - durée du recrû (en années) HA - haricot MA - manioc MA + HA - manioc associé RP - riz pluvial ou non au haricot noir FWT - force de travail N - naisseur N/E naisseur totale engraisseur Source : Enquêtes de terrain 1991-92. ** la surface concernée par l'exploitation du coeur de palmier n'est pas prise en compte. ∅ culture en succession et PAYSANS MINIFUNDISTES: Outillage 3,5 à 7 II.J. manuel + pulvérisateur manuel + atelier transf. manioc manuel II.M. Outillage manuel + pulvérisateur manuel + atelier transf. manioc manuel + parfois mulet 4à7 ** II.V. Outillage 4 à 6,5 manuel + pulvérisateur manuel + atelier transf. manioc semimotorisé + parfois un motoculteur (en commun) • Banane (<1,2 ha/actif) • M ∅ R3 ans (<1,3 ha/ actif) • JDC (0,3 à 0,5 ha/actif) • MA+HA ∅ MA + HA ∅ R2 à 4 ans (<0,8 ha/actif) • M ou HA ∅ MA+HA ∅ R3 ans (<0,8 ha/actif) • RP ∅ R3 à 5 ans (<4 ha/actif) • Banane (<3,1 ha/actif) • M ∅ R3 ans (<1,8 ha/ actif) • JDC (0,3 à 0,6 ha/actif) • MA+HA ∅ MA ∅ R2 à 4 ans (<1 ha/actif) • RP ou M ou HA ∅ HA ∅ R3 à 5 ans (<1,5 ha/actif) • RP ∅ R3 à 5 ans (<1,4 ha/actif) • Banane (<1,6 ha/actif) • M ∅ R3 ans (<0,7 ha/actif) • JDC (0,3 à 0,6 ha/actif) • MA+HA ∅ MA + HA ∅ R2 à 4 ans (<0,7 ha/actif) • Maraîchères ∅ M ou RP ou Ha ∅ MA (<1 ha/actif) • RP ∅ R3 à 5 ans (<2,4 ha/actif) • Banane ∅ R8 à 10 ans (<0,3 ha/actif) • RP ou M ∅ MA + HA ∅ R3 à 5ans (<2,9 ha/actif) • RP ou M ou HA ∅ HA ∅ R3 à 5 ans (<3,5 ha/actif) • MA + HA ∅ R3 ans (<0,7 ha/actif) • RP ou M ∅ MA + HA ∅ R3 à 5ans (<2,4 ha/actif) • RP ou M ou HA ∅ HA ∅ R3 à 5 ans (<2,3 ha/actif) • MA + HA ∅ R3 ans (<0,8 ha/actif) • Exploitation palmier (<20 ha/ actif) • Banane ∅ R8 à 10 ans (<0,4 ha/actif) • RP ou M ou HA ∅ HA ∅ R3 à 5 ans (<2,8 ha/actif) • MA+HA ∅ MA + HA ∅ R3 à 5 ans (<3,2 ha/actif) • MA ∅ R3 ans (<2 ha/actif) • Basse-cour (volailles, parfois porcins) • Elevage porcin N/E en plein air (<1 truie/expl.) --- • Journalier • Cueillette palmier (au dos) • Transf. clandestine palmier • Activités secondaires (30 à 70% FWT) 15% • Basse-cour (volailles, porcins) • Elevage porcin N/E en plein air (<1 truie/ expl.) --- • Entrepreneur • Cueillette palmier (au dos ou avec mulet) • Transf. clandestine palmier (30 à 60% FWT) 12% • Basse-cour (volailles, porcins) • Elev. porcin en plein air ou hors-sol N/E (<1 truie/ expl.) • Elevage bovin N/E (<2,6 ha/actif) --- • Entrepreneur • Transf. manioc (20 à 60% FWT) 6% Suite de l'annexe 7 PAYSANS "MOYENS": III.A. Outillage anuel + pulvérisateur manuel + atelier transf. manioc manuel ou semi-motorisé + tronçonneuse III.B. Outillage manuel + pulvérisateur manuel + atelier transf. manioc manuel ou semi-motorisé + parfois mulet III.F. 10 à 18 • Banane (<0,7 ha/actif) • M ∅ R3 ans (<3 ha/actif) • JDC (0,3 à 0,7 ha/actif) • MA+HA ∅ MA + HA ∅ R2 à 4 ans (<1,1 ha/actif) • HA ∅ MA + HA ∅ R2 à 4 ans (<1 ha/actif) • RP ∅ R6 à 10 ans (<5 ha/actif) 12 à 21 ** • Banane (<5 ha/actif) • M ∅ R3 ans (<3 ha/actif) • JDC (0,4 à 0,8 ha/actif) • MA+HA ∅ MA + HA ∅ R2 à 4 ans (<1 ha/actif) • RP ou M ou HA ∅ MA + HA ∅ R3 à 6 ans (<0,7 ha/actif) • RP ∅ R3 à 6 ans (<5 ha/actif) Outillage 8 à 16 manuel + ** pulvérisateur manuel + atelier transf. manioc motorisé ou atelier transf. banane+ parfois motoculteur (en commun) ou camionette --- • Banane ∅ R8 à 10 ans (<1 ha/actif) • RP ou M ou HA ∅ HA ∅ R6 à 10 ans (<10 ha/actif) • RP ou M ou HA ∅ MA +HA ∅ R6 à 10 ans (<8 ha/actif) • Exploitation palmier (<30 ha/actif) • Banane (<3 • JDC (0,3 à 0,6 • RP ∅ R6 • Banane ∅ R8 à 10 ha/actif) ha/actif) à 10 ans ans (<5 ha/actif) • M ∅ R3 • MA+HA ∅ MA + HA ∅ (<6 • RP ou M ∅ MA +HA ans (<2 R2 à 4 ans (<3 ha/actif) ha/actif) ∅ R3 à 5 ans (<4 ha/actif) • M ou HA ∅ MA + HA ha/actif) ∅ R3 à 6 ans (<2,6 • MA+HA ∅ MA + HA ha/actif)s ∅ R4 à 10 ans (<6 ha/actif) • Exploitation palmier (<30 ha/actif) • Basse-cour (volailles, porcins) • Elevage porcin hors-sol N/E (<1 truie/ expl.) • Elevage bovin N/E (4 à 10 ha/actif) • Basse-cour (volailles, porcins) • Elevage porcin N/E en plein air (<2 truies/ expl.) • Elevage bovin N/E (<6 ha/actif) • Basse-cour (volailles, porcins) • Elevage porcin N/E hors-sol (<1 truie/ expl.) • Elevage bovin N/E (<6 ha/ actif) <40% • Tranf. manioc • Entrepreneur (<20%) 3% 20 à 60% • Tranf. manioc • Transf. clandestine palmier • Cueillette palmier (au dos ou avec mulet) • Entrepreneur (<10%) 6% 30 à 60% • Transf. manioc • Transf. banane • Transf. clandestine palmier • Entrepreneur (20 à 50%) 7% AGRICULTEURS PATRONAUX: Motoculteur + IV. tracteur + camion + equipement d'irrigation par aspersion + hangar agricole + installations de palissage 2,5 à 4 --- • JDC (<0,5 ha/actif) • Maraîchères ∅ taro ou maïs ou manioc ou friche 4 mois (<1,7 ha/actif) • Gingembre ∅ taro ou maraîchères (<2 ha/actif) • Chayotte ou Fruit de la passion (<0,7 ha/actif) Niveau équipement Surf. (ha) Plaines d'épandage crues (ha) Terrasses alluviales (ha) Outillage manuel + clôtures renforcées + couloir vaccination + parc de retention + maisons Outillage manuel 70 à 700 ** --- --- • Basse-cour (volailles, porcins) 40 à 90% --- <1% Système d'élevage Main d'oeuvre Activités non agricoles % exploit. 20 --- 6% 3 --- 7% NEOLATIFUNDIAIRES: TYPE V.A. V.B. 400 à 1700 BasVersants de fonds et montagnes (ha) plaines littorales (ha) • Pâturages permanents (70 à 700 ha) • Parfois exploitation du palmier (200 à 1600ha) • Exploitation palmier (400 à 1700 ha) ** la surface concernée par l'exploitation du coeur de palmier n'est pas prise en compte. Source : Enquêtes de terrain 1991-92. • Elev. buffles 2 à Naisseur ou actifs Naisseur/ Engraisseur ---- 1 à actifs ANNEXE 8 La réglementation en vigueur concernant directement la filière du cœur du palmier dans l'État du Paraná Dispositif Contenu Portaria Normativa 300/83 - oblige l'enregistrement auprès de l'IBAMA de toute personne ou entreprise liée aux activités de reboisement, cueillette, transformation ou industrialisation du palmier Portaria Normativa 122/85 - oblige la demande de bons d'autorisation ("guias") pour la cueillette et le transport du cœur de palmier; fixe le diamètre minimal des palmiers pour la de 1985 cueillette Portaria Normativa 267/88 - fixe les pénalités et les amendes pour les infractions à la réglementation de 1988 Portaria Normativa 039/88 - oblige à soumettre à l'IBAMA des projets de gestion forestière; seuls les boisements de palmier faisant l'objet d'un projet de gestion forestière peuvent de 1988 être exploités de manière légale Portaria Normativa 439/89 - mise en place d'une taxe de remise en état des boisements de palmier ou obligation d'effectuer des reboisements pour tous ceux qui exploitent le palmier de 1989 sauf s'ils commercialisent celui-ci avec des conserveries industrielles (qui doivent alors prendre en charge ces contraintes) Ordem de serviço 038/89 - - établie deux modalités distinctes pour l'exploitation du coeur de palmier c'està-dire le "plan de gestion forestière" pour l'exploitation d'une quantité SUPES/PR de 1989 supérieure à 10.000 unités et "l'autorisation simplifiée" (accordée une seule fois par an) pour l'exploitation d'une quantité inférieure à 10.000 unités Resolução conjunta - modifie les conditions et les volumes établis dans la réglementation IBAMA/ SEMA n°001/94 de antérieure en ce qui concerne "l'autorisation simplifiée" (demande d'autorisation à demander auprès de l'IAP); peuvent être au maximum 2.000 1994 unités - par an et par exploitation agricole dont la surface forestière est inférieure à 50 hectares - et la régénération naturelle de la ressource doit être garantie Source : SEDU 1990 et IBAMA 1992 ANNEXE 9 Récapitulatif des enquêtes approfondies effectuées auprès des différentes catégories sociales sur le littoral nord du Paraná entre 1991 et 1992 MANOUVRIERS Système de production type IA Producteur Localité SAU/actif Valeur ajoutée/ Activités non- Vente de la Achat de la familial (ha/ actif fam. agricoles force de travail force de travail actif) (francs/ actif) % % A.S. Morato 0,2 200 J/CPD/TMM 95% 0% E.S. Morato 0,4 410 J/CPD/TMM 90% 0% J.C. Morato 0,5 480 J/CPD/TMM 90% 0% L.P.S. Tagaçaba 0,3 460 J 95% 0% M.T.M. Pedra Chata 0,2 270 J/CPD 95% 0% R.P.M. Putinga 0,3 310 J/CPD/TMM 95% 0% O.M. Cachoeira 0,3 370 J/CPD/TMM 95% 0% Legende : J - Journalier; TMM - Transformation Manioc Manuelle; CPD - Cueillette Palmier Dos d'homme. Système de production type IB Producteur Localité SAU/actif Valeur ajoutée/ Activités non- Vente de la Achat de la familial actif fam. agricoles force de travail force de travail (ha/actif) (francs/ actif) % % M.P. Cachoeira 1,2 850 J/TMM/CPD 80% 0% C.N. Tagaçaba 2,4 2.080 J/CPD/ 65% 0% 75% 0% TMSMot I.R. Tagaçaba 2,4 1.700 J/CPD/ TMSMot J.F. Tagaçaba 1,6 1.860 J/AS 75% 0% L.P.S. Batuva 2,4 1.870 J/ 70% 0% R.T. Batuva 1,4 2.260 J/CPD/TMM 75% 0% A.J.M. Pedra Chata 2,3 1.380 J/CPD/TMM 80% 0% L.C. Putinga 1,2 800 J/TMMot 85% 0% R.L.S. Putinga 2,0 2.350 J/TMSMot 70% 0% Legende : J - Journalier; TMM - Transformation Manioc Manuelle; TMSMot - Transformation Manioc SemiMotorisée; TMMot - Transformation Manioc Motorisée; CPD - Cueillette Palmier Dos d'homme; AS - Activités Secondaires. MINIFUNDISTES Système de production type IIJ Producteur N.C. Localité Morato SAU/actif Valeur ajoutée/ Activités non- Vente de la Achat de la familial actif fam. agricoles force de travail force de travail (ha/actif) (francs/ actif) % % 4,5 1.670 75% 0% J//TMM/CPD/ TCP P.M. Morato 6,0 1.600 J/TMM/CPD/TCP 60% 0% N.C. Tinga 7,0 2.960 J/TMM/CPD 50% 0% S.S. Rio Guaraqueçaba 3,8 1.370 J/TMM 80% 0% C.M. Morato 5,2 2.000 J/TMM/CPD 70% 0% N.C. Cedro 5,0 2.720 J/CPD 40% 0% F.N. Tagaçaba 5,3 2.830 J/TMSMot 35% 0% I.R. Tagaçaba 4,9 3.280 J/CPD 30% 0% G.P. Batuva 7,0 2.910 J/CPD/TCP 55% 0% A.P. Batuva 5,4 1.990 J/TMM 60% 0% C.S. Putinga 5,1 2.480 J/TMSMot 40% 0% D.P. Batuva 7,0 1.850 CPM/TCP 55% 0% M.C. Batuva 4,2 2.530 J/TMM/CPD 55% 0% A.D. Cachoeira 4,3 3.440 J/TMM 30% 0% J.A. Tagaçaba 3,5 2.720 J/AS 70% 0% P.G.S. Batuva 5,2 3.880 J/TMM/CPD 55% 0% S.S. Pedra Chata 4,8 2.850 J/TMM/CPD 55% 0% L.F. Pedra Chata 7,0 4.400 J/TMM 40% 0% H.G. Cedro 6,9 2.900 J/CPD 60% 0% Legende : J - Journalier; TMM - Transformation Manioc Manuelle; TMSMot - Transformation Manioc SemiMotorisé; CPD - Cueillette Palmier Dos d'homme; TCP - Transformation Clandestine Palmier; AS - Activités Secondaires. Système de production type IIM Producteur Localité SAU/actif Valeur ajoutée/ Activités non- Vente de la Achat de la familial actif fam. agricoles force de travail force de travail (ha/actif) (francs/ actif) % % A.L. Tagaçaba 3,9 4.890 J/CPD 40% 0% A.S.M. Pedra Chata 7,0 5.800 TMM/CPD 60% 0% E.J.D. Pedra Chata 4,0 5.760 J/TMM/ETA 30% 0% J.M.C. Pedra Chata 5,4 5.300 TMM/CPD/TCP 40% 0% U.P. Serra Negra 4,5 5.640 ETA/CPM 25% 0% N.S. Pedra Chata 6,5 5.930 ETA/CPM/TCP 40% 0% G.P.S. Pedra Chata 6,2 5.490 CPM/TCP 45% 0% N.C.P. Pedra Chata 4,0 3.680 ETA/CPM/TCP 65% 0% D.G.S. Pedra Chata 5,5 5.440 ETA/CPM/TCP 35% 0% G.S. Putinga 5,2 5.120 J 40% 0% E..J.D. Pedra Chata 6,7 5.500 TMM/CPD 30% 0% Legende : J - Journalier; TMM - Transformation Manioc Manuelle; TMSMot - Transformation Manioc SemiMotorisée; CPD - Cueillette Palmier Dos d'homme; CPM - Cueillette Palmier Mulet; TCP - Transformation Clandestine Palmier; ETA -Entrepreneur Travaux Agricoles. Remarque : la surface concernée par l'exploitation du cœur de palmier n'est pas prise en compte dans la rubrique SAU/ actif familial Système de production type IIV Producteur Localité SAU/actif Valeur Activités Vente de la Achat de la familial ajoutée/ actif non- force de force de (ha/actif) fam. (francs/ agricoles travail % travail % actif) R.F.S. Cachoeira 5,4 5.640 TMSMot 15% 0% I.B.R. Cachoeira 5,3 5.970 TMSMot 30% 0% J.X. Batuva 4,0 4.210 TMSMot 55% 0% L.P. Batuva 6,4 4.140 TMSMot 40% 0% A.S. Putinga 4,5 3.450 TMSMot 55% 0% O.M. Putinga 6,2 4.750 TMSMot 20% 0% M.E. Putinga 5,4 3.190 TMSMot 60% 0% J.R. Tagaçaba 4,9 5.270 TMSMot/J 35% 0% J.A. Tagaçaba 6,1 5.890 J 20% 0% Legende : J - Journalier; TMSMot - Transformation Manioc Semi-Motorisée. PAYSANS "MOYENS" Système de production type IIIA Producteur Localité SAU/actif Valeur ajoutée/ Activités non- Vente de la Achat de la familial actif fam. agricoles force de travail force de travail (ha/actif) (francs/ actif) % % PA. Morato 13,9 4.390 TMM 10% 0% D.A.S. Rio Guaraqueçaba 14,9 3.730 TMSMot/ETA 35% 0% J.F. Rio Guaraqueçaba 17,8 6.960 TMM/ETA 20% 70% M.D. Cachoeira 10,3 5.730 TMM/ETA 30% 20% D.A.M.F. Cachoeira 11,5 7.240 - 0% 50% L.C. Putinga 15,7 8.800 - 0% 55% Legende : TMM - Transformation Manioc Manuelle; TMSMot - Transformation Manioc Semi-Motorisée; ETA Entrepreneur Travaux Agricoles. Système de production type IIIB Producteur Localité SAU/actif Valeur Activités Vente de la Achat de la familial ajoutée/ actif non-agricoles force de force de (ha/actif) fam. (francs/ travail % travail % actif) D.B. Batuva 14,4 16.240 TMSMot 20% 50% A.D. Batuva 13,2 12.320 TMSMot 5% 20% A.P. Batuva 38,5 18.450 - 0% 15% J.M. Pedra Chata 20,8 12.110 TMSMot 5% 10% O.R Tagaçaba 17,3 14.350 ETA 15% 25% J.M.A. Tagaçaba 11,8 5.580 TMSMot 20% 25% N.R. Tagaçaba 53,6 24.670 - 0% 30% I.P. Batuva 12,7 13.710 TMSMot/TCP/ 15% 35% CPM N.P. Batuva 20,9 13.980 TMSMot/TCP 5% 50% L.B. Batuva 12,8 11.160 TMSMot/TCP 5% 35% A.S.D. Batuva 20,8 12.100 TMSMot/TCP/ 10% 60% 10% 35% CPM O.D. Batuva 18,0 9.240 TMSMot/TCP/ CPM Legende : TMSMot - Transformation Manioc Semi-Motorisée; CPM - Cueillette Palmier Mulet; TCP Transformation Clandestine Palmier; ETA -Entrepreneur Travaux Agricoles. Remarque : la surface concernée par l'exploitation du cœur de palmier n'est pas prise en compte dans la rubrique SAU/ actif familial Système de production type IIIF Producteur Localité SAU/actif Valeur ajoutée/ Activités non- Vente de la Achat de la familial actif fam. agricoles force de travail force de travail (ha/actif) (francs/ actif) % % A.R. Rio Guaraqueçaba 14,2 7.530 TMMot/TCP/AS 40% 40% E.G. Cachoeira 8,1 4.550 TMMot 30% 0% A.M.S. Rio Pequeno 8,2 4.640 TMMot/AS 45% 0% F.R. Serra Negra 11,9 9.640 TBF 30% 40% J.B. Tagaçaba 11,4 8.290 TMMot/ETA 40% 50% T.P. Tagaçaba 9,6 8.110 TMMot 25% 40% L.C. Putinga 9,2 6.290 TMMot 30% 0% A.G. Putinga 7,9 5.850 TMMot 40% 0% O.G. Putinga 14,7 13.010 TMMot 30% 45% A.C. Putinga 8,4 5.030 TMMot/ETA 50% 10% N.G. Putinga 15,5 13.750 TMMot 40% 60% J.G. Putinga 12,0 9.720 TMMot 25% 60% J.P. Putinga 7,8 6.520 TMMot 20% 20% H.G. Putinga 9,2 5.780 TBF/AS 50% 35% Legende : TMMot - Transformation Manioc Motorisée; CPM - Cueillette Palmier Mulet; TCP - Transformation Clandestine Palmier; ETA -Entrepreneur Travaux Agricoles; TBF - Transformation Banane et/ou Fruits; AS Activités Secondaires. Remarque : la surface concernée par l'exploitation du cœur de palmier n'est pas prise en compte dans la rubrique SAU/ actif familial AGRICULTEURS PATRONAUX Système de production type IV Producteur Localité SAU/actif Valeur ajoutée/ Activités non- Vente de la Achat de la familial actif fam. agricoles force de travail force de travail (ha/actif) (francs/ actif) % % R.M. Cachoeira 18,6 148.300 - 0% 90% D.J.B. Cachoeira 3,8 43.000 - 0% 80% A.C. Cachoeira 2,6 19.600 - 0% 45% H.K. Cachoeira 3,6 33.300 - 0% 70% M.S. Cachoeira 3,0 15.700 - 0% 40% NÉOLATIFUNDIAIRES Système de production type VA Nom propriétaire Localité SAU/ exploitation (ha) ou exploitation Activités Valeur ajoutée/ Main d'oeuvre économiques expl. (francs) (actif) Julio Balma Cachoeira 170 EB 28.300 8 Begli Putinga 270 EB 22.000 10 Germer Pedra Chata 73 EB 12.200 2 Pavilest Pedra Chata 363 EB 62.700 9 Caeté Tagaçaba 254 EB 37.900 8 Alsocir Esteves Putinga 86 EB 19.800 3 José Almir Rocha Batuva 73 EB 19.100 4 Jorge Rupp Morato/ Ipanema 700 EB 119.000 19 Ivo Almeida Cachoeira 290 EB 130.000 10 (A) EP 242 EB 80.700 5 (A) EP 114 EB 32.100 5 (A) EP 678 EB 131.000 16 (A) EP Paulo Bonfim Rio Pequeno Valdo Zannetti Celio Tozzini Rio Pequeno Putinga Legende : EB - Elevage Buffles; EP - Exploitation Palmier. (A) les surfaces éventuellement concernées par l'exploitation du cœur de palmier ne sont pas prises en compte. Système de production type VB Nom de l'exploitation Localité SAU/ exploitation (ha) Activités Valeur ajoutée/ Main d'oeuvre économiques expl. (francs) (actif) ERROR: undefined OFFENDING COMMAND: Ricopa STACK: