Document 1 de 1 Cour d`appel Toulouse Chambre 2, section 1 14
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Page 1 Document 1 de 1 Cour d'appel Toulouse Chambre 2, section 1 14 Septembre 2011 N° 250, 10/00717 SARL HOTEL DES BEAUX ARTS S.A.R.L. ARC Classement :Inédit Contentieux Judiciaire 14/09/2011 ARRÊT N° 250 N°RG: 10/00717 GC/MB Décision déférée du 12 Janvier 2010 - Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE - 06/02068 Madame PENAVAYRE S.A.R.L. HÔTEL DES BEAUX ARTS représenté par la SCP RIVES PODESTA C/ S.A.R.L. ARC représenté par la SCP DESSART SOREL DESSART INFIRMATION Grosse délivrée le à Page 2 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS *** COUR D'APPEL DE TOULOUSE 2ème Chambre Section 1 *** ARRÊT DU QUATORZE SEPTEMBRE DEUX MILLE ONZE *** APPELANTE SARL HOTEL DES BEAUX ARTS représenté par la SCP RIVES PODESTA, avoués à la Cour assisté de la SELARL BEDRY - JULHE -BJB, avocats au barreau de Toulouse INTIMÉE S.A.R.L. ARC représenté par la SCP DESSART SOREL DESSART, avoués à la Cour assisté de la SCP SCP SIMON, JOLLY, CABROL, avocats au barreau de Toulouse COMPOSITION DE LA COUR Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 8 juin 2011 en audience publique, devant la Cour composée de : G. COUSTEAUX, président P. DELMOTTE, conseiller F. CROISILLE-CABROL, vice président placé qui en ont délibéré. Greffier, lors des débats : A. THOMAS ARRÊT : - contradictoire Page 3 - prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties - signé par G. COUSTEAUX, président, et par A. THOMAS, greffier de chambre. FAITS et PROCÉDURE Au terme du dernier bail souscrit entre les parties pour une durée de neuf ans à compter du 1er juillet 1996 jusqu'au 30 juin 2005, La SCI BELLEVUE aux droits de laquelle est venue la SARL ARC a donné à loyer à la SARL HÔTEL DES BEAUX-ARTS des locaux commerciaux affectés à l'usage exclusif d'hôtel dans un immeuble sis à [...] et [...] pour un loyer annuel hors taxes et hors charges de 30.489,80 euros. Par avenant du 26 novembre 1999, le loyer a été fixé à 32.014 euro. Suivant acte d'huissier du 28 décembre 2004, le bailleur a fait signifier un congé avec offre de renouvellement du bail pour une durée de neuf ans et un nouveau loyer annuel hors charges et hors taxes de 70.000 euro à compter du 1er juillet 2005, toutes clauses et conditions du bail demeurant inchangées. Le preneur ayant contesté le montant du loyer demandé, le bailleur a fait notifier son mémoire par courrier recommandé du 29 décembre 2005 puis a fait assigner le 7 avril 2006 la SARL HÔTEL DES BEAUX-ARTS devant le juge de loyers commerciaux afin d'obtenir un loyer annuel hors charges et hors taxes de 117.000 euro à compter du 1er juillet 2005. Par jugement avant dire droit du 17 juillet 2007, le tribunal de grande instance a : - constaté le renouvellement du bail à compter du 1er juillet 2005 et dit que le bail unissant les parties a une durée de 9 ans, - fixé pour la durée de la présente instance le montant du loyer provisionnel au montant des loyers échus au prix ancien, - avant dire droit sur le prix du nouveau loyer applicable à compter du 29 décembre 2005, ordonné une expertise. L'expert a déposé son rapport le 21 novembre 2008. Il propose de fixer la valeur locative, selon la méthode hôtelière, en valeur au 1er juillet 2005, à la somme annuelle hors charges et hors taxes de 84.000 euro. Par jugement du 12 janvier 2010, le tribunal de grande instance de TOULOUSE a : - homologué le rapport d'expertise, - fixé la valeur locative des locaux commerciaux dont s'agit à la somme de 70.000 euros à compter du 1er juillet 2005, - dit que les compléments de loyers échus porteront intérêts au taux légal à compter du jugement, - ordonné l'exécution provisoire de la décision, - laissé les dépens de l'instance en ce compris les frais d'expertise taxés à la somme de 2.800 euro à la charge de la SARL ARC. La SARL HOTEL des ARTS a interjeté appel le 12 février 2010. La SARL ARC a interjeté appel le 22 février 2010. Page 4 Par ordonnance du 29 juin 2010, les deux recours ont été joints sous un seul numéro. La SARL HOTEL des ARTS a déposé ses dernières écritures le 26 mai 2011. La SARL ARC a déposé ses dernières écritures le 6 mai 2011. L'ordonnance de clôture est intervenue le 31 mai 2011. MOYENS et PRÉTENTIONS des PARTIES Dans ses dernières écritures, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'énoncé du détail de l'argumentation, La SARL HOTEL des ARTS conclut à l'infirmation de la décision de première instance, à la fixation du loyer à compter du 1er juillet 2005 à la somme de 45.000 euros hors taxes par an ainsi qu'à la condamnation de la SARL ARC à lui payer la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. La SARL HOTEL des ARTS développe les moyens suivants : - la question de la monovalence n'a pas été tranchée par le jugement avant dire droit du 17 juillet 2007 et l'expert n'a pas motivé son avis, se contentant d'affirmer que la configuration des lieux confirme qu'il s'agit de locaux monovalents, - les locaux ne sont pas monovalents dans la mesure où dans l'immeuble construit à l'origine à usage d'habitation, des travaux d'un coût n'atteignant pas 50.000 euros HT permettrait de transformer les 19 chambres en 7 appartements et où le rez-de-chaussée peut être affecté à l'usage exclusif de débit de boisson, - les locaux ont souffert en trois ans sept dégâts des eaux consécutifs au mauvais état de la toiture, - le bailleur a procédé à de maigres travaux de réparation en 2007 et en 2008, - la méthode hôtelière doit être écartée, - à titre subsidiaire, si cette méthode, qui se fonde sur un chiffre d'affaires théorique n'est pas écartée, il convient de la combiner avec la méthode comparative qui est possible en ville dans la mesure où le recours à elle seule conduit à une évaluation sans lien avec la réalité, - l'hôtel a des caractéristiques particulières tenant au faible nombre de chambres, à la configuration des lieux anciens, aux difficultés de stationnement, à l'absence d'affiliation à une chaîne, au coût de la certification Hôtelcert et à son maintien, aux travaux effectués par le locataire et aux travaux non effectués par le propriétaire, - le calcul effectué par l'expert selon la méthode hôtelière contient des inexactitudes, - la méthode par comparaison donne comme résultat une valeur locative de 38.000 euros HT, - la moyenne arithmétique des deux méthodes fournit comme résultat une valeur de 47.086 euros HT, - l'augmentation du loyer multiplié par 2,4 par la décision de première instance a contraint la SARL HOTEL des ARTS à mettre en place un emprunt de 223.051 euros en juillet 2010, - la demande relative aux intérêts présentée par la SARL ARC doit être rejetée dans la mesure où l'article 1155 du code civil ne peut recevoir application que si les loyers échus sont déterminés dans leur montant, ce qui n'est pas le cas. Page 5 Dans ses écritures, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'énoncé du détail de l'argumentation, la SARL ARC sollicite l'infirmation du jugement entrepris ainsi que la condamnation de La SARL HOTEL des ARTS à lui payer la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Elle demande que : - le loyer des locaux soit fixé à la somme de 70.000 euros par an du 1er juillet 2005 au 30 novembre 2005 et à la somme de 93.317 euros par an à compter du 1er décembre 2005, - l'arriéré de loyer soit assorti des intérêts au taux légal en application de l'article 1155 du code civil à compter de chaque échéance contractuelle jusqu'au parfait paiement. La SARL ARC développe les moyens suivants : - jamais au cours des opérations d'expertise, la SARL HOTEL des ARTS n'a contesté la monovalence des locaux, - la monovalence ne peut être exclue que s'il est possible d'affecter les locaux à une autre destination commerciale, et non en les transformant en appartements à usage d'habitation, - de plus, les travaux de transformation auraient un coût bien supérieur à celui avancé, - l'expert a chiffré la valeur locative selon la méthode hôtelière conformément au jugement du 17 juillet 2007 qui a précisé la méthode à appliquer, - la méthode hôtelière est objective, ne prenant pas en compte la gestion de l'exploitant, - les références citées par la locataire démontrent l'inadéquation de la méthode par comparaison qu'elle revendique, - l'expert n'a retenu un taux de remplissage que de 65% alors que compte tenu du nombre de chambres et de leur situation, le taux à retenir doit être de 78%, - les charges et sujétions contractuelles revendiquées par la société locataire étant inexistantes, la valeur locative doit correspondre à 14% de la recette théorique comme l'a retenu l'expert, - l'abattement de 10% opéré par le tribunal, l'expert ayant même proposé 15%, doit être écarté dans la mesure où la SARL HOTEL des ARTS a été indemnisée pour les dommages consécutifs aux sinistres déclarés de juin à décembre 2007 et où il n'y a pas eu d'autres dégâts des eaux malgré deux très forts orages de grêle en 2008 et 2009. MOTIFS de la DÉCISION Selon les dispositions de l'article R 145-10 du code de commerce, le prix du bail des locaux construits en vue d'une seule utilisation peut, par dérogation aux articles L145-33 et R 145-3 et suivants du dit code, être déterminé selon les usages observés dans la branche d'activité considérée. Les locaux litigieux ont été aménagés pour une activité d'hôtel. Pour décider qu'ils ne seraient pas monovalents, il ne peut être envisagé, comme le fait la SARL HOTEL des BEAUX ARTS, une affectation à usage d'habitation qui enlèverait le caractère commercial de l'exploitation, peu important dès lors le coût de la transformation envisagée. Il résulte de la configuration des lieux telle que décrite dans le rapport d'expertise judiciaire qu'à l'évidence les locaux loués par la SARL HOTEL des BEAUX ARTS sont monovalents, le hall de réception desservant une petite salle en sous-sol et donnant accès à un dégagement poursuivi par un couloir permettant l'accès aux chambres dans les étages. Page 6 Certes, le recours à la méthode hôtelière, fondée sur le potentiel économique de l'immeuble loué, n'est pas une obligation pour la cour d'appel mais une possibilité. Cependant, cette méthode qui relève des usages observés dans la branche d'activité considérée, est mieux à même, à la différence de la méthode comparative, de rendre compte de la valeur locative par adaptation de ses éléments à la situation particulière de l'établissement concerné, laquelle influe notamment sur le taux d'occupation de celui-ci et les remises consenties, alors que la méthode de comparaison en matière hôtelière présente d'importantes faiblesses dans la mesure où les emplacements des hôtels et leur état d'entretien déterminent grandement la valeur locative. De plus, les éléments de comparaison proposés par la SARL HOTEL des BEAUX ARTS n'apparaissent pas pertinents. Il ne peut être utilement comparé un hôtel de charme de 19 chambres situé en plein centre ville avec un hôtel appartenant à une grande chaîne comptant 123 chambres situé en banlieue près de l'aéroport. Il ne peut pas plus être tiré des éléments d'appréciation pour un loyer quasi-identique pour ce second hôtel avec un autre situé dans Toulouse et ne comptant que 71 chambres. En résumé, la méthode hôtelière est la plus objective puisqu'elle ne prend en compte ni les qualités ou ni les défauts de la gestion de l'exploitant alors que la méthode dite par comparaison présente l'inconvénient de comparer des hôtels qui ne sont pas forcément comparables. Les difficultés financières alléguées par l'appelante, mais non prouvées compte tenu des bénéfices réalisés, ne doivent pas être prises en compte pour retenir l'une des méthodes ou mixer les deux. Il est à relever que l'expert judiciaire avait été chargé, par le jugement avant dire-droit du 17 juillet 2007, d'appliquer dans ses calculs la méthode hôtelière à partir des prix des chambres auxquels sont appliqués plusieurs correctifs. Sur le prix moyen de nuitée, compte tenu des remises consenties par la SARL HOTEL des BEAUX ARTS, l'expert a proposé un montant de 130 euros, accepté par le bailleur, le locataire indiquant dans une note de synthèse, en pièce 14, un prix moyen après remise de 130,77 euros pour l'exercice 2004/2005. Les charges particulières tenant à la configuration des lieux, à la petite taille de la salle de petits déjeuners, à l'absence d'ascenseur desservant le troisième étage qui compte deux chambres, à l'impossibilité d'avoir une climatisation commune, au coût de la certification, aux difficultés de stationnement, à l'absence d'affiliation à une chaîne sont nécessairement prises en compte dans le calcul du prix des chambres. En revanche, les travaux de rénovation effectués par le locataire entre 2006 et 2009 sont sans incidence sur le prix moyen de nuitée calculé par l'expert au 1er juillet 2005. Sur le taux de remplissage, l'expert a proposé un taux de 65% alors que la SARL ARC demande qu'il soit porté à 78%. Il y a lieu de retenir le taux de 65% et non celui proposé par le bailleur qui ne correspond pas à une moyenne pour ce type d'établissement mais se réfère au taux effectif de remplissage de l'hôtel, qui ne doit pas être pris en compte dans la mesure où il relève du dynamisme de la gestion du locataire, en particulier de la certification obtenue, comme l'a jugé le tribunal de grande instance. Sur le pourcentage sur recette, l'expert a proposé un coefficient de 14 % alors que le locataire propose un taux de 13% compte tenu des contraintes spécifiques de l'hôtel. Cependant, comme le relève le technicien commis, l'excellent emplacement de l'hôtel, trois étoiles de charme, l'un des meilleurs de la ville, si ce n'est le meilleur, justifie que le premier coefficient soit retenu comme l'a fait le tribunal de grande instance. L'expert a rajouté les revenus annexes procurés par les différentes prestations complémentaires (petits déjeuners, minibar, room service, restauration ,téléphone etc. ) avec un coefficient de 5%, mais le tribunal a retranché la somme ainsi retenue de 6.223 euros. Dans ses dernières écritures, en page 10, le bailleur calcule la recette théorique en ne tenant pas compte des revenus annexes. Dès lors, il n'y a pas lieu de rechercher s'il convient de les intégrer. La valeur locative s'établit de la sorte, à ce stade du calcul, à la somme de 77.764 euros. Sur le dernier abattement de 10% retenu par le premier juge, alors que l'expert avait proposé 15%, abattement dont la Page 7 SARL ARC demande la suppression, la motivation du premier juge est la suivante : pour prendre en compte les nuisances liées à l'absence d'étanchéité de la toiture qui n'ont pas permis une jouissance paisible de certaines chambres et qui ont eu un impact négatif sur l'image de marque de l'établissement, il y a lieu de suivre le raisonnement de l'expert car ces nuisances ont eu lieu pendant la durée du bail expiré et les travaux de reprise ont été réalisés très tardivement par le bailleur et en tout état de cause, postérieurement à la date de renouvellement du bail. Cependant cette décote sera ramenée à 10% puisque le trouble a désormais cessé. Cependant, d'une part les nuisances alléguées ont eu lieu pour partie seulement pendant la durée du bail expiré, ayant débuté en 2003 et cessé à la fin de l'année 2007. D'autre part, et surtout, la SARL HOTEL des BEAUX ARTS a fait délivrer un acte introductif d'instance à la SARL ARC le 16 décembre 2010 afin d'obtenir sa condamnation au paiement d'une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en raison de la 'très importante atteinte à son image de marque: obligation de déménager des clients en pleine nuit, fuites dans les chambres, traces d'humidité, chambres inutilisables...' en raison des fuites en toiture de juillet 2003 à décembre 2007. La SARL HOTEL des BEAUX ARTS sollicite également la condamnation de la SARL ARC au paiement de travaux qu'elle prétend avoir réalisés alors qu'ils étaient à la charge du bailleur. Dès lors, il n'y a pas lieu d'appliquer un abattement comme l'a fait le premier juge, alors même d'ailleurs que l'expert a proposé d'appliquer un abattement général de 15% limité à la durée des désordres qui ont cessé en 2008. Il convient en conséquence d'infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Toulouse en fixant la valeur locative des locaux commerciaux loués par la SARL HOTEL des BEAUX ARTS à la somme de 77.764 euros à compter du 1er juillet 2005. Par ailleurs, en ce qui concerne les intérêts de retard sur les loyers échus à compter du 1er juillet 2005, l'article 1155 du Code civil ne trouve à s'appliquer que si les loyers échus sont déterminés dans leur montant, le retard ne pouvant à défaut être caractérisé. Tel n'est pas le cas des loyers échus mais non encore déterminés en leur montant à défaut d'accord et restant en attente d'une fixation judiciaire. Ainsi il y a lieu de dire que les intérêts sur les compléments de loyers dus après la décision du juge ne peuvent courir qu'à compter de cette fixation, en sorte que la demande du bailleur sera rejetée sur ce point et qu'ils ne commenceront à courir qu'à compter de la présente décision. Enfin, chaque partie conservera la charge de ses propres dépens d'appel. PAR CES MOTIFS Infirme le jugement du tribunal de grande instance en date du 12 janvier 2010, Et statuant à nouveau, Fixe la valeur locative des locaux commerciaux loués par la SARL HOTEL des BEAUX ARTS à la somme de 77.764 euros à compter du 1er juillet 2005, Dit que les compléments de loyers échus porteront intérêt au taux légal à compter de ce jour, Y ajoutant, Vu l'article 700 du code de procédure civile, Déboute la SARL HOTEL des BEAUX ARTS et la SARL ARC de leurs demandes de ce chef, Page 8 Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens d'appel, Autorise les avoués de la cause à recouvrer directement les dépens d'appel dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu de provision conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Le greffier, Le président, . Décision Antérieure Tribunal de grande instance Toulouse du 12 janvier 2010 n° 06/02068 © LexisNexis SA