Travail et syndicalisme
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Travail et syndicalisme sous l'occupation UNIVERSITE INTER-AGES Mercredi 15 octobre 2014 Poitiers / 15 octobre 2014 DEROULE A. Travail et législation du travail entre 1939 et 1944 (1ere séance) B. Le syndicalisme de salariés à l'épreuve (légal/illégal, collaboration/résistance...) (2ème séance) Poitiers / 26 novembre 2013 Travail et syndicalisme sous l'occupation Le monde du travail entre 1939 et 1944 Mercredi 15 octobre 2014 Poitiers / 15 octobre 2014 Travail et syndicalisme sous l'occupation Quelques éléments de chronologie 18/09/1939 : exclusion des communistes de la CGT. 26/09/1939 : dissolution du PC et de 620 syndicats. Janvier 1940 : publication de la Vie Ouvrière clandestine. 24/05/1940 : déclaration CGT-CGPF signée par le ministre du travail prévoyant une collaboration constante et loyale ». 14/07/1940 : René Belin devient secrétaire d’État à la production industrielle et au travail. 16/08/1940 : Loi portant sur l'« organisation provisoire de la production industrielle ». 09/11/1940 : Dissolution de la CGT, de la CFTC, de la CGPF... 15/11/1940 : Manifeste des Douze. 07/12/1940 : 1er numéro de l'Atelier, hebdomadaire du travail français. 28/02/1941 : constitution d'un Comité d'organisation professionnelle en charge de la rédaction de la Charte du travail. Poitiers / 15 octobre 2014 Travail et syndicalisme sous l'occupation Quelques éléments de chronologie 26/05-10/06/1941 : gréve de 100000 mineurs du Nord et du Pas-deCalais. 26/10/1941 : publication de la Charte du travail. 18/04/1942 : Hubert Lagardelle remplace Belin au secrétariat d’État au travail dans le Cabinet de Pierre Laval. 16/02/1943 : création du Service du Travail Obligatoire. 17/04/1943 : Accord du Perreux reconstituant une CGT unique illégale. 20/10/1943 : la CGT clandestine publie un manifeste contre la Charte du travail. 16/03/1944 : Marcel Déat devient Ministre du travail et de la Solidarité nationale. 27/07/1944 : ordonnance rétablissant la liberté syndicale. 10/08/1944 : déclenchement de l’insurrection parisienne. 18/08/1944 : CGT et CFTC lancent l'ordre de grève générale insurrectionnelle. Poitiers / 15 octobre 2014 Travail et syndicalisme sous l'occupation Le monde du travail entre 1939 et 1944 - La Seconde Guerre Mondiale ne peut être résumée à des moments de catastrophes sur le plan économique. - Malgré une baisse grave de la production, la guerre a accentué le développement de branches en extension comme la métallurgie (ou les a sorti du marasme de la crise des années trente). - Les tableaux de l'évolution de la production et de la population active montrent que le niveau de la main d’œuvre se situe légèrement en deçà du niveau de l'avant-guerre, alors que les productions baissent beaucoup plus brutalement, signe d'un rendement et d'une productivité particulièrement médiocres. - Les branches qui échappent à la décrue : métallurgie de transformation, bâtiment, chimie, énergie et bois. - Les branches en déclin : textile et alimentation. - La fonction publique n'a pas régressée du fait de création de nombreuses institutions d'assistance ou de contrôle social, le soutien à la démographie et les visées économiques. Poitiers / 15 octobre 2014 Travail et syndicalisme sous l'occupation Le monde du travail entre 1939 et 1944 Une gestion de la main d’œuvre hésitante - La politique de l'occupant allemand fut hésitante : Fallait-il concentrer la production d'armements sur le territoire français ? C'est la politique des usines R ou S Betriebe dont la maind’œuvre est protégée voire renforcée. Ou, au contraire, fallait-il favoriser la production d'armements en Allemagne ? C'est la politique du S.T.O. Exemple de la construction aéronautique : - Juin 1940 : 250 000 travailleurs (effort de guerre de la France). - Jusqu'à fin 1941, les Allemands ne souhaitent pas relancer une production française, privilégiant leurs propres avions, d'où seulement 34 000 employés en 1941. - Puis relance de la production française dont ils attendent une meilleure productivité des ouvriers : la main-d’œuvre passe alors de 88 000 en 1943 à 100 000 en mai 1944. Ces évolutions sont liées à des effets de zones, à la partition, mais aussi à des effets de conjoncture politique ou militaire. Poitiers / 15 octobre 2014 Travail et syndicalisme sous l'occupation Le monde du travail entre 1939 et 1944 D'autres exemples - Dans la Vienne, toutes les entreprises qui ont connu une croissance de leur main-d’œuvre entre 1938 et 1943 travaillent pour les Allemands à plus de 50 %. - Dans les Côtes-du-Nord, ce sont les chantiers contrôlés le plus souvent par l'organisation Todt qui attirent une main-d’œuvre croissante : 2 000 en mars 1941, 4 000 en août 1942, 7 000 en juillet 1943 et 8 000 en juin 1944. La question qui se pose est la suivante : trouver un emploi pour un ouvrier pendant l'Occupation, c'est de plus en plus souvent accepter de travailler pour l'Allemagne. Il s'agit d'une forme latente de collaboration qui ne peut être entièrement résorbée dans le sabotage ou le freinage. Poitiers / 15 octobre 2014 Travail et syndicalisme sous l'occupation Le monde du travail entre 1939 et 1944 Un recentrage de la main d’œuvre ? L'effet des crises resserre la classe ouvrière autour de son noyau et la rend plus homogène : - la crise des années 30 puis l'occupation entraîne le départ d'immigrés et l'interruption du travail de certaines ouvrières (départ des Italiens, des Nord-Africains, des Polonais et des Espagnols). Dans les faits l'appel à la M.O.E. n'a pas cessé, fortement contrôlée par les G.T.E. créés par Vichy en septembre 1940. -Le Plan Mandel prévoit un appoint de 300 000 coloniaux. Juin 1940 : 20 000 Indochinois étaient ouvriers pour la défense nationale 1941 : 5 000 furent rapatriés, 15 000 vont rester pendant toute la guerre et sont occupés dans les bois par les Allemands (6 000 ouvriers). Il est difficile de parler de resserrement du groupe ouvrier à propos du travail féminin, la politique nataliste (allocation de salaire unique...) contredisant les exigences de main-d’œuvre. Ex. Société Casino : avant-guerre, les femmes représentent 40 % de la main-d’œuvre ; puis 50 % au début de 1940, pour retomber de la fin 1940 à début 1943 à 40 %, puis le taux remonte à 47 % au début 1944, et baisse pour revenir en 1950 à 40 %. Poitiers / 15 octobre 2014 Travail et syndicalisme sous l'occupation Le monde du travail entre 1939 et 1944 Des salaires à la baisse dans une nouvelle géographie industrielle ? - Les salaires baissent même si certaines professions s'en sortent mieux (Ex : O.Q.) - L'écart Paris/Province s'est considérablement atténué. - L'écart entre salaires masculins et féminins a aussi légèrement reculé, tendance lourde et peu spécifique à la période. - Le pouvoir d'achat chute jusqu'à la fin de l'occupation pour se retrouver à un niveau exceptionnellement bas au début de 1944 (au niveau de celui des années 1860...). Une réorganisation de l'espace Ex : décentralisation de Renault au Mans dès 1939-1940 (usine inexistante avant la guerre, près de 1 000 travailleurs en juin 1940) Ex : l'Ariège : des lieux industriels précis focalisent la croissance d'un département en apparence rural. Ex : l'usine métallurgique de Pamiers, les usines d'aluminium de Tarascon et d'Auzet (où en 1946 pour 895 habitants on compte 420 étrangers et 275 nés hors du canton). Des contre exemples : dans l'aviation, les tentatives de délocalisation restent fragiles et la politique allemande finit par privilégier Paris. Poitiers / 15 octobre 2014 Travail et syndicalisme sous l'occupation Le monde du travail entre 1939 et 1944 La part des ouvriers travaillant pour l'Allemagne Sur 3 millions d'ouvriers dans ce cas, près d'un million évoluent dans des entreprises allemandes en France ( Todt, Wehrmacht, usines allemandes d'armement), 800 000 dans les usines S, 200 000 à la S.N.C.F. sur les lignes contrôlées par les Allemands... Les ouvriers travaillant en Allemagne : 700 à 750 000. - les « volontaires », 150 000 partis avant septembre 1942 ou au titre de la célèbre « Relève » (contrat d'1 ou 2 ans puis retour en France). - « les déportés du travail » touchés par 2 textes de Vichy : - loi du 4 septembre 1942 sur l'utilisation de la main-d’œuvre qui peut être contrainte par le gouvernement à exécuter les travaux qu'il juge indispensables. - loi de février 1943 instituant le service du travail obligatoire (S.T.O.) pour les jeunes de 20 à 22 ans. Tous les S.T.O. n'étaient pas d'ailleurs nécessairement envoyés en Allemagne. L'étude du travail en Allemagne et du S.T.O. offre un grand intérêt à propos des mentalités et de la résistance ouvrière, et les réfractaires ont été /longtemps Poitiers 15 octobre 2014 l'objet privilégié des études. Travail et syndicalisme sous l'occupation Le monde du travail entre 1939 et 1944 La part des ouvriers travaillant pour l'Allemagne Le travail en Allemagne a été très important dans les zones industrielles, Nord-Est, Paris, Seine-Inférieure, ou urbaines, Gironde, Haute-Garonne, Bouches-du-Rhône, Rhône, Alpes-Maritimes. Les ouvriers qualifiés ou spécialistes sont les plus demandés : - A la S.N.C.F., les métallos constituent une part considérable des 40 000 partis, au demeurant pas trop nombreux car la S.N.C.F. a évité les ponctions massives. - Dans la Loire, les métallos arrivaient très largement en tête des requis (2 154) contre 385 manœuvres, 292 cultivateurs et 40 mineurs (catégorie particulièrement protégée). - Chez Renault, qui travaillait pourtant en grande partie pour l'Allemagne, 4 500 ouvriers furent envoyés en Allemagne (chez Daimler-Benz le plus souvent) dont 56 % d'O.S., 30 % d'O.Q., 11 % de manœuvres et 3 % de techniciens. - Chez Berliet, classé S pourtant, il y eut 8 % du personnel en S.T.O. Le S.T.O. a ainsi un effet d'accentuation de la tendance à la ruralisation et à la dispersion ouvrières, en enlevant des ouvriers aux régions industrielles et en favorisant les lieux de refuge permettant d'échapper à la déportation (campagne, mines, petites entreprises...). Poitiers / 15 octobre 2014 Travail et syndicalisme sous l'occupation Le monde du travail entre 1939 et 1944 Quelle organisation du travail ? La guerre puis l'Occupation donnent à une partie des industriels une occasion exceptionnelle pour revenir sur les concessions en matière d'organisation du travail consenties face à la pression ouvrière entre 1936 et 1938. Ex. des charbonnages. Dès 1939, les compagnies du Nord-Pas-de-Calais ou du bassin de la Loire ne respectent plus la convention collective du 9 juin 1936 qui avait interdit le chronométrage, les démonstrations d'abattage et la mesure du temps de travail en points Bedaux, interdit aussi le déclassement de mineurs par la maîtrise et rétabli le salaire collectif. En 1942 les compagnies houillères créent la S.O.T.R.A.M. (Société d'études et d'organisation du travail minier) dont les ingénieurs tentent d'accroître la production des mineurs de fond en modifiant l'organisation du travail et le calcul du salaire. Mais la complexité du système de rémunération Bedaux suscite « suspicion et mécontentement des ouvriers », ce qui amène parfois à abandonner sa mise en application. Poitiers / 15 octobre 2014 Travail et syndicalisme sous l'occupation Le monde du travail entre 1939 et 1944 Quelle durée du travail ? La loi des 40 h, acquis du Front populaire, avait été remise en cause dès avant la guerre. Avec la guerre, la journée de travail peut être portée à 11 h et la semaine à 60 h dans toutes les industries (septembre 1939). Mars 1941 : la semaine légale passe à 48 h (loi abrogée en février 1946). Au delà de la législation, la situation du marché du travail et des entreprises joue un rôle : Exemple de Renault : pendant la drôle de guerre le travail est de 60h, puis au moment de l'offensive allemande il est porté à 72 h (60 h pour les femmes). A la reprise du travail en août, la semaine est de 24 heures pour remonter à 30 h à la fin de 1940, 35 h en avril 41, 40 h en juin 41, 48 h en juin 42. Les cheminots : 40 h en 1936, 45 h en mai 39, 60 à 72 h en 1939-1940, 57 h en octobre 1940 et toute la période de Vichy, 48 h en septembre 44 (avec dérogations « exceptionnelles » jusqu'à 60 h). Poitiers / 15 octobre 2014 Travail et syndicalisme sous l'occupation Le monde du travail entre 1939 et 1944 La santé au travail Les accidents du travail semblent se calquer très étroitement sur le mouvement de l'économie : - Ex : A Lyon, pointe de 23/1000 en mai 1940, chute à 8-9 en juilletseptembre 1940, remontée autour de 15-17 en 1941, puis autour de 16-20 en 1943-début 1944 et chute à 9 en septembre 1945... A la S.N.C.F. : le calcul du nombre d'accidents par km/trains laisse même apercevoir une tendance à la baisse (382 en 1932, 250 à 260 de 1939 à 1943, 133 en 1944, 200 en 1945). Les écarts à l'égard de la maladie entre quartier riche et quartier pauvre semble se réduire (ex. à Paris). Paradoxalement le bilan démographique de la Seconde Guerre mondiale ne fut pas catastrophique du fait d'une mortalité relativement stable (sauf en 1940) et une natalité en hausse bien avant le Baby boom et y compris dans les milieux ouvriers (taux de natalité de 14,7 en 1939, 13,7 en 1940,13,2 en 1941, 14,6 en 1942, 15,8 en 1943, 16,2 en 1944, 16,3 en 1945). Poitiers / 15 octobre 2014 Travail et syndicalisme sous l'occupation Le monde du travail entre 1939 et 1944 Le chômage Octobre 1940 : 1 million de chômeurs, avec des situations catastrophiques à Paris, et dans la zone occupée ou interdite en général (120 000 chômeurs dans le textile du Nord, les familles de chômeurs constituent 65 000 des 230 000 habitants du Havre...). Les allocations compensent peu la perte salariale. Il est presque totalement résorbé dans le courant de 1941 (200 000 chômeurs fin 1941) et de 1942 (50 000 à 90 000 chômeurs). - Dans le Loiret une politique de chantiers permet une résorption plus rapide : 3 000 chômeurs en août 40, 300 en décembre 1940. - En Ariège, plus aucun chômeur en juin 1942. L'effondrement des chiffres en 1943-1944 laisse plus incertain : 9 131 chômeurs secourus dans toute la France en mars 1944 alors que la production est jugée médiocre. Il existe des différences territoriales ou professionnelles : suite à l'occupation allemande de la zone Sud, la situation de l'emploi se dégrade au début 1943 pour les marins, dockers, activités commerçantes... Poitiers / 15 octobre 2014 Travail et syndicalisme sous l'occupation Le monde du travail entre 1939 et 1944 Quelle action ouvrière ? L'absentéisme suit au cours de l'Occupation une progression régulière malgré les mesures dissuasives prises par les compagnies comme par l'État. Il est particulièrement fort dans les mines de charbon, et dans la zone Sud (libre) jusqu'à fin 1942. Il peut exprimer une « protestation muette », mais aussi trouver son origine dans la sous-alimentation et la fatigue. Le freinage de la production constitue une pratique plus active. Aux usines Renault de Billancourt, la productivité est au printemps 1942 inférieure de 40 % à son niveau de septembre 1939. Des baisses de rendement sont également patentes dans les mines de fer de Lorraine et dans l'ensemble des mines de charbon. Le départ volontaire de l'entreprise est une autre forme de réaction silencieuse. Jusqu'à l'instauration du S.T.O., il a souvent valeur de refus de la dureté du travail salarié. On trouve des exemples significatifs de turnover dans les mines de fer et les usines sidérurgiques de Lorraine, et dans la région lyonnaise. Poitiers / 15 octobre 2014 Travail et syndicalisme sous l'occupation Le monde du travail entre 1939 et 1944 Quelle action ouvrière ? La grève reste un temps fort de l'action ouvrière. Le recours à la grève est peu fréquent durant la « drôle de guerre », notamment dans les usines d'armement, et il s'interrompt brutalement avec l'offensive allemande de mai 1940, puis augmente après l'instauration du STO. On peut distinguer plusieurs types de grèves : La grande majorité des grèves éclate sur des problèmes de ravitaillement et de pouvoir d'achat. - Peu de grèves durent plus d'une journée. - Parmi les plus longues, la grève des 65 000 mineurs du Nord-Pas-deCalais dure 12 jours en mai-juin 1941, et celle des métallurgistes de Marseille en avril 1944 3 jours. Des grèves de solidarité surviennent, comme à Lyon en octobre 1942 contre le départ forcé en Allemagne de 37 cheminots. Les grèves sont fortes dans les branches industrielles dont l'activité est essentielle pour le régime de Vichy et pour les Allemands. Dans ces secteurs, elles obtiennent des résultats, avant tout sur les salaires. Poitiers / 15 octobre 2014 Travail et syndicalisme sous l'occupation Le monde du travail entre 1939 et 1944 Les politiques publiques du travail Deux temps : Jusqu'à juin 1940, l'extension de l'intervention de l’État est vécue par la majorité des ouvriers comme l'habillage et l'accompagnement d'une détérioration de leur condition sociale. Le blocage des loyers, l'institution d'allocations aux « familles nécessiteuses » ne compensent pas le gel des salaires, le plafond hebdomadaire de travail porté à 60 heures, la reconnaissance aux employeurs d'un droit à modifier de façon unilatérale les conventions collectives et à infliger des amendes pour manque de discipline... Dans un deuxième temps (sous l'Occupation), l'État se trouve amené à renforcer son emprise sur le marché du travail. - Rétablissement des quotas limitant l'emploi de travailleurs immigrés (29 août 1940). - mars 1941, instauration de la retraite des vieux, mesure qui satisfait 1 million de bénéficiaires dès 1941, l,7million en 1944. - octobre 1940 : création d'un réseau d'Offices du travail. - Développement de centres de formation professionnelle, nés pour « intensifier la préparation de la main-d’œuvre utilisable en temps de guerre » : 880 en 1944, accueillant 50 000 élèves. Poitiers / 15 octobre 2014 Travail et syndicalisme sous l'occupation Le monde du travail entre 1939 et 1944 D'autres réformes, d'inspiration corporatiste, touchent les entreprises ellesmêmes : - Création de services médicaux et sociaux (loi du 28 juillet 1942), - Recours aux services sociaux du travail (décret du 14 mai 1943), chargés d'intégrer à l'entreprise femmes, jeunes gens et handicapés. Dans la même perspective d'intégration, le régime de Vichy promulgue des lois permettant d'accroître les salaires ou différentes allocations (dont les allocations familiales). - II accorde aux préfets et aux inspecteurs du travail le pouvoir d'autoriser des dérogations au blocage général des salaires. - Est établi en 1941 un salaire minimum. Cette politique d'intégration fait bon ménage avec une activité de répression. - La Loi du 4 septembre 1942 soumet à l'autorisation de l'inspecteur du travail tout changement d'emploi. - Les préfets ont désormais la charge de prévenir ou d'anéantir, y compris par des arrestations, les infractions à la législation en général, les mouvements revendicatifs en particulier. Poitiers / 15 octobre 2014 Travail et syndicalisme sous l'occupation Quel cadre légal pour le syndicalisme ? Mercredi 15 octobre 2014 Poitiers / 15 octobre 2014 Travail et syndicalisme sous l'occupation Quel cadre légal pour le syndicalisme ? - Les syndicats interdits en 1789 seront progressivement tolérés à la fin de second Empire. - Ils deviennent légaux en 1884 par La Loi Waldeck-Rousseaux : C'est une loi profondément libérale (liberté ou non d'adhérer à un syndicat et aucun mode d'organisation imposé). - Sensiblement modifiée par la loi du 12 mars 1920 (extension de la capacité civile des syndicats). - La Loi de 1884 reste en vigueur jusqu’à la seconde guerre mondiale - Durant les années 1930, le libéralisme syndical est remis en cause avec le renouveau des idées corporatistes : - Autour de l'Action Française favorable au corporatisme d’Ancien Régime. - Autour des admirateurs du fascisme Italien : intégration du syndicalisme dans les rouages de l’État, à l'image Italienne. - Les plus nombreux : évolution vers un corporatisme d'associations à partir des conventions collectives, de l’arbitrage obligatoire, du CNE... Poitiers / 15 octobre 2014 Travail et syndicalisme sous l'occupation Quel cadre légal pour le syndicalisme ? Le Régime de Vichy place ces réflexions au cœur des réformes économiques et sociales. Deux périodes sont à distinguer : Une période de relatif désintérêt : Les premières initiatives concernent l'organisation de la production industrielle ou les associations de fonctionnaires laissant en vigueur la Loi de 1884 La publication de la Charte du Travail : refonte complète du Droit syndical Poitiers / 15 octobre 2014 Travail et syndicalisme sous l'occupation Quel cadre légal pour le syndicalisme ? De la Loi sur l'organisation de la production industrielle à la Charte du travail : La Loi du 16 août 1940 sur « l'organisation provisoire la production industrielle». Elle crée les Comités d'organisation qui ont pour charge dans les branches professionnelles : - Effectuer le recensement des entreprises et de leurs moyens humains et matériels. - Arrêter les programmes de production et de fabrication. - Organiser l’acquisition et la répartition des matières premières. - Fixer les règles concernant les conditions générales de l'activité des entreprises (qualité, emploi de la main d’œuvre...). - Régulariser la concurrence. - Prendre des mesures permettant un meilleur fonctionnement de la branche d'activité. Poitiers / 15 octobre 2014 Travail et syndicalisme sous l'occupation Quel cadre légal pour le syndicalisme ? Les limites des Comité d’organisation : - Ils n'ont pas de rôle social même si quelques actions indirectes abordent cet aspect (formation professionnelle...). - Il s'agit d'une Loi provisoire dans l'esprit du Législateur qui répond à une situation d'urgence liée à la défaite et la débâcle et ne peut incarner à elle seule la politique économique et sociale des nouvelles autorités. - D'un point de vue syndical, les représentants des salariés sont exclus de ce type d'organisation. Le jeu se réduit à une collaboration État-patrons dans la direction des différentes branches d'activité. Ce premier volet de la Loi ne modifie pas le droit syndical en vigueur. Poitiers / 15 octobre 2014 Travail et syndicalisme sous l'occupation Quel cadre légal pour le syndicalisme ? Le second volet de la Loi change totalement la donne et prévoit la dissolution par décret des groupements généraux rassemblant les organisations professionnelles patronales et ouvrières à l'échelle nationale. L'exposé des motifs justifie cette mesure par « un souci d'autorité », les groupements nationaux ayant tendance « à perdre leur caractère professionnel pour prendre un caractère politique ». Le décret du 9 novembre 1940 frappe alors la CGT, la CFTC, la CGPF, le Comité des Houillères, le Comité des Forges... Les syndicats de salariés se divisent durablement entre ceux favorables à la Loi et ceux qui s'y opposent. Poitiers / 15 octobre 2014 Travail et syndicalisme sous l'occupation Quel cadre légal pour le syndicalisme ? La Loi du 15 octobre 1940 : dissolution des syndicats de fonctionnaires remplacés par des associations professionnelles Ces associations uniques mais non obligatoires ne concernent pas les travailleurs de l'État qui peuvent garder leurs organisations syndicales. Elles sont étroitement catégorielles (ex : 6 dans l’enseignement secondaire, 9 au Ministère du travail). Elles ne peuvent regrouper que des fonctionnaires de même cadre ou exerçant des fonctions de même nature. Ces associations : - sont étroitement contrôlées par les pouvoirs publics (qui les agréent mais peuvent aussi les dissoudre). - ont des compétences limitées et d'ordre purement consultatif. - ont néanmoins possibilité d'ester en justice. Poitiers / 15 octobre 2014 Travail et syndicalisme sous l'occupation Quel cadre légal pour le syndicalisme ? Parallèlement à la mise en place de ces textes, le gouvernement de Vichy prépare une loi sur l'organisation sociale des professions. Au sein du gouvernement de Vichy, deux clans aux visions largement antagonistes s'affrontent mais trouveront en définitive dans la Charte du Travail leur place : - Le premier clan défend un corporatisme intégral, basé sur des structures à compétence mixte, économique et sociale. Ex : Le Colonel Cèbe, maurassien, secrétaire du comité d'organisation professionnelle qui prépare la Charte ou encore Marcel Rouhaix et Jean Paillard (ce dernier appartenant à l'Action Française). - Le second clan défend un corporatisme à base syndicale et sa tête de file est René Belin, ancien secrétaire confédéral de la CGT devenu secrétaire d’État à la Production Industrielle et au Travail Poitiers / 15 octobre 2014 Travail et syndicalisme sous l'occupation Quel cadre légal pour le syndicalisme ? La mise en place de la Charte du Travail Rédigée par René Belin, elle fait suite au discours de Philippe Pétain du 1er mars 1941 à Saint-Étienne. Elle permet à l'État de contrôler les corporations (ce qui lui permet de fixer les prix et les salaires), et d'encourager la mise en place et le contrôle de grandes entreprises. Elle prévoit plusieurs modes d'organisation des relations professionnelles : - Les comités sociaux d'établissement devant être créés dans les établissements de plus de 100 salariés. Ils ont pour rôle de : - Aider la direction à régler les questions du travail et de la vie du personnel de l'établissement. - Provoquer un échange d'informations sur les questions intéressant la vie sociale du personnel et des familles. - Réaliser des mesures d'entraide sociale. Ces comités sont constitués par des représentants des différentes catégories de personnel en accord avec le chef d'établissement. Poitiers / 15 octobre 2014 Travail et syndicalisme sous l'occupation Quel cadre légal pour le syndicalisme ? Les autres formes d’organisation des professions : Il offre le choix entre 3 systèmes : 1. Les corporations, dans lesquelles les syndicats sont interdits. Elles ont une double vocation, à la fois économique et sociale. Une fois une corporation constituée, les comités d'organisation correspondant doivent se dissoudre. 2. Les associations professionnelles mixtes (inspirées de l'expérience de l'entrepreneur et ami de Pétain, Jules Verger). Elles ne jouent qu'un rôle social et non économique et les syndicats y sont interdits. Pour créer ces 2 organismes, il faut l'accord de la moitié des membres de chaque catégorie de la profession ou une décision des syndicats intéressés et obtenir un agrément d'une commission interministérielle. Poitiers / 15 octobre 2014 Quel cadre légal pour le syndicalisme ? Poitiers / 15 octobre 2014 Travail et syndicalisme sous l'occupation Quel cadre légal pour le syndicalisme ? 3. Les comités sociaux professionnels A la base, on trouve les syndicats uniques et obligatoires divisés en 5 catégories (employeurs, ouvriers, employés, agents de maîtrise, les ingénieurs, les cadres administratifs et commerciaux). En leur sein, on « prend » les membres des comités sociaux professionnels aux niveaux local, régional et national. Ils sont composés de façon tripartite et leurs compétences sont très larges car prenant en compte : - Le Droit du travail (salaire, convention collective, apprentissage, licenciement, hygiène et sécurité...). - La protection sociale ( chômage, retraites et assurances sociales, entraide et assistance...). Le contrôle de l’État est très prégnant sur les syndicats et les comités sociaux professionnels (nomination des dirigeants des syndicats , présence d'un commissaire du gouvernement dans chaque comité social national). Poitiers / 15 octobre 2014 Travail et syndicalisme sous l'occupation Quel cadre légal pour le syndicalisme ? Poitiers / 15 octobre 2014 Travail et syndicalisme sous l'occupation Quel cadre légal pour le syndicalisme ? La place des syndicats Les syndicats existants (basés sur la Loi de 1884) ne sont pas dissous, ni leurs unions locales et départementales. C'est une différence majeure avec : - l'Allemagne : ils sont supprimés en 1933 au profit d'un Front du travail qui est le relais de la politique nazie en matière sociale dans les entreprises. - l'Italie : des syndicats uniques non mixtes reconnus par l’État sont mis en place en 1926 dans chaque profession). Ils sont démunis du droit de grève, intégrés à l’État et doivent faire preuve d' « une bonne conduite politique». La Charte du travail ne va pas aussi loin. Les syndicats dépendent théoriquement de l’État et leur doctrine doit épouser celle du gouvernement, mais ils ne sont pas conçus comme des courroies de transmission de la Révolution nationale. Leur rôle est essentiellement professionnel, afin d'éviter les supposées déviations politiques du syndicalisme ancien. Poitiers / 15 octobre 2014 Travail et syndicalisme sous l'occupation Quel cadre légal pour le syndicalisme ? La Charte du travail, quels résultats ? - Parmi les institutions créées, seules les comités sociaux d’entreprise ont connu le succès : entre 8000 et 9000 créés sur un potentiel de 9000 entreprises ayant + de 100 salariés. Ce succès est lié à leur rôle en matière de ravitaillement et d'entraide, fonctions qui permettent d'améliorer l'ordinaire des salariés (dont les salaires sont bloqués depuis 1939). Les corporations et les associations professionnelles mixtes sont créées en petit nombre (Août 1944 seulement 14 associations professionnelles et 7 corporations). Par ailleurs des statuts spéciaux ont pu émerger (personnel des chemins de fer, artisanat). Les comités sociaux d'entreprises au niveau national sont un échec : un seul comité dans les mines. Poitiers / 15 octobre 2014 Travail et syndicalisme sous l'occupation Quel cadre légal pour le syndicalisme ? Les raisons d'un échec : - Guerre des clans entre traditionalistes et ministère du travail et opposition entre ministres du travail qui se succèdent. - Opposition des syndicalistes aux syndicats uniques, base du système : - Création de seulement 1749 syndicats sur un objectif de 15000. - Ce sont fréquemment des coquilles vides, sans réels fonctionnement, les membres ne sont pas au courant de leur nomination. Ce retournement des syndicalistes (CGT, CFTC...) qui prônent majoritairement « une politique de présence » se fait progressivement à partir du mitan de 1942 suite à 2 décrets obligeant les syndicats existants à se fondre dans le système global. Les syndicats du type 1884 restent plébiscités et font l'objet d'entrisme. Poitiers / 15 octobre 2014 Bibliographie indicative - Christian Chevandier, Jean-Claude Daumas (dir.), Travailler dans les entreprises sous l'occupation, Presses universitaires de Franche-Comté, 2007. - Alain Beltran, Robert Franck, Henry Rouso (dir.), La vie des entreprises sous l'occupation, Belin, 1994. - Jean-Pierre Le Crom, Syndicats nous voila! Vichy et le corporatisme, L'Atelier, 1995. - Olivier Dard, Jean-Claude Daumas, François Marcot (dir.), L'Occupation, l’État français et les entreprises, Paris, ADHE, 2000. - Michel Margairaz, Danielle Tartakowsky (dir.), Le syndicalisme dans la France occupée, Presses Universitaires de Rennes, 2008. - Denis Peschanski, Jean-Louis Robert, (dir.), Les ouvriers en France pendant la Seconde Guerre mondiale, CRHMSS/IHTP, CNRS, 1992. - Renaud de Rochebrune, Jean-Claude Hazera, Les Patrons sous l’occupation, Odile Jacob, 1995, réed 2013. - Danièle Rousselier-Fabroulet, Les Entreprises sous l'occupation, le monde de la métallurgie à Saint Denis, CNRS Éditions, 1998. - Carole Saudejaud, Le syndicalisme chrétien sous l'occupation, Perrin, 1999. Poitiers / 15 octobre 2014