En savoir plus - Ville de Phalsbourg
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SOURCES Lévy (1877-1955) », Bulletin de la Société géologique de France, 6 e série, t. IV, année 1956, pp. 597-621 ; collections privées de la famille Michel-Lévy : correspondance, photographies. Louis de Launay, « Biographie de Auguste Michel-Lévy. Notice lue à l’Académie des sciences dans la séance du 8 décembre 1913 », Annales des Mines, mars 1914 ; Jean Orcel, « Albert Michel- ◆ Mathilde Salomon, pédagogue et pionnière de l’éducation féminine (Phalsbourg, 14 décembre 1837 – Paris, 15 septembre 1909) — D’après Collège Sévigné, Le Livre du centenaire, op. cit.. F ille de Léopold Salomon, boucher à Phalsbourg, et de son épouse Élise Hélène Aron, membre d’une vaste famille installée à Phalsbourg depuis le XVII e siècle et essaimée ensuite dans l’ensemble de l’Alsace et de la Lorraine, Mathilde Salomon fut une femme d’action et une éducatrice de premier plan, très engagée dans la promotion de l’instruction féminine, chère aux milieux républicains avancés des années 1860-1880. Mathilde Salomon – 129 On sait peu de choses sur sa jeunesse et sa formation. Ses débuts dans la vie, nous dit-on, ne furent pas faciles : aînée de dix enfants, elle était minuscule et bossue. Ceux qui l’on connue à l’âge adulte ou dans sa vieillesse vantent son visage agréable, ses yeux pénétrants, son élégance impeccable, mais soulignent aussi sa lutte constante contre l’infirmité qui contribuait sans doute à lui donner un air sévère. Sa santé fut toujours fragile. Thérèse Maurette-Dupuy, qui fut son élève, évoque « un esprit dans un semblant de corps ». Cependant elle obtint dans sa ville natale son brevet supérieur, seul titre qu’une femme pouvait acquérir à l’époque. Montée à Paris en 1855 – elle a 18 ans –, Mathilde Salomon y poursuit des études, parvenant suivant la légende à suivre des cours réservés en principe à la gent masculine. Elle y acquiert une culture essentiellement littéraire, sans avoir eu accès toutefois aux « humanités », c’est à dire à l’étude des langues anciennes, réservée alors aux garçons. Toute sa vie, elle devait marquer une prédilection pour l’histoire, associée à la morale, la langue et la littérature françaises, ainsi que pour les langues vivantes. Elle commence ses activités d’enseignement dans la capitale en 1858. Isolée, elle vit péniblement de ressources aléatoires tirées de leçons dispensées chez des particuliers ou dans des institutions médiocres, ou encore d’emplois peu valorisants d’institutrice dans l’enseignement privé. Lorraine très patriote, elle fut très affectée par la défaite de 1870, le bombardement, puis la cession de 130 – Dictionnaire Phalsbourg à l’Allemagne en 1871. Sans hésitation, elle souscrit le 28 juin 1872 un certificat d’option pour la nationalité française à la mairie du 17e arrondissement de Paris, de même que ses sœurs Fanny et Anna, domiciliés à l’époque à la même adresse. Son désir de donner aux femmes de France une bonne éducation trouve en partie sa source dans ce désastre : comme Ernest Renan et bien d’autres, elle attribue la défaite aux insuffisances de la formation de la jeunesse française, celle des garçons et plus encore celle des filles, jusqu’alors largement abandonnée à l’Église. En 1883, un ami normalien, Raoul Frary, la présente à Frédéric Passy et au philologue Michel Bréal, professeur au Collège de France et président de la Société pour l’étude des questions d’enseignement secondaire créée en 1879 : ces Républicains patriotes et militants de l’éducation laïque, membres de la Société pour la propagation de l’instruction parmi les femmes, à la recherche pour leurs propres enfants d’établissements correspondant à leurs vœux, ont fondé les années précédentes deux établissements libres et laïques : l’École alsacienne destinée aux garçons, puis, peu de temps avant le vote de la loi Camille Sée qui fonde officiellement l’enseignement secondaire des filles (21 décembre 1880), son pendant féminin : le collège Sévigné. Ils lui proposent de reprendre la direction de ce dernier établissement, que vient d’abandonner Marie de Marchef-Girard, une femme de lettres. Dès lors cette femme de 46 ans se consacre à cette institution qu’elle dirige jusqu’à sa mort, soit 26 ans durant. Elle habite et mourra du reste 10 rue de Condé (6e), dans les locaux, d’ailleurs fort malcommodes, qu’occupe alors le Collège. La question des finances sera toujours pour elle un fardeau, qui ne s’allège qu’à compter de 1904. Le Collège est administré jusqu’en 1887 par la société fondatrice, mais elle prend ensuite le relais, « seule en charge désormais, avec ses propres deniers, du Collège ». Le déficit est chronique malgré l’aide consentie par le ministère de l’Instruction publique et par la Ville de Paris, respectivement à partir de 1890 et de 1897. Année après année, la survie de l’établissement dépend des dons, des mesures d’économies et de l’écot payé par les pensionnaires. Mais c’est à la vie du Collège, à la pédagogie, à la promotion féminine par l’instruction qu’elle se consacre surtout avec une passion communicative. Elle s’entoure d’une équipe de professeurs de grande qualité qui sont souvent ses amis (les philosophes Frédéric Rauh et Émile Chartier alias Alain, Albert Thomas qui enseigne l’histoire, Salomon Reinach) et qui dispensent sous sa houlette un enseignement ambitieux. De même que les lycées publics de filles qui, à l’origine, ne préparent pas au baccalauréat, le collège Sévigné ne présente d’élèves à aucun examen en particulier. Il était simplement entendu que le niveau devait permettre à une élève moyenne de passer le brevet supérieur sans difficultés. Mais plus tard, notamment à partir de 1905, Mathilde Salomon organise en vue du baccalauréat une préparation régulière de latin – pour lequel un apprentissage accéléré est mis en place – et de langues, le premier baccalauréat littéraire sans épreuve de grec ayant été créé en 1902. Le succès de cette initiative contribua à l’introduction dans les programmes des lycées de filles des lettres anciennes, puis de la philosophie, et enfin des sciences. Elle prône l’étude des langues vivantes – thème d’une conférence qu’elle donne en 1894 à la Salle des Sociétés savantes –, et les élèves de Sévigné, dès la plus petite classe, étudient l’allemand une heure par jour, l’anglais étant introduit plus tard dans le cursus. Mais en règle générale elle se montre toujours prête à alléger les programmes et à dégager du temps libre l’après-midi, car son but est moins de farcir les jeunes têtes de connaissances que de développer le goût de la lecture et la réflexion. Enfin elle ne croit ni aux sanctions ni aux récompenses. La contribution de Mathilde Salomon a la formation des enseignantes n’est pas moins importante : en 1885, elle a ouvert, à côté de l’enseignement secondaire, des cours du soir pour permettre à des jeunes filles de préparer le certificat d’aptitude, l’examen d’entrée à l’École de Sèvres, la seule institution d’enseignement supérieure formant à l’époque les filles au professorat, à l’agrégation ou encore à l’École des Chartes. Par ailleurs la préparation que dispense Sévigné pour les agrégations d’anglais et d’allemand complète celle de la Sorbonne. Enseignant elle-même à l’occasion l’histoire et la morale aux très jeunes filles de son établissement, elle publie Mathilde Salomon – 131 quelques articles sur les problèmes de l’enseignement, une étude (introuvable) sur Rosa Bonheur, et surtout deux manuels d’histoire et de morale en 1884 (introuvable également) et en 1893 pour les écoles primaires supérieures de jeunes filles. Elle est guidée par l’idée que « l’objet de l’histoire de France n’est pas tant de donner à des esprits si tendres des notions complètes et définitives sur les péripéties de notre histoire nationale que de faire goûter l’Histoire de France et de faire chérir la patrie. On ne s’est proposé de n’enseigner rien que de juste et de vrai, d’éveiller les sentiments qui, plus tard, devront inspirer la conduite et soutenir les cœurs ». Chez elle le patriotisme s’allie, comme chez tous ses contemporains israélites, à un attachement farouche aux valeurs de liberté et de dignité humaine qui se confondent dans son esprit avec l’idée qu’elle se fait de la France. Agnostique, elle enseigne une morale « simple et droite », laïque, austère, fondée sur le libéralisme, la tolérance, la générosité. Là réside, selon elle, « la science du bonheur ». Naturellement, elle paye d’exemple. Elle a participé à la fondation et à l’administration d’œuvres philanthropiques comme L’Abri, société de secours et de maisons familiales de repos pour le personnel de l’enseignement, de patronages pour enfants et adolescents. À ses obsèques, le 17 septembre 1909, Paul Dupuy, secrétaire général de l’École normale supérieure et père d’élève, saluera sa « force morale » tandis qu’Alain voit en elle un « Marc Aurèle de notre temps ». 132 – Dictionnaire Ce dernier souligne par ailleurs sa « liberté de jugement ». Un seul exemple : « Il n’est pas prouvé, qu’il y ait des races inférieures : il y a des degrés différents de civilisation », écrit-elle à une époque où la notion de race est chose courante dans le discours savant comme dans le langage commun. Sa réputation et son ascendant moral lui valent d’être, en 1892, la première femme appelée à siéger au Conseil supérieur de l’instruction publique comme représentante de l’enseignement libre (le mandat est de 4 ans), puis d’être, par décret du 11 octobre 1906, la première femme de France nommée à titre civil au grade de chevalier dans l’ordre de la Légion d’honneur. La décoration lui fut solennellement remise le 22 octobre 1906 à Paris des mains de Frédéric Passy, membre de l’Institut. Habitée comme elle l’était de la passion de la France et de la Justice, on imagine combien l’affaire Dreyfus put assombrir ses dernières années. Cette « tragédie », selon ses propres mots l’envahit de dégoût et de découragement et, après l’Affaire, elle ne fut « plus tout à fait la même ». Dreyfusarde, elle devint membre du comité central de la Ligue des droits de l’Homme. Elle sortit de l’épreuve plus que jamais convaincue de la nécessité de lutter contre l’ignorance et les injustices quelles qu’elles soient, ce qui la détermina à introduire dans les programmes du Collège des notions sur les problèmes sociaux du moment. L’Affaire semble aussi l’avoir rapprochée d’un judaïsme qui, jusque-là, paraît n’avoir pas compté dans sa vie. Le 30 octobre 1904, Les Cahiers de la Quinzaine de Charles Péguy publient en effet, traduite par ses soins, une nouvelle de l’écrivain britannique juif et sioniste, Israël Zangwill, intitulée Chad Gadya, récit poignant du retour d’un jeune Juif assimilé dans sa famille à Venise pour Pessah, du réveil de son identité juive au contact des rites ancestraux, puis de son suicide. Il est probable qu’entre Mathilde Salomon et Péguy le truchement ait été un professeur d’anglais de Sévigné dont elle était, paraît-il, la « proche parente » : Gaston Raphaël. Frère de Blanche Raphaël, le grand amour platonique de Péguy, celui-ci gravitait dans le cercle des Cahiers auxquels il venait de donner un numéro, Le Rhin allemand (VI, 19, 26 mai 1903). Ce texte révéla Zangwill au public français. Il imprima surtout une marque profonde sur le jeune André Spire. « C’est en 1904, écrit-il bien plus tard à Marc Jarblum en évoquant la figure d’I. Zangwill, que j’ai lu son admirable Chad Gadya dans la traduction française de Mathilde Salomon […]. C’est l’émotion où m’a plongé cette lecture qui a révélé mon âme juive en train de se dissoudre ». En 1926, dans L’Univers israélite, il insistait déjà sur le fait que, « répandu dans les milieux juifs [dans la traduction de Mathilde Salomon], Chad Gadya eut une influence considérable. Il agit à la manière d’un retour, d’une conversion. Des jeunes Juifs se mirent à étudier l’histoire juive, les romans juifs, la vie du ghetto, la vie des grands idéalistes juifs ». Selon certains témoignages, Mathilde Salomon elle-même n’aurait pas été insensible au sionisme ; elle compte en tout cas parmi ses amis des adeptes de ce mouvement : ainsi l’avocat Yehuda Tchernoff (1873-mort en déportation) et Myriam Schach (18671956), professeur agrégé d’allemand, tous deux Juifs russes immigrés en France. Quoi qu’il en soit, elle ne fut pas une sioniste active. Jules Salomon, son frère et exécuteur testamentaire né en 1852 à Phalsbourg, respecta ses dernières volontés en remettant gratuitement le Collège Sévigné entre les mains des professeurs formés en une société coopérative ; libres d’élire une directrice de leur choix, ils portèrent leur choix sur Thérèse Sance, sa fidèle collaboratrice depuis de longues années. À ses obsèques qui se déroulèrent « au milieu d’une grande affluence », Michel Bréal, membre de l’Institut, tint à lui rendre hommage. Catherine Nicault ŒUVRES Mathilde Salomon, À nos jeunes filles. Lectures et leçons familières de morale, d’après le programme des Écoles primaires de jeunes filles, Paris, Léopold Cerf, 1893, viii, [9] – 144 p. ; Israël Zangwill, Chad Gadya, traduction de Mathilde Salomon, in Les Cahiers de la Quinzaine VI, 3, 30 octobre 1904. Mathilde Salomon – 133 SOURCES Archives nationales, LH/2450/50 (dossier d’attribution de la Légion d’honneur à Mathilde Salomon), et BB/31/407 (fiche individuelle d’option de M. Salomon pour la nationalité française). Central Zionist Archives, A 303/16, lettre d’André Spire à Marc Jarblum, en date du 8 août 1963. Univers israélite, 57e année, 20, 1er juillet 1892, p. 663 (annonce de sa nomination au Conseil supérieur de l’Instruction publique) ; 62e année, 5, 19 octobre 1906, p. 53 (annonce de sa nomination dans l’ordre de la Légion d’honneur) ; 65 e année, 2, 24 septembre 1909, pp. 54-55 (nécrologie). André Spire, « La renaissance juive en France », Univers israélite, 5e année, 16, 24 décembre 1926, pp. 485487. Françoise Mayeur, L’Éducation des filles en France au XIX e siècle, Paris, Hachette, 1979. Collège Sévigné, Le Livre du Centenaire, 1880-1980, Paris, Fernand Nathan éditeur, 1982. Yehuda Tchernoff, Dans le creuset des civilisations, Paris, Rieder, 1936-1938, t. 2 : Le Destin d’un émigré, p. 138, note 28. Henri Guillemin, Charles Péguy, Paris, Seuil, 1985, p. 415. ◆ Henri Schilli, rabbin (Offenbourg, Allemagne, 22 mai 1906 – Paris, 20 mai 1975) — F ils de Max Schilli, artisan peintre, né à Gegenbach dans le duché de Bade en juillet 1878, et de Serrette (Sarah) Kaufman née à Wolfisheim (Bas-Rhin) en 1875, il perd son père à l’âge de six ans (ce dernier, parti aux États-Unis, y meurt brusquement). Sa mère, qui exerce le métier de couturière pour élever ses deux enfants, l’emmène à Obernai où elle vient rejoindre certains de ses frères, mais elle meurt en 1918 de la grippe espagnole. Il est alors placé à l’orphelinat « Les Cigognes » de Haguenau, ville où habite un autre des ses oncles. De son séjour en Alsace il gardera un grand attachement à l’étaColl. particulière. 134 – Dictionnaire