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L’Encéphale (2010) 36S, D59—D72
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
journal homepage: www.em-consulte.com/produit/ENCEP
ÉPIDÉMIOLOGIE
Facteurs associés à l’adéquation des traitements
de l’épisode dépressif majeur en France
Factors associated with treatment adequacy of major depressive
episodes in France
X. Briffault a,∗, Y. Morvan b, F. Rouillon c, R. Dardennes c, B. Lamboy d
a
CESAMES CNRS UMR 8136, Inserm U611, université Paris-Descartes, 45, rue des Saints-Pères, 75006 Paris, France
ED261, CMME, institut de psychologie, hôpital Sainte-Anne, université Paris-Descartes, Paris, France
c
CMME, hôpital Sainte-Anne, université Paris-Descartes, Paris, France
d
Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes), Saint-Denis, France
b
Reçu le 27 novembre 2007 ; accepté le 24 octobre 2008
Disponible sur Internet le 12 mai 2009
MOTS CLÉS
Dépression ;
Adéquation des
traitements ;
Secteur de recours ;
Variables associées
∗
Résumé La proportion de traitement non adéquat parmi les personnes présentant un épisode
dépressif majeur (EDM) est importante d’après les études disponibles. L’objectif de cet article
est d’identifier quels sont les facteurs associés à l’adéquation des traitements de la dépression
en France. On cherchera en particulier à savoir si le fait de recevoir un traitement adéquat
est associé au fait d’avoir recours à un type de professionnel donné et à mettre en évidence
l’effet spécifique du type de recours sur l’adéquation des traitements en contrôlant l’effet des
variables sociodémographiques et cliniques. Les données sont issues d’une enquête épidémiologique nationale en population générale réalisée en 2005 (Baromètre santé 2005, n = 16 883) par
l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé. Le niveau d’adéquation des traitements est plus élevée chez les femmes, les troubles sévères, les personnes habitant en région
parisienne ou Centre-Est et plus faible chez les étudiants. En contrôlant l’effet des variables
sociodémographiques et cliniques, la probabilité de recevoir un traitement adéquat augmente
avec le recours au secteur spécialisé, uniquement ou conjoint à un recours au généraliste.
Les personnes en retraite et les autres inactifs ont une probabilité plus élevée de recevoir
un traitement adéquat. Habiter dans les régions méditerranée, parisienne ou Centre-Est est
significativement associé au fait de recevoir un traitement adéquat de la dépression. Enfin, la
sévérité des troubles dépressifs augmente également la probabilité de recevoir un traitement
adéquat.
© L’Encéphale, Paris, 2009.
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (X. Briffault).
0013-7006/$ — see front matter © L’Encéphale, Paris, 2009.
doi:10.1016/j.encep.2008.10.012
D60
KEYWORDS
Depression;
Treatment adequacy;
Sector of recourse;
Associated factors
X. Briffault et al.
Summary
Introduction. — Level of treatment inadequacy amongst people suffering from a major depressive episode (MDE) remains an important issue in the literature. Moreover, from a public health
perspective, it’s important to know how this situation can be improved.
Aim of the study. — The objective of this study was to identify which factors are associated with
adequate treatment for depression in France. A More specific objective was to investigate if
being adequately treated is associated with the type of health care professionals consulted
and, furthermore, to test the specific effect of providers taking sociodemographic and clinical
variables into account.
Method. — This study was carried out from the data of the Health Barometer 2005, a random
survey on various health topics. Thirty thousand five hundred and fourteen individuals from 12
to 75 years old were interviewed by telephone from October 2004 to February 2005. Depressive
disorders were assessed by a standardized tool (CIDI-SF) according to the classification of the
DSM-IV (16,883 individuals had answered the questions of mental health: 60% of the individuals
aged 15 or older).
Results. — Levels of treatment adequacy are higher for women, more severe disorders, and for
people living in Paris or Central Eastern regions. They are lower for students. Significant differences were found between types of professionals and levels of treatment adequacy. They are
higher for psychiatrists than for psychologists and psychotherapists and higher than for general
practitioners. Lowest levels of adequate treatment were found for depressed people who used
services without considering this recourse being for ‘‘mental health reasons’’. There are also
some significant differences in sociodemographic and clinical patient characteristics between
health care professionals. The population of depressed people consulting without ‘‘mental
health reasons’’ is older and less educated. The population of depressed people consulting a
psychiatrist suffers from more severe disorders and is more educated than those consulting a
general practitioner. The population of depressed people consulting a psychologist or a psychotherapist is younger and more educated. Taking sociodemographic and clinical variables into
account, the probability of receiving an adequate treatment increases when using specialized care only, or conjointly with the primary care sector. To be retired and to be yet another
‘‘inactive’’ is associated with better treatment adequacy, as is living in Mediterranean, Paris or
Central Eastern regions. Severe MDE also increases the probability of being adequately treated.
Discussion. — Levels of treatment adequacy differ between health professionals, even when
sociodemographic characteristics of their patients and the severity of their disorders are
controlled; specialized care, in particular when associated with primary care use of services,
is correlated with the highest rates of adequate treatments, and should therefore be recommended. Geographical areas are associated with adequation of treatments, but not with use of
healthcare systems. This suggests that disparities in the organization of the healthcare systems
and in the collaboration between professional might exist in the different areas.
© L’Encéphale, Paris, 2009.
Introduction
L’importance des troubles psychiques et de leur prise en
charge est reconnue [12]. Parmi les troubles mentaux, la
dépression est certainement l’un de ceux qui a le plus
d’impacts social, économique et personnel [23]. En France,
on sait peu de choses sur les caractéristiques des personnes
qui consultent, les traitements qu’elles reçoivent et le
rôle des professionnels dans leur adéquation. Deux grandes
enquêtes épidémiologiques [13,39] ont évalué l’adéquation
des traitements de la dépression en utilisant une définition d’un traitement « minimalement adéquat ». Il s’agit
d’une prise d’antidépresseurs d’au moins deux mois, accompagnée d’au moins quatre visites chez un psychiatre, un
généraliste ou un autre médecin, ou d’au moins huit
séances de psychothérapie avec un psychologue ou un psychiatre d’une durée minimum de 30 minutes par séance.
Avec cette définition, seules 35,8 % de personnes sont
adéquatement traitées en Espagne et 37,5 % aux ÉtatsUnis.
Plusieurs raisons peuvent expliquer l’absence de traitements adéquats chez les personnes présentant un épisode
dépressif. La mise en œuvre d’un traitement et son adéquation sont influencées par plusieurs facteurs parmi lesquels :
les caractéristiques du patient, les caractéristiques du
médecin, la relation du médecin avec le patient, le système
de soin et l’interaction du médecin avec celui-ci, les normes
sociales et les discours des médias [31]. L’adéquation des
traitements ne peut donc pas être imputée a priori aux
seules caractéristiques des professionnels ou des patients,
mais s’inscrivent nécessairement dans un système. Parmi les
facteurs associés au patient, les représentations associées à
la maladie doivent êtres prises en considération [18,19,28].
Il est important également de prendre en considération les
représentations que les patients associent aux professionnels et les rôles et les compétences qu’ils leur attribuent
Facteurs associés à l’adéquation des traitements de l’épisode dépressif majeur en France
[6]. On sait par ailleurs que les populations qui consultent
des généralistes pour raison de santé mentale sont différentes de celles qui consultent des spécialistes [34,37]
et que le dialogue avec elles sur la question des troubles
mentaux peut être plus difficile [6,14]. C’est d’autant plus
important que les troubles dépressifs non reconnus par les
généralistes sont moins évidents à reconnaître, présentant
par exemple une symptomatologie moins typique, moins
d’humeur dépressive et de reconnaissance des troubles [27].
Ces facteurs concourent ainsi à rendre plus difficiles la
détection des troubles et la prescription de traitements
adéquats par les généralistes [29,41]. Par ailleurs, certaines variables telles que le sexe, le niveau de diplôme,
le statut marital et la taille d’agglomération peuvent être
associées à l’adéquation des traitements reçus [39], ainsi
que le niveau d’éducation, le lieu de vie et l’état de santé
générale [13]. D’autres facteurs sont liés plus spécifiquement aux professionnels eux-mêmes. Leurs représentations
des troubles mentaux et du patient jouent un rôle important. Ainsi, ceux des médecins qui sont plus sensibles au
comportement non-verbal du patient ont davantage tendance à poser un diagnostic psychiatrique, tandis que ceux
qui ont tendance à considérer que les patients sont responsables de leur dépression, l’exagère ou la prolonge (en raison
des bénéfices secondaires supposés), ont une propension
inverse et détectent moins bien les troubles psychiatriques
[29]. Les connaissances psychopathologiques du médecin et
ses savoir-faire relationnels et thérapeutiques jouent également un rôle majeur [47], comme son expérience [41].
Leurs représentations des traitements efficaces peuvent
également expliquer une part importante des stratégies thérapeutiques choisies. Les généralistes ont ainsi tendance à
penser que la psychothérapie ne peut remplacer la prescription d’un antidépresseur, voyant davantage celle-ci comme
un traitement adjuvant [3]. Ils invoquent fréquemment la
durée réduite de la consultation comme argument en faveur
de la difficulté à prendre en charge et à diagnostiquer
la dépression [45]. Certains verraient en effet la gestion
des patients souffrant de dépression comme une contrainte
majeure [42] et engendrant une charge particulière [46].
De fait, pour les personnes souffrant de problèmes psychologiques, des consultations plus longues sont associées à une
meilleure détection de ces problèmes [16]. La coordination
des soins entre secteur primaire et secteur spécialisé est
également un facteur important ; le fait qu’un patient soit
suivi à la fois en secteur primaire et en secteur spécialisé
augmente l’adéquation des traitements pharmacologiques
pris tandis que celle-ci est plus faible lorsque les patients
sont vus en secteur primaire uniquement [20]. Les représentations que les généralistes ont du secteur spécialisé et
le soutien logistique disponible pour le fonctionnement des
réseaux de soin [43] sont donc des facteurs importants pour
une bonne coordination entre ces deux secteurs [44].
Cadre et objectifs de l’étude
L’objectif de cet article est d’identifier, en analysant les
données du Baromètre santé 2005 de l’Inpes, les facteurs
associés à l’adéquation des traitements de la dépression en
France. On cherchera en particulier à savoir si le fait de
recevoir un traitement adéquat est associé au fait d’avoir
D61
recours à un type de professionnel donné et à mettre en
évidence l’effet spécifique de chacun des professionnels
sur l’adéquation des traitements en contrôlant l’effet des
variables sociodémographiques et cliniques.
Méthode
Les données analysées sont issues du Baromètre santé
2005, une enquête de santé en population générale récurrente, réalisée en France tous les cinq ans par l’Inpes.
En 2005, l’enquête a été réalisée auprès de 30 514 personnes âgées de 12 à 75 ans parlant le français. Les données
ont été recueillies par téléphone du 10 octobre 2004 au
12 février 2005 par des enquêteurs préalablement formés.
Les numéros de téléphones ont été générés de manière aléatoire afin d’obtenir une base contenant des numéros de
foyer disponibles sur les annuaires (listes blanches) ou non
(listes rouges) ou de personnes ne disposant que d’un téléphone mobile (mobile exclusif). Une fois le foyer contacté,
l’individu interrogé a été sélectionné selon la méthode anniversaire — personne dont la date d’anniversaire à venir
est la plus proche de la date de l’entretien téléphonique.
L’enquête s’est déroulée tous les jours de la semaine (sauf
le dimanche) de 16 heures à 21 heures et de dix heures à
18 heures le samedi. La durée moyenne du questionnaire a
été de 40 minutes. Une société de surveillance était présente durant l’enquête afin de vérifier la bonne passation du
questionnaire et la régularité de la procédure de sélection
des individus au sein du ménage. Les données présentées
ont ensuite été redressées selon les données du recensement national Insee 1999 sur les variables sexe, âge, région
et taille d’agglomération [22].
Les données utilisées sont issues de deux des 17 sections thématiques (« Santé mentale » et « Consommation de
soins ») du Baromètre santé 2005. Les questions de la section santé mentale ont été posées à un sous-échantillon
aléatoire représentant 60 % des personnes âgées de plus de
15 ans (n = 16 883, 16 710 après redressement). Les variables
portant sur les épisodes dépressifs majeurs (EDM) présents
dans les 12 mois précédant l’enquête, ont été déterminées à
partir des questions du CIDI-SF, version courte du CIDI développée par l’OMS en 2002 [1] et des critères du DSM-IV [5].
L’intensité des EDM a été évaluée à partir du nombre de
symptômes et du retentissement sur les activités habituelles
selon les critères du DSM-IV.
Concernant le « recours aux soins », deux questions
portant sur le « recours à des professionnels » ont été
posées, l’une portant spécifiquement sur les motifs
« psychologiques » et l’autre sur les motifs de « problèmes
liés aux substances » :
• « Au cours des 12 derniers mois, avez-vous consulté
un professionnel comme un médecin, psy, thérapeute,
infirmière, assistante sociale, religieux, etc. pour des
problèmes émotifs, nerveux, psychologiques ou des problèmes de comportement ? Si oui lequel ou lesquels ? » ;
• « Au cours des 12 derniers mois, avez-vous consulté
un professionnel comme un médecin, psy, thérapeute,
infirmière, assistante sociale, religieux. . . etc. pour des
problèmes de consommation d’alcool et de drogue ? Si oui
lequel ou lesquels ? ».
D62
Une réponse positive à l’une ou l’autre des deux questions définit le recours au professionnel mentionné « pour
raison de santé mentale ». Concernant les traitements, le
recours à la psychothérapie a été évalué par les questions
suivantes :
« Au cours des 12 derniers mois, vous avez demandé de
l’aide pour des problèmes émotifs, nerveux, psychologiques ou des problèmes de comportements. Quel type
d’aide avez-vous reçu ? ». Dans le cas ou l’aide reçue est
une psychothérapie : « Poursuivez-vous une psychothérapie encore actuellement ? Depuis combien de temps
dure-t-elle/Combien de temps a-t-elle duré ? ».
Les traitements psychotropes consommés ont été évalués
par les questions suivantes :
« Au cours des 12 derniers mois, avez-vous déjà
pris des antidépresseurs, des anxiolytiques, des thymorégulateurs, des somnifères ou hypnotiques, des
neuroleptiques ? Si oui lesquels ? », « En prenez-vous toujours actuellement ? (Depuis) Combien de temps en
(prenez-vous) avez-vous pris ? ».
Une liste précodée non exhaustive a été utilisée dans
le questionnaire du Baromètre santé 2005 pour les antidépresseurs et les anxiolytiques. Les noms de médicaments
suivants étaient listés : Anafranil® , Athymil® , Deroxat® ,
Divarius® , Floxyfral® , Laroxyl® , Prozac® , Seropram® et
« autres » pour les antidépresseurs ; Buspar® , Lexomil® ,
Temesta® , Valium® , Xanax® et « autres » pour les anxiolytiques.
Les personnes déclarant avoir eu « recours à des traitements psychotropes sans pour autant déclarer de recours à
un professionnel pour raison de santé mentale » durant la
période considérée ont été incluses dans une définition élargie du recours aux soins, qui inclut donc les personnes ayant
eu recours à un professionnel pour raison de santé mentale
et celles ayant eu recours à des psychotropes sans recours
à un professionnel pour raison de santé mentale déclarée.
Cette dernière population est constituée de personnes qui
ont consommé des psychotropes mais soit :
• ont consulté un professionnel durant la période considérée, mais ne se reconnaissent pas dans la formulation
« pour raison de santé mentale » ou refusent de répondre ;
• ont eu recours à un professionnel avant les 12 mois
considérés dans l’enquête et ont poursuivi le traitement
prescrit durant cette période (par exemple prescription
pour une durée de trois mois) ;
• ont consommé des psychotropes en automédication,
qu’ils aient obtenus les produits auprès de proches ou par
des moyens détournés (achat sur Internet).
Ainsi, « le recours aux soins » a été opérationnalisé
comme étant le recours pour raison de santé mentale à
un professionnel quel qu’il soit dans l’année de l’enquête
ou la prise d’un psychotrope sans recours à un professionnel pour raison de santé mentale déclarée sur la
même période. Les différents types de professionnels auxquels les personnes souffrant de dépression ont eu recours
ont été regroupés de la manière suivante : le « recours
à un professionnel quelconque » est défini comme le
X. Briffault et al.
recours à un « professionnel compétent » (cf. infra) ou à
un « professionnel non-spécialiste de la dépression ». Le
« recours à un professionnel compétent » est défini comme
le recours à « un médecin généraliste », « un psychiatre »
ou « un « psy » non-psychiatre » (psychologue ou psychothérapeute ni psychologue ni médecin1 ). Le « recours à un
professionnel non-spécialiste de la dépression » est défini
comme le recours à un « professionnel diplômé d’État d’une
autre discipline » (autre médecin spécialiste, infirmière,
kinésithérapeute, travailleurs sociaux, autres professions de
santé) ou le recours à un « professionnel non diplômé d’État »
(spécialiste non-médecin des médecines douces, médecine
traditionnelle, religieux, autres thérapeutes, NSP).
Dans cet article, le « recours à un professionnel »,
quel qu’il soit, s’entend toujours « pour raison de santé
mentale », le fait de n’avoir pas eu « recours à un professionnel » selon cette définition n’impliquant pas pour
autant qu’aucun professionnel n’ait été consulté (cf. supra).
Concernant les durées des traitements, certaines études
[13,39] ont utilisé une définition de l’adéquation minimaliste au regard des recommandations actuelles. Les
recommandations françaises, par exemple, sont de poursuivre le traitement antidépresseur au moins six mois après
la rémission des symptômes [15]. Par ailleurs, les traitements psychothérapiques qui ont démontré leur efficacité
dans les troubles dépressifs, en particulier au suivi à moyen
terme, sont plutôt de l’ordre de 16 à 20 semaines que de
huit ([30] p. 132 et p. 80). Les auteurs ne mettent pas en
évidence de différences d’efficacité entre psychothérapie
et antidépresseurs pour le traitement de la dépression, ce
qui est cohérent avec la définition de Fernandez et al. [13]
qui considèrent comme adéquat un traitement psychothérapique ou pharmacologique. Nous adoptons donc la définition
utilisée dans les études NCS-R et ESEMED [13,39], mais avec
des critères plus stricts concernant la durée des traitements : six mois, pour les antidépresseurs comme pour la
psychothérapie. Dans cette étude, le traitement adéquat de
la dépression sera donc défini comme la prise d’un traitement antidépresseur dans l’année des troubles pendant une
durée minimum de six mois ou le suivi d’une psychothérapie
dans l’année des troubles pendant une durée minimum de
six mois.
Les effectifs et les proportions de recours aux soins, aux
professionnels, et de traitements adéquats ont été obtenus à partir de tableaux croisés, au sein de la population
des EDM. Une analyse univariée (Chi2 ) a été réalisée afin
de déterminer les associations entre différentes variables
sociodémographiques (genre, âge, niveau de diplôme. . .),
cliniques (sévérité des troubles) et l’adéquation des traitements reçus en fonction des différents types de recours.
Une analyse multivariée (régression logistique) a ensuite été
réalisée afin de prendre en compte les effets relatifs des différentes variables sociodémographiques et cliniques sur le
recours aux soins et l’adéquation des traitements reçu. Les
1 La catégorie « psychanalyste » n’était pas explicitement citée.
En France, l’assimilation de la psychanalyse (des psychanalystes) à
une psychothérapie (des psychothérapeutes) reste très débattue. Il
est donc possible qu’une proportion (non évaluable) de personnes
ayant consulté un psychanalyste ni médecin ni psychologue ne se
soient pas reconnues dans la formulation « psychothérapeute ».
Facteurs associés à l’adéquation des traitements de l’épisode dépressif majeur en France
Tableau 1
D63
Taux de refus dans l’enquête.
Taux. . .
Liste blanche/orange (%)
Liste rouge (%)
Mobile exclusif (%)
De refus ménage
De refus individu
D’abandon
De refus global
27,0
5,2
7,5
34,7
37,8
7,3
9,6
45,2
18,1
3,0
4,2
43,0
proportions de traitements adéquats ont fait l’objet d’une
analyse comparative afin de vérifier la significativité des
différences observées entre type de recours (généralistes,
psychiatres. . .) deux à deux (test de comparaison de proportion avec correction de Bonferronni pour comparaison
multiples). Une comparaison des patientèles en fonction des
professionnels consultés a également été réalisée selon la
même méthode. Enfin, afin de déterminer l’effet du secteur de recours sur l’adéquation des traitements reçus une
dernière analyse multivariée (régression logistique) a été
réalisée en ajoutant cette variable dans le modèle. Les calculs ont été réalisés en utilisant SPSS 15.
Résultats
Les différents taux de refus sont présentés dans le Tableau 1.
Pour les ménages uniquement équipés de mobiles, ils sont
peu élevés et surestimés dans la mesure où, parmi les refus,
un certain nombre de foyers n’étaient pas éligibles en raison
de la présence d’une ligne fixe au domicile (le refus s’étant
opéré avant que l’enquêteur ne puisse poser de questions sur
la possession d’une ligne fixe par l’enquêté). Par ailleurs, les
taux ménages et individus sont exprimés à partir de bases de
données différentes, les taux ne sont donc pas cumulables.
Un indicateur global a été calculé pour chaque catégorie
de contact (listes blanche, orange, rouge et mobile). La
structure sociodémographique de l’échantillon est donnée
dans le Tableau 2. Les deux premières colonnes présentent
la structure de l’échantillon ayant répondu aux deux sections « Santé mentale » et « Consommation de soins », les
deux colonnes suivantes présentent la sous-population des
personnes ayant présenté un EDM et les deux dernières présentent les EDM qui ont eu recours aux soins, populations sur
lesquelles porte cette étude. La prévalence de ces épisodes
dans cette enquête est de 7,8 % [22].
Parmi les huit variables considérées (âge, sexe, situation
professionnelle, diplôme, revenu, statut marital, région,
intensité de la dépression), cinq variables sont significativement associées de façon univariée à l’adéquation des
traitements chez les personnes ayant eu recours aux soins
(Tableau 3) : l’adéquation augmente avec l’âge (p < 0,000),
elle est plus élevée chez les femmes (p = 0,043), les
personnes dont l’intensité de la dépression est sévère
(p < 0,000) ; elle est moins élevée chez les étudiants, les
personnes qui travaillent (p < 0,000) et les célibataires
(p = 0,006).
Une analyse multivariée (Tableau 4) permet de contrôler
l’effet de chacune des variables sur l’adéquation des traitements chez les personnes qui ont eu recours aux soins.
Quatre variables restent associées à l’adéquation des traitements : l’adéquation est plus élevée chez les femmes, les
EDM sévères, les personnes habitant en région parisienne ou
Centre-Est et plus faible chez les étudiants.
Au-delà des caractéristiques des patients, les proportions
de traitements adéquats varient en fonction du professionnel consulté (Tableau 3). Cette proportion varie ainsi de
21,5 % chez les personnes ayant consulté uniquement un
généraliste à 79,7 % chez celles qui ont eu recours à un psychiatre et un généraliste (données non présentées). En se
limitant uniquement aux traitements dont il est possible de
qualifier l’adéquation, on observe au sein des professionnels
compétents des différences significatives (Tableau 5). La
proportion de traitements adéquats qualifiés varie de 42,4 %
chez les généralistes à 74,8 % chez les psychiatres. Les différences sont significatives deux à deux : les proportions des
traitements adéquats sont meilleures chez les psychiatres
que chez les « psys » non-psychiatres (PNP), elles-mêmes
meilleures que celles des généralistes. C’est chez les personnes qui ont eu recours aux psychotropes sans déclarer
de recours à un professionnel pour raison de santé mentale
durant la période considérée que la proportion de traitements adéquats est la plus faible (27,6 %).
Ces importantes différences peuvent être dues aux
caractéristiques propres des professionnels (formation,
conditions d’exercice. . .), mais également aux différences
de leurs patientèles (Tableau 6 ). Chez les « psys » nonpsychiatres, la proportion d’EDM de 15 à 25 ans est
significativement plus importante que chez les généralistes
et les psychiatres. Chez les personnes ayant eu recours à un
psychotrope sans recours à un professionnel pour raison de
santé mentale, la proportion de personnes de 55 à 65 ans
est plus élevée que chez les « psys » non psychiatres. La
patientèle des médecins généralistes est davantage constituée de personnes en situation de travail ou en retraite, par
rapport à celle des « psys » non-psychiatres qui comprend
plus d’étudiants. Celle des psychiatres est, elle, davantage
composée de personnes en retraite par rapport à celle des
« psys » non-psychiatres. Les médecins généralistes voient
également plus de personnes ayant un faible niveau de
diplôme par rapport aux psychiatres et aux « psys » nonpsychiatres qui, eux, reçoivent des personnes d’un niveau de
diplôme plus élevé (deuxième et troisième cycle). Il y a par
ailleurs chez les généralistes et les « psys » non-psychiatres
davantage de troisième cycle que parmi les personnes ayant
eu recours à un psychotrope sans recours à un professionnel
pour raison de santé mentale, qui sont celles comprenant le
plus de personnes non diplômées, par rapport aux autres
professionnels. Cette dernière population comprend également une proportion plus importante d’EDM légers ou
moyens que la patientèle des psychiatres, qui comprend,
elle, davantage de troubles sévères.
Une
régression
logistique
permet
d’examiner
l’importance respective du professionnel et des variables
D64
Tableau 2
X. Briffault et al.
Structure sociodémographique de l’échantillon.
Total (non
redressé)
n (%)
EDM (non
redressé)
n (%)
Recours aux soins
(non redressé)
n (%)
Classe d’âge (ans)
15—25
26—35
36—45
46—55
56—65
66—75
16 883
2393
3366
3217
3118
2800
1989
100,0
19,0
19,4
19,6
18,5
12,5
11,0
1404
222
277
337
285
183
100
100,0
21,8
19,4
24,5
18,2
9,5
6,7
868
94
167
222
198
122
65
100,0
15,2
19,7
26,6
21,2
10,7
6,6
Sexe
Homme
Femme
16 883
7078
9805
100,0
49,2
50,8
1404
389
1015
100,0
32,6
67,4
868
205
663
100,0
27,9
72,1
Situation professionnelle
Travail
Études
Chômage
Retraite
Autres inactifs dont
Au foyer
Invalide
Congé longue durée
Congé parental
Autre réponse
NSP/refus
16 883
8937
1810
1249
3531
1356
694
232
63
207
142
18
100,0
53,4
14,1
7,2
18,0
7,3
51,2
17,1
4,6
15,3
10,5
1,3
1404
736
164
151
189
164
65
49
11
18
20
1
100,0
51,1
15,0
11,1
11,4
11,3
39,6
29,9
6,7
11,0
12,2
0,6
868
463
77
88
120
120
40
42
8
10
14
1
100,0
52,9
11,6
10,3
11,7
13,4
34,8
36,5
7,0
8,7
12,2
0,9
Niveau de diplôme
0—11 (NSP, aucun, CAP, BEP)
= 12 (BAC, BP)
13—16 (1er /2e cycle sup.)
>16 (3e cycle sup.)
16 883
8988
2833
3730
1332
100,0
52,9
17,4
21,6
8,1
1404
719
270
336
79
100,0
51,6
19,6
23,3
5,5
868
434
170
212
52
100,0
51,1
19,3
23,7
5,9
Revenus nets par mois du foyer (D )
< 1000
de 1000 à 2000
de 2000 à 3000
> 3000
NSP/refus
16 883
1860
5143
4036
3273
2571
100,0
8,1
26,7
24,8
23,1
17,4
1404
188
481
342
237
156
100,0
9,5
30,0
26,0
20,5
14,0
868
118
308
221
137
84
100,0
9,5
30,6
27,7
20,2
12,0
Statut marital
Vie maritale
Veuf, divorcé, séparé
Célibataire
16 853
8362
2647
5844
100,0
54,0
10,0
36,0
1404
523
339
542
100,0
43,0
16,9
40,2
868
326
237
305
100,0
45,2
19,7
35,1
Région uda
Région parisienne
Bassin parisien
Nord
Ouest
Est
Sud-Ouest
Centre-Est
Mediterannée
16 764
2328
2693
1243
2694
1350
2059
2222
2175
100,0
19,3
17,5
6,9
13,4
8,8
10,5
11,9
11,7
1397
218
206
116
180
111
160
191
215
100,0
21,5
16,0
7,8
10,5
8,5
9,6
12,5
13,5
863
136
129
74
113
56
99
123
133
100,0
21,5
16,8
8,4
10,5
7,1
9,6
13,0
13,2
sociodémographiques et cliniques dans l’adéquation
des traitements (Tableau 7). La probabilité de recevoir un traitement adéquat augmente de façon très
importante avec le recours au secteur spécialisé, uniquement (OR = 7,08 [3,8—13,2]) ou conjoint à un recours
au généraliste (OR = 12,07 [5,7—25,5]). Cependant,
certains paramètres sociodémographiques restent associés.
Les personnes en retraite (OR = 13,13 [2,5—67,9]) et les
autres inactifs (OR = 7,86 [2,2—28,4]) ont une probabilité
plus élevée de recevoir un traitement adéquat. Habiter en région méditerranée (OR = 6,13 [1,6—23,5]), en
région parisienne (OR = 4,47 [1,3—15,3]) ou en centre-est
Adéquation des traitements en fonction du type de recours et facteurs associés univariés chez les EDM.
Adéquation des traitements en
fonction du type de recours aux
soins des EDM (n = 1404 ; 7,8 %)
Recours aux soins
(n = 323 ; 36,1 %
[32,7—39,5])
Classe d’âge (ans)a
15—25
26—35
36—45
46—55
56—65
66—75
% [IC 95 %]
28,9
19,4 [12,1—26,7]
28,8 [21,5—36,1]
39,8 [33—46,5]
41,2 [33,5—48,8]
45 [34—56]
51 [36,9—65,1]
Sexea
Homme
Femme
Recours à un
professionnel (n = 243 ;
42,4 % [37,9—46,8])
Recours à un
généraliste (n = 121 ;
37,2 % [31,5—43])
p
0,000
% [IC 95 %]
21,1
22,1 [12,4—31,7]
40,5 [30,7—50,4]
42,6 [34,3—51]
49 [39,5—58,4]
52,3 [35,9—68,6]
64 [44,2—83,9]
p
0,001
% [IC 95 %]
15,6
14,1 [0—28,8]
26,8 [14—39,6]
34,9 [25—44,8]
49,1 [37,3—61]
45,5 [24,5—66,6]
51 [25,4—76,5]
p
0,008
% [IC 95 %]
4,7
43,9 [19,5—68,2]
67,6 [52,3—82,8]
66,7 [53,5—79,9]
63,6 [47,8—79,3]
72,3 [49,1—95,5]
80 [51,8—100]
4,1
30,5 [24,3—36,7]
38,3 [34,2—42,4]
0,043
2,3
37 [28,9—45,2]
44,5 [39,2—49,8]
0,131
3,7
28,3 [18,2—38,5]
40,7 [33,9—47,6]
0,053
Situation professionnellea
Travail
Études
Chômage
Retraite
Autres inactifs
49,1
33,5
12,6
35,4
45,9
58,6
0,000
33,8
41,3
15,6
41,3
61,5
61,4
0,000
[35,3—47,2]
[6,4—24,8]
[26,7—55,9]
[46,1—76,8]
[49,3—73,5]
16,4
33,6 [26,5—40,7]
8,4 [0—21,1]
44,3 [23,6—65]
54,8 [34,9—74,7]
55,2 [37,5—72,9]
0,003
[28,9—38,2]
[5,6—19,7]
[24,7—46,1]
[35,4—56,4]
[49—68,3]
Niveau de diplômea
0—11 (NSP, Aucun, CAP, BEP)
= 12 (BAC, BP)
13—16 (1er /2e cycle sup.)
> 16 (3e cycle sup.)
2,2
34,9
33,5
39,4
42,4
3,3
38,3
42,3
48,3
45,3
[31,7—44,9]
[32,8—51,8]
[39,6—57,1]
[28,9—61,7]
1,5
34 [25,8—42,1]
41,7 [29—54,5]
40,6 [27,8—53,4]
36 [15,9—56,1]
0,687
[30,1—39,6]
[25,8—41,1]
[32,2—46,5]
[27,5—57,2]
Revenu net par foyer (D )a
< 1000
de 1000 à 2000
de 2000 à 3000
> 3000
NSP
7,5
47,3 [35,6—59]
33,6 [27,5—39,7]
38,6 [32—45,2]
36,2 [28,5—43,8]
28 [18,7—37,4]
0,112
11,7
63,6
36,5
43,9
44,4
33,1
9,5
61,3
33,7
39,2
38,8
17,9
0,050
[48—79,1]
[28,4—44,7]
[35,8—52]
[35—53,8]
[20—46,2]
Statut maritala
Vie maritale
Veuf, divorcé, séparé
Célibataire
10,3
39 [33,9—44,2]
42,6 [34,7—50,6]
28,7 [23,2—34,1]
0,006
9,1
44,2 [37,6—50,8]
53,3 [42,9—63,8]
34,4 [27,3—41,5]
0,010
6,5
39,4 [31,2—47,6]
47,7 [34,4—61]
26,3 [16,6—36,1]
0,038
Région udaa
Région parisienne
Bassin parisien
Nord
Ouest
Est
Sud-Ouest
Centre-Est
Mediterannée
9,3
40,2
32,8
35,5
36,8
25,1
28,7
43,4
38,5
0,235
13
51,2 [41,3—61,1]
36 [25,2—46,7]
36,7 [22,1—51,3]
35,4 [20,8—50]
26,5 [10,8—42,2]
36,8 [22,8—50,9]
49,4 [37,7—61,2]
51 [38—64]
0,072
19,6
57,6 [43,5—71,7]
26,8 [14,1—39,5]
30 [13,9—46,1]
29,2 [11,9—46,4]
19,6 [0,2—39]
25,3 [8,6—42]
45,4 [26,4—64,4]
48,8 [32,2—65,4]
0,006
Intensité de la depressiona
Léger/moyen
Sévère
a Pour chaque variable, la valeur
0,531
[32,7—47,8]
[24,6—41]
[23,5—47,5]
[26,1—47,5]
[13,2—36,9]
[18,1—39,3]
[33,5—53,3]
[28,8—48,1]
0,354
0,020
13,5
0,000
12,4
0,000
29,8 [25,2—34,4]
34 [27,8—40,2]
42,6 [37,6—47,6]
49,7 [43,6—55,9]
du Chi2 et le niveau de signification (p) de l’association univariée
Recours à un
psychiatre (n = 133 ;
65,1 % [58—72,2])
[37,7—84,9]
[23,6—43,9]
[28,8—49,5]
[26,4—51,1]
[0,7—35]
Recours à un PNP ou à
un psychiatre (n = 186 ;
58,3 % [52,5—64,2])
Recours aux psychotropes sans
recours pour raison de santé
mentale (n = 80 ; 25,4 %
[20,3—30,5])
p
0,452
% [IC 95 %]
21,8
29,5 [16—43]
59,5 [46,8—72,2]
62,1 [50,9—73,4]
65 [52,9—77,1]
71,8 [51—92,5]
83,1 [59,4—100]
p
0,001
% [IC 95 %]
22,3
14,8 [3,8—25,9]
6,5 [0—13,3]
33,7 [22—45,4]
24,9 [12,9—36,9]
38,5 [23,5—53,5]
38,4 [18,6—58,2]
p
0,000
1,5
58,1 [44,5—71,7]
68,2 [59,8—76,6]
0,224
1,3
53 [42—64]
60,5 [53,6—67,5]
0,248
2,4
18,4 [9,4—27,3]
27,9 [21,7—34,1]
0,000
9,9
63,7
31,5
70,5
78,1
75,7
0,042
32,5
61,5
20,4
47,9
81,2
75,6
0,000
28,1
18,3 [11,7—24,9]
5,6 [0—14,8]
26,9 [11—42,8]
32,5 [18,9—46,1]
53,9 [37,6—70,3]
0,000
[54—73,4]
[5,2—57,8]
[45,9—95,2]
[57—99,1]
[59,7—91,7]
2,3
63,5
65,7
70,6
48,1
1,7
53,6 [43,7—63,5]
59 [46,7—71,3]
61,6 [51,3—71,9]
64,4 [43,9—84,9]
0,626
8,2
30,8
10,9
18,2
27,4
0,000
[51,2—75,8]
[51,2—80,1]
[58,3—82,8]
[18,6—77,6]
5,9
86,3
67,7
63,8
64,8
46,2
0,205
3,2
75 [56,1—93,8]
58 [46,6—69,4]
57,5 [46,8—68,1]
58,5 [45,9—71,1]
49,1 [31—67,2]
0,518
3,9
28 [12—43,9]
29,4 [20,3—38,6]
26,8 [15,9—37,7]
16 [4,9—27]
21,4 [8,1—34,6]
0,000
[67,4—105,2]
[54—81,4]
[50,9—76,7]
[48,8—80,8]
[22—70,4]
4,4
68,3 [57,5—79]
74,2 [60,1—88,3]
55,2 [42,3—68]
0,109
8,5
62,2 [53,4—71,1]
69,6 [57—82,1]
48 [38,3—57,7]
0,014
4
30,2 [22,1—38,2]
26,7 [15,3—38,1]
18 [10,1—25,9]
0,000
3,5
69,2
52,4
62,1
62,7
66,8
55,9
73,2
72,5
0,834
4,6
58,4
61,2
60,5
58,3
39,2
52,4
60,7
65,5
0,707
7,4
22,5
27,6
32,7
38,5
22,9
13,1
26,7
20,4
0,000
0,518
[55,4—82,9]
[28,3—76,4]
[30,5—93,8]
[39,7—85,6]
[28,5—100]
[33,1—78,7]
[55,4—91]
[52,7—92,4]
[53,5—69,6]
[6,6—34,2]
[30,2—65,6]
[63,1—99,4]
[62,5—88,7]
[46,9—69,9]
[44,7—77,6]
[36—84,9]
[36,2—80,3]
[13,4—65]
[32,6—72,1]
[46,6—74,8]
[48,8—82,3]
3,2
0,073
8,9
0,003
7,3
0,007
31,9 [24—39,9]
52,4 [40,5—64,3]
49,5 [40,5—58,4]
42,1 [33,9—50,3]
73,7 [65,2—82,3]
65,4 [57,8—73]
avec chaque type de recours sont indiqués en tête du sous-tableau (cellules en italiques).
[24—37,7]
[1,1—20,7]
[7,6—28,8]
[0—67,6]
Facteurs associés à l’adéquation des traitements de l’épisode dépressif majeur en France
Tableau 3
[11,9—33,1]
[14,6—40,6]
[10,3—55,1]
[22,1—54,9]
[3,8—42]
[0—27,1]
[9—44,4]
[7,6—33,1]
0,3
24 [17,3—30,6]
27,3 [19,2—35,4]
0,000
D65
D66
Tableau 4
X. Briffault et al.
Facteurs associés du recours et de l’adéquation des traitements (multivarié) chez les EDM.
Recours aux soins
(n = 868 ; 58,2 %
[55,5—60,9])
Adéquation des
traitementsa (n = 323 ;
36,1 % [32,7—39,5])
n
OR [IC 95 %]
p
n
OR [IC 95 %]
p
Classe d’âge (ans)
15—25
26—35
36—45
46—55
56—65
66—75
1404
222
277
337
285
183
100
1 (Ref)
2,11 [1,3—3,3]
2,44 [1,5—3,9]
3 [1,8—5]
3,22 [1,7—6,2]
2,67 [1,1—6,2]
0,001
0,001
0,000
0,000
0,000
0,022
868
94
167
222
198
122
65
1 (Ref)
0,97 [0,5—2,1]
1,95 [0,9—4,2]
1,73 [0,8—3,9]
1,86 [0,7—4,8]
2,91 [0,9—9,5]
0,086
0,948
0,088
0,189
0,200
0,076
Sexe
Homme
Femme
1404
389
1015
1 (Ref)
1,55 [1,2—2]
0,001
868
205
663
1 (Ref)
1,48 [1—2,2]
0,047
Situation professionnelle
Travail
Études
Chômage
Retraite
Autres inactifs
1404
736
164
151
189
164
0,87 [0,6—1,4]
1 (Ref)
0,92 [0,6—1,5]
0,72 [0,3—1,5]
1,08 [0,6—1,9]
0,559
0,747
0,753
0,390
0,782
868
463
77
88
120
120
2,62 [1,1—6]
1 (Ref)
3,93 [1,6—9,7]
3,68 [1,2—11,2]
7,86 [3,1—20]
0,023
0,000
0,003
0,022
0,000
Niveau de diplôme
0—11 (NSP, Aucun, CAP, BEP)
=12 (BAC, BP)
13—16 (1er /2e cycle sup.)
> 16 (3e cycle sup.)
1404
719
270
336
79
1 (Ref)
1,06 [0,8—1,5]
1,1 [0,8—1,5]
1,24 [0,7—2,1]
0,846
0,707
0,551
0,432
868
434
170
212
52
1 (Ref)
1,1 [0,7—1,8]
1,34 [0,9—2,1]
1,44 [0,7—3]
0,540
0,694
0,194
0,327
Revenu net par foyer (D )
< 1000
de 1000 à 2000
de 2000 à 3000
> 3000
NSP
1404
188
481
342
237
156
0,84 [0,5—1,4]
0,97 [0,7—1,4]
1,14 [0,8—1,6]
1 (Ref)
0,9 [0,6—1,4]
0,493
0,860
0,473
0,700
0,636
868
118
308
221
137
84
1,24 [0,6—2,5]
0,82 [0,5—1,4]
1,31 [0,8—2,1]
1 (Ref)
0,57 [0,3—1,1]
0,554
0,460
0,280
0,070
0,105
Statut marital
Vie maritale
Veuf, divorcé, séparé
Célibataire
1404
523
339
542
0,9 [0,6—1,2]
1,18 [0,8—1,8]
1 (Ref)
0,520
0,436
0,321
868
326
237
305
0,95 [0,6—1,5]
1,15 [0,7—2]
1 (Ref)
0,837
0,633
0,742
Région uda
Région parisienne
Bassin parisien
Nord
Ouest
Est
Sud-Ouest
Centre-Est
Mediterannée
1397
218
206
116
180
111
160
191
215
1,42 [0,9—2,3]
1,43 [0,9—2,3]
1,53 [0,9—2,7]
1,4 [0,8—2,4]
1 (Ref)
1,18 [0,7—2]
1,52 [0,9—2,5]
1,25 [0,8—2,1]
0,145
0,151
0,147
0,214
0,762
0,559
0,113
0,382
863
136
129
74
113
56
99
123
133
2,45 [1,1—5,3]
1,31 [0,6—2,9]
1,58 [0,6—3,9]
1,77 [0,8—4,2]
1 (Ref)
1,14 [0,5—2,8]
2,32 [1—5,3]
1,92 [0,8—4,4]
0,023
0,510
0,320
0,191
0,116
0,772
0,045
0,123
Intensite de la dépression
Léger/moyen
Sévère
1403
808
595
1 (Ref)
2,24 [1,8—2,9]
0,000
867
437
430
1 (Ref)
2,01 [1,4—2,8]
0,000
5,5 (8)
0,707
11,1 (8)
0,194
Test de Hosmer-Lemeshow
L’effectif inclus dans l’analyse correspond au minimum des effectifs observés pour chaque variable (respectivement n = 1397 et n = 863).
La contribution de chaque variable au modèle multivarié est donnée par les valeurs de p du Chi2 de Wald qui apparaissent en gras dans le
tableau en regard de la modalité de référence. L’adéquation du modèle est donné par le test de Hosmer-Lemershow avec respectivement
la valeur du Chi2 , le degré de liberté et la valeur du p.
a La régression sur l’adéquation des traitements n’inclus que les traitements qui ont pu être qualifiés (adéquat vs non-adéquat).
Facteurs associés à l’adéquation des traitements de l’épisode dépressif majeur en France
Tableau 5
D67
Recours et adéquation des traitements en fonction des professionnels consultés.
Professionnels compétents
Adéquation du
traitement
Non adéquate
Adéquate
Recours à un
généraliste
Recours
à un PNP
Recours à un
psychiatre
Recours aux psychotropes sans
recours pour santé mentale
n (%)
n (%)
n (%)
n (%)
57,6
42,4
44,2
55,8
25,2
74,8
72,4
27,6
Professionnels compétents
Adéquation du
traitement
Non adéquate
Adéquat
Recours à un
généraliste
Recours à
un PNP
Recours à un
psychiatre
Recours aux psychotropes sans
recours pour santé mentale
(A)
(B)
(C)
(D)
BC
D
C
AD
ABD
ABC
Pour chaque paire significative, la clé de la modalité dont la valeur est plus petite apparaît sous la modalité dont la valeur est la plus
élevée. Les résultats sont basés sur des tests à deux phases avec le seuil de signification 0,05. Les tests sont ajustés pour toutes les
comparaisons par paire au sein de chaque ligne de chaque sous-tableau le plus interne, à l’aide de la correction Bonferroni.
(OR = 4,29 [1,2—15,5]) est significativement associé au
fait de recevoir un traitement adéquat de la dépression.
Enfin, l’intensité des troubles dépressifs augmente également la probabilité de recevoir un traitement adéquat
(OR = 2,12 [1,3—3,5]).
Limites
L’étude est transversale et ne permet pas d’analyser les
séquences temporelles. L’enquête par entretien téléphonique a exclu les personnes sans téléphone. L’échantillon
ne comprend pas les personnes âgées de moins de 15 ans ou
de plus de 75 ans. Les données recueillies sur l’utilisation
des services et des traitements sont déclaratives et des
biais de remémoration ou d’erreurs sont donc possibles.
Seuls 44,9 % des EDM déclarant avoir pris un antidépresseur dans l’année ont déclaré un nom de médicament de la
liste précodée (Anafranil® , Athymil® , Deroxat® , Divarius® ,
Floxyfral® , Laroxyl® , Prozac® , Séropram® ) et seuls 52,5 %
des EDM déclarant avoir pris un anxiolytique dans l’année
ont déclaré un nom de médicament de la liste précodée
(Buspar® , Lexomil® , Témesta® , Valium® , Xanax® ). Les traitements pris n’étant donc pas connus avec précision en
raison de cette importante marge d’incertitude, les noms
des médicaments n’ont pu être utilisés pour déterminer
l’adéquation des traitements. Des erreurs d’attribution des
classes médicamenteuses sont donc possibles, ce d’autant
que les patients peuvent confondre un antidépresseur
avec une benzodiazépine. Cependant, ces erreurs potentielles d’attribution ne portent que sur les 50 % environ
de déclarations dont les noms de médicaments n’ont
pas été donnés. Par ailleurs, aucune information relative
sur les doses effectivement prises n’était disponible. En
raison de ces deux biais, on peut estimer que la proportion des traitements adéquats est surévaluée dans cette
étude.
Seuls les EDM ont été évalués dans notre enquête. Cela
implique que parmi les personnes qui ne présentent pas ces
épisodes, certaines peuvent répondre aux critères d’autres
troubles qui ne sont pas évalués ici. La population non
dépressive selon nos critères n’est donc pas nécessairement une population sans troubles et peut présenter des
comorbidités psychiatriques non détectées [2], ce qui est
susceptible d’influencer les recours et les traitements [21],
dans le sens d’une surévaluation du recours pour raison de
dépression spécifiquement. L’instrument diagnostique utilisé, le CIDI-SF est plus sensible, mais moins spécifique que
le CIDI [26], ce qui tend à surévaluer la prévalence des EDM.
Il n’a pas été mis en œuvre de protocole d’analyse des refus
ou des non-réponses. Les informations spécifiques aux professionnels ont été évaluées uniquement par leur statut.
Or d’autres variables telles que les conditions d’exercice
ou l’expérience des professionnels peuvent intervenir dans
l’adéquation des traitements délivrés. Les recours conjoints
observés ne résultent pas nécessairement d’une démarche
s’inscrivant dans le cadre d’un travail collaboratif entre
deux secteurs plutôt que d’une démarche autonome du
patient. De plus, la bonne adéquation d’un traitement
observée chez un professionnel donné ne suppose pas nécessairement que celle-ci soit la résultante de l’action de ce
seul professionnel. L’équivalence faite entre prévalence des
troubles et besoin de soin tend à surévaluer le besoin réel
de soin. On pourrait considérer que le besoin ne concerne
que les troubles « qui durent » (durée des épisodes et/ou
récurrence). À partir de données prospectives, on observe
que la moitié des personnes touchées par un épisode guérissent en moins de trois mois, et 76 % en moins de 12 mois
[32]. Nos résultats pourraient donc surestimer le besoin
de soin, en considérant des troubles spontanément résolutifs comme devant être traités. Cependant, des données
rétrospectives ont investigué des amplitudes temporelles
plus importantes. Ainsi, l’étude DEPRES-II met en évidence,
sur un échantillon de personnes souffrant de « dépression »
D68
Tableau 6
X. Briffault et al.
Comparaisons des patientèles des professionnels.
Professionnels compétents
Recours à un
généraliste
Recours
à un PNP
Recours à un
psychiatre
Recours aux psychotropes sans
recours aux professionnels
%
%
%
%
Classe d’âge (ans)
15—25
26—35
36—45
46—55
56—65
66—75
8,8
17,5
33,2
25,6
8,7
6,2
23,4
20,9
24,7
25,8
3,2
2,1
10,6
22,3
29,5
22,0
9,7
5,9
15,0
18,4
23,3
18,7
15,4
9,2
Sexe
Homme
Femme
28,2
71,8
27,1
72,9
30,5
69,5
26,6
73,4
Situation professionnelle
Travail
Études
Chômage
Retraite
Autres inactifs
62,1
7,6
8,9
9,6
11,8
47,8
16,5
15,0
2,6
18,1
55,3
8,4
9,0
10,0
17,3
48,4
9,4
11,6
17,1
13,6
Niveau de diplôme
0—11 (NSP, Aucun, CAP, BEP)
= 12 (BAC, BP)
13—16 (1er /2e cycle sup.)
> 16 (3e cycle sup.)
48,2
21,7
21,3
8,8
39,3
19,1
32,2
9,4
35,2
25,2
31,8
7,8
63,4
14,8
19,2
2,6
Revenu net par foyer (D )
< 1000
de 1000 à 2000
de 2000 à 3000
> 3000
NSP
6,8
31,0
31,8
22,5
7,8
8,4
29,6
29,1
22,5
10,5
8,7
27,2
32,1
21,1
10,9
11,7
34,7
23,6
15,9
14,1
Statut marital
Vie maritale
Veuf, divorcé, séparé
Célibataire
50,0
20,5
29,5
41,1
18,2
40,8
43,0
22,7
34,4
45,1
21,6
33,3
Intensité de la dépression
Léger/moyen
Sévère
48,7
51,3
47,2
52,8
40,4
59,6
57,7
42,3
Recours à un
psychiatre
Recours aux psychotropes sans
recours aux professionnels
Professionnels compétents
Recours à un
généraliste
Recours
à un PNP
(A)
(B)
Classe d’âge (ans)
15—25
56—65
Situation professionnelle
Travail
Études
Chômage
Retraite
(C)
AC
(D)
B
BD
A
B
B
B
Facteurs associés à l’adéquation des traitements de l’épisode dépressif majeur en France
D69
Tableau 6 (Suite)
Professionnels compétents
Niveau de diplôme
0—11 (NSP, Aucun, CAP, BEP)
= 12 (BAC, BP)
13—16 (1er /2e cycle sup.)
> 16 (3e cycle sup.)
Recours à un
généraliste
Recours
à un PNP
Recours à un
psychiatre
Recours aux psychotropes sans
recours aux professionnels
(A)
(B)
(C)
(D)
C
D
ABC
AD
D
Intensité de la dépression
Léger/moyen
Sévère
D
AD
C
D
Les résultats sont basés sur des tests à deux phases avec le seuil de signification 0,05. Les tests sont ajustés pour toutes les comparaisons
par paire au sein de chaque ligne de chaque sous-tableau le plus interne, à l’aide de la correction Bonferroni. Pour chaque paire
significative, la clé de la modalité dont la valeur est la plus petite apparaît sous la modalité dont la valeur est la plus élevée.
au sens large (dépression majeure, dépression mineure,
symptômes dépressifs) et ayant eu recours aux soins pour
cela, que le début des troubles remontait en moyenne à
45 mois avant l’évaluation [36]. Par ailleurs, la présence
des troubles pouvait être estimée à 20 % du temps de vie
des personnes qui en souffrent [4] avec un risque important
de récurrence des épisodes [9]. L’observation ponctuelle
d’une rémission spontanée ne peut donc être utilisée comme
seul indicateur du besoin de soin. Enfin, il faut garder à
l’esprit que la définition critériologique des troubles dépressifs utilisée ici, comme dans toute étude épidémiologique,
ne rend que partiellement compte de l’entité clinique qu’est
la dépression [25]. De plus, l’adéquation des traitements
est évaluée ici de façon « minimaliste », en ne prenant en
compte que la durée du traitement selon les recommandations de bonnes pratiques cliniques. Les modalités précises
de mise en oeuvre des traitements (par exemple posologie
des antidépresseurs, techniques psychothérapeutiques utilisées) ne sont pas prises en considération. Pour résumer,
nos résultats auront donc plutôt tendance à surestimer la
prévalence des EDM, le besoin de soins et la proportion de
traitements adéquats.
Discussion
L’analyse montre l’importance du professionnel consulté. La
proportion de traitements adéquats est en effet meilleure
chez les spécialistes que chez les généralistes. Ce constat
amène à s’interroger sur les raisons de cette différence qui,
comme mentionné en introduction, ne peut être imputée
aux seuls professionnels, en raison du caractère systémique
et multifactoriel de l’accès à un traitement adéquat. Si l’on
peut supposer que les spécialistes de la santé mentale sont
logiquement mieux formés que les médecins généralistes
pour prendre en charge des troubles psychologiques, on peut
aussi penser qu’ils reçoivent des patients différents socialement, cliniquement, mais aussi en termes de reconnaissance
des troubles, de représentations sur la maladie, les attributions et les compétences du professionnel consulté. Nos
résultats montrent en effet que les patientèles diffèrent
selon les professionnels. En particulier, la patientèle « pour
raison de santé mentale » des généralistes comprend davantage de personnes non ou peu diplômées, alors que celle
des « psys », quels qu’ils soient, comprend plus de personnes
de niveau deuxième et troisième cycle (résultats cohérents
avec ceux de Tardieu et al. [34]), dont on sait qu’elles ont
une meilleure propension à recourir aux soins et à initier
des traitements [24,35]. Les personnes ayant eu recours aux
psychotropes sans recours à un professionnel pour raison
de santé mentale déclarée sont plus âgées et comprennent
davantage de personnes retraitées que celles ayant recours
à un « psy » non psychiatre (PNP) ; elles ont un niveau de
diplôme plus bas par rapport aux autres patientèles et présentent des troubles d’intensité moindre que la population
consultant un psychiatre. Pourtant, malgré ces différences,
le rôle du professionnel en lui-même reste primordial. En
contrôlant toutes les variables, il persiste en effet une
importante différence dans la probabilité de recevoir un
traitement adéquat selon qu’on consulte un généraliste ou
un spécialiste, et plus encore un généraliste et un spécialiste
[10,17,20,38,40]. Cependant, certaines variables sociodémographiques telles que le sexe et la situation professionnelle restent associées à l’adéquation des traitements.
Le résultat observé sur les régions est intéressant dans la
mesure où cette variable n’est pas significativement associée au recours aux soins, mais qu’elle l’est à l’adéquation
des traitements. Cela semble suggérer que si l’accès aux
soins des personnes souffrant de dépression est relativement
égalitaire en France malgré les disparités régionales dans le
système d’offre de soins [11], il existe en revanche des disparités régionales quant au fait de recevoir un traitement
adéquat. Ce résultat nécessite toutefois des investigations complémentaires car des variables relevant de
l’organisation du système de soins, telles que les conditions
d’installations d’exercice et de choix d’un lieu d’exercice
des praticiens, sont susceptible d’intervenir [7]. De plus,
l’existence de réseaux de collaboration entre secteur primaire et spécialisé, qui peuvent être mis en œuvre de façon
différente selon les régions en particulier en fonction des
moyens disponibles, peuvent être des facteurs déterminants
dans l’adéquation des traitements utilisés par les patients.
D70
X. Briffault et al.
Tableau 7 Rôle du secteur de recours (primaire/spécialisé) dans l’adéquation des traitements en contrôlant les variables
sociodémographiques et cliniques.
Adéquation du traitement pour un
EDM oui/non (n = 1307 ; 22,4 %)
Effectif non
pondéré
% [IC 95 %]
OR [IC 95 %]
p
Classe d’âge (ans)a
15—25
26—35
36—45
46—55
56—65
66—75
1307
212
261
306
262
175
91
56,5
8,2 [4,5-11,9]
18,1 [13,4-22,7]
27,5 [22,5-32,5]
30,2 [24,6-35,7]
30,4 [23,6-37,3]
31,7 [22,2-41,3]
1 (Ref)
1,4 [0,5-4,2]
2,38 [0,8-7,2]
2,41 [0,7-7,9]
2,5 [0,6-10,4]
2,44 [0,4-15,8]
0,000
0,594
0,551
0,127
0,148
0,210
0,349
Sexea
Homme
Femme
1307
367
940
13,9
16,1 [12,3-19,8]
25,5 [22,7-28,3]
1 (Ref)
1,31 [0,8-2,3]
Situation Professionnellea
Travail
Études
Chômage
Retraite
Autres inactifs
1307
682
154
138
176
157
64,9
21,6 [18,5-24,7]
6,1 [2,3-9,8]
20,4 [13,7-27,2]
29 [22,3-35,7]
42,2 [34,5-50]
3,73 [1,3-11,1]
1 (Ref)
3,42 [1-11,9]
13,13 [2,5-67,9]
7,86 [2,2-28,4]
0,000
0,017
0,014
0,054
0,002
0,002
Niveau de diplômea
0—11 (NSP, Aucun, CAP, BEP)
= 12 (BAC, BP)
13—16 (1er /2e cycle sup.)
> 16 (3e cycle sup.)
1307
671
251
310
75
3
21,4 [18,3-24,5]
20,5 [15,5-25,5]
25 [20,1-29,8]
27,6 [17,5-37,7]
1 (Ref)
1,06 [0,5-2,1]
0,84 [0,4-1,6]
0,6 [0,2-1,6]
0,395
0,707
0,855
0,598
0,322
Revenu net par foyer (D )a
< 1000
de 1000 à 2000
de 2000 à 3000
> 3000
NSP
1307
174
447
315
223
148
10,7
29,5 [22,7-36,3]
21,2 [17,4-25]
25,6 [20,8-30,4]
22 [16,6-27,5]
14,8 [9,1-20,6]
1,63 [0,5-5,3]
0,54 [0,3-1,2]
0,94 [0,5-1,9]
1 (Ref)
0,49 [0,2-1,4]
0,030
0,414
0,123
0,854
0,144
0,168
Statut maritala
Vie maritale
Veuf, divorcé, séparé
Célibataire
1307
491
309
507
26,9
25,3 [21,5-29,2]
32 [26,8-37,2]
15,4 [12,3-18,6]
0,8 [0,4-1,6]
1,38 [0,6-3,2]
1 (Ref)
0,000
0,517
0,457
0,318
Région udaa
Région parisienne
Bassin parisien
Nord
Ouest
Est
Sud-ouest
Centre-est
Mediterannée
1301
203
195
107
165
105
145
181
200
11
24,8
21,2
24,6
22,9
12,7
18,2
27,2
23,2
4,47 [1,3-15,3]
2,5 [0,7-8,9]
3 [0,8-11,9]
2,62 [0,7-10,3]
1 (Ref)
2,5 [0,6-9,9]
4,29 [1,2-15,5]
6,13 [1,6-23,5]
0,138
0,017
0,157
0,118
0,169
0,161
0,192
0,027
0,008
Intensité de la dépressiona
Léger/moyen
Sévère
1306
764
542
47,1
15,7 [13,1-18,3]
32,4 [28,5-36,3]
1 (Ref)
2,12 [1,3-3,5]
453
185
174
94
70,6
24,5 [18,3-30,7]
61,6 [54,4-68,8]
74,8 [66,1-83,6]
1 (Ref)
7,08 [3,8-13,2]
12,07 [5,7-25,5]
0,000
0,000
0,000
0,000
5,3
8,0
0,6
Secteur de recoursa
Recours secteur primaire seulement
Recours secteur spécialisé seulement
Recours conjoint secteurs primaires et spécialisés
Test de Hosmer-Lemeshow
[18,8-30,7]
[15,5-27]
[16,4-32,7]
[16,5-29,3]
[6,3-19,1]
[12-24,5]
[20,8-33,7]
[17,4-29,1]
0,000
0,334
0,000
0,004
La régression sur l’adéquation des traitements n’inclue que les traitements qui ont pu être qualifiés (adéquat vs non-adéquat) et les
personnes ayant eu recours à un professionnel compétent (n = 453). La contribution de chaque variable au modèle multivarié est donnée
par les valeurs de p du Chi2 de Wald qui apparaissent en gras dans le tableau en regard de la modalité de référence. L’adéquation du
modèle est donné par le test de Hosmer-Lemershow avec respectivement la valeur du Chi2 , le degré de liberté et la valeur du p.
a Pour chaque variable, la valeur du Chi2 et le niveau de signification de l’association univariée avec chaque type de recours sont
indiqués en tête du sous-tableau (cellules en italiques).
Facteurs associés à l’adéquation des traitements de l’épisode dépressif majeur en France
Les résultats de cette enquête montrent les effets potentiellement bénéfiques sur l’adéquation des traitements de
la consultation conjointe d’un médecin généraliste et d’un
professionnel de santé mentale dans l’année des troubles.
Ces résultats incitent à mettre en place des actions visant
à favoriser ce type de recours conjoint, qu’il s’agisse
d’organisation du système de soins, de formation, de coordination des professionnels du secteur primaire et du secteur
spécialisé [33] ou d’information du grand public sur les professionnels compétents et les modes de prise en charge
[8]. Nos résultats montrent par ailleurs l’importance de la
spécificité de la patientèle. Au-delà des formations strictement cliniques et thérapeutiques des professionnels, il
convient également de les informer sur les représentations
et les normes relatives à la dépression et à ses traitements
existant chez ces différents types de patients et sur les
stratégies d’éducation spécifiques à mettre en œuvre pour
faciliter l’acceptation du diagnostic et la bonne observance
des traitements, tant chimiothérapeutiques que psychothérapeutiques ou psychoéducatifs.
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