Pourquoi le projet politique de Nicolas Sarkozy est

Transcription

Pourquoi le projet politique de Nicolas Sarkozy est
L'Interdit
Pourquoi le projet politique de Nicolas Sarkozy est dangereux pour nos libertés
Soumis par Fabien Eloire
04-04-2007
Un
juge proche du Parti socialiste signe un livre à charge contre Nicolas Sarkozy et sa "politique
sécuritaire impérialiste".
Ruptures,
texte très critique du juge Serge Portelli sur le bilan
politique et le programme
présidentiel de Nicolas Sarkozy,
vient d'être "empêché de publication
avant les élections",
son éditeur ayant
"brutalement renoncé" à le
faire paraître (L'Humanité
du
17/04/2007). Un mal pour un bien, l'ouvrage est
donc disponible en ligne, où il devrait finalement
recueillir une audience plus importante qu'en librairie. Une
bonne raison d'en parler. Mais si L'Interdit
décide
de s'en faire écho, c'est aussi parce que son contenu
résonne avec les propos,
particulièrement inquiétants,
tenus par l'ex-ministre de l'Intérieur et candidat
de la droite à
l'élection présidentielle,
sur l'origine prétendument génétique
de la pédophilie, du suicide
ou du cancer (Philosophie
Magazine,
n°8).
La charge est violente. Le projet de Serge
Portelli est, grâce à l'"examen minutieux
de quatre ans
d'exercice du pouvoir" de dessiner
un tableau "très différent de la rupture
tranquille proposée
par le ministre-candidat"
. "Ce livre est là pour qu'on ne puisse
pas dire, après, qu'on ne savait
pas", écrit
le magistrat. Dénonçant "une politique
sécuritaire impérialiste" , l'auteur
ponctue son propos de formules coup de poing, telles "le
Kärcher nettoie vite mais ne répare rien et on
ne peut l'utiliser en permanence, son jet est trop fort".
Mais le livre ne reste pas à la
surface de la polémique : l'auteur s'essaie à
une critique en
profondeur du projet de société
défendu par le candidat UMP. "Toute
la philosophie politique
de Nicolas Sarkozy est là
: un individu qui n'entre pas dans le 'moule' ordinaire est
étiqueté
pour longtemps. Vision simplifiée
de l'Homme et de la société, philosophie de
comptoir" .
Puisque "l'avenir appartient
à l'homme qui 'se lève tôt', l'homme sûr
de lui, l'homme qui choisit,
l'homme qui réussit, l'homme
qui mérite. (…) Le délinquant, l'homme
sans mérite, doit
être châtié sans
pitié. Il s'agit de refuser toute 'excuse', (…)
toute compréhension" . En
forçant le
trait, ce projet politique aboutit à la création
de "deux types de citoyens" : "d'un côté,
les citoyens ordinaires,'normaux', ceux qui ont réussi,
les riches, les puissants, les chanceux, les
'méritants';
de l'autre, les citoyens de seconde zone, les 'déviants',
les exclus, les ratés du
système, ceux qui ont
failli, qui n'ont pas su se lever assez tôt" .
La frontière ne sera pas
seulement celle de l'argent,
elle sera surtout celle de la déviance. Mais, prévient
Serge
Portelli, "dans une démocratie, les libertés
ne se divisent pas. On ne peut faire longtemps coexister au
sein d'une République deux types de citoyens"
.
Le projet Sarkozy est en rupture avec
les principes républicains. Serge
Portelli est d'accord
avec le candidat de l'UMP sur un point.
Il confirme que le discours de Nicolas Sarkozy est "un
vrai discours de ruptures" , mais précise
que ce sont surtout "des ruptures avec des grands
principes républicains" : la séparation
des pouvoirs (article 16 de la Déclaration des droits
de
l'homme et du citoyen) ; la non-rétroactivité
des lois (article 8) ; l'individualisation de la peine (article
8) ; la présomption d'innocence (article 9) ; le principe
d'atténuation de la responsabilité des
mineurs
(réaffirmé par le Conseil constitutionnel en
2002) ; le respect de la vie privée
(Déclaration
de 1789) ; le droit d'asile (article 3 de la Constitution
de 1946). Chacun de ces
points fait ainsi l'objet d'un développement
argumenté, appuyé de citations équivoques
du
candidat, relevées dans les médias.
Il ne donne aucun sens à la punition.
L'auteur examine les résultats de la politique de l'ex-ministre
de l'Intérieur. Comme dans le cas des chiffres du chômage,
il montre comment les statistiques du
http://interdits.net/interdits
Propulsé par Joomla!
Généré: 10 February, 2017, 18:27
L'Interdit
ministère sont
manipulables et manipulées par la "culture du
résultat" imposée comme une
règle
depuis 2002 : non seulement policiers et gendarmes se doivent
d'assurer la paix
publique et de lutter contre la délinquance,
mais aussi ils doivent faire baisser le nombre des infractions,
tout en augmentant celui des interpellations. Il cite Nicolas
Sarkozy : "Il y a 60 000 détenus en
France.
Qui décide que c'est trop ? Par rapport à quels
critères ? Je souhaite qu'aillent en
prison ceux qui
le méritent" (Le Parisien, 28 mars
2006).
Serge Portelli rappelle quelques fondamentaux : "punir
est une science, non un réflexe : la
peine doit impérativement
avoir un sens (…). Vivre en sécurité exige
qu'on respecte la
victime comme le délinquant"
. Pour lui, "lutter contre la violence exige de
mobiliser toutes les
formes de l'intelligence humaine et toutes
les forces de la société (…). On ne se
débarrasse pas de la criminalité, on la traite,
on ne 'tourne pas la page', on la lit d'abord".
Si
le juge estime que, il insiste sur le
fait que "la bataille permanente pour les libertés
se joue
aussi à l'occasion de cette lutte contre la
délinquance" . A l'inverse de cette conception,
l'action
de Nicolas Sarkozy est, selon lui "essentiellement
fondée sur la prison (…), il assouvit la soif
de vengeance, la rage de punir, il procure en un minimum de
temps la jouissance simple d'appliquer
simplement des idées
simples" .
Il crée une justice en trompe-l'oeil.
"Les droits de l'homme,
pour moi, ce sont avant tout les
droits de la victime"
dit Nicolas Sarkozy (3 juillet 2006). Face à cette
affirmation, Serge Portelli
pose la question : "que
gagnent les victimes à être exhibées sur
la place publique ?" . S'il
reconnaît que
"les victimes ont longtemps été les
oubliées de la justice et de la société
[et que] leur réhabilitation est très récente"
, il rappelle que "le réseau d'association
d'aide aux victimes, développé par Robert Badinter,
se trouve aujourd'hui dans les tribunaux et apporte
une aide
indispensable" . La victime a l'évidence de
sa souffrance, qui suscite compassion et
respect. Chacun peut
s'identifier à elle. Pour autant, l'idée de
Nicolas Sarkozy de créer un
"juge des victimes"
est un véritable trompe-l'œil : "essayer
de mêler les juges à la
'reconstruction'de la
victime c'est se tromper de registre et confondre les genres.
Le juge doit
essayer de comprendre et évaluer, pas
s'occuper des soins, de la thérapie". "J'estime que la situation
de victime ne saurait s'arrêter à la fin du procès"
, dit encore l'ex-ministre candidat. En réalité
"son intérêt est de quitter au plus vite
la scène de la justice sur laquelle elle a été
conduite contre son gré" selon Serge Portelli.
Il suspecte les enfants dès leur
plus jeune âge. Nicolas Sarkozy
demande : "Est-ce qu'il ne faut
pas s'occuper de la
détection précoce chez les enfants des troubles
du comportement
(…) ?" (Europe 1, 11 avril 2006).
Ainsi, l'avant-projet de loi sur la prévention de la
délinquance, réalisé par le ministère
de l'Intérieur en 2005, propose "la création
d'un "carnet
de comportement" censé
répertorier et garder la trace des signes précoces
de 'troubles du
comportements' et de 'souffrance psychique',
de la naissance à la vie adulte" . Mesure
inspirée
d'un rapport de l'INSERM rédigé
par Jacques-Alain Benisti. Serge Portelli s'interroge :
"Comment peut-on imaginer que la délinquance n'est
qu'un long continuum qui commence à l'enfance et
peut
se poursuivre sans relâche à l'âge adulte
?" . Suite à la polémique provoquée
par la récupération politique du rapport, un
colloque scientifique organisé par l'INSERM le 14 novembre
2006 a rejeté quasi unanimement les préconisations
de dépistage précoce de la délinquance.
Il s'appuie sur une conception déterministe
de la société. La
vision du monde que critique
Serge Portelli trouve son prolongement
direct dans les propos tenus par Nicolas Sarkozy dans Philosophie
Magazine, lorsque devant Michel Onfray, il dit incliner
"à penser qu'on naît pédophile"
: "et c'est d'ailleurs un problème que nous ne
sachions soigner cette pathologie. Il y a 1200 ou 1300
jeunes
qui se suicident en France chaque année, ce n'est pas
parce que leurs parents s'en
sont mal occupés ! Mais
parce que, génétiquement, ils avaient une fragilité,
une douleur
préalable. Prenez les fumeurs : certains
développent un cancer, d'autres non. Les premiers ont
une faiblesse physiologique héréditaire. Les
circonstances ne font pas tout, la part de l'inné est
immense" . Rabattre les causes de la pédophilie,
du suicide, de la maladie, etc., du côté de la
"déviance" et du côté
des gènes, revient à prôner un déterminisme
tout à fait dangereux pour
les libertés individuelles.
Ces propos sont sidérants de la part d'un haut responsable
politique... Surtout lorsque l'on sait que son action au ministère
de l'Intérieur a été qualifiée
par le président de la CNIL, pourtant sénateur
UMP, comme "particulièrement grave" :
"Je
constate une dérive du fichage que je considère
comme très dangereuse". La citation est rapportée
par Serge Portelli qui ajoute que police et gendarmerie disposent
de 100 millions de fiches en France,
http://interdits.net/interdits
Propulsé par Joomla!
Généré: 10 February, 2017, 18:27
L'Interdit
au sein desquelles les
risques d'erreur sont évalués à 30 %
par l'Observatoire National de la
Délinquance !
Pour se procurer l'ouvrage" Ruptures"
:
http://www.betapolitique.fr/ruptures {mospagebreak title=Mais qui est Serge Portelli ?} Qui est l'auteur du livre "coup de
poing"
Serge Portelli occupe
les fonctions de vice-président au tribunal de grande
instance
de Paris, président de la 12e Chambre correctionnelle.
Il est aussi conseiller
technique de Ségolène Royal, à en croire le quotidien 20 Minutes. Il a été conseiller de Raymond Forni (PS) lorsqu'il
était président
de l'Assemblée nationale et doyen des juges d'instruction au tribunal de Créteil. Il a
été
maître de conférences à l'Institut
d'études politiques de Paris et enseigne
aujourd'hui
à l'Ecole de psychologues praticiens de Paris Membre du Syndicat de la magistrature, il est
aussi
l'auteur du Traité de démagogie appliquée
: Sarkozy, la récidive et nous
(Michalon,
2006). {mospagebreak title=De Jospin à Sarkozy, haro sur les "excuses sociologiques"}
De Jospin à Sarkozy, haro sur
les "excuses sociologiques"
La sociologie s'est efforcée
depuis plus d'un siècle, de proposer un discours
sur le
monde social en rupture avec le sens commun,
le "café du commerce" ou les "philosophies
de comptoir" à la Nicolas Sarkozy. Le discours
sociologique met l'accent sur l'existence de
structures
sociales, et montre que l'individu n'est pas un électron
libre mais d'abord un
être social. Le sociologue
Norbert Elias explique ainsi , dans La société
des individus
(1939), que, paradoxalement, ce sont
"les modifications historiques des normes sociales
et de la structure des relations humaines"
qui rendent possibles le "processus d'individualisation"
, c'est-à-dire "la formation de la
personnalité de l'individu humain".
Ainsi, la conscience d'être soi, dépend
du fait que les autres ont aussi conscience
d'être
eux. Les hommes sont donc interdépendants. Et
aucun individu ne peut
maîtriser complètement
sa vie : parce que la vie de tout individu ne dépend
pas
seulement de ce qu'il en fait (comme le pense Nicolas
Sarkozy), mais aussi de ce que font les autres
(ce que
feint d'oublier Nicolas Sarkozy). Alors ? Sale temps
pour la sociologie car ses
principaux acquis ne cadrent
pas avec le discours dominant actuel, sorte de philosophie
néolibérale sans fondements scientifiques,
mais qui ne cesse de faire retour, et qui voudrait imposer
l'idée stupide que chacun est le propre entrepreneur,
donc le seul responsable, de luimême.
Face aux "questions sociales" , le discours
sociologique prône la compréhension. Et
non pas "l'excuse" , comme l'a dit Lionel
Jospin qui, lui aussi, en son temps, avait porté
un coup à la discipline en expliquant qu'en dernière
analyse, "chacun reste responsable de
ses actes.
Tant qu'on admettra des excuses sociologiques et qu'on
ne mettra pas en
cause la responsabilité individuelle,
on ne résoudra pas [les] questions [de délinquance]"
(Le Monde, 7 janvier 1999). Qu'on ne s'étonne
donc pas de voir ressurgir cette idée dans la
bouche d'un Nicolas Sarkozy leader d'une nouvelle droite
française"
décomplexée". {mospagebreak title=On vous aura prévenus...} En tout cas, on vous aura prévenus...
LA FRANCE D'APRES détourne, avec un humour grinçant,
un des premiers slogans de campagne de
Nicolas Sarkozy. Dans
ce recueil de nouvelles, dix-sept auteurs imaginent ce que
devient la
France après l'élection du patron
de l'UMP en mai 2007. Un coup d'œil sur son équipe
:
Georges Frêche est nommé ministre des affaires
étrangères, Dieudonné secrétaire
d'État à
l'Intégration réussie,
Thierry Jonquet à l'Éducation surveillée,
Alain Finkielkraut au Sport et aux
Relations entre communautés,
Arlette Chabot ministre de l'Information. Pour sa part, Jean-Pierre
Elkabbach devient, fort logiquement, président de la
"commission de respect éthique et protocolaire
des édiles". Ce musée des horreurs gouvernemental
s'attèle immédiatement aux réformes "dont
la France a besoin" : suivi des mineurs délinquants
dès la maternelle, fermeture de l'Institut
du monde
arabe, privatisation de l'assurance maladie, des télés
publiques et des universités,
fin du régime
des intermittents, instauration des 50 heures de travail hebdomadaires,
presse
muselée (mais consentante)… Bref, la "Rupture".
http://interdits.net/interdits
Propulsé par Joomla!
Généré: 10 February, 2017, 18:27
L'Interdit
La charge est cinglante. Saignante. Parfois mortelle : Alexandre
Dumal rêve de porter un
coup d'arrêt définitif
à la carrière du leader de l'UMP. Comme s'ils
cherchaient à tout prix le
procès, les auteurs
ne s'interdisent aucune transgression. Dommage, ce jeu de
massacre
verse parfois dans le grand guignol : même
dans mes pires cauchemars, j'ai du mal à imaginer Nicolas
Sarkozy en petit Führer. Mais, après tout, les
auteurs de ce brûlot n'ont pas le monopole de
l'outrance,
comme le prouvent chaque jour les déclarations de l'héritier
de Chirac… En
grossissant le trait, les auteurs (majoritairement
issus du polar, tels François Thomazeau, Christian
Roux ou Jean-Bernard Pouy) jettent une lumière
crue sur le projet de société voulu par Sarkozy…
Au passage, Ségolène Royal n'est pas épargnée
: plusieurs textes soulignent sa proximité
idéologique
avec Tony Blair. Ces nouvelles, de qualité inégale
sur le plan littéraire, exercent
toutes une fonction
de catharsis : on rit jaune, mais on rit. Ce qui, dans cette
campagne de
plus en plus violente et nauséeuse, est
déjà un tour de force…
La France d'après, éditions
http://interdits.net/interdits
privé, 15 €.
Propulsé par Joomla!
Généré: 10 February, 2017, 18:27