Secret d`instruction
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Secret d`instruction
REPONSE DU CONSEIL D'ETAT à l’interpellation Georges Glatz - Secret d’instruction : la justice fait-elle des confusions entre le rôle d’expert et celui de témoin ? Rappel de l'interpellation Récemment, au cours du procès dit du Grand Pont, où un conducteur a fauché plusieurs piétons, deux médecins experts, les professeurs Timothy Harding et Jacques Gasser ont été contestés par un collègue médecin, le psychiatre français Paul Bensussan, qui était entendu comme témoin à la demande de Me Jacques Barillon. Ce témoin, qui rappelons le n'est pas entendu comme expert nommé par la justice, aurait précisé selon ce qu'on a pu lire dans la presse, (Le Temps du 11 novembre) qu'il avait eu accès au dossier pénal, ce qui est pour le moins étonnant par rapport au secret de l'instruction. L'article 184 du Code de procédure pénale vaudoise (ci après CPP) stipule en effet à son alinéa : « Toute enquête demeure secrète jusqu'à sa clôture définitive ». L'alinéa 2 de cette disposition précise : « Le secret s'étend aux éléments révélés par l'enquête elle même ainsi qu'aux décisions et mesures d'instruction non publiques ». Au surplus, les notes figurant dans l'édition annotée du CPP précise sous l'article 184 CPP, 1.1. « Le Code de procédure pénale pose le principe du secret de l'ensemble des démarches de la justice qui préparent la solution du procès pénal. Par le biais des art. 166, 184 et 315 CPP, il confère un caractère confidentiel à toute activité étatique dans une affaire pénale de la première opération policière à l'ouverture des débats, lors de l'audience de jugement. (Jacques Michod, op. cit. p. 90) ». Pour compléter ce dispositif, l'article 315 CP (secret) stipule : « Les dispositions relatives au secret de l'enquête (art 184, 185, 185a et 186) sont applicables par analogie aux opérations préliminaires aux débats, à l'exception de l'appointement de l'audience. » –2– Dans l'affaire du procès du Grand Pont, le témoin est semble-t-il arrivé à l'audience en ayant déjà eu connaissance des expertises, c'est du moins ce qui nous a été rapporté par les médias. 1. S'agit-il ici d'une violation du droit, plus précisément de la procédure vaudoise ? 2. Et si tel est le cas quelle a été ou sera la réaction de la justice. ? Lausanne, le 29 novembre 2005. (Signé) Georges Glatz Réponse La question soulevée par l’interpellation Georges Glatz « Secret d’instruction : la justice fait-elle des confusions entre le rôle d’expert et celui de témoin ? » concerne la problématique du secret de l’enquête, régi par les articles 184 et suivants du Code de procédure pénale (ci-après : CPP ; RSV 312.01). En particulier, M. Glatz s’étonne du fait qu’un témoin ait eu connaissance des expertises avant l’audience. Il faut se référer ici à l’article 185a CPP, voté par le Grand Conseil le 12 décembre 1989 et entré en vigueur le 1er juillet 1990 : Art. 185a b) Parties, proches et familiers, conseils Les parties, leurs proches et familiers, leurs conseils, les collaborateurs, consultants et employés de ceux-ci, ainsi que les experts et les témoins sont tenus de respecter le secret de l’enquête envers quiconque n’a pas accès au dossier. La révélation faite aux proches ou familiers par la partie ou son conseil n’est pas punissable. Sur cette base, les parties peuvent recourir, dans le cadre d’une enquête, aux services d’un consultant. « Cela peut s’avérer nécessaire lorsqu’elles doivent se défendre sur des questions exigeant des connaissances techniques. Dans ce cas, les consultants sont à leur tour tenus de respecter le secret de l’enquête » (BGC 1989 p. 79). En pratique, il est courant que les avocats, pour être renseignés utilement sur certains aspects techniques du dossier, recourent à une aide extérieure. On peut penser à des spécialistes de la comptabilité ou à des scientifiques susceptibles –3– de remettre en question le contenu d’une expertise au dossier. De même, il arrive fréquemment que des avis de droit soient demandés par le conseil d’une partie à un spécialiste. En cas de recours à de tels auxiliaires, il n’y a pas violation du secret de l’enquête. En effet, comme le rappelle l’art. 185a CPP, de tels auxiliaires sont eux-mêmes tenus de respecter ce secret. Le cercle des personnes soumises au secret est ainsi élargi. En ce qui concerne le statut de ces personnes dans la procédure pénale, il n’y a pas lieu de les considérer comme des experts dès lors qu’ils ne sont pas soumis aux dispositions régissant la mise en œuvre d’une expertise. Deux statuts sont envisageables : soit celui de témoin, soit celui de personne appelée à fournir des renseignements. Il apparaît dans l’un et l’autre cas que la valeur probante des déclarations de la personne entendue n’atteint pas celle d’un expert. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil d’Etat est en mesure de répondre comme suit aux questions de l’interpellateur : 1. Le cas soulevé, à savoir le témoignage en audience de jugement de M. Paul Bensussan, psychiatre, ne constitue pas une violation de la procédure pénale vaudoise. 2. La question devient sans objet.