"Le dogme de l`Assomption" - Homélie du 15 août 2010 à Laon
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"Le dogme de l`Assomption" - Homélie du 15 août 2010 à Laon
Assomption de la Vierge Marie Homélie du 15 août 2010 à Laon Les premières paroles d’une personne sont souvent celles qu’on retient. Pour Marie, ses premiers mots dans l’évangile furent une question : « Comment cela va-t-il se faire ? ». De sa part, nul doute, mais une question normale : Marie n’imagine pas encore tout ce qui va s’accomplir de beau en elle. Elle imagine encore moins que l’amour du Seigneur va s’étendre « d’âge en âge » jusqu’à son Assomption où elle sera élevée corps et âme à la gloire du ciel. À notre tour, nous pouvons poser une question sur l’assomption de Marie : « Comment cela s’est-il fait ? ». Comment croire à ce dogme appelé aussi dormition chez les orthodoxes ? Qu’en est-il de ce léger sommeil, de ce court assoupissement, de cette mort la plus courte à laquelle la puissance du ressuscité consent pour maintenir la totale humanité de Marie ? Voici ce que le pape Pie XII écrivit le 1er novembre 1950 : « Marie, à la fin du cours de sa vie terrestre, a été élevée en âme et en corps à la gloire céleste ». Ce dogme est le dernier pour lequel un pape ait engagé son infaillibilité en 1950. Il peut paraître difficile de croire, soixante ans plus tard, à une telle affirmation. D’autant plus qu’il y a un étrange contraste entre le peu de versets bibliques consacrés à Marie et le développement dogmatique qui a suivi, donnant à la Vierge Marie de nombreux titres ou privilèges. Sans compter que Jésus lui-même semble avoir relativiser la place de sa mère pendant sa vie publique : « Qu’y a-t-il entre toi et moi ? » (Jn 2,4), « qui est ma mère ? » (Mt 12,48). Cependant ne faut-il pas voir, dans cette discrétion des Écritures, un signe paradoxalement très évangélique ? Souvenons-nous de la parabole de la graine de moutarde. Cette graine est la plus petite de toutes les semences, mais elle devient un arbre, « de sorte que les oiseaux du ciel viennent et demeurent dans ses branches » (Mt 13,31-32). Marie n’estelle pas en vérité cette minuscule semence, qui, à travers les siècles, est devenue cet arbre immense où nous sommes comme des oiseaux libres qui viennent y demeurer ? L’Église, au cours des siècles, a donc développé sur Marie, petite graine du Seigneur, une immense littérature, des pensées, des prières, des pèlerinages, des icônes, des tableaux, des ex-votos, des cathédrales au point de faire naître des branches dogmatiques robustes qui, loin de faire ombrage au mystère du Christ, le développe et surtout font aimer le Seigneur. En effet, contrairement aux idées reçues, un dogme ne signifie pas une vérité arbitraire, imposée du dehors, contraire à l’intelligence. Le dogme n’est pas une pierre brute, mais un diamant qui a été longuement poli et ciselé pour parvenir à une beauté qui se contemple. Il est le résultat de la prière de l’Église à travers les siècles, de la réflexion des docteurs et des saints et surtout du sens de la foi des fidèles chrétiens. Le dogme est une vérité patiente, longuement méditée, une vérité qui vient de Dieu, une vérité qui nous est donnée comme un don qui nous précède. Le dogme est une vérité qui illumine nos réflexions et brise celles qui sont trop à notre image. Loin d’obscurcir le panorama divin, il élargit nos vues. Et ce n’est pas parce qu’il est tardif qu’il est moins évangélique. Il y a plus de vérité dans ce qui émerge patiemment que dans ce qui fait irruption sans lendemain. Le dogme n’est d’ailleurs jamais figé. Celui de l’Assomption a été approfondi lors du concile Vatican II et par le pape Jean-Paul II. Ainsi quand nous méditons le chapelet, nous ne méditons pas sur Marie, mais nous méditons, par Marie, sur les mystères joyeux, douloureux, lumineux, glorieux du Christ. Plus nous méditons sur ce que Dieu a fait en Jésus Christ, plus nous découvrons le mystère de Marie. Et plus nous prions Marie, plus nous découvrons le Christ et notre propre mystère d’homme ou de femme. L’affirmation d’un dogme implique simplement une humilité de cœur qui permet alors de rendre grâce. Rendre grâce car Marie a toujours une longueur d’avance sur nous. Elle nous précède en tout. Le dogme de l’assomption affirme que Marie a fait tout le chemin. Dieu élève celle qui a fait tout le chemin de grâce que peut faire une créature. Elle a fait tout son chemin, de sa conception immaculée à la gloire du ciel près de son Créateur et Sauveur. Comme une guide de haute montagne elle s’est assurée de tous les pas que nous avons à faire. Élevée par Dieu lui-même, Marie nous élève et éduque en montrant la route qu’est le Christ. En contemplant Notre Dame de l’Assomption, nous pouvons déjà voir vers qui nous allons dans la certitude que Dieu nous attend lui-même. Marie a fait tout le chemin par la grâce de Dieu. Nous aussi, nous pouvons faire tout le chemin en déployant la grâce de notre baptême et de notre confirmation. Parce que Marie est au ciel, proche de son Fils, elle nous devance vers la gloire. Et non seulement elle nous devance, mais elle nous entraîne. Et non seulement elle nous entraîne, mais elle nous relie déjà à la communion céleste. Jean-Paul II disait que « Marie contribue d'une manière spéciale à l'union de l'Église en pèlerinage sur la terre avec la réalité (…) céleste de la communion des saints ». C’est comme si Marie prenait la main de l’Église en chemin pour recevoir « toute la plénitude de Dieu » (Ep 3,19). En proclamant le dogme de l’Assomption, l’Église va donc plus loin que la lettre des Écritures. L’Église ne se contente pas de répéter des versets d’Écriture, même s’il est bon de les méditer par le cœur ! Mais elle approfondit toujours le mystère du ressuscité. Et si Dieu a totalement déployé sa puissance infinie en Jésus, il nous montre déjà avec Marie qu’il a commencé à le faire aussi sur toutes ses créatures et pour tous ceux que son cœur aime. Dieu n’a pas réservée la résurrection à Jésus seul : il a fait en sorte que tous les effets de la résurrection de Jésus soient déjà réalisés en Marie. Jean-Paul II dira que « par le mystère de l'Assomption au ciel se sont réalisés définitivement en Marie tous les effets de l'unique médiation du Christ, Rédempteur du monde et Seigneur ressuscité ». En Marie tout est accompli de ce que Dieu veut faire pour nous. Le dogme de l’Assomption est donc une bonne nouvelle et la joie de notre espérance : Marie est la première créature qui a réalisé la véritable humanité voulue par Dieu. Le dogme précise que Marie a été élevée « corps et âme », c'est-à-dire pas à moitié mais totalement, avec toute sa personne, avec toute sa vie. Toute la vie de Marie est entièrement aimée de Dieu. Il n’y a pas que l’âme qui va vers Dieu. C’est avec tout nousmêmes que nous sommes attendus. La résurrection de la chair ne signifie pas que nous ressusciterons avec nos corps âgés ou handicapés ou embryonnaires ou trop tôt disparus. La résurrection de la chair ne signifie pas non plus que nous prendrons l’aspect des plus beaux top modèles ! La résurrection de la chair signifie que notre corps est fait pour le ciel, que notre vie tout entière est faite pour la gloire, que toute notre personne est créée pour l’éternité avec Dieu. Dieu ne se contente pas d’aimer notre âme, il nous aime intégralement tel que nous sommes, avec notre corps, avec notre histoire, avec les événements vécus, avec nos actes. Enfin, le dogme dit que Marie « a accompli le cours de sa vie terrestre ». Elle a fait son chemin, en méditant la parole de Jésus et tous les événements de la vie de son Fils. Elle méditait tant les Écritures qu’elle a composé le Magnificat qui est pétri des Écritures saintes. Puissions-nous être, comme elle, imprégnée de la Parole de Dieu. Dans un monde qui connaîtra, encore et toujours, des événements durs (catastrophes ou problèmes sociaux), les chrétiens doivent témoigner d’une espérance invincible en la vie éternelle, non pas pour s’évader, mais au contraire pour trouver, en cette espérance garantie par l’assomption de Marie, une fraternité nouvelle exigée par le Ressuscité. Notre réponse la plus efficace ne peut être qu’à l’image de Marie, dans une grande fidélité à la Parole de Dieu. Demandons à la Toute Sainte qu’elle nous aide à méditer comme elle. Parce qu’elle est en « continuelle coopération avec le Christ », sa puissance priante est singulière et efficace. C’est celle d’une mère, de la mère de Jésus, de la « Mère de Dieu ». Prions-la avec cœur et simplicité : elle nous écoute.