Grünewald et son temps.qxd # #5
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fiche de visite Exposition Grünewald Grünewald et son temps L’exposition « Grünewald , Regards sur un chef d’oeuvre » permet d’aborder le thème de l’Humanisme et de la Renaissance avec les élèves. A travers les dessins préparatoires de Grünewald, mis en parallèle avec des dessins de ses contemporains, les élèves découvriront les caractéristiques de la Renaissance artistique ainsi que les spécificités de la peinture de Grünewald. La rencontre de certains de ces artistes et la diffusion de leurs oeuvres dans l!espace rhénan permet d!évoquer la notion de foyer artistique ( possibilité d!un parcours humanisme et Renaissance dans l!espace rhénan avec la visite de la Bibliothèque Humaniste de Sélestat). MAÎTRE MATHIS ( dit GRÜNEWALD) Grünewald a longtemps été un mystère. Le premier à mentionner son existence est Joachim von Sandrart ( 1606-1688) dans sa « Teutche Academie » ( 1675). Dans cet ouvrage figure la première notice historique sur le peintre du Retable d’Issenheim appelé Mathis Grünewald. Depuis lors, les historiens ont trouvé la trace de trois personnages correspondant à la dénomination de « Maître Mathis » et au monogramme « MGN » présent sur certaines œuvres conservées. Aujourd’hui, Grünewald est unanimement reconnu dans l’’un d’entre eux : Mathis Gothard Nithard. On connaît peu d’éléments de sa vie. Il est né entre 1475 et 1480 à Wurtzbourg et sa mort peut être située en 1528 à Halle-sur-Saale . Les œuvres qui nous sont parvenues sont toutes des œuvres religieuses. Grünewald a réalisé plusieurs retables dont celui d’Issenheim entre 1512 et 1516 et celui d’Aschaffenbourg entre 1517 et 1519. On s’accorde aujourd’hui à considérer qu’il était aussi ingénieur hydraulicien et qu’il devait pratiquer la métallurgie tout en fabricant ses propres pigments ( d’où un intérêt particulier de l’artiste pour les couleurs et la lumière dans ses œuvres). Ses œuvres ont été réalisées dans l’espace franconin et rhénan ( essentiellement dans le dioscèce de Mayence) qui constitue un véritable foyer intellectuel et artistique où les éditeurs, les humanistes, les théologiens ( berceau de la Réforme) et les artistes se côtoient. Aussi les œuvres de Grünewald révèlent-elles des influences de la peinture flamande ( dans la scène de la Crucifixion du Retable d’Issenheim, le sang qui s’échappe du flanc de l’Agus Dei et qui coule dans un calice figure également sur le panneau central du Retable de Gand peint par Van Eyck), de l’Ecole du Danube ( artistes qui ont travaillé dans la région danubienne) mais également de la peinture italienne ( l’influence italienne, est marquée dans le dessin La Vierge à l’Enfant avec St JeanBaptiste). De même, son œuvre est-elle à la charnière entre deux époques : fin du Moyen Age et début de la Renaissance ( sur le panneau du Retable représentant St Antoine, celui-ci s’inscrit encore dans le courant gothique, tandis que le St Sébastien, par ses proportions et son rapport au paysage renvoie à la peinture renaissante italienne). Cet espace, situé entre les Pays-Bas et l’Italie, constitue aussi un centre économique dont la richesse favorise la création. UN PEINTRE DE LA RENAISSANCE Le retour au naturalisme L’ Humanisme entraîne un regain d’intérêt pour l’Homme et son environnement. D’où la volonté d’être au plus proche du réel dans les représentations picturales. Ce souci de réalisme ou naturalisme se retrouve chez Grünewald et ses contemporains dans les portraits, les représentations du corps et des vêtements. * Dans les portraits Le traitement naturaliste des cheveux s’observe chez Hans Holbein l’Ancien, Portrait d’une jeune fille à la longue chevelure dénouée, 1515. Le chevelure est travaillée à la plume avec une attention particulière. On retrouve chez Grünewald une même volonté de représenter les détails de la chevelure dans Sainte Lucie ( grisaille sur bois, 1509-1510, Retable Heller) et dans l’Annonciation du Retable d’Issenheim. Dans le dessin, Tête de Jeune fille ( 1513-1515), l’asymétrie dans le visage montre la volonté de Hans Baldung Grien de représenter le modèle tel qu’il le voit ( même si la forme ovale du visage montre la persistance d’une idéalisation). * Dans la représentation du corps La précision des détails anatomiques s’observe chez Grünewald et ses contemporains. Ainsi Martin Hoffmann dans Le Christ de douleur ( 1515) réalise-t-il un modelé nuancé du buste et des mains. Les deux plis de la peau à la saignée des bras dans L’étude de Torse pour Saint Sébastien de Grünewald témoignent également de la précision de la représentation. * Dans la représentation des vêtements Certains artistes de la Renaissance ont donné l’illusion de tissus réels sur leurs oeuvres. C’est le cas de Léonard de Vinci dans Draperie pour une figure assise. Bérenson ( Historien d’art américain, 1865-1959, spécialiste de la Renaissance) dit de l’artiste qu’il « fut peut-être le premier artiste moderne à traiter la draperie non plus comme une calligraphie ou un ornement mais comme des tissus bien réels, de véritables vêtements ». Les plis aux courbes calquées sur la position du personnage et les jeux d’ombre et de lumière donnent le sentiment de réel au dessin. Grünewald a cherché à atteindre le même naturalisme dans la représentation du vêtement de la Vierge de l’Annonciation. Il représente les plis avec beaucoup de détails ( les bords se retournent vers l’intérieur ; des petits plis à l’intérieur de plis plus grands) et rend la pesanteur du vêtement par des couches superposées de peinture. L’importance du paysage A la Renaissance, le paysage devient plus réel et acquiert une nouvelle fonction pour les artistes de l’’Ecole du Danube : il ne s’agit plus uniquement d’un décor mais il participe à l’expressivité. Dans Le combat entre un chevalier et un lansquenet ( 1512) d’Albrecht Altdorfer le paysage est aussi inquiétant que la scène représentée : les arbres semblent animés de mouvement et semblent refléter le combat engagé. Les couleurs utilisées pour la représentation de paysages sont parfois spectaculaires ( Albrecht Altdorfer, Paysage au soleil couchant, 1522) comme dans les scènes religieuses ( couleur et lumière servent à exprimer le divin)) : Crucifixion d’Altdorfer ( Berlin) et Résurrection du Retable d’Issenheim. L’expressivité En plus du naturalisme, les peintres du XVIème siècle recherchent l’expressivité dans leurs œuvres. C’est le cas de Lucas Cranach l’Ancien dans Le larron en croix tourné vers la gauche ( vers 1502) : représentation du corps supplicié et contorsionné. On observe également une grande richesse d’expression dans les études de physionomies de Grünewald. C’est le cas dans Tête d’un personnage criant ( vers 1515-1520). L’artiste a représenté un enfant qui crie, la bouche ouverte et les yeux fermés. Il a accentué la crispation et le gonflement des traits du visage comme le révèlent les repentirs. Grünewald a donc procédé à une altération de la physionomie en lien avec l’émotion dramatique. LES SPECIFICITES DE GRÜNEWALD La technique du dessin et technique picturale Grünewald utilise la technique du fusain. Dans ses dessins, il emploie les mêmes procédés qu’en peinture : pratique des superpositions et de l’estompe. En peinture, il maîtrise la technique mixte, tempera et peinture à l’huile. L’utilisation de la peinture à l’huile lui permet de superposer les couches de peinture pour donner l’illusion de la profondeur ( comme dans le manteau de la Vierge dans la scène de l’Annonciation sur le Retable d’Issenheim) et les jeux de lumière. Le traitement pictural qui vise à cerner de noir certains volumes ( pour la représentation de la profondeur) est aussi une caractéristique propre à la technique de Grünewald. Les couleurs et les jeux de lumière L’importance de la couleur et de la lumière chez Grünewald expliquent sa dénomination de « Corrège allemand » dans une publication de 1873 ( « Der deutsche Corregio », titre du fascicule n°7 consacré à Grünewald appartenant au travail de M.WOLTMANN publié en 1873 sous le titre « Steifzüge im Elsass ».) Dans ses œuvres, Grünewald utilise le clair-obscur et établit des rapports visuels entre couleurs juxtaposées. La scène de la Crucifixion du retable d’Issenheim montre cette opposition entre couleurs froides et couleurs chaudes. L’artiste pratique également la superposition de couches de plusieurs tonalités pour rendre la profondeur mais aussi pour atteindre la couleur juste. Outre la superposition de couches de peinture, l’artiste ajoute plusieurs glacis qui lui permettent d’atteindre une couleur plus saturée. La technique de Grünewald se caractérise aussi par les jeux de lumière. Ceux-ci sont visibles dans ses dessins. Dans l’Etude de vieillard debout, les bras levé ( vers 1510-1511), la lumière tombe sur le visage, le manteau, les mains et les pieds. On distingue des points de lumière posés sur le bout des doigts et sur les orteils. On retrouve ces tâches de lumière sur les différentes parties du visage de La tête de femme. Les effets de la lumière sont également visibles sur le Retable. Dans la scène de Crucifixion, la source lumineuse vient de la droite et crée des reflets orangés dans la manteau de Jean-Baptiste, rose orangé sur le vêtement de Madeleine et rouge vif sur celui de Jean. Remarque : spécificité de la lumière sur le panneau de la Résurrection. Selon John Gage ( spécialiste de l’histoire culturelle des couleurs), le halo de lumière qui entoure le Christ serait l’image de la flamme du four du métallurgiste et les étoiles représentées seraient les étincelles provoquées par le travail du métal dans la forge. Le mouvement Grünewald porte un intérêt particulier au mouvement de ses figures. On constate une volonté de l’artiste de représenter l’action à l’instant de son déroulement. Ainsi dans l’Annonciation du Retable d’Issenheim, l’archange Gabriel, pointe du pied posée sur le sol, vient à l’instant de surprendre Marie. Le mouvement se constate également dans les drapés ( les bords du manteau de Marie se retournent vers l’intérieur). L’émotion dramatique Grünewald se caractérise par une volonté de représenter les émotions dramatiques. Cette volonté s’observe dans ses dessins ( cf Tête d’un personnage criant cité précédemment) mais également dans sa peinture. Elle est particulièrement visible dans le panneau de la Crucifixion du Retable d’Issenheim où la douleur est omniprésente. Elle se lit sur les visages des personnages ( Le Christ, Jean et Marie-Madeleine dont le visage est déformé par la douleur dans la prédelle) mais également sur la crispation des mains ( notamment les mains du Christ) et la tension des muscles ( bras du Christ).