10 Production du Virus - Institut Pasteur de Tunis

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10 Production du Virus - Institut Pasteur de Tunis
PRODUCTION DU VIRUS DE LA BURSITE INFECTIEUSE
AVAIRE (IBDV) PAR TRANSCRIPTION IN VIVO
DE L’ADNC GENOMIQUE
H. MARDASSI1*, A. ARFAOUI1, L. GRIBAA1 ET A. GHRAM1
1Laboratoire de Microbiologie Vétérinaire, Institut Pasteur de Tunis.
*Auteur correspondant
RESUME
ABSTRACT
Afin de mieux cerner le mode d’assemblage et de
réplication du virus de la bursite infectieuse aviaire
(virus à ARN double brin bisegmenté), nous nous
sommes proposés de procéder par génétique inverse
basée sur la transcription in vivo. Cette méthodologie
consiste à produire des particules virales infectieuses
à partir du transcrit du génome viral généré in vivo
après transfection de l’ADNc génomique dans des
cellules sensibles. Pour ce faire, nous avons souscloné chaque ADNc des deux segments génomiques A
et B dans un plasmide d’expression eucaryotique sous
le contrôle du promoteur/enhancer du cytomégalovirus (CMV). Le virus fut obtenu après cotransfection
des cellules fibroblastiques d’embryon de poulet (FEP)
par les deux constructions plasmidiques en dépit de
la présence de séquences extragénomiques relativement longues. Enfin, nous avons profité de ce système afin de fusionner la protéine GFP (Green
Fluorescent protein) à différents niveaux avec la
polyprotéine en vue de marquer le génome viral. Les
résultats indiquent que la présence de portions de la
polyprotéine en position amino-terminale par rapport à la GFP affecte dramatiquement le niveau de
fluorescence de celle-ci.
Mots clés: IBDV, ADNc, clonage, transcription in
vivo, transfection, génétique inverse.
Generation of infectious particles of infectious bursal
disease virus (IBDV) has been essentially performed
by transfecting susceptible cells with in vitro synthesized cRNAs of genomic segments A and B. In the
present study, we have explored the possibility to proceed directly in vivo without taking into account the
extra-genomic vector-derived sequences. For this purpose, cDNAs of segments A and B were subcloned
into an eucaryotic expression vector under the control
of the immediate early CMV promoter. Upon transfection of primary culture of chicken embryonic fibroblasts with both constructs, a cytopathic effect (CPE)
typical of that produced by IBDV could be observed,
indicating that the 5’- and 3’-vector-derived extranucleotides did not interfere with the replication and
packaging process. Finally, in order to develop a GFPbased packaging assay, we first tried to express this
fluorescent protein in the context of the IBDV polyprotein encoded by the genomic segment A. Our initial results indicate that the presence of IBDV specific
sequences upstream of the GFP polypeptide dramatically decreased the fluorescence of the latter protein.
Key words: IBDV, cDNA, cloning, in vivo transcription, transfection, reverse genetics.
INTRODUCTION
Le virus de la bursite infectieuse aviaire (IBDV) est le
prototype du genre avibirnavirus de la famille des Birnaviridae 1. Il s’agit de l’agent étiologique de la maladie
de Gumboro ou bursite infectieuse aviaire dont l’impact
médical et économique est d’une importance capitale en
industrie aviaire 2, 3.
Le virus IBDV est à capside icosahédrique et dépourvu
d’enveloppe. Le génome est constitué de deux segments (A et B) d’ARN double brin d’environ 3 kb chacun 4, 5, 6. Le segment A code pour les deux protéines
capsidiales VP2 et VP3 résultant d’un clivage auto catalytique d’un polypeptide précurseur grâce à la protéase
Tome 7 6 (1/2/3/4)
VP4, dont le gène est situé entre les séquences spécifiques de VP2 et de VP3 7, 8, 9, 10, 11, 12. En outre, le segment
A contient un second cadre de lecture en amont de
celui codant pour la poly protéine, lequel cadre code
pour une protéine non structurale (VP5) impliquée dans
la virulence 13, 14, 15. Quant au segment B, il code pour la
protéine VP1 considérée comme étant la polymérase
virale 16, 17.
Parmi les méthodes utilisées afin d’étudier les caractéristiques du cycle de multiplication des virus à ARN,
celle basée sur la génétique inverse est certainement la
plus directe 18, 19, 20, 21, 22. Cette méthode consiste à générer
un transcrit in vitro (authentique ou muté) à partir de
l’ADN complémentaire (ADNc) viral, lequel transcrit est
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PRODUCTION DU VIRUS DE LA BURSITE INFECTIEUSE AVAIRE (IBDV) PAR TRANSCRIPTION IN VIVO DE L’ADNC GENOMIQUE
ensuite introduit par transfection de cellules eucaryotes
en vue de produire du virus. En général, l’infectivité de
ces transcrits générés in vitro dépend et de la nature et
de la longueur des séquences plasmidiques extravirales. L'effet inhibiteur de ces séquences extragénomiques semble être plus important quand la
transcription a lieu in vitro 18. Etant donné la nature segmentée du virus IBDV et, par conséquent, la possibilité
d’en disposer sous forme d’ADNc, nous nous sommes
proposés de tirer profit de cette caractéristique du
génome viral afin d’évaluer la possibilité de produire du
virus IBDV à partir de son ADNc en procédant directement par transcription in vivo, ce qui devrait simplifier davantage l’analyse du cycle viral.
EcoR I
Kpn I
EcoR I
Pst I
SA
SB
FKP2A
FKP2B
Kpn I
Linéarisation
Pst I
Conversion en bouts francs
et digestion par
EcoR I
Clonage dans pcDNA3
EcoR I
EcoR V
pCMV
EcoR I
EcoR V
pCMV
pCMV3.B
pCMV3.A
Cotransfection des
cellules FEP
Fig.1. Stratégie de clonage des segments A et B dans le
vecteur eucaryotique pcDNA3 et transcription in vivo de
leur ADNc.
MATERIELS ET METHODES
PRÉPARATION DES CELLULES ET
PROPAGATION VIRALE
Les cultures primaires de cellules fibroblastiques de
poulet ont été préparées par trypsination d’embryons de
poulet de 11 jours et maintenues dans du DMEM contenant 5% de sérum fœtal de veau. La souche P2 du
virus IBDV a été gracieusement fournie sous la forme
d’ADNc des segments A et B (FKP2A et FKP2B, respectivement) par le docteur Egbert Mündt (Centre Fédé62
ral Allemand de Recherche sur les Maladies Animales &
Institut de Virologie Moléculaire et Cellulaire. Le virus
infectieux a été régénéré par transcription in vivo et a
subi 04 passages successifs. Le calcul du titre viral a été
déterminé par la méthode de Spearman-Karber et le
résultat est exprimé en 50% de la dose infectieuse en
culture de tissu (DICT50/ml).
CONSTRUCTIONS PLASMIDIQUES
Les segments A et B du virus IBDV ont été sous-clonés
dans le vecteur pcDNA3 (Invitrogen) sous le contrôle
du promoteur CMV (Fig.1). En effet, les constructions
plasmidiques FKP2A et FKP2B ont été linéarisées immédiatement en aval de l’extrémité 3’ de chaque segment,
puis converties en bouts francs. Les segments A et B ont
été isolés par digestion par l’enzyme EcoR I, et enfin,
sous clonés dans le vecteur pcDNA3 entre les sites
EcoR I (5’) et EcoR V (3’), donnant respectivement naissance aux constructions pCMV3.A et pCMV3.B.
Pour les besoins de l’insertion de la GFP en fusion
avec la poly protéine du segment A, le vecteur pcDNA3
original a été modifié de sorte que les sites uniques Bgl
II, Xho I et Xba I aient été inactivés par digestion et
auto-ligation. La protéine GFP a été ensuite amplifiée
par PCR à partir du vecteur pCMV3.GFP qui consiste en
le vecteur pcDNA3 dans lequel est inséré le gène de la
EGFP (Enhanced Green Fluorescent Protein; Clontech)
entre les sites EcoR I et Not I.
Le gène EGFP a été fusionné à la polyprotéine soit
entre les deux sites naturels Xho I, soit entre les sites
Xba I et Bgl II, ou, enfin, entre le site Bgl II du segment
A et le site Not I du vecteur pcDNA3 (Fig.4A). Le codon
d’arrêt de traduction de la protéine EGFP a été maintenu
de sorte qu’elle soit toujours exprimée en position carboxy-terminale de ortionde la polyprotéine.
TRANSFECTION DES CELLULES FEP ET
ANALYSE DE LA FLUORESCENCE
Les cellules FEP ont été transfectées par la méthode
basée sur les complexes phospho-calciques en utilisant
10-20 µg de plasmide selon un protocole standard 23. Les
cellules ont été transfectées par le vecteur pCMV3.GFP
18 hrs après trypsination, soit directement après
leur préparation, soit après le premier ou le deuxième
passage. Concernant le protocole de transcription in
vivo en vue de produire du virus à partir des constructions pCMV3.A et pCMV3.B, les cellules FEP fraîchement préparées ont été cotransfectées par les deux
constructions soit sous la forme surenroulée soit
après linéarisation par Not I. Les cellules ont été quotidiennement observées pour la présence d’un éventuel
effet cytopathique (ECP).
Enfin, la fluorescence émanant des cellules transfectées
par les différentes constructions contenant la EGFP a été
observée sous le microscope à UV, 24 à 48 hrs posttransfection.
TRANSCRIPTION INVERSE ET PCR
Un protocole optimisé de RT-PCR fut utilisé afin de
A r c h s . I n s t . P a s t e u r T u n i s , 2000
H. MARDASSI, A. ARFAOUI, L. GRIBAA ET A. GHRAM
détecter les particules virales dans le surnageant des
cellules transfectées. Après apparition de l’ECP, le surnageant des cellules transfectées a été traité par la
protéinase K et le détergent SDS pendant 02 hrs à
37°C. Les acides nucléïques totaux ont été extraits
deux fois au phénol-chlorophorme et précipités par
l’éthanol selon un protocole standard 23. Le précipité
a été dénaturé à 98°C en présence de 50% de DMSO
et immédiatement refroidi par l’azote liquide afin
d’éviter la réassociation des brins d’ARN. La réaction
RT a été réalisée en présence de la transcriptase MMLV
(Gibco BRL) selon les recommandations du fabriquant. Les gènes correspondant aux protéines VP5 et
VP2 ont été amplifiés après 30 cycles (1 min à 94° C,
1 min à 55° C et 1 min à 72° C) en utilisant 50% du
volume de la réaction RT. Les paires d’amorce
IB5SP/IB5RP et IB2SP/IB2RP ont été utilisées pour
l’amplification des gènes VP5 et VP2, respectivement
(voir tableau 1).
En vue d’exprimer la GFP dans le contexte de la polyprotéine, trois amorces sens (tableau 1) permettant la
fusion de la GFP aux sites Xho I (EGFXH), Xba I
(EGFXB) et Bgl II (EGFBG) ont été utilisées chacune
avec la même amorce antisens (EGFR) qui maintient
le codon d’arrêt de traduction de la GFP. Le plasmide
pCMV.GFP a été utilisé comme matrice pour la réaction PCR.
Tableau I - Les amorces oligonucléotidiques ayant permis la détection du génome viral et l’amplification de la
GFP en vue de la fusionner à la polyprotéine.
Amorce Taille
Sens
Séquence
RESULTATS
NIVEAU DE TRANSFECTION DES
CELLULES FEP
Nous avons tout d’abord optimisé le niveau de transfection des cellules FEP en utilisant la protéine GFP
(Green Fluorescent Protein) comme gène rapporteur 24, 25.
Il s’est avéré que le meilleur niveau de transfection par
le phosphate de calcium est atteint lorsque les cellules
n’ont subi aucun passage, soit 18 hrs en moyenne après
leur préparation. Dans ces conditions, un taux de transfection de l’ordre de 80% a été quelque fois atteint.
Généralement, un niveau de 30 à 50% de cellules transfectées est observé (Fig.2). Toutefois, quelque soit la
préparation cellulaire, le niveau de transfection baisse
dramatiquement, à moins de 5%, après le premier passage et il est pratiquement nul après le deuxième passage.
A
B
Fig.2. Optimisation de la transfection des cellules FEP par
la méthode basée sur le phosphate de calcium.
A: Estimation du niveau de transfection
IB2SP
21
+
ATGACAAACCTGCAAGATCAA
IB2RP
21
-
TCAACCAAGCCTCACATACCC
IB5SP
24
+
ATGGTTAGTAGAGATCAGACAAAC
IB5RP
28
-
GATCCAGTTCACTCAGGCTTCCTTGGAAG
EGFXH
33
+
TACCTCGAGCCATGGTGAGCAAGGGCGAGGAGC
EGFXB
32
+
ATCTCTAGACATGGTGAGCAAGGGCGAGGAGC
EGFBG
32
+
TACAGATCTGATGGTGAGCAAGGGCGAGGAGC
EGFR
52
-
ATCGCGGCCGCGAATTCTAGATCTCGAGTTACTTG
TACAGCTCGTCCATGCC
Les sites de restriction ayant permis l’insertion de la
GFP dans le segment A sont indiqués en gras. Le ou
les nucléotides soulignés permettent à la GFP d’être
exprimée dans le cadre de lecture de la portion aminoterminale de la polyprotéine. Les séquences spécifiques des gènes à amplifier sont en italique.
Tome 7 6 (1/2/3/4)
B: Amas cellulaire ayant préservé la structure fibroblastique
et exprimant un niveau optimal de la GFP.
EVALUATION DE LA TRANSCRIPTION
IN VIVO POUR LA PRODUCTION DU
VIRUS IBDV
La possibilité de produire du virus IBDV sans procéder
par l’étape de la transcription in vitro a été testée en
cotransfectant les cellules FEP (fraîchement préparées)
par les ADNc des segments A et B clonés sous le
contrôle du promoteur CMV, soient, respectivement, les
constructions pCMV3.A et pCMV3.B (Fig.1). En effet,
l’on s’attend après introduction des constructions plasmidiques à ce que des transcrits primaires (cRNA) des
segments A et B soient générés in vivo à partir du promoteur CMV. Ces transcrits seront traduits et les produits
d’expression serviront à initier un cycle viral productif.
En effet, 04 jours après la transfection un effet cytopathique (ECP) caractéristique du virus IBDV a été
observé dans les puits cotransfectés par les segments A
et B. Cet ECP est totalement absent des puits transfectés par l’un ou l’autre des segments ainsi que des cellules transfectées par le plasmide original non
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PRODUCTION DU VIRUS DE LA BURSITE INFECTIEUSE AVAIRE (IBDV) PAR TRANSCRIPTION IN VIVO DE L’ADNC GENOMIQUE
recombinant. Afin de confirmer que l’ECP observé était
réellement le résultat de la réplication virale, le surnageant des cellules cotransfectées a été inoculé à des cellules fraîches, lesquelles ont manifesté un ECP au bout
de 02 jours. Ce même effet a pu être reproduit pour
trois autres passages). Enfin, la démonstration définitive
que l’ECP observé était le résultat de la réplication
virale a été déterminée par RT-PCR à partir du surnageant des différents passages; le surnageant initial provenant des cellules cotransfectés ayant été
volontairement omis afin d’éliminer la contamination
par l’ADN plasmidique. Les gènes des protéines VP5 et
VP2 ont été amplifiés et les produits d’amplification
étaient identiques à ceux obtenus à partir d’un virus
vaccinal (Fig.3).
fusionnée à la polyprotéine, légèrement en aval du
gène de la protéine VP4 (entre les sites naturels Xba I
et Bgl II). Enfin, une troisième construction (C3) a été
envisagée dans laquelle la GFP est positionnée le plus
distalement possible des deux sites de clivage de la
polyprotéine (entre Bgl II et Not I). Pour ce faire, la protéine GFP a été amplifiée par PCR en utilisant des
amorces sens qui étaient désignées de sorte que le
codon d’initiation de la GFP soit fusionné à la polyprotéine.
De toutes les constructions réalisées, la fluorescence a
pu être seulement observée dans le cas où la GFP a été
introduite le plus distalement possible des sites de clivage de la polyprotéine (Fig. 4B). Il est important de
noter, que dans ce cas, la fluorescence est plus faible
que celle émise par la GFPnon fusionnée.
Bgl II
Not I
Xho I Xba I
Xho I
VP5
WT
VP2
VP4
Xho I
Enfin, au cours de ces expériences de cotransfection, les
constructions pCMV3.A et pCMV3.B ont été soient
linéarisés en aval de l’extrémité 3’ terminale de chaque
segment, soient maintenus sous la forme surenroulée.
Dans les deux cas, les titres viraux ont évolué de la
même manière (Tableau 2).
VP3
Xho I
C1
GFP
Xba I
Bgl II
C2
Tableau II - Evolution du titre en DICT 50/ml du virus
régénéré par transcription in vivo.
Nombre de
Passage Passage Passage Passage
passages plasmide
1
2
3
4
(Plasmide linéarisé)
102.25
102.5
104.25
104.5
(Plasmide surenroulé)
102
102.25
104.25
104.5
Bgl II
Not I
C3
EXPRESSION DE LA GFP DANS LE
CONTEXTE DE LA POLYPROTÉINE
DU SEGMENT A
Dès lors que la transcription in vivo s’est avérée fonctionnelle, nous nous sommes proposés de développer
une stratégie nous permettant de mieux aborder l’étude
de cycle viral. Cette stratégie consiste à incorporer la
GFP dans le génome viral, notamment au niveau du
segment A, de sorte que l’expression de la polyprotéine
s’accompagne de l’émission d’une fluorescence. Tout
d’abord, il s’agit de déterminer la position de fusion de
la GFP qui n’interfère pas avec l’expression de la fluorescence. Trois constructions ont été réalisées et sont
représentées dans la figure 4A. Dans la première
construction (C1), la GFP a été clonée de sorte qu’elle
puisse être fusionnée à la protéine VP2 en position
carboxyterminale, soit entre les deux sites naturels XhoI
du segment A. Dans le second cas (C2), la GFP a été
64
DISCUSSION
L’objectif primaire du présent travail consiste à déterminer si la transcription in vivo de l’ADNc du génome
du virus IBDV permettait l’obtention de particules
virales infectieuses. Les premiers travaux ayant permis
l’obtention de particules virales infectieuses de ce virus
à ARN double brin ont été réalisées en introduisant
dans des cellules eucaryotes les deux ARNc génoA r c h s . I n s t . P a s t e u r T u n i s , 2000
H. MARDASSI, A. ARFAOUI, L. GRIBAA ET A. GHRAM
miques produits par transcription in vitro 27. Cette dernière étape implique que les extrémités de chaque
ARNc soient authentiques, nécessite la linéarisation de
l’ADNc avant l’étape de transcription et surtout la disponibilité constante de produits assez coûteux (transcriptase, analogue de la coiffe, liposomes...). Par
ailleurs, le risque de dégradation de l’ARN produit in
vitro est important. De tels inconvénients pourraient
être complètement éliminés si le génome viral transcrit
in vivo par un promoteur eucaryote s’avérait infectieux,
ce qui constitue le but principal du présent article.
Dans le cas des virus à ARN et, d’après ce qui existe
dans la littérature, seuls les picornavirus ont été produits
par transcription in vivo à partir de leur ADNc génomique 28. Le présent travail ajoute à cette liste le cas des
birnavirus puisque nous avons pu reproduire des particules infectieuses du virus IBDV par transcription in
vivo des deux segments génomiques A et B placés sous
le contrôle du promoteur CMV.
La nature segmentée du virus IBDV, exige un excellent
niveau de transfection qu’on a pu obtenir sur les cellules
FEP par la méthode classique et peu coûteuse qui est
basée sur la formation des complexes phospho-calciques. Le meilleur taux de transfection est atteint
lorsque les cellules n’ont subi aucun passage. La baisse
de l'aptitude des cellules FEP à subir une transfection
en fonction du nombre de passage peut être rattachée
à une fragilité accrue des cellules ou à certaines modifications structurales de la membrane plasmique liées
au nombre de passages.
Il émane de cette étude une trouvaille capitale qui simplifie davantage la transcription in vivo, puisque d’après
les résultats qu’on a obtenu, il n’est plus nécessaire de
linéariser les plasmides avant leur introduction dans
les cellules FEP. En effet, selon les constructions que
nous avons réalisées, les transcrits générés in vivo à partir du promoteur CMV sont supposés, après linéarisation, contenir des extranucléotides d’origine
plasmidique d’au moins 100 nucléotides en 5’ et de 20
nucléotides en 3’. Quant aux plasmides surenroulés, et
en tenant compte de la localisation du site de polyadénylation du vecteur pcDNA3, les transcrits générés
seraient prolongés en 3’ d’environ 350 à 400 nucléotides
extragénomiques. Dans l’une ou l’autre des situations,
l’infectivité des transcrits générés in vivo, telle que
mésurée par le titre viral résultant, n’a pas été modifiée.
Ainsi, la polymérase du virus IBDV semble être capable
de distinguer les éléments de la région promotrice spécifique du virus en dépit de la présence d’une extension
extragénomique relativement longue. Cette constatation
est en accord avec la capacité de la protéine VP1 du
virus IBDV à reconnaître puis restaurer des courtes
délétions de l’extrémité 3’ terminale du segment A 29.
D’après ce résultat, il n’est donc plus nécessaire de
tenter de générer des transcrits ayant des extrémités 5’
et 3’ authentiques. Dans ce contexte, il serait intéressant
Tome 7 6 (1/2/3/4)
de comparer l’infectivité de ces transcrits après leur
synthèse in vitro. Il serait aussi judicieux de savoir jusqu’à quel point la polymérase virale serait capable de
tolérer des extensions extravirales.
Enfin, les essais entrepris en vue d’exprimer la GFP
dans le contexte du segment A semblent indiquer que
la fusion de VP2 et/ou de VP4 serait à l’origine d’un
effet inhibiteur sur l’expression de la fluorescence. Cet
effet anti-GFP dû à la fusion aminoterminale de protéines hétérologues vient d’être documenté et même utilisé dans l’ingénierie des protéines afin d’étudier la
structure tridimentionnelle et le repliement des chaînes
polypeptidiques 30. Par ailleurs, la présence de portions
de la polyprotéine pourrait être associée à la nature
apoptotique de VP2 31 ou à la capacité de VP4 de former des homo-oligomères de très haut poids moléculaire 32; ces deux phénomènes pouvant être à l’origine
de l’effet anti-GFP. L’observation d’un niveau de fluorescence quand la GFP est seulement placée le plus distalement possible des sites de clivage de la polyprotéine
(Fig. 4B et 4C) est en accord avec ces deux hypothèses.
En effet, il serait possible, bien que cela reste à démontrer, que dans ce cas le clivage de la protéine a eu lieu
et donc la GFP serait seulement associée à VP3, pour
laquelle on ne connaît ni un effet apoptotique ni une
structure multimérique. Ainsi, à la lumière des ces résultats, il serait judicieux de tenter d’insérer la GFP en
position amino-terminale par rapport à la polyprotéine.
En somme, le présent travail nous a permis de démonter la flexibilité de la génétique inverse pour le virus
IBDV lorsqu’elle est appliquée in vivo. Le fait que l’infectivité des transcrits générés in vivo n’est pas altérée
en dépit de la présence d’extensions extragénomiques
relativement longues, révèle une caractéristique assez
particulière du système de réplication du virus IBDV,
que l’on pourrait mettre à profit afin de concevoir un
vaccin ADN anti-IBDV de type réplicatif.
REMERCIEMENTS
Nous remercions le docteur Egbert Mündt (Centre
Fédéral Allemand de Recherche sur les Maladies Animales & Institut de Virologie Moléculaire et Cellulaire) pour nous avoir fourni les ADNc des segments
A et B de la souche P2 du virus IBDV.
Ce travail a été entièrement financé (projet MVE08) par
le Conseil Scientifique de l’Institut Pasteur de Tunis.
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