méritent leur salaire

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En dépit d’une certaine indignation générale au regard des salaires des
PDG du CAC 40, il n’est pas rare d’entendre que, quand même, ces salaires
peuvent se comprendre, voire qu’ils sont mérités :ils sont la récompense d’une
très grande responsabilité, de compétences exceptionnelles, d’énormes
prises de risque, de création de richesse et d’emplois, et que de toute
façon ils sont lourdement taxés. L’idée qu’il est « normal » que des individus
puissent gagner plusieurs millions d’euros par mois peut-elle avoir un sens ?
- « Ils ont plusieurs milliers de
personnes sous leurs ordres :
sacrée responsabilité ! »
- Mais suffit-il de commander des foules
pour être payé des fortunes ? Le ministre
de l’Education nationale qui a plus d’un
million de personnes sous son autorité
gagne 50 fois moins que n’importe quel
patron du CAC 40 ; sans avoir pour autant
à se plaindre (160 000 euros de salaire
annuel).
- D’autre part, comment évaluer
la responsabilité individuelle ? Un
directeur d’hôpital n’a-t-il pas d’énormes
responsabilités ? Un chef de clinique,
un médecin, un urgentiste : de leur
rapidité de jugement et de réaction, de
leurs compétences dépendent la vie et
la mort de centaines de personnes ; une
infirmière : des gestes peuvent sauver une
vie, ses erreurs peuvent tuer ; un pompier
dans un immeuble en feu a beaucoup
plus de responsabilité que n’importe
quel patron. Si la vie d’un homme vaut
plus qu’une action en bourse, alors tous
les professionnels de la médecine et de
la sécurité publique devraient être payés
bien plus que les PDG du CAC 40.
- Enfin comment séparer la responsabilité
de l’utilité sociale ? Au long de leur vie,
instituteurs et profs voient passer dans
leur classe des milliers d’enfants : ils ont
une énorme responsabilité. Pourquoi le
patron de Pernod-Ricard gagne-t-il plus
qu’un prof d’histoire ? Lequel exerce
des responsabilités plus importantes
que l’autre ? Lequel est le plus utile à la
société ? Et les agriculteurs ? Vaut-il mieux
diriger TF1, télé qui rend les cerveaux
disponibles aux pubs de coca cola ou
s’occuper d’une ferme bio qui offre une
alimentation riche, saine, variée dans le
respect de l’environnement ?
Bref : la responsabilité n’est pas mesurable
en terme de nombre de subordonnés. Elle
est une notion beaucoup plus complexe
que ça à définir. Oui mais…
- « Ils ont des compétences
exceptionnelles pour diriger de
telles boites »
Il s’agit de l’élite, triée sur le volet, sortant
des meilleures écoles et d’une sélection
impitoyable.
- En effet, Martin Bouygues, fils de
Bouygues, Arnaud Lagardère, fils de
Lagardère, Serge Dassault, fils de
Dassault, Patrick Ricard, fils de Ricard,
François-Henri Pinault, fils de Pinault,
Edouard Michelin, fils, petit fils, et arrière
petit fils de Michelin. A moins de considérer
que le mérite puisse être génétique, il faut
grandement relativiser cette notion.
- Certes, nombre d’entre eux sortent de
l’ENA ou de polytechnique. Mais cela ne
justifie pas qu’ils gagnent des centaines
de fois plus que le citoyen lambda.
L’intelligence du banquier Michel Pébereau
pèse-t-elle 200 fois plus que celle d’un
agrégé d’histoire ou d’un professeur
d’université ?
- Ce sont des spécialistes, certes, mais
dans un domaine bien précis : faire du
chiffre. Bill Gates (Microsoft) n’a pas
découvert le micro-processeur, Thierry
Desmarest (Total) n’a jamais trouvé
une goutte de pétrole. Daniel Bernard
(ex-Carrefour) n’a même pas inventé le
caddie.
- L’éducation dont ils ont bénéficié, ils la
doivent à la longue histoire collective de
la scolarité gratuite et obligatoire, rendue
possible par les impôts payés pendant des
décennies par des millions de citoyens.
Mais aussi : les soins médicaux, la
sécurité, la
facilité de déplacement par route ou par rail,
la liberté d’information et de circulation, etc.
Tout cela c’est aux membres de la société
dans laquelle ils vivent qu’ils le doivent. Les
PDG ne se sont pas faits tout seuls. L’idée du
« self-made-man » est un mythe.
Bref : en tout cas, les « compétences »
des PDG ne justifient en rien leurs salaires
exorbitants. Oui mais…
- « Ils prennent de gros risques ! »
C’est faux en réalité. Les PDG ne sont pas
du tout des Kamikazes. Ils sont tous couverts
par une solide assurance au titre de la
responsabilité civile. Chaque année, 300
millions d’euros sont ainsi dépensés pour les
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couvrir . Cette couverture spécifique des PDG
(« responsabilité civile mandataires sociaux »)
leur permet de commettre toutes les fautes de
gestion et de s’en sortir indemnes. En réalité,
s’ils prennent des risques, c’est avec l’argent
de la boîte, les salariés, les fournisseurs, les
sous-traitants, les clients, les actionnaires, les
riverains ; mais pas avec leur propre salaire.
Ainsi, après de graves erreurs de gestion,
J.-M. Messier part avec 20 millions de francs.
Plus récemment, Noël Forgeat a quitté EADS
avec un« parachute » de 8,5 millions d’euros.
Bref : si les PDG prennent des risques, ce
n’est pas avec leur compte en banque. Oui,
mais de toute façon
- « Les impôts leur prennent tout »
« Si je vous disais combien nous payons
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d’impôts, vous n’y croiriez pas » s’indigne
Xavier Fontanet, PDG d’Essilor et président
du comité d’éthique du Medef. Combien ? En
2000, le baron Seillière rendit publique son
salaire pour sensibiliser les Français au triste
sort des patrons trop lourdement taxés par
l’Etat :
1/ Clotilde Zucchi, citée dans le rapport Caresche, 5 mai 2004.
2/ AMC, 8 juillet 2003.
sur 35,7 millions de francs (salaire + stock
option) il devait rendre plus de 20 millions à
l’Etat. Il empoche quand même au passage
près de 15 millions. Et il faut rappeler que
les impôts ne sont pas du vol mais la juste
participation à la société et à ses services dont
les PDG ont très largement bénéficié. Il ne
s’agit pas d’une faveur mais d’un dû.
Bref : les impôts sont très loin de contrebalancer
les différences exorbitantes de salaires qu’il
existe entre les salariés et les PDG (rapport
allant parfois de 1 à 10 000). Oui, mais bon…
.
- « C’est quand même eux qui font
marcher l’économie et créent des
emplois »
Sans avoir besoin de montrer l’hypocrisie
évidente qu’il y a à en faire des bienfaiteurs
alors qu’ils font leur richesse sur l’exploitation
du travail, il suffit de rappeler que :
- Leurs salaires augmentent même quand
le chiffre diminue. En 2002 par exemple, le
CAC 40 perd 40% quand le salaire des PDG
augmente de 13%.
- Plus on peut se passer de la masse salariale,
plus la boite devient rentable. D’où les
licenciements massifs d’entreprises pourtant
en pleine expansion.
- En jouant sur la concurrence liée à la
mondialisation, les PDG ne cessent de
marteler aux ouvriers français : « ne vous
plaignez pas, regardez les Chinois ou les
Polonais : ils prennent beaucoup moins de
vacances, travaillent beaucoup plus et sont
pourtant moins bien payés. » La mondialisation
entraîne ainsi une baisse des salaires, une
augmentation du temps de travail et une
précarisation. Alors que pour les PDG, elle se
traduit par une hausse vertigineuse de leur
rémunération. Il faudrait alors leur rétorquer
qu’en Chine ou en Pologne, les patrons
gagnent 10 à 20 fois moins qu’eux, et qu’ils
feraient bien de se montrer moins
gourmand s’ils ne veulent pas être remplacé
par un patron chinois ! Il est injuste qu’au
nom de la concurrence mondiale, les ouvriers
soient sélectionnés pour leur meilleur rapport
qualité/prix alors qu’elle conduit au contraire
conjointement à l’augmentation des salaires
des PDG. Cette « loi » de l’économie de
marché devrait aussi s’appliquer aux PDG : on
prend le moins cher.
Bref : il est plus juste de dire que les PDG
font leur richesse sur le dos des salariés sur
qui ils exercent la pression constante de la
concurrence mondiale pour optimiser leur
rapport qualité/prix. Peut-être mais…
- « Leur salaire ne dépend pas d’eux, il
résulte de « lois » économiques »
En réalité, comment s’établit le salaire des
PDG ? C’est le « comité de rémunération » de
l’entreprise qui en décide (CR). Aujourd’hui,
toutes les majors du CAC 40 ont leur CR.
Comment ça fonctionne ? C’est simple :
sur le conseil du PDG, le conseil
d’administration nomme une poignée de
personnes (3 ou 4) devant estimer à sa
juste valeur la performance du PDG pour
décider de sa juste rémunération. Ainsi
par exemple, le salaire de Th. Desmarest
(Total) est décidé par S. Tchuruk (ancien
PDG de Total), M. Pébereau (président du
conseil de surveillance de Paribas) et B.
Collomb (PDG des ciments Lafarge). La loi
française prévoit cependant que le conseil
d’administration puisse admettre en son
sein des représentants des salariés. Mais
cette présence n’étant que facultative, inutile
de préciser que l’écrasante majorité des
entreprises s’en passe aisément.
Bref : le niveau de ces salaires n’a rien à voir
avec une quelconque « loi naturelle » de
l’offre et de la demande. Il dépent d’un choix
arbitraire et partial concernant la distribution
des richesses.
Il est donc absurde de vouloir chercher à justifier le salaire exorbitant des PDG
du CAC 40. De telles inégalités de salaire sont tout bonnement insupportables :
à l’échelle mondiale la fortune de 225 personnes est égale au revenu de
2,5 milliards d’êtres humains (chiffres officiels du Pnud). Augmenter les
bas salaires et brider les hauts salaires s’impose donc comme une mesure
urgente de justice sociale. Les enquêtes des économistes montrent que la
majorité des gens s’accordent sur le principe d’un Revenu Maximum Autorisé
(RMA). Reste à savoir quels écarts accepter.
Des citoyens engagés en soutien au Front de gauche.
3/ L’économiste Thomas Picketty démontre par une enquête auprès de 2000 Français (de très pauvres à très riches) que « tout le monde, même les individus qui touchent
un revenu très bas, semble accepter l’idée que les cadres supérieurs d’une grande entreprise gagnent 4 à 5 fois plus qu’une caissière de supermarché », Thomas Piketty,
« Attitudes vis-à-vis des inégalités de revenus en France : existerait-il un consensus ? », revue Comprendre, 2003. D’autres enquêtes révèlent un rapport de 1 à 7 ou de 1 à
10. La question reste ouverte, mais on voit qu’on est très loin du rapport actuel de 1 à 10 000 !