Le casse-tête du reclassement alternatif au licenciement - Wk-rh

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Le casse-tête du reclassement alternatif au licenciement - Wk-rh
DÉBATS
D’après les propos d’Evelyne Collomp, Présidente de la chambre sociale
de la Cour de cassation, de Paul-Henri Antonmattei, Professeur et
Doyen honoraire de la faculté de Montpellier et de Chantal Giraudvan Gaver, Cabinet Coblence et Associés.
Le casse-tête du reclassement
alternatif au licenciement
économique
Compte rendu de la matinée-débats du 17 novembre 2009,
organisée par la Lettre des Juristes d’Affaire
Compte-rendu réalisé
par Sylvi e Ni colet
Journaliste de la Rédaction
Il est à la fois impossible de s’y soustraire et difficile d’y satisfaire.
L’obligation de reclassement préalable au licenciement économique
est régie par quelques principes qui ne résistent pas à l’épreuve du terrain.
Etat des lieux avec trois personnalités de choix qui délivrent chacune
un point de vue spécifique.
C
réée par les partenaires
sociaux dans le cadre de l’accord national interprofessionnel du 10 février 1969
sur la sécurité de l’emploi,
l’obligation de reclassement interne a été codifiée par la loi de modernisation sociale du
17 janvier 2002 et figure désormais dans le
Code du travail. Ses contours ont été dessinés
par la jurisprudence qui en a fait, depuis 1992,
une obligation préalable à tout licenciement
pour motif économique. En conséquence,
l’employeur qui ne se soumet pas sérieusement
à cette obligation risque tout simplement de
voir ses licenciements annulés pour défaut de
cause réelle et sérieuse. Mais si le parcours est
tracé, il est loin d’être sécurisé et peut facilement aboutir à l’impasse.
Dans un système qui comporte des incohérences, voire des antinomies, comment reclasser
sans faux pas ?
Quelles sont les procédures à respecter ?
Comment définir le périmètre dans lequel
doivent s’effectuer les recherches de postes ?
A quel moment et sous quelle forme doit-on
faire l’offre au salarié ?
Pour éclairer les zones d’ombre et tenter d’apporter des réponses à toutes ces questions, La
Lettre des Juristes d’Affaires a organisé une matinée-débat, le 17 novembre dernier, en partenariat avec le Lamy Social et les Cahiers du
DRH.
Au cours de cette matinée, animée par Alain
Dupays, Paul-Henri Antonmattei, Professeur et
Doyen honoraire de la faculté de droit de
Montpellier, Evelyne Collomp, Présidente de la
chambre sociale de la Cour de cassation et
Chantal Giraud-van Gaver, avocat associé
(Coblence et associés), ont confronté leurs points
de vue respectifs, rapportés à des cas concrets.
Nous publions ici un résumé de leurs interventions sur les principales questions évoquées.
Périmètre de la recherche
de reclassement
Comme le rappelle Madame la Présidente,
Evelyne Collomp, l’obligation de reclassement
préalable au licenciement économique est une
obligation de moyen et non une obligation de
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résultat. L’employeur peut échouer de bonne
foi dans ses recherches, mais il ne peut se dis-
La question du périmètre géographique est
une question que l’on soumet souvent à la
penser de les effectuer.
Reste à définir le périmètre dans lequel il doit
donne lieu à de nombreux commentaires et a
mener ses investigations.
Doit-il chercher les emplois disponibles dans
toutes les zones géographiques qui lui sont
accessibles, y compris sur d’autres continents ?
Peut-il prendre en compte les postes dont la
rémunération est inférieure à celle du salarié
concerné ?
Quelles sont les entités qu’il doit interroger ?
Sur ce dernier point, si l’on se réfère au Code
du travail, il est spécifié que le reclassement
peut être opéré dans l’entreprise ou dans les
entreprises du groupe auquel l’entreprise appartient (voir encadré en fin d’article). Mais la
notion de groupe est sujette à interprétation…
Evelyne Collomp : « Il faut considérer que le
reclassement préalable au licenciement économique comporte deux phases :
– la première, durant laquelle l’employeur doit
rechercher toutes les possibilités ;
– la deuxième phase, dans laquelle il doit faire
des propositions précises et individualisées.
La recherche à laquelle il doit se livrer est liée
à la taille et aux moyens dont dispose l’entreprise. La règle constamment rappelée par la
chambre sociale est que l’employeur doit activement rechercher et proposer toutes les possibilités qui existent et qui sont en rapport
avec les aptitudes et les capacités du salarié.
C’est à l’employeur, débiteur de l’obligation,
de prouver qu’il n’existait aucune possibilité
de reclassement, fut-ce en assurant au salarié
un complément de formation.
Toutefois, il n’est pas question d’obliger l’employeur à assurer une formation complète au
salarié. Il ne peut s’agir que d’un complément
de formation.
(1) Cass. soc., 4 déc. 2007, no 05-46.074 et no 05-46-075.
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chambre sociale de la Cour de cassation. Elle
même suscité une réaction du législateur, avec
un texte adopté en première lecture, le 30 juin
dernier, à l’Assemblée nationale et actuellement
en discussion au Sénat (voir encadré en fin
d’article).
Dans un arrêt du 4 décembre 2007 (1), à propos
d’une entreprise qui aurait pu proposer des
emplois en Suisse et qui ne l’avait pas fait, la
chambre sociale a estimé que les possibilités
doivent être recherchées sans limite géographique, notamment quand une entreprise
appartient à un groupe international, à moins
que l’employeur n’établisse que la législation
locale étrangère rend les choses compliquées,
par exemple en termes de délais.
Je me souviens d’un autre arrêt concernant
un employeur qui n’avait pas proposé à ses
salariés des emplois disponibles à Genève
parce que, dans un premier temps, ils avaient
refusé d’aller à Paris. Il était dans son tort, car
ces salariés habitaient Lyon et auraient très
bien pu accepter Genève, après avoir refusé
Paris.
Actuellement, l’employeur doit, selon la position
de la chambre sociale, proposer tous les postes
compatibles, y compris à l’international, même
si le niveau du salaire ne semble pas acceptable.
Dans la mesure où la nouvelle loi exigera que
la rémunération reste au même niveau, cela
devrait exclure tout reclassement sur des
emplois de catégorie inférieure et devrait
remettre en cause notre jurisprudence sur ce
point. Ce serait la volonté du législateur et
nous nous inclinerions… ».
Chantal Giraud-van Gaver : « L’obligation de
reclassement préalable au licenciement éco-
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au licenciement économique
nomique a pris de plus en plus d’importance.
Elle est en passe de devenir l’obligation majeure
En ce qui concerne le périmètre de recherches,
on se demande où sont les limites.
du chef d’entreprise confronté à une impossibilité de maintenir le salarié à son poste de
Nous sommes les conseils de RFI qui connaît
une perte d’audience importante et des pertes
travail.
On comprend bien intellectuellement à quoi
correspond cette obligation qui doit être rattachée à la responsabilité sociale de l’entreprise.
J’ai néanmoins parfois beaucoup de mal à
expliquer à mes clients – surtout lorsqu’il s’agit
de filiales françaises de groupes étrangers – ce
qu’elle sous-entend, dans la mesure où le
licenciement économique est le moyen pour
les sociétés de réduire leurs effectifs, et que
nous leur parlons de plan de sauvegarde de
l’emploi, ce qui veut dire exactement l’inverse !
Nous savons que le licenciement n’est justifié
qu’en l’absence de toute autre alternative. La
recherche doit être menée de façon efficace. Il
faut donc offrir un reclassement, même si l’on
sait qu’il va être refusé, ce qui peut amener
l’entreprise à formuler des propositions
indignes. C’est alors vécu comme une « double
peine » : c’est par exemple le cas quand un
directeur de marketing est menacé de licenciement. Si l’on n’a rien d’autre à lui proposer de
la même catégorie, il faudra impérativement lui
proposer un poste disponible, serait-ce celui
d’un assistant ! C’est rajouter de l’humiliation.
Et que dire des propositions choquantes comme
d’offrir de poursuivre son activité en Inde pour
un salaire mensuel de 169 € ?
Les employeurs savent très bien que ce n’est
pas correct, mais ils ont l’obligation de le
faire. La seule façon pour eux de s’en sortir,
c’est de se raccrocher à des règles simples :
l’obligation de reclassement n’est qu’une obligation de moyen. Il leur appartient de rapporter
la preuve qu’ils ont réellement recherché de
bonne foi et avec loyauté toutes les opportunités
existantes. Les arrêts de la Cour de cassation
relèvent régulièrement la violation du respect
du principe de loyauté.
financières. Elle lance un plan social de
206 salariés et nous en sommes à la treizième
procédure…
Dans notre phase de recherches, nous avons
bien évidemment recherché des reclassements
à l’intérieur du groupe, mais nous avons en
outre spontanément envoyé des lettres à toutes
les sociétés issues, comme nous, de l’ex-ORTF
(qui a pourtant explosé en 1975), et qui faisaient partie du même syndicat d’employeurs.
Nous avons consulté le comité d’entreprise
qui a considéré que nous n’avions pas loyalement, sérieusement et efficacement fait notre
recherche dans tout le périmètre, aux motifs
qu’il aurait fallu élargir le reclassement à toutes
les filiales de l’Etat du secteur audiovisuel.
La Cour a fait droit à cette demande en inventant un nouveau groupe de reclassement.
L’arrêt dit que la recherche de postes doit être
étendue à l’ensemble de l’audiovisuel public,
même là où l’intervention de l’Etat n’est que
partielle (Gulli, 75 % Lagardère).
Avons-nous été pénalisés pour avoir spontanément élargi nos recherches au-delà du
Groupe stricto sensu ?
Paul-Henri Antonmattei : « C’est une coproduction “jurisprudence-législateur” qui a créé
l’obligation de reclassement préalable au licenciement économique.
La démarche est bien connue : éviter les licenciements des salariés.
On va déconnecter la question de l’emploi,
qui peut être supprimé, transformé, modifié,
et la question de la personne qui occupe cet
emploi, à laquelle on va proposer, si on le
trouve, un poste disponible. Le but, c’est de la
garder dans l’entreprise ou dans le périmètre
de l’entreprise étendu au groupe. C’est n n n
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un élément important de la construction
moderne de notre droit du licenciement pour
gilise l’employeur, car on va lui reprocher de
ne pas avoir fait la recherche en profondeur.
motif économique. Mais on traite de façon
identique des situations juridiques différentes.
La seconde raison, c’est que quand cela se
passe dans un groupe au sens du comité de
Si je suis en pleine tempête et que je dois
réduire la voilure de toute urgence, il est évident
que le reclassement interne n’a aucun sens, car
je n’ai rien de rien ! Dans ce cas, c’est le volet
accompagnement social qui doit être activé.
Pour le périmètre, si l’on s’en tient à la jurisprudence, le concept de groupe de reclassement, au sens de la règlementation du licenciement économique, est plus large que le
concept de groupe, au sens de la règlementation
sur le comité de groupe. Il va falloir trancher
et nous dire exactement ce qu’il recouvre !
Pour ma part, je pense qu’il ne faut prendre
en compte que le groupe au sens du comité
de groupe, c’est-à-dire une société-mère qui a
des liens capitalistiques avec la filiale.
On nous dit : vous recherchez des emplois
disponibles dans des filiales du groupe. Pas
toutes, ce n’est pas la peine de faire semblant :
seulement les filiales où, comme le dit la Cour
de cassation, une permutabilité est possible.
Je cherche, je trouve. Deux filiales me disent
oui, nous avons des emplois disponibles.
Qu’est-ce que je fais alors ? Si j’ai trouvé des
emplois disponibles dans le périmètre considéré, je suis tenu de les proposer, en faisant
des offres écrites précises et personnalisées.
Continuons le déroulé : j’ai proposé à un
salarié de mon entreprise un emploi disponible
dans une filiale, personne juridique distincte.
Question : est-ce que la filiale peut refuser ?
Réponse : du point de vue de l’analyse juridique, oui. La filiale peut parfaitement dire,
ce salarié ne me convient pas. Evidemment,
on peut se demander pourquoi ce problème
n’a pas suscité de contentieux. Il y a deux raisons : la première, c’est que la filiale, qui ne
veut pas voir venir X, Y ou Z, va répondre :
emplois disponibles, néant. Du coup, elle fra-
groupe, donc dans un schéma dur sociétémère et filiales, le DRH groupe impose le
reclassement à la filiale. En revanche, si l’on
élargit la notion de groupe à des franchisés ou
à des entreprises qui n’entretiennent que des
relations économiques avec la société qui licencie, la pression est beaucoup plus faible. Voilà
pourquoi je préfèrerais que l’on retienne un
groupe de reclassement réaliste.
Il faut qu’on se pose la vraie question : est-ce
que la société-mère, dans le cadre d’un groupe
au sens strict du terme, peut se voir imposer
une obligation mutualisée, solidaire, de
recherche d’emplois disponibles ? ».
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Question d’une participante : « Je viens
d’être condamnée, car on me reproche de ne
pas avoir démarché un groupement d’employeurs pour satisfaire à mon obligation de
reclassement préalable au licenciement. Les
sociétés du groupement achetaient simplement
du matériel ensemble et n’avaient pas de lien
capitalistique. Je ne comprends pas pourquoi
j’aurais dû les solliciter ».
Réponse de Madame la Présidente Evelyne
Collomp : « La notion de permutabilité d’emploi est une notion de fait, qui dépend des
caractéristiques des salariés à reclasser et des
relations avec d’autres entités. Elle est plus
large que la notion de relation capitalistique.
La décision dépend des constatations du juge
du fond. Mais, on est bien d’accord, ce n’est
pas facile à définir. »
Réponse du Professeur Paul-Henri Antonmattei : « Nous avons une pluralité de conception du groupe, selon la réglementation applicable.
Le casse-tête du reclassement alternatif
au licenciement économique
Moi, je considère que l’on peut avoir un périmètre groupe clairement identifié sur lequel
si elle fait partie du même groupe. Les autres
entreprises du groupe n’ont aucune obligation
on fait peser de nouvelles responsabilités et
des obligations particulières, mais un groupe
vis-à-vis du salarié.
Les propositions doivent prendre en compte
organisé avec une vraie politique de groupe
construit autour d’une société dominante ».
tous les emplois disponibles dans le groupe,
pour autant que des permutations d’emplois
soient possibles. La notion de groupe, ici,
n’est pas juridique, elle est empirique et fonctionnelle. Il ne suffit pas de liens financiers.
Enfin, il convient de mettre en œuvre le principe constitutionnel d’égalité. Ce principe
exclut toute différence de droit ou d’avantages
au sein du périmètre, mais c’est une notion
qui prête à confusion, car il y a des différences
qui peuvent être justifiées par des éléments
objectifs et vérifiables. »
Caractéristiques de l’offre
de reclassement
Lorsque le temps est venu pour l’employeur
de proposer les emplois disponibles, le Code
du travail stipule que l’offre faite au salarié
doit être écrite et précise.
Mais si l’individualisation de l’offre est préconisée, elle n’exonère pas du sacro-saint principe
d’égalité.
Dès lors, comment se prémunir contre les
accusations de favoritisme ou de discrimination ?
Evelyne Collomp : « Il faut noter que l’obligation de reclassement préalable au licenciement économique ne concerne que les emplois
pourvus en CDI et/ou, sous certaines conditions, sous CDD. Ce dernier doit correspondre
à un emploi disponible, ce qui exclut le remplacement d’un salarié absent.
Sur la proposition de reclassement elle-même,
nous avons jugé qu’elle devait être suffisamment claire et précise pour que le salarié soit
en mesure d’apprécier l’intérêt de l’offre qui
lui est faite. La proposition doit indiquer la
rémunération, y compris sur des postes à
l’étranger.
La chambre sociale a rappelé que l’employeur
ne pouvait pas se borner à communiquer une
liste impersonnelle, en demandant aux salariés
de cocher sur un imprimé les catégories d’emplois qu’il accepte éventuellement.
La proposition doit émaner de l’employeur
lui-même et non d’une autre entreprise, même
Paul-Henri Antonmattei : « On doit proposer
à chaque salarié tous les emplois disponibles
qui correspondent aux critères de recherche
fixés par le Code du travail.
Donc, si j’ai 12 salariés concernés et 20 emplois
disponibles, il est fort possible que j’en propose
3 à l’un, 4 à l’autre, etc.
Comment arbitrer si j’ai proposé 3 postes à
4 salariés ?
Il y a une pratique d’entreprise qui consiste à
opérer de manière officieuse un choix en
amont et de ne formuler l’offre qu’à celui qui
a été retenu.
Cette méthode est discutable. Dès lors que
l’offre est écrite et précise, c’est l’acceptation
du premier salarié concerné qui devrait compter. ».
Chantal Giraud-van Gaver : « Je ne crois pas
à la validité de priorité accordée au premier
salarié qui accepte le poste.
D’abord, il faudrait pouvoir prouver que les
salariés ont tous eu l’offre le même jour, à la
même heure, dans les mêmes conditions.
Et puis, surtout, nous ne sommes pas assez
vertueux pour ça. On n’empêchera n n n
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jamais un employeur de choisir celui qui lui
convient le mieux. Ce qui compte, après, c’est
de pouvoir objectiver le choix, le justifier en
démontrant que la personne retenue a bien le
profil le plus adapté. »
Date de proposition
de l’offre de reclassement
A quel moment de la procédure les offres doivent-elles êtres proposées ?
La temporalité de l’obligation de reclassement
constitue l’un des aspects les plus nébuleux
du processus. Car si les deux phases de
recherche et de proposition sont énoncées
distinctement par la jurisprudence, on cherche
en vain les référents qui énoncent précisément
leur articulation.
Lors du débat du 17 novembre, la question a
été évoquée à travers le récit d’une participante :
« Dans la première phase, je dois faire la
recherche, recenser le maximum d’opportunités
avec toute la difficulté du périmètre de cette
recherche. Bien évidemment, je ne le fais pas
avant l’annonce de la réorganisation, mais dès
la première réunion, en accord avec le comité
d’entreprise.
Mais à quel moment dois-je passer au stade de
la proposition ?
Dans cette entreprise, le plan social a mis deux
ans à être clôturé. Le plus long a été la fameuse
expertise du CHSCT sur les conséquences de la
réorganisation de l’usine…
Nous avons fait toutes les recherches, et ce n’était
pas facile, car c’est une entreprise du secteur de
l’industrie, dans le nord-est de la France qui est
très sinistré. Nous avons fait des propositions au
fur et à mesure. Nous avons reclassé et sensiblement allégé le nombre de licenciements.
Aujourd’hui, on nous reproche d’avoir fait une
vingtaine de propositions de reclassement avant
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la clôture du livre III. Cela ne compterait donc
pas.
De plus, nous n’aurions pas fait de propositions
concrètes en accord avec le profil de chaque
salarié concerné.
On nous dit aussi que nous aurions dû engager
des CDD sur les postes vacants jusqu’à ce que
nous terminions nos consultations et seulement
les pourvoir en CDI après. Si nous avions procédé
ainsi, nous aurions licencié 110 personnes au
lieu de 45 car, sur deux ans, les postes auraient
disparu au fur et à mesure ».
Réponse de Madame la Présidente Evelyne
Collomp : « En ce qui concerne le point de
départ de la mise en œuvre du processus de
reclassement, nous n’avons pas rendu d’arrêt
récent sur le sujet.
En revanche, à propos d’un emploi dans un
premier temps refusé par un salarié, nous
avons jugé que l’employeur était tenu de le
lui proposer à nouveau au moment du licenciement.
Un salarié peut très bien, quand son propre
licenciement n’est pas encore en cause, estimer
que tel ou tel emploi ne l’intéresse pas et
changer d’avis quand il est réellement confronté
à la situation. Il peut alors accepter un déplacement géographique ou un changement de
catégorie d’emploi. Il est clair que l’obligation
de reclassement s’inscrit dans la procédure de
licenciement ».
Réponse du Professeur Paul-Henri Antonmattei : « Le Code du travail ne fixe pas de
point de départ, il n’impose qu’un point d’arrivée : “ le licenciement ne peut intervenir... ”.
Le reclassement doit être tenté avant la notification du licenciement. Mais l’obligation ne
peut naître que par la mise en œuvre d’une
procédure de licenciement.
Dans le cas que vous exposez, vous avez formulé, en raison de la longueur de la procédure,
Le casse-tête du reclassement alternatif
au licenciement économique
des propositions avant d’appliquer l’ordre des
a pas de préjudice, c’est neutre. Le préjudice
existe pour celui qui a été licencié, s’il n’a pas
licenciements.
Pour celui qui est resté, qui a été reclassé
eu de proposition avant sa sortie. Mais, s’il en
alors qu’il n’était pas désigné par l’ordre, il n’y
a eu, alors il n’y a pas de problème ». u
Ce que dit la loi sur l’obligation de reclassement …
L’article L. 1233-4 du Code du travail est aujourd’hui ainsi rédigé :
« Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation
et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou
dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient.
« Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou
sur un emploi équivalent. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur
un emploi d'une catégorie inférieure.
« Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises. »
Le 30 juin 2009, sur proposition de Philippe Folliot et François Sauvadet, l’Assemblée nationale a voté un texte
qui, s’il était définitivement adopté, apporterait les modifications suivantes à cet article :
« 1° La première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 1233-4 est complétée par les mots : “ assorti d'une
rémunération équivalente ” ;
« 2° Après l'article L. 1233-4, il est inséré un article L. 1233-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1233-4-1. - Lorsque l'entreprise ou le groupe auquel elle appartient est implanté hors du territoire
national, l'employeur demande au salarié, préalablement au licenciement, s'il accepte de recevoir des offres
de reclassement hors de ce territoire, dans chacune des implantations en cause, et sous quelles restrictions
éventuelles quant aux caractéristiques des emplois offerts, notamment en matière de rémunération et de localisation.
« Le salarié manifeste son accord, assorti le cas échéant des restrictions susmentionnées, pour recevoir de telles
offres dans un délai de six jours ouvrables à compter de la réception de la proposition de l'employeur. L'absence
de réponse vaut refus.
« Les offres de reclassement hors du territoire national, qui sont écrites et précises, ne sont adressées qu'au
salarié ayant accepté d'en recevoir et compte tenu des restrictions qu'il a pu exprimer. Le salarié reste libre de
refuser ces offres. Le salarié auquel aucune offre n'est adressée est informé de l'absence d'offres correspondant
à celles qu'il a accepté de recevoir. »
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