patton tennis club - Le Mensuel de Rennes

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patton tennis club - Le Mensuel de Rennes
jUStIce
eNQUête SUr Le « SYStème rAYNArD »
patton tennis club :
dernier set
devant le tribunal
r. Joly
C’est dans la plus grande discrétion que le
Patton tennis club a fermé ses portes, cet
été, à Rennes. Coïncidence des calendriers,
le 14 octobre, Jean-Marc Raynard, président
du plus célèbre club de tennis breton, est cité
devant le tribunal correctionnel de Rennes. La
justice le soupçonne d’être au cœur d’une série
d’infractions économiques et financières.
u
ne pluie glacée écla b o u s s e l e s c h a r d o ns
qui ont poussé autour
des cour ts ex térieurs
du Patton tennis club.
Mercredi 15 septembre, 8 h 30. Les premières camionnettes des entreprises
de démolition débarquent. L’ultimatum
du promoteur Lamotte vient d’expirer.
Le terrain du club, à cheval sur SaintGrégoire et rennes, a été vendu il y a
quelques mois. Une maison de retraite
lui succédera.
Sacré dix fois champion de France, cinq
fois champion d’Europe, le Patton a
définitivement fermé le 30 août. Dans
un silence assourdissant. Pas une ligne
dans les journaux, pas un communiqué de la Ligue de bretagne ou de la
Fédération française de tennis (FFT),
ni un mot d'explication sur la porte du
club... Au conseil général qui, comme
chaque année, a voté plus de 30 000 €
de subventions au Patton, personne
« n’a entendu parler de sa fermeture ».
Quant aux 530 adhérents, ils ont été
priés d’aller jouer ailleurs.
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Le Mensuel
Mensuel/octobre 2010
www.LeMensuel.com
Un enterrement surprenant. certes, le
club n’avait pas réengagé son équipe
féminine en 2009 « faute de moyens ».
Mais son équipe masculine a, une fois
de plus, remporté la coupe de France
en décembre. Licenciés au Patton,
Fabrice Santoro, Marc Gicquel, Nicolas
Devilder et Josselin ouanna ont une
dernière fois prouvé que le petit club
breton pouvait terrasser les meilleurs
de France, Lagardère Paris racing
en tête.
Quinze mois d’enquête
comment expliquer cet arrêt brutal
d'activité, confit dans le secret ? La
réponse est désormais aux mains de la
justice. Jeudi 14 octobre, toute la journée, l’ex-président du Patton Jean-Marc
raynard et trois autres coprévenus*
sont cités devant le tribunal correctionnel de rennes. Le parquet les soupçonne d'avoir commis « une série d’infractions économiques et financières ».
Si les faits étaient vérifiés, le préjudice
porterait sur plusieurs dizaines de
milliers d’euros.
Pour les hommes de la section de
recherche de rennes, cette audience
marque la fin de plus de quinze mois
d'investigation. Une centaine d'auditions ont été réalisées. Le tout, dans
le cadre d'une enquête préliminaire
placée sous l'autorité du parquet. Une
affaire sensible.
Le Mensuel a pu le constater. A l’évocation du dossier, les vis ages se
décomposent et les portes se ferment. Les sources judiciaires se refusent au moindre mot. Une vraie chape
de plomb. Les enquêteurs auraient
travaillé sous une énorme pression,
explique-t-on : « Plusieurs personnalités
les ont appelés pour dire "tout le bien
qu’elles pensaient de M. raynard". » Le
nom d'un ancien gradé des renseignements généraux locaux est même cité
dans le dossier, auquel il se serait un
peu trop intéressé.
c’est pourtant par le plus grand des
hasards que les gendarmes sont tombés sur cette affaire. En 2005, l'un des
lots d'un tournoi organisé au Patton est
dérobé. Une plainte est déposée. Dans
le cadre des investigations menées
pour ce petit larcin, les gendarmes
constatent alors d'importantes bizarreries dans la gestion du club.
Les enquêteurs s'intéressent notamment
à un circuit de vente d'alcool acheté par
le club puis cédé aux adhérents avec
une forte marge. Un business que plusieurs personnes entendues décrivent
pourtant comme « régulier ». Problème :
selon les enquêteurs, la plus-value aurait
été encaissée en liquide, sans déclaration à l’administration fiscale.
Chasse, fisc et gros sous
Au fil des mois, les gendarmes observent aussi avec attention les activités de
chasseur du président du Patton. JeanMarc raynard est un passionné. Il préside plusieurs sociétés de chasse dans
la région ainsi qu’en Afrique. Leur gestion est dans le collimateur des fonctionnaires. Une équipe de gendarmes
se rend même au Sénégal afin d'y voir
plus clair. Plusieurs chasseurs sont également entendus comme témoins.
Et puis il y a roland-Garros. Accrédité of f iciellement par la Fédération française de tennis, Jean-Marc
raynard y a officié en qualité de res-
sources judiciaires estiment avoir
débusqué un astucieux système parallèle de vente de billets.
Dans son édition du 11 juin 2008,
Le Canard enchaîné expliquait déjà le
fonctionnement du système soupçonné par les enquêteurs. JMc aurait
racheté des places aux joueurs, qui
bénéficiaient d'un quota de tickets
vendus par la FFT à des tarifs préférentiels. Les transactions se seraient
déroulées en liquide. « Ensuite, on ne
sait pas ce que ces places devenaient »,
expliquait la mère du tennisman
Josselin ouanna dans les colonnes de
l'hebdomadaire. Les enquêteurs, eux,
suspectent Jean-Marc raynard de les
avoir revendues aux VIP. Tout en empochant une jolie plus-value. « Les prix
réussi à se faire aimer « d’une grande
partie de l'élite rennaise », indiquent
diver s tém oignag es . comm ent ?
D’abord par son « incroyable gentillesse ». Jean-Marc, pour le toutrennes, c’est « un personnage de
roman », « un mec adorable », « un
charmeur ». « Sa maison est toujours
ouverte », confie un de ses amis de
trente ans. « Sans arrêt, il invite du
monde. Les fêtes chez lui sont énormes.
c’est un homme de réseaux. Il aurait été
capable d’être président du Stade rennais ! Il rallie à droite comme à gauche. »
Voilà pour le côté lumineux du personnage. Le côté sombre est moins
connu, mais ceux qui s’y sont frotté
s’en souviennent. Ainsi, comme il le
reconnaît dans un procès verbal d'au-
Le Patton tennis club est vendu.
Le club a définitivement fermé
ses portes le 30 août dernier.
A l’évocation du dossier, les visages
se décomposent et les portes se ferment
ponsable de JMc communication. Une
société d'événementiel qu'il détenait
et dirigeait. JMc assurait les relations
publiques de la FFT lors du tournoi
parisien. Un juteux marché qui permettait notamment à raynard de vendre
des forfaits aux riches spectateurs de
roland-Garros. De l’apéritif aux tribunes du central en passant par les
navettes entre le restaurant et le stade :
les VIP étaient pris en charge de A à Z.
En regardant cela de plus près et après
quinze mois d'enquête, plusieurs
pouvaient aller jusqu'à 1 500 € la place
pour une finale », confie aujourd'hui
une source.
Face à ces accusations, Jean-Marc
raynard apparaît « droit dans ses
bottes ». cette enquête et ce procès ?
« Il s'agit d'une campagne de dénigrement orchestrée par des gens qui
me veulent du mal. La justice montrera que je n’ai rien à me reprocher »,
assure-t-il.
A 61 ans, ce fils d’un richissime imprimeur de La Guerche-de-bretagne a
dition que s’est procuré Le Mensuel, le
passionné de chasse n’hésiterait pas
à passer des coups de téléphone à ses
amis du fisc pour diligenter d’opportuns contrôles fiscaux chez ses ennemis. « Il est comme ça, Jean-Marc, livre
un chasseur. Il veut toujours briller, toujours être le meilleur. »
*Selon nos informations, Jean-Marc raynard, en
sa qualité d'ex-président du Patton tennis club,
est cité devant le tribunal avec trois coprévenus.
Leur identité ne nous a pas été confirmée.
claire Staes
[email protected]
Le Mensuel/octobre 2010
www.LeMensuel.com
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