Les hauts lieux incontournables de Saint Germain des Prés
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Les hauts lieux incontournables de Saint Germain des Prés
Les hauts lieux incontournables de Saint Germain des Prés (sortie régionale Paris Ile de France jeudi 3 mai 2012) Ce matin du 3 mai, ensoleillé mais pas spécialement très chaud pour la saison, nous avons rendez-vous avec Martine, notre guide, à la sortie du métro Mabillon... Aujourd’hui, c’est le village de Saint Germain des Prés, né au 13ème siècle, qui est au programme... Martine nous emmène directement à "la petite cour", un restaurant installé en contre bas de la rue Mabillon où nous descendons par un escalier. Il est encore tôt et nous sommes seuls avec le personnel du restaurant qui commence la mise en place des tables de la terrasse pour le midi. Mais, nous ne sommes pas là pour attendre l’heure du repas mais pour écouter Martine nous compter l’histoire de cette "petite cour« très proche de l’histoire de Saint Germain des Près.: La petite cour : c’est le préau de la foire de Saint Germain née au 13ème siècle. A cette époque, les abbés de Saint Germain possédaient un immense territoire qui s’étendait de la Seine jusqu’à Villeneuve Saint Georges. Ce n’était pas une foire aux bestiaux, on y trouvait essentiellement de la laine et des dentelles, si bien que les abbés y ont perdu beaucoup d’argent lors de l’interruption de la foire, et ont fait pression pour sa réouverture. Ré ouverte au 14ème, mais, uniquement 3 fois par an, la foire de Saint Germain disparait définitivement à la fin du 17ème siècle. Mais revenons au 14ème siècle, avec la ré ouverture, on y commerce également du vin. La vie festive y était alors importante, notamment le théâtre qui deviendra l’Opéra comique. Dès 1650, on y vend aussi du café : un sicilien arménien Mr Procopio crée, non loin de là, un café qui deviendra le Procope. Non seulement, on le consomme mais il vend aussi la recette pour faire le café. Le restaurant "la petite cour" est installée dans les anciennes écuries de la foire. Les caves servaient au stockage des marchandises et notamment du vin. Le niveau actuel de la circulation de la rue Mabillon est plus élevé que celui du 13ème siècle. Napoléon III et le baron Haussmann a entièrement changé la physionomie de Paris en rasant les collines et en comblant les parties en creux pour tout avoir au même niveau, mais les habitants de la Petite cour ont refusé de vendre le terrain, donc il est resté plus bas (c’est la raison pour laquelle nous sommes descendu d’un étage pour se retrouver dans cette petite cour). Au moment des fêtes religieuses, on joue aussi aux échecs. Charles de Batz - Castelmore, plus connu sous le nom de d’Artagnan, y joue beaucoup et quand il perd trop d’argent, il met en jeu Blanchet son valet. A côté de la petite cour, le musée du compagnonnage retrace l’histoire du compagnonnage depuis le moyen âge à nos jours. Direction la rue Guisarde : Son nom lui vient de la présence d’un hôtel appartenant aux Guise. C’était un haut dignitaire de la Ligue qui s’opposait aux protestants. Toutes les maisons datent du 19ème siècle sauf deux du 18ème siècle. A l’arrivée des marchands de vin au 19ème siècle, elle a été surnommée la rue de la soif. L’agitation y est encore particulière lors des soirées de matches de rugby. Dans la rue des canettes, outre les anciens comptoirs ou magasins ayant gardé leur enseigne du 19ème siècle, on remarque un des rares immeubles en pierre de taille datant du 18ème siècle. C’était une maison à loyers. La pierre de taille n’est devenue obligatoire dans Paris qu’ à partir de Napoléon III lors de la modernisation de la ville. Martine nous entraine maintenant vers la Place Saint Germain des Prés (carrefour du Jazz) et nous commençons à apercevoir le clocher de la célèbre abbaye. Carrefour du jazz : Lors du percement du boulevard Saint Germain (E-O) et de son croisement avec la rue de Rennes (N-S), une partie de l’abbaye de Saint Germain a été démolie. On voit arriver un brasseur alsacien qui ouvre la brasserie des bords du Rhin (19ème s.) qui deviendra la brasserie Lipp. C’est ici que l’on mangera les premières choucroutes de Paris. Viendront ensuite "Les 2 magots" et "le café de Flore". Au début du 20ème siècle, Proust, Blum fréquentent assidument ces lieux. Jean-Paul Sartre, dont la mère habite sur la place Saint-Germain-des-Prés, convie une certaine Simone de Beauvoir, brillante étudiante dans ce quartier étudiant. Elle épouse la philosophie de Sartre. Ils tiennent ensemble de nombreuses réunions politicosocio-philosophiques. Après la 2ème guerre mondiale, la création de nombreux clubs de jazz verra naitre l’existentialisme dans ces lieux. Église Saint Germain des Prés : Seul le clocher date de l’an 1000 et de style roman. C’est le plus ancien de Paris voire de France. Au début du 7ème siècle (611), l’évêque Germain, moine de l’abbaye d’Autun, décide de la construction d’une chapelle pour conserver les reliques ramenées d’Espagne par le roi Childebert, fils de Clovis, (tunique de saint Vincent et croix de Tolède). L’église édifiée est d’abord consacrée à saint Vincent et à la croix avant de devenir Saint Germain. Ce fut la première abbaye royale funéraire des rois de France avant la basilique Saint Denis jusqu’à Dagobert. Petit à petit, le territoire de l’abbaye augmente par la taille et par sa puissance dans Paris. Les invasions normandes et de nombreuses destructions entraineront la reconstruction de l’église à partir de l’an 1000 (le clocher-porche en est le témoin), la reconstruction est longue, la nef est achevée en 1050. Le chœur en hémicycle est entouré d’un déambulatoire bordé par cinq chapelles rayonnantes voutées d’ogives (1163). Pierre de Montreuil ajoute à l’église en 1245 la chapelle de la Vierge et le cloître aujourd’hui disparus. Après la révolution, l’église fut désacralisée et les bâtiments sont vendus comme bien national. La nef porte la marque de l'art roman de l'Ile-de-France, alors que le chœur et le déambulatoire révèlent l'influence du gothique primitif. Les chapiteaux dorés des colonnes de la nef ont été exécutés pour la plupart au XIXe siècle. Ce sont des copies des originaux conservés au musée national du Moyen Age, pas très loin de l'église. Ils n'en représentent pas moins tout le génie créateur des sculpteurs romans d'Ile-de-France. Les chapiteaux historiés représentent souvent des scènes énigmatiques peuplées de monstres ou d'animaux fabuleux. Le palais abbatial, datant de 1580, permettait de recevoir les invités du roi et de loger les théologiens et comprend un grand jardin qui était le cimetière des abbés de Saint Germain. Il fut incendié durant la révolution française puis transformé en habitation au 19ème siècle. Il redevient ensuite propriété de la paroisse, seuls quelques appartements des étages supérieurs semblent encore appartenir à quelques individuels. A l’intérieur du bâtiment subsiste un escalier très caractéristique de l’évolution des escaliers dans l’histoire. L’abandon des escaliers à vis qui n’étaient que fonctionnel et situés à l’extérieur des bâtiments sont devenus des escaliers intérieurs d’apparat. C’est dans une boutique d’art contemporain où nous entrons que subsiste quelques murs de l’ancienne chapelle : La chapelle de la Vierge qui fut édifiée par Pierre de Montreuil vers 1250. Il s’agit d’un vestige du 2ème pilier de la grande chapelle de la Vierge. Longue de 32 mètres, large de 9 mètres, haute sous voute de 15 mètres, formée d’une nef à quatre travées et d’un chevet à sept pans, la chapelle était un chef d’œuvre de l’art ogival flamboyant du XIIIème siècle. La chapelle servit de prison en septembre 1792 et fut fortement ébranlée en 1794, par l’explosion d’un dépôt de poudre emmagasinée dans le réfectoire voisin. Le percement de la rue de l’Abbaye en 1800 acheva de la détruire. Emplacements des encastrements des poutres de bois soutenant l’ancien plafond. Nous poursuivons dans cette boutique, après avoir descendu quelques marches, nous découvrons d’anciens murs correspondant aux anciennes écuries. Au 19ème siècle, des immeubles de rapport ont été construits au dessus des anciennes écuries. C’est dans l’un de ces appartements qu’Eugène Delacroix est venu s’installer vers la fin de sa vie en 1863. Très malade, il s’était ainsi rapproché de son dernier chantier à Saint Sulpice. De la place de Fürstenberg, nom d’un des abbés de Saint Germain, on aperçoit la première façade en pierre et en briques de Paris. Elle date de 1583 bien avant la construction de la place des Vosges imaginée par Henri IV. 12 rue Jacob : Cette maison du 17ème siècle fut la demeure de maréchal de Saxe. Il ne subsiste de l’origine que quelques pierres de taille et un bel escalier avec une rampe en fer forgé. La main courante fut un temps recouverte de bois mais elle a maintenant retrouvé son aspect d’antan. Le maréchal qui, dit-on, était meilleur au lit que sur le champ de bataille recevait, ici, ces 2 maitresses qui habitaient non loin ce qui amena parfois des rencontres malencontreuses… Galerie Jeanne Bucher (53 rue de Seine) : Jeanne Bucher expose des artistes avant-gardistes tels que Fernand Leger, Henri Laurens,… dans une première galerie située rue du Cherche-midi puis, à sa mort, elle sera transférée dans cette cour. Histoire des galeristes : à partir de la fin des années 70, début des années 80, la valorisation du quartier a vu la disparition des petites familles logées sous la loi de 1948. On assiste alors à un changement social du à une augmentation importante des loyers et à la fermeture des commerces de proximité. L’espace ainsi libéré fait place à de nombreux galeristes en particulier après l’ouverture du musée d’Orsay en 1986. Nous nous dirigeons, maintenant vers le passage Dauphine, mais avant, Martine nous entraine dans un parking ! Bien caché au premier sous-sol, nous découvrons un morceau de l’enceinte de Philippe Auguste construite vers l’an 1200. Cette découverte a été faite lors de la construction de ce parking. Passage Dauphine : Son nom lui fut donné en hommage à la naissance du Dauphin de Henri IV. Cet ancien bâtiment conventuel fut transformé en imprimerie au 19ème siècle avec logement attenant pour les employés. Hôtel des évêques de Rouen dont le nom a été malencontreusement transformé en Rohan : au 17ème siècle. En 1975, la redécouverte du vieux Paris entraine la création de passages et de cours privées. Cet ensemble restauré dans les années 80 est maintenant investi par le milieu de la mode et du mannequinat. Dans la cour, près de la porte, on y observe un curieux trépied métallique appelé pas de mule. Il servait d’appui pour monter sur les mules permettant le transport dans les rues étroites de Paris. La grille de sortie du passage Dauphine communique directement avec la Cour du commerce Saint André où nous tombons sur la façade arrière du Procope... où nous irons déjeuner dans quelques instants. La cour du commerce Saint André est implantée sur l’espace des anciens fossés de l’enceinte de Philippe Auguste. D’ailleurs, Martine nous fait remarquer un nouveau vestige de l’enceinte qui orne l’intérieur de la salle du restaurant voisin. Le Procope, le plus ancien café du Monde : C’est en 1686 que Francesco Procopio dei Coltelli, gentilhomme de Palerme, installa rue des Fossés SaintGermain (aujourd’hui rue de l’Ancienne Comédie) son débit de café. L’excellence des boissons et des sorbets qu’il y offrait à consommer, le cadre agréable et le voisinage de l’Ancienne Comédie Française firent que son établissement devint très rapidement le lieu de réunion des beaux esprits. Le premier café littéraire du monde était né et durant plus de deux siècles, tout ce qui portait un nom, ou qui espérait en porter un, dans le monde des lettres, des arts et de la politique, fréquenta le Café Le Procope. De La Fontaine, en passant par Voltaire, Rousseau, Beaumarchais, Balzac, Hugo, Verlaine et tant d’autres, la liste des "habitués" du Procope est celle-là même des grands noms de la littérature française. Au 18ème siècle, les idées libérales y prirent leur essor, et l’histoire de l’Encyclopédie est intimement liée à celle du Procope que fréquentaient Diderot, d’Alembert et Benjamin Franklin. Pendant la révolution, Robespierre, Danton et Marat s’y réunissaient et le lieutenant Bonaparte y laissa son chapeau en gage. Ainsi, le Procope fut le point de rendez-vous de tous les révolutionnaires qui ont fait du Procope le lieu de leur réunion et leur quartier général. Au 2ème étage, on peut encore voir les vestiges de l’imprimerie et, à la fenêtre, la cloche qui servait à Marat pour appeler la foule. Martine en profite pour nous raconter la véritable histoire de la guillotine : C’est Louis XVI, lui-même ! qui demande de fabriquer au plus vite une machine qui va "tuer" sans douleur et de façon rapide.. Lors de la présentation de cette machine, personne n’en veut et en particulier le Conseil de 500. Elle ne ressortira des placards qu’en 1792 au moment de la Terreur. On demande aux charpentiers de faire des devis pour construire cette machine. Louis XVI suit assidument ces travaux. Le docteur Schmitt propose le moins cher et emporte le marché, il appellera cette machine la "Louisette". Lors de sa mise en service, des essais sont faits sur des moutons. La laine gène et on décidera donc de les tondre… Le décret de mise en service définitif sera signé par le docteur Guillotin qui lui donnera définitivement son nom bien qu’il n’en soit pas l’inventeur. Tombé en désuétude après la révolution, elle reviendra à la mode au début du 20ème siècle puis deviendra une pièce de musée après l’abolition de la peine de mort. C’est dans une des majestueuses salles du Procope que nous nous installons pour prendre l’apéritif avec Martine qui, inépuisable, nous commente les décors. Il ne nous reste plus qu’à déguster, pour certains la meilleure tête de veau de Paris (dixit Jacques Chirac), pour d’autres un copieux coq au vin... Textes et commentaires : Annie Gauchet Photos : Jean-Paul Gauchet Les hauts lieux incontournables de Saint Germain des Prés ACDRIEG : Sortie régionale Paris Ile de France Jeudi 3 mai 2012