Parentalité: regards pluriels

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Parentalité: regards pluriels
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Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire,
sociale et médico-sociale, privée à but non lucratif
avril 2014
Les cahiers d’Unifaf
Nord-Pas-de-Calais
La parentalité :
regards pluriels
Remerciements
Un grand merci à l’ensemble des auteurs placés sous la direction de
Bertrand COPPIN, directeur général de l’EESTS. L’agrégation de leurs points
de vue constitue un éclairage nouveau et utile sur la question de la
parentalité.
Merci également aux membres du comité de relecture et notamment
à Gilles JOOSEN, directeur de l’IME de Coopenaxfort, pour leurs remarques
pertinentes qui ont enrichi la publication.
Enfin, nous remercions l’équipe technique d’Unifaf Nord-Pas-de-Calais
et plus spécifiquement le pôle ingénierie de formation, pour avoir piloté
la conception et la formalisation du cahier.
Bonne lecture !
La parentalité : regards pluriels
Sommaire
p. 5
Préface
Articles
p. 7
La parentalité au regard des enjeux sociétaux et sectoriels
Par Bertrand COPPIN
p. 10
Perceptions de la parentalité : enjeux des pratiques professionnelles et de formation
Par Bertrand COPPIN
p. 16
Parler de parentalité en travail social : approches socio-historique et socio-politique
Par Éric MARTEAU
p. 26
Les travailleurs sociaux face aux familles d’origine étrangère
Par Emmanuel JOVELIN
p. 35
La médiation familiale, une démarche singulière pour construire
ou reconstruire de nouveaux liens au moment d’un conflit dans la famille
Par Audrey RINGOT
p. 44
Parentalité en petite enfance : réflexions sur une expérience professionnelle et militante
Par Catherine DEBRET
p. 54
L’être parent : un parcours singulier… aux racines et expressions plurielles…
Par Béatrice COTTON
p. 64
L’atelier des parents : une réponse singulière à des parents
d’adolescents en difficulté dans leur être parent
Par Béatrice COTTON
p. 68
Être parent avec une déficience intellectuelle
Par Bertrand COPPIN
p. 79
Aider à la parentalité des personnes déficientes intellectuelles
Par Brigitte DORÉ
p. 91
Postface
Annexes
p. 92
Index des sigles
p. 94
Questionnaire Perceptions de la parentalité :
enjeux des pratiques professionnelles et de formation
p. 96
Repères bibliographiques
p. 100
Le web au service de la parentalité
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Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratif
La parentalité : regards pluriels
Préface
La Commission régionale paritaire de Promofaf Nord-Pas-de-Calais avait proposé en 2003 à
ses adhérents une Action prioritaire régionale sur la parentalité. Trois initiatives ont été
menées dans ce cadre à l’École d’Éducateurs Spécialisés de mai à décembre 2003, avec l’organisme de formation IFAR (Intervention Formation Action Recherche).
Afin d’amplifier la résonance de cette action et de démultiplier le nombre de bénéficiaires,
les partenaires ont poursuivi leur réflexion et décidé, avec l’accord et le soutien du Conseil
d’Administration Paritaire de Promofaf, de transcrire leurs différentes investigations dans un
cahier parentalité.
L’objectif de ce cahier était double, «permettre de comprendre, de mener une réflexion, une
étude-recherche sur la parentalité au sein du travail social (ou médico-social, sanitaire). Mais
aussi, (…) de percevoir qu’il y a une diversité de pratiques, d’approches et d’aborder une tentative
de réponse à un ensemble de problématiques contemporaines d’actualité qui concernent l’individu et sa famille».
Il s’agissait là de convoquer différents champs disciplinaires en tendant la plume à des auteurs
dont la réflexion et la liberté de ton ont séduit les concepteurs de ce cahier. Les propos contenus
dans les articles ne sauraient engager Unifaf au-delà de l’objectif qu’il s’est assigné.
La notoriété de ce cahier a été telle qu’il a été rapidement épuisé.
Il est apparu aux administrateurs de la Délégation régionale paritaire d’Unifaf Nord-Pas-deCalais qu’une réédition en 2014 serait tout à fait judicieuse.
Notre service régional a donc contacté la plupart des auteurs afin qu’ils veuillent bien réactualiser leurs écrits.
Nous les remercions sincèrement pour leur mobilisation, ainsi que le Conseil d’Administration Paritaire d’Unifaf pour son soutien, et nous avons le plaisir de vous convier à lire ou à
relire ce cahier parentalité.
Hugh CHICK et Jean-Benoît BALLÉ
Présidents de la DRP Unifaf NPDC
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Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratif
Articles
La parentalité : regards pluriels
La parentalité au
regard des enjeux
sociétaux et sectoriels
Traiter de parentalité à travers ce cahier peut paraître singulièrement ambitieux, tant cette
notion apparaît complexe, polymorphe et, dans le même temps, banale de par l’utilisation
quotidienne qu’en fait tout un chacun. La «vulgarisation» du terme a produit une opacité du
sens : nouvelle notion ou remise au goût du jour, à la mode, d’une notion éprouvée ? Le terme
de parentalité, introduit en 1961 par RACAMIER1 (à propos des psychoses puerpérales) n’a
pas été développé à cette époque. Seul le terme de monoparentalité a été utilisé notamment
par les sociologues pour désigner les mères seules élevant leur enfant, ce terme se substituant au péjoratif «fille mère». La parentalité a été utilisée ensuite pour désigner les troubles
de la relation parents-enfants sans toutefois s’appuyer sur des références théoriques claires.
Enfin, des travaux de recherche ont proposé une approche intégrée de la parentalité en lien
avec les mutations des compositions familiales. L’entreprise est donc ambitieuse même si, à
travers ces pages, il ne s’agit bien évidemment pas de définir une fois pour toutes le sujet mais
d’apporter un éclairage pluriel dans une configuration particulière qui est celle de la formation. L’intention est d’ouvrir quelques fenêtres susceptibles de produire des arrêts sur image
du processus complexe de l’accompagnement à l’être parent en proposant des références
théoriques (non exhaustives) mais aussi des contributions en lien avec des projets innovants
mis en place dans la région Nord-Pas-de-Calais.
La famille n’est pas une institution isolée du contexte dans lequel elle existe. Il n’est donc
pas étonnant que le processus de parentalité soit sous influence, voire syntone de l’environnement dans lequel il progresse. Comment, en effet, imaginer que la parentalité ne se modifie
pas dans un contexte dans lequel les mécanismes d’intégration traditionnels, tels que l’école
et le travail par exemple, sont bouleversés profondément ? Le processus de parentalité s’en
trouve naturellement affecté. Si certains auteurs évoquent l’idée de crise2 (P.ROSANVALLON…)
au regard de la famille, nous adhérons, en accord avec D.LE GALL et C.MARTIN3, à l’idée de
mutation de la parentalité. G.GREINER4 illustre avec beaucoup de clairvoyance ce processus
en écrivant : «Les parents sont insuffisamment étayés dans leur fonction qui est non seulement
mal désignée mais en redéfinition dans une société qui se délite, sur fond de crise du symbolique,
avec des effets de morcellement, de déstructuration». Les apports des enquêtes statistiques
montrent et objectivent cette mutation : l’augmentation des divorces, la baisse de la fécondité, la baisse de la nuptialité, l’accroissement du phénomène de cohabitation et des naissances hors mariage sont autant de paramètres d’influence des mutations de cette parentalité.
Le travail d’accompagnement à la parentalité réalisé par les professionnels au quotidien
s’est complexifié lui aussi et, d’une certaine manière, se doit d’opérer lui aussi une transformation. «Les professionnels ont un devoir d’optimisme», écrit R.CLEMENT5. Cette position s’opérationnalise à travers l’aide au processus de parentalité quand il est fragilisé par certaines
épreuves, l’aide à redevenir parent quand la disqualification a entamé le processus ou enfin,
l’aide à mettre en place une suppléance quand les parents sont en difficulté ou empêchés
d’assumer leur rôle. En ce sens, le modèle théorique construit sous la direction de D.HOUZEL6,
1 P.C.RACAMIER et al. La mère
et l’enfant dans les psychoses du
postpartum, in L’évolution psychiatrique, 1961
2 P.ROSANVALLON,
La crise de l’État Providence,
Paris, Seuil, 1981
3 D.LEGALL et C.MARTIN,
Familles et politiques sociales,
l’Harmattan, Logiques Sociales,
1996
4 C.GREINER, Fonctions
maternelles et paternelles,
Erès, 2000
5 R.CLEMENT, Parents en
souffrance, Ed. Stock, 1993
D.HOUZEL (dir), Les enjeux
de la parentalité, Erès, 1999
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Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratif
développant l’exercice, l’expérience et la pratique de la parentalité, s’avère un modèle éclairant
les paradoxes dans lesquels les travailleurs sociaux sont pris dans leur pratique quotidienne.
Le «devenir parent» se construit dans un rapport à autrui et ce processus nécessite des
approches dialectisées de l’attachement et du détachement, de l’altérité et de l’identité des
rapports entre familles-travailleurs sociaux et au-delà, familles-politiques sociales. La compréhension de ce processus requiert une pluridisciplinarité qui, donnant du sens à l’éclairage,
comporte de nombreuses difficultés. Dans cette rencontre complexe, la formation se révèle
un enjeu de taille tant cette rencontre parents-professionnels se situe dans un système de
contraintes règlementaires et juridiques, défini d’abord par des textes issus des politiques
sociales, mais aussi à partir de références théoriques et méthodologiques diverses orientant
le travail institutionnel mené. Il s’est produit une sorte de révolution copernicienne dans la
perception des familles chez les travailleurs sociaux. En effet, des modèles s’appuyant essentiellement sur des approches de dysfonctionnement des familles, nous sommes passés à une
compréhension basée sur la notion de compétence des familles. Sans céder à un optimisme
béat ou à une naïveté inappropriée, les modes de travail et d’accompagnement à la parentalité se sont orientés sur la collaboration avec les parents plutôt que leur stigmatisation, disqualification, infantilisation, jugement, défaillance et la culpabilisation qui y étaient régulièrement associés.
Les différents chapitres de ce cahier ont été rédigés par des professionnels confrontés aux
situations de parentalité difficile, de par leur profession (éducatrices spécialisées, psychologues, médiatrices), leurs recherches-actions (sociologues, psychologues) ou leur engagement à divers titres dans la gestion d’associations, de services ou encore de dispositifs de formation. La spécificité des auteurs est d’être des acteurs impliqués dans cette question de la
parentalité.
Les apports théoriques proposés permettront d’analyser la parentalité en référence à plusieurs champs qui nous semblent éclairants. Tenant compte des milieux soiciaux d’appartenance, les évolutions socio-historiques évoquées par E.MARTEAU, intègrent la place de la
famille et le rôle qu’elle joue dans une société bouleversée et recomposée. Substitution et
renouvellement de la terminologie autour du travail avec les familles montrent que la notion
de parentalité n’est pas soudaine ; elle s’inscrit bien dans une histoire qui met en scène quatre
acteurs : l’enfant, les parents, l’État et les professionnels. B.COTTON, dans un autre registre,
évoque la famille comme le lieu d’inscription de l’enfant dans une généalogie et une filiation.
À partir de définitions stabilisant nos connaissances, elle propose une argumentation sur la
complémentarité entre partenaires qui nous amène à changer de logique. Enfin, A.RINGOT
présente les bases de connaissance de la médiation familiale au travers de valeurs et de pratiques de plus en plus présentes dans le décor des pratiques d’accompagnement à la parentalité.
7 Les cahiers de la parentalité :
regards pluriels, Promofaf 2004
Six articles qui, tout en n’étant pas spécifiques de la région Nord-Pas-de-Calais, présentent
des réalités en action ou en cours d’élaboration de manière novatrice, ont été regroupés en
un chapitre plus pratique. Ainsi, B.COPPIN présente une analyse comparative des perceptions
de la parentalité et des besoins en formation qui reprend un article publié antérieurement7
et l’actualise avec de nouvelles données recueillies auprès de professionnels en 2012.
E.JOVELIN propose une analyse des pratiques d’accompagnement de familles de culture
étrangère auprès desquelles le travailleur social doit parfois intervenir et qui génèrent en lui
des questions sur le sens de l’intervention et le décodage du travail mené dans un contexte
qu’il se doit de comprendre. L’accompagnement à la parentalité dans le cadre d’un centre
La parentalité : regards pluriels
social traité par C.DEBRET reprend le concept en référence à la petite enfance (l’île aux
enfants) sur un territoire. Il est articulé avec une contribution de B.COTTON relative à l’accompagnement de parents d’adolescents placés en MECS (l’atelier des parents). Enfin, être parent
avec une déficience intellectuelle constitue une situation en évolution quantitative et sur
laquelle très peu de publications sont disponibles. Les contributions de B.COPPIN et B.DORÉ
tentent d’atténuer ce constat. Un article se propose d’établir un état des lieux de la situation :
facteurs d’émergence, données descriptives et perspectives d’accompagnement en complément d’une contribution présentant la mise en œuvre concrète, dans le département du
Nord, d’un projet spécifique d’aide à la parentalité de couples ou de personnes seules présentant une déficience intellectuelle.
La dernière partie se veut résolument formative. Notre intention, à travers ce cahier, est qu’il
soit utilisé aussi à moyen terme pour nourrir des démarches plus ambitieuses que la simple
lecture du document. Construire un groupe de réflexion sur les pratiques d’accompagnement à la parentalité, organiser une journée de réflexions et d’échanges, viser l’acquisition de
connaissances et de lectures permettant de se positionner comme personne ressource sur la
question, sont des idées susceptibles d’être alimentées par le travail d’organisation documentaire de S.ARNAUD et L.SERBOUTI. Le travail de délimitation, de classification d’ouvrages
et de sites Internet à partir de normes classiques et de mots clés, facilitera la recherche et l’investissement de la fonction exploratoire de ceux qui souhaitent aller plus loin.
Par Bertrand COPPIN
Directeur général de l’École européenne supérieure en travail social
Éducateur spécialisé – Psychologue
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Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratif
Perceptions
de la parentalité :
enjeux des pratiques
professionnelles et de formation
1 Les cahiers de la parentalité :
regards pluriels, Promofaf 2004
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Questionnaire en annexe
Le but de cet article est de tenter d’identifier un certain nombre de constats sur les questions relatives à la parentalité et à l’accompagnement à partir du discours de professionnels
aguerris dans le champ du travail social.
Ces constats peuvent nous intéresser dans la mesure où ils reflètent la perception et la
compréhension de professionnels quant à cette notion de parentalité fréquemment évoquée dans la pratique des travailleurs sociaux. À partir de leurs conceptions, de leurs représentations du travail éducatif, de la façon dont ils regardent les personnes accompagnées, il
est possible d’identifier des éléments contribuant à une meilleure compréhension des enjeux
de la professionnalisation en lien avec la parentalité.
Lors d’une étude plus ancienne1, nous avions recueilli, à partir d’un questionnaire, l’avis de
travailleurs sociaux. L’idée est ici, à partir d’un outil de même nature, d’identifier ces perceptions huit ans après, afin d’observer d’éventuelles évolutions sur cet axe de travail.
Nous avons repris le même questionnaire2 qu’en 2004 afin de pouvoir comparer les
réponses et surligner les permanences et différences éventuelles.
1. Composition des échantillons
Étude de 2004 : 44 professionnels dont la majorité est diplômée en travail social (36 diplômés et 7 non diplômés). Le type d’inscription professionnelle se situe sur un spectre assez
large de publics et d’institutions, même si l’on retrouve de façon très importante un lien avec
des publics relevant de l’Aide sociale à l’enfance (Maisons d’enfants à caractère social) ou de
la déficience intellectuelle (Instituts médico-éducatifs, Services d’accompagnement à la
parentalité…). Nous retrouvons dans ce groupe 11 professions sociales parmi lesquelles la
dominante est celle d’éducateur spécialisé (15 sur 44). Deux autres professions sont représentées de façon significative (6 moniteurs éducateurs et 6 assistantes de service social). Enfin,
l’ancienneté dans le travail est très variable (de 1 à 27 ans).
Étude de 2012 : 22 professionnels dont la grande majorité est diplômée en travail social
(19 diplômés et 3 non diplômés). Les lieux d’exercice professionnel sont diversifiés au travers
de grands secteurs : Maisons d’Enfants à Caractère Social ou établissements de l’Aide Sociale
à l’Enfance (9 sur 22), en lien avec le handicap mental (7 sur 22), l’Action Éducative en Milieu
Ouvert (3 sur 22).
5 professions sont représentées pour lesquelles la dominante est celle d’éducateur spécialisé (14 sur 22), assistant de service social (4 sur 22). L’ancienneté dans le travail varie entre 4
et 28 ans.
La parentalité : regards pluriels
2. Les attentes des professionnels
La question posée vise à identifier les attentes des professionnels au regard de leurs
besoins en formation sur la question de la parentalité en général.
En 2004, trois axes essentiels déterminaient les attentes des professionnels :
≥ Axe 1 : augmenter leur niveau de connaissances sur la notion de parentalité afin d’aller au-
delà de l’effet de mode. Une étude plus approfondie de leurs propos montre leur volonté :
• de mieux cerner cette notion plurielle de parentalité à partir d’auteurs de référence ;
• d’être éclairés sur les mutations de la famille contemporaine ;
• de mieux comprendre le fonctionnement des familles aujourd’hui ;
• d’appréhender le fonctionnement familial lorsque l’un ou les deux parents ont une déficience intellectuelle.
≥ Axe 2 : acquérir des éléments de connaissance méthodologique et de réflexion pouvant
contribuer à la mise en place d’actions nouvelles ou améliorant des actions déjà en place.
Ainsi assez fréquemment ont été évoquées des actions qui font participer les parents, qui
les mettent au centre du dispositif (actions de participation, de formation, de réflexions et
d’échanges et plus rarement de médiation…). Il semble, par ailleurs, qu’existait une attente
de soutien et de supervision dans l’analyse des pratiques professionnelles. Les pratiques de
réseau entraient également dans cette attente.
≥ Axe 3 : trouver des réponses ou des pistes sur des situations rencontrées dans la pratique.
Le questionnement de ces situations est en lien avec des particularités identifiées chez le
public accompagné : par exemple, comment aborder des situations difficiles avec des
familles en grande difficulté sociale, issues de culture étrangère, avec une déficience intellectuelle…
L’étude de 2012 produit des attentes sur les trois axes précédemment définis :
≥ Axe 1 : augmenter ses connaissances représente toujours un axe majeur qui se décline sur
plusieurs dimensions :
• l’évolution de la parentalité ;
• l’organisation des familles ;
• la notion de lien familial ;
• la parentalité et les situations de divorce ;
• la parentalité dans le domaine des droits et devoirs.
≥ Axe 2 : acquérir des éléments de connaissance méthodologique constitue une dimension
encore fortement sollicitée. Ainsi, de manière plus précise, est évoquée la nature des dispositifs (organisation, avantages, inconvénients), des outils permettant de travailler diverses
dimensions (agressivité, communication, évaluation des compétences, diagnostic et identification des besoins).
≥ Axe 3 : trouver des réponses s’articule en 2012 en lien avec des situations d’accompagnement des relations parents enfants, de participation de la famille, de repérage des difficultés, de prévention de la maltraitance et de travail avec des familles s’écartant de la norme
(déficience intellectuelle, culture étrangère, grande précarité).
Nous pouvons donc observer de nombreuses ressemblances entre les préoccupations
des professionnels en 2004 et huit ans après. La littérature, nombreuse et variée, sur le
thème de la parentalité déjà évoquée en 2004 (et toujours aussi nombreuse en 2012) ne
semble pas avoir tari les besoins en formation y compris dans les dimensions théoriques.
Aucun axe majeur nouveau ne semble émerger des attentes des professionnels, si ce n’est
l’apparition de thèmes non évoqués précédemment et qui enrichissent les axes déjà existants.
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Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratif
Par exemple, dans la rubrique «augmenter ses connaissances» apparaissent la médiation
familiale, les entretiens familiaux, qui n’étaient pas ou peu évoqués en 2004.
Les réponses recueillies évoquent souvent les compétences des parents à travers des grilles
d’évaluation, des fiches de développement des compétences, une aide à la valorisation. En
2004, cette évocation de la compétence des parents représentait un point d’appui, une force
sur laquelle il semblait positif de s’appuyer. Huit ans après, il semblerait que cette perspective
soit intégrée comme une capacité nécessaire dans les savoirs et savoir-faire des professionnels. D’une perspective possible et souhaitable, la question de la compétence des
familles semble devenue une nécessité dans la pratique des professionnels. Les orientations du secteur, les textes nombreux et les formations sur les questions de bientraitance
jouent probablement un rôle contributif de cette tendance au travers de l’affirmation de fondamentaux, telles la valorisation de l’expression des usagers, la promotion de leurs droits et la
participation au projet. Il s’agit là de la différence essentielle sur cette dimension.
3. Perceptions et compréhensions de la parentalité
Il s’agissait ici de repérer les fonctions attribuées à la parentalité par les professionnels
interrogés. À la demande de nommer les cinq fonctions estimées essentielles pour chacun, le
classement des réponses permet d’identifier trois grandes fonctions que les professionnels
s’attendent à trouver ou qu’ils vont tenter de travailler avec les familles.
L’étude de 2004 met en évidence trois fonctions dominantes :
fonction de protection : il s’agit ici de pointer la nécessité de structuration des règles
dans l’éducation de l’enfant et la nécessité du principe de réalité. Ainsi les mots suivants
reviennent fréquemment : règles, limites, repères, sécurité, guide, autorité, obéissance… ;
≥ la fonction d’apprentissage : sont concernées les actions des parents qui mènent leur
enfant vers la connaissance, l’apprentissage, l’autonomie. Les mots comme intentions éducatives, stimulations, respect des besoins, du rythme de développement… sont régulièrement cités ;
≥ la fonction affective : l’attention bienveillante à l’enfant, l’amour, l’affection, le respect de
l’autre, l’écoute, la patience, la disponibilité, la confiance sont les idées revenant le plus souvent.
≥ la
Le recueil de données en 2012 produit quatre catégories quantitativement équivalentes en nombre de réponses : trois catégories identiques à 2004 et une catégorie nouvelle.
Les items évoqués dans les catégories fonction de protection et fonction affective sont les
mêmes qu’en 2004 alors que ceux constituant la fonction d’apprentissage évoluent dans leur
diversité. Dans cette fonction sont évoquées notamment la transmission des valeurs, la dimension
culturelle, la socialisation, notions qui apparaissaient peu en 2004. D’autre part, le terme apprentissage est remplacé par celui d’accompagnement. Dans cette catégorie, qui laisse place évidemment
aux projections des répondants, le parent semble se situer davantage aux côtés de l’enfant en lui
proposant, l’emmenant vers la connaissance, vers l’autonomie.
Une quatrième catégorie que l’on peut nommer «Élever, éduquer, humaniser» apparait ici. Elle se situe en surplomb des 3 autres intégrant l’ensemble des fonctions. Il est à noter
qu’elle n’existait pas en 2004 et qu’elle paraît être le signe d’une position plus globale de la
perception de ce qu’est être parent. Nous pouvons émettre l’hypothèse que, d’une part les
professionnels expriment des besoins en formation similaires à ceux de 2004 et, dans le
même temps, ils semblent maîtriser davantage les questions de parentalité par l’inscription
dans leur compréhension d’une vision davantage «écosystémique».
La parentalité : regards pluriels
Comme en 2004, nous avions demandé aux répondants de noter cinq mots qui leur
venaient spontanément en tête à l’évocation du vocable parentalité. Les cinq mots proposés,
là aussi, nous ramènent, comme en 2004, à une catégorisation de même type que celle évoquée plus haut au travers des fonctions parentales repérées. Nous pouvons donc référer la
production de ces mots spontanés à la définition de la parentalité issue du dictionnaire critique d’action sociale3 : «La parentalité apparait comme un terme spécialisé du vocabulaire
médico-psycho-social qui désigne de façon très large la fonction «d’être parent» en incluant
à la fois des responsabilités juridiques, telles que la loi les définit, des responsabilités morales,
telles que la socio-culture les impose et des responsabilités éducatives».
Les formations initiales, les expériences professionnelles des répondants et l’inscription de
cette notion dans l’exercice professionnel permettent de constater une bonne connaissance
de cette notion de parentalité. En effet, les fonctions essentielles repérées par les répondants
recoupent la définition généraliste qu’en donne le dictionnaire précédemment cité.
4. La parentalité questionnée dans les pratiques professionnelles
Il s’agit ici de tenter de mieux connaître les éléments de difficultés concrètes et les points
d’appui qui semblent exister dans la pratique.
À la question «Quelles difficultés vous semblent les plus complexes à travailler en ce qui
concerne la parentalité ?», les éléments recueillis en 2004 mettaient en exergue trois catégories de réponse :
≥ les difficultés d’interaction éducative entre l’enfant et ses parents. Les réponses soulignent particulièrement le désengagement relationnel et l’indifférence observée chez les
parents comme la difficulté la plus fréquente à atténuer. De façon moins appuyée, les
réponses se déclinent à propos des comportements de surprotection, de la difficulté de
reconnaître le handicap de l’enfant, du manque d’initiative et des difficultés éducatives
importantes dans les trois niveaux de la parentalité cités précédemment ;
≥ les difficultés internes aux parents, à partir du manque de confiance en soi, d’une culpabilité importante, d’un sentiment d’incompréhension, de la peur du jugement et parfois de
la détresse sociale dans laquelle ils se trouvent ;
≥ les difficultés en lien avec les travailleurs sociaux eux-mêmes. Ils représentent aussi
une catégorie de réponses non négligeables. Il faut entendre par là, bien sûr, les interactions
entre ces derniers et les parents eux-mêmes qui ne vont pas de soi (acceptation du placement, climat de confiance…) mais aussi la conscience qu’ont les travailleurs sociaux des
limites à ne pas dépasser (ne pas faire à la place de, jusqu’où aller, à partir de quand ne plus
intervenir pour laisser la place aux parents…).
Les données recueillies en 2012 ne laissent pas apparaître de différences significatives
dans la catégorisation des réponses. Nous retrouvons de manière assez claire les trois catégories précédemment citées. La différence se situe plutôt dans l’apparition d’un spectre
plus large de réponses (plus diffuses) dans chaque catégorie, comme si la difficulté
aujourd’hui résidait dans la multiplicité des difficultés (ou des préoccupations des professionnels). Aux items évoqués dans la catégorie «difficultés d’interaction éducative entre
l’enfant et ses parents» en 2004 s’ajoutent les notions de violence, de maltraitance, de conflictualité et de désengagement plus prononcé du père. La catégorie «difficultés internes aux
parents» se diversifie également, intégrant des items non présents en 2004 tels les conflits
parentaux, les carences des parents, les incohérences éducatives.
«Les difficultés estimées d’interaction entre parents et travailleurs sociaux» sont proches
Dictionnaire critique de l’action sociale – Edition Bayard –
Paris 1995
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avec un ajout fréquemment évoqué qui semble traduire une préoccupation essentielle : la
difficulté croissante à faire comprendre aux parents la fonction d’aide des travailleurs sociaux,
dimension essentielle dans la construction d’un climat de confiance, voire d’un comportement d’adhésion au processus de travail.
Les points d’appui
À la question posée : «Quels sont les points d’appui les plus utiles et efficaces à mobiliser dans
le travail autour de la parentalité ?», nous trouvons en 2004, quatre types de réponses en lien
avec les difficultés citées précédemment :
≥ développer le travail en partenariat : il s’agit pour les professionnels de mieux communiquer entre eux, de percevoir la situation de manière plus holistique afin de répondre de
façon plus adaptée aux difficultés rencontrées par la famille.
≥ garder une vigilance extrême à la distance professionnelle (ne pas juger, prendre le
temps, admettre de ne pas avoir tout le savoir…) ;
≥ mettre en place une approche consistant à viser des objectifs atteignables : partir de
thèmes concrets tels que le sommeil, l’alimentation, la scolarité de l’enfant, susceptibles de
créer ou d’améliorer la communication. Cette dimension met en évidence la pertinence de
prendre en compte le point de vue de l’autre ;
≥ s’appuyer sur les compétences des parents s’avère être de loin la réponse la plus fréquente. Les professionnels soulignent l’importance fondamentale de considérer la famille,
de lui redonner une place, de partir de ce qui ne pose pas de problèmes… Les mots comme
«valorisation», «positivation», «appui sur les compétences» sont cités par presque tous les
professionnels comme des moyens puissants de travailler la dynamique familiale.
Cet axe de recueil des données parait assez stable au travers des réponses fournies. En huit
ans, les points d’appui des professionnels semblent les mêmes, ce qui n’est pas étonnant si
l’on considère que les types de réponses s’apparentent davantage à une posture (distance,
compréhension globale, prise en compte des points de vue des parents, partir des compétences). Figure cependant un ajout qui, sans représenter une nouvelle catégorie de
points d’appui mais plutôt des moyens nouveaux, est cité plusieurs fois : les entretiens
familiaux médiatisés, les lieux de rencontre parents-enfants, les groupes de parole de
parents avec un travailleur social sont autant de modes d’intervention représentant
des outils d’opérationnalisation des points d’appui évoqués plus haut.
4 Guy AUSLOSS,
La compétence des familles –
Éditions Erès - 1995
L’appui sur les compétences des parents marquait une rupture en 2004 avec une conception précédente, dépassée, qui inclinait le travailleur social à se centrer sur les difficultés
parentales. Cette rupture est confirmée et amplifiée huit ans plus tard et marque une posture
claire dominante des travailleurs sociaux dans leur travail avec les familles.
Le concept de compétence des familles, défini entre autres par Guy AUSLOSS4 semble être
une référence partagée au moins dans ce qui se dit du travail à mener.
La comparaison des réponses de 2004 avec celles de 2012 confirme, pour l’essentiel, les
propos antérieurs. Si en 2004 la modestie et le nombre limité de réponses nous invitaient à la
prudence dans l’analyse et la généralisation des résultats, il en est de même huit ans plus tard,
au regard des interactions humaines qui peuvent fluctuer et évoluer ainsi que des effets de
focalisation d’un échantillon de cette taille. Il n’en reste pas moins que, même si les données
recueillies laissent apparaître de nouvelles attentes sur le plan des connaissances et des
outils, un ressenti de complexification des difficultés rencontrées, un souci plus important de
mieux faire comprendre son action, les professionnels confirment les tendances observées en
2004. Par exemple, «travailler à partir des compétences des parents» qui représentait un point
La parentalité : regards pluriels
d’appui en 2004, est devenu une attente de formation (théorique et méthodologie) qui fait
passer cette notion de l’intention à la professionnalisation (dimension formative).
La coupure traditionnelle, voire l’opposition entre théorie et pratique qui prévaut si souvent en formation chez certains professionnels, ne se retrouve pas. Il se pourrait donc bien
que la parentalité, par l’intérêt que la notion suscite chez les professionnels travaillant à son
«soutien», soit un puissant vecteur de formation continue. L’intérêt des professionnels pour
les formations liées à la parentalité semble dépasser sans doute très largement le simple effet
de mode évoqué dans notre recherche de 2004.
Les articles de ce cahier, ainsi que leur structuration à travers des productions de type théorique et d’autres plus en lien avec des dispositifs concrets devraient répondre, de manière
adaptée, à cette étude sur les enjeux des pratiques professionnelles et de formation.
Par Bertrand COPPIN
Directeur général de l’École européenne supérieure en travail social
Éducateur spécialisé – Psychologue
15
16
bl
Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratif
Parler de parentalité
en travail social :
approches socio-historique
et socio-politique
Le processus qui a permis à la
notion de parentalité de s’imposer progressivement comme une
thématique et un des axes dominants des pratiques en travail
social a été étudié. Lire notamment Paul DURNING in FABLET D,
Les interventions socio-éducatives, actualité de la recherche,
L’Harmattan, 2002.
2 À titre d’exemple, on peut
citer la circulaire n°99-153 du 9
mars 1999 ou l’actuel schéma
départemental du Nord.
3 Par exemple, LE GALL, D. BETTAHARY, Y, La Pluriparentalité,
PUF, 2001.
4 On pense, entre autres, à
BUGHIN M, LAMARCHE C,
LEFRANC P, La parentalité : une
affaire d’État, L’Harmattan, 2003
1
Comme le dit Paul DURNING, «le succès du néologisme parentalité intrigue par sa soudaineté
et son ampleur1».
Le terme de parentalité est d’un usage récent. Il s’est largement diffusé ces dernières
années dans le champ socio-éducatif et imprègne aujourd’hui largement les différents discours constitutifs du champ : discours des politiques sociales2 , discours scientifiques3, discours des travailleurs sociaux sur leurs pratiques4. Cet engouement dépasse le simple effet de
mode, il se substitue et renouvelle en partie une terminologie qui lui préexistait : celle du «travail avec les familles». En amont de cette dénomination contemporaine des interventions
socio-éducatives conduites auprès des parents, il y a donc bien une histoire… Dit autrement,
les actions professionnelles dites de «soutien à la parentalité» sont une forme actualisée d’un
scénario beaucoup plus ancien qui a fait se rencontrer des professionnels et des parents à
propos de l’éducation que ces derniers dispensaient à leurs enfants. Et c’est à l’origine et aux
avatars historiques de cette rencontre que l’on voudrait ici s’intéresser. Elle nous semble
mettre en scène quatre acteurs : l’enfant, les parents, l’État et les professionnels, et se joue en
trois grands épisodes chronologiques qui nous amènent aujourd’hui à parler de parentalité
en travail social.
1. Lorsqu’un enfant paraît dans la famille
Le premier épisode nous amène à considérer la vie familiale sous l’Ancien Régime, puis à
saisir les premiers pas de «l’enfant roi» au 18e siècle, pour finalement conclure avec la Révolution de 1789. Cette période, au regard de ce qui nous intéresse, se caractérise par l’absence de
l’acteur «professionnel» (qui n’apparaîtra qu’à la fin du 19e siècle) et par une profonde transformation de la place qu’occupe l’enfant dans la famille et dans la société française.
1.1. L’enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime
5 ARIES P, L’Enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime, Plon,
1960.
On ne peut synthétiser valablement le remarquable travail de P.ARIES5 ; on se contentera
donc modestement d’en dégager deux idées.
1.1.1. Sous l’Ancien Régime, dans la société comme dans le milieu familial, la place
de l’enfant apparaît subalterne par comparaison à notre réalité contemporaine.
On ne se soucie pas réellement d’éducation au sens moderne du terme, au moins chez l’immense majorité de paysans ou de petits artisans aux existences précaires. Si l’enfant est une
ressource pour la famille au sens où il participe très jeune à la vie économique de son foyer,
au sens également où il constitue pour ses parents l’assurance d’être secondés dans le travail
et secourus lorsque survient la maladie et/ou que s’installe la vieillesse, cet enfant, longtemps
représenté dans les tableaux antérieurs à la Renaissance comme un adulte en miniature,
connaît lui-même de sévères conditions de vie. Famines, disettes, conflits armés et razzias, épi-
La parentalité : regards pluriels
démies, émaillent ces siècles qui précèdent la Révolution. La mortalité infantile est forte et les
abandons ne sont pas rares.
1.1.2. La société de l’Ancien Régime est également une société fortement communautaire
L’ordre privé (familial) et l’ordre public (social) sont étroitement imbriqués. Entre le roi et
ses sujets, il existe un continuum : le Roi règne en exerçant un pouvoir absolu, et le père de
famille est dépositaire et maître d’un ordre familial conforme à l’ordre social. Dans l’espace
communautaire, essentiellement villageois, les formes de contrôle social sur la vie familiale
sont multiples et les pratiques religieuses agglomèrent et homogénéisent les communautés.
La vie privée, et plus encore l’intimité familiale, telles que nous les pratiquons aujourd’hui,
sont quasi inexistantes. La vie communautaire s’étend donc dans la famille, elle la domine en
quelque sorte. Les relations affectives entre les membres d’une même famille ne définissent
pas encore le foyer familial.
1.2. Les premiers pas de l’enfant roi et les Lumières
À la fin du 17e siècle et au début du 18e, d’importantes transformations dessinent progressivement un nouveau paysage familial : l’enfant commence à prendre une place centrale dans
la famille et celle-ci amorce un repli sur elle-même. Que se passe-t-il donc ? Les conditions
matérielles d’existence et les idéologies sont en mutation et les effets s’en font sentir dans la
vie familiale.
En étant bref, au risque d’être caricatural, la Renaissance européenne a lentement mais
sûrement modifié la réalité et la perception que les contemporains se faisaient de leur monde
(révolution copernicienne par exemple6) en même temps que l’invention (ou la découverte)
et la maîtrise des techniques leur permettaient d’être moins dépendants de la nature, de ses
caprices et de l’exploiter plus rationnellement (il n’est qu’à parcourir l’Encyclopédie7). Le
commerce, l’artisanat, l’agriculture, la construction navale, l’activité métallurgique, l’imprimerie etc. connaissent aussi des progrès cumulatifs qui permettent à l’homme de s’émanciper. La
pesanteur des tutelles (la monarchie, la religion, le patriarcat…) s’allègent et les limites des
activités humaines reculent (conquête des mers, exploitation des sols, audaces architecturales etc.) La dynamique d’émancipation influence l’ancien ordonnancement familial. En voici
trois domaines d’illustration.
1.2.1. En devenant plus libres de Dieu et de leur environnement, les rapports entre les
hommes se reconfigurent
La montée du protestantisme et des critiques envers l’Église catholique omniprésente et
omnisciente crée les conditions d’une révolution contraceptive dite «naturelle» (la pratique
du coït interrompu était interdite par l’Église). Avec ce contrôle progressif (et privé) des naissances, l’enfant se fait plus rare et acquiert une plus grande valeur car il devient désiré (1er
domaine). Le couple parental évolue sur un versant nettement plus conjugal : l’existence d’un
sentiment amoureux réciproque et librement consenti devient peu à peu une norme de
choix du conjoint. La naissance d’un enfant peut en être le prolongement recherché (2e
domaine). Sous l’influence des philosophes humanistes et libéraux, on commence à considérer l’enfant comme un sujet digne d’éducation avec des besoins spécifiques à son état. Soucieux de liberté individuelle, d’exercice de son libre arbitre, d’usage de sa raison, l’adulte
consent, timidement, à reconnaître que l’enfant mérite d’être respecté (3e domaine).
Dit autrement, l’amour et le respect se diffusent au sein de la famille qui s’en trouve, pour
partie, resserrée sur elle-même. En son centre se profile un enfant sujet porteur (et porté) d’un
projet éducatif et d’un projet affectif.
«La découverte de l’enfance serait concomitante de la montée du sentiment amoureux qui
fonde le couple» prévient M. SEGALEN. En se repliant sur elle-même, autour de l’enfant, la
6 Nicolas COPERNIC (14731543), astronome, a rompu la
conception géocentrique de
l’univers selon laquelle la Terre
était au centre du système
solaire…
7 L’ENCYCLOPEDIE ou Dictionnaire raisonné des sciences, des
arts, et des métiers est une
œuvre collective (1751-1772)
dirigé par DIDEROT qui témoigne
de ces progrès émancipateurs…
17
18
bl
Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratif
famille s’émancipe ; l’ordre social public et l’ordre privé familial se désimbriquent. La Révolution de 1789 prend acte des transformations en cours, tandis qu’une nouvelle classe sociale,
la bourgeoisie, assure ses conceptions humanistes et libérales et devient dominante. De la
suppression des lettres de cachet à la création d’un mariage et d’un divorce civils en passant
par les propositions de lois scolaires de Condorcet et de projet d’instauration d’une assistance
publique pour les enfants abandonnés ou les enfants mendiants, le programme révolutionnaire atteste des mutations plus favorables à l’enfant tandis que le modèle de la famille bourgeoise avec son projet éducatif et affectif s’installe. L’enfant roi fait ainsi ses premiers pas.
2. La famille au cœur de la question sociale
Dans ce second épisode, l’accent sera mis sur la famille, la place qu’elle occupe et le rôle
qu’elle joue dans une société bouleversée et recomposée par deux révolutions industrielles,
le développement du capitalisme et, tardivement dans le siècle, l’avènement d’un régime
républicain démocratique.
2.1. Des familles aux destins sociaux divergents
8 On lira utilement le chapitre 5,
Une politique sans État, de
Robert CASTEL dans son ouvrage
Les métamorphoses de la question sociale, Fayard, 1995
9 On peut lire à ce propos :
LOCHARD Y, Fortune du pauvre,
parcours et discours romanesques, Presses Universitaires
de Vincennes, 1998.
1 0 On attribue à Pierre
PIERRARD, historien et auteur de
nombreux ouvrages, Histoire du
Nord, Hachette, 1978 ou Gens
du Nord, Arthaud, 1985,
par exemple.
1 1 Sur cette culture : VERRET
M, La culture ouvrière, ACL
éditions, 1988 et SCWARTZ, O,
Le monde privé des ouvriers,
PUF, 1990,…
Deux modèles familiaux coexistent au 19e siècle. L’un est dominant, au pouvoir, il ne va pas
cesser de se renforcer et de s’affirmer comme le modèle de référence, normatif, c’est la famille
bourgeoise. L’autre apparaît comme instable, avatar de l’ancien modèle familial paysan, c’est
celui de la famille ouvrière plongée dans la destinée misérable de la pauvreté et du paupérisme. Cette dernière est au cœur de la question sociale qui hante le 19e siècle8, au point
qu’elle sera perçue par la famille bourgeoise comme un contre-modèle dangereux.
2.1.1. La famille ouvrière paupérisée…
Au fur et à mesure que l’industrialisation s’étend sur un fond d’économie libérale, elle
appelle une main d’œuvre toujours plus nombreuse. Les familles paysannes sont mises à
l’épreuve du nouvel environnement (plus urbain), d’une nouvelle temporalité (organisée
autour de la machine), de nouveaux rapports sociaux extrafamiliaux (rapport de production
et discipline du travail) et intrafamiliaux (salarisation des femmes et des enfants) etc. Un univers nouveau, la condition ouvrière, prend en défaut les anciennes cultures familiales. La littérature réaliste et naturaliste9 abonde de descriptions saisissantes de l’extraordinaire difficulté
de la condition ouvrière durant le «siècle de fer»10. Mais la misère économique n’est que la
partie émergée d’un destin social tout entier dominé par les insécurités : chômage, maladie,
vieillesse, handicap, accident de travail, etc. Autant de risques de «perdre son travail» et/ou
d’en mourir ! La maternité elle-même est une épreuve, un risque physique et économique de
plus qui s’ajoute aux multiples risques qui menace des existences vulnérables ; et c’est pour
faire face tant bien que mal à ces risques que naîtront dans les familles et entre les familles,
puis peu à peu dans la classe entière, une culture d’entraide et de résistance qui sera aussi
celle des luttes sociales11.
Mais si la vie familiale ouvrière est tourmentée par la misère et les risques, elle est aussi facteur de risques pour la bourgeoisie.
2.1.2. Des familles dangereuses…
Pour la bourgeoisie au pouvoir, les familles ouvrières apparaissent menaçantes. À la faveur
d’épisodes révolutionnaires, des progrès médicaux, et du renforcement du modèle familial
bourgeois, les familles ouvrières finissent par devenir des familles dangereuses…En quoi le
sont-elles ?
La parentalité : regards pluriels
≥ Le danger démographique
Si le prolétariat, comme l’a dit K. MARX, constitue «une armée de réserve» pour l’industrie, il
l’est aussi pour les conflits de plus en plus meurtriers qui jalonnent le 19e siècle. À l’usine et sur
les champs de bataille, les ouvriers payent de leur corps et/ou de leur vie le salaire ou la solde
qu’ils perçoivent en échange. À la fabrique puis à l’usine, les femmes et les enfants jusqu’au
milieu du siècle, ne sont pas traités différemment des hommes. Mort, handicaps, maladies
chroniques, malnutrition, surmortalité infantile, baisse de la fécondité, etc. Autant d’incapacités définitives ou momentanées de travailler ou d’aller à la guerre et qui finissent, dans les
pires jours des conflits nationalistes européens (notamment avec l’Allemagne), par créer une
«obsession démographique française» : celle du danger de manquer d’hommes sur les
champs de bataille et dans les ateliers.
≥ Le
danger sanitaire
Lorsque le progrès scientifique, notamment en médecine, rencontre les réalités de la condition ouvrière, les familles apparaissent potentiellement porteuses et propagatrices de maladies infectieuses : syphilis, tuberculose, grippe espagnole etc. Visitant une cave de la rue des
Etaques à Lille, au mi-temps du siècle, le docteur Villermé rend compte : «Je voudrais ne rien
ajouter à ce détail des choses hideuses qui révèlent, au premier coup d’œil, la profonde misère des
malheureux habitants ; mais je dois dire que, dans plusieurs des lits dont je viens de parler, j’ai vu
reposer ensemble des individus des deux sexes et d’âges très différents, la plupart sans chemise et
d’une saleté repoussante. Père, mère, vieillards, enfants, adultes, s’y pressent, s’y entassent. Je m’arrête… le lecteur achèvera le tableau…»12 Foyer infectieux latent, le foyer ouvrier sera la cible
désignée de la conquête hygiéniste : dans le dernier quart du siècle, l’infirmière visiteuse, qui
précéda dans les familles l’assistante sociale, ouvre la voie de l’intervention de l’État.
≥ Le
danger moral
Aux yeux de leurs contemporains, les familles ouvrières ont des mœurs dissolues et
déviantes : concubinage, abandon, prostitution, délinquance, alcoolisme, impécuniosité etc.
C’est tout un imaginaire menaçant l’ordre moral, contraire au modèle familial bourgeois, qui
se développe et effraie. Il suscite un vaste mouvement, sur fond de charité et de philanthropie, de «relèvement moral de la classe ouvrière» que les travailleurs des premiers services
sociaux reprendront à leur compte avec la fin du siècle. Les mœurs familiales et la famille ellemême, dans un registre parfois à peine moins teinté de moralisme, retiendront fortement l’attention des pères fondateurs de la sociologie. Dans le courant du siècle F. LE PLAY, A.
COMTE13, puis E. DURKHEIM, par exemple, s’attacheront à décrire et à analyser la «cellule»
familiale dans l’organisation sociale. Les Églises ne seront pas en reste, et les catholiques
notamment, avec l’encyclique Rerum Novarum (1891), tenteront de peser sur les mœurs familiales et de les réorienter vers des pratiques plus conformes à l’ordre dominant.
≥ Les dangers sociaux et politiques
Les multiples révoltes ouvrières qui précèdent et accompagnent la naissance du mouvement ouvrier finissent par inquiéter. Les socialismes et leurs projets révolutionnaires conquièrent de larges fractions de la classe ouvrière. Porteurs d’une vision antagoniste du rapport
social à la bourgeoisie (la lutte des classes), ils proposent et prédisent sa disparition. Avec la
Commune de Paris, on touche à l’apogée de la menace du renversement de l’ordre économique et social qui dominait le siècle. Cet épisode effraye considérablement la classe dominante. Implacablement réprimé dans le sang, et prolongé par un exil massif, il met un terme
provisoire aux agitations émeutières et révolutionnaires qui ont émaillé le siècle et ouvre
(enfin) une ère de réformes sociales et politiques qui sécuriseront peu à peu le salariat et amélioreront la condition ouvrière. Et ce sera aussi dans les familles et par la famille qu’on
VILLERMÉ L-R ,Tableau de
l’état physique et moral des
ouvriers employés dans les
manufactures de coton, de laine
et de soie (1840) , livre de poche
10/18, 1971. Encore en 1900, la
mortalité infantile est à Lille de
383 pour mille dans la très populeuse rue des Étaques, de 40 pour
mille dans la très bourgeoise rue
Royale !
12
1 3 A.COMTE disait du prolétariat, en une phrase restée célèbre
qu’il «campe au milieu de la
société occidentale sans y être
encore casé».
19
20
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Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratif
espèrera faire barrage à la propagation des utopies socialistes, communistes, féministes,
si dangereuses…
2.2 Premières rencontres familiales en travail social
On ne s’étendra pas sur un
troisième scénario, tout entier
répressif qui frappe les individus
et les familles par l’emprisonnement, la déportation ou l’exécution à chaque convulsion révolutionnaire. Il ne nous intéresse pas
car il ne rejoint pas le contrôle
social et l’aide aux familles qui
fondent le travail social moderne
14
L’expression est d’Henri
MONOD (directeur de l’assistance publique) en 1906, cité par
Colette BEC dans son livre Assistance et République, Ed de l’Atelier, 1994
15
16
BEC C, ibidem.
À ce stade du raisonnement, l’ordre social public et l’ordre privé, en ce qui concerne les
familles dites «dangereuses», paraissent comme nettement séparés, presque radicalement
coupés l’un de l’autre. Au point qu’il faille intervenir pour en contrôler et/ou en atténuer les
effets, pour préserver le système économique et social qui prévaut à l’époque. Deux scénarii
d’intervention sont expérimentés. Ils se succèdent en se chevauchant et l’on va ici les distinguer pour la clarté de l’exposé14.
2.2.1. Le premier scénario fait appel à la charité et à la philanthropie.
Le libéralisme économique et politique dominant, hérité de la Révolution ordonne les fonctions de l’État autour de la défense du territoire et de la propriété privée. Cet État, parfois qualifié de «gendarme» ne peut ni ne doit intervenir dans la sphère économique, et peut intervenir, de manière très limitée, dans la sphère sociale (police et justice). C’est à la charité, qui est
une affaire de volonté individuelle (privée), de conception religieuse, qu’il incombe de combattre la pauvreté et de promouvoir les règles morales des «bonnes» pratiques familiales. À la
charité d’abord, puis, plus loin dans le siècle, à la philanthropie qui, sur des bases philosophiques et scientifiques, adaptera ce projet et l’étendra à la vie sociale et au travail des
ouvriers (dans et hors de l’usine). Ce scénario bute sur ses limites humaines (la volonté individuelle), idéologiques (la pauvreté résulte du système économique lui-même) et matérielles
(même en épargnant, la famille ouvrière ne parvient pas à se prémunir contre les aléas d’une
condition modelée par les risques et les insécurités), et ne parvient pas à endiguer un paupérisme endémique. Il faut attendre le dernier quart de siècle, avec la montée de la dangerosité
ouvrière (culminante avec l’épisode de la Commune de Paris) et le constat partiel de l’échec
des efforts charitables et philanthropiques, pour que s’ébranle véritablement un scénario
alternatif (sans que le précédent ne disparaisse).
2.2.2. Le second scénario fait appel à la puissance publique et aux politiques sociales.
Avec l’avènement de la Troisième République, l’idée de l’intervention de l’État est prudemment admise. Dans la sphère économique, la régulation de la condition salariale (premières
bases d’un futur Code du travail) sous l’arbitrage de l’État atténue la paupérisation. L’assistance publique, «atelier de réparation de l’outillage humain15», vient en aide à ceux qui sont
momentanément ou durablement privés de leur capacité à travailler. L’État intervient dans le
traitement de l’enfance perçue comme «en danger» dans les familles dangereuses. On sort
l’enfant partiellement de sa famille pour l’éduquer et l’instruire dans la morale républicaine
(l’école laïque, gratuite et obligatoire). On entre dans le foyer familial également pour éduquer et aider (infirmière visiteuse et assistante sociale). C’est là, précisément, que s’invente et
s’origine le travail social moderne en relais d’une doctrine, le solidarisme, qui autorise que la
puissance publique intervienne auprès de familles tout autant victimes (des dures réalités
économiques) que coupables et responsables de leurs comportements.
Avec l’achèvement de ce siècle de misère, de frayeur et de fureur révolutionnaire, la rencontre
de l’enfant, des parents (de la famille) et des premiers travailleurs sociaux a eu lieu sous l’égide
de l’État et de la puissance publique. Nos quatre acteurs sont enfin réunis. Un projet a vu le jour :
«Contrôler les familles pour les aider et aider ces familles pour les contrôler» pourrait-on dire. L’assistance publique et les politiques sociales peuvent se déployer, les bornes du travail social
moderne sont posées et, comme le dit C. BEC16, désormais les individus et les familles assistés
seront considérés comme des victimes de l’ordre économique et non comme des coupables…
La parentalité : regards pluriels
Ainsi donc la place de l’enfant dans la famille s’est transformée : il en devient progressivement le centre. La famille s’est repliée sur elle-même en se distinguant de l’ordre public. Plus
privées, plus intimes et plus décisionnelles de leurs modes de vie, certaines familles, ouvrières,
apparaissent dangereuses (réellement ou dans les représentations sociales de l’époque).
Pour préserver l’ordre public de ces dangers, l’État intervient alors et les premiers travailleurs
sociaux y pénètrent en même temps que l’État sort partiellement l’enfant de sa famille pour
prendre en charge son éducation grâce à l’école.
3. L’État et les questions familiales
Le dernier épisode qui court du XXe siècle à notre époque verra proliférer les formes d’intervention de l’État dans la vie des familles. L’intervention de l’État est aujourd’hui massive et
globalement visible, le travail social comme dispositif d’aide et de contrôle, atteint actuellement une ampleur inégalée dans notre société, à la hauteur de l’attention quelle porte à l’enfance et aux familles… Cependant l’affirmation de la puissance publique n’est pas exempte
de contradictions et d’hésitations. Avant de tenter d’en cerner quelques aspects et de
conclure sur quelques enjeux, il nous faut d’abord prendre la mesure des transformations de
la famille et de l’État au fil du siècle.
3.1. L’affirmation de l’État et les transformations familiales
3.1.1. Croissance et crise de l’État Providence
Le XXe siècle voit triompher la conception de l’État interventionniste. Son point culminant
est atteint dans sa seconde moitié avec le déploiement de l’État Providence. Un nouveau
contrat social en quelque sorte scelle la vie démocratique : il dessine pour les individus et les
familles un horizon égalitaire (d’intérêt général) et propose d’échanger de la paix sociale
contre du progrès économique. Le travail et le salariat sont enfin sécurisés grâce à l’assistance
et surtout grâce au système de protection sociale qui garantit aux citoyens et aux familles des
conditions de vie acceptables en minorant les risques (accident, vieillesse, maladie, chômage,
etc.). Parallèlement, la puissance publique accroît considérablement ses interventions
(notamment grâce aux services publics), dans tous les domaines (éducation, santé, logement,
culture, loisir, économie, transport, etc.).
Ce modèle d’intervention est aujourd’hui largement critiqué et remis en question. Son
financement, qui alimentait le travail social et redistribuait des moyens d’existence et de soutien aux familles, est en régression…
3.1.2. La famille en évolution, des familles en difficulté
La famille (en fait les familles) ne cesse de se transformer également. Aujourd’hui la réalité
familiale est foisonnante, complexe. En taille, en structure, en mode de vie et d’organisation,
en modèles éducatifs, il existe une multiplicité de conceptions et d’existences possibles «du
faire et du vivre en famille». Les modèles sociologiques classiques (famille ouvrière, bourgeoise, paysanne) sont plus ou moins dissous dans des reconfigurations mouvantes. La «personnalisation» des liens intrafamiliaux entre les parents et les enfants, renouvelle les manières
de «vivre ensemble17» entre conjoints et en famille. Des crises identitaires18 individuelles ou
collectives apparaissent et déclenchent des recompositions variées et variables. Plusieurs
centaines de milliers de familles connaissent des niveaux de vie précaire, se paupérisent, perdent leur sécurité sous les effets conjugués de «l’horreur économique19» et de l’effritement
croissant de l’État social providentiel.
1 7 Sur ces dynamiques, cf. DE
SINGLY F, Sociologie de la famille
contemporaine, Nathan, 1996 ; et
également Libres ensemble, l’individualisme dans la vie commune, Pocket, 2003
1 8 Crise des identités et dynamiques de la famille en référence
à DUBAR C, La crise des identités,
PUF, 2001
1 9 Le terme est de Viviane
FORRESTER et reprend le titre de
l’un de ses ouvrages, Fayard, 1997
21
22
bl
Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratif
3.2 La puissance publique : des interventions hésitantes et contradictoires
Depuis le début du XXe siècle, la puissance publique hésite et se contredit dans son affirmation. Actuellement ce phénomène ne fait que s’amplifier à la faveur de la montée des exclusions et de la critique de l’État providence. En voici quelques aspects.
3.2.1. Entre le laisser faire et le contrôle
Alors qu’au début du XXe Siècle le contrôle social des familles osait s’affirmer en tant que tel,
la puissance publique se fait plus hésitante. La reconnaissance et la législation de nouvelles
formes de conjugalité (le PACS par exemple) débouche sur la pleine et entière reconnaissance
de nouvelles formes de famille (promulgation en 2013 de la loi autorisant le mariage aux
couples de même sexe ; l’adoption pour ces couples est possible mais se heurte dans les faits
à des représentations stigmatisantes qui la limite très fortement). La puissance publique n’a
pas entièrement renoncé à édicter une norme familiale mais paraît bien en peine de l’énoncer clairement… laissant parfois aux travailleurs sociaux le soin de définir et de fixer la norme,
ainsi que d’en mesurer les écarts.
3.2.2. Entre la substitution et la responsabilisation
La puissance publique s’est progressivement emparée de bon nombre de fonctions familiales : en se substituant à la famille dans l’entraide intergénérationnelle, dans l’éducation de
la petite enfance, dans l’encadrement de la jeunesse, par exemple. En même temps elle
engage des plaidoyers et des mesures de responsabilisation de la famille : retour sur l’obligation alimentaire, sanction de l’absentéisme scolaire,… Les travailleurs sociaux sont parfois
pris et partie prenante d’injonctions paradoxales adressées aux familles «en difficulté».
3.2.3. Entre influence et indifférence
La puissance publique s’engage visiblement dans des interventions directes de modelage
des familles, en taille et en qualité : création du congé paternité, incitation fiscale au troisième
enfant, … Pour autant elle est étrangement sourde à certains besoins sociaux : timidité dans
le développement des systèmes de garde publique en petite enfance, absence de soutien aux
mères qui, par nécessité économique, retournent à l’emploi. Des milliers de familles dont les
parents sont travailleurs handicapés ne disposent pas de droits identiques aux travailleurs
ordinaires.
Pour reprendre les termes
de l’article 375 du Code civil
2 1 LAMARCHE C, in Ces
familles dites dangereuses…,
BOUAMAMA S et H CHERONNET
H , in L’AEMO au carrefour de ses
valeurs, montrent, en prenant
appui sur des enquêtes de terrain en AEMO, combien la notion
de danger est sujette à interprétation subjective, comment des
processus de stigmatisation discréditent les familles dans leurs
capacités éducatives en installant des grilles de lecture psychologisante, en occultant leurs
difficultés économiques
20
3.2.4. Entre l’aide et la répression
La puissance publique reconnaît les phénomènes de précarisation et de fragilisation qui
affectent les familles rencontrant des difficultés financières et elle tente de les endiguer et/ou
de les atténuer par divers moyens, y compris par des aides directes ou indirectes (allocations,
aides des travailleurs sociaux, etc.). Les familles précarisées sont ainsi reconnues comme les
victimes collectives d’un certain ordre économique. Mais lorsque la précarité est telle qu’elle
sape les conditions concrètes d’existence et d’éducation d’une famille, la causalité économique et son caractère collectif s’effacent, tandis que s’installe le soupçon de la responsabilité
individuelle des parents quant aux «dangers» qui menaceraient l’enfant, sa sécurité, sa moralité , sa santé20… Et bientôt, au sein de familles en grande précarité ou en situation d’exclusion sociale, le retrait des enfants dits «en danger» s’opère comme s’il s’agissait de familles qui
étaient, en elles-mêmes, «dangereuses» et coupables21.
3.3 L’État et les représentations sociales de la famille : un double effritement …
En ces débuts du nouveau millénaire et du nouveau siècle, les évolutions des sphères familiale et étatique semblent davantage encore se brouiller, les contradictions et tensions rele-
La parentalité : regards pluriels
vées précédemment s’exacerbent encore un peu plus. Sous les effets de ce que l’on nomme
hâtivement «les crises», faute de parvenir à en appréhender la redoutable complexité, l’État
et la famille n’en finissent pas de se transformer, de se réformer et paraissent durablement
inscrits dans un processus de décomposition/recomposition. Au point que sur la scène des
interventions familiales les acteurs peinent à trouver des repères.
3.3.1 L’État n’est plus ! Ou plutôt, il est moins !
Ou plutôt, hâtons-nous d’ajouter que la puissance publique est plurielle. En tension entre
une dynamique d’intégration à l’échelle européenne22 et une dynamique décentralisatrice,
les niveaux et les plans de représentativités politiques, de l’élaboration législative et des pouvoirs exécutifs révèlent une profonde hétérogénéité des politiques et des modes d’action. Ne
serait-ce qu’à l’échelle du territoire national (et il en va de même à l’échelle européenne), il est
frappant d’observer combien les interventions socio-éducatives auprès des familles et les
politiques familiales diffèrent, s’articulent ou pas, et revêtent des configurations originales.
Prenons par exemple un Conseil régional qui décidera de faciliter massivement l’accès à
des moyens contraceptifs dans les lycées ; un Conseil général qui «déconventionnera» des
clubs et équipes de prévention spécialisée (intervenant en prévention dite «précoce» en
petite enfance) ; une municipalité qui décrètera la gratuité de l’accès à la cantine scolaire pour
les familles bénéficiaires du RSA ; un pays qui décidera de confier un large pan de son intervention socio-éducative publique à la «société civile» et à la philanthropie. Enfin, l’État luimême mute et se redimensionne23.
3.3.2 L’épuisement des représentations familières
Les représentations classiques de la famille semblent ne plus suffire à rendre compte de
l’infinie diversité des pratiques de la conjugalité, des singularités du tissage des liens inter et
trans-générationnels, des formes toujours renouvelées de la filiation et de l’affiliation, des surprenantes inventions interculturelles. À la fin du XXe siècle, on s’était fait à l’idée des «recompositions familiales» ; en ce début du XXIe siècle, c’est l’idée même de famille qui parait se
décomposer et finalement nous échapper, au point que l’on peine à rendre intelligible le foisonnement des manières d’être, de vivre, de se «tenir ensemble » en famille. Pour certains
démographes et certains économistes, la notion même de «foyer familial» (périmètre résidentiel et fiscal du «ménage» et de la «famille») devient conceptuellement et opérationnellement obsolète. Dans certaines approches thérapeutiques, la «familialité» comme processus
et résultat de la création de liens familiaux étendus, tente de renouveler des approches plus
traditionnelles et jugées trop limitées à la conception «nucléaire» de la famille restreinte.
Pour ne pas conclure…
C’est dire, en définitive, la complexité du contexte des interventions socio-éducatives en
direction des familles ou en matière de parentalité. L’arrière-plan et la scène de ces interventions apparaissent pour le moins incertains, brouillés voire contradictoires. En travail social, de
par son héritage récent, cette problématique est nettement en tension entre une solidarité
collective qui renvoie à l’aide aux familles, et une responsabilisation de chacune des familles
qui renvoie au contrôle de celles-ci. C’est donc entre aide et contrôle, entre solidarité et
responsabilisation que se déploie historiquement l’intervention socio-éducative en
matière de parentalité.
Cependant, cette lecture de l’espace de l’intervention peut être enrichie. On peut en effet
ajouter, on l’a vu, que l’État Providence est encore en décroissance et que la puissance
publique elle-même gagne en hétérogénéité (de l’Europe à la commune) et qu’elle n’est pas
2 2 En cette période de «crise
financière» et de «la gouvernance économique», l’intégration européenne est à la fois
ardemment souhaitée et fortement contestée. Davantage d’Europe devrait pour certains, nous
protéger des crises, tandis que
pour d’autres elle ne ferait que
les aggraver… Il n’empêche que
nos politiques sociales nationales (éducation, famille,
enfance, situations de handicap,
etc..) puisent, s’alimentent, et
parfois ne font que se conformer,
depuis longtemps déjà, aux
orientations politiques de
l’Union européenne. Une réalité
fort mal connue des citoyens, et
des travailleurs sociaux.
2 3 Cf. La Révision Générale
des Politiques Publiques qui
redessine structurellement le
périmètre et les moyens de l’intervention de l’État. Voir également l’effacement de la figure de
l’État éducateur au profit de celle
de l’État sécuritaire que nous
avons questionné dans un article
intitulé, Derrière les violences
urbaines : le travail social à
l’épreuve du sécuritaire, in Visage
de la justice, Dir Rey JF ; l’Harmattan 2010
23
24
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Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratif
si idéalement cohérente et si nettement affirmée, d’une part. Ajouter également, d’autre part,
que la famille, les familles, sont toujours en recomposition et ne cessent de se reconfigurer
en se singularisant dans une infinie diversité de pratiques, de conceptions, de liens, au point
que nos représentations classiques ne parviennent plus à rendre compte correctement de ce
foisonnement.
Dès lors, l’espace de l’intervention socio-éducative et la parentalité, sont non seulement situés et pris en tension entre aide et contrôle, solidarité et responsabilité, mais aussi, ils
sont partie prenante de la question même de ce qu’est, ou devrait être, ou pourrait
être la puissance publique, et de ce qu’est, ou devrait être, ou pourrait être la famille,
dialectiquement.
Ces tensions dévoilées, historiquement héritées et qui s’actualisent, permettaient peut-être
d’appréhender un peu plus sûrement les raisons du succès du néologisme «parentalité», sur
lequel s’ouvrait cet article. Dans un paysage brouillé et innovant, où l’intervention est complexe, où penser la famille fait problème, la parentalité peut apparaitre comme un repère sûr :
elle serait le plus petit dénominateur commun pour comprendre ce qui fait, ce qui fonde, ce
qui «anime» la famille, les familles. La définition suivante de la parentalité, adoptée le 10
novembre 2011 par le Comité national de soutien à la parentalité nous met sur cette voie : «La
parentalité désigne l’ensemble des façons d’être et de vivre le fait d’être parent. C’est un processus
qui conjugue les différentes dimensions de la fonction parentale, matérielle, psychologique,
morale, culturelle, sociale. Elle qualifie le lien entre un adulte et un enfant, quelle que soit la structure familiale dans laquelle il s’inscrit, dans le but d’assurer le soin, le développement et l’éducation de l’enfant. Cette relation adulte/enfant suppose un ensemble de fonctions, de droits et d’obligations (morales, matérielles, juridiques, éducatives, culturelles) exercés dans l’intérêt supérieur de
l’enfant en vertu d’un lien prévu par le droit (autorité parentale). Elle s’inscrit dans l’environnement social et éducatif où vivent la famille et l’enfant».
Le soutien à la parentalité serait alors «logiquement» l’alpha et l’oméga de l’intervention
socio-éducative en direction des familles, pour des professionnels quelque peu perplexes
devant la complexité d’une commande sociale confuse et/ou contradictoire…
Certains préféreraient sans
doute dire «éthiques», d’autres
parleraient plus volontiers
d’impératifs «déontologiques»
pour ce qui nous concerne nous
voulons simplement insister
sur l’idée que ces «principes
d’action» sont en passe
d’intégrer le corpus des
valeurs de référence explicite
du travail social
24
Chauvière M, Trop de
gestion tue le social. Essai sur
une discrète chalandisation,
La Découverte, 2007
25
Cette même commande fait aujourd’hui de la «participation» et de la «médiation» des
impératifs axiologiques24, réglementaires et techniques de l’intervention socio-éducative en
permettant d’associer davantage les «usagers» à la définition de leur destin social et à la
construction de leur identité.
Face à l’extraordinaire complexité de la problématique du lien familial, des liens familiaux
emmêlés et de leurs démêlés avec les travailleurs sociaux, les impératifs de participation et de
médiation peuvent être questionnés en ligne de mire de la parentalité. Avec la médiation et
la participation, il s’agit bien, encore une fois, de parler du lien et d’intervenir sur, dans, autour
des liens intra et extrafamiliaux… Médiation entre l’espace public et l’espace privé, entre
«commande sociale» et «projet familial autonome», médiation entre les institutions de l’intervention socio-éducative et l’institution familiale, etc. Participation à l’opérationnalisation des
politiques sociales, à la gouvernance des opérateurs de l’intervention, à la définition du projet d’intervention, à l’évolution de la qualité du service, au financement de la prestation, etc.
Médiation et participation : véritable flux démocratique et reflux technocratique, et/ou
«cache misère» du délabrement et de la discrète chalandisation du travail social25 ? La question mérite d’être posée mais les praticiens de l’accompagnement à la parentalité se sont
déjà emparés des principes, des notions et des outils.
La parentalité : regards pluriels
L’étude récente qu’a conduite Bertrand COPPIN à l’occasion de la réédition de cet ouvrage,
confirme bien que les notions de parentalité, médiation et participation se font écho et s’articulent déjà en pratique ; elle engage à une analyse pertinente des besoins de formation en la
matière.
Finalement, en parlant de parentalité, l’intervention socio-éducative, médiatrice et participative, fait bien plus que s’interroger sur des enjeux de pratique professionnelle. Elle interroge ce qui fait société et, avec ses moyens, ses institutions, ses ressources et ses contraintes,
elle tente d’ouvrir et d’explorer un espace dans lequel les familles auraient «droit de cité».
Puissent celles qui sont stigmatisées, maltraitées, exclues, y puiser un réel soutien et y faire
valoir leurs propres intérêts …
Par Éric MARTEAU
Éducateur spécialisé, formateur praticien,
Chercheur en travail social, Directeur du site EESTS de Lille
25
26
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Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratif
Les travailleurs sociaux
face aux familles
d’origine étrangère
Introduction
Le XXe siècle a été sans conteste celui des déplacements de masse, des brassages de populations, le siècle où la terre est devenue «une planète nomade».
1 JOVELIN E., (éd.), Le travail
social face à l’interculturalité.
Comprendre la différence dans
les pratiques d’accompagnement, Ed. L’Harmattan, 2002
Les nouvelles migrations et leur ampleur posent la question de la multiculturalité de notre
société qui apparemment n’y était pas préparée. Mettre de côté l’héritage assimilationniste,
pour des raisons historiques n’est pas chose aisée, même pour les travailleurs sociaux, et pose
inévitablement des problèmes. Les turbulences migratoires montrent que cette société est
contrainte de s’ouvrir à l’altérité. Mais qu’en est-il réellement ? Depuis quelques années, les
questions d’identité et de diversité placent le travail social devant un défi auquel il n’était pas
confronté : l’extranéité1. Ce défi ne peut que nous inciter à repenser les pratiques professionnelles, comme le montrent tous les jours les questions interculturelles soulevées dans
l’accompagnement des familles d’origine étrangère. L’objet de cet article est d’aborder
l’évolution des familles maghrébines et africaines, au regard des processus d’accompagnement social.
1. La famille maghrébine
BOUAMAMA S, SADSAOUD H.,
Familles maghrébines de France,
Ed. Desclee de Brouwer, 1996
2
Les sociétés maghrébines2 pensent et décrivent les rapports familiaux par le biais d’un
vocabulaire de l’habitat. Contrairement aux familles occidentales contemporaines, la cellule
première n’est ni l’individu ni la famille nucléaire. La plus petite cellule est désignée sous le
nom de «el ayla» ou «el akham» en relation avec la maison équivalent de la grande famille,
c’est-à-dire la famille élargie. Ici, nous n’avons pas affaire à une seule famille (famille nucléaire)
mais à une communauté familiale.
À partir de la cellule première qu’est la maison s’organisent les autres niveaux de la vie sociale,
à l’intérieur d’un système articulé sur la dimension communautaire. La famille est de type
patriarcal : le père ou son substitut (le fils aîné) est le chef spirituel et le gestionnaire du groupe
familial. En ce qui concerne les mariages, il est endogamique, c’est-à-dire que les mariages sont
contractés entre cousins consanguins. Le privilège est accordé aux unions entre les enfants de
deux frères. C’était un moyen de préserver le groupe contre les déviances extérieures.
Pour penser la place de chacun, il y a trois éléments préalables : priorité au collectif, rôle du
dedans et du dehors et enfin structure patrilinéaire et endogamique. De là, nous verrons plus
loin ce qui se maintient en terre d’immigration. Cette place doit être pensée selon la tradition,
considérée comme un régulateur social. Une tradition fondée sur des pratiques et des comportements basés sur des valeurs, règles et préceptes que diffuse la religion islamique. La tradition présente pour rappeler à la communauté «toutes les prescriptions de vérité, toutes les
valeurs, toutes les normes de conduites révélées par Dieu et enseignées par le prophète, il ne
La parentalité : regards pluriels
peut rien s’y ajouter d’extérieur. Toute pratique, toute pensée nouvelle non sanctionnée par la
tradition, doit être rejetée sous le nom d’innovation» : Bid’a3. La place et le rôle de chacun,
renvoient à la division de l’espace, c’est-à-dire qu’il y a l’espace de la femme et celui de
l’homme. L’un est fermé et l’autre est ouvert sur l’extérieur. La distinction entre ces espaces
traduit la différence des rôles, des statuts et des tâches. Si l’espace de la femme s’étend à celui
de la maison, clos et protégé, celui de l’homme, par opposition, s’étend aux lieux de réunion,
d’assemblée et est sans limite.
Le système est basé sur un contrôle social au centre duquel se trouve la femme. Ainsi la sortie de son propre espace est possible mais pour cela, il faut qu’il y ait une raison valable sinon
cela entraînerait la réprobation sociale, allant à l’encontre de l’ordre social et du sacré. Mais
avec la transformation des structures sociales, cela n’est plus vécu de la même manière.
Les familles maghrébines vivent une confrontation entre deux cultures, deux conceptions
de la famille et de sa structure. Toute l’organisation de la société d’enracinement rappelle en
permanence la différence avec la société d’origine. Cette différence se retrouve dans l’habillement, dans l’habitat, dans les relations entre hommes et femmes, dans les rapports entre les
individus au sein de la famille, dans l’éducation des enfants. Cette dimension de rupture s’est
accentuée avec la fermeture des frontières en 1974, qui a entraîné un non-retour possible des
familles.
Le poids du passé pousse les hommes et les femmes à se tourner vers des valeurs familiales
traditionnelles alors que les conditions de vie en France et les aspirations à une meilleure vie
les incitent à adopter les valeurs du pays d’accueil. L’une des manières de gérer la rupture est
de ne pas choisir. L’ambivalence est à l’intérieur de chaque individu. C’est la tentation de
reproduction du système traditionnel dans certains aspects de leur vie et, dans le même
temps, la tentation d’adopter les normes de la société d’accueil.
Le processus d’enracinement est complexe. On ne peut le restreindre simplement au phénomène d’assimilation et de repli. Des systèmes bi-référentiels se construisent, des équilibres
novateurs sont trouvés. Il n’y a pas de choix fait entre l’assimilation pure et le retour au système traditionnel. Les nouveaux équilibres trouvés font de ces familles une réalité nouvelle et
spécifique (on réinterprète les valeurs traditionnelles pour les adapter ici). Nous avons vu
apparaître de nouveaux équilibres identitaires. Ainsi, les nouvelles formes familiales qui émergent, ne sont pas les familles de la Tunisie, de l’Algérie, voire du Maroc mais ce sont des
«familles maghrébines de France».
Le plus grand changement tourne autour de la fonction paternelle. La légitimité absolue du
père diminue dans l’immigration. L’autorité du père est remise en question par différents facteurs : la migration elle-même, qui entraîne un éclatement du groupe communautaire et l’activité professionnelle souvent peu valorisante pour les pères, lorsque ces derniers ne se
retrouvent pas au chômage.
Le mutisme des pères est empreint de souffrances. Les enfants sont quelquefois dans un
rapport ambigu avec le père. Ils ne supportent pas l’autorité qu’ils jugent illégitime. Chacun
essaye de faire ses choix et de construire sa vie. Les rapports avec le père sont peu clairs, puisqu’en apparence on est obéissant, on respecte le père. Cependant le comportement est autre
à l’extérieur.
Les mères de famille s’ouvrent également à l’extérieur et sont dotées d’une maîtrise de la
société civile. Elles sont de plus en plus autonomes et le lien de dépendance à l’égard de leur
3 BOUAMAMA S, SADSAOUD H,
1996, op. cit.
27
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Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratif
mari diminue. Elles maîtrisent le «dedans et le dehors». Ce sont des femmes qui s’émancipent
et certaines d’entre elles portent sur les épaules toutes les difficultés de la famille. Elles ont
aussi beaucoup de complicité avec leurs enfants. Quelquefois elles cachent, d’ailleurs, beaucoup de choses aux maris. La mère est la personne de tous les investissements affectifs et elle
ne renonce pas à marier ses fils avec celles qu’elle a choisies pour eux.
Cette liberté des femmes entraîne aussi une attitude indépendante des filles : autorisation de
sortir, plus grande tolérance à l’échec scolaire, aux mariages mixtes, aux écarts de comportements.
En ce qui concerne les jeunes d’origine immigrée en général, les tentatives d’identification
à la jeunesse française qu’ils côtoient et aux parents qui reflètent la culture d’origine étrangère sont parfois contradictoires. Certains réagissent par des comportements d’auto-négation de leur culture d’origine, en adoptant des conduites d’assimilation. Pour d’autres, il s’agit
d’une attitude de «survalorisation» qui se traduit par un repli identitaire et communautaire. Ils
revendiquent haut et fort leurs origines, leur langue. Ils rejettent le modèle occidental et sont
en quête de leur histoire. Il s’agit souvent de jeunes ayant vécu l’expérience du racisme.
Les populations maghrébines de France questionnent à travers leur mode de vie différent
car les formes familiales ne sont pas comparables à celles de la culture d’origine ni à celles de
l’Occident. Ces familles constituent un défi pour la société française : celui de s’adapter à
l’autre en brisant la barrière de la différence culturelle. Il est difficile de résumer la famille
maghrébine en quelques mots comme nous venons de le faire. L’objet de cet article est de
donner quelques éléments de compréhension d’un système familial complexe. En effet, la
rencontre entre les professionnels du social et les familles maghrébines pourrait être ambiguë si l’on gomme cet aspect de la culture, puisque les représentations sociales et les motivations de chacun sont différentes. C’est pour cela qu’il faut tenir compte de l’origine de la personne sans toutefois l’enfermer dans un carcan culturel.
2. La famille africaine
4 ERNY. P, Les premiers pas dans
la vie de l’enfant d’Afrique noire.
Naissance et première enfance.
Ed. L’harmattan, 1998
Parler de la famille ou de la culture africaine est une gageure car le continent africain est d’une
grande complexité. Si en Afrique, il n’y a pas une culture mais des cultures, c’est qu’il n’y a pas un
modèle familial mais des modèles familiaux4 qui se différencient d’un pays à un autre, d’une
tribu à une autre, d’une ethnie à une autre…
Si on prend l’exemple d’un enfant qui vient de naître, chez les Bambara du Mali, l’enfant est
baigné et on lui fait ensuite boire l’eau de son bain avant tout aliment. Ce rite permettrait au
bébé de prendre conscience de son individualité en tant que futur être humain. Dans d’autres
tribus, on allume un feu en face de la hutte de réclusion où se trouvent la mère et l’enfant.
Chez les Bakongo, on entoure l’enfant de lianes afin d’affermir ses membres et, quelquefois,
on essaye de produire de la fumée pour faire pleurer l’enfant et le préserver du mauvais
esprit. Au Rwanda, la sage femme lui met l’index dans la bouche, la nettoie et manipule la
langue afin d’éviter à l’enfant d’avoir la parole trop lente ou de devenir muet. Après on lui
souffle dans les oreilles afin d’éviter la surdité. Toutes ces pratiques étranges montrent effectivement qu’en Afrique, il y a plusieurs cultures qui, certes se complètent dans certaines circonstances, mais dont il convient de tenir compte lorsqu’on parle de la famille africaine. La
question étant : que peut faire le travailleur social face à ces modes de vie ?
Dans le respect de cette conception, nous pensons que la manière de croire à ces «objets
sacrés» apporte des réponses à la vie et qu’il est important que cela soit pris en compte dans
La parentalité : regards pluriels
le processus d’accompagnement social des populations africaines. Il ne s’agit pas de rechercher l’essence des comportements, notamment des rites, du sacré, de la religion mais de comprendre comme l’a dit M. Weber, la façon dont la relation des individus au divin affecte leur
action sociale. En terre d’immigration, il y a beaucoup de familles africaines qui ont encore
recours à des pratiques traditionnelles en matière de soins. Que faire lorsqu’on accompagne
ces familles ? Où se situer en tant que professionnel du social ?
2.1. La famille africaine traditionnelle et d’aujourd’hui
En Afrique, il existe une manière particulière de désigner les parents. L’usage fait appel à
une nomenclature classificatoire et non descriptive. On n’est pas forcément parent avec son
père ou sa mère. Un individu peut être le parent d’un autre, c’est-à-dire le père ou la mère
d’autres enfants sans les avoir mis au monde. En fait, la parenté ne se réfère pas principalement à un phénomène biologique mais social ; elle engage la descendance, la filiation. Or la
famille engage l’alliance, le mariage. La famille conjugale monogame, appelée nucléaire, ne
constitue pas un modèle d’organisation universel. L’individu se trouve pris dans un réseau de
dépendances à l’égard de son lignage. La parenté est le fondement de l’organisation, la descendance se fait dans la lignée matrilinéaire ou patrilinéaire voire bilatérale. La famille est de
ce fait «une entité sociale plus qu’un fait biologique», le rassemblement d’un groupe de
dépendants autour d’un chef. À partir de ce schéma, chaque groupe humain interprète à sa
façon les données biologiques de base privilégiant tantôt la filiation maternelle, tantôt la filiation paternelle (comme les Peuls, les Soninkés, les Bambara), tantôt la filiation bilatérale qui
combine les deux avec une prédominance utérine (comme chez les Bakongo du Congo Kinshasa ou du Congo Brazzaville), tantôt une prédominance masculine (comme les Diolas, les
Manjak, les Sérères qui viennent des zones côtières du Sénégal, de la Gambie ou de Guinée
Bissau ou les Wolofs)5.
Pour ce qui est de la place de la femme, le groupe social a découvert très vite que la fille est
une richesse. À l’époque on savait que la force du clan était liée au nombre et à la fécondité
des filles. La femme répond à quatre critères : la puberté, l’initiation, le mariage et la maternité6. La femme n’est femme que dès qu’elle devient pubère, elle accède à l’initiation et au
mariage. Elle devient véritablement une femme avec la maternité. Dans la tradition africaine,
elle est une richesse sociale parce qu’elle est féconde, source de connaissances, et qu’elle
représente les traits d’union entre les familles.
Elle a aussi un rôle d’agent de production puisque, dans plusieurs sociétés, elle a des
champs, fait du commerce, élève des moutons, des chèvres, et participe activement à la vie
domestique. L’une des grandes fonctions dévolues à cette femme est l’éducation des enfants.
Même si on parle de la sexualité des rôles parentaux, le temps que la mère consacre aux
enfants n’a rien à voir avec celui du père qui n’est en réalité que l’assistant de la mère. C’est la
raison pour laquelle on attribue à la femme cette fonction de la gestion de la politique intérieure. Aux femmes sont attribués comme valeurs la solidarité et le soutien dans les moments
difficiles.
Le père est considéré comme le patriarche et le Dieu sur terre à qui on doit obéissance et respect. Il appartient également à l’homme de pourvoir aux besoins de toute la famille. La vie sociale
est globalement réglée autour de l’homme. Les valeurs attribuées à l’homme sont significatives :
l’honneur, le prestige et le courage. Enfin dans le contexte africain, on a tendance à dire que «les
pantalons exécutent le jour, ce que les pagnes ont décidé la nuit, faisant, de ce fait, de la femme une
subordonnée insubordonnée». D’ailleurs l’immigration place hommes et femmes en position où
les rapports reposent sur un socle d’égalité imposé par les conditions de vie. Le rôle de la femme
s’intensifie de plus en plus, en France comme en Afrique.
5 POIRET. C., Familles
africaines en France, CIEMI,
L’harmattan, 1996, p. 34.
6 MEMEL-FOTE Harris, Les
sciences humaines et la notion
de civilisation de la femme, in la
civilisation de la femme dans la
tradition africaine, société africaine et culture, colloque d’Abidjan, 3-8 juillet, 1972, Ed. Présence
Africaine, 1975, p. 152
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30
bl
Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratif
MUANZA. K., Les modèles
éducatifs et la transmission symbolique dans les familles africaines, conférence FAS, 2000,
Paris
7
En ce qui concerne l’éducation des enfants, elle se fait dans deux espaces en étroite relation7 : d’une part l’intérieur et d’autre part l’extérieur. À l’intérieur de la maison, il y a d’abord
l’éducation maternelle dispensée essentiellement par la mère jusqu’à peu près six, voire sept
ans. Cette socialisation est faite grâce à trois techniques fondamentales : le maternage, le massage et l’allaitement. Il y a ensuite, un deuxième type d’éducation, qui intervient vers six/sept
ans avec la sexualisation des rôles parentaux où l’enfant qui avait tous les droits a des devoirs
en fonction de son sexe. Les deux parents deviennent les éducateurs principaux des enfants
en fonction du sexe de chacun, le père pour le garçon et la mère pour la fille.
À l’extérieur de la maison, les enfants sont sous la surveillance des adultes, en interaction
avec les parents, puisque ce qui est dit à l’intérieur est ce qui est dit à l’extérieur. L’adulte a
l’obligation d’intervenir voire de corriger l’enfant en cas de déviance même s’il n’y a aucun
lien de parenté.
Arrivé à un certain âge, notamment vers six ans, l’enfant est l’éducateur de l’enfant à travers
les différents jeux. Cette éducation à l’écart des adultes, suivie de loin par les aînés et qui se
pratique dans la rue, sur la place du village ou du quartier, que l’auteur appelle «l’éducation
de/par/dans la rue», déroute assez souvent les Occidentaux qui ne comprennent pas que l’enfant puisse jouer dans la rue sans la surveillance des parents. En Afrique, il y a un transfert de
responsabilités éducatives favorisé par la parenté sociale. L’enfant se trouvant dans la rue
n’est pas en danger puisqu’il y a un contrôle social efficace de la part des parents sociaux, qui
ne sont pas les parents biologiques. Ces parents peuvent sanctionner un enfant s’il commettait un écart.
2.2. Le changement en terre d’immigration
En terre d’immigration, la famille africaine est confrontée à des difficultés d’adaptation
dans une culture qui n’est pas la sienne mais pourtant, et souvent, qui est celle des enfants. La
première confrontation est celle de la famille élargie qui se réduit au cercle familial nucléaire
complété par des amis ou des copains, eux-mêmes en transition par rapport à leur propre culture. Cette absence de réseau communautaire représente un handicap dans le processus
d’immigration.
8 RABAIN. J., WORNHAM.
W., Transformations de
conduites de maternage et des
pratiques de soin chez les
femmes migrantes originaires de
l’Afrique de l’Ouest, Psychiatrie
enfant, 1990, n°33, pp. 287-319.
L’enquête effectuée par ces deux
auteurs auprès de 26 mères
migrantes venant d’Afrique de
l’Ouest, vivant en France, montre
parfaitement la contradiction de
ces femmes dans la transmission
des connaissances à leurs
enfants.
La première personne à subir les contrecoups de l’immigration est la femme. Des études
anthropologiques ont montré que la grossesse, par exemple, est mal vécue. Cet événement
valorisé, porté par le groupe tout entier, qui introduit les femmes dans le monde de la respectabilité, devient en terre d’immigration «un problème personnel» qui n’est pas facile à supporter. L’enfant arrive au monde dans les mêmes conditions d’angoisse que certaines mères
qui ne sont pas en capacité de maîtriser les techniques traditionnelles de maternage, pourtant réclamées parfois par le mari. En face, nous avons des femmes qui se trouvent dans des
situations transculturelles délicates où on leur demande d’intérioriser les valeurs de la société
d’accueil, tout en éduquant leurs enfants sur des bases traditionnelles8. Cela a parfois des
conséquences dramatiques pour la famille et essentiellement pour les enfants.
En terre d’immigration, il y a une confrontation culturelle indéniable pour les parents,
même dans l’éducation de leurs enfants. Nous remarquons souvent que la toute puissance du
père diminue. Les enfants ont tendance à contester cette autorité. Les relations de crainte et
d’obéissance passive entre les enfants et les parents disparaissent puisqu’en Occident l’objet
de socialisation qu’est l’école ainsi que les groupes de pairs apprennent à l’enfant à réagir
selon sa sensibilité et sa personnalité. De nouvelles valeurs perturbant l’équilibre familial sont
importées dans la cellule familiale par les enfants. Les parents désemparés se posent souvent
La parentalité : regards pluriels
des questions sur leur mode de socialisation. Ces pères biologiques qui n’exercent pas souvent de responsabilités paternelles au niveau social dans leur pays d’origine doivent
apprendre à «faire de l’enfant un partenaire social».
Il est, à notre sens, du devoir des travailleurs sociaux de réfléchir à cette problématique, afin
de ne pas stigmatiser les parents souvent accusés d’être démissionnaires et de les aider au
mieux à comprendre le système éducatif occidental sans omettre leur culture d’origine.
Comme le souligne Kabangu Muanza9 de l’Afrique Conseil, en premier lieu, il est important
que les parents transmettent ce qu’ils maîtrisent le mieux et, de surcroît, ce qui est compatible
avec les lois de la République. Il est toujours difficile de donner aux enfants ce qu’on n’a pas
soi-même acquis. C’est ce qu’il appelle le «principe d’authenticité ». En deuxième lieu, il
conviendrait de conseiller aux parents de transmettre, non seulement ce qu’ils maîtrisent le
mieux, mais ce qui sera nécessaire aux enfants en terre d’immigration, sans omettre le mythe
du retour. C’est ce qu’il appelle «le principe de maximisation des avantages».
9 MUANZA,K, Les modèles éducatifs et la transmission symbolique dans les familles africaines,
conférence FAS, 2000, Paris
3. Quel accompagnement social :
De l’interculturalité à la reconnaissance.
Pour qu’il y ait un accompagnement social s’inscrivant dans une démarche éthique, il faut
éviter les comportements qu’on rencontre parfois chez certains travailleurs sociaux : l’ethnocentrisme, le stéréotype, les préjugés, la discrimination et le racisme.
J.R LADMIRAL et E.M LIPIANSKY10 nous apprennent que la bonne volonté et la tolérance
ne suffisent pas pour que s’instaure une véritable ouverture à l’altérité. Il faut une prise de
conscience de l’ethnocentrisme intrinsèque de son propre regard sur l’autre en reconnaissant l’étranger comme semblable et comme différent. Ce trajet permettrait de relativiser son
propre système de valeurs. C’est un mouvement de décentration par rapport à la position
égocentrique que constituent les trois attitudes (ethnocentrisme, préjugés, stéréotypes) face
à l’altérité11. Les auteurs poursuivent que : «cette décentration suppose la prise de conscience
de soi-même, on ne parvient jamais à connaître les autres ; que connaître l’autre et soi est une
seule et même chose».
Enfin, la reconnaissance de l’altérité est une manière de prendre conscience que «nous
sommes tous des métis culturels» et que la différence, au lieu d’être un obstacle à la communication, est vraiment un stimulant et un enrichissement mutuel. Par reconnaissance, il faut
entendre que le sujet a besoin des autres pour devenir autonome : «la conscience de soi n’est
pas un point de départ, mais le résultat d’une série de transactions symboliques et sociales»12.
Chacun attend d’être confirmé dans sa valeur propre mais cela ne se fait que par des gestes
expressifs des uns envers les autres. Cela montre que l’identité d’un individu est acquise dans
une socialisation et non donnée dans une nature : «ce que je suis n’est séparable, ni de ce que je
fais, ni de l’image que les autres me renvoient de mon action» (ibid.). Dans le processus de reconnaissance, le sujet a besoin des autres pour agir mais aussi pour se faire une représentation de
lui-même. Certains immigrés ont l’impression d’être des invisibles aux yeux de la majorité. Or
l’homme ne peut se saisir qu’en reconnaissant l’autre comme son égal.
Ainsi, pour Axel HONNETH, la formation de l’identité de la personne est tributaire de relations de reconnaissance. La réalisation de soi comme personne individuée dépend de l’établissement de la reconnaissance mutuelle au sein des trois sphères normatives distinctes : «de
l’amour, du droit et de la solidarité». C’est à partir du moment où les personnes sont reconnues
comme porteuses de besoins affectifs, et comme sujets égaux qu’elles peuvent s’autoréaliser.
1 0 LADMIRAL, J.R, LIPIANSKY,
M.E, La communication interculturelle, Armand Colin, 1989
1 1 JOVELIN E., Vivre la discrimination, vivre la différence, in
Boucher M., Discriminations et
ethnicisations. Combattre le
racisme en Europe, Paris, De
l’Aube, 2005
12
FOESSEL, 2008, p. 67
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Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratif
HONNETH A., La Lutte pour
la reconnaissance, Le Cerf, 2002,
et La société du mépris. Vers une
nouvelle théorie critique, La
Découverte, 2007
1 4 RENAULT E., L’expérience
de l’injustice. Reconnaissance et
clinique de l’injustice, La Découverte, 2004 et Reconnaissance,
institutions, injustice, in De la
reconnaissance. Don, identité et
estime de soi, MAUSS n°23, 2004
1 5 BUTLER J., Ce qui fait une
vie (La Découverte), traduit de
l’anglais par Mirelli J. Essai sur la
violence, la guerre et le deuil,
Zone, 2010
13
LE BLANC G., L’invisibilité
sociale, PUF, 2009
16
PEMBROKE Emmanuelle
de, Petits malentendus entre
communautés : Japonais et Américains à Paris in ABDALLAHPRETCEILLE et PORCHER, L. Diagonales de la communication
interculturelle, Ed. Ànthropos,
1999, pp. 68-71. Voir aussi, Claude
CLANET 1993, op. cit. pp. 218-221
17
Celles-ci prennent dans ce cas la forme des trois types distincts de rapports à soi : «La
confiance en soi, le respect et l’estime de soi». Lorsque les personnes sont atteintes dans leur
intégrité physique, sont exclues des droits ou se sentent niées dans leur valeur sociale, toutes
ces atteintes à la reconnaissance entraînent «une expérience du mépris qui affecte négativement le rapport à soi des personnes concernées. On assiste alors à la dissolution de la confiance en
soi en tant que personnes dignes d’affection, à la perte de soi comme membres d’une communauté d’égaux en droits et à la perte de l’estime de soi, comme sujets contribuant par leurs pratiques à la vie commune»13. Ces trois formes de rapport à soi positif (confiance en soi, respect
de soi, estime de soi) appartiennent aux structures de l’identité personnelle14. Ces privations
de reconnaissance amènent des expériences morales négatives car les personnes concernées
se voient refuser «les conditions d’une formation positive de leur identité». Dans plusieurs
situations, vivre ces expériences de mépris conduit ces personnes à mener des combats
visant à restaurer des rapports de reconnaissance.
Mes travaux (E. JOVELIN, 2010) m’ont conduit aussi à m’interroger sur les conditions dans
lesquelles, il devient possible d’appréhender une vie, mais aussi les conditions qui font que
cela devient impossible. Selon Judith BUTLER15 (p. 9), «les sujets sont constitués à travers des
normes dont la réitération produit et déplace les termes dans lesquels ils sont reconnus». La
question étant dans quel sens la vie excède toujours les conditions normatives de ce qui la
rend reconnaissable ?» (Ibid. p. 10). Le concept de «reconnaissabilité» qu’elle développe
dans son dernier ouvrage me semble apporter un autre palier de compréhension dans la
voie de la reconnaissance humaine. Si la reconnaissance est un acte ou une pratique initiée
par au moins deux sujets et qui constitue, si l’on suit Hegel, une action réciproque : «la
reconnaissabilité décrit les conditions générales à partir desquelles la reconnaissance peut se
produire et se produit effectivement».
La reconnaissance caractérise un acte, mais la reconnaissabilité caractérise les conditions
plus générales qui préparent ou forment un sujet pour la reconnaissance. Donc la reconnaissabilité précède la reconnaissance. Ici, selon Butler, il reste à comprendre deux termes, l’appréhension et l’intelligibilité. L’appréhension est une forme de connaissance associée au sens et
à la perception. C’est un mode de connaissance qui n’est pas la reconnaissance. Alors que l’intelligibilité fonde les domaines du connaissable. Tous les actes de reconnaissance n’amènent
pas à la reconnaissance. Le passant qui fait signe aux jeunes SDF n’est pas dans la reconnaissance. Le travailleur social qui discute avec une personne en grande précarité n’est pas dans
la reconnaissance. Pour être reconnaissable, «une vie doit être intelligible comme une vie, elle
doit se conformer à certaines conceptions de ce qu’est la vie» (p. 12). La reconnaissance arrive au
moment où l’individu se «sait» reconnu, par lui-même et par les autres. Comme le souligne
Guillaume Leblanc, «l’homme de la reconnaissance ne peut être l’homme de l’intérieur qu’il
cherche à être que pour autant qu’il est un homme extérieur, confirmé par les autres»16. C’est la
forme que prend cette confirmation qui fait qu’une vie est réellement reconnue.
Ainsi, dans la rencontre interculturelle17, il conviendrait de prendre conscience de cette
question de la reconnaissance de l’autre et du décalage par la découverte de ses propres
fonctionnements. Il est possible de se dire que l’autre n’est pas là pour nous assimiler et nous
transformer à son image. Il s’agit «d’une reconnaissance réciproque de nos systèmes culturels» :
au niveau des valeurs, nous devons nous demander quelles sont les valeurs motivant les choix
grâce à l’échange et à l’explication. Le mieux est d’apprendre à faire exister l’autre à partir de
ses normes et de ses propres valeurs : «C’est par la connaissance ou la reconnaissance de sa
propre culture et par la capacité de l’assumer que passe la possibilité d’ouverture à d’autres cul-
La parentalité : regards pluriels
tures. Il faut bien que je sache qui je suis pour être capable d’accueillir l’autre sans crainte et avec
le moins possible d’ambiguïté».
Au niveau des comportements, il est nécessaire de savoir relever des indices porteurs de
sens afin d’éviter uniquement de prendre en compte ce que nous connaissons et laisser
échapper certains signes qui semblent étrangers. Savoir remettre en cause sa propre interprétation et s’attacher à comprendre d’abord l’intention de l’autre qui est en face de soi, serait
recommandable sans prétention aucune.
La complexité de la culture n’incite pas à devenir «entrepreneur de morale», «donneur de
leçons», «fournisseur de recettes», même si nous n’y avons pas échappé tout au long de cet
écrit. Le chercheur doit être humble dans sa manière d’interpréter le monde, de dire les
choses, d’autant plus qu’il appartient à chaque être de participer à la construction d’un
monde meilleur. Les lunettes de la vie quotidienne donnent à voir tous les jours un spectacle
complexe. Heureusement, l’expérience sociale de chacun d’entre nous offre des réponses
inimaginables à cette complexité du monde. Nous pensons que les formations spécifiques
proposent un cadre sécurisant pour mieux saisir les phénomènes sociaux. Pour ce qui est de
la rencontre des cultures, le choc culturel senti par cet autre en face d’un autre, est une expérience émotionnelle qui peut être canalisée dans le champ du travail social à partir des
diverses formations initiales, parce que cela renvoie à l’expérience personnelle des différentes
rencontres (français d’origine face à une autre famille française d’origine, algérien face à une
autre personne d’origine algérienne, etc.). Il s’agit de la position à partir de laquelle l’interculturalité doit se définir d’abord. L’ouverture à l’altérité ne se fait pas à partir d’une formation de
sociologie de l’immigration, où le sociologue donnerait des recettes miracles, mais à partir du
vécu, de son histoire, de sa propre trajectoire. Ainsi, l’objet de la sociologie n’est pas de dire
«comment faire», mais de «s’efforcer de maintenir l’idée de l’universalité de la connaissance, à la
fois comme projet et comme horizon»18 (SCHNAPPER, JOVELIN).
Le fait que les travailleurs sociaux considèrent que les hommes qui sont en face d’eux ne
sont pas des objets mais des êtres de valeur est déjà en soi une valeur fondamentale et une
reconnaissance de l’altérité. S’ils pensent qu’il n’y a pas plusieurs êtres humains fondamentalement différents et qu’il n’y a qu’un être humain vivant dans la même humanité que soi, c’est
qu’ils reconnaissent qu’il y a une parole au-delà de tout être humain. Ils reconnaissent également qu’il y a une multiplicité de cultures, certes avec des limites, qu’il y a une humanité avec
des différences et qu’il y aura toujours une unité et donc une communication parmi les
humains19.
Par conséquent, une société interculturelle apparaît comme une issue inespérée d’interconnaissance, de reconnaissance réciproque des ensembles culturels différents d’inter
actants pouvant faire que «ces différences soient à l’origine d’une dynamique, de créations nouvelles, d’enrichissements réciproques et non de crispations, de fermetures, d’énergies dilapidées
dans la haine et la destruction20. Une société interculturelle, où l’agir politique est présent, est
celle qui peut amener les sujets à passer d’une société de mépris21, d’une société indécente, à une
société juste et reconnaissante» (AVISHAI MARGALIT, 1999).
1 8 SCHNAPPER. D., La relation
à l’autre. Au cœur de la pensée
sociologique, Ed. Gallimard, 1998,
p.24 et JOVELIN E., (éd.), Le travail social face à l’interculturalité.
Comprendre la différence dans
les pratiques d’accompagnement, Ed. L’Harmattan, 2002.
Voir GOSSELIN. G., Vers une
éthique des sciences sociales, Ed.
L’Harmattan, 1995.
19
2 0 CLANET.C., L’interculturel.
Introduction aux approches
interculturelles en éducation et
sciences humaines, Presses Universitaires du Mirail, 1993, (2 éd.),
p 222.
2 1 HONNETH A., La Lutte pour
la reconnaissance, Le Cerf, 2002.
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Conclusion
Cette réflexion n’épuise évidemment pas le sujet sur les travailleurs sociaux et les familles
d’origine étrangère mais nous a permis de connaître les fonctionnements aussi bien traditionnels que modernes de ces familles. Le constat d’absence des pères d’origine étrangère
dans l’éducation de leurs enfants est fortement marqué auprès des travailleurs sociaux. La fragilité de l’autorité parentale de ces parents ne peut être appréhendée sans un détour par la
culture d’origine de ces personnes qui souffrent en même temps que leurs propres enfants
en évitant le piège du culturalisme. Au lieu de les renforcer dans leurs représentations traditionnelles, en les obligeant par des pratiques «du social aveugle» à adopter des stratégies
identitaires faisant appel au repli, à la rigidification des attitudes autoritaires, voire au renoncement, comprendre que leur comportement exprime un désarroi lié à des différences culturelles du vivre ensemble dans un autre pays, c’est participer à leur intégration. Alors, un seul
mot d’ordre : aidez-les simplement à compléter et à acquérir d’autres compétences nécessaires pour mieux vivre.
Par Emmanuel JOVELIN
Professeur de sociologie (université catholique de Lille)
et Directeur adjoint de l’Institut social de Lille
Directeur du pôle formations supérieures, recherches et coopérations internationales
Membre du Centre Pierre Naville, Université d’Evry Val d’Essonne
La parentalité : regards pluriels
La médiation familiale :
une démarche singulière pour
construire ou reconstruire
de nouveaux liens au moment
d’un conflit dans la famille
1. Un contexte d’émergence
C’est au sein de la société civile que la médiation familiale est née, au début des années 80,
à l’initiative de parents -notamment des pères, au sein d’associations militantes- et de professionnels des champs du social, du thérapeutique et du droit, qui souhaitaient proposer de
nouvelles réponses pour faire face aux conflits récurrents observés dans les divorces et les
séparations.
À cette époque, depuis une vingtaine d’années, le mariage n’est plus le seul modèle
pouvant représenter la famille. Ce qui se vit en son sein nécessite une réflexion autour de :
≥ l’augmentation des divorces, la montée en escalade judiciaire des conflits intrafamiliaux ;
≥ la difficulté pour les personnes concernées de rester maîtres et sujets de leur projet de vie ;
≥ la rupture des relations familiales, particulièrement pour les enfants ne vivant pas auprès
d’un de leurs parents, entraînant un risque important de perdre une voie d’identification,
des repères et des ressources.
Dans le même temps, les rapports entre les hommes et les femmes évoluent sous l’impulsion d’acteurs de la société civile, du politique et d’associations militantes. Le législateur a
ainsi progressivement pris en compte une demande d’égalité et de parité : pour les femmes,
l’accès accru au monde du travail, à des postes à responsabilité professionnelle, politique et
sociale ; pour les hommes, la reconnaissance de leur compétence de parent de plus en plus
impliqué dans le quotidien des enfants.
C’est dans ce contexte que des pères et des mères souhaitent faire face à leur séparation dans
la liberté, la dignité, dans la parité et dans le respect de l’autre, en s’appropriant leur histoire et
leur devenir, leur responsabilité et leurs décisions, même à un moment souvent difficile.
Il s’agit alors de pouvoir favoriser, pour les pères et les mères, lors des séparations, la possibilité de prendre ensemble des décisions dans ce nouveau contexte.
Le terme de «médiation familiale» fut retenu pour la première fois le 10 décembre 1983 à
Bruxelles : lors d’une rencontre, des mouvements européens donnaient naissance à Parents
Forever International. Il fut alors décidé d’une part de valoriser la co-parentalité, l’égalité de
droit des deux parents et la parité ; d’autre part, de proposer la médiation familiale comme
moyen de mise en œuvre de cette co-parentalité.
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Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratif
Ces acteurs ont ainsi mis en valeur des principes qui allaient devenir fondateurs :
la part entre ce qui relève de l’espace public - la séparation se déroule dans un cadre
judiciaire - et ce qui doit rester dans l’espace privé : l’élaboration de la fin de la relation
intime et affective ;
≥ pouvoir organiser dans un espace privé et confidentiel les responsabilités de chacun ;
≥ favoriser un processus négociatoire, juste et équilibré ;
≥ accompagner la recherche de solutions que les parents élaboreraient ensemble et euxmêmes avec le soutien d’un tiers neutre, impartial et indépendant ;
≥ promouvoir un rapport égalitaire pour les hommes et les femmes et une égalité de droit
entre parents vis-à-vis de leurs enfants ;
≥ prendre en compte le besoin fondamental de l’enfant de rester en contact avec ses deux
parents ;
≥ pouvoir examiner concrètement les questions financières et matérielles ;
≥ prendre un temps, mais aussi le limiter, dans un lieu sécurisant et un cadre spécifique.
≥ faire
2. Les étapes de la reconnaissance de la médiation familiale en France
2.1. Le temps des militants
1
2
HAYNES, John
COOGLER, James
3 FISCHER R., URY. W., Comment
réussir une négociation, Paris, Le
Seuil, 1991
À l’origine, la médiation familiale est née Outre-Atlantique. Vers la fin des années 70, aux
États-Unis, un thérapeute familial1 et un avocat2 sont les précurseurs d’une nouvelle conception de réorganisation des liens familiaux qu’ils promeuvent dans les situations de séparation
et de divorce.
Puis, en 1982, deux enseignants d’Harvard, Roger FISHER et William URY, conceptualisent un
modèle de négociation entre les personnes en conflits appelée «Négociation raisonnée»3.
John HAYNES s’expatrie au Canada, où il diffuse ses travaux et forme des médiateurs au Québec. Le premier service public de médiation familiale s’implante au tribunal de Québec en 1981.
En France, l’Association Père Mère Enfant médiation (APME) est créée en 1983, s’appuyant sur
la volonté de participer au maintien des liens familiaux dans les situations de crise et de conflit
dans la famille. C’est la première association qui s’est intéressée à la médiation familiale.
En janvier 1988, l’APME organise un colloque sur la médiation familiale, auquel est invitée
Lorraine FILLION, médiatrice familiale du service public de Québec.
En juin de la même année, Annie BABU, responsable d’un service éducatif en milieu ouvert,
organise un voyage à Québec, auquel participent des professionnels de divers horizons : psychologues, travailleurs sociaux, magistrats, avocats, et également des militants des mouvements de la condition paternelle. Au retour de ce «voyage initiatique», ces précurseurs fondent l’APMF (Association pour la promotion de la médiation familiale).
Dès 1990, ils élaborent le premier Code de déontologie qui pose les principes d’une
éthique nécessaire à la pratique de la médiation familiale.
L’APMF, qui réunit essentiellement des praticiens, a pour objet la promotion de la médiation familiale auprès des pouvoirs publics, du grand public et des médias. Des instances de
réflexion, d’échange et d’élaboration sont créées et les praticiens participent très largement
à la conceptualisation d’une pratique encore très largement méconnue. Cette association est
régulièrement consultée par des instances nationales (ministères, Caisse nationale des alloca-
La parentalité : regards pluriels
tions familiales (CNAF), Commission des lois de l’Assemblée nationale et du Sénat…).
En 1991, lors du Congrès de Caen, se crée le Comité national des associations et services de
médiation familiale (CNASMF) devenu la FENAMEF (Fédération nationale de la médiation
familiale et des espaces familiaux). Cette fédération réunit des associations qui gèrent un service de médiation, dans le but de défendre la qualité de la médiation familiale et de représenter les services auprès des instances nationales de financement.
En 1992, Jocelyne DAHAN insuffle avec l’APMF le mouvement vers la professionnalisation
de cette pratique avec la Charte européenne de formation des médiateurs familiaux. Ces
associations nationales et représentatives - l’APMF et la FENAMEF - vont continuer de militer
pour faire reconnaître une pratique qui se professionnalise tout au long des deux décennies
suivantes. La première, en faisant participer les praticiens, les services et les centres de formation à cette élaboration, la seconde en se préoccupant de l’organisation des services.
2.2. Institutionnalisation et professionnalisation de la médiation familiale,
la consécration par le législateur et le politique du principe de co-parentalité…
C’est dans ce contexte sociétal, politique, et d’actions des associations militantes que la
médiation familiale va être introduite par le législateur dans le Code civil.
≥ La
loi du 8 février 19954 et le décret du 22 juillet 19965 confèrent aux juges la possibilité de
désigner un tiers, le médiateur, dans toute situation où les personnes se trouveraient en conflit.
≥ Le
8 octobre 2001, Ségolène ROYAL, ministre de la Famille, institue le Conseil national
consultatif de la médiation familiale (CNCMF), dont la présidence est confiée à la directrice
générale adjointe6 de l’Union nationale des associations familiales (UNAF). Nommé pour
trois ans, le Conseil est chargé de faire des propositions visant à «favoriser l’organisation de
la médiation familiale et promouvoir son développement».
Les associations militantes participent activement au CNCMF et notamment à sa définition
officielle : «La médiation familiale est un processus de construction ou de reconstruction du lien
familial axé sur l’autonomie et la responsabilité des personnes concernées par des situations de
rupture ou de séparation dans lequel un tiers impartial, indépendant, qualifié et sans pouvoir de
décision, le médiateur familial, favorise, à travers l’organisation d’entretiens confidentiels, leur
communication, la gestion de leur conflit dans le domaine familial entendu dans sa diversité et
dans son évolution».
≥ La loi du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale est venue redéfinir les modalités d’exer-
cice de cette autorité pour chacun des parents, ainsi que leurs droits en cas de séparation.
Cette loi réaffirme également le droit des enfants à pouvoir maintenir un lien avec chacun
de ses parents au-delà de toute rupture ou séparation.
D’une certaine manière, cette loi consacre le principe de co-parentalité et légalise celui de
la résidence alternée. Les accords directs entre parents séparés deviennent le mode privilégié d’organisation de l’exercice de l’autorité parentale, le juge étant invité à homologuer les
conventions écrites entre parents.
Par cette loi, la médiation familiale fait son entrée dans le Code civil en donnant au magistrat la possibilité d’y recourir: «À l’effet de faciliter la recherche par les parents d’un exercice
consensuel de l’autorité parentale, le juge peut leur proposer une mesure de médiation et, après
avoir recueilli leur accord, désigner un médiateur familial pour y procéder. (…) [Il peut même
les] enjoindre à rencontrer un médiateur familial qui les informera sur l’objet et le déroulement
de cette mesure.»
4 Relative à l’organisation des
juridictions et de la procédure
civile, pénale et administrative
5 Relatif à la conciliation et à la
médiation judiciaire
6
Madame Monique SASSIER
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7
Décret du 2 décembre 2003
≥ Un décret7, en 2003, crée le diplôme d’État de médiateur familial (DEMF) : «Il est créé un diplôme
d’état de médiateur familial qui atteste des compétences pour intervenir auprès des personnes en
situation de rupture ou de séparation afin de favoriser la reconstruction de leur lien familial et aider
à la recherche de solutions répondant aux besoins de chacun des membres de la famille.» Une
réforme du DEMF est intervenue le 19 mars 2012, à laquelle ont largement contribué
les associations nationales représentatives des médiateurs familiaux.
≥ Avec la loi du 26 mai 2004 relative au divorce, le juge aux affaires familiales peut : «proposer
aux époux une mesure de médiation et, après avoir recueilli leur accord, désigner un médiateur
familial pour y procéder, [et, comme dans la loi de mars 2002] enjoindre aux époux de rencontrer un médiateur familial qui les informera sur l’objet et le déroulement de la médiation».
≥ La
réforme du 5 mars 2007 relative à la Protection de l’Enfance fait de la prévention un axe
majeur qui vise à éviter ou limiter une mise en danger de l’enfant. À ce titre, l’un des guides
pratiques de cette réforme préconise le recours à la médiation familiale, notamment en cas
de conflits persistants entre parents séparés. Ce guide précise, que la médiation familiale
pourra être ordonnée par le juge aux affaires familiales, voire par le juge des enfants
comme obligation particulière d’une mesure d’assistance éducative en milieu ouvert.
8
Commission GUINCHARD
≥ En juin 2008, une commission8 est missionnée par la garde des Sceaux afin de faire des pro-
positions dans le cadre d’une nouvelle répartition des contentieux. Ce collectif préconise
des mesures reprises par le gouvernement, parmi lesquelles, l’information sur la médiation
familiale préalable à l’audience, et la préconisation d’une obligation de recourir à une tentative de médiation familiale pour les nouvelles actions en justice tendant à faire modifier
les modalités de l’exercice de l’autorité parentale.
≥ En
octobre 2009, le député Jean LEONETTI remet au premier ministre un rapport intitulé
«Intérêt de l’enfant, autorité parentale et droits des tiers». Il vise essentiellement à faire le
point sur la modernisation de la législation portant sur l’autorité parentale et le droit des
tiers – beaux-parents ou tiers qui vivent avec les enfants – afin de promouvoir des solutions
souples, adaptées à la diversité et à la complexité des familles. Il préconise de privilégier et
de renforcer les dispositifs de médiation familiale.
9
Madame Nadine MORANO
≥ En novembre 2010, la secrétaire d’État à la Famille9 installe le Comité national de soutien à
la parentalité (CNSP) ayant pour objectif de mieux coordonner les actions d’aide à la parentalité en rationalisant leur pilotage. Cela concerne la médiation familiale, les Réseaux
d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents (REAAP), les Contrats locaux d’accompagnement à la scolarité (CLAS), les Points d’informations aux familles (PIF) et le parrainage. Ce Comité doit veiller d’une part à ce que tous ces dispositifs s’adressent à l’ensemble
des parents, d’autre part à définir des priorités d’action et à mettre en œuvre une démarche
d’évaluation, de communication et d’information en matière d’accompagnement des
parents. Il est présidé par le ministre chargé de la Famille, secondé par le président de la
Caisse nationale des allocations familiales.
La parentalité : regards pluriels
3. Une démarche singulière : une rencontre authentique
3.1. La déclinaison des principes éthiques
La médiation familiale est un processus singulier en ce qu’elle offre aux personnes en conflit,
un temps et un espace leur permettant une confrontation : pouvoir adresser une parole à cet
autre, parfois devenu étranger, en lieu et place d’un silence, d’un acte qui fait violence.
Le médiateur familial leur permet cette rencontre dans un cadre sécurisant : écoute
mutuelle, respect de la parole de chacun, expression des ressentis, cela dans un espace
neutre, à distance du regard parfois contrôleur des institutions judiciaires ou du social.
La médiation familiale repose sur trois principes éthiques fondateurs : l’éthique de liberté,
l’éthique de responsabilité et l’éthique de la médiation et du médiateur10.
Liberté de s’engager dans un processus de changement, liberté de parole, liberté de choisir les sujets abordés, liberté de construire son propre modèle d’organisation, rencontre avec
les limites de sa propre liberté…
Responsabilité des engagements et des décisions élaborées, responsabilité de sa parole,
responsabilités à partager, à choisir et parfois renoncer…
L’éthique de la médiation, c’est d’abord de ne pas avoir de projet parental, familial pour ces
personnes que nous accueillons. Il arrive parfois que l’impossibilité de la rencontre laisse au
magistrat la responsabilité du jugement et donc de l’organisation de la séparation. Il arrive
aussi que les personnes ne souhaitent pas penser une co-parentalité. Le médiateur familial
permet alors que la parole sur la possibilité de ne plus s’adresser la parole soit possible, la
suite appartient aux personnes.
L’éthique du médiateur, c’est de ne pas avoir d’intention pour les personnes et de les
accueillir dans toutes leurs dimensions de sujet (homme/femme, parent, professionnel,
fils/fille de…). C’est encore accueillir sans jugement et ne pas être dans une position d’expert,
qui sait et qui conseille. C’est donc accueillir le dire des personnes, leurs émotions vécues, parfois non verbalisées, pour accompagner la mise en mots. Le médiateur familial sait qu’il peut
être au contact de ses émotions et de ses résonances, parce que notamment il va travailler
une neutralité en analyse de pratique ou en supervision.
Ainsi, dès 1990, dans le Code de déontologie de l’APMF, les médiateurs familiaux s’engageaient
à s’inscrire dans un travail sur soi. Cet engagement a été repris dans le cadre du financement
public de la médiation familiale. Tous les services conventionnés financent ce travail et tous les
médiateurs familiaux adhérant à l’APMF y souscrivent régulièrement de la même manière.
L’analyse des pratiques est une démarche à laquelle les médiateurs familiaux recourent
non par obligation, mais en conscience, parce que c’est le lieu de la réflexion et de la pensée
pour la singularité de chaque personne rencontrée. Quand nous nous questionnons sur ce
que nous produisons dans l’histoire de ces personnes, nous leur permettons de rester libres
de leurs actes et de leurs décisions.
L’éthique du médiateur familial, c’est encore assurer son indépendance à l’égard des institutions, en posant comme principe la confidentialité des entretiens et la liberté des sujets à
débattre, y compris quand les prescripteurs orientent vers la médiation familiale.
1 0 Pratique éthique de
médiation familiale, édité par
l’APMF, 2003
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3.2. Un espace de transition pour fonder de nouvelles relations…
Le médiateur familial propose un espace de parole au sein duquel les personnes vont pouvoir débattre des conflits qui les opposent. Pour cela, il s’attache à poser un cadre (respect de
la parole adressée, des opinions, équité du temps de parole…) qui va permettre aux personnes d’avancer dans leur processus.
Les couples, autrefois liés par les liens conjugaux, sont désormais liés par l’exercice très souvent conjoint de l’autorité parentale. Il s’agit de leur permettre de «se désunir» pour qu’ils
puissent mutuellement reconnaître et accepter leurs compétences et la représentation qu’ils
ont de leur rôle parental, et donc la singularité de l’autre parent.
Le médiateur, par sa qualité d’écoute, permet à chacun d’exprimer ses ressentis, ses doutes,
ses inquiétudes, ses attentes, ses besoins… Il les reflète de manière à permettre à l’autre de
les entendre et de se positionner. Il n’a pas forcément besoin de comprendre les causes du
conflit, l’origine de la crise. Il soutient les personnes pour qu’elles puissent parler de ce qui les
préoccupe et pour qu’elles élaborent, entre elles, leurs propres solutions.
Le rétablissement d’une communication directe sera l’une des étapes essentielles dans la
reconstruction du lien. Parfois, les personnes s’engagent par des accords qu’elles peuvent
faire homologuer par un juge des affaires familiales.
La médiation familiale n’est pas une thérapie ; il ne s’agit pas de «soigner des dysfonctionnements» mais de favoriser la restauration de la communication en permettant aux personnes de se positionner et de (re)prendre de l’assurance dans cette expression de soi. Les
personnes peuvent alors reprendre le pouvoir sur elles-mêmes.
Par ailleurs, le médiateur, sans pouvoir de décision, n’a pas vocation à conseiller les personnes. Il ne se situe pas dans l’aide à la «parentalité» ou à la conjugalité, il permet aux personnes d’organiser les conséquences du conflit qui les a amenées à se séparer ou à s’opposer.
En médiation, les sujets abordés en séance sont concrets. Ils sont introduits par les personnes. Le médiateur leur permet de les aborder et de les confronter de façon responsable.
Nous ne parlons pas de droit de visite ou de pension alimentaire mais d’organisation ou de
réaménagement des temps d’accueil des enfants, de partage des responsabilités financières,
de négociation des responsabilités parentales…
3.3. La co-parentalité, un effet de la médiation familiale et non un objectif
Le médiateur familial reçoit des personnes dans son espace pour les accompagner un
temps (quelques séances), vers le dénouement de leur conflit. Nous ne parlons pas ici d’une
résolution de conflit (la médiation est parfois nommée ainsi, à tort je pense), mais plutôt de
dénouer ce qui aliène. C’est à partir de ce qui préoccupe les personnes et parfois de ce qui les
dérange, que le processus de la médiation est engagé.
THERY I., Le démariage,
Paris, Odile Jacob, 1996
11
Dans les situations de séparation et de divorce, la très grande majorité des personnes
reçues sont aussi des parents. Se séparer, c’est parfois ne plus être en capacité de faire la part
entre les liens conjugaux et les liens familiaux. Ce qui a longtemps été imbriqué doit se délier
aussi pour que chacun puisse à nouveau suivre son chemin, sans contraindre l’autre ni les
enfants. L’espace de médiation familiale peut alors être le lieu de cette dé-liaison, qu’Irène
THERY a nommée le démariage11.
La parentalité : regards pluriels
Ces hommes et ces femmes viennent alors parler de leur perception respective de leur rôle
et place. Venir la penser ensemble, c’est aussi la possibilité d’élaborer de nouvelles relations et
d’organiser de manière singulière et souvent très créatrice la façon d’être parent de chaque
côté des enfants. Certains parents peuvent fonder de nouveaux liens, d’autres viennent poser
les limites de leur relation à venir. C’est dire que la co-parentalité ne se définit pas non plus
selon un modèle pré-établi, elle est mise à l’œuvre librement, singulièrement, par des processus croisés de dé-liaison et de (re)construction.
Le médiateur familial écoute, reflète et soutient ce mouvement et ces changements en
favorisant le questionnement entre les personnes et les ajustements pour lesquels elles nous
demandent de les accompagner un temps.
Le financement public de la médiation familiale (l’une des propositions du Conseil national
consultatif de la médiation familiale 2001-2003) s’est appuyé sur cet effet : pour la CNAF, la direction générale de la cohésion sociale et le ministère de la justice, la médiation familiale allait pouvoir «favoriser la mise en œuvre de la co-parentalité» et également «favoriser la mise en place
d’accords pouvant être homologués par le juge des affaires familiales».
Les médiateurs familiaux tiennent cependant aux valeurs et au sens qui ont fondé cette
démarche : proposer un espace de parole et d’expression des ressentis libre de tout contrôle
institutionnel, qui nuirait à l’éthique de la médiation.
Dans ce sens, le risque pour les médiateurs familiaux serait de devenir les garants d’une
paix sociale en incitant les gens à être de «bons parents»… Or, les médiateurs familiaux n’ont
pas de projet parental préétabli. Au contraire !
C’est lorsque les personnes, dégagées des enjeux du conflit, retrouvent leur liberté et leur
autonomie, qu’elles parviennent à s’accorder sur les bases d’un nouveau lien : celui de la coresponsabilité. Nous sommes convaincus que la construction de ce nouveau lien procède du
libre-arbitre.
Apprendre à négocier est une expérience fondatrice dans la relation aux autres. Chacun peut
découvrir que la négociation ne repose pas forcément sur la dualité perdant/gagnant. Permettre aux personnes de se positionner et de reconnaître le positionnement de l’autre, c’est les
engager à nouveau vers l’altérité… qui elle-même participe de l’exercice de la démocratie.
La médiation familiale ne se réduit pas à un dispositif de soutien à la parentalité. Que les
attentes institutionnelles et les effets de la médiation familiale convergent, nous pouvons
nous en féliciter. En même temps, les médiateurs familiaux continuent de défendre cet espace
de parole et de liberté comme pouvant toujours être un lieu privilégié du débat de l’intime,
de la responsabilité d’hommes et de femmes qui ne sont pas uniquement des parents mais
encore des sujets humains.
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Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratif
4. Quand les personnes viennent rencontrer le médiateur familial…
Les deux vignettes suivantes représentent des fragments de processus de médiation réalisée. Elles constituent une «illustration» nécessairement synthétique de ce qui se joue dans le
processus défini dans la partie précédente de cet article, à partir de son histoire et de ses principes.
4.1. Pierre, Alexandre et Roger
Pierre m’appelle : il n’a pas revu son père depuis 11 ans. Cette rupture avait fait suite à un
conflit au sein de la famille.
Depuis quelque temps, son fils de 3 ans lui pose des questions sur ce père. Pierre s’attendait
à être confronté à l’absence d’explications avec son père, au moment et depuis leur rupture.
Il explique se sentir démuni pour parler de son père à son fils et surtout craindre d’être un jour
lui-même confronté à un conflit avec son fils, conflit qui entrainerait aussi leur rupture.
Lors de notre première rencontre destinée à écouter ses préoccupations et à l’informer de
ce qu’est la médiation familiale, Pierre dit qu’il se sent mal en tant que père. Il ajoute que ce
malaise l’envahit et que cela l’empêche de vivre son expérience de parent. L’écoute proposée
et la restitution que je lui fais de ce qu’il vit et ressent, l’amènent à envisager une médiation
familiale avec son père.
Je l’accompagne dans une réflexion qui le mobilise sur ce qui motiverait son père à participer à cette médiation et sur les possibilités de l’y inviter.
Pierre se décide à lui écrire quelques lignes pour lui expliquer son intention et pour lui donner mes coordonnées.
Un mois plus tard, Roger me contacte. Il a reçu un courrier de son fils, avec le faire-part de
naissance de son petit-fils dont il connaissait l’existence par la famille élargie. Il m’explique au
téléphone qu’il a été choqué car ce faire-part date de 3 ans, et qu’il ne comprenait pas «cette
farce de mauvais goût». Il veut me rencontrer pour m’expliquer comment son fils lui a parlé la
dernière fois qu’ils se sont vus, «ce qu’il ne vous a sûrement pas expliqué !»…
Cette deuxième rencontre est empreinte de beaucoup d’émotions : Roger est très en colère
depuis des années et très ému par ce faire-part reçu.
La médiation familiale l’intéresse pour «comprendre la rupture mais pas pour pardonner»
car il a beaucoup souffert.
Leur rencontre en médiation familiale s’est organisée à plusieurs niveaux : ils se sont revus,
je les ai aidés à dire à l’autre ce qu’ils avaient vécu et compris. Puis, Roger a dit son désir d’avoir
des relations avec son petit-fils. Pierre l’a entendu. Je les ai aidés à exprimer leurs besoins et
leurs limites.
Ils ont alors défini ensemble les modalités des possibles rencontres entre le grand-père et
le petit-fils. C’est au travers de cette élaboration que leur nouvelle relation s’est dessinée et
que chacun a progressivement trouvé une nouvelle place dans leur lignée.
Je les ai rencontrés durant 6 séances, sur une période qui a duré 5 mois.
La parentalité : regards pluriels
4.2. Simon et Dahlila
Simon me contacte sur le conseil de l’assistante sociale, parce que «son ex» l’a quitté 10
mois plus tôt et que «c’est la guerre à chaque passage des enfants». Il explique que leurs filles
sont régulièrement malades et que le professeur principal de l’ainée l’a convoqué parce
qu’elle se réfugie plusieurs fois par semaine à l’infirmerie du collège. Il me dit également que
«l’autre n’est même pas capable de voir que les filles souffrent du mal qu’elle fait à tout le monde».
Il ajoute que si cela continue ainsi, il écrira au juge des enfants avec le soutien de l’infirmière
scolaire. Lors de notre première rencontre, Simon s’exprime avec beaucoup de colère. Ses propos sont excessifs : Elle a toujours… elle ne fait jamais, c’est à chaque fois… Lui fait tout
pour… Tout le monde lui dit… Le ton, le débit, les mots, la posture montrent sa colère. Nous
en parlons. Puis la tristesse succède à la colère : il a été bafoué dans son amour pour elle.
Prendre le temps d’être avec lui dans cette expression, lui permet d’exprimer ce qu’il vit et
de parler de la manière dont il le vit.
Durant ma rencontre avec Dahlila, j’observe qu’elle est calme, elle parle de ses émotions
avec discernement et clarté. Je le lui renvoie. Elle explique qu’elle savait que leur histoire était
finie bien avant son départ.
Dahlila constate également que leurs filles souffrent. Selon elles, les enfants souffrent des
tensions entre les parents et non de la séparation directement.
Elle est d’accord pour s’engager dans une médiation familiale même si elle n’y croit pas
vraiment, «tant Simon a toujours été impulsif et ne sait pas se remettre en question.».
Lors du premier entretien qui les réunit, les tensions sont visibles et audibles : propos agressifs, interruptions régulières de chacun, reproches mutuels sur leurs compétences parentales
respectives…
Je rappelle le cadre et leur demande de parler en leur nom. Les contraindre à utiliser le JE,
modifie le rythme des échanges : ils réfléchissent avant de parler, ils choisissent leurs mots et
vont jusqu’à sourire de la difficulté de cet exercice, allant même jusqu’à s’aider mutuellement.
Les enfants ont été la porte d’entrée de la médiation familiale : chacun reprochant à l’autre
leurs conditions de vie au domicile de chacun des parents. En les invitant à s’exprimer sur ce
qui les amenait à vivre de telles émotions, je leur ai permis de se décentrer du sujet des
enfants pour parler de leurs ressentis et de leurs besoins, de leur dé-liaison aussi.
Au fil des rencontres, chacun a pu exposer la perception qu’il a de son mode de vie, laissant
la possibilité à l’autre de l’appréhender, de la questionner et de dire ce avec quoi il pouvait
être d’accord ou pas.
C’est ainsi qu’ils ont pu se séparer, c’est à dire ne plus s’obliger mutuellement au modèle de
l’autre, pour réfléchir à ce qui pouvait être différent et commun.
Lors de la dernière séance, Simon et Dahlila ont souhaité revenir sur les modalités concrètes
de leur séparation et formaliser des accords sur l’organisation de la vie des filles avec chacun
d’eux. Je les ai accompagnés dans l’écriture de leur projet d’entente. Ils en sont les dépositaires. Je ne sais pas toujours si les personnes les font homologuer par le juge aux affaires
familiales. Je les ai rencontrés durant 5 séances.
Par Audrey RINGOT
Médiatrice familiale et Présidente de l’Association de
promotion de la médiation familiale (APMF)
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Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratif
Parentalité en
petite enfance :
réflexions sur une expérience
professionnelle et militante
La parentalité est un processus long et lent qui commence bien avant la conception d’un
enfant et se poursuit durant toute la vie des parents. Ce processus est jalonné de moments
forts que certains qualifient de sensibles, comme l’adolescence par exemple. La période de la
petite enfance est, elle aussi, fondamentale dans ce travail de choix de valeurs éducatives et
d’élaboration d’un projet de vie pour nos enfants. Durant les premières années de la vie de
l‘enfant, tout n’est pas joué mais il est vrai que les bases s’ancrent profondément et durablement… Et si ces valeurs et pratiques éducatives relèvent avant tout de l’intime et de l’histoire
de chaque famille, elles résultent également d’un contexte sociétal et se nourrissent de la rencontre avec d’autres.
Dans notre société aujourd’hui, plusieurs paramètres impactent la parentalité :
profusion d’informations, de conseils parfois contradictoires, concernant la «bonne
manière» d’élever son enfant,
≥ l’isolement familial et social qui touche de plus en plus de jeunes couples,
≥ les politiques dites «petite enfance» qui deviennent de plus en plus des enjeux économiques au détriment des enjeux humains et sociétaux,
≥ beaucoup de jeunes parents semblent décontenancés, voire angoissés à l’idée d’assumer
cette tâche.
≥ la
Nous, professionnels de la petite enfance, avons le devoir d’être actifs auprès de ces familles
en devenir. Notre mission est de leur permettre de trouver les informations nécessaires à l’élaboration d’un projet réfléchi. Nous œuvrons pour qu’ils parviennent à se construire une
parentalité assumée et non subie ou sous influence.
Nous proposons ici d’exposer une réalisation originale non seulement dans sa concrétisation mais aussi dans la démarche d’ancrage territorial, institutionnel et politique, qui a initié
et accompagne toujours ce projet, le Centre Petite Enfance «L’Île aux enfants d’Auby». Résultant d’une alchimie complexe, ce projet a vu le jour grâce à la collaboration de différents partenaires de proximité (municipalité, Caisse d’allocations familiales (CAF), Protection maternelle et infantile (PMI), Éducation nationale, associations locales,…), de professionnels qui ont
porté ce projet et de familles qui se sont impliquées pour rendre cette expérience aussi juste
et riche.
Dans un premier temps, nous aborderons les fondements et valeurs qui portent les différents acteurs de ce projet. Ensuite le contexte et l’historique nous permettront d’éclairer l’exposé sur le cœur de notre travail au quotidien sur l’Île aux enfants.
La parentalité : regards pluriels
1. Les valeurs cardinales et le sens de notre travail auprès des familles
Tout d’abord, précisons que ce projet est partie intégrante de celui d’un centre social associatif. Il adhère donc aux valeurs de solidarité, de dignité, d’équité et de respect avec une
attention particulière envers les populations fragilisées. Il représente un réel outil d’éducation
populaire : nous reconnaissons à chacun la volonté et la capacité de progresser et de se développer, à tous les âges de la vie. Nous militons pour une société dans laquelle chacun puisse
trouver sa place, nous sommes convaincus de l’importance d’initier à la citoyenneté et à la vie
en groupe afin de faciliter l’émergence de lien social entre les personnes quelles qu’elles
soient. Nous recherchons systématiquement une démarche participative dans chacune de
nos actions. Il s’agit, pour nous, de s’appuyer sur des principes d’intervention qui se définissent à partir des trois énoncés suivants : initier sans influencer, accompagner sans dévaloriser
et étayer sans juger.
Certaines problématiques sociales et culturelles touchent les familles que nous croisons et
complexifient le processus de parentalisation. Il ne s’agit en aucun cas pour nous d’un
manque de compétences de ces parents. Nous considérons plutôt que cet environnement ne
leur permet pas toujours de mettre en place, développer et interroger ces compétences.
Nous devons être vigilants à accompagner ces familles sans orienter leurs choix, sans présager de leurs compétences et de leurs potentiels de changement. Notre rôle est simplement
de leur donner accès à une information pertinente et de stimuler, si besoin, leur faculté de
penser leurs choix et de poser des actes. Si notre projet a clairement une visée éducative pour
les enfants que nous accueillons, il s’agit également de permettre au parent de se «qualifier»
en tant que tel.
La majorité des structures Petite Enfance ne sont plus, en 2012, de traditionnelles crèches
où la seule finalité est la garde des enfants de manière «aseptisée» pendant le temps de travail de leurs parents. Cette conception de la crèche comme un lieu de garde dans lequel l’enfant est en «dépôt» dans des conditions de sécurité et d’hygiène optimales , en attente de
«reprise» par les parents pour être éduqué dans le giron familial, est largement dépassée . Si
l’hygiène et la sécurité sont évidemment des conditions sine qua none de l’accompagnement
éducatif, ce dernier est aujourd’hui bien plus ambitieux. Dans bon nombre de structures d’accueil, qu’elles soient multi-accueil, relais d’assistantes maternelles, lieux d’accueil de type maison verte, ateliers parents/enfants, ludothèques… les projets déclinent des axes de travail
autour de la parentalité. Ceux-ci sont souvent clairement affichés mais aussi parfois induits
par d’autres objectifs. À Auby, ce travail d’accompagnement est le résultat d’une volonté partagée entre la municipalité et le conseil d’administration du centre social. Sans abandonner le
travail d’accompagnement social des jeunes et des adultes mené jusqu’alors, tous ont choisi
d’agir en amont des problèmes et ont misé sur une prévention précoce adaptée aux besoins
spécifiques de la population aubygeoise.
2. Bien connaître son public pour proposer une solution adaptée à
ses besoins et répondre à ses attentes
Auby est une commune de 7845 habitants proche de Douai, dans le Nord. Elle compte environ 600 enfants de moins de six ans. D’ abord minière puis industrielle, Auby connaît un fort
taux de chômage1 en raison de la fermeture successive de plusieurs sites industriels. 10% de
la population vit avec le Revenu de Solidarité Active (RSA) et près de 12% accède aux soins
grâce à la Couverture Maladie Universelle (CMU). 20% des ménages d’Auby ne possèdent pas
de voiture.
Sa population, socialement et culturellement très variée, est répartie en trois quartiers
1 Près de 25% de la population
locale active ; Auby 2011.
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(centre-ville, Asturies, Bon Air) bien repérés au niveau géographique (canal, voie ferroviaire,…) qui revendiquent une identité propre «Je ne suis pas d’Auby, j’habite les
Asturies !». Pour certains, il est important également de relever un vécu d’immigration (polonaise et maghrébine) plus ou moins récent et plus ou moins problématique (regroupements
familiaux tardifs et freinés par le patronat local qui prônait un retour au pays). D’ailleurs, 7%
de la population est de nationalité étrangère.
Taux supérieur de plus de 2%
par rapport à la moyenne départementale
2
La typologie des familles est elle aussi très hétérogène avec 13.6% de familles monoparentales2 et 20% d’entre elles où la personne de référence est un homme.
Sur le Douaisis, les statistiques de décès de femmes suite à des complications liées à l’alcool
sont 3,2 fois supérieures à la moyenne nationale ; le taux du Syndrome d’alcoolisation fœtale
(S.A.F) est lui de 3.5 fois supérieur à la moyenne nationale.
Des indicateurs témoignant d’un mal-être sont ainsi quotidiennement pointés par les professionnels intervenant sur la ville au regard de plusieurs axes de référence :
≥ le champ sanitaire et social (Protection maternelle et infantile, Centre social, travailleurs
sociaux du département et du Centre communal d’ action sociale, médecins libéraux…) ;
≥ le champ éducatif (Éducation nationale, éducateurs Aide sociale à l’enfance,…) ;
≥ le champ socio-économique (Caisse d’ allocations familiales de Douai, Pôle emploi, …).
Très souvent les familles cumulent différentes problématiques qui s’auto-alimentent parfois : par exemple, des difficultés économiques entrainent une fragilité parentale qui s’enlise
dans un tourbillon de dépenses pour compenser ses manques. Pour bon nombre de parents,
les ressources socio-éducatives mobilisées restent très pauvres (avec pour raison essentielle
leur isolement social et/ou culturel). Ainsi les problématiques diverses que rencontre ce
public se complexifient et s’enchevêtrent en s’opacifiant, tant pour les personnes ellesmêmes que pour les professionnels. Il semble nécessaire d’ajouter, pour nombre d’ entre elles,
une situation que l’on pourrait qualifier d’«handicap familial», c’est-à-dire les séquelles psychiques et affectives laissées en héritage par les générations précédentes.
Sur Auby, on constate également un nombre important de familles «déracinées» qui se
sont installées sur le territoire pour le travail. Certaines d’entre elles souffrent d’un isolement
social et familial, amplifiant les difficultés classiques.
2.1. La petite histoire de l’Île aux enfants
Au début des années 90, suite à une forte décroissance de l’activité économique sur la commune et à une montée de la délinquance chez les jeunes, la municipalité affirme une réelle
volonté de lutter contre cette «fatalité» et lance un diagnostic social sur la ville. Celui-ci sera la
base d’une politique Petite enfance, associée à un travail sur la parentalité.
Parallèlement, une enquête est menée auprès de la population concernant les attentes et
besoins des familles d’enfants de moins de 6 ans : les finalités majeures de cette mobilisation
autour de la petite enfance sont doubles. D’abord travailler avec les familles en amont des
difficultés de parentalité et ensuite poser chez les jeunes enfants les bases d’un développement psychique le plus propice à leur épanouissement présent et futur.
La municipalité voit dans le Centre social P. Picasso, géré par une association loi 1901 composée d’usagers et de partenaires, le porteur adéquat d’un vaste programme d’actions. L’essentiel de leur définition affinée sera déléguée aux professionnels et aux familles. Des opportunités de financements dans le cadre d’un contrat enfance et une volonté affichée de la
La parentalité : regards pluriels
municipalité ont permis la mise en place des premières étapes de cette dynamique : des ateliers parents/enfants en 1998 et l’élaboration, en collaboration avec les parents, d’un projet de
structure multi-accueil. Il s’agissait de répondre conjointement au besoin de garde d’enfants
dont les parents travaillent et à des besoins éducatifs d’éveil et de socialisation en complément du milieu de vie habituel. Cette structure a ouvert ses portes en février 1999. Progressivement, en lien avec l’émergence de nouveaux besoins et opportunités, diverses activités ont
été mises en place. Certaines ont été éphémères tout comme la demande à laquelle elles
répondaient, d’autres perdurent et se développent encore.
Pour remplir ses missions, le Centre petite enfance propose donc aujourd’hui de nombreuses activités : établissement d’accueil de jeunes enfants, relais d’assistantes maternelles,
garderie périscolaire, ludothèque, accueil de loisirs 2/4 ans, jardin d’éveil, lieu d’accueil
parents-enfants, ateliers parents-enfants, groupe de paroles, réseau d’échange de compétences parentales. Ces activités visent non seulement à atteindre les objectifs inhérents à chacune d’ entre elles (moyen de garde, socialisation, éveil et loisirs pour les enfants, écoute, information, dialogue pour les parents) mais aussi à multiplier les portes d’entrée et ainsi être
accessibles à un maximum de familles en nombre et en diversité. Le centre se veut ainsi un
véritable espace ressource pour les jeunes familles. Par une attitude active de collaboration entre
parents et professionnels, nous recherchons un travail authentique de guidance parentale.
Ces activités sont en constante adaptation en fonction de l’évolution des caractéristiques
et des besoins et demandes des familles : la gestion associative du Centre social facilite grandement cette réactivité. De plus, l’intégration de la structure dans le projet global du Centre
social est un atout majeur dans la continuité et la pertinence du suivi des familles et du service qui leur est rendu.
L’Île aux enfants est donc bien une réponse politique, institutionnelle et, nous allons le
développer, technique à des besoins sociaux et parentaux dans un contexte spécifique.
La majorité de ces actions se déroule non seulement dans les locaux du Centre petite
enfance, ancienne école ménagère située en centre-ville, mais également dans des locaux
annexes, au cœur des quartiers excentrés. Le souci d’une proximité des lieux de vie des
familles rend possibles une accessibilité facilitée et une meilleure prise en compte des réalités des quartiers.
2.2. Le travail quotidien à l’Île aux enfants
Rendre accessibles ces espaces d’accueil à toute famille, quelles que soient ses caractéristiques sociales, culturelles, ethniques, est une priorité majeure. Nous agissons en multipliant
les portes d’entrée possibles, en formant les équipes professionnelles à l’accueil de la diversité et à la communication, en militant pour la qualification des règles de fonctionnement de
ces activités. Cela permet à chaque parent de trouver un interlocuteur, autre parent ou professionnel, adapté à sa situation. Ainsi nous touchons près de 60% des enfants de moins de 3 ans
de la commune.
L’Île aux enfants est un projet innovant à partir duquel l’accompagnement de la parentalité
fait partie du quotidien. Il est transversal à toutes nos actions. Nous accueillons quotidiennement entre 20 et 50 familles très diverses de par leur composition, leurs réalités de vie, leur
histoire… Un brassage social est recherché et encouragé pour offrir une palette de ressources, y compris en dehors des professionnels.
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2.3. Fragments d’expériences vécues : une journée à l’Île aux enfants
<
8h00
≥ Je
me gare sur le parking de l’Île aux enfants. Il fait beau, le printemps est là !
ferme ma porte de voiture quand je vois arriver en courant, zigzaguant entre les voitures, Lucie, à peine 2 ans, en pantalon et bottines d’hiver, anorak et cagoule.
«Kakrine, Kakrine, momon elle pleure, elle est là-bas !»
≥ Je prends Lucie dans les bras : «Bonjour Lucie, ne t’inquiète pas, je vais m’occuper de ta
maman !»
≥ Jeannette vient à notre rencontre. Elle est en larmes, et ses sanglots l’empêchent de parler.
Je la serre dans mes bras tout en portant Lucie qui ne quitte pas mon regard.
≥ «Venez Jeannette, on va aller dans mon bureau.»
≥ Dans ma tête les hypothèses fusent :
• son ex-compagnon violent est revenu faire du grabuge chez elle.
• il y a un souci avec son futur bébé (Jeannette est enceinte de 6 mois)
• elle n’a plus d’argent pour finir le mois et nous ne sommes que le 18 !
≥ Nous entrons le plus discrètement possible dans la structure et avançons
vers mon bureau.
≥ Jeannette s’assoit.
≥ Lucie grimpe sur ses genoux.
≥ Je lui avance la boite de mouchoirs et me mets à l’aise.
≥ Les sanglots se calment peu à peu, tandis que Lucie me regarde toujours fixement.
≥ «Tu restes un peu avec nous Lucie et ensuite tu rejoindras tes copines, d’ accord Maman ? Il fait
chaud ici, tu peux enlever ton manteau et ta cagoule.»
≥ Jeannette acquiesce de la tête en se mouchant.
≥ Je m’assieds et lui souris.
≥ «J’ai perdu Maman hier, dit elle en reprenant ses pleurs, et je sais pas comment le dire à la
petite !»
≥ Je me relève et la prends dans mes bras.
≥ «Je sens qu’elle est importante pour vous. Elle habitait Auby ?»
≥ «Non, on est de la Somme. Moi, je suis partie parce que le père de Lucie est d’ici. On se voyait
pas beaucoup, je n’ai pas le permis . . . Elle est veuve depuis 10 ans, car mon père est mort dans
un accident de vélo, un peu après que je sois partie. Je lui téléphonais des fois et elle avait
envoyé un cadeau pour l’anniversaire de la petite. Mais elle était malade, je voulais aller la voir
mais j’ai pas pu…»
≥ Ses pleurs reprennent . . .
≥ Je
Les aléas de la vie perturbent d’autant plus une parentalité fragile. Une base de relation chaleureuse et fiable permet, le cas échéant, d’étayer cette fonction qui peut vaciller face à la peine et aux
tracas de toutes sortes. La connaissance fine des familles permet une approche globale et personnalisée de chaque situation. L’écoute active et empathique, le non-jugement entretiennent une
relation «sécure» où les parents peuvent se réfugier en toute confiance.
La parentalité : regards pluriels
<
9h10
≥ Madame
J. entre dans mon bureau d’un pas décidé, en tirant par la main le petit Jordan,
30 mois, qui suit comme il peut !
≥ «C’est pas normal, je dois aller faire mes papiers à la CAF de Douai et elles disent qu’il n’y a plus
de place et que je peux pas laisser Jordan ! Moi, je peux pas prendre le bus et faire la queue làbas avec lui, il est infernal, il court partout…»
≥ En effet, Jordan est déjà grimpé sur une chaise et attrape les crayons sur le bureau.
≥ «Il faut que tu me le prennes, c’est pas possible !» ≥ Madame J. l’attrape brusquement par le bras et le repose au sol. Jordan se met alors à crier
en la frappant. Je l’arrête fermement. ≥ «Jordan, tu ne peux pas frapper Maman. Elle a raison, tu n’as pas le droit de toucher les
crayons ici. Assieds-toi sur le petit fauteuil panda pendant que je finis de discuter avec elle.
Tiens, voilà un livre pour toi !» ≥ Madame J. ramasse les crayons tombés au sol et les remet en place.
≥ «Madame J., je comprends que ce n’est pas facile pour vous mais si ce matin la structure est
complète, on ne peut pas accueillir un enfant de plus. Peut-être pouvez-vous aller à la CAF
demain et comme çà, je bloque tout de suite la place pour Jordan ?» . . .
La gestion des comportements «violents» est aussi une compétence indispensable pour appréhender des situations «explosives» qui pourraient très vite dégrader la relation. L’approche structurale redéfinit un cadre que certains fonctionnements intrafamiliaux ont oublié ou abandonné…
<
9h30
≥ Monsieur
et Madame D. arrivent ensemble à leur rendez-vous pris deux jours auparavant.
sont intimidés, hésitants. Je les accueille en leur serrant la main et leur propose un café
qu’ils acceptent.
≥ On s’installe autour de la table.
≥ Silence.
≥ «Amandine va bien ?»
≥ «Oui, oui, elle ne dort pas très bien en ce moment mais ça va.»
≥ Silence
≥ «Alors, qu’est ce qui se passe ?»
≥ Monsieur et Madame D. se regardent, émus.
≥ Monsieur prend la parole :
«Eh bien, nous nous séparons car ça ne va plus du tout nous deux, mais on ne veut pas que ça
perturbe Amandine. Elle est encore petite et a besoin de nous deux et on ne veut pas qu’elle
pâtisse de notre séparation»
≥ La maman pleure en silence en tortillant une peluche de sa fille qu’ils viennent de confier
aux professionnelles du groupe des bébés.
≥ «Elle est trop petite pour lui dire alors on ne sait pas comment lui faire comprendre» . . .
≥ Ils
Là encore, les parents sont désemparés quant à la posture a adopter avec leur jeune enfant. Le
deuil, les séparations, la perte d’emploi, sont autant de traverses à enjamber qui paralysent certains d’entre eux. Nous sommes alors un point ressource précieux chez qui ils viennent, non seulement trouver une solution mais aussi une reconnaissance de leur souffrance.
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Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratif
<
10h10
≥ Je
suis dans la rue près de la structure, des dossiers dans les bras pour me rendre à une
réunion à la mairie. Madame B., mère de Myriam, petite fille de 4 ans et demi porteuse
d’handicap, que nous avons accueillie à 2 ans et accompagnée vers un service spécialisé,
traverse la rue vivement et m’embrasse chaleureusement :
≥ «Tu sais pas, hier, l’assistante sociale du CMP a téléphoné : ils ont trouvé une place pour Myriam
au Centre d’éducation motrice. Elle va pouvoir faire comme les autres. Ils viendront la chercher
avec un minibus le matin et la ramèneront le soir ; c’est comme si elle allait à l’école ! On va
même pouvoir visiter quand on va voir le directeur la semaine prochaine ! Tu viendras voir avec
nous ? Je suis trop contente, merci beaucoup Catherine, c’est grâce à toi ! Je me sauve, je sais que
tu es pressée !»
≥ Et la voilà repartie sans que j’aie pu dire un mot !
Nous accompagnons le passage des caps critiques et partageons ensuite les petits et grands
bonheurs !
<
12h30
≥ Une
auxiliaire de puériculture arrive précipitamment dans mon bureau : «Catherine, viens vite, Monsieur A. est venu chercher Ryan mais il est complètement saoul !»
≥ Ryan a 16 mois ; il vient trois fois par semaine de 9h à 11h30, sur «orientation» de l’assistante
sociale du secteur. Ses parents, sans emploi, habitent à trois kilomètres de l’Île aux enfants
et n’ont pas de véhicule.
≥ Je vais à la rencontre de Monsieur A. que je trouve, effectivement, très alcoolisé : faciès
rouge, en sueur, haleine caractéristique, parlant très fort et titubant par moments.
≥ Il tente de rhabiller Ryan qui pleure en raison des gestes maladroits et brusques de son
père.
≥ «Bonjour Monsieur A., il me semble que ça vous est difficile de rhabiller Ryan, non ? Pensez vous
que ça va aller ?»
≥ …Réponse incompréhensible.
≥ «Écoutez Monsieur A. j’ai un souci : je ne pense pas que ce soit raisonnable de vous laisser repartir avec Ryan, maintenant, à vélo, vous ne trouvez pas ? Il est midi et demi, les filles lui ont déjà
donné à manger, il va faire la sieste ici et, soit vous repassez si ça va mieux, ou quelqu’un d’autre
viendra le chercher cette après-midi.» ≥ «Non, c’est bon !» ≥ «Pour moi, ce n’est pas bon, Monsieur A., je n’ai pas le droit de vous laisser repartir avec Ryan si
je pense qu’il est en danger et je pense que l’emmener comme ça, en vélo, maintenant, c’est dangereux !». . .
Un soutien permanent et absolu de la responsable étaye si besoin l’équipe. L’intérêt de l’enfant
est au centre des préoccupations Des solutions sont trouvées sur le champ pour ne pas disqualifier
le parent et protéger l’enfant.
La parentalité : regards pluriels
Ces quelques tranches de vie témoignent du travail d’accompagnement du quotidien de
ces parents. Cette approche est possible uniquement grâce à une confiance et à un respect partagés. Et pourtant, à première vue, rien ne semble différent ici : des enfants jouent, pleurent, dessinent, grimpent, chantent, mangent et dorment, des adultes discutent, écoutent, pleurent,
crient parfois, arrivent et partent tout au long de la journée, entre 7h et 19h, du lundi au samedi.
Les espaces sont colorés, conviviaux et fonctionnels et le personnel souriant et poli !
Et pourtant… Voyons comment, par des stratégies réfléchies, par un «feeling» professionnel
inspiré, par des techniques audacieuses parfois, notre spécificité prend toute sa dimension.
2.4. Accueillir et bientraiter
Tout commence par un accueil individualisé pour que tout parent qui franchit nos portes se
sente reconnu et respecté tel qu’il est.
Quel que soit l’objet de sa venue, qu’il soit énoncé clairement ou sous-entendu dans les
mots ou comportements, une réponse satisfaisante est recherchée. À défaut une orientation,
un relais vers un partenaire adapté, est proposée. Les professionnels ont tous été sensibilisés
à ce travail de décryptage, de reformulation, de prise en compte spécifique de chaque
demande. Tout échange avec un parent est considéré comme vecteur d’une relation. Nous
veillons à maintenir cette qualité d’écoute au quotidien et dans le temps en multipliant les
échanges informels, les rencontres plus anticipées ou les moments conviviaux.
Un autre axe de travail est mené directement auprès des enfants : quoi de plus valorisant
pour un parent que son enfant soit sujet d’une attention bienveillante de la part de professionnels.
2.5. Observer, informer et restituer
Cette attention portée à chaque enfant est rendue possible par la mise en place de la fonction de référence : à chaque enfant est associée une professionnelle référente qui devient l’interlocutrice privilégiée des parents, le lien entre la maison et la structure. Nous ne sommes
pas dans une prise en charge exclusive de l’enfant. La référente connaît les habitudes particulières de l’enfant, son contexte familial, les valeurs éducatives de ses parents et s’en fait le
relais auprès de l’ensemble de l’équipe. En retour, elle est aussi chargée de transmettre aux
parents toute information observée concernant leur enfant. Une réunion d’équipe mensuelle
est consacrée à ces échanges, croisements de regards professionnels à propos des observations menées. D’éventuelles attitudes éducatives communes à adopter dans la structure
seront débattues et validées en accord avec les parents bien entendu.
Le bien fondé de ce travail d’observation est exposé lors d’un entretien entre la responsable et les parents avant l’accueil de tout enfant. Nous présentons, également, les valeurs
que nous, professionnels, défendons à l’Île aux enfants et auxquelles nous initions les enfants.
Ces valeurs sont le respect, la tolérance, l’équité, incarnées par nos règles de fonctionnement.
Nos choix pédagogiques et nos outils (jeux coopératifs, ateliers d’expression, valorisation de
la diversité…) sont expliqués aux parents afin que la décision de nous confier leur enfant soit
bien volontaire et qu’ils soient conscients des enjeux de ce choix. Cet entretien est un support
d’échanges très précieux sur les attentes et craintes des parents et permet de poser les bases
d’une collaboration saine et durable.
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Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratif
2.6. Coopérer et proposer des ressources
Cette coopération se traduit également par une présence active des parents à différents
niveaux. Par exemple, certains participent au Conseil d’établissement. Cette instance consultative permet de débattre des différents points de vue concernant l’organisation pratique
mais aussi d’aborder un travail de fond sur la qualité de l’accueil, les valeurs défendues dans
la structure. Certains parents ont pris goût à l’engagement militant et ont intégré le Conseil
d’administration du centre social ou de l’association de parents d’élèves ou même siégé au
Conseil municipal !
L’implication de parents au sein des diverses activités du Centre Petite Enfance est fortement facilitée : nous réduisons au maximum les contraintes pour les parents tout en diversifiant les modalités de leur possible collaboration. La multiplication de ces espaces
d’échanges nous permet de mieux connaître les attentes des parents, leurs éventuelles difficultés, leurs espoirs. Nous pouvons alors agir en conséquence en déclinant ces connaissances
dans notre prise en charge professionnelle.
Afin que chacun puisse être acteur et responsable dans son cheminement de parent, il nous
parait indispensable que l’accès à une information pertinente et raisonnée soit facilitée et libre.
Un espace ressources avec livres, revues professionnelles spécialisées, DVD… est à disposition
des familles au sein de nos locaux. Cette information passe également par des échanges entre
pairs ou avec des «experts». Ainsi des groupes de parole complètent ce travail d’ouverture en
permettant aux parents de confronter leurs pratiques entre eux et /ou d’en débattre avec des
personnes «éclairées» qui, loin d’être dans le jugement, vont questionner le pourquoi et le comment de leurs choix éducatifs et pédagogiques dans une démarche formative.
2.7. Se former et être formateur
Le management de l’équipe est un pilier de ce projet pour lequel l’adhésion de tous les professionnels est indispensable tout autant que leurs compétences et qualités humaines.
L’équipe est composée d’une vingtaine de femmes et d’un homme, de culture, de formations
et d’expériences très diverses. La formation initiale et continue est étayée par des supervisions et un soutien hiérarchique constant, individualisé ou collectif. Tout ceci permet à
l’équipe d’acquérir et de maintenir une réelle maîtrise émotionnelle et une expertise petite
enfance. La suprématie professionnelle n’est pas de mise dans cette équipe où le parent,
quelles que soient ses limites et ses difficultés, est reconnu comme le premier éducateur de
son enfant. L’expérience acquise au fil des rencontres de familles multiples a développé chez
chaque membre de l’équipe une pertinence et une réactivité aux besoins spécifiques de
chaque parent. Le choix d’une approche plurielle mixant des notions systémiques mais également de programmation neurolinguistique (PNL) et d’analyse transactionnelle (AT) est,
encore une fois, voulu afin de libérer au maximum tous les champs possibles de la relation.
2.8. Indispensables partenariats et réseaux
Afin d’éviter à nos projets de s’asphyxier, l’ancrage partenarial nous est indispensable.
Notre implication active dans différents réseaux et instances locales entretient ce partenariat
et facilite le lien vers l’extérieur.
La pluralité est de mise dans cet ancrage qui se veut :
≥ de proximité (médiathèque, foyer de personnes âgées,…) ;
≥ d’expertise (Consultation médico-psychologique (CMP), Centre d’action médico-sociale
précoce (CAMSP), Protection maternelle et infantile (PMI)) ;
≥ de pairs (autres structures du territoire ou plus éloignées) ;
≥ fédéral (association Colline ACEPP Nord-Pas-de-Calais, Fédération des centres sociaux,
Association des ludothèques françaises (ALF)…).
La parentalité : regards pluriels
Tous sont précieux et nous réinterrogent régulièrement sur le bien-fondé de nos actions et
la pertinence de nos approches.
Notre engagement dans différents réseaux («pas de zéro de conduite pour les enfants de
moins de 3 ans», Collectif Nord-Pas-de-Calais pour la qualité d’accueil de la petite enfance,
ACEPP), notre participation à différentes instances (Commission d’accueil du jeune enfant
piloté par le Conseil général et la CAF du Nord), notre implication dans des associations ( «En
toute Familialité», Planning familial , «Naitre dans le Douaisis..») traduisent notre besoin d’interagir et d’échanger avec des collectifs partageant nos valeurs.
Conclure ?
Non, l’Île aux enfants n’est pas un conte pour enfants et l’ensemble n’est pas tout bleu et
rose au pays des enfants heureux… Le doute, le découragement mais aussi la joie, la reconnaissance, font partie de ce travail d’accompagnement.
Oui, il y a encore trop d’informations préoccupantes qui sont lancées, trop de paquets de
mouchoirs qui sont vidés chaque mois dans mon bureau, trop de scolarisations traumatisantes… D’un autre coté, combien d’enfants ont découvert le bonheur de vivre ensemble ?
Combien de parents moins seuls et désemparés ? La pressante question de l’évaluation de ce
type de travail est souvent posée, notamment par des financeurs qui n’osent croire en des
projets où tout ne rentre pas dans les cases et par lesquels nous revendiquons le primat du
qualitatif sur le quantitatif, de l’humain sur l’économique !
Gageons que, malgré la «toute puissante crise» qui justifie des logiques gestionnaires draconiennes, l’on puisse encore longtemps faire vivre ce type d’expérience innovante.
Nous militons pour qu’en dépit du financement à l’heure de garde réalisée, des évaluations
quantitatives où le qualitatif ne trouve plus sa place, de l’insertion insidieuse du monde «marchand» dans le paysage social et médico-social, la prise en compte globale de l’enfant et de
sa famille dans toutes ses dimensions ne devienne pas une utopie !
Parce qu’il n’existe pas de parentalité unique, qui serait meilleure que toute autre, nous
continuons à œuvrer pour que toutes les parentalités puissent s’épanouir au regard de l’environnement socioculturel propre à chaque famille et dans le respect de l’unicité de chacun.
Par Catherine DEBRET
Coordinatrice petite enfance
Directrice de l’établissement d’accueil de jeunes enfants (EAJE)
Infirmière – Thérapeute familial systémique
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Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratif
L’être parent :
un parcours singulier…
aux racines et expressions plurielles
Préambule
L’ être parent est ici synonyme de processus dynamique, de mouvement et d’évolution et
se conjugue aux trois temps qui fondent la temporalité de l’être humain: le passé, le présent
et le futur.
Psychologue clinicienne au sein d’un établissement qui accueille des adolescents en difficulté d’existence, en situation de mal-être et de souffrance, l’être parent est un sujet qui nous
préoccupe en permanence. La rencontre avec l’adolescent et celle avec son ou ses parents,
nous permettent de mettre en évidence des troubles de la parentalité qui s’inscrivent autant
qu’ils affectent alternativement et/ou simultanément différents domaines tels que :
≥ la transmission et la répétition intergénérationnelle de l’histoire familiale, sans oublier le
poids des secrets de famille, des non-dits ;
≥ le processus d’attachement ;
≥ les interactions précoces, les projections imaginaires ;
≥ l’identité de parent, l’absence de «père dans la tête», le déni (le plus fréquent) de l’imago
paternel, c’est-à-dire la représentation du père élaborée à partir d’expériences infantiles et
fixée dans l’inconscient durant l’enfance.
Notre propos ne se veut pas être un exposé de troubles et a pour objet de visiter quelques
processus psychiques inhérents à l’être parent, afin de mieux en comprendre les mécanismes
à l’œuvre (conscients et/ou inconscients) et les articulations diverses.
Ainsi, après un essai de définition, nous étayerons successivement les notions de transmission intergénérationnelle, d’attachement, d’interactions et de projections imaginaires avant
de développer ce qu’est la parentalisation et ce qu’est être père et mère. Enfin, avant de
conclure notre propos, nous avons choisi de nous arrêter sur les travaux de Didier HOUZEL
concernant les phénomènes de la parentalité. Ces travaux nous semblent constituer un référentiel intéressant pour les professionnels qui œuvrent auprès et avec les parents.
1. Définition
1 P.C.RACAMIER et al. La mère
et l’enfant dans les psychoses du
postpartum, in L’évolution psychiatrique, 1961
2 LAMOUR, M, BARRACO, M.,
Souffrances autour du berceau Des émotions au soin, Gaëtan
Morin éditeur, 1998
Si la parentalité existe depuis l’apparition de l’être humain, elle se modifie et évolue avec les
époques. De même, la culture n’est pas sans incidence sur cette notion.
La parentalité est un néologisme introduit pour la première fois en 1961 par le psychanalyste Paul RACAMIER1 qui distinguait d’abord la maternalité pour évoquer la crise psychique
entraînée par la naissance d’un enfant.
Pour les psychanalystes auteurs de «Souffrances autour du berceau2», la parentalité peut se
définir comme l’ensemble des réaménagements psychiques et affectifs qui permettront à
des adultes de devenir parents, c’est-à-dire de répondre aux besoins de leur enfant au niveau
du corps (soins nourriciers), de la vie affective et de la vie psychique.
Certains auteurs parlent de la parentalité comme une crise analogue à celle de l’adoles-
La parentalité : regards pluriels
cence et, comme toute crise liée à l’édification du rapport à soi (intériorité) et du rapport au
monde (extériorité), celle-ci peut entraîner des troubles spécifiques.
Une autre approche psychanalytique de la parentalité montre que l’organisation psychique
de l’individu ne peut se comprendre sans faire référence au groupe d’appartenance et que sa
structure personnelle est empreinte de la structure du groupe dans lequel le sujet évolue.
Il existe d’autres approches qui privilégient la relation parentale en faisant l’impasse sur la
dimension sociale par exemple, et pour lesquelles la parentalité prime sur l’organisation sociale.
La parentalité est l’un des facteurs et l’un des agents qui favorisent la transmission intergénérationnelle ; elle est, à ce titre, le creuset des identifications.
2. Les mécanismes à l’œuvre dans l’être parent 2.1. La transmission intergénérationnelle
La parentalité n’est pas la parenté au sens biologique du terme. Être parent, ce n’est pas
seulement avoir un enfant, mais aussi pouvoir assurer sa descendance. Pour être parent, il
faut comprendre et accepter que l’on ait tous un héritage tout autre que l’héritage génétique,
celui qui relève de la transmission intergénérationnelle.
L’enfant, en héritant de l’histoire des générations, hérite aussi de leurs conflits intérieurs.
Ainsi, dès qu’une femme est enceinte, elle contracte une dette symbolique vis-à-vis de sa
propre mère, puisqu’elle la déloge de sa place initiale et la met au rang de grand-mère. Cette
dette se transmet de génération en génération avec tous les conflits plus ou moins tus qu’elle
suppose.
Cette transmission porte d’abord sur l’enfant imaginaire ; la mère donne, inconsciemment,
un héritage à l’enfant pendant la grossesse et les interactions commencent à ce stade. Déjà,
dans le désir d’enfant, chacun des futurs père et mère, donne un héritage au bébé rêvé. Le
processus de parentalisation comporte un enfant imaginaire, fruit de l’histoire transgénérationnelle. Tout cela constitue «l’arbre de vie»3. La parentalité se construit tout au long
de la vie ; elle contient cette dimension temporelle fondamentale.
2.2. Le processus d’attachement
La parentalité est aussi au cœur de nombreuses questions qui ouvrent la porte du «bien
grandir», de l’épanouissement de l’enfant et donc de son autonomie. Rappelons à ce sujet
que l’autonomie de l’enfant nécessite séparation, ce qui sous-tend par exemple que les
parents ne soutiennent pas toujours l’enfant, qu’ils établissent une certaine distance entre
eux et lui. Cette séparation, à entendre dans le sens d’une distanciation, est un facteur nécessaire et indispensable aux processus de maturation, de développement et d’identité de chacun. Elle est à distinguer de la rupture et ne peut être réduite au seul éloignement géographique, par exemple. Il s’agit d’une distanciation psychique, c’est à-dire d’un espace psychique (au sein duquel cohabitent de nombreuses interactions) qui permet à chacun de
construire en permanence sa propre identité psychique. L’identité psychique de l’enfant commence très tôt dans des jeux d’identification et d’introjection, toutes deux étant intimement
liées aux projections parentales. Par ailleurs, la maturation psychique de l’enfant va contribuer
à la conjugalité des parents. En effet, l’enfant, après avoir créé ses parents et de par son autonomie psychique grandissante, va être un maillon constitutif de leur fonctionnement
d’homme et de femme.
La notion de séparation évoquée précédemment ne trouve son bien-fondé que dans l’existence de l’attachement.
L’attachement est un phénomène universel. Tout être humain élit un être ou un objet
3 LEBOVICI.S, SOLIS-PONTON.
L, La parentalité. Défi pour le 3e
millénaire, PUF 2002
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Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratif
BOWLBY. J, Attachement et
perte, PUF Paris, 1984
4
5 FREUD., S Trois essais sur la
théorie de la sexualité, 1905
WINNICOTT. D.W., Jeu et réalité, Gallimard Paris, 1975
6
auquel il s’attache. Le processus d’attachement du tout petit enfant à une figure maternelle
est, selon J. BOWLBY4, essentiel au «tréfonds de l’espèce humaine». Cet attachement proviendrait d’une pulsion primaire, d’un besoin relationnel ou social primaire. L’attachement est un
lien affectif avec les personnes du système familial. Ce lien émotionnel contribue à la
recherche de proximité et de contact avec les personnes auxquelles nous nous attachons,
celles qui constituent les figures d’attachement. Selon cet auteur, un bébé placé dans les bras
de sa mère, va se lover contre sa poitrine de façon réflexe et, en réaction, se produit chez elle
une montée de lait. Le bébé a besoin d’un lien qui l’humanise ; il noue ainsi des attachements
privilégiés grâce à la continuité et la fiabilité, c’est-à-dire qu’il construit des relations stables et
sécurisantes. L’enfant construit un lien d’attachement différencié entre son père et sa mère,
mais aussi différencié avec d’autres personnes. En effet, la construction des attachements ne
se limite pas aux relations parents-enfant. Les attachements, les liens, se diversifient et s’étoffent au fur et à mesure que l’enfant grandit et s’autonomise. La théorie de l’attachement de
BOWLBY diffère de celle de S. FREUD5 par exemple. En effet, FREUD avait observé chez le bébé
humain, que l’attachement à la mère obéissait à un programme inné et pour lui, l’attachement est lié à la libido.
Néanmoins, quelle que soit la théorie de l’attachement, ce dernier engage la disponibilité
du parent (disponibilité physique et psychique), sa sensibilité aux signaux de l’enfant et sa
capacité à y répondre de façon adéquate. D.W. WINNICOTT6, par exemple, ne disait-il pas que
la mère se laisse «habiter» par cette préoccupation maternelle primaire qui consiste à identifier les besoins de son bébé en s’y identifiant ?
Du côté des parents, ces liens commencent déjà pendant la grossesse, période pendant
laquelle père et mère développent de puissants sentiments d’attachement à l’égard du bébé
imaginaire ; celui-ci sera confronté, à la naissance, au bébé réel et pour que cet attachement
continue de se développer, il est essentiel que le degré de similitude entre les attentes parentales et la réalité du bébé soit grand.
En effet, si le décalage entre le bébé imaginaire, idéalisé, et le bébé réel est intense, la
déception parentale sera à la hauteur de ce décalage. De fait, le processus d’attachement peut
subir une altération forte, voire connaître une «rupture». Il importe qu’il y ait une certaine adéquation, et peut-être dans certains cas, un ajustement entre imaginaire et réel afin que chacun, parent et enfant, s’accorde affectivement, condition sine qua non au développement
d’un attachement sécure, élément fondateur de toute relation humaine.
Le lien d’attachement qui se crée entre un père et son enfant existe tout autant qu’entre
une mère et son enfant. Le père passera par d’autres modes d’interactions avec son enfant.
Ce processus d’attachement n’est pas étranger aux interactions qu’elles soient fantasmatiques, comportementales ou affectives.
2.3. Les interactions et les projections imaginaires
Les interactions se définissent comme l’ensemble des phénomènes qui se déroulent dans
le temps entre un nourrisson et ses différents partenaires.
Le bébé se construit dans l’interaction autant qu’il la construit. Quand bébé naît, il a déjà
vécu 9 mois au sein de l’utérus maternel ; il a appris à réagir et à s’adapter aux mouvements
de sa mère, à sa voix et à celle de son père.
Mère et bébé, mais aussi père et bébé vont interagir avec leurs comportements, leurs
affects et leur vie psychique.
Les interactions fantasmatiques sont des influences réciproques de la vie psychique de
chacun. C’est dans ces interactions que prend place l’enfant imaginaire, produit de la «grossesse de la tête», où interviennent les projections et les anticipations parentales. Le futur père
La parentalité : regards pluriels
a toute sa place dans ces interactions. Cette vie psychique, dans les relations précoces, va donner tout son sens aux interactions comportementales.
Les interactions comportementales sont observables : c’est la manière dont le comportement de l’enfant et celui de la mère (et du père) s’agencent l’un par rapport à l’autre. Bébé est
surtout un être sensoriel, et tous ses sens sont en direction de la découverte des autres et du
monde. Mère et bébé dialoguent ainsi avec les yeux par exemple. En 1975, D.W. WINNICOTT7
évoquait le rôle du miroir que jouait la mère pour son bébé : le regard mutuel, en permettant
l’intégration, de par le visage de la mère, d’états affectifs différents du bébé, va favoriser la
constitution d’une image de soi du nourrisson, distincte et différenciée de celle de sa mère.
De plus, dans les premières heures, mère et bébé s’engagent dans un échange langagier: le
bébé par ses cris, ses pleurs, puis plus tard, par ses vocalises variées, communique ce qu’il ressent. De fait, la mère l’anticipe comme un sujet parlant. Il en est de même pour la sensibilité
acoustique : la mère va adapter le timbre de sa voix.
À la charnière de ces interactions et des interactions affectives, s’intercalent les comportements de tendresse, avec les baisers, les caresses, dont on sait le rôle essentiel qu’ils jouent
dans le processus d’attachement entre le petit enfant et ses parents.
Les interactions affectives sont des influences réciproques de la vie émotionnelle du bébé
et de celle de sa mère (et de son père). Mère et bébé vivent dans un «bain d’affects» et D.N.
STERN8 parle d’ «harmonisation des affects» ou encore d’ «accordage affectif» vers l’âge de 68 mois, pour signifier l’expérience subjective qui fait que la mère reproduit la qualité des états
affectifs de son bébé sur un autre mode que celui de son bébé ; par exemple, à un geste du
bébé, correspondent des mots de la mère. Ainsi, nous voyons qu’à cet âge, ce n’est plus seulement la présence physique ou encore l’affectivité qui entrent en scène mais aussi les états
mentaux et psychiques, telles les émotions, la raison… Les travaux de R. SPITZ9 dans ce qu’il a
nommé l’ «angoisse du 8e mois» montrent bien qu’à cette période de la vie, l’enfant acquiert la
notion de la «permanence de l’objet», c’est-à-dire la capacité de conserver une trace mnésique
des personnes et des objets de son environnement.
Dans ce jeu complexe des interactions, le phénomène de la parentalisation mérite que l’on
s’y attarde quelques instants.
7
D WINNICOTT. D.W., Op. cit
8 STERN D.N., La conversation
d’avant le langage » dans Une
nouvelle Science, la bébologie, G.
Delaisi de Perceval. Autrement
Paris 1985.
9 SPITZ, R., De la naissance à la
parole. La 1ère année de la vie. PUF
Paris 1968.
3. Le concept de parentalisation : père - mère - enfant
Elle apparaît comme l’influence exercée par une personne, le bébé par exemple, sur le sentiment qu’a un adulte d’être parent. Elle fait donc référence au vécu de l’identité parentale et
au sentiment de compétence. Cette parentalisation concerne aussi de près la conjugalité. En
effet, la qualité de l’alliance parentale exerce une influence sur la parentalité, et donc sur le
développement de l’enfant.
Si père et mère constituent des fonctions symboliques, c’est à partir de passages successifs
que s’élabore la place du sujet dans la fonction parentale. Ces passages sont : filiation (fils-fille)
- sexualisation (homme-femme) - génération (père-mère).
Si la mère est le socle biologique vivant de l’enfant, c’est aussi dans un renoncement à cet
ordre et dans l’avènement d’un autre ordre, symbolique, lié à la loi du langage, qu’elle ouvre
une voie d’humanité à son enfant. Pour ce faire, elle ne peut se débrouiller seule ; elle a besoin
d’un appui à l’extérieur, sur un ailleurs dont le père se fait gardien et représente ce que
LACAN10 nomme «Le Nom du Père».
Dans le processus de parentification, le père a une fonction de soutien émotionnel à la
mère (pendant la grossesse, lors de l’accouchement, …). Pour certains auteurs, le père maternalise d’abord sa femme avant d’être le père de son enfant ; de la même façon, la mère paternalise son mari, en «contrôlant l’accès» de ce dernier au bébé et favorise le développement de
1 0 LACAN, J., Séminaire III
Seuil 1981.
57
58
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Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratif
LE CAMUS, J., Pères et
bébés. L’Harmattan Paris. 1995.
1 2 BEN SOUSSAN P., Comment ça fonctionne un père. Edition de la Martinière 2003
11
FREUD.S, Totem et Tabou,
Paris Payot, 1951
1 4 LEVI-STRAUSS., C., Les
structures élémentaires de la
parenté, Paris-La Haye PUF 2e
édition Mouton, 1968
1 5 CYRULNIK. B et LEMAY. M.,
Parlez-moi du père, Doc. Vidéo
Anthéa parole donnée, 1998
1 6 CYRULNIK. B, Ethologie de
la naissance du père. In Devenir,
1989
1 7 LE CAMUS, J., Op.cit
13
SELLENET. C., La parentalité décryptée, Edition L’harmattan, 2007
18
BRAZELTON T., Comportement et compétence du nouveau-né, dans Psychiatrie de l’enfant, 1981
19
la paternalité. La mère contribue à la paternalité, et de façon symétrique, le père contribue à
la maternalité. Ce mouvement les unit dans l’expérience de la parentalité.
Tout comme pour la mère, nous pouvons parler d’interaction dyadique père-nourrisson.
Dans un cas comme dans l’autre, le bébé parentalise son père et sa mère.
S’il existait autrefois un courant de pensée qui montrait des similitudes entre père et mère,
des recherches mettent en évidence que le père se différencie de la mère. Ainsi, l’un n’est pas
l’autre, pour reprendre l’expression de Jean LE CAMUS11 et d’ajouter: «Dès la naissance, le père
se représente, se désigne, se nomme comme père». Ainsi, tout comme on ne naît pas mère on ne
naît pas père. À ce propos Patrick BEN SOUSSAN12 dit : «on n’est jamais le père de ses enfants,
on le devient avec le temps»… et «ses enfants, ça ne dit rien de la possession»,… «Ça dit le lien, un
lien, fragile, tissé au-dessus de la vie, de génération en génération».
À la différence du lien maternel, le lien paternel est marqué par un acte de reconnaissance.
Pour devenir père, celui-ci va reconnaître l’enfant et l’affilier dans sa lignée. Pour l’homme, le
passage du statut de géniteur à celui de père peut être considéré comme un «acte de naissance sociale, un acte de culture», comme l’a démontré FREUD13. Par ailleurs, chaque culture
définit ses formes paternelles, comme le montrent Claude LEVI-STRAUSS14, Boris CYRULNIK
et Michel LEMAY15.
B. CYRULNIK16, pour qui le père est en quelque sorte un «utérus en dehors du corps de la
mère», résume la différence entre père et mère de la façon suivante : le père est plus dans le
jeu, dans le faire, il stimule davantage, il est plus manuel et moins dans le langage ; tandis que
la mère est plus tranquillisante et plus intellectuelle.
J. LE CAMUS17, pour sa part, distingue le «dialogue phasique» de la relation avec le père
(discontinu et marqué par des mouvements) et le «dialogue tonique» de la relation à la mère
(lent, continu, marqué par un maintien des postures). Dans la maternalité, la mère s’engage
avec sa personnalité, son histoire personnelle et transgénérationnelle, son histoire conjugale,
les situations évènementielles, avec tout ce qui est conscient mais aussi avec tout ce qui est
inconscient et elle va puiser dans ses premières relations. Tout en étant dans un processus de
vie, celui de donner la vie à un enfant, la jeune mère est confrontée à une série de deuils fondamentaux : de la vie d’avant, de son corps d’adolescente, de sa grossesse, de l’enfant imaginaire, … Cette évolution se retrouve aussi chez le père. Dans la paternalité, l’homme est
amené à modifier sa place dans le cours des générations, il devient père comme son propre
père et il transmet son nom. De plus, les changements dans l’organisation de la vie familiale,
l’amènent à prendre part de plus en plus aux soins de l’enfant (pater nagé). La vie fantasmatique du père est aussi riche que celle de la mère ; il porte aussi en lui un enfant imaginaire,
«un enfant dans la tête» pourrait-on dire.
Être père n’est donc pas être un substitut de la mère et réciproquement. Pour chacun, c’est
occuper une place dans la vie psychique de l’enfant, une place dont va dépendre l’identification
de la personne et sa santé psychique. Catherine SELLENET18 ne dit-elle pas : «un père n’est pas
une mère bis?». Le bébé, quant à lui, va différencier très précocement les soins paternels des
soins maternels grâce aux différentes expériences et à la tonalité affective de l’interaction. Dans
cette dynamique interactive, le bébé est un partenaire à part entière de par ses compétences
et sa personnalité, de par son corps et sa riche sensorialité. Ses caractéristiques, ce que
BRAZELTON19 appelle «tempérament», agissent sur le sentiment de compétence parentale.
Donc pour l’enfant, l’un n’est pas l’autre, et grandissant, il sait ce qu’il peut attendre de sa
mère et de son père de façon différenciée. L’environnement, c’est-à-dire le père et la mère, et
le nourrisson s’influencent réciproquement dans un processus de développement et
d’échanges. Dans cette même dynamique, la notion de temporalité évoquée au début de cet
La parentalité : regards pluriels
écrit, est importante : elle sous-tend une adaptation réciproque qui se déroule dans le temps.
À chaque étape du développement de l’enfant (jusqu’à l’adolescence et encore après), correspond un stade de la parentalité ; la parentalité est un processus maturatif. L’identité de
l’enfant et son moi se forment et se fondent dans le creuset de la vie psychique et relationnelle de ses parents ; de même que la parentalité se forme et se fonde dans celle de l’enfant.
Par ailleurs, chaque naissance réactualise le processus de parentification et cela, même si la
primauté est fondatrice des mécanismes psychiques qui le sous-tendent.
4. Qu’est-ce qu’une mère, qu’est- ce qu’un père?
Le désir de devenir parent s’inscrit dans nos instincts les plus fondamentaux, dans notre
rencontre avec un sujet différent, dans nos rêves communs et dans notre histoire personnelle.
La fonction maternelle, tout comme la fonction paternelle, est loin d’être indépendante des
facteurs sociaux et même politiques. À ce sujet, E. BADINTER20 a montré que l’amour maternel n’est pas indépendant, dans son expression, du contexte historique, social et culturel.
La mère n’est pas davantage définie par une attitude morale que par des tâches spécifiques. Pour Gérard POUSSIN21, «un père, une mère, c’est une personne qui présente un comportement qui correspond à ce que l’on attend de la fonction parentale à une époque donnée et
dans une culture donnée, qui s’identifie à cette fonction et qui est reconnue par l’enfant dans cette
identité-là».
De quel père parlons-nous lorsque nous disons qu’un enfant a besoin d’un père ?
Si l’on se réfère à Françoise HURSTEL22, nous distinguons :
≥ le père au sens social de la fonction, celui qui élève l’enfant et que l’on qualifie de «parent
au quotidien» ;
≥ le père au sens biologique, géniteur qui a donné la vie ;
≥ le père légal, celui qui a reconnu l’enfant et l’a inscrit dans sa filiation en lui transmettant son
nom (ou non). Rappelons ici que le patronyme est un élément de la construction identitaire ;
≥ le père œdipien, c’est-à-dire en position de tiers séparateur entre la mère et l’enfant.
2 0 BADINTER, E., L’amour en
plus, Flammarion Paris, 1980
2 1 POUSSIN, G., Qu’estqu’une mère? Qu’est-ce qu’un
père? , Dans De la parenté à la
parentalité. Ed. Erès, 2001
2 2 HURSTEL, F., Fonction
paternelle et recompositions
familiales, dans Le Journal des
Psychologues, Avril 2002
Ce père «œdipien» est en quelque sorte le «père dans la tête» dont l’enfant a besoin pour
se construire, en plus du papa dans la réalité. Ce «père dans la tête» est l’instance symbolique
indispensable à l’élaboration psychique, au processus d’individuation.
En effet, le père n’est pas uniquement le papa ; le père, au sens où on l’entend quand on dit
qu’un enfant a besoin d’un père, représente 3 choses simultanément :
≥ d’abord le père géniteur (au sens biologique), dont l’enfant, même si il ne l’a jamais vu, doit
en connaître l’existence et l’identité ;
≥ c’est le papa, compagnon ou mari de la mère, celui qui élève l’enfant ;
≥ et surtout, une «instance paternelle», c’est à-dire une instance symbolique que l’enfant doit
intérioriser, donc les «place et fonction» du père.
Pour les psychanalystes, plus que de fonction paternelle, il est davantage question d’instance paternelle. Ainsi, François MARTY23 expose les trois pères qui constituent cette même
instance : le père réel, le père imaginaire et le père symbolique.
Ces trois pères habituellement n’en font qu’un, même si chaque registre peut être distingué. Le père, c’est le «nouage» de ces trois registres en une unité singulière qui assure à la
fonction paternelle une importance qui dépasse la seule reproduction ; c’est leur nouage qui
donne au père sa consistance et son efficacité.
Le père réel est, par définition, incertain. «Mater certissima est, pater incertum». Il n’inter-
2 3 Marty, F., La parentalité : un
nouveau concept pour quelles
réalités ? La place du père. In Carnet/psy numéro 81.
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60
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Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratif
vient pas sur la scène de l’imaginaire et du symbolique. Il peut laisser vacante la place du père,
celle qui fait fonctionner le rapport à la loi et l’interdit.
M. RUFO. , Chacun cherche
un père, Edition Anne Carrière,
2009
24
Le père imaginaire est le père idéal auquel chacun essaie de se conformer et auquel chacun
peut se référer ; il peut servir de recours à la mère autant qu’à l’enfant.
Pour Marcel RUFO24, pédopsychiatre, le père imaginaire c’est celui que chacun rêverait
d’avoir et sur lequel il projette ce qu’il attend et que le père de la réalité ne lui donne pas. C’est
en cela qu’il est le père du roman familial que chacun va «chercher à travers différentes figures
susceptibles de s’en approcher».
Le père symbolique est celui qui introduit le sujet au monde du langage, mais aussi du
désir. Il est aussi le représentant de la loi, mais il n’est pas la loi ; cette place symbolique du
père doit être présente dans le discours maternel. «Penser ainsi le père, c’est entrevoir la place
qu’occupe pour la mère son propre père».
Selon Marcel RUFO, il est le tiers qui met fin à la relation duelle avec la mère, qui permet à la
vie psychique «d’échapper à la confusion», en introduisant la dimension du symbolique et de
la loi.
Enfin, toujours pour Marcel RUFO, l’équilibre de l’enfant dépend avant tout de l’articulation
de ces différents pères dans son psychisme. Pour lui, le père est «toujours une mosaïque
d’images mêlant réel et imaginaire… et cette mosaïque n’est jamais complète»…
Cette instance paternelle dont nous venons de définir les contours et que nous avons
étayée, et donc ce père en lui, est nécessaire à l’enfant pour se situer et savoir qui il est. Pour
cela, il doit connaître 3 choses fondamentales :
≥ d’où il vient. comme tout un chacun, il est issu de 2 lignées, il a une origine, des racines et
une place ;
≥ il doit apprendre que sa mère a besoin d’un homme et cela lui permet de relativiser la
toute-puissance qu’il lui attribue et lui donne un point d’appui pour se séparer d’elle et
grandir ;
≥ enfin, la mère a eu au moins un homme dans sa vie, donc l’enfant peut prendre conscience
que, dans la vie de sa mère, il existe un espace auquel il n’a pas accès. Dire à un enfant qu’il
a un père, c’est mettre les conditions pour qu’il intègre l’interdit de l’inceste.
En fait, avoir un «père dans la tête» c’est, pour un enfant, passer de la relation dyadique à la
relation triadique. C’est poser l’existence, entre lui et sa mère, d’un tiers investi d’une autorité,
puisqu’il a le pouvoir de par son existence, de lui interdire cette mère. C’est parce qu’il a de sa
place ce pouvoir initial, que le père représente l’autorité et la loi.
Pour résumer, nous pouvons dire que la fonction paternelle est indispensable pour permettre au sujet de devenir un être social. Le père fait de l’enfant un sujet social ; il ne s’oppose
pas à la mère mais vient la compléter. Il est l’autre de la mère, mais il n’est pas son symétrique.
Dire père, c’est entrer dans le registre de la génération, c’est se situer par rapport aux autres et
accéder à la dimension de la socialisation. Et penser le père ne peut se faire sans la mère.
Par ailleurs, la fonction paternelle intervient aussi au niveau du développement affectif en
assurant les possibilités d’autonomie et d’indépendance, nécessaires à une vie affective
«équilibrée» et ce grâce à la fonction de séparation, de différenciation, de tiers séparateur
entre la mère et l’enfant. Le père doit éduquer son enfant dans le sens étymologique du mot
«educare» : faire sortir, conduire en dehors de soi. La fonction paternelle se manifeste dans des
domaines tels que la protection, l’éducation, l’initiation, la séparation et la filiation.
Nous partageons aisément la terminologie de Jean LE CAMUS25 lorsqu’il parle du père en
La parentalité : regards pluriels
tant que «c’est le premier “Autre“ et qu’il occupe une place de tiers». Jean LE CAMUS25 opte pour
cette position de père pour ne pas risquer d’enfermer le père dans une fonction qui s’exerce
plus à travers une image et un nom qu’à travers des actes inscrits dans la vie quotidienne.
La fonction paternelle participe aussi au développement de la confiance en soi grâce à la
fonction d’identification qu’elle contient.
Enfin, elle contribue également à l’organisation de la personnalité dans la mesure où elle
permet la constitution d’un surmoi stable de par sa fonction de rapport à la loi.
LE CAMUS, J., Le vrai rôle
du père, Edition Odile Jacob.
2000
25
Si la fonction maternelle apporte les soins de base, la proximité, quelque chose qui a à voir
avec la contenance et la spatialité, l’enveloppement et l’immédiateté, la fonction paternelle,
quant à elle, apporte une autre temporalité, tournée vers le futur. C’est dans ces deux fonctions que l’enfant va puiser les repères qui lui permettront de se trouver lui-même.
Ainsi, même si le père et la mère ont des rôles complémentaires et interchangeables, le
maternel semble davantage dans le registre de l’intime, de l’intérieur, tandis que le paternel
se situe du côté de l’ouverture au monde, de l’extérieur.
En conclusion, tous s’accordent à dire que le père n’existe pas tout seul. C’est la mère qui le
désigne à son enfant comme père ; d’une certaine façon, comme le souligne Marcel RUFO, on
peut repérer ici une certaine fragilité de la condition paternelle, car le père dépend de la mère
en ce sens qu’elle lui accordera ou non la place qui est la sienne.
Comme nous l’avons énoncé précédemment, si le père n’est pas la mère et si la mère n’est
pas le père quels que soient les rôles qu’ils assument par ailleurs auprès de l’enfant en fonction des circonstances, des époques et des cultures, arrêtons-nous maintenant sur ce qu’il en
est des phénomènes de la parentalité et notamment sur ce que sont les fonctions et les
tâches parentales.
5. Les phénomènes de la parentalité
Didier HOUZEL26 analyse les phénomènes de la parentalité selon 3 axes : l’exercice, l’expérience et la pratique de la parentalité ; notons que dans la réalité, ils sont indissociables et
interdépendants.
L’exercice de la parentalité constitue en quelque sorte l’identité de la parentalité.
Il correspond au niveau symbolique et il définit les cadres nécessaires pour qu’une famille
et un individu puissent se développer.
Il a trait aux droits et aux devoirs attachés aux fonctions parentales, à la place de chacun
(enfant, père et mère) dans une filiation et une généalogie.
L’expérience de la parentalité est l’expérience psychique subjective, (ressenti, vécu) des
personnes qui assurent les fonctions parentales.
Les fonctions parentales sont essentiellement d’ordre relationnel ; elles correspondent à ce
qu’est personnellement, psychologiquement et affectivement chacun des 2 parents, en tant
qu’homme et femme, c’est-à-dire père et mère de l’enfant. Elles sont liées au réel et au symbolique de chacun des parents et ne sont donc pas humainement interchangeables.
Elles concernent l’être père et l’être mère dans les relations qu’ils nouent avec l’enfant, chacun selon son propre sexe, pour permettre les attachements, les rivalités et les identifications
nécessaires au développement psychoaffectif harmonieux de chaque être humain.
Elles conduisent chacun à se construire positivement sur le plan mental et affectif, aux différents moments de son évolution, de la petite enfance à l’adolescence et à l’âge adulte.
Les fonctions parentales pourraient être qualifiées de la manière suivante : apaisante, sécurisante,
stimulante, nourricière, de symbolisation, contenante, socialisante, transmettant des valeurs, …
2 6 HOUZEL, D., Les enjeux de
la parentalité, Ed. Erès, 2001
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Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratif
Elles sont diversement remplies par les parents selon la société dans laquelle ils vivent et
selon la personnalité de chacun.
La pratique de la parentalité correspond aux qualités de la parentalité.
Elle concerne les tâches effectives, objectivement observables qui incombent à chaque
parent. C’est la mise en œuvre des soins parentaux et des interactions parents-enfant.
Ces tâches sont toujours partiellement déléguées à des adultes même quand l’enfant est
élevé par ses parents. Bien souvent, elles font l’objet de suppléance tout au long de la croissance de l’enfant.
Les rôles parentaux, à la différence des fonctions parentales, sont humainement interchangeables; ils peuvent être assumés par l’un ou l’autre des parents, en fonction des circonstances, des époques, des cultures.
DURNING, P., dans Avoir
mal et faire mal, Les formes de la
violence du côté parental de
Catherine SELLENET. Ed. Hommes
et perspectives, 2001
27
Paul DURNING27 propose un référentiel des tâches parentales habituellement effectuées
par la famille : les tâches domestiques, techniques, de garde, d’élevage, éducatives et socialisantes, de suivi et de référence sociale.
On pourrait dire que les fonctions parentales sont exercées au niveau symbolique, vécues
au niveau de l’expérience et médiatisées dans la pratique.
Des dysfonctionnements peuvent apparaître sur chacun de ces 3 axes, soit par défaut, soit
par excès, à un moment donné de l’histoire personnelle de chacun.
La parentalité «partielle» est à considérer comme la part que les parents, même malades,
peuvent assumer, au moins en partie sur tel ou tel axe de la parentalité. Il est essentiel, dans
notre accompagnement, de reconnaître avec les parents leurs savoir-faire et leur savoir-être
et de les valoriser. Cette reconnaissance peut constituer un des prémices indispensables à la
restauration narcissique du parent et, par voie de conséquence, à sa manière d’être parent
avec son enfant.
En effet, mettre en valeur ces parentalités partielles permet simultanément 3 choses :
≥ réduire la blessure narcissique et donc la souffrance que subit tout parent reconnu comme
défaillant dans sa parentalité ;
la construction, dans le monde interne de l’enfant, d’imagos parentaux de bonne
qualité ;
≥ éviter de favoriser des clivages qui s’opèrent lorsqu’un enfant est confronté à la dualité des
figures parentales, les unes présentées comme compétentes et les autres déclarées incompétentes, voire même dangereuses.
≥ favoriser
Précisons que les troubles de la parentalité peuvent être consécutifs aux remaniements
psychiques que la naissance implique, mais que des troubles du comportement et/ou de la
personnalité peuvent préexister chez certaines personnes. Dans ce cas, les troubles liés à la
parentalité pourront venir accentuer les difficultés existentielles préexistantes.
La parentalité : regards pluriels
Conclusion
Au terme de nos propos, rappelons que la famille est le lieu d’inscription de l’enfant dans
une généalogie et dans une filiation, inscription nécessaire à la constitution de son identité et
à son processus d’humanisation. Par ailleurs, la famille est le lieu de confrontation aux différences fondatrices que tout psychisme humain doit affronter et résoudre, c’est-à-dire la différence de soi et de l’autre (l’altérité), la différence des sexes et des générations. Enfin, elle est
aussi le premier lieu de socialisation de l’enfant.
Aujourd’hui, peut-être plus qu’autrefois, la parentalité est au carrefour des préoccupations
d’éducation, de socialisation et de maturation de l’enfant ; tout naturellement, elle constitue
un vaste espace de réflexions et d’actions pour tout acteur du champ social.
Désormais, nous sommes dans un système de pensée (et donc d’actions à développer) de
coresponsabilité. D’une culture de frontière, nous sommes passés dans une culture du lien
qu’il nous faut étayer et faire progresser. Cette culture du lien sous-tend et implique une
reconnaissance des capacités, des potentialités, des compétences de chacun. Qu’il soit
parent, enfant ou acteur professionnel, chacun a sa place bien précise. La reconnaissance de
cette complémentarité entre les différents acteurs, partenaires à part entière, permet de passer d’une logique de substitution parentale à une logique de suppléance parentale lorsqu’il y
a défaillance. C’est précisément cette fonction parentale que nous devons soutenir, étayer et
accompagner en tant que professionnels. Pour ce faire, nous devons nous interroger sur l’effet de notre intervention, de notre action sur la parentalité, à savoir : en quoi l’étayons-nous
et/ou en quoi la paralysons-nous ?
Nous référant toujours aux travaux de D. HOUZEL28, 3 niveaux d’analyse permettent
d’identifier ces processus et surtout, de définir le travail d’élaboration nécessaire et indispensable à toute intervention sur la parentalité. Chaque intervenant mais aussi chaque équipe
doit :
≥ apprécier objectivement la structure et l’organisation de la cellule familiale (dynamique
relationnelle et communicative, nature des liens, …) ;
≥ se représenter de manière convergente la situation familiale, ce qui nécessite d’avoir une
représentation claire et précise sur ses propres représentations de père, mère et enfant
ainsi que des liens et interactions qui se jouent entre eux ;
≥ veiller à ne pas reproduire (phénomène de contamination) les mécanismes pathologiques
repérés au sein du fonctionnement familial.
Par Béatrice COTTON
Psychologue clinicienne auprès d’adolescents et de leurs parents dans une MECS
et responsable de l’atelier des parents de cette même MECS
28
HOUZEL, D., Op.cit.
63
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Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratif
L’atelier des parents :
une réponse singulière
à des parents d’adolescents en
difficulté dans leur être parent
À l’adolescence, on éprouve le besoin de s’affirmer vis-à-vis de ses parents, d’être autonome
et responsable, mais on a aussi conscience que ce n’est pas toujours facile de sortir du cocon
douillet de l’enfance. L’irruption de l’adolescence représente pour de nombreux parents une
source d’inquiétude due, en grande partie, au sentiment de perte de contrôle.
Parce que l’adolescence enclenche l’inéluctable séparation entre le parent et l’enfant, séparation psychique avant d’être sociale, elle exige du parent une disponibilité psychique qui lui
permette de tolérer peu à peu cette absence nouvelle, largement teintée d’incertitude.
Inconsciemment au moins, il se passe quelque chose chez le parent de l’ordre d’une lutte
contre l’angoisse de la perte de l’emprise.
Cherchant à se détacher de cette emprise familiale, l’adolescent se tourne vers les copains.
Le groupe de pairs devient alors pour l’adolescent le lieu de nouvelles identifications. Face à
cette revendication du statut d’adolescent et à ces changements, les parents font comme ils
peuvent et sont confrontés au renoncement, au fait qu’ils ne peuvent pas tout faire. Ils observent, désemparés parfois, les transformations diverses qui s’opèrent chez leurs enfants ; ils se
sentent souvent seuls et démunis.
1 NEYRAND, G., La culture de
vos adolescents, Edition Fleurus,
2002
2 BRACONNIER, A., L’adolescent
aux mille visages, Edition Odile
Jacob, 1998
3 «Être parent aujourd‘hui».
http://www.couplesfamilles.be
4 ,5 ,6
RUFO, M., Chacun
cherche un père, Edition Anne
Carrière, 2009
Ainsi, si l’adolescent subit des bouleversements physiques, psychiques et identitaires, les
parents connaissent aussi des remaniements dans leur être parent, «un peu comme s’ils
vivaient une nouvelle naissance : l’adolescence de leur enfant»1. Et Alain BRACONNIER d’ajouter : «on devient parent d’adolescent comme on est devenu parent à la naissance du bébé»2.
En effet, l’être parent n’est pas figé, défini une fois pour toutes ; il est inscrit dans une temporalité dynamique qui se conjugue à tous les temps. Tout comme on n’est pas devenu
parent d’emblée, on ne cesse de le devenir, et chacun est constamment remis en question
dans cette qualité parentale. Être parent d’adolescent ne va donc pas toujours de soi.
Par ailleurs, si l’adolescent change, capable en particulier de procréer, les parents, quant à
eux, sont aussi «souvent confrontés à une crise, la crise du milieu de vie, que les remises en question des adolescents ne font qu’accentuer»3, sans oublier que l’adolescence de nos enfants
nous ramène à notre propre adolescence.
Du côté du père de l’adolescent, il s’opère une certaine nouveauté, voire même une spécificité, surtout quand il s’agit du fils. En effet, si l’un des aspects de la fonction paternelle est ce
«héros» ou ce «géant» dont parle Marcel RUFO4 si le père est objet d’admiration à la différence de la mère qui est objet d’amour, ce même héros a une existence éphémère. Cette
représentation de père idéalisé qui se construit chez le jeune enfant, «ce costume endossé par
La parentalité : regards pluriels
le père»5 va lui être retiré, particulièrement à la période de l’adolescence, et peut-être encore
plus par l’adolescent, ce futur homme et ce futur père. L’adolescent va attaquer son père, le
critiquer,… il va déployer une énergie certaine à «faire redescendre ce héros du piédestal où il
l’avait installé»6. Le «Zorro n’est plus qu’un zéro» de Marcel RUFO illustre cette déconstruction
nécessaire et indispensable pour l’adolescent, déconstruction non pas dans le sens de la
négation, mais bien dans le sens d’un renoncement qui participe à la construction identitaire
du futur homme.
Au regard de ces remaniements multiples, de ces changements pluriels, chacun, parent et
enfant, doit poursuivre son parcours de vie et à cette période de l’adolescence, les relations
avec les parents deviennent parfois conflictuelles. Pas facile alors pour l’adolescent d’accepter les limites quand on a envie de tout faire vite et en même temps. Pour l’adolescent, comme
pour le parent, tout devient sujet sensible : les sorties et les fréquentations, l’argent de poche,
les résultats scolaires, la vie de famille… Ainsi, entre conflit et négociation, il est nécessaire
d’apporter à l’adolescent tout autant l’écoute dont il a besoin qu’une référence adulte pour
l’aider à trouver sa route. Il est aussi parfois nécessaire d’accompagner les parents dans cette
nouvelle ère de vie. S’il importe en tant que parent de tenir, il est tout aussi important de montrer aux enfants qu’il n’y a pas qu’eux dans la vie et que les parents sont animés du désir de
vivre de nouvelles expériences.
Ce trouble parental, cette difficulté à être parent d’adolescent et cette souffrance consécutive, nous y sommes confrontés régulièrement lors de nos rencontres avec les parents et nous
défendons l’idée que l’accompagnement des adolescents qui nous sont confiés doit se doubler d’une attention toute singulière auprès de leurs parents. C’est ainsi que l’atelier des
parents a ouvert ses portes en avril 20107, après un long temps d’échanges et de formation.
Il accueille des adolescents et adolescentes en hébergement et en accueil de jour.
L’atelier des parents, espace et lieu de construction commune, de co-élaboration, est ouvert
à tous les parents qui ont un enfant accueilli dans l’établissement, y compris lorsque les
enfants sont majeurs. Accompagner ces parents dans le cadre de l’atelier correspond à participer à un lien social impliquant parents et professionnels, chacun à sa place et ensemble.
Au sein de l’atelier des parents, il ne s’agit pas de soutenir (se placer en dessous), ni de guider (se placer devant), ni même de suivre (se placer derrière) et encore moins de surveiller ou
de corriger. Cet espace-temps n’est pas un espace thérapeutique, ni un espace éducatif. Il ne
s’agit pas d’aller à la recherche du fantôme caché dans le placard, mais de permettre aux
parents de dire comment ils se sentent et se vivent parents, comment ils investissent la relation à leur enfant, comment ils se le représentent.
L’atelier des parents est destiné à des parents d’adolescents, lesquels viennent bousculer et
interroger la frontière générationnelle, mais aussi bousculer les parents dans l’exercice de
leurs rôles parentaux et dans leur fonction parentale, alors même qu’ils sont et /ou se sentent
déjà fragilisés par leur histoire personnelle, conjugale et familiale. Ils peuvent venir «déposer»
leurs difficultés, leurs souffrances, leurs incompréhensions ; dire leur trouble, leur isolement,
leur solitude,…
L’atelier des parents est un espace où les parents sont acteurs à part entière, de par leur
choix de participer d’abord et ensuite de par leur expression. Il est un espace d’accueil,
d’échange, de parole et d’écoute. Cette notion d’espace est fondamentale dans le sens où cet
espace peut entrer en résonance avec l’espace psychique de chacun. De fait, il est contenant
7 Centre des Apprentissages de
Phalempin (Maison d’enfants à
caractère social de la sauvegarde
du Nord) 65
66
bl
Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratif
tout en étant chaleureux et convivial, repéré et repérant, mais aussi sécurisant et, de fait, soumis à certaines règles (respect de la parole de l’autre, confidentialité, non-jugement,…) et
connaît une rythmicité repérée.
Il se veut être un lieu ressource dans la rencontre avec d’autres parents d’abord et avec des
professionnels ensuite. Il est co-animé par la psychologue et une éducatrice spécialisée. Cette
co-animation est indispensable afin de permettre un regard croisé sur ce qui se vit et
s’échange.
L’atelier des parents a le souci constant d’être créatif et innovant en termes de propositions
aux parents, tout en étant ouvert aux suggestions de ces derniers.
Depuis sa création, il s’est ainsi diversifié dans son contenu, dans ses différents supports
d’expression et de partage. À l’origine, nous avions des temps d’échanges à partir des propos
émis par les parents, c’est-à-dire leurs préoccupations et les difficultés rencontrées avec leur
enfant dans leur vie de tous les jours. Ensuite, nous avons et continuons d’utiliser des items du
jeu «Chemins de parents» destiné aux parents, élaboré par l’école des parents, pour en arriver
aujourd’hui à utiliser des extraits de revues et/ou d’émissions télévisées (à la demande de certains parents) comme support aux discussions. Les parents qui participent, régulièrement ou
pas (il n’y a aucune contrainte quant à la participation), semblent satisfaits de ces supports
diversifiés. En effet, même s’ils se retrouvent dans les questions ou réflexions, il semble qu’ils
parviennent davantage à se décentrer de leur vécu quotidien, à s’interroger et à réfléchir
autrement.
8 HOUZEL, D., Les enjeux de la
parentalité, Édition Erès, 2001
Par ailleurs, le journal de l’atelier des parents, suggestion qui leur a été faite dès le départ, a
trouvé un écho très favorable chez les parents et suscite encore aujourd’hui un vif intérêt de
leur part. Ce journal, destiné à tous les parents, (même à ceux qui ne participent pas à l’atelier
des parents) constitue pour certains une fierté, pour d’autres une reconnaissance : c’est leur
journal ! Il retranscrit, de façon anonyme, les échanges, les questionnements et les réflexions
qui ont lieu une fois par mois pendant deux heures, dans un climat de convivialité, de bonne
humeur et surtout de non-jugement. Il contient aussi des photos, des commentaires de
parents,… provenant des repas que nous savourons ensemble et des sorties, plutôt culturelles jusqu’à ce jour, (au moins deux dans l’année, été et hiver) que nous vivons ensemble. Le
journal, tout comme les temps de repas, ont lieu trimestriellement, au rythme des saisons.
Enfin, en accord avec les parents, un album photo qui s’étoffe lors de chaque repas et sortie est
une trace de la mémoire collective que les parents apprécient de feuilleter et re-feuilleter.
Si les divers rythmes temporels de l’atelier des parents semblent constituer des repères, il
n’en demeure pas moins vrai que la souplesse de fonctionnement est requise.
Avant de clore cet exposé succinct sur l’atelier des parents, nous ne pouvons pas faire l’impasse sur l’évaluation nécessaire et indispensable de ce type d’outil. À l’issue de chaque
séance, nous prenons un temps pour échanger nos points de vue et identifier les sujets abordés. Ensuite nous tenons un cahier dans lequel nous retraçons les grands thèmes discutés ;
nous notons aussi qui sont les participants (père, mère, beaux-parents, sans aucun nom) et
leur nombre. Ce cahier est pour nous une sorte de mémoire écrite importante, surtout lorsque
nous procédons à une évaluation qualitative, au moins deux fois dans l’année. Nous avons
choisi comme référentiel les trois axes de la parentalité définis par Didier HOUZEL8. Si au tout
début, nous pensions qu’il nous serait plus difficile d’«évaluer» l’axe de l’expérience de la
parentalité, il s’avère aujourd’hui qu’il n’en est rien.
À titre d’exemple, à ce jour, nous pouvons affirmer qu’au fil des rencontres et des différents
temps de partage, l’atelier des parents participe à une certaine restauration narcissique chez
La parentalité : regards pluriels
des parents meurtris par les situations vécues, isolés pour différentes raisons dans un ressenti
de disqualification et un sentiment de culpabilité. Cette même restauration peut contribuer à
relancer la dynamique du désir et une certaine confiance dans l’avenir. Si elle n’est pas l’objet
premier de l’atelier des parents, elle naît de la rencontre avec d’autres parents, rencontre qui
peut refléter la connivence, la reconnaissance, la complicité, tout en respectant la singularité
de chacun.
Quelques propos de parents : «c’est difficile de venir au début et puis après, ça cogite dans la
tête, on en reparle,… ça fait du bien et ça fait réfléchir» ; «je suis pas aussi nulle que ma famille elle
le dit» ; «prendre du temps sans les enfants, même si on pense à eux, ça fait du bien,… et puis c’est
aussi pour eux et nous» ; «voir d’autres parents qui ont aussi des soucis, ça me rassure, je ne suis
pas tout seul»…
Par Béatrice COTTON
Psychologue clinicienne auprès d’adolescents et de leurs parents dans une MECS
et responsable de l’atelier des parents de cette même MECS
67
68
bl
Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratif
Être parent avec une
déficience intellectuelle
Depuis quelques années, apparaissent progressivement des situations de parentalité chez
des personnes avec une déficience intellectuelle. Les facteurs d’apparition et de développement de ces situations sont multiples et l’émergence de ces situations de parentalité est en
lien avec les nouveaux modes de vie et de socialisation de ces personnes. Au-delà des difficultés inhérentes à leur déficience, il semble possible d’affirmer qu’un certain nombre sont en lien
avec le regard porté sur ces personnes et les représentations sociales souvent négatives et
incapacitaires qui pèsent sur elles. À partir d’une meilleure connaissance de ces familles et du
devenir de leurs enfants, des perspectives de recherche et d’accompagnement social pourraient voir le jour afin de favoriser et de partir des compétences de ces familles.
1 http://colloque.padi.free.fr/lab
oratoire.htm
La première partie de cette communication permettra, de manière synthétique, de se repérer dans les recherches menées depuis 25 ans concernant les habiletés, incapacités des personnes déficientes intellectuelles en situation de parent ainsi que les soutiens qu’ils reçoivent.
La deuxième partie proposera une synthèse des résultats de l’enquête nationale1 menée
en France par le groupe de recherche Parents Avec une Déficience Intellectuelle (PADI) en
2005. Ceux-ci contribueront à répondre à la question : qui sont les parents avec une déficience
intellectuelle ?
Éléments de contexte
Le contexte révèle un paradoxe de taille entre les facteurs d’émergence de parentalité des personnes avec une déficience intellectuelle et l’impensé de cette question en France aujourd’hui.
La parentalité chez les personnes avec une déficience intellectuelle n’est pas un fait nouveau, elle existe depuis des décennies. Cependant, la fréquence de ces situations augmente.
Les professionnels des services d’accompagnement, ou qui travaillent en relation avec ces
personnes, soulignent la fréquence importante du désir de parentalité chez ces adultes. Evidemment, tous ne s’engagent pas dans un projet de procréation, mais cette question de la
projection filiale est un sujet de préoccupation fréquemment évoqué. Les facteurs d’émergence de ces situations de parentalité semblent de trois ordres :
≥ Des
facteurs d’ordre politique
Nous sommes passés progressivement, en France, d’une situation de ségrégation des personnes handicapées à une volonté d’intégration. Ceci s’est traduit par une évolution dans la
manière de penser, de nommer et de mettre en œuvre les pratiques éducatives ou d’accompagnement de ces personnes. La loi de 1975 inscrit, comme une obligation nationale, l’intégration (scolaire, sociale, professionnelle…) des personnes handicapées, la loi de 2002 renforce la notion d’acteur chez ces personnes et leurs droits, la loi de 2005 confirme ce processus en intégrant la notion de compensation. S’intégrer dans un environnement amène les
personnes à en adopter les normes dominantes de vie (avoir une voiture, des loisirs, vivre en
couple, avoir des enfants…)
≥ Des
facteurs d’ordre social L’espérance de vie et les conditions de vie ont beaucoup progressé en France depuis
La parentalité : regards pluriels
30 ans, y compris pour les personnes avec une déficience intellectuelle, favorisant des désirs
de filiation plus importants.
≥ Des
facteurs d’ordre éducatif
Les projets institutionnels et aussi les pratiques éducatives auprès d’enfants et d’adolescents en établissement mettent l’accent, depuis plus de 20 ans, sur des notions comme l’autonomie, l’épanouissement et la socialisation. Ces pratiques quotidiennes représentent l’opérationalisation des intentions politiques. Ainsi, dans les établissements spécialisés, la pédagogie a consisté à faire en sorte qu’enfants et adolescents exploitent mieux, et davantage, leurs
capacités notamment sur le plan de l’autonomie (déplacements, vie quotidienne, choix en
matière d’habillement…). Ces éléments ont contribué à l’émergence progressive de désirs de
vivre comme «tout le monde».
Un des paradoxes notables quant aux situations de parentalité est qu’elles sont très souvent évoquées par les professionnels de l’accompagnement et que très peu d’écrits ou de
recherches sont consultables en langue française sur cette question.
Ce fait est à mettre en relation avec une forme d’impensé de cette parentalité et de la procréation des personnes déficientes intellectuelles. Les textes de loi (loi de 75, loi 2002-2, loi de
2005), les nombreux textes favorisant l’intégration, les processus de normalisation, le développement des médias n’ont, semble t-il, pas eu raison des tabous autour des questions de
procréation des personnes avec une déficience intellectuelle.
Il suffit, pour s’en convaincre, de lire les nombreux travaux de N.DIEDERICH tant sur les
oubliés de la prévention que sur la procréation. À cet égard, même s’ils datent un peu, les travaux d’Alain GIAMI mettant en évidence les figures «monstrueuses et angéliques» des personnes handicapées sont encore aujourd’hui tout à fait éclairants.
1. Les données descriptives internationales
La plupart des études publiées en Amérique du Nord (États-Unis et Canada) porte sur des
publics repérés comme étant en difficulté (notion de population clinique) et, à ce titre, suivis
par des organismes de protection de l’enfant pour des raisons de négligence ou d’incompétence parentale.
La plupart du temps, ces études soulignent les difficultés importantes de personnes aux
prises avec une pratique parentale qui s’avère problématique. Cette réalité amène à sous-estimer le niveau de capacités de la moyenne des parents avec une déficience intellectuelle. En
effet, un certain nombre de parents ne sont pas aidés, accompagnés, suivis en raison de l’absence de difficultés. Ces parents, et cela parait rassurant, ne peuvent être pris en compte dans
ces recherches puisque, pour des raisons éthiques, on ne peut tester des familles sur le plan
du Q.I pour construire des populations de référence. Nous courons donc le risque d’être aux
prises avec un phénomène que les travailleurs sociaux connaissent bien qui est le biais du
professionnalisme.
De nombreuses études portent sur des échantillons réduits et l’on peut s’interroger sur les généralisations de résultats à une population plus vaste. Elles s’intéressent à des familles dans lesquelles
l’enfant (ou les enfants) est très jeune. RAY2 et WHITMAN3 soulignent le faible pourcentage d’enfants dont l’âge est supérieur à 10 ans. Plusieurs explications peuvent être avancées : la récence de
la parentalité (plus précisément de son importance quantitative) ou l’évolution du nombre de placements augmentant avec l’âge. Il en ressort que très peu d’éléments de connaissance s’avèrent
disponibles au sujet des pratiques parentales avec des adolescents.
Peu d’études recensent les besoins et limites des Parents Avec une Déficience Intellectuelle
2 RAY, N.K et al, 1994, Understanding the parents who are
mentally retarded : guidelines for
family preservation programs –
Child welfare league of America
73 (6), 725-742
3 WHITMAN, B.Y, 1987, Mentally
retarded parents in the community: Identification method and
needs assessment survey. Àmerican journal of Mental Deficiency,
91 (6), 636-638
69
70
bl
Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratif
(PADI). Certains aspects semblent mieux connus car mieux étudiés, tels les soins apportés à l’enfant
en bas âge. En revanche, les dimensions comme l’attachement et la sensibilité parentale sont peu
étudiés en dépit de l’importance considérable qu’ils revêtent dans la qualité des interactions
parents-enfant. Il est également à signaler que les recherches dans lesquelles l’objet d’étude est le
père sont excessivement rares. L’immense majorité des travaux porte sur les mères.
WHITMAN, B.Y, ACCARDO, PJ,
1990 : when a parent is mentally
retard : Baltimore : Brookes
4
ZETLIN, B.Y, A.G., WEISNER, T.S,
GALLIMORE, R. 1985– Diversity,
shared functioning, and the role
of benefactors : A study of parenting by retarded persons
6 KELTNER, B (94) : Home environments of mothers with mental retardation – Mental retardation, 32 (2), 123 - 127
7 FEDMAN et AL, 1993. Effectiveness of home-based early
intervention on the language
development of children of
mothers with mental retardation.
Resarch in Developmental Disabilities, 14, 37-408
5
De nombreuses études focalisent sur les limites intellectuelles et leurs conséquences dans
le cadre des pratiques parentales. Il est peu fréquent d’observer la prise en compte de facteurs environnementaux de première importance. Ainsi WHITMAN et ACCARDO4 montrent
que la pauvreté, l’absence de modèles parentaux adéquats, l’ignorance de ressources disponibles dans l’environnement, des expériences de vie limitées (en lien avec l’institutionnalisation), la peur de se voir retirer ses enfants ou d’être jugé par les regards extérieurs, ont une
influence considérable sur les pratiques parentales.
Quelques rares recherches réalisées à partir de parents non suivis par des organismes de
protection proposent une comparaison : ZETLIN5 puis KELTNER6 montrent que les difficultés
massives et fréquentes rencontrées avec des parents avec une déficience intellectuelle suivis
ne se retrouvent pas systématiquement. Ils observent une grande dispersion entre des situations tout à fait comparables à celles rencontrées dans des familles ordinaires jusqu’à des
situations de familles totalement dépendantes de leur environnement notamment familial.
FELDMAN7 est celui qui a le plus travaillé sur cette question depuis 20 ans. Ses recherches
ne se focalisent pas seulement sur les capacités des personnes mais prennent en compte de
nombreuses variables ayant une influence supposée sur les habiletés parentales d’une part et
sur le développement de l’enfant d’autre part. Il note que, depuis 20 ans, la majorité des
études, en Amérique du Nord, se sont focalisées sur les capacités d’apprentissage des parents,
les phénomènes de maltraitance et de négligence et la mise en relation de ces caractéristiques avec le développement des enfants. Il insiste pour ne pas réduire les difficultés éventuelles des parents à la déficience mais de prendre en compte l’environnement au sens large
(histoire, soutiens, santé, stress, capacités…)
Les recherches publiées peuvent être classées en 4 catégories majeures : la parentalité et le
stress, les compétences parentales, les abus et négligences et les soutiens.
Parentalité et stress
8 ABIDIN, R., 1990. Parenting
Stress Index. Short Form. Test
Manual. Charlottesville, VA : University of Virginia.
9 THYMCHUCK A.J, 1992 : Predictary adequacy of Parenting by
people with mental retardation,
child abuse and neglect, 16 pp
165-178
Le stress parental (ABIDIN8) et la dépression sont des aspects souvent étudiés et de nombreuses analyses soulignent l’influence du stress sur les habiletés parentales. Il existe des
études controversées sur ce sujet mais la plupart mettent en évidence un niveau de stress
supérieur pour les Mères Avec une Déficience Intellectuelle (MADI) en comparaison de Mères
Sans Déficience Intellectuelle (MSDI). Le niveau de stress influe sur le style d’interventions
mises en place par les parents et en particulier les mères. Une étude comparative à partir de
82 MADI (dont le QI se situe entre 57 et 80) témoigne de vécus de stress parental significativement supérieurs aux MSDI.
L’augmentation du stress parental est corrélée positivement à l’augmentation de l’âge des
enfants et notamment leur intégration à l’école primaire avec les apprentissages scolaires de
base. Le nombre d’enfants présents à la maison semble également en lien avec l’augmentation du stress. Une étude (TYMCHUCK9) montre, à partir d’un échantillon de 33 MADI, que la
moitié de ces mères se sentent découragées et que, dans le même temps, elles ont une faible
estime d’elles-mêmes. Une autre étude réalisée auprès de 27 MADI montre que ces dernières
ont une perception plus négative d’elles-même que des mères ne présentant pas de défi-
La parentalité : regards pluriels
cience intellectuelle. Près de 46% des mères sont dans un niveau de stress critique qui les
amène à percevoir leur situation personnelle comme éprouvante.
Les auteurs soulignent que la plupart des problèmes vécus par les MADI peuvent, au-delà
des questions de déficience intellectuelle, être en lien avec une détresse psychosociale. La
plupart des études concernant le stress parental et l’aide montrent l’existence d’une corrélation positive entre les deux. Le stress semble baisser lorsque des aides sont proposées en particulier si ces aides correspondent à l’expression des besoins de la personne. À ces conditions,
l’aide est inductrice de baisse de stress et améliore les conditions d’éducation des enfants.
En conclusion, ce point semble particulièrement central au regard des habiletés parentales.
Les incapacités intellectuelles vont limiter les habiletés cognitives mais aussi sociales et adaptatives, ce qui va générer un stress chez les parents. La pauvreté, l’absence d’un conjoint et l’isolement social vont représenter des circonstances aggravantes en matière de stress. Les parents
vont éprouver un sentiment d’incompétence qui est souvent renforcé depuis leur enfance et
qui va s’appliquer aux interactions pour lesquelles ils ont des responsabilités à savoir la pratique parentale. Il s’agit d’un cercle renforçant : l’augmentation du stress renforce le sentiment
d’incompétence qui contribue à maintenir un niveau élevé de stress.
Les compétences parentales
Dans un écrit sur l’état de la question des compétences parentales chez les personnes présentant des incapacités intellectuelles, les auteurs (ETHIER, BIRON, BOUTET et RIVEST10) tentent un bilan exhaustif des connaissances au regard de cette question. L’étude des publications montre que ces personnes éprouvent de grandes difficultés à assurer leur rôle de parent
et que leurs enfants présentent de sérieux retards de développement. Le texte propose la
mise en évidence des multiples déterminants de la compétence parentale et l’importance du
soutien social. Les dimensions mettant en évidence des problèmes dans les études récentes
sont multiples. L’une des difficultés essentielles semble exister dans le domaine des interactions mère-enfant.
Des études précises révèlent les points suivants :
≥ une absence d’interactions en particulier positives avec l’enfant est souvent observée
(FELDMAN, SPARKS et CASE11). Les MADI sont moins engagées, plus restrictives et punitives
que les mères sans incapacité (FELDMAN, CASE, TOWNS et BETEL12).Une faible capacité à
prendre des décisions efficaces ou à résoudre des problèmes est constatée (TYMCHUK,
ANDRON et RAMBAR13) de même qu’une faible capacité à agir en situation d’urgence ou à
reconnaître les indices d’une maladie (TYMCHUK, ANDRON14).Un faible niveau d’échanges
verbaux, de contacts sociaux et une stimulation peu fréquente caractérisent ces familles en
comparaison de familles sans incapacité (FELDMAN, WALTON-ALLEN15) ;
≥ les
interactions mère-enfant dans les activités ludiques ont été particulièrement étudiées
(KELTNER16). Elles mettent en évidence, chez les MADI, des comportements ou attitudes
spécifiques : des connaissances faibles sur les jeux, leur fonctionnement, leur intérêt dans
l’éducation de leur enfant, un renforcement moindre de leur enfant socialement, une participation moindre dans les interactions avec leur enfant (pendant les jeux) et des interactions moins variées ;
≥ enfin, une
utilisation moindre du langage et du contact visuel.
Même si le tableau peut paraître sombre, il est important de rappeler le contexte de
recherche, précisé au début de cet article, à savoir que les parents étudiés sont tous suivis par
1 0 ETHIER L.S, BIRON, C., BOUTET, M., RIVEST, C., 1999. Les compétences parentales chez les personnes présentant des incapacités intellectuelles : état de la
question. Revue francophone de
la déficience parentale, volume
10, numéro 2, 109-124
1 1 FELDMAN, M.A., L. CASE, et
B. SPARKS 1992 : Effectiveness of
child : care training program for
parents at risk for child – Canadian Journal of behavioral
science, vol 24, n° A, 14-28
1 2 FELDMAN, M.A, L.CASE, F.
TOWNS et J.BETEL, 1985, Parent
education project I : development and nurturance of children
of mentally retarded parents –
American journal of Mental Deficiency – vol 90 n°3 – 253-258
1 3 THYMCHUCK A., ANDRON
L, RAHBAR B : Effective decision
making problem salving training
of mothers who have mental
retardation. Revue American
Journal of Mental Retardation
1988, 92
1 4 THYMCHUCK A., ANDRON
L : Clinic and home parents training of a mother with mental
handicap carrying for 3 children
with developmental delay. Revue
Mental Handicap Reseach 1990-1
1 5 FELDMAN, M.A, et WALTON
– ALEN 1997, Effects of maternal
mental retardation and poverty
on intellectual, academic and
behavioral status school – age
children. Àmerican Journal of
Mental Retardation, vol 101, n°4,
354-364
1 6 KELTNER, B.R, 1992, Caregiving by mothers with mental
retardation. Family and Community Health, 15, 10 18
71
72
bl
Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratif
CRITTENDEN, P, 1988,
Family and dyadic patterns of
functioning in maltreating families. In : K. Browne, C. Davies et
Stratton (Eds), Early Prediction
and Prevention of Child Abuse.
New York : John Wiley et Sons
1 8 PLANTA, R., EGELAND, B.,
ERICKSON, M.F, 1989. The antecedents of maltreatment : Results
of the Mother-child Interaction
Research Project. : D. Cicchetti &
V. Carlson (Eds), Child Maltreatment Theory and Resarch on the
Causes and Consequences of
Child Abuse and Neglect, 203253. New York : Cambridge University Press
1 9 ETHIER, L.S, BIRON, C.,
PINARD, P., GAGNIER, J.P.,
DESAULNIERS R. 1998, Réussir en
Négligence, Edité par le groupe
de recherche en développement
de l’enfant et de la famille et les
Centres jeunesse Mauricie/BoisFrancs, Trois-Rivières
2 0 GUAY, F., ETHIER, L.S., PALACIO-QUINTIN E., et BOUTET M. ,
1997, L’impact de la déficience
intellectuelle sur la problématique de la négligence parentale.
Revue Européenne du Handicap
Mental, 3-15
2 1 WHITMAN, B.Y, 1987. Mentally retarded parents in the
community: Identification
method and needs assessment
survey. Àmerican journal of Mental Deficiency, 91 (6), 636-638
2 2 CRITTENDEN, P.M et BONVILLIAN, J.D, 1984, The relationship between maternal risk status and maternal sensitivity.
Àmerican Journal of Orthopsychiatry, 54, 250-262
2 3 ETHIER, L.S, C.BIRON, M.,
BOUTET, et C. RIVEST, 1999. Les
compétences parentales chez les
personnes présentant des incapacités intellectuelles : état de la
question. Revue francophone de
la déficience intellectuelle, vol.19,
n°2, 109-124
2 4 CUMMINGS, E.M et CICCHETTI, D, 1990, Attachement,
depression, and the transmission
of depression. In: M.T Greenberg,
D. Cicchetti & Cummin (eds),
Attachment during the preschool years, 339-372. Chicago :
University of Chicago Press
2 5 LACHARITE et AL (1996),
The influence of partners on
parental stress of neglectful
mothers. Child Abuse Review.
5,18-33
17
des services de protection de l’enfant en raison de difficultés identifiées.
D’autre part, les difficultés identifiées ne se cumulent pas chez tous les parents. De nombreuses imprécisions, hésitations, décalages ou manques dans les savoirs, savoir-faire et
savoir-être révèlent un manque d’apprentissage à mettre en lien, de mon point de vue, non
seulement avec leurs difficultés à ce niveau mais aussi à l’impensé de ces situations.
Les abus et négligences
De nombreux auteurs considèrent qu’un faible niveau intellectuel du parent représente un
risque d’abus ou de négligence (CRITTENDEN17 ; PIANTA ; EGELAND et ERICKSON18; ETHIER,
BIRON, PINARD, GAGNIER, DESAULNIERS19). Les parents ayant des incapacités intellectuelles
peuvent être confrontés à des situations de négligence (GUAY, ETHIER, PALACIO-QUINTIN et
BOUTET20). Plusieurs études sur des échantillons réduits montrent qu’un pourcentage
important d’enfants de PADI est placé. Une étude importante, à partir de 388 parents de la
ville de St Louis (WHITMAN21), précise que 45% des enfants sont placés.
La négligence parentale se définit comme le résultat conjugué de plusieurs facteurs de
risque : les limites cognitives telles que décrites précédemment semblent être un paramètre
important à prendre en considération. La pauvreté matérielle et aussi sociale représente un
autre facteur de risque non négligeable. Le fait d’avoir été soi-même victime d’abus ou de
négligence et marqué par une absence de figure d’attachement influe également (CRITTENDEN22, ETHIER23). Un certain nombre de difficultés de vie telles la dépression, l’anxiété, les
addictions constituent également des facteurs de risque (CUMMINGS et CICCHETTI24). Enfin
les familles négligentes se distinguent également par leur style de vie désorganisé et leur
niveau de stress très élevé (LACHARITE et al25). Les attentes irréalistes et une faible connaissance des besoins de l’enfant (ERICKSON et EGELAND26) sont également observables dans
ces situations. Toutes ces caractéristiques sont en lien assez étroit d’une part avec les histoires
de vie difficiles, voire chaotiques, de nombreux parents avec une déficience intellectuelle.
Les études concernent toutes des «échantillons» de parents qui manifestent déjà des difficultés dans leur rôle parental et qui ont demandé, ou à qui on a procuré, des aides diverses.
Par ailleurs, les attentes souvent négatives envers ces parents avec une déficience intellectuelle sont parfois suffisantes pour qu’il y ait soupçon d’incompétence parentale (FELDMAN
et AL27), voire même, pour justifier le placement (FELDMAN et AL28). Ces parents sont davantage susceptibles de voir leurs enfants placés sous la seule présomption d’une incapacité
parentale (TYMCHUK et FELDMAN29).
Les soutiens
Il s’agit d’un domaine qui a été beaucoup étudié par les chercheurs. Une recension des
publications concernant les programmes de formation aux habiletés parentales a été réalisée
par M.AUNOS30 (2003).
Elle souligne que la majorité des programmes a généré des résultats positifs sur le plan de
l’acquisition et du maintien de nouvelles habiletés favorisant les compétences parentales. Un
grand nombre de difficultés citées précédemment peut être atténué par des soutiens proposés aux parents. L’ensemble des études montre que cet accompagnement produit des effets
positifs, a fortiori si le parent présente des caractéristiques particulières telles la perception et
surtout l’acceptation du soutien reçu.
L’origine du soutien est de trois ordres : le plus important provient des membres de la
famille des PADI (réseau de type 1) et en particulier de la mère de la mère. En 2e lieu, il provient
La parentalité : regards pluriels
du conjoint (réseau de type 2), et enfin des professionnels issus de services d’aide, de soutien
ou d’accompagnement (réseau de type 3).
Au-delà du soutien objectif, fourni par les différents membres du réseau, la perception du
soutien a des effets positifs sur l’apprentissage de compétences et sur la baisse du niveau de
stress qui, comme nous avons pu le voir précédemment, est un paramètre inducteur de difficultés et renforcé par ces mêmes difficultés. Deux études mettent en évidence un décalage
entre les besoins estimés par les PADI et ceux estimés par les professionnels (LLEWELLYN31,
WALTON-ALLEN et FELDMAN32).
Les mères interrogées pensent bénéficier de trop de services en ce qui concerne les soins
et de services corrects en rapport avec les tâches domestiques. Les services en termes de
développement d’habiletés sociales, de connaissances du développement des enfants et
d’informations (ou de stratégies) quant à la gestion du comportement et de la discipline sont
perçus comme insuffisants. Enfin, le type de représentation sociale des intervenants du
réseau social semble jouer un rôle majeur dans les résultats observés (TUCKER et JOHNSON33). Un réseau de soutien, qui tend à redonner du pouvoir aux parents et à les rendre
autonomes, semble être le plus adéquat tant en termes d’efficacité que de conception de
soutien proposé. Lors de la naissance de l’enfant, les mères ont tendance à se percevoir
comme moins compétentes que les autres mères. Ceci est dans la même tonalité que l’étude
menée par notre groupe de recherche PADI en 1998 sur l’obéissance. Nous avions interrogé
des professionnels au sujet des difficultés rencontrées par les mères dans les interactions
parentales et l’obéissance s’avérait une dimension qui posait problème pour environ la moitié des mères accompagnées. La même question posée aux mères mettait en évidence que
toutes se sentaient en difficulté avec l’obéissance ! Le niveau d’exigence et la confiance en soi
peuvent expliquer cette différence de perception.
L’évaluation des programmes de formation témoigne de capacités d’apprentissage réelles
aux habiletés parentales des PADI. Les programmes divers se réalisent à partir d’instructions
verbales, de pictogrammes et de démonstrations. Les publications relatives aux formations,
qu’elles soient en lien avec la nutrition, les interactions ludiques, le respect des règles, la sécurité domestique, les prises de décision, la prévention des mauvais traitements et des négligences attestent toutes des améliorations notables à la suite des formations. Les études
mesurant les effets à moyen terme montrent la permanence des acquis. Cette dimension
concernant les soutiens et formations parentales permet d’envisager les situations de parentalité d’un point de vue moins inquiétant dans la mesure où un certain nombre de difficultés
peuvent être évitées, atténuées, prévenues par des pratiques de formation et d’accompagnement adaptées aux besoins des parents.
2. Résultats d’une étude nationale
2 6 ERICKSON, M.F, et EGELAND, B., 1996, Child neglect, in :
J.Briere, L.Berliver, J.A Blkley,
C.Jenny, & T.Reed (Eds), The
APSAC Handbook on Child
Matreatment. Àmerican Society
in the abuse of child : Sage Publications
2 7 FELDMAN et AL, 1992. Teaching child-care skills to parents
with developmental disabilities.
Journal of Applied Behavior Analysis, 25, 205-215
2 8 FELDMAN et AL, 1993.
Effectiveness of home-based
early intervention on the language development of children
of mothers with mental retardation. Research in Developmental
Disabilities, 14, 37-408
2 9 THYMCHUK, A.J et FELDMAN, M.A, 1991, Parents with
mental retardation and their children : Review of research relevant to professional practice.
Canadian Psychology/Psychologie Canadienne, 32 (3), 486-494
3 0 AUNOS, M., GOUPIL, G.,
FELDMAN, M., 2002, Les mères
présentant une déficience intellectuelle : une recension des
écrits. Revue des sciences
humaines et sociale
3 1 LLEWELLYN, G. (1995) Relationship and social support :
views of parents with mental
retardation/intellectual disability.
Mental Retardation, 33 (6), 349363
3 2 WALTON-ALLEN, N et FELDMAN M.A., 1997, Effects of maternal mental retardation and
poverty on intellectual academic,
and behavioral status of schoolage children. American Journal of
Mental Retardation, 101, 352-368
3 3 TUCKER, M.B, JOHNSON, O,
1989, Competence promoting vs
competence infibulating social
support for mentally retarded
mothers, Human Organization 48
(2) pp 95-107
34
Cette recherche a comme point de départ le croisement des préoccupations des travailleurs sociaux confrontés à des situations de parents avec une déficience intellectuelle et
une absence de recherches d’envergure. Bien souvent, ils ne peuvent fonder leurs hypothèses
de compréhension que sur des données périphériques ou locales. Cette recherche, la première en France de cette ampleur, a donc une visée exploratoire.
Nous avons choisi de solliciter les Services d’accompagnement à la vie sociale (SAVS) directement en lien avec des PADI afin de renseigner les questionnaires.
3 4 Cette recherche a été réalisée par l’équipe du laboratoire
PADI en 2005. Elle a été rendue
possible grâce au soutien financier ou logistique de La Fondation de France, la Caisse nationale des allocations familiales
(CNAF) et l’Ecole Européenne
Supérieure en travail social NordPas-de-Calais (EESTS)
73
74
bl
Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratif
Le critère discriminant pour constituer notre population enquêtée était que les familles
avaient «au moins un des parents reconnu travailleur handicapé» et que ce dernier était accompagné par un service en raison d’une déficience intellectuelle. Le total de questionnaires traités concerne 683 familles et 1060 enfants (144 SAVS sur l’ensemble du territoire).
L’élaboration de l’outil de recueil de données part des représentations de sens commun qui
pèsent sur les parents avec une déficience intellectuelle. Ces représentations sont souvent
«incapacitaires», «invalidantes», «stigmatisantes» et conduisent très souvent les non spécialistes à douter de la possibilité qu’une personne avec une déficience intellectuelle puisse correctement exercer ses fonctions parentales.
Il n’est pas possible de présenter les données complètes de ce rapport et cela serait certainement fastidieux. Le plan de présentation des résultats s’organise en 3 parties :
≥ caractéristiques générales des parents ;
≥ éléments sur les interactions parents-enfants ;
≥ données concernant les enfants, notamment en lien avec la déficience intellectuelle et les
placements.
a. Les parents
Ils se situent sur un spectre large avec une grande majorité de couples (80%) constitués par
deux personnes avec une déficience. 40% des adultes concernés ne bénéficient pas de protection juridique, leurs ressources mensuelles moyennes (traitements et salaires confondus)
sont de l’ordre de 1000 ¤ par personne. La plupart des parents ont accédé à une scolarité primaire et plus de 20% d’entre eux sont allés au collège. Une majorité nette de parents semble
ne pas avoir bénéficié de stabilité, ni avoir été bien traités physiquement durant la période de
développement. Enfin, les conditions de vie, en l’état de l’exploitation des résultats, se démarquent essentiellement par des situations professionnelles en milieu protégé (64% des mères
et 59% des pères).
Les ressources sont modestes, notamment pour les parents vivant en situation monoparentale. Le mode de déplacement privilégié n’est pas la voiture, ce qui représente une spécificité. La déficience intellectuelle se définit, en partie, par un fonctionnement intellectuel
significativement inférieur à la moyenne. Cette situation a pour conséquence de présenter
des limites sur le plan cognitif (attention, apprentissage, généralisation, résolution de problèmes…) mais aussi non cognitif (motivation, estime de soi, attribution causale…). La faible
capacité de juger semble représenter le problème majeur (anticipation des conséquences,
décodage des conventions sociales).
Sur le plan social, les situations des PADI laissent apparaître des réalités désavantageuses
(faibles revenus, emplois précaires, conditions de pauvreté, nombreuses aides sociales). Ces
situations, ajoutées aux limites cognitives et à une vulnérabilité émotionnelle, génèrent un
contexte parfois difficile.
b. Les interactions parentales Au-delà des caractéristiques des adultes et des couples, cela nous intéressait de mieux
connaître la pratique de la parentalité principalement à partir des interactions parentales.
Si les données relatives aux parents se révèlent accessibles par l’accès aux informations
administratives du dossier, nous entrons ici dans un domaine où les données recueillies sont
observées par les travailleurs sociaux au risque de projections et de représentations sociales.
La parentalité : regards pluriels
Nous avons en effet montré lors de recherches antérieures que, parfois, les exigences des
travailleurs sociaux se révélaient plus importantes pour des personnes en difficulté parce
qu’il pouvait y avoir un risque.
Nous avons appelé cela le processus d’hypernormalisation. Tout se passe comme si, parce
qu’il y a des difficultés potentielles (effet d’attente), le niveau d’exigence devait être supérieur
(ceci créant un effet de stress sur les personnes observées et renforçant les difficultés potentielles).
Au regard de cette précaution, il nous semble donc légitime de relativiser les données suivantes.
Nous avons tenté d’approcher quelques activités éducatives majeures dans lesquelles s’organisent l’implication et les interactions des parents avec leurs enfants. La première observation est qu’il existe de nombreuses interactions entre les parents et les enfants. Les mères sont
beaucoup plus investies que les pères dans l’éducation des enfants ce qui ne représente pas,
loin s’en faut, une spécificité (a fortiori avec des enfants souvent jeunes). 93% des parents sont
en possession à la maison de jouets adaptés à l’âge de l’enfant.
Dans 91% des situations, les mères communiquent avec leur enfant (contre 67% pour les
pères). Sur le plan du jeu, 66% des mères ont des interactions ludiques avec leur enfant contre
47% des pères. La participation est massive mais tout de même partielle. Cela pourrait confirmer l’idée régulièrement évoquée selon laquelle les PADI ne jouent pas ou plutôt ne savent
pas jouer avec leur enfant.
L’activité d’aide aux devoirs se révèle la moins investie. En effet, seules 26% des mères
aident aux devoirs et le pourcentage tombe à 10% pour les pères. Il y a évidemment une difficulté inhérente aux caractéristiques cognitives des parents : la majorité d’entre eux ne participe pas à cette activité qui, bien souvent, les dépasse. Il est à noter que l’activité «devoirs» se
réalise en lien étroit avec un tiers dans 71% des situations (9% pour la fratrie). Il y a donc là une
suppléance parentale importante.
Les attitudes éducatives au quotidien concernent les réactions des parents sur des décisions
du quotidien concernant l’enfant, c’est-à-dire en lien avec le contrôle alimentaire, les maladies ou
face aux dangers domestiques. Il s’agit toujours, bien évidemment, de réactions appropriées aux
yeux des travailleurs sociaux de référence. Les réponses confèrent à la mère une plus forte fiabilité sur ces activités, que ce soit dans le domaine du contrôle de l’équilibre alimentaire de l’enfant
(72% des mères contre 24% des pères), en cas de maladie de l’enfant et face aux dangers domestiques (75% des mères contre 40% des pères).
Les difficultés supposées ou réelles des PADI dans leurs rapports aux enfants, qu’il s’agisse de leur
implication quantitative ou de leurs capacités d’autonomie, ne diffèrent pas radicalement de celles
que connaissent les parents ordinaires. Il ne semble pas y avoir d’activités ou d’interactions posant
un problème spécifique et massif (excepté peut-être l’aide aux devoirs). Simplement, et c’est sans
doute là un acquis de cette étude, la déficience intellectuelle paraît alourdir ces difficultés.
c. Les enfants
Point focal des discours de sens commun tenus sur les familles PADI, la situation de l’enfant né
dans une telle famille est l’objet de questionnements inquiets et de pronostics plutôt négatifs.
Lorsque l’on examine les discours sur l’enfant, on découvre transversalement un propos
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Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratif
systématiquement teinté de fatalisme. Ainsi, on entend dire du futur enfant qu’il sera «forcément handicapé», soit à la naissance, soit au fil d’un développement qui ne manquera pas
d’être problématique. Et quand bien même il «serait normal», tôt ou tard, le retrait et le placement semblent s’imposer comme une fatalité indépassable.
Age de l’enfant :
Les enfants de PADI recensés dans notre enquête ont entre 0 et 40 ans.
Le graphique suivant montre la répartition des âges.
Valeur modale : 1 (n=1) ; Médiane entre 7 & 8 ; Moyenne 8.52, écart-type 6.53
Un enfant sur deux a moins de 8 ans, c’est-à-dire qu’il y a autant d’enfants de 0 à 8 ans que
d’individus de 8 à 40 ans. Cela signifie que la moitié de l’échantillon est composé d’enfants
jeunes souvent d’âge préscolaire ou qui sont scolarisés en début de primaire.
Cela signifie également que les huit dernières années semblent avoir été très «propices» à
la naissance d’enfants de PADI (avec un doublement du nombre d’enfants depuis 4 ans).
Cette donnée va dans le même sens que les discours des travailleurs sociaux à propos de
l’expression de plus en plus fréquente du désir d’enfant chez les personnes déficientes intellectuelles et de la réalisation de ce désir.
Les enfants de PADI et la déficience intellectuelle
83% des enfants de notre échantillon (1060) n’ont pas de reconnaissance de handicap. Cela
signifie que 17% ont cette reconnaissance, qui s’avère très supérieure à ce qu’on observe ordinairement, mais infirme dans le même temps l’idée que tous les enfants nés de PADI sont
déficients intellectuels.
Autre constat : les données à notre disposition montrent que 68% des enfants sont scolarisés. Il peut paraître surprenant d’obtenir un chiffre si faible mais ceci est à mettre en lien avec
le nombre important d’enfants dont l’âge est inférieur à 3 ans et qui ne sont donc pas concernés. Parmi les enfants scolarisés, les résultats de l’enquête sur le dernier type d’établissement
fréquenté laissent apparaître que 63% des enfants ont une scolarité ordinaire.
Là encore, ces données contredisent l’idée que les enfants de PADI sont tous déficients
intellectuels à la naissance, même si presque un tiers d’entre eux sont dans un cursus de scolarité spécialisé en référence à des difficultés constatées (au moins sur le plan scolaire).
Les enfants de PADI et les placements
Ce que nous donnent à voir les résultats enregistrés sur la variable «placement de l’enfant» est que la majorité des enfants (67,2%) n’est pas placée et vit avec ses parents. L’idée
que les enfants de PADI sont placés à la naissance ou après (en institution ou en famille d’accueil) est contredite. Ceci étant, quand on rapporte le nombre d’enfants de PADI placés au
nombre d’enfants de parents ordinaires placés, on observe une différence significative
La parentalité : regards pluriels
(32,77% contre 0,16% significatif à .01 au test X²).
Dit autrement, même si une large majorité d’entre eux ne le sont pas, les enfants de PADI
sont davantage en situation de placement que les enfants de parents ordinaires.
3. Les perspectives Il parait fondamental de mettre en œuvre des pratiques d’accompagnement, sur le mode
de la formation en alternance. L’alternance permet d’utiliser une pédagogie plus accessible
aux personnes déficientes intellectuelles que l’instauration d’un enseignement. L’alternance
permet d’amener des savoirs et de les articuler à une pratique (mises en situation, projections
de films, rencontres d’autres parents…) et à partir de cette pratique d’acquérir des savoirs. Ce
mode d’apprentissage correspond davantage à des personnes ayant des difficultés cognitives (attention, mémorisation, résolution de problèmes…), parce que s’appuyant sur des
situations concrètes. La perspective de formation signifie que, sans laisser de côté la dimension d’acquisition de savoirs formels, de savoir-faire techniques et de pratiques, l’accent doit
être mis sur les savoir-être.
Lorsque le choix d’avoir un enfant a été pris par le couple, il semble essentiel de mettre en
place un accompagnement structuré afin d’éviter que celui-ci soit au centre d’informations
différentes et parfois contradictoires générant la confusion.
Il est parfois surprenant d’observer le nombre de professionnels intervenant auprès de personnes ou de couples, dans des registres divers, et la multiplicité des discours qui leur sont
proposés. Il me semble pertinent qu’un professionnel puisse coordonner les aides dont un
couple peut bénéficier. Au regard des recherches menées et décrites plus haut, il est fondamental d’articuler les aides avec un recueil des besoins exprimés par le couple afin de laisser
les parents dans une position centrale et active, dans un contrat d’accompagnement, condition essentielle de participation, de motivation et de sens.
La mise en place de lieux de parole, sur les questions de parentalité, me semble une piste
féconde. Les quelques expériences menées dans ce sens (HABOURDIN35) mettent en évidence l’investissement important des parents, en particulier des mères. Ces lieux permettent
à des parents, sous la supervision d’un professionnel, d’échanger sur leurs difficultés quotidiennes et existentielles, tant il est vrai que l’arrivée d’un enfant provoque des remaniements
psychiques, plus aisés à vivre s’ils sont verbalisés.
Ils permettent aussi aux parents, et il s’agit d’une dimension très importante, de parler de
leurs capacités et aptitudes, de ce qui fait plaisir et qu’ils réussissent avec leur enfant.
Les effets sont multiples :
≥ favoriser la confiance en soi, dimension qui fait souvent défaut aux mères avec une déficience intellectuelle (en lien souvent avec leur histoire) ;
≥ proposer des étayages ;
≥ rompre l’isolement social ;
≥ faciliter la reconnaissance de la parentalité au sens du regard que l’autre pose sur eux en
tant que parents ;
≥ contribuer à les narcissiser en tant que parent, en revalorisant leur image de personne avec
des compétences, et de parent avant d’être une personne en situation de handicap.
3 5 HABOURDIN, B. 2004. Une
parentalité discréditée : de véritables enjeux d’accompagnement. (Mémoire DSTS non
publié)
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Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratif
Conclusion
Evidemment les professionnels savent la difficulté d’inverser les processus chroniques de
dévalorisation qui conduisent à évaluer les personnes qu’ils accompagnent uniquement en
fonction de leurs incapacités.
Toutefois, de plus en plus d’expérimentations montrent les effets extrêmement bénéfiques
des pratiques qui soutiennent les parents avec une déficience intellectuelle dans la prise de
conscience de leurs compétences et les amènent à une meilleure maîtrise de leur propre destin.
Un travail important a été mené dans des territoires avec des équipes spécialisées dans l’accompagnement de parents. Sans les citer de manière exhaustive, l’exemple des services d’accompagnement à la parentalité des Associations de Parents d’Enfants Inadaptés (A.P.E.I.) du
Nord (Cf. page 79 et suivantes), le travail mené en Loire-Atlantique, notamment à St-Nazaire, et
à Besançon par la Coordination Parentalité (COPA) depuis plusieurs années, mettent en
exergue la pertinence et l’efficience du travail en réseau, condition du sens et de la cohérence.
Une meilleure appréhension des situations de parentalité, du stress parental et du travail
en réseau permettrait d’objectiver les difficultés d’une part et les capacités d’autre part. Elle
contribuerait à renforcer les connaissances des modalités d’accompagnement, non seulement lorsque l’enfant parait, mais également dans la construction d’un projet parental, bien
en amont de la naissance de l’enfant. Cette compréhension contribuerait à rendre optimale
l’éducation d’enfants par des parents avec une déficience intellectuelle.
Par Bertrand COPPIN
Directeur général de l’École européenne supérieure en travail social
Éducateur spécialisé – Psychologue
La parentalité : regards pluriels
Aider à la parentalité
des personnes déficientes
intellectuelles
Confrontées aux situations d’enfants issus de parents avec une déficience intellectuelle mais
aussi de l’aspiration de ceux-ci à vivre comme tout à chacun, en autonomie, en couple, à avoir une
vie affective et sexuelle épanouie, des enfants… et à formuler des projets de vie, les associations
des Papillons Blancs du Nord ont développé depuis 10 ans des services d’aide et d’accompagnement des parents déficients intellectuels, fragilisés dans leur fonction parentale.
Faisant l’objet d’un processus permanent d’évaluation, l’expérimentation a été renouvelée
par convention avec le département du Nord depuis 2002.
S’inscrivant prioritairement dans le champ de la prévention précoce pour des enfants de
moins de 6 ans, sauf dérogation et en complémentarité des autres acteurs ou intervenants
sociaux et médico-sociaux, le projet a pour objet :
≥ de favoriser l’accès aux dispositifs de droit commun en milieu ordinaire notamment auprès des
services du département : démarches individuelles, participation à des actions collectives ;
≥ de développer et valoriser les compétences parentales ;
≥ de soutenir et développer les apprentissages liés à la vie quotidienne ;
≥ de décliner les modalités d’intervention, de mise en commun et de régulation des différents partenaires concernés par l’intervention auprès du ou des parents.
L’accompagnement parental se traduit par :
≥ une aide éducative dans les domaines pratiques liés à la vie quotidienne (entretien domes-
tique, linge, repas, courses, achats de matériel adapté, gestion du budget familial,…) ;
≥ une aide éducative dans le traitement des informations liées à la prise en charge de l’enfant
(soins, sécurité, suivi médical, stimulation sensorielle et cognitive, éducation, petite
enfance, scolarité, exercice de l’autorité parentale…) ;
≥ une aide à la gestion du temps libre et des loisirs ;
≥ un soutien psychologique et relationnel (écoute, appui, présence, accompagnement
social) ;
≥ la prise en compte de nouveaux projets de vie en lien avec l’arrivée d’un enfant (type d’habitat, aménagement du temps de travail, organisation matérielle, relations de voisinage…).
La libre adhésion du ou des parents est une condition préalable pour toute proposition
d’accompagnement et l’intervention du service n’est pas compatible avec une mesure de
protection administrative ou judiciaire et ne peut répondre à des injonctions d’ordre administratif ou judiciaire de la protection de l’enfance.
Chaque situation fait l’objet d’une formalisation dans un document d’engagement, d’accompagnement parental, partagé entre le service d’aide et d’accompagnement à la parentalité et la famille, reprenant une analyse des besoins, les objectifs concrets, les principes d’actions et d’interventions. Un avenant est ensuite conjointement rédigé : il décline, dans un langage adapté aux parents la mise en œuvre des actions du service et celle des partenaires (Pro-
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Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratif
tection maternelle et infantile, Service social départemental…). Ceci permettra de faciliter la
coordination des interventions pour une meilleure prise en compte des besoins et éviter la
superposition ou la «mise sous surveillance» permanente des parents, voire prévenir le risque
d’un niveau d’exigence plus élevé des professionnels auprès de parents fragilisés. Ceux-ci
sont revus chaque fois que nécessaire et à l’occasion de chacune des synthèses rassemblant
les différents acteurs concernés.
La prise en compte de la déficience va supposer le développement d’outils de compréhension ajustés à chacun des parents, une communication et un langage adapté qui vont contribuer à l’instauration de la relation de confiance. L’accompagnant sera un «facilitateur» de la relation et de la communication avec les tiers et sera un soutien dans la durée de l’accompagnement et dans l’aide à l’appropriation de la démarche et des apprentissages du ou des parents.
Parallèlement à l’action individuelle, des actions collectives de soutien à la parentalité sont
développées en fonction des territoires à partir d’intérêts ou de besoins communs des
parents (notamment pour les parents dont les enfants ont plus de six ans) favorisant les
échanges, la recherche de conseil ou de réassurance et la rupture de l’isolement.
Dès le départ de l’expérimentation, la construction du partenariat et des modes de coopération s’est jouée simultanément à deux niveaux :
≥ le pilotage départemental avec la Direction enfance famille (DEF) du département du Nord
et l’Union départementale des papillons blancs (UDAPEI) du Nord ;
≥ le maillage territorial de proximité avec les Services d’aide et d’accompagnement à la
parentalité des APEI (Association de parents d’enfants inadaptés), les Directions territoriales pour la Prévention et l’Action sociale (DTPAS), la PMI et les réseaux constitués en fonction des situations.
Situé dans des champs d’intervention différents, chacun a dû apprendre à connaître l’autre
et à le reconnaître dans son expertise pour qu’une culture commune puisse se développer
dans l’approche de la parentalité, l’élaboration restant dans un processus permanent.
En 2002, l’intervention des services s’est appuyée sur les emplois jeunes qui se sont formés et
sont devenus des professionnels qualifiés dans les métiers éducatifs. Ils continuent de développer des connaissances, des savoir-faire, des savoir-être permettant une approche s’appuyant sur
une valorisation des compétences des parents en introduisant des méthodes pédagogiques
adaptées et des outils appropriés qui mériteraient une capitalisation.
Cependant, la nécessité s’est très vite fait sentir d’instaurer des temps d’analyse des pratiques pour permettre la prise de recul nécessaire face au parcours de vie des parents et aux
situations qui sont souvent complexes quand il s’agit de les accompagner et de répondre au
sentiment de solitude qui peut gagner le professionnel.
Le défi de départ a été de considérer ces personnes adultes comme des parents à part
entière et non comme des personnes en situation de handicap. Il s’agit de mieux cerner l’intervention sociale, la situation d’accompagnement, de proposer les étayages suffisants correspondant aux besoins et aux demandes, de modifier les représentations sociales et les
représentations que les parents déficients ont d’eux-mêmes en créant les conditions favorables pour qu’ils puissent gagner en confiance , trouver les appuis et se sentir mieux armés
dans leur fonction parentale.
La parentalité : regards pluriels
1. La mise en œuvre des actions du Service d’aide à la parentalité
de l’APEI de LILLE
1.1. Cadre éthique et développement des compétences parentales
La démarche du service ne s’inscrit pas en substitution de l’action parentale mais toujours
dans le contexte d’un soutien en vue du développement des compétences de la famille.
Ainsi, lorsqu’un enfant s’agite dans un magasin au point de mettre ses parents en difficulté,
le service soutient les parents, les incitant à réagir de façon appropriée. Il n’intervient donc pas
directement auprès de l’enfant mais passe par son parent pour renforcer, au fur et à mesure,
la posture parentale.
Il s’agit bien de ne pas intervenir directement avec notre propre représentation de ce que
doit être la famille mais bien à partir de ce que nous avons compris de la manière dont elle
fonctionne. Le service prend le temps de comprendre le système de valeurs de la famille
et de permettre à cette dernière de trouver ses solutions. En ce sens, la qualité du lien
parents-enfant est privilégiée plutôt que l’organisation et la gestion du logement.
Quand il est question d’alimentation par exemple, il s’agira surtout d’être certain que l’enfant mange à sa faim (vérification de la courbe de poids et lien avec la PMI) avant de pointer
un déséquilibre alimentaire. Une problématique parentale autour de l’alimentation sera
vérifiée, plutôt que le contenu des assiettes.
L’action s’inscrit bien dans le contexte d’une co-construction du projet d’accompagnement
avec la famille.
Au démarrage des interventions, le service s’appuie sur les besoins exprimés par la famille.
Puis, tout au long de l’accompagnement, la nature des interventions sera affinée (toujours en
fonction de ce qui est partagé avec les parents).
Ainsi, des parents qui souhaitaient au départ être aidés pour trouver un mode de garde
pour leur enfant, parlent ensuite de leur relation à lui, de leur difficulté à s’en séparer. Pour respecter leur rythme, le service prendra le temps de jouer à domicile avec l’ensemble de la
famille. Cela donnera l’occasion aux parents de se décoller de leur enfant tout en expérimentant le jeu. L’idée est bien d’envisager ensuite un Lieu d’accueil parents-enfants (LAPE) puis de
se familiariser avec une halte-garderie ou une crèche. Le service s’intéresse ici à ce que le
parent ressent dans l’interaction avec son enfant.
À partir de ses ressources internes et externes, chaque individu développe des compétences parentales que le service cherche à valoriser et à développer.
Par exemple, lorsque les parents disent leur difficulté à coucher leur enfant agité, nous pouvons réfléchir ensemble au cadre à poser pour favoriser un temps calme. Conscients de leur
impossibilité à lire une histoire, les parents s’imaginent en échec alors que d’autres modalités
peuvent être pensées ensemble (raconter les images, écouter un CD audio, organiser un temps
de discussions et de chansons…).
Les professionnels du service auront donc des outils adaptés ou à adapter en fonction de
chaque situation rencontrée.
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Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratif
1.2. La notion de prévention
L’action du service s’inscrit aussi dans le cadre de la prévention à partir des axes essentiels
suivants :
≥ le soutien des relations précoces parents-enfants ;
≥ l’ajustement des attitudes parentales au gré de l’évolution de l’enfant ;
≥ la prévention des carences affectives et éducatives ;
≥ la prévention des négligences et de la maltraitance.
En intervenant auprès du parent, l’objectif est de favoriser un développement harmonieux
de l’enfant.
Nous devons tenir compte de la double dimension dans laquelle nous intervenons. Celle de
l’enfant et celle de l’adulte au travers de sa fonction et de ses compétences parentales.
Dans le cas où les intérêts de l’enfant ne sont pas respectés (santé, sécurité physique et psychoaffective), nous recentrons, avec l’aide des partenaires (PMI, SSD, CMP-Consultation
médico-psychologique…), l’action sur la protection de l’enfant. Dans ce contexte, le service
peut être amené à réaliser des notes sociales et des signalements.
1.3. Les modalités d’intervention
L’éducateur intervient le plus souvent seul dans la famille. Pourtant, l’évolution de la situation et des objectifs peut amener à envisager des accompagnements en co-intervention
avec un collègue.
La multiplicité des intervenants et des supports proposés offre autant de possibilités de
permettre au parent de se saisir de ce qui lui conviendra le mieux.
Les modalités d’intervention sont définies en fonction des situations. Elles sont variées et
multiformes. Il est néanmoins important de préciser à nouveau ici que le service n’intervient
jamais seul auprès de l’enfant.
Les rencontres peuvent se dérouler à domicile, au service ou dans un lieu extérieur en fonction du projet tel qu’il a été établi.
Le service peut intervenir selon des modalités différentes en fonction des besoins exprimés :
≥ les entretiens ou actions parents-enfants : ce sont, par exemple, des temps de stimulation
avec un tout petit. Le professionnel accompagne le parent autour du tapis d’éveil. Il aide le
parent à acheter des jouets adaptés à l’âge de l’enfant ou à en emprunter dans une ludothèque qu’il lui aura fait découvrir, et dont le parent pourra devenir familier. Avec un enfant
plus grand, il sera davantage question de médiation, d’aider à la prise de parole et ainsi de
situer la place de chacun ;
≥ les entretiens ou actions avec un parent ou avec le couple parental : pour opérationnaliser
cette dimension, le service se donne les moyens de rencontrer le ou les parents sans leur(s)
enfant(s) afin d’évoquer les difficultés observées. Il est aussi important de restituer ces difficultés aux parents que de prendre le temps de les écouter exprimer les leurs. Ces échanges
peuvent être facilités par l’utilisation de divers supports (le récit de vie, la création d’un
conte, le collage autour d’une thématique familiale, la vidéo, …) Les outils/supports sont
créés en fonction des situations et restent en constante évolution.
Compte-tenu des caractéristiques des adultes accompagnés, nous ne voulons pas nous
situer dans une forme de résolution de problème à court terme. Au contraire, la permanence
et la régularité des interventions caractérisent le cadre de l’accompagnement proposé au travers d’un rythme adapté à chaque situation.
La parentalité : regards pluriels
1.4. Le travail en réseau
Pour les professionnels du service, il s’agit d’utiliser prioritairement les dispositifs de droit
commun et donc de travailler en réseau.
Il est important de tenir compte de l’environnement social et familial des parents et de
toute personne identifiée par les parents eux-mêmes comme étant aidante.
Autour d’une situation familiale, se constitue souvent une équipe élargie composée
d’autres professionnels du secteur social et médico-social. De façon non-exhaustive, ces professionnels peuvent être :
≥ les Unités territoriales de prévention et d’action sociale (UTPAS), partenaire privilégié ;
≥ les services de PMI, le Service social départemental (SSD), l’Aide sociale à l’enfance (ASE), le
Service de prévention santé (SPS) ;
≥ les professionnels des délégations à la tutelle ;
≥ les foyers-logement et Service d’accompagnement à la vie sociale (SAVS) qui accompagnent les adultes semi-autonomes et autonomes ;
≥ les organismes institutionnels et associations existants ;
≥ les spécialistes libéraux ;
≥ les écoles, et tout professionnel travaillant au sein des dispositifs de droit commun.
Ce travail en réseau (et de ce fait en équipe pluridisciplinaire) est essentiel. Il nous permet
de nous prémunir du risque d’enfermer la famille dans une vision unique.
Dans une perspective de travail à partir des compétences des parents et en les plaçant en
situation d’auteurs et de décideurs, les services d’aide et d’accompagnement des parents
déficients intellectuels sont, dans les différents territoires du département du Nord, des lieux
rendant possibles la réflexion, l’action, la décision sur la pratique parentale.
2. Cas cliniques
Afin d’illustrer de manière plus explicite la forme et les orientations du travail, les trois situations familiales suivantes permettent d’envisager la multiplicité et la richesse des interventions. Elles sont l’expression de l’adaptation permanente des professionnels aux besoins
exprimés par les parents avec une déficience intellectuelle et l’opérationnalisation des principes énoncés dans l’article précédent.
Famille 1 : la famille est composée de Mr D. (le père), de Mlle B. (la mère) et de F (le
petit garçon)
a). Présentation
La famille vit dans un appartement. Une demande de logement est en cours, les parents
souhaitant que F ait sa chambre à l’avenir. Mlle B. travaille en milieu ordinaire (boulangerie).
Mr D. a une formation de dessinateur industriel. Il a terminé un contrat de travail en septembre 2011 et est actuellement à la recherche d’un emploi.
Remarque : Seule Mlle B. bénéficie d’une reconnaissance MDPH.
b). Origine de la demande La déléguée à la curatelle simple de Mlle B. contacte le Service d’aide à la parentalité en
juillet 2011. Mlle B. terminait sa grossesse et montrait des signes «de stress, d’angoisse» à l’approche de la naissance. Alors qu’elle avait dit n’être pas intéressée par les interventions du service tout au long de sa grossesse, une hospitalisation en juillet l’a amenée à accepter de nous
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Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratif
rencontrer pour connaître les modalités d’accompagnement.
Durant la présentation du service, il s’est effectivement avéré que la maman était «stressée» et
peu sûre d’elle. Les parents de Mlle B. appréhendaient également l’arrivée du bébé, se questionnant quant aux capacités de leur fille «à savoir s’occuper d’un enfant». Mr D., le papa, semblait lui
plus serein, même s’il s’était montré très nerveux durant l’hospitalisation de sa compagne.
Les parents ont donc formulé la demande suivante : «on souhaite des conseils pour l’éducation ; on voudrait être accompagnés pour les démarches relatives à la crèche, halte-garderie, les
travailleuses familiales, la PMI». Le service a donc débuté l’accompagnement en août, à la naissance de F.
c). Nature des interventions Il s’est agi de prendre contact avec l’association «Aide aux mères» pour mettre en place les
interventions TISF (Technicien d’intervention sociale et familiale), à raison de 2 fois 2h par semaine.
Les démarches d’inscription en crèche avaient déjà été menées par les parents et soutenues par la déléguée à la curatelle et la famille de Mlle B. Des relances ont permis à F d’avoir
une place à la crèche St Sauveur dès la mi-octobre.
Des accompagnements aux consultations PMI ont eu lieu ainsi qu’un repérage auprès d’un
médecin traitant dans leur quartier.
Des échanges à domicile ont été possibles, avec la maman seule, et avec le couple parental.
Ils visaient à les laisser s’exprimer quant à leur rôle et responsabilités de parents et à apporter
au fur et à mesure des indications au sujet du développement de l’enfant.
À titre d’exemple : Mlle B. m’avait demandé en passant au service, de leur montrer le film
dont je leur avais déjà parlé : «Bébé». Je leur montre donc le DVD ce jour. Ils ne savent pas s’ils
veulent le regarder seuls, ou avec moi, lors d’une visite à domicile. Cela semble les intéresser… ils réfléchissent… à reprogrammer plus tard.
Visionnage du film «Bébé» (1h15) : la maman réagit tout au long du film. Les bébés la font
sourire et l’amènent à faire des commentaires sur leurs «bêtises», ce à quoi ils jouent, ce qu’ils
font, mangent… Le papa ne s’exprime pas pendant le film…
Nous parlons des stades de développement chez les enfants (0-2 ans). Ils sont intéressés
par la grille de développement («repères»). Je leur remettrai à la prochaine visite à domicile.
Je remets à Mlle B. une grille schématique du développement de l’enfant de 1 mois à 4 ans.
Nous lisons ensemble les cinq premiers mois et échangeons à ce sujet. La maman «valide»
certains points de développement acquis par F. Elle montrera la grille au papa.
Nous échangeons autour de la question «c’est quoi être parent ?» selon eux. Le papa prend
le temps de faire des passerelles entre son enfance et son statut actuel. La maman parle beaucoup des inquiétudes de sa famille quand elle a annoncé qu’elle allait avoir un enfant. Elle réalise qu’ils craignaient qu’elle «ne s’en sorte pas». Temps d’échange intéressant, même si le papa
se demande «à quoi ça peut servir»… Notre but est de partir de leurs représentations, leur
définition de la parentalité, et non de celle des autres. Le papa a parlé «des claques, gifles, coups
de pied…» qu’il a reçus enfant par ses parents. «J’ai été élevé à la dure !». Du coup, il pense qu’il
sera un papa ferme et autoritaire. Il pense également qu’il donnera aussi des fessées. Est-ce un
point sur lequel le couple est d’accord ? La maman n’avait pas envisagé les fessées… À eux
d’échanger : l’éducation des enfants amène toujours de nombreuses discussions de couple…
d). Observations Rapidement, la maman a su prendre ses marques et se faire davantage confiance. Il est vrai
qu’elle a fait preuve de quelques maladresses au début (concernant le portage de F notamment) et qu’elle avait très souvent recours à ses parents dès qu’un événement nouveau arrivait à son fils (ex : la première fois que F a vomi, qu’il a pleuré presque sans discontinuer, qu’il
La parentalité : regards pluriels
a peu dormi…). En lui rappelant que la puéricultrice de la PMI pouvait être contactée en cas
de besoin et en la rassurant sur les bons gestes qu’elle prodiguait déjà, la maman s’est montrée plus sûre d’elle et sollicite désormais beaucoup moins sa famille. Les grands-parents
maternels et paternels ont d’ailleurs su verbaliser qu’ils «trouvaient qu’elle se débrouillait bien».
La présence du papa à domicile renforce cette confiance en soi et le couple gère parfaitement
les soins, l’alimentation et l’éveil de F.
Dans ce contexte, le couple a souhaité interrompre les interventions TISF. Après avoir permis à la maman d’être rassurée, la présence TISF s’est arrêtée fin septembre.
L’entrée en crèche prévue pour mi-octobre «est arrivée vite» aux yeux de la maman qui a
alors exprimé sa difficulté affective à retourner aussi tôt au travail et à «se séparer de F». La
maman a souhaité faire une demande de congé parental (démarche accompagnée par le service et relayée par l’Association tutélaire des inadaptés) : la régularisation de ce congé est en
cours.
Néanmoins, F va 3 demi-journées par semaine à la crèche. Ses temps d’adaptation, entièrement gérés par les parents, se sont très bien passés et ses accueils (de 7h30 à 12h30 les mardis, mercredis et jeudis) continuent de bien se passer.
Le service n’accompagne plus aucun rendez-vous médical : les parents se rendent à la PMI
ou téléphonent au médecin si besoin.
e). En conclusion Il apparait clairement que Mr D. et Mlle B. sont des parents très investis dans la santé et le
développement de leur fils. Mlle B. se montre de plus en plus sereine dans la prise en charge de
F et semble se faire de plus en plus confiance. Les services de PMI sont bien identifiés et utilisés.
Famille 2 : La famille est composée de Mr B. (le père), de Mlle B. (la mère),
de C (la fille âgée de 2 ans et demi) et K (le fils âgé de 1 an)
a). Origine de la demande
En juillet 2009, la tutrice de Mlle B. et l’assistante de service social de l’ESAT contactent le
service : Mlle B. est enceinte et le couple paraît désemparé face à la gestion de son logement
et à cette grossesse.
Une présentation du service est faite en septembre 2009 au terme duquel le couple se
montre partant pour être aidé à préparer l’arrivée du bébé.
Ils renouvellent leur demande d’être accompagnés par le service en octobre 2010 car
souhaitent «être aidés pour les papiers de leur fille, discuter à son sujet», leur objectif étant de
«devenir autonomes».
En février 2012, le Projet d’accompagnement parental est difficile à formaliser. Les parents
se montrent mitigés quant à la poursuite des interventions du service. Il semble compliqué
pour eux d’identifier des problématiques et surtout de vouloir les changer. Il est alors décidé
de continuer l’accompagnement pour 6 mois et de faire le point à l’issue de cette période.
b). Informations
C naît en février 2010. C’est une petite fille qui nécessite plusieurs suivis : hospitalisation à
domicile (HAD) puis psychomotricité jusqu’à ses 18 mois. Un bilan génétique a également été
demandé par le Centre d’action médico-sociale précoce (CAMSP) qui conclut à l’absence
d’anomalie. C commence à aller en halte-garderie puis est accueillie chez une assistante
maternelle à ses 8 mois.
Après un congé parental de 6 mois, Mlle B. reprend le travail en novembre 2010 mais rapidement, une seconde grossesse survient, entraînant un arrêt jusqu’à la naissance de K en août
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2011. Mlle B. commence un nouveau congé parental de 6 mois.
En septembre 2011, a lieu un déménagement pour une maison à Villeneuve d’Ascq. Ainsi,
la fin de l’année 2011 entraînera de nombreux changements concernant les professionnels
entourant la famille : UTPAS, nouvelle tutrice pour Mlle B. et arrêt de la prise en charge de C
chez son assistante maternelle. La tutrice de Mr B. et le service restent les seuls professionnels
stables pour la famille.
c). Observations et évolution de l’accompagnement
≥ au début de l’accompagnement, Mlle B. évoquait son envie d’être systématiquement
accompagnée lors de démarches extérieures (peur de bégayer, de ne pas être comprise)
même si elle savait se débrouiller. À ce jour, Mlle B. prend de plus en plus confiance en elle
lors de ces rencontres.
≥ le rythme de vie (le sommeil, les repas, le cadre posé) reste fragile, tout comme l’investissement du domicile.
≥ la seconde grossesse et l’arrivée de K fragilisent encore plus l’investissement et l’entretien
du logement. Le couple refusera longtemps l’aide d’une TISF, mais la PMI réussira à mettre
en place ces interventions en février 2012. Les parents les arrêteront fin août, disant «ne pas
en avoir besoin, savoir s’occuper du ménage».
≥ Mr B. se montre facilement en relation avec C qui aime interagir avec son père et l’interpeler. Cependant, le papa se situe davantage dans une relation de «copain» avec sa fille que
dans un positionnement cadrant et sécurisant. Ce positionnement peut conduire C à se
mettre en danger (monter sur la table, «escalader» une étagère…).
≥ une dichotomie s’est installée dans le couple parental : Mr B. nomme sa fille «la mienne»,
Mlle B. cherche à entretenir un lien privilégié avec son fils qu’elle nomme «le mien». Des
frictions de couple se manifestent alors concernant la prise en charge des enfants et leur
éducation.
≥ il est important de soutenir les parents dans la stimulation des enfants et le cadre à leur
apporter. Le couple s’intéresse aux capacités et progrès de leurs enfants. Il est toutefois
nécessaire de les stimuler pour des temps agréables ensemble, pour favoriser le fait que les
enfants aient des jeux adaptés à leur âge et à portée de main.
≥ C est une petite fille qui a besoin d’être contenue et soutenue, ce qui semble difficile à réaliser de manière conjointe pour les parents. Une entrée en classe passerelle (tous les
matins) a eu lieu en février 2012 ainsi qu’une prise en charge complémentaire chez une
assistante maternelle fin mai, en prévision de la reprise du travail de Mlle B. Malgré une
demande de dérogation, C ne pourra pas entrer à l’école en septembre 2012. Elle va donc
en journées complètes, comme son petit frère, chez l’assistante maternelle (sauf les mercredis à domicile avec maman). Ce «retrait» de l’école a perturbé les parents. Ils ont montré des
difficultés à comprendre et à intégrer cette information.
≥ K présente du retard dans son développement (ce dont la maman a conscience). Il est
important de l’aider à lui proposer des temps de jeux et d’interaction, ce qui est parfois
compliqué pour les parents, C centralisant l’attention sur elle. La prise en charge par l’assistante maternelle depuis mai 2012 semble tout à fait convenir à K qui y fait des progrès.
≥ un bilan CAMSP a permis la mise en place d’un suivi psychomoteur pour C au CMP (un suivi
par un orthophoniste devra se faire dans un second temps), ainsi que des interventions à
domicile pour K (kinésithérapeute libérale).
d). Remarques
Malgré les divers soutiens mis en place (AAP, TISF, UTPAS, CMP), les parents ne semblent pas
prendre en compte les conseils proposés, et les difficultés relevées à domicile restent sensiblement les mêmes depuis la naissance de C.
La parentalité : regards pluriels
Les parents se montrent très souvent centrés sur eux-mêmes, faisant passer leurs intérêts
ou préoccupations avant ceux de leurs enfants. Il semble nécessaire de leur rappeler régulièrement les besoins de C et K, comme dernièrement le rendez-vous chez l’ORL pour C qui se
plaignait de douleurs aux oreilles. Il est apparu que les parents semblaient ne pas «savoir se
mettre à la place de leur fille» et donc imaginer qu’il était difficile pour elle de supporter cette
douleur.
e). En conclusion
Le service tente de répondre aux attentes du couple, mais il semblerait que les parents n’arrivent plus à identifier de besoins. Nous leur faisons donc part régulièrement des difficultés
repérées à domicile et essayons de les aider dans le rythme de vie des enfants ainsi que le
cadre à poser auprès de ces derniers. Nous essayons de les aider à se mettre d’accord sur
l’éducation à donner ensemble. Il reste également nécessaire de réfléchir avec eux sur la
«séparation» la nuit et l’investissement des chambres des enfants.
Les parents ne semblent pas réellement en demande d’aide. Ont-ils conscience de la nécessité de changer leurs habitudes et priorités ? Sont-ils prêts à cela ? Quelles sont leurs
demandes envers le service à l’heure actuelle ? Le service est-il une «offre» convenant à la
dynamique familiale ?
Famille 3 : la famille est composée de Mr G. (le père), de Mlle F. (la mère),
de Q (le fils âgé de 4 ans et demi) et B (la fille âgée de 1 an et demi)
La famille habite un appartement.
a). Origine des interventions du Service d’aide à la parentalité C’est par le Service d’insertion sociale et professionnelle (SISEP) des Papillons Blancs de
Lille, que Mlle F. a eu connaissance du Service d’aide à la parentalité. L’accompagnatrice d’insertion professionnelle étant régulièrement sollicitée au sujet du fils de Mlle F., celle-ci a été
orientée vers un accompagnement plus adapté à sa problématique.
Cette dernière n’était tout d’abord pas convaincue du bien-fondé de cette proposition,
mais a fait tout de même une demande au Service d’aide à la parentalité en novembre 2010.
Après un premier rendez-vous auquel elle n’est pas venue, le fonctionnement et les missions du service lui sont présentés fin novembre 2010. L’accent est mis sur le caractère non
obligatoire de l’accompagnement et donc sur l’importance de l’adhésion du ou des parents.
Mlle F s’est montrée immédiatement partante pour nos interventions. Cependant, le temps
de fixer un second rendez-vous pour formaliser le début de l’accompagnement, elle dira par
téléphone qu’elle a «changé d’avis» sans en préciser les raisons et ne veut donc plus être
accompagnée.
Toujours par le biais du SISEP, elle recontacte néanmoins le service en mars 2011. Le couple
est alors rencontré en juin, afin que le service puisse entendre les demandes des «deux
parents». Lors de cette rencontre, Mr G. ne s’oppose pas aux interventions du service mais précise qu’il ne s’y investira pas beaucoup. Mlle F. demande quant à elle «de savoir dire non à son
fils ; de moins céder à ses caprices» ; elle parle de sa fatigue face aux crises et aux pleurs de son
fils ; elle aimerait que «Q soit mieux élevé, qu’il ne prenne pas le dessus sur elle».
Le service propose donc de commencer l’accompagnement en l’aidant dans sa fonction de
maman. Ainsi, il est prévu de favoriser des temps agréables avec son fils, à domicile et à l’extérieur : ces moments n’existent pas selon elle, «c’est toujours très compliqué», dit-elle. Le service
lui propose également d’échanger lors de rencontres individuelles au sujet de sa place et de
son rôle de mère.
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b). Evénement important durant l’accompagnement Alors que le Projet d’accompagnement parental devait être formalisé au bout de 6 mois, un
signalement au parquet est venu différer cette rencontre. Les inquiétudes des professionnelles de l’UTPAS et du service étaient importantes : le développement de Q, la stabilité psychologique de la maman, les tensions dans le couple et l’arrivée du bébé dans ce contexte
sont autant d’éléments qui ont amené l’ensemble des partenaires à saisir le procureur en
octobre 2011.
Les parents sont auditionnés par le Juge des enfants en décembre 2011. Une Mesure judiciaire d’investigation éducative (MJIE) est ordonnée; elle débutera en mai 2012.
Les conclusions de la MJIE orienteront le placement de Q pour la rentrée de septembre
2012 selon un rythme «école avec internat» et ce, afin de respecter les souhaits et réticences
des parents.
c). Observations du service
Le père :
À cause de ses horaires de travail, Mr G. est très peu présent lors des rendez-vous avec le service. De plus, comme indiqué ci-dessus lors de la présentation de service, il avait clairement
exprimé qu’il ne se sentait pas concerné par ces interventions. Les rendez-vous sont donc
prioritairement fixés avec la maman.
Mr G. s’est néanmoins montré disponible lorsque nous avons eu besoin de rencontrer le
couple pour évoquer nos inquiétudes.
Même si Mr G. intervient peu durant les temps de visite à domicile, nous constatons qu’il
agit fréquemment sur l’humeur ou les décisions de sa compagne. Il existe des problèmes de
couple et Mr G. verbalise souvent des reproches à l’égard de Mlle F.
Il refuse les prises en charge collectives (type halte-garderie / crèche) pour sa fille, car elles
ont été conseillées par les professionnelles de la PMI. Mr G. est fortement contrarié depuis le
signalement et se montre opposant à toute proposition.
La mère :
Rapidement, elle nous a fait part de ses difficultés concernant l’éducation de son fils qu’elle
sait «en retard» : elle évoque l’entrée en maternelle tardive, les difficultés de langage et le bilan
fait par le CAMSP. Elle nous a également très vite parlé de ses souffrances et nous a montré des
signes de versatilité : elle a ainsi évoqué le décès de sa mère durant sa grossesse, événement
très douloureux qui l’a conduite à «rejeter Q quand il est né» nous a-t-elle confié.
Elle nous apprend début juillet qu’elle est de nouveau enceinte. L’annonce de cette grossesse ne la ravit pas. «Ça n’est pas prévu». Elle imagine un instant faire adopter le futur bébé, ce
que Mr G. refuse. Elle aimerait «accoucher le plus rapidement possible» car sa grossesse lui pèse.
Régulièrement, Mlle F. nous a parlé de ses «crises» (comme elle les nomme) pendant lesquelles son moral oscille entre agitation et déprime. Des changements d’humeur ont effectivement été constatés à plusieurs reprises par le service lors de visites à domicile ou lors d’appels de Mlle F. au service.
Dans de tels moments, Mlle F. «broyait du noir», évoquait des sentiments morbides et se
désinvestissait de son fils. Elle verbalisait son regret d’être maman, son envie «de crever», de
«tout claquer». Mlle F. explique qu’elle «ne supporte plus» Q. Nous avons observé que le lendemain d’un tel épisode, elle semblait ne plus se souvenir des émotions vives ressenties la veille.
Selon elle, «c’est comme ça à chaque fois que ça m’arrive».
Face à ses humeurs fluctuantes, le service lui a conseillé d’en parler à son médecin (elle avait
évoqué avoir déjà «pris des traitements avant d’avoir Q») ou de reprendre contact avec un psychologue (comme il lui avait été conseillé à la maternité lorsqu’elle a accouché). Mlle F. a long-
La parentalité : regards pluriels
temps refusé cette aide, puis a franchi le pas en septembre 2012, disant qu’avec «le placement
de Q, elle avait besoin de s’occuper d’elle». Malheureusement, la résistance posée par Mr G. à
l’égard de cette prise en charge a amené Mlle F. à annuler le premier rendez-vous.
Mlle F. peut faire preuve de bon sens en terme d’éducation pour son fils : elle sait dire «qu’il
serait important que Q ait moins sa tétine dans la bouche pour mieux parler ; qu’il mange à heures
fixes pour se repérer ; qu’il mange plus de légumes et moins de gâteaux pour sa santé ; qu’il arrive
à s’endormir dans son lit, sans la télé». Ces intentions ne sont pas suivies concrètement, Mlle F.
cédant très rapidement à son fils, ne souhaitant pas s’opposer à ses demandes ou «ne supportant pas» de l’entendre pleurer.
Elle semble s’appuyer désormais sur les règles de vie de l’internat, montrant ainsi qu’elle a
conscience qu’un cadre est nécessaire au bon développement de son fils. Elle ne parvient toujours pas à fixer des règles claires à domicile. Elle met en rivalité «ce que Q fait à l’internat et ce
qu’il fait à la maison». La relation institution-famille ne parait pas fluide. Mlle F. semble mal
vivre le fait que des éducateurs «prennent un peu sa place».
Lorsque Mlle F. est soutenue par le service dans un cadre précis (temps de jeux), elle peut se
montrer plus disponible envers son fils qui arrive à se concentrer sur le support proposé, pouvant même surprendre par ses capacités d’association et d’attention. Lors des temps d’activité, elle se montre investie en début de rendez-vous, mais tend rapidement à s’extraire du
support pour poursuivre ses propres activités, laissant ainsi la professionnelle s’occuper de
son fils. Il a fallu répéter que le service n’était pas présent pour «prendre en charge Q à sa place»
et que sa participation était indispensable pour faire évoluer leur relation.
À l’extérieur, elle se montre en difficulté pour gérer Q sur les trajets : elle sait l’admettre et
demande, en toute conscience, de l’aide. Selon elle, Q «ne lui obéit pas», «n’en fait qu’à sa tête»
et elle se sent alors débordée par son fils. Elle semble, dans ces cas-là, attendre que «les gens
dehors» prennent en charge Q.
La vie de famille :
Le cadre proposé à Q à domicile est fluctuant, Mlle F. et Mr G. pouvant donner des consignes
différentes à leur fils. Mlle F. reconnaît ne pas savoir dire «non» à son fils. Ainsi, Q choisit ce qu’il
souhaite manger, se couche quand il le décide. La maman nous raconte également que «Q
vient souvent se coucher dans le lit des parents», l’amenant, elle, «à aller dormir dans le canapé du
salon ou dans le lit de Q».
Nos observations nous ont amenées à rencontrer le couple pour lui restituer nos inquiétudes quant à un cadre de vie adapté pour Q, ainsi que les répercussions que peuvent avoir
l’instabilité et la fragilité de Mlle F. sur le développement de son fils.
Lors de cette rencontre, Mlle F. a reproché un manque d’organisation à son conjoint, ainsi
qu’un manque de soutien de sa part dans le cadre qu’elle essaye de poser auprès de Q. De son
côté, Mr G. a dit ne «pas savoir quoi faire» car Mlle F. «change tout le temps d’avis».
Le service a eu des difficultés à rencontrer la famille à son domicile en juillet, le déménagement ne les rendant pas disponibles.
En août, l’accompagnement était plus régulier, Mlle F. se saisissant des propositions et se
montrant capable de penser des supports ou des activités pour son fils. Il s’est alors agi de
construire avec la maman un «semainier» en feutrine pour Q. Mlle F. souhaite aider Q à se
repérer dans le temps et dans sa vie entre la maison et le foyer. Cette activité a plu à la maman
qui s’y est investie et l’a menée à terme.
Elle a envisagé une sortie piscine avec Q : cette sortie a été programmée mais ne s’est pas
réalisée car la piscine était destinée aux «scolaires» ce jour-là. Cela a beaucoup déçu Mlle F.
Fera-t-elle de nouveau la demande d’une sortie piscine ou d’une autre activité ?
Depuis l’entrée de Q dans une Maison d’enfants à caractère social (MECS), Mlle F. verbalise
régulièrement ses préoccupations concernant l’éducation de son fils. Elle semble vivre un
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conflit de loyauté entre l’équipe du foyer et elle et cela génère de la colère. Il lui est renvoyé la
nécessité de communiquer avec la MECS afin de ne pas placer Q au milieu de la structure institutionnelle et de la structure familiale. Une synthèse a eu lieu fin octobre au foyer, et Mlle F
semble avoir compris qu’il fallait s’investir davantage auprès de son fils, notamment concernant son alimentation.
Alors que le nouveau cadre de vie semble convenir et être bénéfique pour Q (qui fait des
progrès en termes de concentration), la prise en charge de B à domicile soulève des interrogations. Mr G. refuse que sa fille aille en halte-garderie. Cet accueil collectif pourrait pourtant
faire du bien à B qui se montre très tonique et curieuse de découvrir de nouvelles choses. En
octobre 2012, les parents sont allés deux fois aux urgences pour B qui avait de la température.
Les conclusions médicales n’ont pas révélé de maladie.
En conclusion / Renouvellement du Projet d’accompagnement parental (PAP) :
Le service doit travailler sur l’identification du souhait ou pas de la maman de poursuivre
les interventions des professionnels du Service d’accompagnement parental (SAP) ainsi que
sur ses demandes en direction de l’éducation de sa fille.
Brigitte DORÉ
Pour l’Union départementale des Papillons blancs du Nord
La parentalité : regards pluriels
Postface
Tout au long de ce cahier nous avons tenté, au travers des différentes contributions, de proposer des éléments de connaissance et d’expérience favorisant la réflexion, la discussion, les
échanges entre les professionnels concernés par la parentalité. Gageons que la forme donnée
à ce cahier (apports théoriques, approfondissements spécifiques, propositions de pratiques
professionnelles, références bibliographiques et sites Internet) en feront un outil de travail
utile.
Dans l’introduction, je parlais d’ambition à traiter de parentalité car, à partir d’une notion
banalisée par les médias, très longtemps considérée comme innée et immuable, on découvre
si l’on ne réduit pas les questions qui se posent à leur seule solution, que la parentalité
recouvre une notion éminemment polymorphe.
Dans un contexte sociétal complexe et mouvant, l’étayage de la fonction parentale des
familles accompagnées nous intime la nécessité du professionnalisme et de l’adaptation permanente. Je terminerai ce cahier sur la question de la formation, non par obligation contextuelle, mais parce qu’il s’agit d’un véritable enjeu. Enjeu pour les professionnels car il parait
admis que la formation est un moyen puissant d’adaptation permanente de la qualification
d’une part et de lutte contre l’usure professionnelle d’autre part. Enjeu également en direction des parents. Jusqu’à un passé récent, la formation des parents était une idée impensée.
Seuls quelques précurseurs tentaient d’amener cette idée de formation indiscutablement
associée, à l’époque, à l’idée d’incapacité, d’incompétence, d’erreur fatale irrécupérable.
Depuis quelques années, en lien avec l’évolution des représentations sociales de la parentalité, des connaissances et l’évaluation des pratiques, l’idée de formation à la parentalité
semble en mesure de s’imposer. En ce sens, les Services d’aide à la parentalité pour personnes
avec une déficience intellectuelle peuvent sembler précurseurs même si les formes d’intervention restent à inventer. Le danger le plus visible me parait être en rapport avec le contexte
libéral d’augmentation de la productivité, voire de la performance, qui s’immisce dans le travail social souvent au détriment du lien social. Cela pourrait se traduire par une évolution vers
des rapports de simple exécution qui, dans une pensée mécaniste, portent l’illusion d’une
solution rapide à des problèmes réduits à la dimension technique. Je pense plus intéressante
à plusieurs titres l’orientation qui consiste à mettre en place des processus plaçant les parents
en position d ‘acteurs qui participent à la compréhension et à la résolution des difficultés qui
se posent à eux.
Ce cahier montre qu’être parent ne se décrète pas et ne s’impose pas à la naissance ni
après. L’être parent s’apprend. Les travailleurs sociaux devraient être les piliers de cette
conscientisation.
Par Bertrand COPPIN
Directeur général de l’École européenne supérieure en travail social
Éducateur spécialisé – Psychologue
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Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratif
Annexes
Index des sigles
AAP : Atelier d’Aide à la Parentalité
ACEPP : Association des Collectifs Enfants Parents Professionnels
ALF : Association des Ludothèques Françaises
AMP : Aide Médico-Psychologique
APEI : Associations de parents d’Enfants Inadaptés
APME : Association Père Mère Enfant médiation
APMF : Association de Promotion de la Médiation Familiale
AS : Assistante Sociale
ASE : Aide Sociale à l’Enfance
AT : Analyse Transactionnelle
ATI : Association Tutélaire des Inadaptés (aujourd’hui Association Tutélaire du Nord)
CAF : Caisse d’Allocations Familiales
CAMSP : Centre d’Action Médico-Sociale Précoce
CIDIH : Classification Internationale des Déficiences, Incapacités et Handicaps
CLAS : Contrat Local d’Accompagnement à la Scolarité
CMP : Consultation Médico-Psychologique
CMU : Couverture Maladie Universelle
CNAF : Caisse Nationale des Allocations Familiales
CNASMF : Comité National des Associations et Services de Médiation Familiale
CNCMF : Conseil National Consultatif de la Médiation Familiale
CNSP : Comité National de Soutien à la Parentalité
COPA : Coordination Parentalité
DEF : Direction Enfance Famille
DEMF : Diplôme d’État de Médiateur Familial
DTPAS : Direction Territoriale pour la Prévention et l’Action Sociale
EAJE : Etablissement d’Accueil de Jeunes Enfants
ES : Educateur Spécialisé
EESTS : Ecole Européenne Supérieure en Travail Social
FENAMEF : FÉdération Nationale de la Médiation Familiale et des Espaces Familiaux
HAD : Hospitalisation à Domicile
La parentalité : regards pluriels
JAF : Juge aux Affaires Familiales
LAPE : Lieu d’Accueil Parents-Enfants
MADI : Mères Avec une Déficience Intellectuelle
ME : Moniteur Educateur
MECS : Maison d’Enfants à Caractère Social
MSDI : Mères Sans Déficience Intellectuelle
OCDE : Organisation de Coopération et de Développement Economique
ONU : Organisation des Nations Unies
PADI : Parents Avec une Déficience Intellectuelle
PACS : Pacte Civil de Solidarité
PAP : Projet d’Accompagnement Parental
PIF : Point Info Famille
PMI : Protection Maternelle et Infantile
PNL : Programmation Neurolinguistique
QI : Quotient Intellectuel
REAAP : Réseaux d’Écoute, d’Appui et d’Accompagnement des Parents
RSA : Revenu de Solidarité Active
SAP : Service d’Accompagnement Parental
SAVS : Service d’Accompagnement à la Vie Sociale
SISEP : Service d’Insertion Sociale et Professionnelle
SPS : Service de Prévention Santé
SSD : Service Social Départemental
TISF : Technicien d’Intervention Sociale et Familialle
UDAPEI : Union Départementale des Associations de Parents d’Enfants Inadaptés
UNAF : Union Nationale des Associations Familiales
UTPAS : Unité Territoriale d’Action Sociale
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Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratif
Perceptions de
la parentalité :
enjeux des pratiques
professionnelles et de formation
Informations générales :
Êtes-vous titulaire d’un diplôme en travail social ?
OUI
NON
Quel est l’intitulé de votre diplôme ?
Quel est votre établissement ou service de référence professionnelle ?
Avec quel type de public travaillez-vous ? (MECS, IME, ITEP, SESSAD…)
Quel est votre ancienneté professionnelle dans votre travail
(depuis l’obtention du premier diplôme en travail social) ?
Perceptions de la parentalité
1 Si
vous deviez participer à une formation sur la parentalité en général quelles seraient vos
attentes et vos centres d’intérêt en termes de buts de la formation ?
La parentalité : regards pluriels
2 Pouvez-vous nommer les cinq premiers mots qui vous viennent à l’esprit quand vous voyez
le mot parentalité ?
3 Pouvez-vous
nommer les cinq fonctions qui vous paraissent importantes chez des parents
(en général) ?
4 Quelles
difficultés vous semblent les plus complexes à travailler dans le domaine de la
parentalité (dans le cadre du travail avec les familles de votre champ professionnel actuel)
5 Quels sont les points d’appui les plus utiles et efficaces à mobiliser dans le travail autour de
la parentalité ?
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Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratif
Repères
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AUSLOOS, Guy
La compétence des familles :
temps - chaos – processus.
Toulouse : Erès, 2000. (Relations)
ISBN 978-2-8658-63648
BABIN, Sylvie
Des maternités impensables :
L’accompagnement de l’abandon
et des parentalités blessées Paris : L’harmattan, 2001. - (Sexualité humaine)
ISBN 978-2-7475-1338-8.
BABU, Annie ; BONNOURE-AUFIERE,
Pierrette
Guide de la médiation familiale :
Étape par étape
Toulouse : Erès, 2010.
ISBN 978-2-7492-1299-9.
BAELDE, Philippe, COPPIN, Bertrand,
LECERF, Jean François
Comprendre et accompagner les parents
avec une déficience intellectuelle.
Paris : Gaétan Morin, 1999 (Interventions psycho-sociales)
ISBN 978-2-910749170
BARRAS, Christine
Les groupes de parole pour les parents :
Comment développer ses compétences
parentales sans le recours à un expert. Bruxelles : De Boeck, 2009. - (Parentalités)
ISBN 978-2-8041-0184-8.
BARUDY, Jorge ; DANTAGNAN, Maryorie,
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De la bientraitance infantile :
compétences parentales et résilience
Paris : Fabert, 2007. - (Penser le monde
de l’enfant)
ISBN 978-2-84922-031-3.
BOISSON, Marine ; VERJUS, Anne
La parentalité, une action de citoyenneté :
une synthèse des travaux récents sur
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Père et fils : L’histoire d’un amour
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Souffrances familiales, souffrances
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d’aide : quelles pratiques, quelles méthodes ?
Paris : L’harmattan, 2004. - (Le travail du social)
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NEYRAND, Gérard
L’enfant, la mère, et la question du père :
un bilan critique de l’évolution des savoirs
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LE CAMUS, Jean
Comment être père aujourd’hui
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NEYRAND, Gérard
Soutenir et contrôler les parents :
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Toulouse : Erès, 2011. - (Erès poche)
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Signaler et après ?
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MARCELLI, Daniel
L’enfant chef de la famille :
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Paris : Albin Michel, 2003. - (Livre de poche)
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MARINOPOULOS, Sophie
Elles accouchent et ne sont pas enceintes :
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MERCIER, Michel, BAZIER, Geneviève
Parentalité des personnes déficientes
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NADAUD, Stéphane
Homoparentalité : une nouvelle
chance pour la famille ? Paris : Fayard, 2002.
ISBN 978-2-213-61161-7.
NAOURI, Aldo
Les pères et les mères
Paris : Odile Jacob, 2004.
ISBN 978-2-7381-1446-4.
NEYRAND, Gérard
Le dialogue familial : un idéal précaire
Toulouse : Erès, 2009. - (Couple famille
et métamorphoses)
ISBN 978-2-7492-1023-0.
NEYRAND, Gérard ; ROSSI, Patricia
Monoparentalité précaire et femme sujet
Toulouse : Erès, 2004. - (Pratiques du champ
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REVEST, Georgette, TROUVE, Jean-Noël
Préserver le lien parental. Pour
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Être parent, c’est pas un métier
Paris : Fabert, 2008. - (Penser le monde
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ISBN 978-2-84922-053-5.
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Travailler avec les familles :
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Ramonville Saint-Agne : Erès, 2004. - (L’éducation spécialisée au quotidien)
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PHELIP, Jacqueline, BERGER, Maurice, préf.
Le livre noir de la garde alternée [livre]
Paris : Dunod, 2006.
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PHILIP, Christine
Autisme et parentalité
Paris : Dunod, 2009. - (Action sociale)
ISBN 978-2-10-052661-1.
PIOLI, David et al.
Parentalité : du discours à la méthode
Journée d’études Buc Ressources
Centre national d’études et de formation de
la police nationale (2009:Gif-sur Yvette)
Paris : L’harmattan, 2010. - (Les écrits de Buc
Ressources)
ISBN 978-2-296-11574-3.
PIOT, Maudy ; JACQUARD, Albert ;
DIEDERICH, Nicole, Association «Femmes
pour le dire femmes pour agir»
Être mère autrement : handicap et maternité
Paris: FDFA: Rencontre du 17 mars
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ISBN 978-2-296-04327-5.
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POMMEREAU, Xavier
Ados en vrille, mères en vrac
Paris : Albin Michel, 2010.
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POUSSIN, Gérard
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3e éd. - Paris : Dunod, 2004.
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QUENTEL, Jean Claude
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Paris : Dunod, 2010. - (Enfances)
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SAVOUREY-ALEZRA, Michèle
Re-créer les liens familiaux : médiation
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SECHER, Régis
Reconnaissance sociale et dignité
des parents d’enfants placés : parentalité,
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Paris : L’harmattan, 2010. - (Savoir et
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ISBN 978-2-296-13046-3.
SEGOND, Pierre
Travail social et soin psychologique :
des éducs, des psys, des juges, des
«sauvageons» et leurs familles
Toulouse : Erès, 2008. - (Relations)
ISBN 978-2-7492-0982-1.
SELLENET, Catherine
Animer des groupes de parole de
parents. Silence… on parle !
Paris : L’harmattan, 2004.
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SELLENET, Catherine
La parentalité décryptée : pertinence
et dérives d’un concept
Paris : L’harmattan, 2007. - (Savoir et formation) - ISBN 978-2-296-04015-1.
SELLENET, Catherine, dir.
Les visites médiatisées pour
des familles séparées : protéger l’enfant
Paris : L’harmattan, 2010. - (Savoir et formation série éducation familiale)
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SERON, Claude, dir.
Miser sur la compétence parentale : approche
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Toulouse : Erès ; Paris : Jeunesse et droit,
2002. - (Relations)
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SINGLY, François de
Comment aider l’enfant à devenir
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à l’intention du parent
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ISBN 978-2-200-35399-5.
TEXIER, Pierre ; VAN HYFTE, Pierre ;
TEXIER, Marie Edith
La parentalité nouvelle scène éducative : pour
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TILLARD, Bernadette, dir.
Groupes de parents : recherches en éducation
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TORT, Michel
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Paris : Aubier, 2005. - (Psychanalyse)
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ZAOUCHE GAUDRON, Chantal, dir.
Précarités et éducation familiale Congrès international AIFREF : 12° :
2009 : Toulouse
Toulouse : Erès, 2011.
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ZAOUCHE GAUDRON, Chantal
Les conditions de vie défavorisées
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des jeunes enfants ?
Ramonville Saint-Agne : Erès, 2005. - (Mille et un bébés)
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Le web au service
de la parentalité (Décembre 2013)
APF (Association des paralysés
de France)
http://www.apf.asso.fr
Adresses des entreprises adaptées du
réseau APF. La rubrique «S’informer» présente les publications de l’APF. Liens vers les
sites spécialisés de l’APF : apf moteurline, le
blog politique de l’APF…
Association Parentel
http://www.parentel.org
Parentel propose des services dédiés à l’aide
la parentalité et au soutien du lien familial.
Le site présente les services d’écoute téléphonique dédiés aux jeunes, aux parents et
aux personnes âgées, l’unité de recherche et
de formation sur la parentalité et les liens
familiaux ainsi que sa maison d’accueil,
d’hébergement et d’accompagnement des
familles et des proches d’enfants ou
d’adultes pris en charge par un établissement de soin à Brest. Sur le site sont aussi
recensées les publications de l’association.
Association PIKLER LOCZY FRANCE
http://www.pikler.fr/
Site associatif. L’Association Pikler Lóczy
France est un centre de réflexions, de
recherches, de documentation et de formation sur la petite enfance et par extension
sur la notion de soin à toute personne en
situation de dépendance (personne en
développement, handicapée, malade…).
Avoir un enfant différent
http://www.enfantdifferent.org/index.php
Site associatif proposé par l’association Une
Souris Verte. S’adresse aux parents d’enfants
handicapés, et aux professionnels de la
petite enfance, de la santé ou de l’éducation.
CAF (Caisse d’allocations familiales)
http://www.caf.fr/
Site public. Actualités et activités de la CNAF
et des CAF. La rubrique «Qui sommes-nous»,
présente les missions, savoir-faire de la CAF
ainsi qu’un agenda et la Lettre des Allocations familiales. La rubrique études et statistiques donne accès aux publications,
recherches, données statistiques notamment celles dédiées à la petite enfance dans
l’Observatoire national petite enfance.
À partir de la page d’accueil, 3 rubriques
sont proposées aux allocataires : connaître
vos droits selon votre situation, les services
en ligne, s’informer sur les aides.
Conseil de l’Europe : politiques sociales
http://www.coe.int/t/dg3/socialpolicies/
default_fr.asp
Portail informatif sur les politiques sociales
de l’Union européenne. Entre autres
politiques de la famille et de l’enfant.
CoPa (Coordination Parentalité)
http://www.copabesancon.fr/
Site associatif. À Besançon, la CoPa
apporte un soutien aux professionnels
intervenant auprès de familles dont les
parents sont en situation de déficience
intellectuelle. Proposition d’outils, de
sessions de formation.
CRAIF (Centre de ressources Autisme Île
de France)
http://www.craif.org/
Le CRAIF s’adresse aux personnels souffrant
de troubles autistiques et apparentés, à leur
famille, aux professionnels concernés par l’autisme et au grand public. Le site est articulé en
8 rubriques : actions du CRAIF, informations
sur l’autisme, espace documentation, formations et colloques, les CRA en France, liens
utiles, offres d’emploi, l’essentiel sur…
La parentalité : regards pluriels
Par Sophie ARNAUD
Documentaliste EESTS
Cette webographie a été réalisée à partir de l’annuaire des sites du réseau Prisme.
(Prisme est un réseau documentaire national né du rapprochement volontaire de professionnels
de la documentation exerçant dans le secteur de l’action sociale et éducative.)
Espace famille enfance – Ministère des
Solidarités et de la Cohésion sociale
http://www.solidarite.gouv.fr/espaces,770/
famille,774/
Site public. Actualités, presse. Accès
aux dossiers Famille Enfance par thème.
FENAMEF (Fédération Nationale de la
Médiation et des Espaces Familiaux)
http://www.mediation-familiale.org/
Ce site diffuse des informations sur le métier
de médiateur familial. La bibliographie, volumineuse, recense des ouvrages destinés aux
professionnels mais aussi au grand public
et aux enfants.
FNEPE (Fédération Nationale des Écoles
des Parents et des Éducateurs)
http://www.ecoledesparents.org
Présentation des fédérations régionales
et du réseau, des actions menées à destination
des parents, des jeunes et des professionnels.
Le Furet
http://www.lefuret.org/
Site associatif du Furet, revue de la petite
enfance et de la diversité. Association
engagée dans des projets Petite Enfance
en milieu interculturel, dans la lutte contre
toutes les formes de discriminations, dans la
promotion de l’intégration de l’enfant et de
sa famille.
Interventions précoces-Soutien
à la parentalité
http://www.interventionsprecoces.sante.gouv.fr/
Site public pour les professionnels de la
santé et de l’enfance, les associations et les
familles. Un accès (sur simple inscription) est
destiné aux professionnels. Il offre une base
documentaire regroupant des textes
officiels, des études et articles, des restitu-
tions et partages d’expériences et d’initiatives locales, interventions lors de colloques
ou journées d’études…
ONED (Observatoire National
de l’Enfance en Danger)
http://www.oned.gouv.fr
L’Observatoire a pour missions de recueillir,
analyser, évaluer et diffuser les données
chiffrées, les études, les rapports, les
recherches. Dans la rubrique «Ressources»,
toutes les ressources du site sont répertoriées de façon transversale sous sept
thématiques. Un annuaire chercheurs
est également disponible sur ce site.
Réseau LUCIOLES : Le Handicap Mental
au quotidien
http://www.reseau-lucioles.org
Site associatif créé par des parents d’enfants
handicapés mentaux, avec le soutien de
professionnels. Le site vise à collecter et
mutualiser les bonnes pratiques qui ont fait
leurs preuves dans l’accompagnement
au quotidien des enfants fortement
handicapés mentaux, qui peuvent aussi
souffrir d’une déficience motrice.
UNAF (Union Nationale
des Associations Familiales)
http://www.unaf.fr/
Site associatif. Actualités des politiques
publiques liées à la famille. La rubrique
Études et Recherches propose de nombreux
documents réalisés par les observatoires des
familles et l’Observatoire National des Populations Majeurs Protégés (ONPMP). Rubrique
Université des familles avec une plateforme
vidéo des conférences depuis 2008.
101
102
bl
Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratif
La parentalité au travers
de quelques sites en région
Nord-Pas-de-Calais
CIDFF (Centre National
d’Information sur les Droits
des Femmes et des Familles)
http://www.cidff-lille-nord.org
Le CIDFF impulse et développe, avec le
soutien des collectivités territoriales et des
partenaires locaux, des actions en direction
du public, notamment féminin, dans
différents domaines dont le soutien
à la parentalité. Le site présente les
différentes actions menées.
CRA NPDC (Centre Ressources
Autismes Nord Pas de Calais)
http://www.cra-npdc.org/
Tout comme le CRAIF le CRA-NPDC s’adresse
aux personnes souffrant de troubles
autistiques et apparentés, à leur famille, aux
professionnels concernés par l’autisme et
au grand public. Il propose notamment des
formations et des actions spécifiques
pour les familles.
GRPS (Groupement Régional
de Promotion de la Santé)
http://www.santenpdc.org/
Le Groupement Régional de Promotion de
la Santé fédère 9 organismes dotés chacun
d’expertises dans le domaine de l’éducation,
l’observation, la prévention et la promotion
de la santé. Dans la rubrique anim’actions
on trouve une sélection d’outils
d’intervention sur la parentalité.
REAAP 62 (Réseau d’Ecoute d’Appui
et d’Accompagnement des Parents
du Pas-de-Calais)
http://www.parent62.org
Le REAAP62 est un réseau qui réunit des
parents, des professionnels, des institutions,
des associations… autour d’une même
idée : les parents sont les premiers
éducateurs de leurs enfants. Le site présente
les comités locaux, les actions menées
et une importante documentation.
La parentalité : regards pluriels
“
L’organisation
et la mise en œuvre
d’activités de rupture 24 heures sur 24
sont au cœur de
chaque CER.
”
31, rue Anatole France • 92309 Levallois-Perret cedex
Tél. : 01 49 68 10 10
www.unifaf.fr
[email protected]
Fax : 01 49 68 10 39
Siren : 479 939 449
103
bl
Vos 22 délégations régionales
Alsace
Espace Européen de l’Entreprise • 19, avenue de l’Europe • 67300 Schiltigheim
Adresse postale : BP 80018 • 67013 Strasbourg cedex
Tél. : 03 90 22 22 30 • Fax : 03 88 83 29 19
[email protected]
Aquitaine
Bât. 2 • 6, rue Théodore Blanc • 33 520 Bruges
Auvergne
Immeuble@number one • Parc Technologique de la Pardieu • 9, allée Evariste Galois • BP 20233 • 63174 Aubière
Tél. : 04 73 28 57 40 • Fax : 04 73 28 57 45
Basse-Normandie
Bourgogne
Bretagne
Centre
Champagne-Ardenne
Franche-Comté
Haute-Normandie
Île-de-France
Île de la Réunion
59, av. Roland Carraz • CS 70141 • 21304 Chenove cedex
Limousin
Lorraine
Midi-Pyrénées
Nord-Pas-de-Calais
P. A.C.A.C.
Pays de la Loire
Picardie
Poitou-Charentes
Rhône-Alpes
Tél. : 02 31 15 65 00 • Fax : 02 31 15 65 09
Tél. : 03 80 30 84 46 • Fax : 03 80 58 90 28
39 rue du Capitaine Maignan CS 64 436 • 35044 Rennes Cedex
3/5, bd de Verdun • BP 11704 • 45007 Orléans cedex 1
8, rue du Port de Marne • 51000 Chalons en Champagne
[email protected]
Tél. : 03 26 65 81 49 • Fax : 03 26 64 53 02
[email protected]
[email protected]
Tél. : 02 38 42 08 44 • Fax : 02 38 62 06 08
[email protected]
Tél. : 03 81 88 21 40 • Fax : 03 81 53 40 22
Tél. : 02 32 31 25 23 • Fax : 02 32 33 70 59
40, rue Gabriel Crié • 92 247 Malakoff cedex
[email protected]
Tél. : 02 23 44 04 40 • Fax : 02 23 44 04 49
Ilots des Montboucons • 1 rue François-André Vincent • 25000 Besançon
52, rue Victor Hugo • 27 000 Evreux
[email protected]
[email protected]
Résidence la Wagram – 48, avenue de l’Hippodrome • 14 000 Caen
Tél. : 01 46 00 41 29 • Fax : 01 46 00 41 21
[email protected]
[email protected]
[email protected]
5, rue André Lardy • Centre d’affaires de la Mare • Bâtiment C • 2e étage • 97438 Sainte -Marie
Tél. : 02 62 90 23 59 • Fax : 02 62 41 35 32
Languedoc-Roussillon
Tél. : 05 56 00 85 10 • Fax : 05 56 79 03 71
[email protected]
420, allée Henry II de Montmorency • 34000 Montpellier
25, boulevard Victor Hugo • 87000 Limoges
Tél. : 04 67 92 07 64 • Fax : 04 67 58 35 29
Tél. : 05 55 10 32 00 • Fax : 05 55 10 32 09
2/4 rue Jacques Villermaux • Médiaparc • 54000 Nancy
Tour Méditerranée • 65 avenue Jules Cantini • 13298 Marseille Cedex 20
11, rue Vanmarcke • 80000 Amiens
[email protected]
Tél.: 05 34 31 34 60 • Fax: 05 34 31 34 89
Tél. : 03 20 30 36 90 • Fax : 03 20 30 36 99
1, rue Marguerite Thibert • CS 30225 • 44 202 Nantes Cedex 2
[email protected]
Tél. : 03 83 57 63 27 • Fax : 03 83 57 59 40
Les Berges du Lac • Bât. B Rue du Colombier BP 47694 31676 Labège Cedex
22, rue du Quai • 59043 Lille cedex
[email protected]
[email protected]
Tél. : 04 91 14 05 40 • Fax : 04 91 91 93 38
Tél. : 02 40 89 03 43 • Fax : 02 40 89 97 50
Tél. : 03 22 22 34 90 • Fax : 03 22 22 34 99
[email protected]
[email protected]
[email protected]
Parc de L’Ébaupin, 3 rue de L’Angélique • BP98311 Bessines • 79043 Niort cedex 9 Tél. : 05 49 77 11 33 • Fax : 05 49 77 11 39
Immeuble le Président • 74, bd du 11 Novembre • CS 50039 • 69 626 Villeurbanne
[email protected]
[email protected]
Tél. : 04 72 07 45 30 • Fax : 04 78 28 63 84
[email protected]
Siège national
31, rue Anatole France • 92309 Levallois-Perret cedex
Tél. : 01 49 68 10 10
www.unifaf.fr
[email protected]
Fax : 01 49 68 10 39
Siren : 479 939 449