Cancer du poumon

Transcription

Cancer du poumon
« Cancer
du poumon,
le tabac n’est pas le seul coupable !
»
> SOMMAIRE
Pourquoi des Journées de la
Fondation Recherche Médicale ?
p. 2
> Propos recueillis à l’occasion de la 4è édition des
Journées de la Fondation Recherche Médicale, sur le
thème « Sommes-nous malades de notre
environnement ? ». Le présent débat s’est déroulé le 14
septembre 2005, à l’Amphithéâtre du CRDP de
Grenoble.
25 000 nouveaux cas chaque année :
et demain ?
p. 3
Doit-on généraliser la détection précoce ?
p. 3
Des tirs de plus en plus ciblés
pour attaquer les tumeurs
p. 5
Témoignages
p. 7
> Publication : novembre 2005
Les réponses à vos questions
p. 8
> Crédits photographiques : Fondation pour la
Recherche Médicale
À propos de la Fondation
p. 14
> Débat animé par Laurent Romejko, journaliste de
France 2.
> Document disponible sur le site de la Fondation
Recherche Médicale www.frm.org
Avec la participation de :
> Dr Denis Moro-Sibilot
Pneumologue spécialisé en oncologie thoracique et praticien hospitalier dans le département de médecine aiguë
spécialisée en pneumologie du CHU, et chercheur au sein de l'unité Inserm 578 « Bases moléculaires de
l'initiation et de la progression des cancers du poumon », au sein de l’Institut Albert Bonniot à Grenoble.
> Pr Christian Brambilla
Chef du département de médecine aiguë pneumologie et directeur de l'unité Inserm 578 « Bases moléculaires de
l'initiation et de la progression des cancers du poumon », au sein de l'Institut Albert Bonniot à Grenoble.
> Pr Marie-Christine Favrot
Responsable de l'équipe « Thérapie du cancer du poumon par vectorisation intra-tumorale de molécules proapoptotiques » dans l'unité Inserm 578, au sein de l’Institut Albert Bonniot à Grenoble.
La Fondation pour la Recherche Médicale a été créée en 1947 pour apporter une aide rapide et décisive aux chercheurs
dans tous les domaines de la recherche médicale. La Fondation a ainsi participé à toutes les grandes découvertes
médicales françaises. Grâce uniquement aux dons et legs privés, elle soutient chaque année 1 chercheur sur 3 et finance
environ 700 programmes de recherche. La Fondation Recherche Médicale remplit également une mission d’information
pour favoriser le dialogue entre les Français et les chercheurs. A ce titre, elle s’est vue attribuer par le gouvernement le
label « campagne d’intérêt général 2005 ».
Pour faire un don :
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À retourner à :
Fondation pour la Recherche Médicale
54, rue de Varenne - 75335 Paris cedex 07
Tél. : 01 44 39 75 75 - Fax : 01 44 39 75 99
ou sur sur www.frm.org (rubrique "aidez la recherche")
Cancer du poumon : le tabac n’est pas le seul coupable y www.frm.org
1
Pourquoi
des « Journées de la Fondation Recherche Médicale »
?
Plus que jamais, les liens entre environnement et santé sont aujourd’hui au
cœur des inquiétudes des Français. Pollution de l’air et de l’eau, risques
alimentaires, contamination microbiologique et chimique, rayonnements,
stress et bruit… sont autant de facteurs incriminés dans nombre de maladies
et auxquels nous sommes tous potentiellement exposés. En outre, les
maladies liées directement ou indirectement à notre environnement et à nos
modes de vie sont en constante augmentation : cancers, maladies
cardiovasculaires, allergies, obésité, stérilité… À titre d’exemple, on estime
que 7 à 20 % des cancers seraient imputables à des facteurs
environnementaux ! Pourtant, aujourd’hui encore, nombre de questions
restent en suspens…
Devant le besoin d’information que vous nous manifestez chaque jour, la Fondation Recherche
Médicale a décidé en septembre 2005 d’ouvrir ce débat avec vous, en présence des meilleurs
experts. La 4e édition des Journées de la Fondation Recherche Médicale1 a posé, en effet, la
question « Sommes-nous malades de notre environnement ? ». Au cours de six débats sur six
thématiques différentes et dans six villes de France, un public venu nombreux a pu dialoguer avec les
chercheurs et trouver réponses à ses questions. Face à ce questionnement, la Fondation Recherche
Médicale a également choisi de lancer, dès 2004, le programme « Défis de la recherche en
allergologie2 ». C’est une réelle incitation au développement de recherches sur les origines
moléculaires et cellulaires des allergies et sur les pistes de traitements. C’est également une initiative
ambitieuse qui n’aurait pu voir le jour sans la générosité et la confiance de ses donateurs - peut-être
vous ? -. Cette nouvelle édition des Journées de la Fondation Recherche Médicale est finalement
l’occasion de mieux comprendre les enjeux de la recherche et de mesurer le rôle essentiel de la
Fondation Recherche Médicale.
Joëlle Finidori,
Directrice des affaires scientifiques
de la Fondation Recherche Médicale
1
visitez le site consacré à l’événement http://www.jfrm.org
pour plus d’infos, consultez la page http://www.frm.org/demandez/dem_specifiques_allergie.php
2
Journées de la Fondation Recherche Médicale 2005 y Cancer du poumon y www.frm.org
2
25 000 nouveaux cas
chaque année : et demain ?
Dr Denis Moro-Sibilot,
Pneumologue spécialisé en oncologie
thoracique et praticien hospitalier dans le
département de médecine aiguë spécialisée
en pneumologie du CHU, et chercheur au sein
de l'unité Inserm 578 « Bases moléculaires de
l'initiation et de la progression des cancers du
poumon », au sein de l’Institut Albert Bonniot à
Grenoble.
> Le tabac est-il aussi dangereux
qu’on le dit ?
Le tabac est certainement plus dangereux
qu’on le dit ! Alors
que cette
information est
inscrite sur les
paquets de tabac, il
y a une
minimisation
volontaire des
dangers du tabac
de la part des
industries qui le
fabriquent. Pour
preuve, il a fallu
attendre 2001 pour que le PDG de Philip
Morris International reconnaisse que la
cigarette était nocive. Le combat contre ceux
qui fabriquent des cigarettes est un combat de
David contre Goliath, avec un rapport financier
de 1 à 100. Le déséquilibre entre les moyens
mis à disposition pour la prévention et les
moyens de promotion du tabac est colossal. Il
y a beaucoup de choses à faire, comme
l’éducation des enfants dans les écoles ou
dans les universités, où il faut expliquer les
dangers du tabac. La part réglementaire et
législative reste également importante : la loi
Evin est une bonne chose, et l’appliquer en
serait une meilleure !
Les Etats-Unis, via leur réglementation, ont
abouti à une diminution très importante du taux
de cancers dans la population, aussi bien chez
les hommes que chez les femmes, même si la
diminution est moins marquée chez ces
dernières. Les mauvaises habitudes des
hommes sont passées dans la population
féminine au cours des années 1970. La
France en est encore loin. Du fait des
modifications des habitudes tabagiques, les
hommes fument moins (70 % d’hommes
fumeurs dans les années 1960 à 45 - 50 % en
2 000 voire 30 % dans la région grenobloise)
et développent moins de cancers du poumon,
au contraire des femmes, dont le tabagisme a
augmenté de manière importante. Ce
tabagisme féminin devient problématique,
notamment chez les femmes jeunes.
> Le tabac n’est pas le seul facteur
Il existe d’autres facteurs. On peut citer le
tabagisme passif. Dans les décès attribués au
tabac, on distingue les tabagiques actifs et les
tabagiques passifs. Des personnes qui ont
travaillé ou vécu dans des endroits enfumés
ont été exposées au tabac et ont un risque de
développer un cancer. Le tabac est une
pollution souvent ignorée qu’il faut pourtant
prendre en compte. Malheureusement, il
semble que les gens n’aient pas encore réalisé
le danger du tabagisme passif. La loi Evin est
mal respectée, comme on peut le constater
dans les gares ou les aéroports.
Par ailleurs, l’amiante est un facteur
professionnel, largement répercuté par la
grande presse. Sur les 25 000 cancers du
poumon qui se déclarent chaque année en
France, un millier est lié à l’amiante. D’autres
facteurs sont liés à la pollution : des études
menées à Singapour montrent un parallélisme
entre l’intensité du trafic automobile et
l’incidence de certains cancers. La pollution
industrielle est également responsable de
certains cancers. Des travaux menés sur le
sous-continent indien, où les normes sont
moins respectées qu’en Europe, montrent une
augmentation du nombre de cancers en
fonction du nombre d’années passées à
travailler en usine. Des travaux nordaméricains ont montré qu’en terme de nombre
de patients atteints d’un cancer du poumon, le
poids de la pollution était comparable à celui
du tabagisme passif.
Doit-on généraliser
la détection précoce ?
Pr Christian Brambilla,
Chef du département de médecine aiguë
pneumologie et directeur de l'unité Inserm 578
« Laboratoire bases moléculaires de l'initiation
et de la progression des cancers du poumon »,
au sein de l'Institut Albert Bonniot à Grenoble.
> Pourquoi n’y a-t-il pas de dépistage
systématique du cancer du poumon ?
L’espoir de survie pour les patients atteints
d’un cancer du poumon est très différent selon
Journées de la Fondation Recherche Médicale 2005 y Cancer du poumon y www.frm.org
3
le stade auquel il est détecté.
Malheureusement, dans 8 cas sur 10, le
cancer du poumon est détecté trop
tardivement pour qu’une opération soit
possible. Lorsqu’on détecte un cancer précoce
à partir d’une radiographie pulmonaire ou d’un
scanner, les chances de guérison par la
chirurgie seule ou associée à une
chimiothérapie sont plus importantes.
Au contraire du
cancer du sein
par exemple, le
fait de réaliser
des examens
de dépistage
systématique
n’améliorerait
pas les choses.
Ces essais sont
très coûteux.
Voici trente ans,
des essais avaient été réalisés aux Etats-Unis
et en Europe en utilisant la radiographie
pulmonaire. Si l’on trouvait davantage de petits
cancers, la survie des sujets qui n’avaient pas
eu de radio n’était pas moins bonne que celle
des sujets qui avaient passé une radio. Le fait
de réaliser des radios à grande échelle
n’améliorait donc pas la situation. Ce type
d’étude dure très longtemps : cinq années sont
nécessaires pour inclure des milliers de
personnes, suivies de cinq autres pour les
suivre, et enfin de vingt années de débats sur
les résultats. Ces discussions se poursuivent
sur certains cancers, comme c’est le cas pour
le cancer du sein. Néanmoins, les femmes ont
des mammographies régulières, et le pronostic
du cancer du sein s’améliore. Ceci n’a pas
encore été montré sur le cancer du poumon.
Depuis deux ans, nous essayons d’obtenir de
la CNAM (Caisse Nationale d’Assurance
Maladie) la possibilité de lancer l’essai de
dépistage en France. Aux Pays-Bas et au
Danemark, 12 000 personnes seront incluses
dans l’essai. Elles sont au nombre de 20 000
aux Etats-Unis. En France, les discussions se
prolongent et la CNAM ne semble pas être
décidée à investir la somme – il est vrai
considérable –, d’environ 200 millions d’euros.
Il s’agit en effet de réaliser des scanners sur
20 000 personnes pendant 5 ans. Il est
toutefois impératif que cet argent soit investi,
car le dépistage révélera de très petites
lésions, qui peuvent changer la donne. Cette
journée est l’occasion de demander à nos
responsables de santé d’apporter une
réponse, positive ou négative, sachant que les
crédits ont été mis de côté pour cela.
> A qui s’adresse ce dépistage ?
La population à risque est clairement celle des
fumeurs, ainsi que celle des personnes
exposées à l’amiante. La population féminine
ayant des antécédents de cancers du poumon
ou des voies respiratoires commence à être
considérée comme une population à risque. Il
faut tenter de mieux cibler ces populations à
risque, car l’argent de la Sécurité sociale doit
être utilisé à bon escient. Il ne faut pas non
plus réaliser des scanners à répétition, car cet
examen entraîne une irradiation qui peut ne
pas être dénuée de risque.
Le terme « tabagisme » ne se limite à définir le
fait de fumer 3 paquets par jour. Un tabagisme
prolongé chez la femme, avec quelques
cigarettes par jour, peut être tout aussi
dangereux. Il faut donc bien réfléchir à la
manière de cibler les patients et les patientes.
Il faut clairement dire aux jeunes femmes
qu’elles prennent beaucoup de risque, même
en fumant quelques cigarettes par jour.
En ce qui concerne le tabagisme passif, les
fumeurs doivent s’obliger à fumer à l’extérieur
de la maison. L’industrie du tabac est en toile
de fond pour masquer les informations : le
tabagisme passif est dangereux. La Loi Evin
est une bonne chose, mais il faut l’appliquer.
Lorsqu’une personne non fumeuse est dans
un milieu enfumé plusieurs heures par jour,
elle inhale des produits dangereux.
> Effets carcinogènes du tabac sur le gène
Le cheminement depuis le carcinogène
contenu dans la fumée de tabac jusqu’à
l’altération des gènes par ce carcinogène
commence à être bien connu. Ceci permettra
éventuellement d’avoir des armes efficaces.
Cette connaissance permet aussi d’avoir
toutes les preuves du délit, et ceci est à
présent bien prouvé pour le tabagisme passif,
même si la publication de résultats
scientifiques sur ce domaine a souvent été
freinée.
Laurent Romejko – Au cours de vos travaux
menés au sein du laboratoire Albert Bonniot,
avez-vous déjà bénéficié de l’aide de la
Fondation pour la Recherche Médicale ?
Pr Christian Brambilla – Bien sûr, et cela à
de nombreuses reprises. Un dossier a encore
été déposé cette année. Il est essentiel que la
Fondation soutienne les jeunes chercheurs.
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4
Des tirs de plus en plus ciblés
pour attaquer les tumeurs
Pr Marie-Christine Favrot,
Responsable de l'équipe « Thérapie du cancer
du poumon par vectorisation intra-tumorale de
molécules pro-apoptotiques » dans l'unité
Inserm 578, au sein de l’Institut Albert Bonniot
à Grenoble
> Qu’est ce qu’un traitement ciblé ?
Il s’agit d’un traitement spécifique des
anomalies présentes dans la cellule tumorale,
qui lui ont permis de passer d’un état normal à
un état malin. Une cellule tumorale peut
présenter deux grands types d’anomalies : soit
elle se multiplie trop vite, soit elle refuse de
mourir. Ces anomalies peuvent se situer au
niveau du gène : actuellement, il est encore
difficile de traiter une maladie par thérapie
génique en
intervenant
directement sur
le gène.
Heureusement,
le gène code
pour des
protéines,
contre
lesquelles on
dispose de
davantage
d’armes
lorsqu’elles sont
anormales.
> Quelles anomalies peut-on cibler ?
Les premières anomalies sont les facteurs de
croissance, qui permettent aux cellules
tumorales de survivre et de se multiplier : on
peut essayer de bloquer ces facteurs de
croissance en les neutralisant. Les facteurs de
croissance se fixent sur des récepteurs situés
sur la membrane de la cellule maligne : on
peut alors essayer de bloquer ces récepteurs.
On peut également bloquer le système
existant entre ces récepteurs et la machinerie
interne de la cellule maligne, dont la mise en
marche déclenche la multiplication cellulaire.
La médecine commence à disposer de
drogues pour lutter contre ces anomalies.
Un autre type d’anomalies concerne la
vascularisation d’une tumeur. Une tumeur a
besoin d’être nourrie pour proliférer, et cette
nourriture (oxygène, sucres, …) arrive via des
vaisseaux, qui lui sont indispensables. Si l’on
réussit à détruire cette vascularisation, on a
une chance de voir la tumeur régresser ou
disparaître. Une série de traitements vise soit
à détruire ces vaisseaux (voici plus d’un siècle,
des chirurgiens thrombosaient déjà les artères
irriguant une tumeur), soit à utiliser des
thérapeutiques ciblées, en neutralisant les
facteurs de croissance des cellules de ces
vaisseaux.
> Pourquoi des thérapies ciblées ?
Le premier motif repose sur l’espoir que ces
thérapies ciblées soient moins toxiques qu’une
chimiothérapie. Ceci n’est pas clairement
démontré, car rien dans l’organisme n’est
totalement spécifique et ces thérapies peuvent
toucher d’autres cellules.
Le second motif est que malgré un nombre
croissant de molécules de chimiothérapie avec
des modes d’action différents et la possibilité
de les associer entre elles, certains cancers
(notamment le cancer du poumon) restent
relativement résistants à la chimiothérapie.
> Quel espoir mettre dans ces
thérapies ciblées ?
Le milieu médical et les malades ont un grand
espoir dans ces thérapies ciblées. Il faut
toutefois le nuancer : leur spécificité à une
anomalie fait à la fois l’intérêt et la limite de
ces molécules. En effet, chaque malade a sa
propre tumeur, même si l’on peut nuancer en
disant que 25 % des malades présentent un
type d’anomalie, 25 % un autre type… La
prescription de ce type de médicament
nécessite que la tumeur ait été analysée et
que le traitement soit bien indiqué. Par ailleurs,
on dispose de molécules ciblées contre
quelques anomalies, mais pas toutes. Cela
signifie qu’il faudra multiplier cet arsenal
thérapeutique afin d’avoir au final une
molécule pour chaque groupe de malade, via
un traitement personnalisé. Une autre limite
vient du fait que certaines anomalies sont
relativement faciles à cibler. D’autres sont
beaucoup plus complexes, car il est
nécessaire d’amener le médicament jusqu’au
noyau de la cellule maligne. Ces problèmes
rappellent ceux de la thérapie génique et
nécessitent la fabrication de vecteurs qui
amèneront les molécules thérapeutiques au
bon endroit.
Les médias ont cité des molécules
« miracles » qui avaient soigné des malades à
des phases critiques de leur maladie, comme
dans le cas de la leucémie myéloïde avec le
Glivec©. Dans le cas du cancer du poumon, la
molécule Iressa© cible un facteur de
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croissance donné et son récepteur. Quand le
malade « répond » (c’est-à-dire qu’il possède
cette anomalie dans sa tumeur), les résultats
sont très intéressants. Alors que les essais
cliniques annonçaient 10 à 20 % de malades
ayant une réponse positive, il semble que
moins de 10 % des malades répondent, car
cette anomalie se retrouve essentiellement
chez les femmes non fumeuses asiatiques. Si
l’étude a été faite au Japon, les taux de
réponse étaient plus élevés. Ces molécules
ont certainement beaucoup d’efficacité, mais
chez un nombre limité de malades. Iressa©
possède son autorisation de mise sur le
marché (AMM) en France, et fait bien partie de
l’arsenal thérapeutique. L’avenir consiste à
trouver d’autres molécules à incorporer dans
cet arsenal.
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6
Témoignages
Laurent Romejko – Monsieur Tricard, vous
avez effectué un dépistage en 1999. Quelle
était l’origine de votre cancer ?
René Tricard – J’avais un point douloureux
sous l’omoplate. Je n’avais pas passé de radio
depuis 15 ou 20 ans, et mon médecin traitant
m’a immédiatement envoyé passer une radio.
Les résultats ont incité les médecins à me faire
passer un scanner, qui a révélé un cancer du
poumon. J’ai eu la chance d’être opéré très
rapidement – on m’a enlevé un lobe
pulmonaire à droite. En 2001, le scanner
effectué au cours de mon suivi a révélé un
cancer sur le poumon gauche. J’ai donc été
opéré et le même chirurgien m’a enlevé une
partie du lobe pulmonaire inférieur gauche. En
2003, j’ai subi l’ablation complète du lobe
pulmonaire gauche.
L. R. – L’amiante est
à l’origine de votre
cancer. Quelle était
votre profession ?
R.T. – J’étais
technicien à France
Télécom. Le risque
professionnel a été
reconnu, et la
sécurité du travail
m’a fait obtenir une
pension. Trois de
mes collègues dont le cancer n’a pas été
détecté précocement sont décédés.
L. R. – En quelle année le risque professionnel
a-t-il été reconnu ?
R.T. – Le risque professionnel a été reconnu
en 2003, à la suite de ma dernière opération.
Je suis régulièrement suivi : je passe ce moisci un scanner avec injection.
L. R. - Madame Troyat, vous n’aviez pas de
tabagisme ni de risque apparent. L’origine de
votre maladie a-t-elle été découverte ?
très vite dégénéré en pneumopathie, qui a
entraîné des complications respiratoires
pendant un mois. Mon état ne s’améliorant
pas, j’ai dû passer des radios au cours
desquelles le médecin a détecté une tâche qui
n’apparaissait pas sur une ancienne radio
datant de quelques années.
L. R. – Passiez-vous régulièrement des
radios ?
T.T. – Non, pas de manière fréquente, mais
plutôt tous les cinq ans. La dernière avait été
faite lors de la visite au médecin du travail.
L. R. – Votre prise en charge a-t-elle été
rapide ?
T.T. – Oui. J’ai eu la chance que mon cancer
ait été dépisté à cette occasion, ce qui n’a pas
été le cas d’une cousine niçoise. L’origine est
peut-être familiale. L’opération s’est bien
déroulée, sans nécessiter de chimiothérapie.
Aujourd’hui, je vais bien et je suis
régulièrement suivie par le Pr Brambilla.
L. R. – Professeur Brambilla, ces témoignages
démontrent l’intérêt du dépistage précoce.
Pr Christian Brambilla – Dans le cas de
Madame Troyat, c’est l’infection respiratoire
qui a fortuitement amené à faire passer la
radio. Dans quelques années, nous pourrons
peut-être trouver une explication génétique,
dans la mesure où les fragments prélevés au
cours des opérations sont conservés. Des
recherches sont menées pour comprendre le
pourquoi du comment ! Il sera possible de
déterminer si la cause est familiale, s’il s’agit
d’une susceptibilité particulière qui a réagi à un
tabagisme passif ancien… On espère que ces
recherches permettront à l’avenir de
déterminer si une personne est à risque en
prélevant son sang ou en analysant sa salive,
et de faire des examens poussés dans sa
famille. C’est par exemple à ces personnes-là
que l’on pourra proposer une surveillance par
scanner.
Thérèse Troyat – Absolument pas. A ce jour,
je ne connais pas la cause de ma maladie.
L. R. – Comment vous êtes-vous rendue
compte de votre maladie ?
T.T. – Fortuitement. Une grippe hivernale a
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7
Les réponses
à vos questions
« Comment savoir qu’un produit polluant
peut déclencher un cancer du poumon ? »
Dr Denis Moro-Sibilot - Il est toujours difficile
d’estimer qu’un polluant est dangereux ou
pas : le Professeur Vignaud a mis beaucoup
de temps à prouver la dangerosité de
l’amiante, et il a été longtemps en lutte contre
les sociétés qui produisaient de l’amiante. Le
tabac a été industrialisé au début du XXe
siècle : il a commencé à être couramment
utilisé pendant la guerre de 14-18. Les
premiers cancers ont été observés dans les
années 30, chez les anciens Poilus. L’industrie
a tout fait pour mettre ce phénomène sur le
compte des gaz de combats. Toutefois, les
Suisses, qui n’étaient pas belligérants,
présentaient également des cancers du
poumon. On a ensuite incriminé la
tuberculose, qui ressemblait beaucoup au
cancer du poumon. Il a fallu attendre les
premières publications américaines en 1950
pour faire un lien entre le tabac et le cancer du
poumon, puis jusqu’aux années 1960 pour
conforter ces travaux, et enfin 1980 pour
réussir à mettre en évidence les lésions créées
au niveau de l’ADN par les produits
cancérigènes présents dans le tabac. Au total,
il a fallu près de 50 ans pour mettre en
évidence les mécanismes exacts allant de la
fumée jusqu’à la lésion de l’ADN ! Pendant
tout ce temps, il faut informer et faire un travail
de prévention primaire et secondaire, et
surveiller les personnes qui ont été malades.
« Quelle est la proportion de cancers non
professionnels liés à la pollution ? Une
étude nord-américaine la situerait à près de
5 %… »
Dr Denis Moro-Sibilot – Sur 100 cancers
bronchiques, 90 sont liés au tabac, 5 sont le
fait de contaminations professionnelles, et 5
sont le fait d’autres facteurs. Ces derniers
peuvent être attribués au manque de chance
et aussi à une certaine forme de pollution
intérieure, qu’il s’agisse de pollution
atmosphérique ou domestique. Dans la
pollution domestique, outre le tabagisme
passif, la pollution par le radon est très
méconnue. Ce gaz radioactif est naturellement
présent dans les habitats de type granitique
(par exemple en Bretagne ou dans certaines
régions des Etats-Unis). Une exposition brève
à un taux faible de radon ne pose pas de
problème, mais une exposition plus longue
(par exemple pour des personnes habitant la
maison depuis leur enfance) peut donner des
cas de cancer bronchique. Il existe une
pollution à l’amiante d’ordre
environnementale : par exemple, des mines de
gisement d’amiante affleurent le sol au niveau
du cap corse. Les populations sont exposées
soit au vent qui ramène des particules
d’amiante, soit parce qu’elles ont utilisé des
matériaux naturels contenant de l’amiante, par
exemple en maçonnerie. Dans le nord de la
Turquie, des maisons sont traditionnellement
blanchies à l’amiante : la majorité des grosses
fibres d’amiante ne peuvent pas pénétrer dans
les poumons, mais une petite partie le peut.
Les populations de ces villages présentent une
forte surincidence de cancers bronchiques et
de tumeurs de la plèvre.
« Connaît-on l’effet des polluants utilisés à
l’intérieur des maisons ou des bâtiments
publics (formaldéhyde, benzène…) ? »
Dr Denis Moro-Sibilot – Le benzène et le
formaldéhyde sont utilisés à des
concentrations trop faibles dans les maisons
pour pouvoir être dangereux, à moins de
manipuler du benzène toute la journée.
« Quels sont les risques associés à
l’exposition de pesticides, et aux particules
diesels ? »
Dr Denis Moro-Sibilot – Les effets des
pesticides ne sont pas documentés dans la
littérature, aussi je ne peux pas apporter de
réponse. Un lien existe entre les particules
fines liées aux hydrocarbures et les cancers du
poumon, comme le montre l’étude récente
menée à Singapour et publiée au Congrès
International sur le Cancer du Poumon qui
s’est tenu à Barcelone cette année. Plus la
circulation augmente dans un quartier, plus
l’incidence de cancers est importante. Il faut
toutefois relativiser les cancers liés à la
pollution, même s’ils sont inacceptables. Il ne
faut pas non plus considérer que les cancers
du poumon dus à un tabagisme volontaire sont
davantage acceptables. Il s’agit de raisonner
dans une lutte globale : incriminer la pollution
doit aboutir à une lutte contre elle, mais pas à
un quitus donné à l’industrie du tabac, qui lui
fait tenir un discours rassurant en partageant
la faute avec la pollution. Il faut bien se
Journées de la Fondation Recherche Médicale 2005 y Cancer du poumon y www.frm.org
8
rappeler que 90 % des cancers du poumon
sont liés au tabac, et le reste à la pollution.
« Lorsque l’origine du cancer du poumon
n’est pas liée à une exposition au tabac, le
corps médical recherche-t-il
systématiquement les autres causes de
cancer du poumon (proximité de grands
boulevards, de zones industrielles) ? »
Pr Christian Brambilla – Grenoble participe à
une enquête française menée par l’Inserm,
dont un enquêteur visite tous les patients
atteints d’un cancer du poumon et mène un
interrogatoire professionnel. La région
grenobloise présente le plus important taux de
déclaration de cancers liés à l’amiante en
France, au titre des maladies professionnelles.
Le principal instigateur de cette enquête sur
Grenoble est le Dr Alain Perdrix, qu’il faut
remercier. Le fait de recevoir une
compensation financière consécutive à une
exposition à l’amiante n’est pas négligeable,
mais ne règle pas tout. Il est vrai que nous
souhaiterions aller plus loin. Si une personne a
toujours habité au même endroit, son
environnement a pu changer. Une étude a été
menée afin de déterminer pour quelles raisons
il y avait davantage de cancers sur certaines
zones que sur d’autres. Ceci est loin d’être
évident : il faudrait en effet disposer de
témoins d’une exposition particulière. Pour
l’asthme, nous avons pu enregistrer ce que les
gens respiraient au cours d’une période
courte. Une telle pratique reste difficile pour le
cancer du poumon, car la période d’exposition
est beaucoup plus longue. Le registre du
cancer de l’Isère montre effectivement que
certains cantons sont touchés par la pollution
industrielle. Notre équipe espère intégrer ce
registre de recherche afin de faire la jonction
entre les données épidémiologiques et les
recherches sur les gènes.
« Sur les 600 000 cancers déclarés en
France, 300 000 sont soignés. Le
Professeur Belpomme déclare que nous
sommes devant un mur thérapeutique.
Même si l’on peut faire d’énormes progrès
sur les médicaments, la France doit
procéder à d’importantes enquêtes
épidémiologiques pour savoir ce que nous
respirons à l’intérieur de nos maisons, à
l’extérieur et au travail. Nous voulons
savoir ce que nous respirons ! »
Pr Christian Brambilla – Je ne peux qu’être
d’accord avec vous ! On ne peut pas être
contre le fait de vouloir respirer l’air le plus pur
possible. Il est toutefois difficile de mesurer
tout ce que l’on respire au cours d’une vie. Il
faut œuvrer pour améliorer les conditions de
circulation dans une ville : les responsables
politiques réfléchissent à ce genre de chose. Il
n’y a pas de solution simple. Des enquêtes
épidémiologiques peuvent montrer la nocivité
de certaines choses. Ceci a été fait dans des
maladies où la réponse est beaucoup plus
rapide. Il est plus difficile de mettre en
évidence une cascade d’altération de gènes
qui aboutira à un cancer du poumon au bout
de 20 ans que de montrer un effet en
allergologie, plus limité dans le temps. Pour
montrer que les particules sont dangereuses, il
faudrait une dizaine d’années. D’ici là, il faut
espérer que nous ne ferons pas les mêmes
erreurs que celles que nous avons faites avec
le tabac et l’amiante, et que les conditions
d’émissions des véhicules seront améliorées
par les industriels.
« Une personne travaillant sur des
prothèses dentaires et contaminée par
l’amiante a été opérée d’un aspergillus au
niveau des sinus. Peut-il y avoir un
retentissement au niveau pulmonaire ? »
Dr Denis Moro-Sibilot – L’amiante a
certainement eu un retentissement potentiel
sur le poumon, car en fonction de la quantité
d’exposition, on sait qu’il y a une rétention de
fibres d’amiante au niveau du poumon et de la
plèvre. Si l’exposition à l’amiante est avérée, la
personne doit pouvoir bénéficier d’une
surveillance dans le cadre de la
réglementation qui prévoit la réalisation
régulière d’un scanner thoracique afin de
rechercher des lésions induites par l’amiante. Il
faut s’adresser aux organismes de médecine
du travail afin d’examiner l’éventuelle poursuite
d’un programme de surveillance, prévu par la
loi.
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« Le corps médical et la Fondation pour la
Recherche Médicale, portés par le
législateur, peuvent-ils insister auprès des
industriels pour que les personnes
exposées puissent bénéficier d’un livret
d’exposition aux risques professionnels et
ainsi aider la médecine du travail ? Ceci
permettrait une vraie prise en charge
collective de ces risques. »
Dr Denis Moro-Sibilot – Il n’y a pas de
répartition réelle des tâches. Il faut toutefois
laisser à la médecine du travail son rôle de
surveillance des employés. Pour ce qui est de
l’information du public et des travailleurs au
sens large, il faut faire appel aux sociétés
savantes, qui communiquent sur le sujet.
D’autres entités, telles que la Fondation pour
la Recherche Médicale aujourd’hui, organisent
des réunions pour communiquer sur le sujet et
donner un point de vue médical sur les
dangers de tel ou tel produit. A chacun ensuite
de faire son jugement. Aujourd’hui, on ne peut
pas être totalement aveugle sur les dangers
des polluants ou de certains comportements.
Une multitude d’informations dont on dispose
dépasse largement les possibilités d’un seul
individu (internet, littérature, grande presse…).
Aujourd’hui, on ne peut pas dire que « l’on ne
savait pas ».
« La climatisation peut-elle provoquer des
cancers ? »
Dr Denis Moro-Sibilot – Il a été prouvé que la
climatisation pouvait provoquer des maladies
infectieuses. Ce phénomène est étroitement
surveillé, même si cette surveillance
n’empêche pas quelques épidémies de
légionellose de temps en temps. La
climatisation ne provoque pas de cancer, et je
n’hésite pas à mettre la climatisation à la
maison ou dans la voiture.
« Un séjour effectué à 40 km de Tchernobyl
après l’explosion peut-il être responsable
du développement d’une série de cancers
(prostate, vessie puis poumon) ? »
Dr Denis Moro-Sibilot – Cela dépend du
niveau d’exposition de cette personne
lorsqu’elle a réalisé ce voyage. On sait depuis
plusieurs années qu’une forte exposition à la
radioactivité peut créer des cancers
bronchiques, notamment chez les militaires qui
ont été exposés à la radioactivité suite à des
explosions nucléaires à ciel ouvert. Par
exemple, les hôtesses de l’air sont soumises
en permanence à une irradiation naturelle du
fait des voyages en altitude : la dose qu’elles
reçoivent au cours de leur carrière est
infiniment supérieure à celle que cette
personne a pu recevoir au cours de son bref
séjour.
Pr Christian Brambilla - Nous sommes sans
arrêt exposés à la radioactivité : le soleil est
une source de radioactivité. Le fait de passer
quelques jours dans la région de Tchernobyl
est différent de celui de nettoyer les ruines de
Tchernobyl. Si l’exposition est brève, elle est
sans danger. Le séjour est trop limité dans le
temps et trop éloigné de la source d’émission
pour que l’exposition soit responsable d’un
cancer du poumon.
« Quelle est l’incidence d’un tabagisme
important, vingt après avoir cessé de
fumer ? »
Dr Denis Moro-Sibilot – Je vous félicite
d’avoir arrêté de fumer ! Sir Richard Peto, un
statisticien anglais qui s’est intéressé à la lutte
contre le tabagisme depuis les années 50, a
montré que le risque de cancer était d’autant
moins important que l’on arrêtait précocement
de fumer. Si une personne qui fumait un
paquet par jour arrête de fumer à 30 ans, elle
annule quasiment son risque. Si elle arrête de
fumer à 40 ans, elle annule 90 % du risque. Si
elle arrête à 60 ans, elle peut encore enlever
30 % du risque ! A tout âge, l’arrêt du
tabagisme a un impact très favorable.
« Le lycée dans lequel je travaille n’a
interdit le tabac que cette année dans
l’enceinte de l’établissement. Des élèves
arrivant non-fumeurs au lycée le sont
devenus. Un psychologue qui est intervenu
dans le lycée n’a pas insisté sur le côté
dangereux du tabac, en considérant que le
fait de mettre en garde des jeunes sur ce
danger les ferait au contraire se précipiter
vers lui. »
Pr Christian Brambilla – Dans la salle, deux
personnes mènent une action très efficace au
niveau des lycées. Il ne faut pas hésiter à leur
demander de l’aide dans ce domaine. Le
rajeunissement des fumeurs est un des
drames de notre société. Le psychologue qui
est intervenu a malheureusement tout à fait
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raison. Mettre en avant le danger vis-à-vis des
plus jeunes n’est pas forcément plus efficace.
Les jeunes vont vouloir se confronter au
danger afin de voir s’ils ne sont pas plus forts
que lui. Les adultes rencontrent des difficultés
à communiquer avec les jeunes.
« La loi Evin ne concerne que les lieux
publics. Je souffre du tabagisme de mes
voisins, dont la fumée traverse le plafond,
et qui fument également du cannabis dont
j’ai malheureusement expérimenté les
effets par ce biais. Que faire ? »
Pr Christian Brambilla – La Loi Evin doit
réguler le tabagisme sur les lieux publics, ce
qui n’est pas toujours le cas. Ceci est encore
plus difficile sur les lieux privés. Le fait d’être
dans une pièce où des gens ont fumé, même
si cela est très désagréable, n’est pas
dangereux. Les substances volatiles qui
produisent la mauvaise odeur ne sont pas
dangereuses comme peuvent l’être les
particules contenues dans la fumée. Les murs
et la dalle jouent le rôle de filtre, et seule
l’odeur vous parvient. Par contre, l’oxyde de
carbone passe facilement à travers les murs,
et pose des problèmes d’intoxication. Une
action peut être engagée au niveau de la copropriété pour éviter la pollution olfactive. La
régularisation du cannabis est un autre drame
sociétal : il faudra quelques années pour
réaliser que ce produit ne fait pas que nous
mettre de bonne humeur. Il ne faut pas sousestimer les dangers de ce produit.
« Suite à une lobectomie, qu’est-ce qui
définit la mise en place d’une
chimiothérapie et / ou d’une
radiothérapie ? »
Dr Denis Moro-Sibilot – C’est l’analyse du
lobe opéré qui définit les traitements
complémentaires après chirurgie. L’on établit
les rapports de la tumeur avec les organes du
voisinage (cœur, lobe, œsophage…) et l’on
prend en compte le fait que l’exérèse (le fait
d’enlever la tumeur) a été complète ou pas
(dans certains cas, le chirurgien ne peut pas
tout enlever, au risque de créer des lésions sur
des organes vitaux). L’on analyse également
précisément les ganglions prélevés lors de la
lobectomie, et en fonction de l’envahissement
de ces ganglions, on décide ou non de faire
une chimiothérapie ou une radiothérapie.
Aujourd’hui, une grande majorité des malades
doit bénéficier de chimiothérapie s’ils sont
aptes à en bénéficier, c’est-à-dire qu’ils ne
sont pas trop âgés et s’ils n’ont pas d’autre
maladie liée au tabac (cœur ou reins en
mauvais état, séquelles d’attaque cérébrale),
car le tabac créé également des lésions
d’autres organes qui compliquent la vie du
malade et le travail des médecins.
« En dehors de la chimiothérapie, qu’en
est-il de la protothérapie et des
bombardements dans le traitement du
cancer du poumon ? »
Pr Christian Brambilla – De nouvelles
techniques se développent et traitent
localement certaines lésions, comme la
cryothérapie. A Grenoble, nous développons la
radiofréquence, qui est un autre moyen de
brûler la lésion. Le cancer du poumon reste
toutefois une maladie générale : la plupart du
temps, il ne suffit pas de traiter uniquement la
lésion visible sur le scanner, mais il faut
envisager une thérapeutique plus large.
« Existe-t-il un autre moyen de dépistage
du cancer du poumon que la radio ? »
Dr Denis Moro-Sibilot – Aujourd’hui, la
réglementation prévoit que le dépistage soit
fait par un scanner et non par une radio. La
radio thoracique permet le diagnostic de
seulement 30 % des cancers. On a montré
que cet examen était clairement insuffisant au
titre du dépistage et du diagnostic précoce.
« Le PET-scan peut-il être préconisé en
matière de détection précoce du cancer du
poumon ? »
Pr Christian Brambilla – Cet examen est trop
coûteux pour devenir un examen de dépistage.
Par ailleurs, il ne fait que révéler une
consommation de sucre dans l’organisme, ce
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qui peut être le cas d’une lésion infectieuse,
qui n’est pas un cancer. Le PET-scan est par
contre un examen très important lorsqu’un
cancer est suspecté ou diagnostiqué. L’Institut
National du Cancer (INCA) mène actuellement
une enquête, car il semble que la France soit
en retard sur cet examen. Le délai pour obtenir
un PET-scan est d’environ trois semaines (10
à 15 jours à Grenoble depuis le début de
l’année 2005). Le développement de cet
examen de deuxième intention est donc à
l’étude. En matière de cancer du poumon, le
message est simple : quel que soit le facteur
de risque, il faut consulter le médecin en cas
de symptômes respiratoires et passer un
scanner thoracique plutôt qu’une radio
pulmonaire.
« Le premier généraliste que j’ai consulté
pour une importante fatigue au niveau
articulaire sans signe d’essoufflement s’est
trompé de diagnostic, et c’est le second qui
m’a diagnostiqué un cancer du poumon,
dont j’ai été opéré. La formation de nos
généralistes est-elle suffisamment
pointue ? »
Pr Christian Brambilla – Ces douleurs
articulaires sont un signe d’appel que l’on
apprend au cours de nos études. L’examen de
vos mains confirmerait sans doute la présence
d’un hypocratisme digital. Ceci fait partie des
syndromes paranéoplasiques, qui sont des
signaux d’alarme mais qui n’attirent pas
toujours l’attention sur le poumon. La fatigue
est un phénomène tellement répandu qu’il faut
parfois aller au-delà. Les généralistes pensent
néanmoins de plus en plus au cancer du
poumon. Parfois, la radiographie pulmonaire
suffit pour attirer l’attention. Nous essayons de
faire passer le message suivant aux
généralistes : en cas de doute, il ne faut pas
se contenter de la radiographie pulmonaire
mais aller directement au scanner.
« Quand peut-on suivre les traitements du
type Iressa® : dès le diagnostic ou après
une opération ? »
Dr Denis Moro-Sibilot – Des normes précises
existent sur la prescription de l’Iressa®. Les
recommandations nationales consistent à
prescrire ce médicament après l’échec de
deux séries de chimiothérapies. Des travaux
sont actuellement menés pour prescrire ce
produit après l’échec d’une seule ligne de
chimiothérapie, et d’autres pour le prescrire
d’emblée, ce qui est encore trop tôt pour
l’instant. Un produit concurrent à l’Iressa est en
phase de sortie, et l’arsenal thérapeutique est
en train de se renforcer. Aujourd’hui, ce
médicament est malheureusement prescrit à
l’aveugle, sur des normes purement cliniques,
et à la suite de l’échec de deux lignes de
chimiothérapie. Une demande de financement
a été faite au niveau du Ministère de la Santé
afin de lancer un travail national engageant
plusieurs grandes équipes de recherche et
dont l’objectif est de déterminer les facteurs
qui vont prédire la réponse à ce médicament.
Ceci permettrait de sélectionner les malades
sur la cible. Le laboratoire de Grenoble, avec
une quinzaine d’autres équipes françaises,
espère être sélectionné sur cet appel d’offre
afin de travailler sur la recherche de la cible et
également sur la création de moyens
techniques permettant à grande échelle de
rechercher la cible chez les malades soignés
au quotidien.
« Les résultats du protocole de recherche
Sigma-tau, élaboré pour attaquer la
vascularisation de la tumeur, sont-ils
connus ? Ce protocole ne semble pas
encore au point, car j’étais en phase 1 de la
recherche. J’ai commencé la phase 2 du
protocole, et les tumeurs se sont
stabilisées. »
Pr Marie-Christine Favrot – La phase 1 ne
signifie pas que le traitement n’est pas au point
mais que l’on n’a pas prouvé qu’il était
efficace. La molécule administrée est la même
en phase 1, 2 ou 3. L’étude Sigma-tau n’est
pas terminée : il s’agit d’une énorme étude
randomisée incluant un grand nombre de
malades.
Pr Christian Brambilla – Je tiens à vous
remercier de votre témoignage, car il est
difficile de faire comprendre à un malade qu’il
doit participer à la recherche sur la maladie.
En France, les lois protègent bien les
personnes qui acceptent de participer à
l’évaluation de nouveaux traitements ou de
nouvelles techniques. Les documents qu’ils
signent lorsqu’ils l’acceptent sont en
conséquence très importants. Si l’on veut
pouvoir appliquer les résultats des recherches
avec sécurité en tant que médicament, la route
est longue, et les malades doivent y participer.
Les personnes qui acceptent de rentrer dans
un essai peuvent tout à fait en sortir sans avoir
à donner d’explication. Par exemple, l’Iressa
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fatigue beaucoup moins que la chimiothérapie,
mais elle n’est pas magique : même si elle est
ciblée, elle peut « taper » à côté. Tous ces
nouveaux médicaments peuvent avoir des
effets collatéraux aussi graves qu’ils peuvent
être efficaces.
« La recherche travaille-t-elle sur la
possibilité d’éviter les effets secondaires
après des soins de chimiothérapie et de
radiothérapie ? »
Dr Denis Moro-Sibilot – Nous disposons d’un
certain nombre de médicaments qui
permettent d’améliorer la tolérance à la
chimiothérapie ou la radiothérapie. Ces
médicaments ne sont pas parfaits et sont plus
efficaces chez certaines personnes que chez
d’autres. Si elle n’est pas encore idéale, la
situation actuelle est toutefois plus tolérable
que celle d’il y a 20 ans, où les malades
sortant d’une chimiothérapie avaient juste
assez de force pour rentrer chez eux et se
coucher. Maintenant, certains patients peuvent
conserver un bon niveau d’activité physique,
familiale et professionnelle. Nous attendons
beaucoup des différents traitements,
notamment des traitements ciblés. En plus de
l’Iressa, des traitements par les anticorps sont
encore mieux supportés et sont déjà
disponibles pour certains cancers. Par
exemple, l’herceptin, disponible pour les
cancers du sein, est bien toléré par la majorité
des femmes. Il y a toutefois des effets
secondaires chez une minorité d’entre elles.
Chaque médicament va très bien réussir chez
certaines personnes et moins bien chez
d’autres.
« Lorsque des mélanomes ont métastasé
au niveau du poumon, ce type de cancer
est-il associé à un pronostic plus sombre ?
Existe-t-il des traitements particuliers ? Où
en sont les recherches dans ce
domaine ? »
Pr Marie-Christine Favrot – Le pronostic est
effectivement plus sombre lorsqu’il y a des
métastases dans un mélanome. Cette maladie
est particulière car la guérison est fréquente
avant la métastase, mais devient difficile
après. Le type de traitement proposé dans le
cancer du poumon n’est pas efficace dans le
cas de métastases d’un cancer de type
mélanome. Les traitements disponibles pour
les mélanomes sont encore assez peu
nombreux. Par ailleurs, il y a peu de recherche
au niveau des thérapeutiques ciblées dans le
cas des cancers de type mélanome. Le
mélanome est une maladie dans laquelle on
pense que la réponse du système immunitaire
(les cellules de notre organisme qui contrôlent
les infections) pourrait détruire la tumeur. Ceci
repose sur de nombreuses données
scientifiques. La plupart des thérapeutiques
innovantes sont donc basées sur la stimulation
du système immunitaire : les cellules malades
sont prélevées, mises en culture, stimulées et
réinjectées dans l’organisme pour attaquer la
tumeur.
« Le cancer du poumon est-il
contagieux ? »
Dr Denis Moro-Sibilot – Absolument pas.
Pr Christian Brambilla - Ce n’est pas le
cancer du poumon qui est contagieux, mais le
silence qui entoure cette maladie. Pourquoi
parle-t-on si peu du cancer du poumon alors
qu’il fait tant de morts ? Peut-être les gens
considèrent-ils que les fumeurs atteints d’un
cancer du poumon l’ont bien cherché…
Maintenant qu’il touche davantage de femmes,
peut-être parlera-t-on davantage de ce
cancer !
Synthèse rédigée pour la Fondation pour la Recherche
Médicale par Editelor. www.editelor.com
Les Journées de la Fondation Recherche
Médicale 2005 ont été organisées avec le
précieux soutien de l'AG2R, l'Assistance
Publique-Hôpitaux de Paris, IDS France,
Matmut, France 5, France Inter, Pleine Vie,
Top Santé, Femme Actuelle et La Vie. En
régions : les Dernières Nouvelles d’Alsace,
France3 Alsace, Ouest-France, France 3
Normandie, Le Dauphiné Libéré, Nice Matin,
France 3 Méditerranée, La Dépêche du Midi et
France 3 Sud.
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À propos de la Fondation
Recherche Médicale
Créée en 1947 et reconnue d’utilité publique
depuis 1965, la Fondation pour la Recherche
Médicale a pour mission principale de financer
la recherche médicale grâce aux dons et legs
qu’elle collecte auprès du grand public et des
entreprises.
Ses aides concernent tous les aspects de la
recherche médicale, que celle-ci soit
fondamentale, clinique ou épidémiologique. Et
ceci, dans toutes les disciplines médicales. Le
but est clairement affiché : lutter contre toutes
les maladies, sur tous les fronts.
Grâce à la générosité de ses donateurs, la
Fondation Recherche Médicale est devenue
un acteur majeur de la recherche française.
Depuis sa création, elle a participé à toutes les
grandes découvertes médicales.
à travers sa revue Recherche & Santé, ses
guides « Santé : 100 idées reçues. L’avis des
chercheurs » et son site web www.frm.org.
Elle organise chaque année de nombreuses
rencontres chercheurs / grand public partout
en France pour favoriser le débat scientifique
au sein de notre société. À ce titre, elle s’est
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« campagne d’intérêt général 2005 ».
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