Assurance-vie, la fin d`un cycle
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Assurance-vie, la fin d`un cycle
23/29 FEV 12 Hebdomadaire Paris 8 RUE DU SENTIER 75082 PARIS CEDEX 02 - 01 53 00 26 26 Surface approx. (cm²) : 1028 N° de page : 12-14 Page 1/3 ÉCONOMIE & FINANCE Assurance-vie, la fin d'un cycle Le mouvement de décollecte apparu ces derniers mois est dû à la réorientation de l'épargne vers les bilans des banques. JK" www.agefi.fr/WikiFinance/Etudesl PAR GUY MARCHAL D ébut 201 i, les professionnels de l'assurance-vie montraient une certaine nervosité devant les premiers signes d'essoufflement de la collecte (L'Agefi Hebdo du 31 mars 2011). Début 2012, ils peuvent se montrer vraiment inquiets après plusieurs mois de décollecte. Cette fois, les cotisations ne suffisent plus à couvrir les sorties. Après plus d'une décennie de croissance ininterrompue, Passurance-vie est guettée au mieux par la stagnation ou, dans un scénario plus pessimiste, par une longue phase de repli. Pour l'heure, la collecte nette donne une image sombre en baissant, mais l'encours continue de progresser modérément en bénéficiant de la capitalisation des rendements. Ce recul est-il d'ordre conjoncturel ou structurel, sera-t-il de courte durée ou s'approfondira-t-il au fil des années ? Une chose est sûre, l'assurance-vie doit affronter des obstacles qui n'ont rien de temporaire : de l'impact de la crise économique sur les épargnants aux nouvelles réglementations (Bâle III pour les banques et Solvabilité II pour les compagnies d'assurances et les bancassureurs), en passant par les sempiternelles promesses de réforme fiscale et de réorientation de l'épargne vers le financement de l'économie ou des retraites qui accompagnent les lendemains de campagne électorale. Si l'impact de Solvabilité II sur les fonds propres des assureurs pour la poche actions des contrats en euros dont le capital est garanti par les compagnies est bien réel, celui de Bâle III GENERALI 9594731300504/GYP/OTO/3 Eléments de recherche : Toutes citations : - LE CERCLE DES ÉPARGNANTS : association d'étude des produits de retraite - PHILIPPE CREVEL : Président du Cercle des Epargnants 23/29 FEV 12 Hebdomadaire Paris 8 RUE DU SENTIER 75082 PARIS CEDEX 02 - 01 53 00 26 26 Surface approx. (cm²) : 1028 N° de page : 12-14 Page 2/3 sur les banques, en favorisant l'épargne bilancielle et les dépôts au détriment du hors-bilan (les banques aspirent plus de 60 % de la collecte), s'avère bien plus important encore. « La politique des bancassureurs est clairement d'orienter l'épargne de leurs clients vers les dépôts bancaires, commente Didier Davydoff, directeur de l'Observatoire de l'épargne européenne (lire aussi l'entretien), ll suffit de voir les offres commerciales pour promouvoir les livrets fiscalisés avec des rendements parfois superieurs a ceux de l'assurance-vie, au moins pour quèlques mois. Les livrets enregistrent des flux nouveaux positifs quand les flux sur l'assurance-vie sont négatifs. » « La recherche d'épargne inscrite au bilan de la part des banques est la principale explication a la decollecte actuelle de l'assurance-vie. Pour preuve, l'encours du Livret A a progressé de 24 milliards d'euros l'année derniere et celui des livrets fiscalisés de 16 milliards », renchérit Cyrille ChartierKastler, directeur de Facts & Figures, qui vient de publier le Barometre 2012 de l'Epargne Vie. Il rappelle que les banquiers et les assureurs avaient mis le cap sur l'epargne-vie tout au long de la décennie 2000 avec un doublement des encours quand, en parallèle, l'épargne bancaire n'augmentait que de 50 %. Désormais, la tendance s'inverse. Didier Davydoff, directeur de l'Observatoire de l'épargne européenne Un phénomène de 'décumulation3 financière apparaît en Europe » L'assurance-vie décollecte depuis quèlques mois, l'épargne longue n'a plus les faveurs des épargnants et de la classe politique. Est-ce un phénomène typiquement français ? Non, la question de l'insuffisance d'épargne longue est généralisable à l'ensemble de l'Europe et concerne tout aussi bien l'assurance-vie que l'épargne retraite ou les fonds de pension Au Royaume-Uni, depuis plusieurs années, les cotisations aux fonds de pension ne couvrent plus les prestations Lzgap est aujourd'hui de 13 % C'est énorme et les revenus des placements des fonds de pension ne permettront pas longtemps d'assurer l'équilibre Les revenus de l'épargne longue étaient censés satisfaire les besoins de retraite futurs Ce ne sera sans doute pas le cas La crise économique et financière a-t-elle modifié le paysage de l'épargne en Europe ? Assurément, la crise fait apparaître d'importantes modifications Nous percevons un phénomène de « décumulation » financière en tram de naître un peu partout en Europe L'épargne change d'usage et désormais les ménages consomment le capital accumulé Nous connaissons la théorie du cycle de vie de Modigliani une première phase consacrée à l'endettement, une deuxième de formation du capital et une troisieme de consommation de l'épargne accumulée Jusqu'à maintenant, la troisieme phase ne s'appliquait pas à la réalité européenne les ménages continuaient Guerre des dépôts « Les banques ont besoin de capter le maximum d'épargne bilancielle. Maîs on peut aussi s'interroger sur les politiques de l'épargne que le prochain gouvernement mettra en place », indique Philippe Crevel, secrétaire général du Cercle des épargnants (Generali). « Les multiples projets portant sur le Livret A ou la création d'un nouveau livret d'épargne tendent a faire jouer a l'Etat un rôle d'mtermediation financiere, de HBMBT 2011, année du retournement Collecte nette de I assurance vie en mds € y 4 -35 3 6 3 2 I O -1 2 -3 4 5 janv fev 25 24 22 27 12 I III, I I . 03 mars avr mai Source GENERALI 9594731300504/GYP/OTO/3 juin juil I I 18 - 2 0 août sept -26 38 oct nov dec Federation française des societes d assurances (FFSA) d'épargner après la retraite en fonction de l'espérance de vie, de la dépendance au « quatrième âge » ou pour leurs héritiers Désormais en Europe, le capital est de plus en plus consomme en troisième phase Conséquence directe de la crise, en Espagne, les retraits d'épargne financière des ménages sont globalement supérieurs aux nouveaux placements, ce qui est un phénomène historique très rare Est-il encore possible de mettre en place une politique de l'épargne orientée vers le long terme et la préparation de la retraite ? Regardons ce qui a éte fait en Allemagne avec les plans Diester, une épargne retraite avec sortie en rente souscrite par plus de 14 millions de personnes On pourrait s'en inspirer On peut verser sur ces plans jusqu'à 4 % du salaire avec un abondement de l'Etat C'est un système important et surtout redistributif puisque les non-imposables sont concernés Surtout, l'astuce a consisté à s'appuyer sur tous les intermédiaires financiers pour distribuer ce produit, sur tous les réseaux par le biais dè l'assurancevie, des produits bancaires ou des fonds d'investissement Les associations de consommateurs ont certes critique le système au motif que les intermédiaires financiers récupéraient dans leurs marges une partie des primes de l'Etat à chaque chargement des plans Maîs si l'on tire un bilan des plans Riester, c'est un succès transformation d'une epargne de court terme en financement de long terme de l'économie. Maîs l'Etat a-t-il vraiment les moyens de canaliser les flux d'épargne f », se demande Philippe Crevel. L'intérêt bien compris des pouvoirs publics est de contrôler les flux avec douceur, ne serait-ce que pour consolider la base d'investisseurs résidents de la dette publique. Comme le rappelle la Cour des comptes (La politique en faveur de l'assurance-vie - janvier 2012), les assureurs, en 2010, détenaient en portefeuille 20 % de la dette négociable de l'Etat à plus d'un an. En 1999, cette proportion était de 40 % : « Les assureurs occupent toujours une place significative puisqu'ils représentent la moitié des investisseurs résidents. Dans ces circonstances, l'Agence France Tresor considère que des mouvements brusques et massifs de réallocation de l'épargne... ne seraient pas souhaitables, car susceptibles de perturber le marché secondaire et de provoquer des tensions sur les titres de la dette française. » L'importance de l'allocation d'actifs des assureurs dans Eléments de recherche : Toutes citations : - LE CERCLE DES ÉPARGNANTS : association d'étude des produits de retraite - PHILIPPE CREVEL : Président du Cercle des Epargnants 23/29 FEV 12 Hebdomadaire Paris 8 RUE DU SENTIER 75082 PARIS CEDEX 02 - 01 53 00 26 26 Surface approx. (cm²) : 1028 N° de page : 12-14 Page 3/3 « Toute réforme devra être progressive » la crise actuelle ne se cantonne pas à la détention d'OAlW et de BTAN<2>. Ils assurent une bonne part du refinancement bancaire. Plus de 17 % de leurs portefeuilles sont constitués d'obligations bancaires contre seulement 7 % pour les corporates. Retraite ou dette publique « Toute reforme devra ëtre progressive et devra éviter de déstabiliser l'assurance-vie », note Cyrille Chartier-Kastler. Y compris sur la fiscalité : sondages et études montrent l'attachement de l'épargnant français - même si il n'en connaît pas touts les tenants et aboutissants - au régime fiscal de l'assurancevie. Le rapport de la Cour des comptes est pourtant prolixe en matière de réforme fiscale. Il recommande de redéfinir la durée fiscale en fonction de l'historique des versements, de moderniser le régime des rentes viagères, de réaménager le profil des taux de prélèvements forfaitaires libératoires pour encourager la détention longue, et critique vertement le régime fiscal des transmissions des contrats d'assurance-vie qu'il demande de classer en dépense fiscale. Pour la Cour des comptes, l'assurance-vie a vocation à devenir un véritable produit d'épargne retraite, ce qui nécessite de reléguer l'objectif de financement de l'économie fixé par l'Etat au second plan et de mener une politique de l'épargne au service de l'épargnant. « Ce n'est pas tout a fait logique, estime Philippe Crevel. L'épargne-retraite existe déjà sous la forme du PerpW ou du PercoW. Il vaudrait mieux améliorer l'existant d'autant que les différents regimes de rentes en France manquent de lisibilité. » Toute decision politique peut avoir un impact immédiat sur le produit au point de le chahuter. La reforme des taux garantis (TAG) de 2010, qui impose aux compagnies d'assurances de puiser les taux garantis dans leurs ressources propres et non plus dans le pot commun, en fournit un bel exemple. Il fait vaciller les très gros contrats du Top I % des menages les plus fortunes. « On constate un coup d'arrêt à la croissance de l'activité dans le compartiment de la gestion privee ou les flux se tarissent sous l'effet de moindres rentrées liées a la crise des dettes souveraines en zone euro et a la reforme des taux garantis », indique Cyrille Chartier-Kastler. Une des conséquences de la réforme se manifeste « par l'arrêt de la redistribution des parts de CURIOSITÉ : en 2009, 45 DOO foyers non imposables (barème O %) ayant perçu des produits d'assurance-vie ont opte pour le prélèvement libératoire de 7,5 % Gain pour I Etat 3,5 millions d'euros Une cote d'amour en baisse La crise des dettes souveraines dans la zone eura n'a pas trop détérioré l'image des contrats d'assurance-vie investis en fonds en euros auprès du grand public «Les fonds euros sont considérés comme le troisième meilleur placement après l'immobilier et les livrets d'épargne », note le sondage du Cercle des épargnants (Generali)/ Cecop (Centre d'études et d'information sur l'épargne et la retraite), réalisé par l'institut CSA auprès d'un échantillon de I 1 005 personnes Leur estime auprès des épargnants baisse d'un point (de 20 % a 19 %) de 2010 a 2011 tandis que la confiance dans les contrats en unités de compte passe de 12 % à 8 % De manière generale, les Français remettent en cause les placements en Bourse, maîs on ne peut pas dire qu'il y ait une GENERALI 9594731300504/GYP/OTO/3 défiance vis-a-vis de l'assurance-vie, rapporte l'étude. Quant à détenir ou souscrire des contrats en euros, le sondage montre une baisse de 38 % à 33 % en un an avec 28 % des personnes interrogées déclarant détenir un tel produit d'épargne, contre ^ 0/° ''annee Précédente |_a f|Sca||té de l'assurancevie a toujours la cote et 85 % des détenteurs de contrats n'entendent pas faire de rachats prochainement. Parmi les 15 % restants, 2 % comptent déplacer leur épargne vers un autre produit financier « La conjoncture pèse lourdement sur l'épargne des Français, maîs elle ne l'a pas tarie », indique le Cercle des épargnants Reste que « le différentiel entre épargne et retrait d'épargne retrouve ses niveaux de la crise des crédits 'subprime'après une amélioration en 2011 ». marché entre les différents acteurs et segments de clientele. On ne voit plus de prises de parts de marché par des petites et moyennes compagnies qui cherchaient a atteindre une taille critique en captant des encours frais dans la gestion privée ». Un revirement peut donc être rapide étant donne la concentration très importante des patrimoines logés dans l'assurance-vie. Le dernier décile (10 %) des ménages détient 50 % des encours. Et encore plus haut, 0,3 % des ménages (68.000) représente plus de 20 % de la collecte et 18 % des encours. L'avenir de l'assurance-vie est donc des plus incertains. Peu d'experts s'aventurent à faire des prévisions de flux et certainement pas à plus d'un an. Cyrille Chartier-Kestler prévoit une stabilisation des encours entre O et 3 % compte tenu de leur revalorisation. L'hypothèse la plus pessimiste (croissance zéro) implique une décollecte de 40 milliards d'euros sur l'ensemble de 2012. « L'assurance-vie n'est pas en peril, elle entre simplement dans une période de moindre croissance », affirme-t-il. Quant aux cas des fonds en euros, les compagnies ont la capacite d'absorber les chocs sur les dettes souveraines européennes avec leur PPE (provision pour participation aux excédents). La Cour des comptes rappelle que le déterminant macroéconomique essentiel pour les flux de collecte demeure le revenu réel des ménages. Si, dans de nombreux pays européens, il recule sous les coups de la crise économique, les Français en sont pour l'instant exemptés. L'année 2012 s'annonce délicate pour l'assurance-vie. Au-delà, c'est l'inconnu. • (ll Obligation assimilable du Tresor (2) Bons du Tresor a intérêts annuels (31 Plan d epargne retraite populaire, /4f Plan d'eparge retraite collectif Eléments de recherche : Toutes citations : - LE CERCLE DES ÉPARGNANTS : association d'étude des produits de retraite - PHILIPPE CREVEL : Président du Cercle des Epargnants