Le retour au travail après un cancer du sein : un second

Transcription

Le retour au travail après un cancer du sein : un second
Le retour au travail après un
cancer du sein : un second
combat pour les femmes ?
(2007)
Le retour au travail après un cancer du sein : un second combat pour les femmes ? – FPS- 2007
Merci aux Docteurs Valérie Fabri et Dominique Feron, de
la direction médicale de l’Union Nationale des Mutualités
Socialistes, à Catherine Spièce du service promotion santé
de l’UNMS, pour leurs précieux conseils et leurs relectures
attentives.
Marie Van den broeck
Service Etudes du Secrétariat Général
02/515.04.06
[email protected]
Editeur responsable : Dominique Plasman
2
Le retour au travail après un cancer du sein : un second combat pour les femmes ? – FPS- 2007
Table des matières
1.
Introduction ..................................................................................................... 4
2.
Les facteurs influençant le retour au travail après un cancer du sein ....... 8
2.1.
Les conséquences physiques et psychologiques d’un cancer du sein 8
a)
b)
c)
d)
e)
Les séquelles liées à la chirurgie du sein........................................... 9
Les effets dus aux traitements post-opératoires .............................11
L’influence du stade évolutif de la maladie ......................................12
L’anxiété et la dépression ..................................................................13
Remarque ............................................................................................14
2.2.
La discrimination au travail ....................................................................16
2.3.
La couverture sociale .............................................................................19
a) L’accès à une assurance soins de santé ...........................................19
L’assurance médicale aux Etats-Unis en 1991.........................................20
b) Le niveau des revenus de remplacement .........................................22
c) Conclusions..........................................................................................23
2.4.
Les facteurs individuels ..........................................................................25
a)
b)
c)
d)
3.
L’âge.....................................................................................................25
L’état civil et la situation familiale .....................................................26
La profession ou le niveau d’éducation ............................................26
La nationalité.......................................................................................28
Quelques pistes d’action ................................................................................30
3.1.
3.2.
3.3.
3.4.
3.5.
3.6.
Améliorer l’accès au programme de dépistage ....................................30
Faut-il étendre le dépistage aux plus jeunes femmes ? .....................31
Sensibiliser les médecins aux problèmes psychologiques...................32
Permettre la reprise progressive de l’activité professionnelle ............33
Encourager le sentiment d’empathie des employeurs et des collègues
34
Fournir de l’aide domestique .................................................................34
4.
Conclusions .....................................................................................................36
5.
Bibliographie ...................................................................................................37
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Le retour au travail après un cancer du sein : un second combat pour les femmes ? – FPS- 2007
1. Introduction
En tant que mouvement d’émancipation des femmes et de promotion de la santé, la qualité
de vie, l’emploi et la santé des femmes constituent pour nous, Femmes Prévoyantes
Socialistes, des préoccupations de première ligne. Par conséquent, la question de la
réinsertion professionnelle après un cancer du sein nous interpelle. Nous pensons, en effet,
que la réintégration professionnelle après une absence pour raison de santé, comme vecteur
d’appartenance à la vie en société, est une composante importante du processus de guérison.
De notre point de vue, la problématique se pose donc tant en terme de santé publique qu’en
terme de qualité de vie et d’égalité professionnelle.
L’aspect santé : le cancer du sein, un problème de santé publique au féminin
Les chiffres du Registre national belge du cancer l’indiquent clairement : le cancer du sein est
le cancer le plus fréquent chez la femme. En 2001, cette maladie concerne 37% des
nouveaux cas en cancérologie1. Il risque de toucher une femme sur dix et est la cause de
mortalité la plus fréquente parmi les femmes âgées de 35 à 55 ans dans l'Union européenne
(Jöns K., 2002). Les données du Registre montrent également une évolution croissante du
taux d’incidence, d’année en année : on a recensé 7343 nouveaux cas en 1999, 7656 en
2000 et 8118 en 2001 (derniers chiffres nationaux disponibles actuellement). Cette tendance
s’observe dans tous les pays européens et les raisons de ce phénomène sont
multifactorielles :
citons principalement un meilleur enregistrement des données, le
vieillissement accru de la population, un renforcement du dépistage (Ferlay J. et al., 2007) ou
encore une plus grande connaissance des facteurs de risque. En Belgique, le système
d’enregistrement s’est, en effet, largement amélioré au cours des dix dernières années et
depuis 2001, un programme national de dépistage du cancer du sein a été mis en place,
permettant à toutes les femmes de 50 à 69 ans de faire un mammotest, une mammographie
de dépistage gratuite et de qualité, une fois tous les deux ans.
Les chiffres cités ci-dessus démontrent l’ampleur du phénomène et par conséquent, la
nécessité de mobiliser l’attention de tous les acteurs médicaux, sociaux et politiques sur les
conséquences (physiques, psychologiques, financières, professionnelles, en terme de qualité
de vie…) d’une telle maladie.
1
Le site du Registre national belge du cancer : www.registreducancer.org
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L’aspect emploi : la reprise du travail après le cancer du sein, une question d’égalité
professionnelle
Aujourd’hui, un nombre croissant de femmes actives sont confrontées à la reprise de leur
activité professionnelle après avoir vécu l’expérience du cancer du sein, et cela pour
différentes raisons :
-
les taux d’incidence en fonction de l’âge indiquent des chiffres élevés pour les
femmes en âge d’activité : en 2001, les femmes de moins de 65 ans représentent
73,614% des cas2 ;
-
les efforts en matière de dépistage permettent de détecter plus précocement un
cancer et les progrès réalisés au niveau des traitements ont augmenté l’espérance de
vie des patientes (Jöns K., 2002) ;
-
si les traitements contre le cancer du sein ont fortement progressé ces dernières
années et s’ils sont moins agressifs ou mutilants, ils restent malgré tout très lourds
pour les patientes : les répercussions au niveau de la santé physique et
psychologique leur imposent une période de convalescence plus ou moins longue
ainsi que des adaptations de leur mode de vie habituel. Nous aborderons tout cela en
détail par la suite.
Face à ce phénomène, une série de questions liées à la reprise du travail se pose : Le retour
au travail se déroule-t-il dans de bonnes conditions pour la femme concernée par le cancer
du sein ? La travailleuse observe-t-elle des changements importants dans son activité ou son
entourage professionnel ? Quels types de changements rencontre-t-elle ? Ressent-elle des
besoins particuliers d’adaptation ou d’aménagement dans sa fonction ou au niveau de son
temps de travail ?
Pour les FPS, la problématique du retour au travail après un cancer du sein se place donc
également sous l’angle de l’égalité professionnelle. Rappelons, qu’à l’heure actuelle, les
femmes sont encore loin d’avoir atteint l’égalité dans le monde du travail. Les faits et chiffres
généraux sont aussi sans équivoque : les femmes perçoivent toujours des salaires inférieurs
d’environ 15% pour une même fonction3, elles travaillent davantage à temps partiel (42,6%
des femmes contre 7,8% des hommes4), elles sont souvent victime de harcèlement sur le lieu
de travail et doivent faire face à la difficulté de combiner vie familiale et professionnelle à
cause du déséquilibre persistant dans la répartition des tâches ménagères et dans les soins et
2
chiffres du Registre national du cancer : www.registreducancer.org
Niveau de vie - revenus et rémunérations, SPF Economie, Direction générale statistique et
information économique, octobre 2004.
4
Enquête sur les forces de travail, SPF Economie, Direction générale statistique et information
économique, 2005.
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Le retour au travail après un cancer du sein : un second combat pour les femmes ? – FPS- 2007
l’éducation des enfants (les tâches domestiques sont accomplies en moyenne aux deux tiers
par les femmes5)… Notons encore que toutes ces inégalités professionnelles ont de lourdes
répercussions sur les droits sociaux !
Au-delà de toutes ces inégalités « courantes », on peut supposer que les travailleuses
souffrant d’un problème de santé grave sont de plus confrontées aux préjugés de la part de
collègues ou de l’employeur concernant leur capacité à assumer à nouveau leurs fonctions.
Certains employeurs craindront une possible rechute ou des absences répétées susceptibles
de porter atteinte à la qualité de leur travail. Toutes ces appréhensions peuvent être à
l’origine de comportements discriminatoires et constituer, comme nous le verrons, un
obstacle influant la reprise de l’activité.
Postulat
Sur base de ces considérations, nous sommes amenées à penser qu’une fois la maladie
vaincue, la reprise du travail constitue un second combat à mener pour les femmes. Nous
vous proposons, à travers une revue de la littérature, de comprendre la réalité et les
difficultés des celles qui sont confrontées au cancer du sein et à un retour au travail.
Structure et contenu
A travers la littérature, nous avons pu distinguer différents facteurs qui influencent de façon
positive ou négative la situation d’emploi des femmes, une fois finis le traitement pour la
maladie. Les principales études sur le sujet proviennent essentiellement des Etats-Unis et du
Québec, aucune étude belge n’ayant été réalisée jusqu’alors. C’est pourquoi nous tenterons à
chaque fois de replacer les résultats de ces travaux dans le contexte spécifique belge.
Nous commencerons notre analyse des facteurs par observer les effets du cancer du sein sur
l’état de santé de la travailleuse. Le traitement est complexe et lourd : il peut combiner la
chirurgie avec la chimiothérapie, la radiothérapie et/ou l’hormonothérapie. Dès lors, les
conséquences physiques et psychologiques du traitement entraînent-elles des répercussions
négatives sur la reprise travail ? Si c’est le cas, exercent-ils un effet de découragement sur
l’offre de travail des femmes ? Observe-t-on des attitudes discriminantes des supérieurs ou de
l’employeur
reflétant
leurs
craintes
quant
à
la
productivité
des
travailleuses
malades (récidives, absence, fatigue, démotivation…) ?
5
Chiffre pour la Belgique. Sur une moyenne de 6h07 par jour, 2h15 sont accomplies par les hommes et
3h52 par les femmes. Glorieux et Vandeweyer, Centre de recherche tor-vub, et SPF Economie,
Direction générale statistique et information économique.
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Dans la troisième partie de notre analyse, nous considérerons les facteurs de reprise du
travail, liés à la couverture sociale et à l’organisation du régime de Sécurité Sociale. Ces
éléments sont d’une importance cruciale puisqu’ils déterminent le niveau de remboursement
des frais médicaux et hospitaliers ainsi que les indemnités d’incapacité de travail.
Le point suivant portera sur l’influence de facteurs sociodémographiques (l’âge, la nationalité,
la situation familiale, le type de profession, les revenus, etc.) qui peuvent également modifier
les comportements lors de la reprise du travail après un cancer du sein.
Finalement, la dernière partie de ce travail mettra en débat des pistes d’action susceptibles
de faciliter la reprise de l’activité professionnelle après un cancer du sein. Nous
commencerons par aborder la question du dépistage et enfin, nous nous concentrerons sur le
rôle que peuvent jouer les médecins (les médecins à l’hôpital, le médecin traitant, le médecin
conseil…) et le réseau associatif ainsi que sur l’action des pouvoirs publics.
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Le retour au travail après un cancer du sein : un second combat pour les femmes ? – FPS- 2007
2. Les facteurs influençant le retour au travail après
un cancer du sein
Véritable cœur de notre travail, cette partie examine une série de facteurs et de phénomènes
pouvant influencer la situation d’emploi des femmes après un cancer du sein ainsi que les
conditions de travail lors de la reprise de l’activité.
2.1.
Les conséquences physiques et psychologiques
d’un cancer du sein
Deux études nous ont amenées à considérer l’impact d’un cancer du sein sur la santé
physique et psychologique des patientes.
-
La première est une étude américaine sur l’offre de travail après une maladie ou un
accident grave. Celle-ci démontre l’effet négatif de ces évènements sur la reprise de
l’activité professionnelle de la personne malade, surtout lorsque la maladie ou l’accident
engendre des pertes importantes de fonctionnement (Coile C., 2004) Ces détériorations
des capacités fonctionnelles ont été définies sur base de l’aptitude à effectuer une série
de 17 activités quotidiennes (monter les escaliers, sortir de son lit, tendre une pièce de
monnaie…) La recherche a permis d’évaluer qu’être victime d’une maladie ou d’un
accident grave, induisant des pertes de fonctionnement importantes, augmente de 25,8%
la probabilité de ne plus retravailler ; tandis qu’un accident ou une maladie n’impliquant
aucune perte de mobilité fonctionnelle du corps augmente la probabilité d’être inactif de
seulement 8,8%. Dans cette étude, l’effet d’un cancer du sein sur la reprise du travail n’a
pas été évalué. A titre d’exemple, les personnes ayant eu une crise cardiaque ont 23% de
chance en moins que les autres d’être professionnellement actifs, et cela, durant une
période de deux ans.
Les résultats de l’étude américaine ont donc attiré notre attention sur un élément à prendre
en compte afin d’évaluer l’impact d’un cancer du sein sur la situation d’emploi des femmes :
celui de la présence d’effets secondaires, responsables d’une perte de mobilité chez les
patientes.
-
La seconde étude qui nous a semblée pertinente, réalisée par Grimberg C. et al. (2004),
est basée sur une enquête française menée auprès de 152 patients et portant sur la
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qualité de vie après le cancer. La moitié (51%) des personnes ayant participé souffraient
d’un cancer du sein. Les conclusions de cette étude sont très explicites : l’état de santé
physique mais également psychologique des femmes est décisif sur le plan professionnel.
En effet, ces facteurs détermineraient le choix ou la possibilité de retravailler et seraient
en grande partie responsables des difficultés rencontrées dans le travail.
Voyons plus en détails l’origine des difficultés physiques et psychologiques auxquelles sont
confrontées les femmes atteintes d’un cancer sein et observons ce que nous disent les études
empiriques quant à leurs effets possibles sur la situation d’emploi des femmes.
a) Les séquelles liées à la chirurgie du sein
Dans le traitement pour un cancer du sein, quatre types de chirurgie peuvent être réalisés : la
mastectomie (ablation complète du sein), la mastectomie avec une reconstruction du sein, la
quandrantectomie (ablation partielle) avec le retrait de tous les ganglions lymphatiques au
niveau de l’aisselle et de la partie supérieure du bras (curage ou évidement axillaire) et enfin,
la quadrantectomie avec le retrait de quelques ganglions seulement, appelée aussi la
technique du ganglion sentinelle.
Les séquelles occasionnées par un cancer du sein dépendent notamment du type
d’intervention chirurgicale pratiqué. Après une mastectomie ou un curage axillaire, il est
courant de voir deux types d’effets secondaires se manifester. Le premier est une difficulté de
mobilité de l’épaule provoquée par la cicatrisation, pouvant durer plusieurs semaines. Le
second est le développement d’un lymphoedème6, avec le risque de développer un « gros
bras ». Un lymphoedème peut survenir dans les cinq ans après le traitement conservateur du
sein et dans les quinze ans après l’ablation complète du sein. La technique du ganglion
sentinelle qui permet d’éviter un curage axillaire, devrait considérablement réduire les
séquelles au niveau des membres supérieurs (Marti, 2002).
Les patientes exerçant une activité demandant une certaine mobilité du bras se retrouvent
handicapées par ces séquelles, dans leurs activités quotidiennes. De plus, les femmes dont le
métier implique des travaux astreignants, de longue durée ou répétitifs (travail à la chaîne,
6
Accumulation anormale de lymphe dans les tissus, provoquant le gonflement d’un membre. Il débute
au niveau du bras avant d’atteindre l’avant bras et la main. Il commence à devenir gênant lorsque la
différence des circonférences entre les deux bras est supérieure à 5 cm. Au début, l’œdème est mou,
indolore mais après inflammation il devient dur et progresse rapidement. (Cfr. Effets secondaires d’un
cancer du sein, Fondation Contre le Cancer, www.cancer.be)
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Le retour au travail après un cancer du sein : un second combat pour les femmes ? – FPS- 2007
dactylographie, nettoyage…) sont encore plus exposées à leur développement (Fondation
Contre le Cancer)7.
L’impact observé sur l’emploi
Deux principales études américaines ont étudié l’impact de la chirurgie du sein sur la situation
d’emploi des patientes. Dans la première portant sur 296 patientes, trois mois après le
diagnostic du cancer du sein, DeLorenze et al. (1996) ont remarqué une influence négative
des séquelles physiques laissées par la maladie sur le retour à l’activité professionnelle. Plus
particulièrement, les auteurs ont constaté que si la personne a besoin d’assistance pour se
mouvoir ou si elle souffre d’une diminution du fonctionnement de la partie supérieure du
corps ( bras, épaule, buste…), elle se retrouvera plus souvent dans une situation de nonemploi. En outre, les auteurs soulignent que l’impact négatif de la chirurgie sur la situation
d’emploi est encore accentué lorsque la patiente exerce un métier nécessitant une activité
physique importante.
En ce sens, Bloom et al. (2000) ont observé l’impact négatif et significatif sur l’emploi d’une
baisse des capacités physiques de fonctionnement. Ils ont également estimé que le fait
d’avoir une activité physique sera déterminante sur la situation d’emploi. De manière globale,
leurs résultats indiquent, sur un échantillon de 390 femmes âgées de moins de 50 ans, que 8
% des patientes étaient encore absentes du marché du travail 12 à 15 mois après le
diagnostic mais, avec des disparités importantes, notamment en fonction de ces deux
facteurs (une diminution des capacités physiques et avoir un métier requérant des efforts
physiques)8.
Ces deux études aboutissent dès lors à la même conclusion : les séquelles physiques liées à
la chirurgie du sein ont un impact significatif sur la situation d’emploi des femmes. Ces
répercussions sont d’autant plus importantes si la personne exerce une profession impliquant
des tâches ou des efforts physiques lourds et répétitifs.
7
Les effets secondaires d’un cancer du sein, site Internet de la Fondation Contre le
Cancer (www.cancer.be)
8
Rien n’est précisé toutefois sur la durée de cette inactivité : est-elle temporaire, c’est-à-dire, liée à
l’incapacité de travail prescrite par le médecin ? Ou bien est-elle définitive? Dans ce cas, qu’elle en est
la cause?
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Le retour au travail après un cancer du sein : un second combat pour les femmes ? – FPS- 2007
b) Les effets dus aux traitements post-opératoires
Les traitements post-opératoires (la chimiothérapie, la radiothérapie et l’hormonothérapie)
entraînent aussi une série d’effets secondaires s’estompant, en général, au fil du temps mais
pouvant influencer la reprise du travail. Dans un premier temps, nous détaillerons les
différents effets secondaires provoqués par ces trois traitements post-opératoires et puis,
nous examinerons les conséquences observées sur l’emploi.
La chimiothérapie provoque souvent une fatigue intense chez les patientes9. Après avoir
interviewé 157 patientes hollandaises, quatre à douze semaines après le dernier cycle de leur
traitement, N. de Jong et al. (2004) notent que cet état de fatigue est également associé à
une perte des capacités physiques. Bearz et al. (2004) confirment cette diminution des
performances physiques due à la chimiothérapie, ils observent encore une série d’autres
caractéristiques liées à ce type de traitement : un sentiment de lassitude à laquelle même le
repos ne peut remédier, une faiblesse généralisée rendant difficile toute initiative ou activité,
une fatigue mentale affectant la concentration, des pertes de mémoire ainsi qu’une instabilité
émotionnelle.
Tout comme la chimiothérapie, la radiothérapie s’accompagne aussi d’une fatigue progressive
causée par les rayons. Celle-ci varie en fonction de la dose, de la durée totale du traitement
et de la plus ou moins grande surface corporelle irradiée. Précisons encore que cet état de
fatigue peut persister encore pendant deux à trois mois après la fin du traitement, ce qui est
moins long que pour la chimiothérapie.
Enfin, il existe des symptômes spécifiques liés au traitement par hormonothérapie (antihormones sexuelles). Ils s’apparentent aux signes habituels de la ménopause (bouffées de
chaleur, changements d’humeur, sécheresse vaginale…). Par ailleurs, on remarque que les
jeunes femmes sont plus particulièrement affectées par ces transformations du corps, dues
aux symptômes de la ménopause qui ont un impact sur leur vie sexuelle et affective.
L’impact observé sur l’emploi
Dans l’étude de Bloom et al. (2000) citée ci-dessus, les auteurs ont aussi testé, en plus des
effets causés par la chirurgie, ceux provoqués par les traitements post-opératoires. Ils ont
donc évalué l’impact d’un traitement par chimiothérapie sur la situation d’emploi auprès d’un
échantillon de 390 femmes âgées de moins de 50 ans. Ils ont constaté que les symptômes de
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Le cancer: en comprendre la maladie et les traitements, site Internet de la Fondation Contre le Cancer
(www.cancer.be)
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Le retour au travail après un cancer du sein : un second combat pour les femmes ? – FPS- 2007
la chimiothérapie ont un effet négatif et significatif sur la reprise du travail. Cet effet risque
en outre de perdurer quelques 12 à 15 mois après le diagnostic du cancer du sein.
Au vu des effets que peuvent entraîner les traitements post-opératoires (fatigue, difficulté de
concentration, perte de mémoire, fragilité émotionnelle…), on peut suggérer un réel impact
négatif de ces derniers sur la situation d’emploi, en particulier lorsque les patientes suivent
un traitement par chimiothérapie.
Remarquons encore que pour retrouver la santé, les patientes ont besoin d’un temps de
convalescence assez long. La durée moyenne d’arrêt du travail prescrite en cas de
chimiothérapie varie entre quatre mois et un an. Lors d’un traitement par radiothérapie ou
par hormonothérapie, les femmes reprennent en général plus vite leur travail, au plus tôt,
trois ou quatre mois après l’opération. Une si longue absence au travail sera-t-elle acceptée
par l’employeur ? Ces femmes auront-elles la possibilité de reprendre leur profession
normalement, même si elles éprouvent des difficultés à réaliser certaines tâches ? Nous
verrons plus loin les conclusions des études relatives à l’attitude des employeurs et des
collègues à l’égard de la travailleuse concernée.
c) L’influence du stade évolutif de la maladie
Le stade évolutif du cancer du sein (déterminé notamment par la taille de la tumeur et le
nombre de foyers) va indiqué le type d’intervention chirurgicale ainsi que les traitements
post-opératoires qui seront prescrits à la patiente. Le stade évolutif joue donc un rôle clé.
Plus le stade est avancé, plus la patiente sera confrontée à un traitement lourd par
chimiothérapie ou radiothérapie. De même, plus le stade de la maladie est sévère, plus la
patiente risque de subir une ablation totale du sein (mastectomie) ou un évidemment axillaire
complet (retrait des ganglions au niveau de l’épaule et du bras) avec toutes les conséquences
physiques que nous avons détaillées plus haut (difficulté de mobilisation de l’épaule et
lymphoedème…)
L’impact observé sur l’emploi
Bednarek et al. (2005) ont examiné la situation d’emploi de 370 travailleuses américaines non
pas en fonction du type de chirurgie, ni des traitements post-opératoires, mais en tenant
compte du stade évolutif de la maladie. Ils ont également comparé la situation d’emploi des
patientes, six mois après le diagnostic, à celle d’un groupe de femmes qui n’a jamais eu de
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Le retour au travail après un cancer du sein : un second combat pour les femmes ? – FPS- 2007
cancer du sein (appelé « groupe témoin »10). Leurs résultats montrent que plus l’état
d’avancement de la maladie est sévère, plus la probabilité de retravailler est faible : pour les
femmes diagnostiquées avec une tumeur locale (au niveau du sein uniquement) la probabilité
d’être active occupée est diminuée de 18% par rapport au groupe témoin, tandis que pour les
patientes avec un cancer régional la probabilité d’être en situation d’emploi est inférieure de
34% par rapport au groupe témoin. Les auteurs remarquent encore que les femmes avec un
cancer in situ, c’est-à-dire avec un meilleur pronostic de guérison, retournent normalement
au travail. Ainsi, elles ne se comporteraient pas de manière significativement différente qu’un
groupe de femmes n’ayant jamais eu de cancer du sein.
d) L’anxiété et la dépression
Etre atteinte d’un cancer du sein n’est pas sans conséquence sur la santé psychologique de
certaines patientes. On observe souvent l’apparition de troubles plus ou moins sévères,
caractérisés par un état d’anxiété ou de dépression. Il est difficile cependant d’évaluer la
durée du phénomène, celle-ci dépend d’une série de facteurs propres à chaque individu.
Selon D. Razavi et al (1994), les réactions psychologiques au cancer sont provoquées par des
éléments de natures différentes. D’une part, elles peuvent être directement liées à la maladie
et aux traitements, c'est-à-dire aux souffrances physiques qu’ils induisent (douleurs,
affections du système nerveux central…) ; d’autre part, elles peuvent être causées par des
réactions secondaires à la maladie, comme par exemple, la menace existentielle que
représente un cancer ou encore les incertitudes et les changements dans l’environnement
social (relation
avec
l’entourage
familial,
professionnel
ou
autre ;
changement
de
comportement des proches…) générés par la maladie.
Aux Etats-Unis, Dwight-Johnson et al. (2005) ont étudié l’ampleur de la dépression chez 250
femmes soignées pour un cancer du sein et 250 autres femmes ayant un cancer de l’utérus.
Ils ont cherché à déceler les facteurs pouvant influencer ce phénomène. Parmi ces personnes
interrogées au cours de leur traitement ou lors d’un suivi, 30% des femmes concernées par le
cancer du sein éprouvaient de l’anxiété ou souffraient de dépression, contre 17% des femmes
atteintes d’un cancer de l’utérus. Il ressort cependant que ni le stade évolutif de la maladie, ni
le traitement post-opératoire (chimiothérapie, radiothérapie ou hormonothérapie) ne sont
associés avec l’état de dépression. Des éléments comme une perte de fonctionnalité ou la
peur des effets secondaires provoqués par les traitements en seraient plutôt à l’origine.
10
L’intérêt d’une analyse comparative avec un groupe témoin est d’isoler les effets de la maladie aux
autres effets liés à des facteurs externes. Pour cela, il faut considérer deux groupes de femmes ayant
des caractéristiques sociodémographiques identiques mais dont l’un comprend des femmes ayant eu un
cancer du sein et l’autre, des femmes n’ayant jamais développé la maladie.
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Le retour au travail après un cancer du sein : un second combat pour les femmes ? – FPS- 2007
D’autres facteurs ont encore été cités par ces patientes comme responsables de leur état
dépressif. On recense l’annonce de la maladie, l’âge (les femmes plus jeunes seraient
d’autant plus déprimées), un faible soutien familial et social ainsi que le fait d’être anxieuse.
Le phénomène semble se renforcer auprès des femmes économiquement défavorisées (Avis
et al., 2005). Les auteurs ont en effet remarqué auprès d’un échantillon composé de 202
personnes, toutes âgées de moins de 50 ans et ayant eu un cancer du sein moins de trois ans
et demi auparavant, que plus de 70% de ces femmes souffraient psychologiquement et
éprouvaient un sentiment général de tristesse. Il nous semble évident de penser que les
personnes rencontrant des difficultés financières sont d’autant plus fragilisées que d’autres.
La crainte de ne pas pourvoir assumer les frais liés à l’hospitalisation, aux traitements et
autres médicaments représente une inquiétude supplémentaire à laquelle elles sont
confrontées.
L’impact observé sur l’emploi
L’anxiété et la dépression semblent donc être un phénomène présent chez certaines femmes
atteintes d’un cancer du sein. L’effet de la dépression sur l’emploi, après cancer du sein, a été
mesuré par Bednarek et al (2002). Ceux-ci ont effectivement observé une influence négative
et significative de la dépression sur la probabilité de travailler. Parmi une liste d’autres
maladies que peuvent présenter ces femmes atteintes d’un cancer du sein (diabète,
hypertension, dépression, problèmes cardiaques et thromboses), la dépression constitue le
facteur le plus influent sur le comportement face à l’emploi : la probabilité de retravailler pour
une femme ayant eu un cancer du sein et souffrant de dépression diminue de 13% par
rapport à la probabilité de retravailler pour l’ensemble de l’échantillon des femmes qui ont
vécu l’expérience du cancer du sein et qui souffrent en plus de diabète, d’hypertension, ayant
eu un problème cardiaque ou une thrombose, au cours de sa vie. Par rapport à une femme
en bonne santé, la probabilité de travailler pour une femme ayant eu un cancer du sein et
souffrant également d’une dépression diminue de 22%. On peut donc conclure que les
difficultés psychologiques telles que l’anxiété et la dépression ont une influence négative sur
la reprise du travail.
e) Remarque
Les résultats de l’étude française sur la qualité de vie après un cancer (Grimberg C. et al.,
2004) indiquent que 78,5% des personnes interrogées ont en effet souffert de difficultés
physiques et psychologiques mais que seulement 62,7% des répondants avaient été avertis
du risque de ces séquelles liées à la maladie. Pour les auteurs, le fait que plus d’un tiers
(37,3%)
des
répondants
n'aient
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pas
été
informés
de
ce
risque
constitue
un
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dysfonctionnement dans la relation médecin/patient. Ce déficit d’information a eu pour
conséquence une absence de prise en charge médicale adéquate. A travers cette même
enquête, les personnes interrogées ont d’ailleurs émis une revendication sur ce point: ils
attendent, de la part du corps médical et soignant, plus d’écoute, d’information et de
communication ainsi qu’un accompagnement psychologique adapté.
Editeur responsable : Dominique Plasman
15
Le retour au travail après un cancer du sein : un second combat pour les femmes ? – FPS- 2007
2.2.
La discrimination au travail
Etant donnés les inégalités persistantes auxquelles sont confrontées plus généralement les
femmes ainsi que le contexte actuel du marché du travail où la pénurie d’emploi joue
largement en faveur des entreprises, il est probable que des femmes soient confrontées à des
situations discriminatoires dues à leur mauvaise santé. Malheureusement, très peu d’études
se sont focalisées sur l’aspect « demande de travail » (entendre ici l’offre émanant des
entreprises) et sur les éventuelles attitudes discriminantes de la part des employeurs et des
collègues à l’égard d’une travailleuse victime d’un cancer du sein. Il est donc difficile d’évaluer
l’ampleur réelle du phénomène. Néanmoins, l’initiative menée par l’association « Jeunes
Solidarité Cancer » (Grimberg C. et al., 2004) réalisée avec 152 personnes ayant eu un
cancer, constitue un indicateur pertinent de l’existence de tels comportements. Parmi les
interrogés, 20,3% affirment faire l’objet de discrimination dans leur travail. La nature des
discriminations semble varier selon le sexe : les travailleurs masculins sont plus souvent
victimes d’une « mise au placard » ou d’une perte de responsabilité alors que les femmes
souffrent de propos calomnieux ou rencontrent des difficultés à obtenir un mi-temps
thérapeutique.
La recherche de Maunsell E. et al. (1999) a permis de déceler d’autres types de
comportements discriminatoires dont sont victimes des travailleuses ayant eu un cancer du
sein. En se basant sur une méthode d’analyse qualitative, les chercheurs sont parvenus à
classer par thèmes les éléments issus du discours des 13 participantes. Les résultats de cette
étude mettent en avant quatre formes potentielles de discrimination au travail : le
licenciement, la dégradation du statut du travailleur, les changements non désirés dans les
tâches assignées et les conflits avec l’employeur et les collègues.
Les effets sur l’emploi
Les travaux réalisés par Bouknight R. et al. (2006) se sont focalisés sur le comportement des
employeurs, ils ont démontré le rôle positif de ceux-ci lorsqu’ils adoptent une attitude
accommodante au moment où leur employée retourne travailler à l’issue de son traitement.
Douze mois après le diagnostic, il s’avère en effet que 80% des 416 femmes interrogées,
âgées de 30 à 64 ans, ont repris leur travail et que parallèlement, 87% de celles qui
retravaillent disent avoir eu un employeur conciliant par rapport à la maladie et aux
traitements. Remarquons toutefois les écarts entre les femmes issues de différentes
catégories socioprofessionnelles : la vraisemblance de retourner travailler est presque deux
Editeur responsable : Dominique Plasman
16
Le retour au travail après un cancer du sein : un second combat pour les femmes ? – FPS- 2007
fois plus élevée pour les femmes détenant un diplôme d’études supérieures ou universitaire
que pour celles qui ne disposent d’aucun diplôme11. Ceci traduit le fait que les femmes plus
qualifiées vivent dans un environnement professionnel souvent mieux adapté et plus flexible
et aussi que leur travail est plus compatible avec les séquelles de la maladie.
Remarque
Ce constat nous a amené à nous poser la question suivante : lorsqu’une femme est victime
de discrimination au travail suite à un problème de santé, quels sont les recours légaux dont
elle peut disposer ?
En Belgique, le droit du travail ne prévoit qu’une protection limitée dans le temps pour les
travailleurs malades. L’employeur a le droit, en effet, de mettre un terme à un contrat après
six mois de maladie, pour «cas de force majeure12». Endéans les six mois à compter de l’arrêt
de travail, l’employeur peut aussi licencier la personne mais sa décision risque de faire l’objet
d’un recours de la part du travailleur, pour licenciement abusif. Le travailleur peut, en outre,
demander une indemnité supplémentaire à l’indemnité de rupture ordinaire. S’il est employé,
ce sera à lui de prouver l’attitude discriminatoire de son employeur et de convaincre le
tribunal du dommage subi ; s’il est ouvrier, c’est à l’employeur de prouver qu’il n’a pas
discriminé.
En dehors de cette protection ordinaire, une loi anti-discrimination a vu le jour en 2003. Celleci prévoit une protection spécifique vis-à-vis de l’employeur, en cas de plainte pour
discrimination liée à l’état de santé, à l’orientation sexuelle, aux origines nationales ou
ethniques, aux convictions religieuses, au sexe, etc.13 Durant 12 mois à dater de la plainte,
l’employeur n’a pas le droit de licencier une personne en évoquant de tels motifs. Cette loi
prévoit en outre des sanctions pénales (peine d’un an d’emprisonnement) et civiles (nullité
des clauses d’un contrat contraire à la loi anti-discrimination ou action en cessation) mais
dans ce cas, c’est à l’Inspection des lois sociales qu’il revient de mener l’enquête sur la
plainte. Récemment, une nouvelle loi anti-discrimination a été publiée14, à l’initiative du
ministre de l’Egalité des chances Christian Dupont (Ps). Désormais, ce n’est plus à la victime
d’apporter la preuve de cette discrimination mais à l’auteur présumé de prouver qu’il n’a pas
discriminé. Des sanctions plus effectives (via un système d’indemnités) ainsi qu’une liste plus
objective des motifs de discrimination ont été fixées.
11
Ratio de vraisemblance pour les femmes ayant un diplôme d’études supérieures ou universitaire
égale 1,8 ( modalité de référence : pas de diplôme).
12
dans le cas où la travailleuse n’est pas encore apte à reprendre ses fonctions ou en cas de reprise si
l’employeur n’a pas la possibilité d’offrir à la travailleuse un poste compatible
13
www.fgtb.be
14
Moniteur belge du 30 mai 2007
Editeur responsable : Dominique Plasman
17
Le retour au travail après un cancer du sein : un second combat pour les femmes ? – FPS- 2007
Bien que cette loi constitue une avancée importante, sa récente apparition rend encore
difficile son application (la jurisprudence est encore peu développée). Des protocoles de
collaboration ont, cependant, été établis entre les syndicats et le Centre pour l’égalité des
chances pour lutter conjointement contre les discriminations et y associer leurs compétences
et attributions.
Editeur responsable : Dominique Plasman
18
Le retour au travail après un cancer du sein : un second combat pour les femmes ? – FPS- 2007
2.3.
La couverture sociale
Les facteurs ciblés dans cette partie sont liés au régime de Sécurité Sociale en vigueur dans
un pays. Ils concernent, en particulier, les dispositions en matière d’assurance maladie et de
revenus de remplacement en cas d’incapacité de travail.
Comme nous l’avons constaté, les femmes soignées pour un cancer du sein sont sujettes à
toute une série d’effets secondaires, entraînant une période de convalescence plus ou moins
longue, évaluée entre trois mois et un an au cours de l’année suivant le diagnostic. Les
patientes actives professionnellement sont souvent obligées d’interrompre leur activité. Cette
interruption peut engendrer des difficultés d’ordre financier lorsque la personne fait face à
une diminution voire à une suppression de ses revenus, associée à des frais médicaux élevés.
Si la travailleuse dispose d’une assurance maladie-invalidité, d’une part, elle aura droit à un
remboursement des frais médicaux15 et hospitaliers et d’autre part, elle bénéficiera d’un
revenu de remplacement durant la période d’incapacité de travail.
Dans cette partie, nous remarquerons que le comportement face à l’emploi, après un grave
problème de santé, dépend incontestablement du niveau et du type d’accès à une assurance
maladie-invalidité (Burkhauser et Daly (1998), R. Riphahn (1998), J. Currie et B.C. Madrian
(1999), Bednarek et al. (2002), Bednarek et al. (2004 ), Brisson et al. (2005)) Lors de
l’évaluation et de la comparaison des résultats des différentes analyses empiriques sur le
sujet, il est pertinent de prendre en compte le contexte institutionnel propre à un pays étant
donné les divergences importantes entre les régimes de Sécurité Sociale en vigueur aux
Etats-Unis, au Québec et en Europe.
a) L’accès à une assurance soins de santé
Aux Etats-Unis, la couverture du risque maladie repose en grande partie sur l’assurance
privée, l’accès à une assurance-maladie étant encore le plus souvent lié à la participation au
marché du travail. Le tableau ci-dessous illustre le fait que deux tiers des Américains de
moins de 65 ans sont ainsi assurés par le biais de leur employeur (Chambaretaud et al,
2001). Cette dépendance risque fortement d’influencer la reprise du travail (Currie et al.,
1999).
15
En Belgique, les médicaments prescrits en Oncologie sont remboursés à 100%.
Editeur responsable : Dominique Plasman
19
Le retour au travail après un cancer du sein : un second combat pour les femmes ? – FPS- 2007
L’assurance médicale aux Etats-Unis en 1991
Nombre de personnes
Genre de protection
(millions)
Population totale des Etats-unis
253
Medicare (régime public
35
d’assurance-maladie à l’intention des
personnes de 65 ans et plus et de certains
travailleurs gravement handicapés)
Medicaid (régime public
27
d’assurance maladie pour les familles les
plus
pauvres
Aucune assurance
35
Régime privé d’assurance médicale
156
Source: William Lowther, « Medicare to the Rescue », Maclean’s, vol. 105, 13janvier1992,
p. 33- 34.
Selon Bednarek et al.(2004), les traitements associés à un cancer du sein impliquant de
lourdes dépenses en soins de santé, les travailleuses américaines seraient incitées à rester
actives sur le marché du travail afin de ne pas perdre leur emploi, et par conséquent leur
couverture d’assurance maladie offerte par l’employeur. Afin de vérifier leur hypothèse, ils ont
réalisé une comparaison du taux d’emploi entre les travailleuses assurées via leur employeur
et celles disposant d’une couverture via l’assurance maladie de leur conjoint. Au total, 444
femmes âgées de 30 à 64 ans, issues du « Metropolitan Detroit Cancer Surveillance
Systeme », ont composé l’échantillon.
Malgré le besoin de convalescence, les travailleuses américaines assurées via leur employeur
ont tendance à poursuivre leur activité professionnelle durant les traitements. En effet, six
mois après le diagnostic, l’impact de la maladie n’est pas significatif sur la probabilité de
retravailler, c’est-à-dire, que ces travailleuses n’ont pas un comportement significativement
différent d’un groupe témoin constitué de femmes n’ayant jamais eu de cancer du sein. A
Editeur responsable : Dominique Plasman
20
Le retour au travail après un cancer du sein : un second combat pour les femmes ? – FPS- 2007
l’opposé, les femmes mariées qui sont couvertes par l’assurance professionnelle de leur
époux sont plus souvent absentes du marché du travail, six mois après le diagnostic. Leur
probabilité de travailler est 15 à 38% plus faible (selon le stade évolutif de la maladie) par
rapport à un échantillon témoin.
Lors d’une enquête portant sur l’absentéisme au travail auprès de Québécoises atteintes d’un
cancer du sein (Registre québécois du cancer), M.Brisson et al. (2005) ont également émis un
tel constat : le système de Sécurité Sociale du Québec génère des inégalités entre les
femmes. Les Québécoises ne seraient donc pas sur un même pied d’égalité lorsqu’elles sont
confrontées à une maladie grave. Pour un cancer du sein, les auteurs ont mesuré la période
d’incapacité de travail à minimum 5,4 mois. Or, certaines travailleuses n’auraient pas la
possibilité de prendre une période de convalescence aussi longue car leur inactivité
entraînerait une perte immédiate de revenus. C’est le cas notamment des femmes qui, après
avoir épuisé leurs 15 semaines de congés-maladie pris en charge par l’Etat16, ne seraient pas
couvertes par une autre assurance complémentaire privée. Ils observent également que
seulement 2 % des travailleuses syndiquées ne rapportent aucune absence contre 15% chez
les indépendantes et 34% chez les femmes non-syndiquées.
Aux Etats-Unis et au Québec, il semblerait donc que toutes les travailleuses ne sont pas
égales face au cancer du sein, selon qu’elles disposent d’un accès à une assurance maladie et
selon le degré de couverture. Face à ce constat, quelle est la situation rencontrée par les
femmes en Belgique?
En Belgique, le fonctionnement est très différent du système américain ou canadien. Le
régime public d’assurance maladie invalidité, financé par un système de solidarité entre les
travailleurs, offre une couverture universelle. Chacun doit souscrire à l’assurance obligatoire
qui rembourse partiellement ou totalement les frais médicaux et hospitaliers, et qui assure le
versement d’un revenu de remplacement en cas d’incapacité de travail17. Les médicaments
prescrits en cas de maladies grave (appartenant à la «catégorie A»), donc ceux prescrits dans
le traitement du cancer, sont pris en charge totalement par l’assurance soins de santé. Les
traitements (chimiothérapie, hormonothérapie et radiothérapie) sont aussi remboursés
entièrement, de même que les frais de déplacement pour les patients traités en ambulatoire
dans les centres anti-cancéreux.
16
L’absence au travail après un cancer du sein dure en moyenne six mois chez la population féminine
québécoise
17
Cette indemnité est un pourcentage d’un revenu brut plafonné par la Sécurité Sociale et varie selon le
statut social (salarié/indépendant) et le statut civil (isolé, chef de ménage, cohabitant) ainsi que selon la
durée de l’incapacité (incapacité primaire (< 1 an ) ou invalidité ( > 1an)).
Editeur responsable : Dominique Plasman
21
Le retour au travail après un cancer du sein : un second combat pour les femmes ? – FPS- 2007
Le système de Sécurité Sociale belge est donc beaucoup plus solidaire que le système privé
d’assurance maladie en vigueur aux Etats-Unis ou au Canada. Toutefois, les travailleurs
belges disposant d’une assurance hospitalisation complémentaire permettant de couvrir plus
largement les frais médicaux et la perte de revenu, seront inévitablement plus avantagés que
ceux qui ne sont couverts que par l’assurance maladie invalidité. Par ailleurs, une série de
médicaments considérés comme étant « de conforts » 18 mais qui se retrouvent pourtant de
première nécessité après les lourds traitements administrés, sont peu ou pas remboursés.
L’enquête française sur la qualité de vie des patients après un cancer (Grimberg C. et al.,
2004) a évalué que le montant moyen de ces prescriptions s’élève environ 70€ par mois.
Cette somme est relativement importante et risque d’alourdir le budget d’un patient aux
revenus faibles.
En conclusion, on peut supposer qu’en Belgique, les femmes ne sont pas toutes égales face à
la maladie, selon qu’elles ont accès ou non à une assurance hospitalisation privée ou plus
complète c’est-à-dire, couvrant plus largement l’ensemble des frais autour de la maladie.
Précisons toutefois que l’ampleur de ces inégalités est sans aucun doute beaucoup moins
marquée qu’en Amérique.
b) Le niveau des revenus de remplacement
R. Riphahn (1998) s’est intéressé de près à l’impact d’un accident de santé grave sur les
revenus des travailleurs allemands âgés de 40 à 59 ans et, in extenso, sur leur situation
d’emploi. Ses résultats montrent une corrélation positive entre le niveau de revenu et une
situation de non-emploi : plus les revenus d’un travailleur sont élevés, moins la probabilité de
rester actif sur le marché du travail est grande.
Le système d’assurance maladie allemand prévoit que l’employeur paie 100% du salaire
pendant les six premières semaines d’incapacité. Ensuite, l’assurance maladie verse les
indemnisations pendant les 78 semaines suivantes, à concurrence de 80% du salaire
plafonné. Selon R. Riphahn, puisque les prestations d’incapacité ou les allocations de
chômage sont calculées proportionnellement au salaire, on peut considérer le niveau de
salaire comme une variable approximative des revenus de remplacement. Dès lors, les
travailleurs gagnant un salaire élevé percevront des allocations plus importantes et pourront
mieux assumer financièrement une situation d’inactivité.
18
Axiolytiques, vitamines, oligo-éléments, antiasthénique, laxatif, compléments alimentaires, crèmes
hydratantes et protectrices, lubrifiant, antiseptique oculaire, diurétique osmotique, pansements, soutiengorge pour prothèse, acupuncture, homéopathie…
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22
Le retour au travail après un cancer du sein : un second combat pour les femmes ? – FPS- 2007
Ce principe du calcul de l’indemnité d’incapacité de travail en fonction du niveau de revenus
est le même en Belgique. En effet, lorsqu’un travailleur salarié19 est en incapacité de travail, il
perçoit la totalité de son salaire (le salaire garanti) pendant les 30 (14) premiers jours
d’incapacité pour les employés (ouvriers), versé par l’employeur. A partir du 31ème (15ème )
jour, une indemnisation couvrant 60% du dernier salaire brut plafonné20 (soumis aux
cotisations ONSS) est payé par la Sécurité Sociale via les mutualités.
Pour les personnes appartenant aux catégories de revenu les plus basses, vivre avec 60% de
son salaire n’est pas soutenable, surtout lorsqu’elles doivent faire face à des frais médicaux
élevés. Une telle situation de précarité économique peut entraîner ces personnes dans la
pauvreté. La contrainte économique risque donc d’inciter la reprise du travail au plus vite.
Rappelons toutefois que les indemnités d’incapacité sont également plafonnées par la
Sécurité Sociales. Les personnes dont les revenus du travail sont sensiblement supérieurs à
ce plafond doivent également faire face à d’importantes pertes financières pouvant avoir des
répercussions non négligeables. On peut dès lors supposé que plus les revenus du travail sont
faibles ou supérieurs au plafond fixé, plus la personne sera incitée à reprendre rapidement le
travail.
c) Conclusions
Même si l’existence d’une couverture universelle par l’assurance maladie invalidité constitue
un avantage fondamental dans notre pays, en comparaison à d’autres systèmes de Sécurité
Sociale, cela n’exclut pas des situations financières difficiles. C’est en tout cas ce que montre
l’étude française sur la qualité de vie après un cancer (Grimberg C. et al., 2004), qui s’est
également interrogée sur l’impact économique de la maladie. Cette enquête démontre que
malgré une couverture sociale quasi-intégrale de l’assurance maladie en France (c’est aussi le
cas en Belgique grâce à l’assurance obligatoire), 35,2% des personnes consultées
reconnaissent avoir rencontré des difficultés financières, du fait d’une baisse des revenus (les
indemnités journalières ne représentent que 50% du salaire [60% en Belgique]) et du retard
de versement des indemnités par la Sécurité Sociale.
Au regard des ressemblances entre le régime d’incapacité de travail allemand, français
américain et belge, on peut donc supposer qu’en Belgique, les personnes les plus favorisées
économiquement peuvent se permettre une plus longue période d’arrêt du travail. Mais ces
conclusions doivent être nuancées : la perte substantielle de revenu combinée à une
19
20
Ceci n’est pas le cas pour les indépendants qui dépendent d’un système privé.
soumise aux cotisations ONSS
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23
Le retour au travail après un cancer du sein : un second combat pour les femmes ? – FPS- 2007
augmentation des frais en soins de santé peut inciter les travailleurs à reprendre au plus vite
leur activité professionnelle, même les plus riches.
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24
Le retour au travail après un cancer du sein : un second combat pour les femmes ? – FPS- 2007
2.4.
Les facteurs individuels
Les facteurs individuels ou sociodémographiques sont nombreux. Liés aux caractéristiques
propres à chacun, ils peuvent également influencer la situation d’emploi des femmes après un
cancer du sein. Dans le cadre de cette étude, nous allons examiner les effets possibles de
l’âge, de la nationalité, de l’état civil ou de la situation familiale, du niveau de revenus et du
type de profession.
a) L’âge
Dans une étude portant sur 646 travailleuses québécoises âgées de moins de 60 ans et
interviewées 3 ans après le diagnostic d’un cancer du sein, Brisson C. et al (novembre 2005)
découvrent que l’âge influence fortement la décision personnelle des femmes à poursuivre ou
non leur activité. L’âge constitue donc un facteur explicatif important. Selon les auteurs, une
maladie telle que le cancer survient souvent à un moment de la vie où les travailleuses
pensent déjà à prendre leur retraite ou du moins à diminuer leur temps de travail. Ainsi, ils
ont mesuré que les femmes âgées de 50 à 59 ans sont 4 fois plus tentées de quitter leur
travail après un cancer du sein que les plus jeunes.
Cependant, aux Etats-Unis, Bednarek et al. (2001) ont constaté un phénomène intéressant
sur un échantillon de 156 travailleuses âgées de 51 à 61 ans (donc, un âge plus proche de la
retraite), toutes ayant eu un cancer du sein. L’objectif de cette étude était de voir le lien
entre l’état de santé et la décision de partir à la retraite. Les résultats montrent que les
femmes qui ont eu un cancer moins d’un an auparavant sont moins nombreuses à travailler
que celles ayant eu un cancer du sein plus d’un an auparavant. Par contre, ces dernières
(ayant développé la maladie plus d’un an auparavant), travaillent, en moyenne, plus d’heures
que celles qui n’ont jamais eu de cancer du sein (3h39 de plus par semaine). Pour les
auteurs, cette augmentation des heures de travail traduirait la nécessité de couvrir les
dépenses effectuées au moment de la maladie et des traitements. L’âge n’a donc pas
d’influence dans ce cas.
En Belgique, le taux d’emploi des travailleuses diminue avec l’âge : en 2006 il est de
seulement 17,8%21 chez les femmes âgées de 55 à 64 ans contre 54% en moyenne pour
l’ensemble des femmes. Faute de données, il nous est impossible d’évaluer l’effet d’un cancer
du sein sur la situation d’emploi des femmes, en fonction de leur âge. De manière générale,
21
Portail du marché du travail, SPF économie, PME, classe moyenne et énergie,
http://statbel.fgov.be/figures/d31_fr.asp#2
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25
Le retour au travail après un cancer du sein : un second combat pour les femmes ? – FPS- 2007
on peut supposer que l’effet négatif de l’âge sur l’offre de travail est le même pour toutes les
femmes en général. Néanmoins, comme le montrent Bednarek et al. (2001), les contraintes
financières rencontrées par certaines, laissent aussi supposer un effet inverse sur l’offre de
travail, peu importe l’âge.
b) L’état civil et la situation familiale
Le fait de vivre en couple ou seule, avec des enfants, peut-il influencer la situation d’emploi
des femmes après un cancer du sein? De manière générale, la littérature suggère que l’offre
d’emploi des mères de famille, dépend notamment de l’efficacité des politiques publiques à
encourager leur participation sur le marché du travail (De Henau J et al., 2006). En Belgique,
le taux d’emploi des mères est de 68,8% en 200222, un chiffre supérieur au taux d’emploi
féminin moyen qui est de 51,4% pour la même année23. On peut donc en déduire que les
mesures de politique familiale ont globalement un effet positif sur le travail. Par contre, le
taux d’emploi des mères célibataires (52,8%24) reste nettement inférieur à celui des mères
vivant en couple. Les mères célibataires constituent, en effet, un groupe de la population
plus vulnérable, sur le plan économique et social. D’une part, ces femmes ne disposent bien
souvent que d’un seul revenu alors qu’elles endossent la charge d’une famille et d’autre part,
elles doivent assumer seules vie professionnelle, gestion du ménage ainsi que l’éducation des
enfants, etc. Ces contraintes ont un effet décourageant sur l’offre de travail des mères
célibataires.
On peut présumer, dès lors, qu’en plus d’assumer toutes ces responsabilités, le fait d’être
confrontées au cancer du sein, constitue une difficulté supplémentaire. Nous supposons donc
les mères célibataires concernées sont encore moins actives après la maladie que les mères
vivant en couple.
c) La profession ou le niveau d’éducation
Hietanen P. et al. (2004) ont constaté que le niveau d’éducation et le type de profession
modifiait sensiblement l’effet du cancer25 sur la situation d’emploi des patients. En étudiant le
comportement face à l’emploi des 12 542 nouveaux cas de cancer pour l’année 1987-1988,
22
Chiffres de l’OCDE pour les mères dont le plus jeune enfant a moins de six ans,
http://www.oecd.org/dataoecd/34/41/34554003.xls
23
Portail du marché du travail, SPF économie, PME, classe moyenne et énergie,
http://www.statbel.fgov.be/figures/d31_fr.asp#2
24
Chiffres pour les femmes entre 18 et 44 ans au 31/12/2002
http://www.ulb.ac.be/socio/tef/page_minute/Situation%20familiale%20et%20taux%20demploi.pdf
Editeur responsable : Dominique Plasman
26
Le retour au travail après un cancer du sein : un second combat pour les femmes ? – FPS- 2007
issus du registre national finlandais du cancer, les auteurs ont pu observer que la probabilité
de retravailler était plus forte auprès des patients ayant un haut niveau d’éducation qu’auprès
de ceux qui ont fait peu ou pas d’études. Ils ont également comparé ces résultats à un
groupe de référence n’ayant jamais eu de cancer.
De manière générale, deux à trois ans après le diagnostic, le taux d’emploi des Finlandais
ayant eu un cancer est inférieur de 9% au groupe de référence et seulement de 4% pour les
femmes qui ont eu un cancer du sein. Si on distingue les différents niveaux d’éducation, on
observe que la probabilité de travailler est plus faible de 19% chez les personnes ayant un
diplôme d’humanité inférieure (par rapport à un échantillon comparatif), et de 12% chez les
personnes ayant
suivi l’enseignement professionnel. Par contre, aucune différence
significative n’a pu être constatée auprès des travailleurs qui ont un diplôme universitaire. Ces
résultats sont encore plus marqués pour certains types de cancer, c’est le cas du cancer de
l’estomac, du poumon, du rectum et de l’utérus.
Hietanen P. et al. (2004) constatent aussi des différences dans les taux d’emploi des hommes
et des femmes après un cancer, selon le type de profession exercée. Les personnes ayant un
métier plus manuel, dans les domaines de l’agriculture, de la pêche, de la mine, des
transports et de la communication, de la manufacture ou dans les services, ont une
probabilité plus faible (moins 19% par rapport au groupe de référence) de retravailler, contre
seulement une baisse de 7% (par rapport au groupe de référence) chez les personnes
travaillant dans les domaines techniques, scientifiques, des sciences sociales et humaines,
dans l’administration, la gestion ou encore, dans le domaine artistique.
Chapman et al. (2000) ont également cherché à définir les caractéristiques liées à l’activité
professionnelle, facilitant la réinsertion après un cancer du sein. Ils ont mis en évidence deux
éléments favorables: d’une part, avoir une activité requerrant peu d’effort physique et d’autre
part, pouvoir bénéficier d’une certaine flexibilité au niveau des horaires.
Suite à ces constats, nous pouvons émettre deux hypothèses relatives aux travailleuses
concernées par le cancer du sein : d’une part, avoir un métier impliquant des travaux
astreignants et des gestes répétitifs constitue un facteur pouvant entraver la reprise du travail
et donc expliquer une situation de non-emploi chez ces femmes ; d’autre part, le fait d’avoir
des horaires plus flexibles permettant de mieux s’accoutumer à la reprise du travail constitue,
à l’opposé, un élément favorable à la reprise de l’activité.
25
Cette étude ne concerne pas que le cancer du sein en particulier.
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27
Le retour au travail après un cancer du sein : un second combat pour les femmes ? – FPS- 2007
Remarquons ici que les facteurs liés au type de profession ainsi qu’au niveau d’éducation sont
révélateurs du statut socio-économique des travailleurs. Dans le précédent chapitre, nous
avons déjà parlé des effets du niveau de revenu sur la reprise de l’activité. Ajoutons encore
que les personnes les moins favorisées économiquement sont en général celles qui ont le
moins accès au système de soins de santé, qui attendent plus longtemps avant de consulter
un médecin, avec toutes les conséquences d’une aggravation de la maladie que cela
représente. L’impact négatif sur la reprise de l’activité est sans ambiguïté. Nous suggérerons
donc que les personnes les moins éduquées ou les moins favorisées économiquement sont
plus susceptibles de se retrouver dans une situation de non-emploi.
d) La nationalité
Aux Etats-Unis, Delorenze et al. (1996) ont mesuré l’effet du cancer du sein sur la situation
d’emploi de 296 femmes, interviewées trois mois après le diagnostic, dans le cadre d’une
enquête intitulée « Health and Fonctionning in Women with Breast cancer ». L’échantillon
était constitué de 244 femmes dont 52 d’origines afro-américaines.
Les résultats montrent que la plupart des femmes sont déjà de retour au travail après trois
mois, ils révèlent également un impact négatif du cancer du sein sur le taux d’emploi, deux
fois plus important chez les Américaines d’origine africaine. Si les auteurs estiment que
d’autres recherches sont nécessaires pour en déterminer les causes, ils émettent a priori deux
hypothèses. Premièrement, ces travailleuses exerceraient plus souvent des métiers
demandant des efforts physiques,
compliquant la reprise de l’activité. Deuxièmement, il
semblerait que ces femmes aient subi des traitements complémentaires plus agressifs que les
femmes blanches, traitements qui sont directement liés à la gravité du diagnostic. Selon les
auteurs, ce constat pourrait traduire une difficulté d’accès au système de soins de santé pour
les femmes d’origine étrangère, qui retarderait la consultation d’un médecin et le début des
traitements.
En Belgique également, les personnes d’origine étrangère et en particulier, la population
d’origine maghrébine appartient le plus souvent
à un des segments fragilisés de la
population. Les personnes d’origine marocaine ou turque sont très exposées au risque de
pauvreté : environ la moitié d’entre elles ont des revenus insuffisants (Perrin N., Van Robaeys
B., 2006). De plus, les auteurs rappellent que cette précarité socio-économique a été
empiriquement confirmée dans différents domaines tels que le marché du travail,
l’enseignement, le marché du logement et la santé.
Au regard des taux d’emploi chez les femmes d’origine étrangère hors Union européenne : en
2002-2003, le taux d’emploi des femmes belges d’origine turque ou marocaine s’élève à 11%
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Le retour au travail après un cancer du sein : un second combat pour les femmes ? – FPS- 2007
versus 54% pour les Belges d’origine belge (Okkerse L., Termote A., 2004) , nous pensons
qu’elles sont encore plus victimes de cette précarité et des discriminations sur le marché du
travail en raison de leurs origines.
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29
Le retour au travail après un cancer du sein : un second combat pour les femmes ? – FPS- 2007
3. Quelques pistes d’action
Tout au long de ce travail, nous avons constaté d’importantes inégalités entre les femmes
touchées par le cancer du sein (accès aux soins, prise en charge psychologique, implications
financières…). Nous avons également soulevé plusieurs formes de discrimination auxquelles
certaines travailleuses sont confrontées dans leur environnement professionnel. L’analyse de
la littérature a, en outre, permis de remarquer que ces inégalités ont une influence directe sur
la situation d’emploi de ces femmes. Dans cette partie du travail, nous vous invitons à
réfléchir au rôle que peuvent jouer les médecins, les pouvoirs publics ainsi que le réseau
associatif et de proximité pour arriver à pallier ces inégalités en vue de favoriser la réinsertion
de toutes les femmes, dans les meilleures conditions possibles.
3.1.
Améliorer l’accès au programme de dépistage
Nous avons constaté que plus le stade évolutif de la maladie est avancé, plus l’impact sur la
situation d’emploi est négatif ; les traitements étant plus lourds et les risques de séquelles
physiques et psychologiques plus graves. Face à ce constat, nous pensons que le dépistage à
toute son importance : il permet de détecter le plus prématurément possible un cancer du
sein. Cependant, toutes les femmes n’y ont pas encore accès : selon l’Agence intermutualiste
belge (2005), 54% de la population cible (les femmes entre 50-69 ans) a participé au
programme de dépistage en 2002-2003
26
. Or, pour que ce programme soit efficace en
matière de santé publique et si l’on veut réduire sensiblement le taux de mortalité, il doit
répondre non seulement à des critères de qualité, mais aussi atteindre une participation d’au
moins 70% (Puddu M., Tafforeau J., 2005). Il a été prouvé que si le taux de participation
atteignait ce pourcentage, la mortalité diminuerait de 30%, après sept à neuf ans de suivi
régulier. Ceci équivaudrait à sauver 750 femmes par an (Fabri V., 2001).
Clairement, les objectifs de couverture ne sont donc pas encore atteints. Bien que la mise en
place d’un programme de dépistage soit un processus lent et complexe (l’Europe Contre le
Cancer envisage un délai d’une dizaine d’années pour atteindre ces objectifs), il est
indispensable de poursuivre les campagnes de prévention en se donnant des moyens
efficaces pour augmenter le taux de participation au programme national de dépistage,
surtout chez les femmes les plus isolées et les plus précarisées. Pour atteindre ce public
26
Des pays européens comme la Hollande, la Suède ou l’Angleterre ont déjà dépassé ce taux de
couverture.
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Le retour au travail après un cancer du sein : un second combat pour les femmes ? – FPS- 2007
spécifique, nous pensons que les acteurs de proximité, (les CPAS, les médecins traitants, le
tissus associatif…) ont un rôle pertinent à jouer. Des initiatives basées sur une approche
participative des femmes et s’appuyant sur les réseaux locaux existants ont en effet porté
leurs fruits : en 2005, dans la province de Namur, trois organisations féminines d’Education
Permanente (l’Action chrétienne rurale des femmes, Vie féminine et les Femmes prévoyantes
socialistes de Namur) en synergie avec le service promotion santé des mutualités neutres ont
élaboré, avec succès, une vaste action de prévention et d’information sur le cancer du sein27.
Alors que le taux de participation des femmes au programme de dépistage restait très faible
(6,8% en 2005 pour la province namuroise), on a assisté à une forte hausse l’année suivant
le programme de sensibilisation, atteignant les 12% en 2006.
Fortes de cette expérience namuroise, nous confirmons l’intérêt d’établir des actions de
Médecines Préventives dans une approche de Promotion de la Santé, tels qu’il est préconisé
dans le décret du 17 juillet 2003 de la Communauté française28. Nous soulignons toutefois le
manque important de financement de ces programmes, malgré les preuves de leur efficacité.
Il est donc primordial de mobiliser les ressources nécessaires à la continuité des projets et à
la mise en place de nouveaux.
3.2.
Faut-il étendre le dépistage aux plus jeunes
femmes ?
Nous nous sommes interrogées sur l’intérêt d’étendre le programme national de dépistage
aux femmes plus jeunes, de moins de 50 ans. Cette proposition fait d’ailleurs l’objet de
discussions auprès du corps médical. Pour le moment, aucune étude ne permet d’approuver
telle recommandation (Puddu M., Tafforeau J., 2005). L’argument principal réside dans le fait
que l’efficacité du dépistage demeure encore trop incertaine chez les plus jeunes femmes, en
raison de la densité du tissu mammaire. Les femmes de moins de 50 ans ont souvent les
seins plus denses et une tumeur peut ne pas être visible avec la mammographie (radiologie
des seins) pratiquée dans le cadre du programme de dépistage. La sensibilité de la
mammographie a été évaluée à 48% pour les seins très denses (Mazy et Schilling, 2006) et
de nombreux médecins estiment que ce résultat n’est pas éthiquement soutenable. Le
dépistage par la mammographie n’est donc, actuellement, pas suffisamment fiable pour qu’il
soit étendu chez les femmes de moins de 50 ans. Pour une meilleure visibilité des seins
denses,
il
est
recommandé
d’associer
la
mammographie
à
d’autres
techniques
27
Pour plus d’information, contactez les fps de Namur (e-adresse : [email protected]).
modifiant le décret du 14 juillet 1997 portant sur l’organisation de la promotion de la santé en
Communauté française, MB 21-08-2003
28
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Le retour au travail après un cancer du sein : un second combat pour les femmes ? – FPS- 2007
complémentaires (résonance magnétique, mammographie numérique ou échographie).
Toutefois, leur supériorité par rapport à la mammographie conventionnelle n’a pas encore été
démontrée dans des études de bonnes qualités (Puddu M., Tafforeau J., 2005). Dans un
rapport, les auteurs mettent en évidence la nécessité de réaliser des études rigoureuses afin
d’évaluer la performance de ces techniques dans le cadre du dépistage du cancer du sein,
selon l’âge et la densité des seins examinés.
3.3.
Sensibiliser
les
médecins
aux
problèmes
psychologiques
Un certain nombre de femmes rencontre des difficultés d’ordre psychologique liées au cancer
du sein et à tout le chamboulement qu’une telle maladie provoque chez les personnes
concernées. Elles ont pour effet d’empêcher momentanément le travail ou d’en alourdir la
reprise. Les études démontrent cependant que les médecins n’y portent pas toujours
attention. Plus de vigilance, d’écoute et d’informations de leur part fait partie des
revendications exprimées par des patients : « Les médecins devraient être plus conscients de
ces difficultés supplémentaires. » (Grimberg C. et al., 2004). Pour cela, il est indispensable
d’instaurer la visite systématique d’un(e) psychologue auprès des patientes et leurs proposer
un accompagnement dès l’annonce du diagnostic.
Participer à des groupes d’entraide est aussi un moyen d’obtenir du soutien et un
accompagnement dans le combat contre la maladie. Basés sur une logique d’entraide
mutuelle, les bénévoles qui constituent ces groupes vont à la rencontre des patientes dans les
établissements hospitaliers, sur simple demande. Ces échanges permettent souvent aux
femmes de mieux appréhender la maladie et ses conséquences, notamment sur le plan
professionnel, en partageant leur vécu. Par ailleurs, les groupes d’entraide représentent une
ressource unique pour celles qui éprouvent des difficultés à se confier à leur entourage ou
pour celles qui ne reçoivent pas le soutien familial souhaité. De plus, les bénévoles sont
également présentes pour aider l’entourage, les enfants et le compagnon à faire face à cette
épreuve.
Nous croyons qu’il est bénéfique pour les patientes qui le souhaitent, d’être orientée au plus
tôt vers un de ces groupes, c’est-à-dire, dès le diagnostique et non lorsque les traitements
sont finis et que la personne n’est plus encadrée par le personnel médical. Il est important
que les médecins et les infirmiers proposent une entrevue avec un des ces groupes, à toutes
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Le retour au travail après un cancer du sein : un second combat pour les femmes ? – FPS- 2007
leurs patientes. Les bénévoles n’étant pas systématiquement présentes dans tous les
hôpitaux et en tant que professionnels de la santé, ils constituent un relais privilégié.
3.4.
Permettre la reprise progressive de l’activité
professionnelle
Comme nous l’avons expliqué précédemment, le traitement pour un cancer du sein entraîne
une indispensable période de rétablissement, les effets secondaires (fatigue, fragilité
psychologique, perte de mobilité…) pouvant perdurer plusieurs années (cf. 2.1. Les
conséquences physiques et psychologiques d’un cancer du sein). Aussi, nous savons
qu’exercer une profession impliquant des tâches ou des efforts physiques lourds et répétitifs
n’est pas favorable à la reprise du travail, de même qu’avoir des horaires de travail peu
flexibles. Parallèlement, on remarque qu’en France, moins d’une personne sur deux (42%)
ayant eu un cancer parvient à obtenir un aménagement souhaité de ses conditions de travail
(Grimberg C. et al., 2004). Plus particulièrement, cette même étude a permis de constater la
difficulté des femmes à obtenir un mi-temps thérapeutique29, c’est-à-dire, une reprise du
travail à temps partiel après une période d’arrêt total de l’activité pour incapacité. Le mi-
temps thérapeutique représente pourtant une solution adéquate lorsque la reprise du travail à
temps plein n’est pas encore soutenable. Il a, en outre, l’avantage de garantir des revenus
supérieurs aux indemnités d’incapacité30. Le système permet donc une reprise progressive de
l’activité professionnelle, tout en garantissant un revenu décent, à un moment où les
dépenses en soins de santé sont coûteuses. Remarquons encore que le système est très
flexible : le mi-temps thérapeutique peut également être une formule de travail à temps plein
avec des tâches allégées.
Afin d’obtenir une reprise graduelle d’une activité régulière, le médecin traitant joue un rôle
social très important : celui d’informer sa patiente d’une telle alternative légale. Or il
semblerait qu’il n’en a pas toujours conscience : « En général, le médecin généraliste est
bien au fait des formalités à remplir pour qu’un travailleur soit reconnu en incapacité. Par
contre, il a moins souvent conscience du rôle actif de conseiller informel. » (Poucet T. et
Devillers J., 1999). Par ailleurs, Marti P. (2002) déplore le fait les praticiens (médecins
généralistes, chirurgiens, oncologues, radiologues…) éprouvent souvent des difficultés à
rédiger les certificats à destination des médecins du travail et des médecins conseil. Qui plus
29
C’est ainsi que la formule est nommée couramment. En réalité, il s’agit d’une reprise partielle
d’activité qui n’est pas limitée à un mi-temps : il n’y a pas de volume minimal légal.
30
Le cumul de la rémunération professionnelle et des indemnités d’incapacité de travail est autorisé
mais plafonné selon une règle variant par tranche de revenus.
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Le retour au travail après un cancer du sein : un second combat pour les femmes ? – FPS- 2007
est, il constate que la profession de la patiente leurs est souvent méconnue. Cette
constatation met en évidence un réel problème étant donné leur rôle d’informer le médecin
du travail et les médecins conseil sur la nature et le stade de la maladie, sur les thérapies que
la patiente est amenée à suivre, sur les séquelles présentes ou encore sur les risques commis
par la patiente en retravaillant.
Tout comme les médecins traitants, le médecin du travail ainsi que médecin conseil
constituent une seconde source d’information à l’égard des travailleuses, concernant le mitemps thérapeutique, dès lors qu’ils ont respectivement le pouvoir de négocier avec
l’employeur et d’accorder un mi-temps thérapeutique. Ils devraient également envisager
systématiquement la possibilité de l’octroyer aux femmes qui ont eu un cancer du sein.
Notons toutefois que l’employeur a toujours la possibilité de le refuser.
3.5.
Encourager
le
sentiment
d’empathie
des
employeurs et des collègues
Bouknight et al. (2006) ont remarqué qu’un soutien positif de la part des supérieurs et des
collègues constitue également un facteur déterminant la situation d’emploi des femmes. Or,
le milieu professionnel n’est pas forcément enclin à ce type de comportements : une enquête
française montre que les travailleurs ayant eu un cancer attendent davantage d’empathie de
la part de leurs supérieurs (Grimberg C. et al., 2004). Marti P. (2002) estime que ce manque
d’empathie provient le plus souvent d’une méconnaissance générale de la maladie chez les
employeurs. Par conséquent, il s’avère compliqué, pour ces derniers, de concevoir les
changements que cela implique pour la travailleuse et d’anticiper au mieux les difficultés
qu’elle peut rencontrer dans ses tâches quotidiennes. Une meilleure information du supérieur
ou de l’employeur sur la nature de la maladie de son employée, sous réserve de l’accord de
celle-ci, pourrait renforcer l’empathie et faciliter la négociation pour un aménagement des
conditions de travail ainsi que des tâches posant problème.
3.6.
Fournir de l’aide domestique
Nous avons constaté que les mères célibataires, plus que les autres femmes, éprouvent des
difficultés à reprendre le travail après une maladie telle que le cancer du sein. Les multiples
charges et les responsabilités qu’elles doivent assumer seules constituent des freins à la
reprise du travail. De plus, les répercussions financières de cette non-activité peuvent être
lourdes de conséquences, enfonçant les plus démunies dans la précarité. Pour beaucoup, une
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Le retour au travail après un cancer du sein : un second combat pour les femmes ? – FPS- 2007
auxiliaire ménagère serait une aide précieuse. Nous plaidons pour qu’une déductibilité fiscale
plus importante soit instituée pour aider celles dont les revenus ne permettent pas de faire
appel à une tierce personne.
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Le retour au travail après un cancer du sein : un second combat pour les femmes ? – FPS- 2007
4. Conclusions
Après un cancer du sein, reprendre le travail dans des conditions optimales constitue un
enjeu majeur d’égalité professionnelle. De plus, les Femmes Prévoyantes Socialistes estiment
que réintégrer le circuit du travail fait partie intégrante de la qualité de vie des femmes qui
travaillaient auparavant. Malheureusement, cette problématique ne dispose pas de l’attention
qu’elle mérite, en Belgique. En France, la situation commence à évoluer progressivement :
l’Institut français du cancer a récemment lancé un appel à projet pour une recherche sur le
thème : « Situation de travail et trajectoires professionnelles des actifs atteints de cancer ».
En Belgique aussi, il nous semble important de poursuivre les recherches sur la thématique.
Nous souhaiterions mettre en avant la nécessité de réaliser une étude de « terrain » auprès
de femmes concernées par le cancer du sein afin de mieux connaître les difficultés
rencontrées, leurs besoins et leurs attentes spécifiques.
Quelques remarques devront être prises en considération dans le cadre d’une future
recherche. Premièrement, il serait intéressant d’observer la situation d’emploi des femmes à
long terme, pour voir si elle se rétablit comme auparavant. Cela impliquerait la réalisation
d’une étude longitudinale couvrant la période suivant le diagnostic jusqu'à au moins cinq ans
plus tard, afin de s’assurer d’une guérison complète et de prendre également en compte les
effets d’une possible récidive de la maladie sur l’emploi. Ensuite, il conviendrait de réaliser
cette enquête qui identifierait les éventuelles discriminations au travail et permettrait de
mesurer l’ampleur de ce phénomène en Belgique. Signalons enfin qu’il serait aussi pertinent,
dans le cadre d’une potentielle enquête, de comparer les trajectoires professionnelles des
femmes ayant eu un cancer du sein avec celles d’un groupe de femmes n’ayant jamais été
confrontées à la maladie. Cette analyse permettrait de différencier les effets de la maladie
des autres facteurs liés à l’environnement économique ou à certaines caractéristiques des
personnelles des travailleuses, sur leur participation au marché du travail.
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Le retour au travail après un cancer du sein : un second combat pour les femmes ? – FPS- 2007
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