Boom économique et déclin des pratiques

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Boom économique et déclin des pratiques
social
compass
58(3), 2011, 302–308
Isabelle MATTE
Boom économique et déclin des pratiques
religieuses en Irlande: quand le tigre celtique
dévore le sens
L’Irlande du Celtic Tiger est un exemple spectaculaire de passage d’une société
catholique traditionnelle à une société où le marché devient le nouveau référent.
Cette mutation sociologique s’est accentuée lors du boom économique des
années 1995–2005, alors que passait à l’âge adulte toute une nouvelle génération d’Irlandais issue du baby-boom des années 1970–1980. Cette cohorte
a massivement délaissé le principal rituel catholique: la messe du dimanche.
L’auteure renvoie à ses expériences de terrain ethnographiques en Irlande, particulièrement à la distance qui sépare l’univers culturel qu’elle a connu en 1992
de celui qu’elle a retrouvé en 2005, après la vague du Celtic Tiger. De ce choc
culturel, qui devient le cœur de la compréhension de ce passage, il en ressort
que la culture de la consommation est à même de remplacer très rapidement
celle d’une société dont les activités sociales et religieuses sont plutôt basées sur
la tradition.
Mots-clés: catholicisme · Celtic Tiger · consommation · déclin de l’Église · Irlande
· marché
Ireland’s Celtic Tiger years are a spectacular example of the passage from a traditional society to one where the market becomes the new reference point. That
sociological mutation took place during the economic boom of 1995–2005, when
a whole new generation, born during the Irish baby-boom of the 1970s and
1980s, experienced their coming of age. It is within that period that the major
religious/economic change took place, making Ireland’s Celtic Tiger a fascinating anthropological case study for the passage from traditional modalities of life
to consumerist ones. The culture shock felt by the author when returning to the
field after the economic boom becomes the core of the comprehension of that
passage: that culture shock informs the anthropologist looking at the profound
religious mutation that propelled the market to become the transcendent reference, while the Catholic Church of Ireland was losing power and social meaning
and significance.
Key words: Catholicism · Celtic Tiger · church decline · consumption · Ireland
· market
L’Irlande du Celtic Tiger constitue un exemple spectaculaire de la transition
d’une société encore largement traditionnelle à une société où le marché propulse
DOI: 10.1177/0037768611412144 © The Author, 2011. Reprints and permissions:
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Matte: Déclin des pratiques religieuses en Irlande 303
l’individu hors de l’univers religieux traditionnel. Cette mutation sociologique
s’est observée lors du boom économique de 1995 à 2005, en même temps que
passait à l’âge adulte toute une nouvelle génération d’Irlandais issue du babyboom des années 1970–1980. C’est principalement à l’intérieur de cette génération
que s’est joué ce changement majeur.
La République d’Irlande faisait évidemment partie du marché commun
européen et prenait part à l’économie mondiale bien avant le Celtic Tiger.
L’Irlande est toutefois resté un pays largement rural jusque dans les années 1990
et, en dehors de Dublin, voire dans certains quartiers de la capitale, le mode de vie
et les rapports sociaux ont longtemps été teintés par des modalités traditionnelles.
Par ceci, j’entends une société dont la réalité existentielle des sujets est basée
sur des liens sociaux préétablis (la famille, la parenté, le voisinage, la paroisse),
liens que le catholicisme a beaucoup concurru à forger et à maintenir en Irlande.
Le passage à la société de consommation a grandement contribué à déstructurer
partiellement ces liens et à propulser les Irlandais dans une logique culturelle et
sociale consumériste. Le récit de ce passage, mis en scène par le choc culturel
expérimenté par l’auteure, est présenté ici, à travers diverses observations lors
de trois enquêtes de terrain. Ce récit renseigne sur la propulsion du marché à la
fois comme référence transcendante et comme globalité immanente, tandis que
périclite sérieusement l’Église catholique d’Irlande, ultime référence religieuse
de la République.
1. Premier terrain: automne 1992 à automne 1993
C’est à la fin de novembre 1992 que, à partir du Havre, en Normandie, j’ai pris
le bateau qui m’a menée pour la première fois en Irlande. Déjà pendant la longue
traversée, la réalité économique irlandaise était palpable: de nombreux travailleurs
de la construction essaimaient le pont, heureux de rentrer enfin chez eux pour le
temps des fêtes. Ces hommes de tous âges étaient de retour des chantiers allemands
après de longs mois d’exil obligé afin de gagner leur vie. Ce détail inaugurait
bien la réalité que je m’apprêtais à rencontrer: juste avant la croissance rapide
qui allait projeter l’Irlande vers une prospérité soudaine, l’argent était rare dans
ce pays. Près de 20 pour cent des gens faisaient la queue au bureau de chômage
toutes les semaines pour collecter l’allocation de la sécurité sociale. Les ouvriers
et les petits fermiers constituaient encore la majorité des travailleurs au début des
années 90 et les chanceux qui détenaient un emploi stable avaient souvent une
famille nombreuse à entretenir. La classe moyenne de consommateurs, payeurs
de taxes, représentait somme toute une portion restreinte de la population, en
comparaison avec la plupart des autres pays occidentaux.
Cette réalité économique m’a frappée quand je me suis rendue dans le quartier
ouvrier de la banlieue nord de Dublin où j’allais passer les quatre mois suivants.
Coolock ressemblait à tous les autres quartiers alentour, avec ses innombrables
complexes résidentiels de petites maisons semi-détachées alignées comme les
pierres d’un chapelet autour d’un grand carré de pelouse. Aussi, ce qui m’a semblé
être, de prime abord, un lieu mortellement ennuyant, s’est avéré l’un des endroits
les plus vivants et les plus comiques que j’aie connus. J’étais au cœur de l’univers
de Roddy Doyle, l’auteur de The Snapper, The Van ou encore des Commitments,
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dont Alan Parker a tiré un film à succès: un monde grouillant d’enfants entassés
à trois dans une chambre, qui se chamaillent pour ramasser les bouteilles vides,
avec un père travaillant à l’usine de Cadbury et une mère, enceinte du cinquième,
poussant le landau des jumeaux, tout en discutant avec ses voisines en allant
chercher les plus âgés à la sortie de l’école. Un monde finalement pas si différent
de l’univers qu’a dépeint l’auteur et dramaturge québécois Michel Tremblay dans
ses chroniques du Plateau Mont-Royal, un quartier ouvrier de Montréal dans le
Québec d’avant la Révolution tranquille.
J’ai abouti à cet endroit après avoir répondu à une petite annonce demandant
une fille au pair. Dans une Irlande où le divorce était encore illégal, Sean était
séparé de sa première femme ainsi que de sa compagne, dont il avait eu un fils.
Je m’occupais de ce fils quand il était à la maison. Même s’il payait une pension
à son ex-épouse, celle-ci, sur les conseils du prêtre local, refusait à Sean de voir
les cinq enfants issus de leur mariage, ce qui attristait Ita, la mère de Sean, qui
vivait dans une caravane dans le petit jardin derrière la maison. À part nourrir les
chiens et les promener deux fois par jour, ma principale tâche consistait à boire
du thé avec Ita en regardant les soaps anglais à la télé. Pour 25 livres par semaine,
il ne pouvait pas non plus me demander la lune. Mais ce joyeux calvaire plutôt
atypique me fit pénétrer au cœur des difficultés et des contradictions associées au
monde ouvrier de la banlieue nord de Dublin. Même si l’univers culturel de mes
amis du centre-ville et ceux de la banlieue sud était un peu différent, le manque
d’argent semblait être le lot de la plupart des gens que j’ai rencontrés à cette
époque. Les gens aisés constituaient une très petite minorité.
2. Deuxième terrain: été et automne 2005
En juin 2005, je gagne à nouveau l’Irlande, 12 ans après cette année mémorable. La
navette qui m’amène de l’aéroport au centre-ville est remplie de jeunes Irlandais
bruyants qui reviennent d’un séjour en Espagne avec Ryanair, l’un des symboles
de la nouvelle Irlande et de son économie dynamique, voire agressive. C’est sous
la forme de centaines de voitures neuves que s’est matérialisée devant moi la
réalité du Celtic Tiger lorsque j’ai débarqué à Dublin. J’avais souvenir qu’en 1992,
on pouvait pratiquement traverser la rue sans regarder. Beaucoup de foyers ne
possédaient pas de voitures, encore moins deux. Pourtant, 12 ans plus tard, c’est un
fleuve de Mercedes et de BMW qui me bloquait le passage sur O’Connell Street.
La plupart des voitures étaient immatriculées en 2004 ou en 2005. Les boutiques
de designers et les restos chics pullulaient. Dans la rue, la plupart des passants
semblaient pressés ou parlaient à leur téléphone cellulaire. Rien de bien original
pour une capitale européenne? Peut-être, mais dans l’Irlande que j’avais quittée
12 ans auparavant, la plupart des gens que je connaissais comptaient leurs pièces
de monnaie à la fin de la semaine pour se payer une pinte de lait ou une pinte de
bière et semblaient infiniment moins pressés. J’étais sous le choc: tout ce monde
habillé comme des cartes de mode qui déambulait dans la rue me jetait en pleine
figure la réalité des statistiques sur la croissance économique de la République
d’Irlande. Cette croissance étonnante s’est maintenue annuellement autour de 9
pour cent entre 1994 et 2000. Elle a, par la suite, été moins spectaculaire, mais est
restée constante jusqu’en 2007.
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Des changements aussi rapides dans une société depuis longtemps aux prises
avec un marasme économique paralysant ne sont pas sans secouer profondément
le mode de vie des gens. Au début des années 2000, les Irlandais se sont retrouvés
avec un des pouvoirs d’achat per capita les plus élevés de l’Union européenne,
alors qu’au milieu des années 1980, le pays était, avec le Portugal, le plus pauvre
de l’Union. La conjoncture favorable de plusieurs facteurs a fait en sorte que
l’Irlande a bénéficié d’une fulgurante prospérité que personne ne pouvait prévoir.
L’une des spécificités du Celtic Tiger, c’est la rapidité avec laquelle les choses ont
changé et le contraste entre les modes de vie d’avant et d’après.
De nombreux facteurs ont contribué à la forte croissance économique: les
ajustements fiscaux favorables aux nouvelles entreprises, les investissements
étrangers et le support financier de l’Union européenne, pour ne citer que
les plus évidents. Par ailleurs, les améliorations du système d’éducation datant des
années 1960 ont donné leur pleine mesure au cours des années 1990, alors que se
déployait un autre changement—peut-être, au fond, le plus important de tous—,
le baby-boom, ou plutôt l’arrivée à l’âge adulte des jeunes issus de ce baby-boom.
L’Irlande a, en effet, connu l’apogée de sa croissance démographique au 20ème
siècle vers 1978–1980, soit plus tard que dans les autres pays occidentaux (Tovey
et Share, 2003: 141). Tout comme le baby-boom d’après-guerre a considérablement
contribué à transformer la culture occidentale, un semblable vent de jeunesse a
soufflé sur l’Irlande des années 1990 et 2000. Toute cette conjoncture économique
et sociale, en plus des accords de paix en Irlande du Nord, de la mondialisation
et de l’inversion de la tendance de l’émigration vers l’immigration grâce au plein
emploi, a provoqué des changements dans la société irlandaise bien au-delà des
dimensions strictement économiques. Ainsi, en comparaison avec les autres
pays d’Europe de l’Ouest, le déclin de la pratique religieuse a été plutôt tardif en
Irlande, mais il a été radical à partir des premières années du boom économique.
Le taux de fréquentation de la messe du dimanche est alors passé d’environ 80
pour cent au début des années 1990 à 48 pour cent en 2006 (RTE Survey, 2006).
Les quelques mois que j’ai passés en Irlande en 2005 m’ont coûté une fortune.
Tout revenait presque au double par rapport au Québec: les prix avaient explosé
et j’ai été ahurie par les sommes considérables que dépensaient tout bonnement
les gens que je côtoyais. Avocats, étudiants ou instituteurs, peu importe le revenu
ou le statut, il ne semblait pas y avoir de fin aux dépenses qu’ils pouvaient se
permettre. À Galway, la ville de la côte ouest irlandaise où j’ai réalisé mon terrain,
les rues commerçantes grouillaient de monde. Les gens allaient et venaient dans
les boutiques, les mains pleines de sacs. Les pubs et les restaurants étaient toujours
combles. Dans la famille où j’habitais, les enfants ne semblaient pas connaître
de limites quant aux jouets qu’ils pouvaient posséder, aux sorties au cinéma
qu’ils se permettaient ou aux sucreries qu’ils mangeaient. Le contraste avec mon
séjour précédent était flagrant. Un mot était maintenant sur toutes les lèvres: the
market. Alors que ce terme était, auparavant, quasiment inexistant dans le langage
courant, le marché semblait constituer maintenant le concept-clé. À la radio,
dans les journaux, dans les conversations, on le retrouvait comme explication
et motivation à tout. Si le marché représentait le “concept”, la consommation
en était, elle, l’actualisation. Comme le verbe qui se fait chair, la consommation
s’incarnait dans l’ouverture de tous les possibles dans cette vie-ci, et non dans
l’autre—cette dernière devenant, par ailleurs, de plus en plus hypothétique.
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90%
Taux mensuel d‘assistance à la messe
85%
$35,000
$30,000
80%
$25,000
75%
70%
PIB (UE15)
$20,000
65%
60%
PIB (Ir)
$10,000
19
80
19
82
19
84
19
86
19
88
19
90
19
92
19
94
19
96
19
98
20
00
20
02
20
04
55%
$15,000
FIGURE 1
Développement du PIB et assistance à la messe en Irlande
Sources: assistance à la messe: ISSP (1988–2005); PIB par capita: OCDE 2009 (graphique réalisé par
Jochen Hirschle)
Dans son livre sur la jeune génération du Celtic Tiger, l’économiste David
McWilliams abonde en ce sens quand il décrit le nouveau leitmotiv des Irlandais
qui veulent:
[...] live the New Irish Dream, which centers on the art of the possible. It is the dream of
motivation. It believes that any Irish person can be or have whatever he or she wants. All
you have to do is believe in yourself. [...] The Old Irish Dream—which was mother’s milk
to their parents and previous generations—was of Catholicism, nationalism, community,
chastity, the Brits, the six counties, the Irish language, the famine, the underdog, getting a
good job in the bank and the glamour of Grace Kelly. Things were offered up, sacrificed in
this life for fulfillment in the next. This has been replaced by the New Irish Dream [...] It
is an ‘Expectocracy’—an economic, social and political system where people’s dreams and
expectations dominate everything. The objective of the Expectocracy is immediate personal
gratification. (McWilliams, 2006: 56–7).
Le facteur générationnel a joué un rôle important dans ce basculement qui a
contribué à la chute de la pratique religieuse en Irlande: la force du nombre, mais
aussi une conscience aiguë d’elle-même a posé la génération du tigre celtique
comme celle du renouveau (McWilliams, 2006), tout comme ce fut le cas pour la
génération du baby-boom au Québec (Ricard, 1992). Lors de son passage à l’âge
adulte, qui correspond au boom économique, cette génération a posé les nouvelles
conditions de son existence en même temps qu’elle les a incarnées.
Cette rupture d’avec la tradition, provoquée par le boom économique, n’aurait
pu survenir aussi rapidement sans une sorte d’allègement ressenti par les jeunes
face à la nécessité de suivre la tradition religieuse. Ainsi, la nouvelle culture de
Matte: Déclin des pratiques religieuses en Irlande 307
la consommation propose un système de sens dynamique, vivifiant et utopique
pouvant remplacer l’ancien, comme si les Irlandais témoignaient d’une sortie
directe vers la consommation (O’Toole, 2009) et pointaient vers une des logiques
constitutives du processus de la modernité avancée en Occident: l’enchantement
irrésistible de la société de marché et son salut situé dans l’ici et maintenant.
Dans ce nouveau contexte baigné d’espoirs, d’attentes et de besoins toujours
renouvelés proposés par la société du marché, il apparaît évident que les activités
routinières qui consistent à maintenir des liens sociaux préétablis perdent en
importance. Aussi, une panoplie de raisons très convaincantes pour ne plus assister
à la messe est soudainement évoquée dans le discours populaire (les valeurs
dépassées de l’Église, le rôle de l’inquisition à travers l’histoire, la discrimination
des sexes, etc.). Dans le cas de l’Irlande, les scandales sexuels ont été l’une de ces
raisons qui ont poussé collectivement les Irlandais, toutes générations confondues,
vers la sortie (Matte, 2010). Le rôle de ces scandales, mettant en cause non
seulement des prêtres et des évêques, mais bien toute l’Église catholique d’Irlande
comme institution, est indéniable dans la désaffection du peuple face à sa religion
traditionnelle et quasiment étatique. Mais l’on peut se demander pourquoi ces
histoires sordides, qui avaient cours depuis des décennies, ont été mises à jour
précisément au moment où basculait la réalité socio-économique des Irlandais.
Peut-être est-il devenu simplement possible, à ce moment même, de critiquer un
système religieux englobant, fort bien établi depuis le 19ème siècle, qui dominait
les systèmes d’éducation, de santé et même les hautes sphères décisionnelles de
la politique de la République ?
3. Conclusion. Troisième terrain: été 2009
Quand je suis retournée à Galway en été 2009, j’ai vécu dans l’un de ces nouveaux
complexes résidentiels qui ont poussé un peu partout comme des champignons
depuis le Celtic Tiger. Je n’y ai rencontré personne, seulement croisé quelques
joggeurs et des marcheuses rapides, écouteurs aux oreilles. Le magasin le plus
proche se trouvait à 30 minutes à pied et un bus rouge passait de temps à autre
pour emmener au centre-ville les misérables qui n’avaient pas de voitures. Le jour
de mon arrivée, j’ai été longue à trouver la maison: ma copine, qui était absente,
m’avait laissé une clef avec un numéro de porte, mais la disposition anarchique
des numéros dans beaucoup de ces nouveaux complexes—indice de l’état d’esprit
frénétique dans lequel ils ont été construits—a freiné la recherche. Aussi, j’ai frappé
à quelques portes pour demander de l’aide afin de trouver mon chez-moi temporaire,
sans succès. Je n’aurais jamais imaginé que je pourrais un jour, en Irlande, chercher
une personne que ses voisins immédiats ne connaissaient pas. J’étais dans un no
man’s land résidentiel, très, très loin des petites maisons semi-détachées de Coolock,
alignées comme les pierres d’un chapelet autour du grand carré de pelouse ...
On ne parle presque plus du marché maintenant en Irlande, comme si l’allié
des temps prospères avait disparu en ces temps de récession. Beaucoup d’Irlandais
se sentent floués par cette idée qui les a poussés à s’endetter bien au-delà de
ce qu’ils étaient réellement capables de rembourser. L’exaltation immobilière a
fait place au marasme et laisse un goût amer, avec toutes ces maisons neuves et
vides ... Après le plein emploi des années du Celtic Tiger, le taux de chômage
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est maintenant autour de 17 pour cent, presque au niveau des années d’avant le
boom. Après avoir tout expliqué sur la bonne marche du monde, la foi dans le
marché s’est évaporée et tout indique que la prochaine fois que je prendrai un
avion ou un bateau pour l’Irlande, je risque d’y rencontrer plus de travailleurs
de la construction de retour des chantiers allemands que de jeunes vacanciers
débarquant d’un séjour de plaisance en Espagne ...
RÉFÉRENCES
Hirschle, J. (2009) “Ireland’s economic miracle and its religious decline. A consumptionoriented interpretation of the association between GDP growth and the decline in church
attendance”, communication présentée au 30ème congrès de la SISR à St-Jacques-deCompostelle, 27–31 juillet.
Matte, I. (2010) “La crise des scandales sexuels du clergé en Irlande a-t-il fait fondre le
plomb de la chape?”, Bulletin d’Histoire Politique 18(3): 85–100.
McWillams, D. (2006) The Pope’s Children. Ireland’s New Elite. Dublin: Gill and
Macmillan.
O’Toole, F. (2009) Ship of Fools. How Stupidity and Corruption Sank the Celtic Tiger.
Londres: Faber and Faber.
OCDE (1999) OECD economic surveys. Ireland. Paris: OCDE.
OCDE (2009) Economic outlook 86. Paris: OCDE.
Ricard, F. (1992) La génération lyrique. Essai sur la vie et l’œuvre des premiers-nés du
baby-boom. Montréal: Boréal.
RTE (2006) “Irish Mass attendance below 50%”, Catholic World News on RTE Survey
[disponible à l’adresse: http://www.cwnews.com/news/viewstory.cfm?recnum=44521,
consulté le 22 janvier 2010].
Tovey, H. et Share, P. (2003) A Sociology of Ireland. Dublin: Gill and Macmillan.
Isabelle MATTE est candidate au doctorat en anthropologie à l’Université
Laval, où elle enseigne l’anthropologie du Québec. Elle s’intéresse à la
Modernité en contextes catholiques majoritaires et propose, dans cette veine,
une comparaison du Québec et de l’Irlande. Ses contributions récentes
sont “Malaise existentiel et discours apocalyptique dans la jeune chanson
québécoise” (2010, in R. Mager et S. Cantin (dirs) Modernité et Religion au
Québec, P.U.L.) et “La crise des scandales sexuels du clergé en Irlande a-t-elle
fait fondre le plomb de la chape?” (2010, Bulletin d’Histoire Politique, 18:3).
ADRESSE: Université Laval, Département d’anthropologie, Bureau 3431,
Pavillon Charles-De Koninck, Cité Universitaire, Québec, Canada, G1K 7P4,
Canada. [email: [email protected]]