Ambivalence du travail - sociologie du travail et de l `emploi
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Ambivalence du travail - sociologie du travail et de l `emploi
SOCIOLOGIE DU TRAVAIL ET DE L ’EMPLOI Guy Minguet Copyright.Guy.Minguet.EMNantes 1 PRESENTATION Objet du cours: La transformation de la structure de l’emploi et de la nature des activités socioprofessionnelles 2 Objectifs d ’apprentissage de la session Comprendre : en quoi la nature du travail et de l ’emploi s’est modifiée avec le temps, selon quels mécanismes, selon quels invariants Explorer: les effets de ces facteurs technologiques, économiques et politiques sur le travail humain, les relations d ’emploi 3 Intensification du travail, vécu subjectif: définition, formes, effets 4 …Intensité, subjectivité au travail? R R Face au travail plus intéressant et plus intense, les acteurs font contre et avec Face à la pression, les attitudes sont rien moins qu ’évidentes: R R R L ’angoisse est productrice car liée à une source d ’excitation - échéance, résultat, mais répétée elle est contre -productive La souffrance apparaît quand le bonheur est absent et la pression forte (intensité = rendement, et quasi intensité: qualité, exposition au client, flexibilité) Ne pas trop s ’impliquer, savoir se protéger 5 …3 types de rapports subjectifs au travail R 1. Il y a d'abord les gens qui sont relativement heureux d’être stressés R R 2. Il y a ensuite ceux qui sont malheureux et dont les malaises ne se sont pas reconnus R R R plainte de reconnaissance 3. Mais il y a une troisième catégorie de gens qui se retirent et se mettent à distance vis-à-vis de leur travail 4. Et il y a ceux qui se rebiffent et qui résistent, se lient, se mobilisent, se manifestent R R angoisse motrice conduite de retrait, « ils se blindent » Question: jusqu ’où est il possible de ne rien dire, de ne rien ressentir, de tout accepter ? 6 …Intensité, subjectivité au travail? R R R R R L ’intensité est envahissante : d ’où une porosité entre le privé et le professionnel Elle accroît significativement le caractère individualisé et isolé de la relation au travail Montée du sentiment d ’iniquité, de ne pas être écouté et reconnu Déséquilibre contribution/rétribution d ’où retrait, désaffiliation, Sentiment d ’un avenir compromis, d ’un vieillissement précoce, d ’une usure dans l ’implication 7 …Intensité, subjectivité au travail? R R R L'intensification du travail interdit ainsi le retrait. Cela implique une espèce de polarisation de la subjectivité Cela implique que l'esprit est envahi par les pensées du travail et ne peut pas y échapper. Cela entraîne une fragilisation extrême. Certains craquent. Beaucoup souffrent. Il y a en outre une espèce d'illusion générale Les individus sont convaincus qu'ils craquent « à la longue ». Ils s'investissent d'abord, puis il « finissent par craquer » 8 …Intensité tolérée, non acceptée R On peut tolérer sans accepter: pourquoi ? R De par l ’ambivalence: plaisir et souffrance associés, stress excitant et angoisse de ne pas être à la hauteur R Crainte du chômage, de l ’aléa, de perte d ’autonomie financière R Méthodes « douces «, indolores de management R Légitimation des sources de contraintes : client, public, patient, qualité, R R Variations inter-individuelles dans le fait d ’endurer les contraintes et les conditions de travail Dissociation grandissante entre l ’intensification du réel du travail éprouvé par les personnes et l ’intensification du travail réalisé décidé, organisé par les directions d ’entreprises et d ’institutions 9 …Désorganisation et accélération R Dissémination des rationalités, multiplication et force des sources de prescription (de Coninck, 2005) comme origine de cette dilution du sens de l ’action R Rétrécissement de l’horizon temporel, rythme resserré R Désarroi, lassitude, absence de lisibilité R Repli sur le métier et le travail « le mieux fait possible » R R Expression d’un désordre chronique des organisations innovantes: ordres contradictoires, multiplications des obligations, auto contrôle des produits, des procédures, Obnubilation par les ratios financiers, plutôt que par les ratios réels ou les pratiques de travail efficaces 10 … L’intensification rend malade R R R De multiples enquêtes, en particulier par les comités « hygiène et sécurité », qui mettent en évidence cette multiplication des maladies professionnelles dues à l'intensification du travail. Pour près d'un tiers des travailleurs « ça va trop vite ». Ces travailleurs font le lien avec différents troubles, troubles de la fatigue, troubles de la nervosité. On voit en particulier que se multiplient des douleurs cervicales. Les gens font le lien entre le stress et les réactions de l'organisme au stress. Vouloir aller le plus rapidement possible ne correspond pas souvent aux gestes optimaux, notamment chez les femmes. 11 … L’intensification rend malade R R Il y a des problèmes de posture physique. Par exemple des enquêtes dans les hôpitaux montrent que les infirmières, pour aller plus vite, évitent d'avoir des échanges verbaux avec les malades. Ce faisant elles rendent moins efficaces les soins qu'elles prodiguent par ailleurs en limitant à l'aspect purement somatiques le rapport au malade. Le travail devient imprévisible. Ainsi les transporteurs routiers ne connaissent leur destination qu'au dernier moment. Ils ne peuvent plus planifier leur vie quotidienne. Il faut réorganiser le changement du camion. Il faut manipuler de lourdes charges dans l'urgence et le désordre. 12 …Paradoxes R R R L'exacerbation de l'individualisme détériore l'efficacité due à la coopération via l'entraide. Il existe des paradoxes statistiques. Malgré l'amélioration des conditions de travail les progrès de productivité sont détruits par l'intensification du travail Il est faux de considérer que le travail devient plus immatériel. C’est le cumul de contraintes – industrielles, bureaucratiques, marchandes, qui produit la fatigue, l’usure, le malaise. 13 L ’ambivalence du travail s ’accentue 14 …Le rapport au travail R Définition: « se sentir bien dans son travail » R Le travail = avoir un emploi pour les plus démunis R R « qu ’est ce qui pour vous est le plus important pour être heureux ? ». R: le travail pour 27 % - dont 2/3 des jeunes ouvriers, des chômeurs et des précaires. Le travail = être soi, pour les plus intégrés » Les évolutions de l ’emploi et du travail interagissent Christian Baudelot et Michel Gollac,Travailler pour être heureux ?, 2003 15 …La satisfaction au travail R Définition: « se sentir bien dans son travail » R R Constats: R Les motifs de satisfaction l ’emportent : 50 % des salariés R Les motifs s’équilibrent (Satisfaction/Insatisfaction): 44 % R Les motifs d ’insatisfaction l ’emportent: 6 % Cause: sentiment de gagner de l ’autonomie, mais en contrepartie de plus contraintes (pénibilités, risque) Sources: Fondation Européenne pour l ’amélioration des conditions de travail, 2000 16 Et Christian Baudelot et Michel Gollac,Travailler pour être heureux ?, 2003 …L ’inégale répartition du bonheur et du malheur au travail R Proposition: le bonheur dépends simultanément des conditions de travail et des conditions d ’emploi R 1° axe: les cadres autonomes et les ouvriers non qualifiés pour 70 % des cadres la satisfaction l ’emporte, contre 30 % des ouvriers non qualifiés R 2 ° axe: les fonctionnaires et les salariés précaires Sources: Fondation Européenne pour l ’amélioration des conditions de travail, 2000 17 Et Christian Baudelot et Michel Gollac,Travailler pour être heureux ?, 2003 Bonheur d’avoir un emploi ou bonheur de faire son travail R Proposition: R R Ceux qui occupent les professions les plus valorisées socialement, les mieux rémunérées et les plus stables parlent du plaisir qu’ils ont à faire leur métier, à être au travail, de l’équilibre personnel qu’ils y trouvent. Le travail est alors une composante du bonheur. Ceux qui occupent les professions les moins valorisées, les moins rémunérées, ceux qui sont dans les situations les plus précaires et les chômeurs parlent du bonheur d’avoir un travail, ou un boulot, et finalement souvent d’avoir de quoi vivre. Le travail est ici la condition du bonheur au sens où il permet d’accéder à un statut économique et social Sources: Fondation Européenne pour l ’amélioration des conditions de travail, 2000 18 Et Christian Baudelot et Michel Gollac,Travailler pour être heureux ?, 2003 Les sources de plaisir au travail R Réponses: R R R R 1 - le contact avec autrui (réponse la plus fréquente dans la plupart des PCS) 2 - le fait d’aider autrui 3 - la possibilité de créer, transformer, de maîtriser une technique 4 - l’opportunité de voyager, de découvrir. Sources: Fondation Européenne pour l ’amélioration des conditions de travail, 2000 19 Et Christian Baudelot et Michel Gollac,Travailler pour être heureux ?, 2003 La fragilisation professionnelle R Un sentiment de fragilisation professionnelle. R R Celui-ci est particulièrement sensible en début de carrière quand les jeunes actifs peuvent éprouver un décalage plus ou moins fort entre leur niveau de diplôme et le niveau des responsabilités qui leur sont confiées. C'est notamment ce désenchantement à l'entrée sur le marché du travail qui explique le fort sentiment de déclassement chez les 25-34 ans (49 %) alors même qu'on les interroge sur la perception qu'ils ont d'eux-mêmes sur la longue durée. Cette fragilisation professionnelle s'exprime aussi en cours de carrière et est volontiers ressentie par les personnes qui travaillent dans de grandes entreprises cotées en Bourse et dirigées par leurs actionnaires. Le sentiment de déclassement est élevé chez les cadres de ces entreprises, qui s'estiment dépossédés d'une partie de leur carrière, de leur destin, à la merci de décisions financières aussi lointaines que brutales. Sources: Fondation Européenne pour l ’amélioration des conditions de travail, 2000 20 Et Christian Baudelot et Michel Gollac,Travailler pour être heureux ?, 2003 R Les trajectoires sociales: projets accomplis ou contrariés R Le bonheur au travail est étroitement lié aux attentes initiales des acteurs. R R Selon l’activité de leurs parents, les études qu’ils ont suivies, le métier qu’ils envisageaient de faire avant leur entrée dans la vie active, les individus ne vont pas s’épanouir de la même manière au travail. Les uns auront le sentiment d’une réussite et d’un accomplissement personnels, tandis que les autres connaîtront frustrations et sentiment de déclassement Sources: Fondation Européenne pour l ’amélioration des conditions de travail, 2000 21 Et Christian Baudelot et Michel Gollac,Travailler pour être heureux ?, 2003 Les parents et enfants : un bonheur partagé ? R Les raisons pour lesquelles on peut souhaiter que ses enfants fassent, ou non, le même métier que soi sont extrêmement variées: R Ceux qui ne s’estiment pas heureux au travail peuvent cependant fort bien souhaiter la même profession à leurs enfants (pour la valorisation du travail accompli par les parents chez les indépendants, parce que même un travail des plus pénibles ou dégradant est préférable au chômage chez certains ouvriers et employés). Sources: Fondation Européenne pour l ’amélioration des conditions de travail, 2000 22 Et Christian Baudelot et Michel Gollac,Travailler pour être heureux ?, 2003 Les parents et enfants : un bonheur partagé ? R Les raisons pour lesquelles on peut souhaiter que ses enfants fassent, ou non, le même métier que soi sont extrêmement variées: R Inversement, ceux qui trouvent du bonheur au travail ne souhaitent pas forcément que leurs enfants fassent le même métier (notamment au nom de la liberté de choix des enfants chez les enseignants et professions libérales, ou parce que les parents sont en attente d’une trajectoire sociale intergénérationnelle ascendante). Sources: Fondation Européenne pour l ’amélioration des conditions de travail, 2000 23 Et Christian Baudelot et Michel Gollac,Travailler pour être heureux ?, 2003 Travail et genre: un bonheur partagé ? R L’insatisfaction féminine quant aux horaires R R R Globalement, les niveaux de satisfaction et d’insatisfaction face au travail sont similaires chez les hommes et les femmes. Mais dans le détail, les motifs de satisfaction divergent. Ainsi, à horaires similaires, les femmes se disent en moyenne plus mécontentes que les hommes de leur emploi du temps. Plus exigeantes que leurs collègues masculins, elles souffrent davantage qu’eux des contraintes que le travail fait peser sur leur vie familiale notamment. Sources: Fondation Européenne pour l ’amélioration des conditions de travail, 2000 24 Et Christian Baudelot et Michel Gollac,Travailler pour être heureux ?, 2003 Travail et genre: un bonheur partagé ? R L’insatisfaction masculine quant aux revenus R R On le sait pourtant, ils gagnent en moyenne bien mieux leur vie que les femmes, y compris à niveau de diplôme égal et profession égale. Mais ici les femmes semblent moins exigeantes : le revenu n’est pas une source de satisfaction essentielle pour elles qui valorisent plutôt l’équilibre personnel, les relations, la reconnaissance sociale. De plus elles semblent avoir parfaitement intériorisé l’idée que leur salaire ne serait qu’un salaire d’appoint et que l’entretien du foyer revient avant tout à l’homme. Enfin, elles estiment beaucoup moins souvent que leurs collègues masculins être « indispensables » ou « irremplaçables » dans leur travail. D’où des exigences moins élevées en matière salariale… Sources: Fondation Européenne pour l ’amélioration des conditions de travail, 2000 25 Et Christian Baudelot et Michel Gollac,Travailler pour être heureux ?, 2003 L’intériorisation de la division sexuée du travail ? % de salariés concernés (1998) Ensemble des Ouvriers Ouvriers non ouvriers qualifiés qualifiés Hommes Femmes Hommes Femmes Hommes Femmes Une erreur n’entraînerait pas de 35 53 30 42 46 60 48 52 51 40 43 56 19 18 19 26 17 16 12 16 13 22 9 15 86 92 83 88 92 94 coûts financiers importants* Se juge « très bien », «bien » ou « normalement » payé par rapport au travail fourni** Juge que ses horaires ne sont pas commodes** Déclare connaître des tensions avec ses proches parce qu’il (elle) se consacre trop à son travail Pas de tension avec les supérieurs hiérarchiques* * Source : enquête conditions de travail 1998 ** Source : enquête travail et modes de vie 1997 26 Le problème ? R Une tension se dessine de manière de plus en plus nette dans notre société : R R d’un côté le travail semble essentiel au bonheur, de l’autre de plus en plus de personnes entretiennent un rapport malheureux au travail, surtout en raison de la dégradation des conditions de travail Cette tension semble bien difficile à résoudre dans une société où s’affirme plus que jamais la centralité du travail comme modalité d’intégration, de reconnaissance sociale, de définition des identités individuelles et collectives. Sources: Fondation Européenne pour l ’amélioration des conditions de travail, 2000 27 Et Christian Baudelot et Michel Gollac,Travailler pour être heureux ?, 2003 …L ’ambivalence du travail R Du paradoxe injonction/engagement dans le travail (Baudelot & Gollac, 2003) et de l’implication contrainte (Durand, 2004) R En contrepartie de l’autonomie accordée R R R les individus sont sommés de beaucoup plus s’investir sous les effets conjugués de l’intensification, de la flexibilité, de l’incertitude sur l’allure des cycles économiques, de l’individualisation du rapport à l’emploi, des marchés du travail a-typiques, et de nombreux autres facteurs la nature des relations entretenues par les personnes avec leur travail est bien contradictoire 28 Au faisceau des contraintes de production... R R Les acteurs y répondent par la construction d’espaces d’autonomie extrêmement variés, y compris sous des formes paradoxales : R la lassitude comme l’implication, R l’amour du travail bien fait comme le désengagement, R l’enrichissement des contacts comme la défiance Les réformes structurelles profondes des entreprises, l’implication des salariés et leur intériorisation des contraintes, lorsqu’elles se combinent, sont révélatrices des situations ambiguës et des rapports contradictoires entretenus par les individus envers leur expérience et leur organisation. 29 …Le malaise du travail (verbatim) R «Le malaise existe dans toutes les catégories sociales. Ouvriers, employés et cadres disent: «Je suis dépassé»; «Mon travail est une jungle, une impasse». Une souffrance individuelle, difficile à recueillir, mais d’autant plus présente qu’elle ne rencontre plus d’encadrement social et collectif. Personne n’est à l’abri, le risque lié à la fragilité de l’emploi est présent partout. On peut passer en peu de temps de la satisfaction à la souffrance, au gré d’un changement de patron, d’une restructuration, ou parce que le travail est trop exigeant et qu’on craque. Plus on a un emploi en prise directe avec le marché, plus on subit une pression, et plus vite on peut passer du bonheur au malheur. « Source: Christian Baudelot et Michel Gollac dans «Travailler pour être heureux ? », 2003 30 …La valeur intacte du travail (verbatim) R « Il y a cependant une grande permanence des hiérarchies sociales: ce sont ceux qui ont de bons revenus, des ressources intellectuelles, des responsabilités et une bonne intégration qui se disent le plus heureux. On est donc bien loin du déclin de la valeur travail. Quand le risque de chômage est élevé, le travail est perçu comme un minimum nécessaire, sans lequel on ne peut être heureux. Ce n’est pas la valeur morale du travail qui croît, c’est son caractère incontournable. Impossible aujourd’hui de se faire une place dans la société sans travailler.« Source: Christian Baudelot et Michel Gollac dans «Travailler pour être heureux ? », 2003 31 …plus autonome mais plus investi (verbatim) R « Autrefois on avait, schématiquement, des gens à fort investissement en haut de l'échelle sociale, et en bas ceux qui faisaient juste ce qu'il faut. C'est le concept de retrait: «Je reçois peu de mon travail, mais je donne peu.» Ce positionnement était souvent collectif: les ouvriers freinaient la cadence, s'épaulaient, résistaient ensemble à la pression. Cette attitude est rendue de plus en plus difficile avec les nouvelles formes d'organisation du travail. Aujourd'hui les gens sont plus autonomes. Mais en contrepartie ils doivent s'investir beaucoup plus. Ils sont contrôlés, jugés, payés en fonction de leur production personnelle. Les caissières de supermarché sont par exemple soumises à des logiciels «mouchards», qui enregistrent toutes les opérations et permettent de connaître avec précision le rendement de chacune. La pression ne fait qu'augmenter. « Christian Baudelot et Michel Gollac dans «Travailler pour être heureux ? », 200332 …Qu ’espère t ’on de son travail ? (verbatim) R « D'abord le plaisir de faire. Fabriquer, créer. L'amour du travail bien fait. Y compris dans l'immatériel: nous avons rencontré un ancien soudeur reconverti dans la gestion. Il explique qu'il prend autant de plaisir à boucler un budget qu'autrefois à réaliser une belle soudure! Ensuite, les personnes interrogées valorisent énormément le contact avec autrui: s'enrichir par l'échange avec d'autres personnes, aider, secourir, mais aussi voyager, le cas échéant. Ce que regrettent le plus les chômeurs, ce sont souvent les collègues. Faire, échanger, voyager, s'enrichir personnellement: il y a peu d'activités humaines qui autant que le travail permettent tout cela en même temps. « Christian Baudelot et Michel Gollac dans «Travailler pour être heureux ? », 200333 …Souffrir dans son travail ? (verbatim) R « Comme hier, les souffrances et les frustrations du travail sont le produit de phénomènes collectifs: intensification, flexibilité, précarité. Mais la souffrance au travail s'éprouve davantage aujourd'hui sous des formes singulières, psychologiques: conflit avec les chefs, avec les collègues, sentiment de ne pas être à la hauteur. Les conditions de travail restent dures pour beaucoup de gens et la pression ne fait qu'amplifier cette dureté. La pression, c'est l'incertitude par rapport à l'emploi: est-ce que je vais le perdre, est-ce que je vais être promu, mon poste est-il garanti, ma boîte est-elle à l'abri d'une restructuration, suis-je vraiment reconnu pour ce que je fais? La pression, ce sont aussi des contraintes de temps: des horaires très lourds et de plus en plus fluctuants, une intensité du travail qui en limite l'autonomie théorique.« Christian Baudelot et Michel Gollac dans «Travailler pour être heureux ? », 200334 …avec des réponses différenciées (verbatim) R « Ces contraintes sont globales, comme un cadre qui s'applique à tous. Mais tout le monde ne réagit pas de la même manière: certains vont très bien s'y adapter, alors que d'autres vont en souffrir ou aller jusqu'à s'auto-exploiter. On ne peut pas parler de dégradation générale, mais les risques sont plus élevés. D'autant que le sentiment d'appartenir à un collectif uni par une communauté de destin se délite. » Christian Baudelot et Michel Gollac dans «Travailler pour être heureux ? », 200335