La difficile sportivisation de la lutte

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La difficile sportivisation de la lutte
Sport History Review, 2013, 44, 144-164
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SCHOLARLY ARTICLE
La difficile sportivisation de la lutte:
l’histoire d’une force à maîtriser (1852-1913)
Frédéric Loyer1 and Jean François Loudcher2
1UFR
STAPS, Caen; 2UFR STAPS, La Bouloie
Bien que la fédération française de lutte soit créée assez tardivement (1913), la
discipline est loin d’être nouvelle. Depuis l’Antiquité jusqu’à l’Âge Classique, les
sources attestent d’une pratique « libre » permettant d’intervenir sur tout le corps.1
Néanmoins, la forme « gréco-romaine », limitant les attaques au haut du corps,
reçoit ses premières règles au milieu du XIXème siècle. D’origine française, c’est,
semble-t-il, Jean Exbroyat, ancien grognard de l’Empire,2 qui interdit les prises en
dessous de la ceinture et les torsions douloureuses. La victoire par « tombé » est
obtenue en faisant toucher simultanément les deux épaules de l’adversaire à terre.
La lutte est alors appelée à « mains plates » par opposition à la boxe qui se pratique
les mains fermées, puis prend injustement le nom de « gréco-romaine ».3 La lutte
sportive résulte donc de l’interaction de ces deux formes de pratique aux héritages
multiples et variés.4 Mais, comment expliquer que, à partir du moment où ces deux
activités se « sportivisent », le public et les pratiquants s’en désintéressent ? Est-ce
parce que la richesse de leur représentation et de leur pratique s’appauvrit au cours
de la période (1852-1913) ?
En effet, au XIXème siècle, la lutte est liée aux nombreux spectacles de danseurs
de cordes, de magie, de femmes-hercules ou de cracheurs de feu se produisant dans
les baraques foraines ou de music-hall. Mais elle fait aussi partie des exercices
hygiéniques des bourgeois ou des activités de self-défense destinés à s’entraîner et
à se renforcer. Plus encore, elle prend part aux sports naissants5 avec l’organisation
d’un championnat amateur, au début du XXème siècle, qui s’érige en réaction aux
rencontres commerciales réalisées un peu plus tôt et destinées à valoriser les
« hommes-forts ».
Bref, l’histoire de la lutte est celle de la force. Mais elle est aussi et surtout celle
de sa maîtrise qu’elle soit technique ou institutionnelle à travers un processus qui
consiste à circonscrire son expression de manière policière, judicaire et politique.
Toutefois, la force exerce une fascination qui, profondément ancrée dans l’individu
et la société, la conduit à s’échapper à ce contrôle et à prendre des formes diverses.
Son histoire répond ainsi aux fonctions de « controlled » et « decontrolled »6 du
sport. Dès lors, la lutte sportive n’est-elle pas l’expression d’une forme de force qui
serait minoritaire dans le contexte de la Belle Epoque parce qu’elle ne répond pas
aux attributs qui faisaient le succès des pratiques anciennes ? Mais quelle est cette
force et comment évolue-t-elle pour être, au final, légitimée dans cette pratique ?
Frédéric Loyer is with the UFR STAPS—Campus 2, Caen, France. Jean François Loudcher is with
UFR STAPS—La Bouloie, Besançon, France.
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Pour répondre à ce questionnement, l’étude puisera dans différentes sources
documentaires telles que des livres rares écrits autour de la lutte de la fin du XIXème
et du début XXème siècle, des revues et journaux (La Vie au Grand Air, Le Vélo,
L’Illustration, Les Sports) entre 1880 et 1913,7 des archives iconographiques et
des cartes postales d’époque.
1. Succès et déclin de la lutte à « mains plates »
(1852-1880) : entre force « brutale » et force maîtrisée
1.1 Le spectacle de la force « brutale »
Si la lutte connaît en France une forte expansion au cours du XIXème siècle, elle le
doit, entre autres, à l’émergence de la forme « gréco-romaine ». Elle est portée par
les saltimbanques qui voient l’intérêt d’un débouché commercial8 pouvant les faire
accéder à un statut de semi-professionnels.9 Mais la multiplication des salles de
lutte s’explique aussi par l’intérêt envers les nouvelles méthodes de gymnastique
(Clias, Amoros, Laisné…) valorisant la force. Cette dernière devient une qualité
sociale à développer par l’exercice physique et est donc digne d’être représentée sur la scène. Ainsi, dès 1852, des assauts de lutte et de boxe sont donnés
pendant plusieurs mois aux célèbres arènes de la rue Montesquieu à Paris.
Mathieu de la Loire, Blanchard de Lyon, Quintin de Lyon, Loubet de Nîmes,
Creste de Provence, Quiquine d’Avignon, Rabasson du Midi,10 s’affrontent dans
des tournois qui déclenchent les passions. Toutefois, la lutte « gréco-romaine »,
mettant en exergue une représentation statique de la force, ne contribue-t-elle pas à
donner une image rassurante dans un contexte politico-guerrier trouble où se joue
la construction d’une « identité française » ?11 Faisant vibrer la fibre régionale,
ces spectacles participent autant à la valorisation hygiénique et sanitaire du muscle
qui traverse toute l’Europe, qu’à l’unification d’une France « mosaïque ».12 Sans
doute, le développement d’un état centralisé et organisateur sous la Monarchie
de juillet, puis le Second Empire, contribue à exacerber les résistances locales,13
mais prépare l’avènement de la démocratie républicaine sur des bases hygiéniques,
patriotiques et morales.
Cependant, le Second Empire est une période délicate politiquement. Et si la
force statique peut être vue comme un élément participant à l’unification, elle peut
aussi faire peur. Ainsi, les promoteurs de ces exercices ont l’absolue obligation de
montrer que ces assemblées de gymnastes, de lutteurs et de boxeurs ne sont pas
des repères d’activistes politiques14 pour lesquels cette force serait un moyen de
déstabiliser le régime. A ce stade, la défiance étatique s’accompagne d’un contrôle
étroit des associations et des sociétés dont témoigne l’établissement de rapports de
police15 notifiant minutieusement les atteintes aux bonnes mœurs.
Pourtant, ce contrôle ne semble pas trop perturber les rencontres de lutte. Si
le 8 avril 1853 la salle Montesquieu arrête ces spectacles16, ils sont repris de plus
belle par la salle Valentino dans l’année 185617. Leur succès est aussi dû à leur
organisateur, Rossignol-Rollin, bonimenteur célèbre qui a marqué durablement
l’activité. Ancien avocat au barreau de Lyon, il en a gardé la manie de parler. Les
lutteurs sont affublés de surnoms évocateurs et si la corpulence impressionnante
des uns est mise en avant, le physique ingrat ou au contraire harmonieux des
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autres est souligné : « M. Edouard, le mangeur d’acier ; Gustave d’Avignon, le
briseur de vertèbres ; Emile les esgourdes ; Albert, le rempart de Béziers, Mina,
l’Hercule du midi, Alfred le beau modèle parisien…».18 Toutefois, la célébrité
de Rossignol-Rollin tient aussi à l’imaginaire qu’il développe, en particulier
celui ayant trait au mythe des Jeux antiques. Il harangue le public et assure
que les rencontres qu’il propose se déroulent « sur l’estrade ayant servi aux Jeux
Olympiques antiques et aux luttes gréco-romaines »,19 d’où l’origine possible de
l’appellation de lutte « gréco-romaine » pour qualifier la lutte française à « mains
plates ».
De toute part, les exercices de force envahissent la Capitale en 1858 d’après
Jules Vallès : « Le Carême fait chômer les spectacles, mais nous ne nous plaignons pas trop, jamais il n’y en a eu autant en plein vent sur les boulevards, sur
les places et sur les carrefours. C’est le triomphe des saltimbanques ; il pousse
des hercules, des jongleurs et des albinos entre les pavés. Pendant un mois ou
deux on ne va plus pouvoir faire un pas dans Paris sans entendre les caisses
malades et les trombones donnant l’Ut de poitrine sur les tréteaux de la baraque ;
jamais ces pauvres diables ....n’auront reçu tant de soufflets, d’atouts et de coups
de poing ».20
Toutefois, si l’image de la force « statique » associée à celle des Jeux antiques
et de leurs champions semble satisfaire un certain public, elle entraîne une réaction de la part des Autorités. Ainsi, en 1859, les lutteurs sont en passe de devenir
une crainte sérieuse pour le Préfet de Police de Paris qui écrit : « Messieurs, j’ai
remarqué que, chaque année, dans les fêtes de la banlieue de Paris, des lutteurs
sont admis à établir leurs baraques avec les marchands et les saltimbanques, sur
les emplacements qui sont destinés aux divertissements publics, et admettent les
spectateurs à lutter avec eux. Ce genre de spectacle exerce, en général, un fâcheux
effet sur l’esprit d’une certaine classe du peuple, qui est naturellement portée à ne
reconnaître d’autre autorité que celle de la force brutale ».21 Pourquoi une telle
réaction somme toute si tardive ?
1.2 Le contrôle des corps ; la force maîtrisée
En réalité, c’est le spectacle d’une force en liberté qui pose problème au Préfet. Il
peut dégénérer et troubler l’ordre bourgeois surtout s’il n’est pas circonscrit. A ce
titre, l’enfermement des exercices du corps est, dans une certaine mesure, encouragé
car il permet, par leur contrôle, une surveillance plus étroite des individus.22 Les
nombreuses salles qui voient le jour et dans lesquelles sont données des exercices
gymnastiques ont la permission de procéder à ces représentations dans un cadre
sévèrement limité par le Ministre. Déjà déterminé par tout un arsenal législatif mis
en place dans les années 1849-1850, il évolue vers un contrôle des spectacles plutôt
qu’en direction de leurs interdictions pures et simples. L’arrêté ministériel du 19
mars 1851 renforce ce contrôle. Son article 4 précise que, désormais : « Les autorisations de représentations extraordinaires et à bénéfices devront être demandées
deux jours à l’avance et contenir exactement l’énumération de la composition du
spectacle ».23
La surveillance s’avère être probablement un moyen plus efficace de maîtrise
des exercices que l’interdiction. Alors que M. Guénépin a plusieurs fois demandé
l’ouverture d’un spectacle forain durant l’année 1850, alors refusé sous prétexte de
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concurrence, il se voit, le 5 février 1851, accorder cette autorisation. La formulation
du Préfet est explicite : « A ces motifs j’ajouterais une considération d’un ordre
plus important. Il me semble bien préférable de voir la population retenue dans les
Champs Elysées par des divertissements de tous genres que d’apprendre qu’elle
sort des barrières pendant la soirée, pour se répandre dans les guinguettes et autres
réunions de la banlieue, où les mauvaises doctrines politiques se propagent avec
plus de licence que partout ailleurs ».24
La lettre n’est pas isolée, d’autres l’accompagnent.25 Toutes convergent vers
la volonté gouvernementale de détourner la population des mauvaises fréquentations politiques. Dans ce but, les exercices de gymnastique sont condamnés à se
transformer. La circulaire du 31 mai 1852 offre un cadre juridique national auquel
doivent désormais se soumettre ces représentations : « Ne sont permis que les
exercices d’adresse et de gymnastique où la force ne doit être employée que de
manière à ne pouvoir occasionner ni accident, ni excès de fatigue ni acharnement
en sorte que le public honnête ne soit jamais indisposé et ne reçoive aucune atteinte
pénible dans ses sentiments d’humanité et de convenance ».26
En conséquence, les promoteurs de salles vont devoir s’astreindre à suivre cette
législation en transformant le vocabulaire et/ou les pratiques. Hubert Lecour, qui
est le premier à lancer une salle financée par action, propose qu’elle soit destinée à
l’étude, pratique et théorique, des exercices gymnastiques.27 Des représentations
sont prévues dans un cadre très contrôlé. La boxe et la lutte en font partie mais
leur destiné est fort différente des pratiques saltimbanques. Elles ont pour but
d’éduquer les individus en contrôlant les corps par l’esprit dans un objectif
de conformité sociale et politique : « La mauvaise partie du peuple a fait les
mauvais jours des Révolutions, parce qu’elle a compté sur des bras abrutis et
sur l’énervement des classes supérieures : ces mauvais jours ne reviendront plus,
lorsque les classes éclairées auront confiance dans la répression physique, -dirigée
par l’intelligence ».28 Mais le gymnase ne verra jamais le jour sans que l’on sache
trop pourquoi.
C’est Antoine-Hippolyte Triat qui réussit le plus dans cette nouvelle entreprise
en lançant un gymnase, sur le même principe que celui d’Hubert Lecour, en 1855.
Faut-il s’étonner que la lutte et la boxe ne fassent pas partie de son enseignement
ni de ses spectacles ? Anticipe-t-il sur l’évolution hygiénique qu’une gymnastique
« sérieuse » doive désormais emprunter et que la lutte peut difficilement acquérir ?
1.3 Le déclin de la lutte
Néanmoins, il est probable que la seule défiance politique et policière à l’égard de
ces pratiques n’aurait pas pu permettre leur transformation. Comme elle rencontre
une autre demande sociale à l’égard de ces spectacles de force, un certain déclin
de la lutte est prononcé.
En effet, il apparaît clairement un changement dans l’intérêt accordé par les
bourgeois à ce genre de représentations. Si le journal Le Sport, créé par Eugène
Chapus en 1854, rapportait régulièrement les exercices de force ainsi que les spectacles des saltimbanques, il n’en rend pratiquement plus compte à partir de 185829.
Sont évoqués principalement le turf et les activités mondaines. Un autre discours
s’amorce. D’ailleurs, le journal ne signale plus aucun des Assauts Vigneron, le plus
fameux des « hommes-canons », après 1865. De surcroît, la reprise des tournées
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du saltimbanque en province coïncide étrangement avec ce changement comme
si les représentations de la lutte foraine n’avaient plus de succès, ni dans la rue,
ni dans les salles. En effet, les champions se produisent dans les cirques avec des
poids truqués et les lutteurs forains sont souvent les mêmes hommes et finissent par
lasser le public. Les « hommes-forts » attirent de moins en moins de spectateurs y
compris les plus célèbres d’entre eux. Louis Vigneron, Batta le « gentleman athlète »
qui « enlevait un cheval à bout de bras » ou « l’athlète Bonnes » qui stupéfia les
habitués de l’arène athlétique du père Noël en « enlevant » deux cent cinquante
livres,30 terminent leur carrière dans la misère ou meurent dans l’exécution de leur
numéro….31 Avec le décès de Rossignol-Rollin en 1872, c’est toute une époque
qui se clôt puisque personne ne reprend, au même niveau, son rôle et ses harangues
spectaculaires.
Pourtant, il existe un certain désir de poursuivre ces spectacles de lutte dans les
salles. Mais les modalités diffèrent considérablement de celles en vigueur dans la
pratique saltimbanque. Ainsi, Eugène Paz crée à Paris, en 1865, un « Grand gymnase
» privé dans lequel la lutte fait figure d’exercice préparatoire et d’échauffement. A
ce titre, il organise des affrontements entre professionnels. Le succès ne se fait pas
attendre. Certes, il engage des athlètes de qualité, mais, surtout, le gymnasiarque
contrôle l’organisation des assauts et leur comportement ; il élimine les éléments
d’une lutte de convention pour aboutir à un affrontement réglementé dans un lieu
où spectateurs et acteurs se tiennent à distance, séparés par un jury maître de la
décision. Ainsi, « plus de trois mille personnes assistaient à chaque séance, et
les premiers cercles de Paris s’y trouvaient représentés ».32 L’expérience reste
cependant éphémère. Face à l’engouement du public, Eugène Paz aurait craint
de voir dénaturer le caractère « médical » de son gymnase.33 Quoiqu’il en soit,
l’enfermement des rencontres de lutte semble s’opposer au caractère sérieux que
réclame, désormais, la gymnastique.
Il est vrai que tout un contexte nouveau se met en place dans le champ des
activités physiques. Les exercices sportifs changent considérablement durant cette
période troublée qui voit à la fois les pratiques militaires prendre une ampleur
considérable, en raison de la peur engendrée par la défaite d’une armée de professionnels autrichiens équivalente à celle de la France face à des conscrits, lors
de la guerre avec Sadowa en 1866, l’école devient réceptive à l’introduction des
exercices gymnastiques (lois de Victor Duruy de 1869) et les spectacles de courses
de vélos se répandre. Au début de la IIIème République, la lutte « gréco-romaine »
semble avoir quelques problèmes à se développer. En effet, il est difficile pour la
discipline de souscrire aux contraintes analytiques et artificielles du mouvement que
réclament certaines méthodes militaires. Elle ne peut répondre, de par sa logique
combative, au fonctionnement de la boxe sur les « quatre faces » développée par
l’Ecole militaire de Joinville au début des années 1870.34 Ses soldats l’exercent pour
se distraire en se lançant des défis. L’activité n’est pas proposée pour ses qualités
martiales, mais pour venir rompre, de temps en temps, avec une organisation des
exercices répétitive et peu ludique comme l’atteste de nombreuses cartes postales
d’époque.35 D’une manière générale, la lutte ne figure pas dans les programmes
de gymnastique militaire et scolaire.36
Bientôt, l’influence anglaise va inscrire durablement le football, le rugby et
l’athlétisme (Havre Athlétique Club en 1872) dans le paysage français. Mais la
lutte semble difficilement y trouver une place.
La Difficile Sportivisation de la Lutte 149
2. Le renouveau de la lutte (1885-1905)
2.1 L’avènement d’une lutte plus technique
C’est à la fin du XIXème siècle que la lutte connait de nouveau un succès considérable
dans les baraques foraines, puis sur les scènes des casinos parisiens. Les directeurs
d’arènes ambulantes présentent les troupes et provoquent la foule en promettant 500
francs à l’amateur qui tombera un de leurs lutteurs.37 Des matchs entre professionnels et
amateurs ont lieu et il arrive que ces derniers puissent l’emporter. Il se peut également que
la vedette d’une troupe rivale surgisse de l’assistance, afin de défier pour l’honneur
le champion de la maison, offrant aux spectateurs des combats de grande qualité.
Plusieurs de ces lutteurs sont issus des arrière-salles de café et utilisent leur qualité
physique qui apparaît comme un capital culturel source d’un capital économique.38
Pourtant, la technique utilisée s’éprouve à travers des combats sincères.
En effet, certains des meilleurs lutteurs de la fin du XIXème et du début XXème
siècle, notamment issus de la région bordelaise où la lutte est répandue, ne sont pas
tous déterminés par une vocation professionnelle. Le dimanche, et plusieurs fois par
semaine en soirée, les amateurs s’entraînent dans des petits gymnases athlétiques. La
plupart du temps, les lutteurs se réunissent de manière informelle dans les arrière-salles
de bistrots transformées en « arène athlétique ». La première partie de l’établissement est
ouverte à tous et reste destinée à la consommation. La deuxième pièce forme « l’arène »
et est réservée aux pratiquants d’exercices physiques amateurs. On y trouve le matériel
nécessaire au travail des poids et un carré de sciure de bois couvert d’une toile.39
Dans ces lieux ignorés du grand public se forment des lutteurs célèbres de la fin
XIXème siècle tel Faouët, Félix Bernard ou Pietro Dalmasso… Par pur plaisir de la
confrontation physique, ils se tirent « la bourre ». « Là, on luttait pour la gloire.
Les rencontres, les « parties » s’organisaient sincères. Chacun apportait à vaincre
ce qu’il avait de meilleur de lui-même ».40 Le déroulement de véritables assauts est
à l’origine de sérieuses évolutions techniques dans le développement de la lutte.
Dès lors, la lutte « gréco-romaine » devient moins statique, le geste s’invente
plus que jamais et « appartient » à l’individu. Certaines prises portent le nom du
lutteur qui en est le meilleur spécialiste : ce sont, le « tour de tête » d’Arpin, le « tour
de hanche » à la Paul Pons, le contrôle au sol du « fond du sac » de Dumont, la
« cravate » à la François Le Bordelais … Ces techniques correspondent à un savoirfaire individuel qui se développe à la fin du XIXème siècle. La lutte « gréco-romaine
» montre alors une évolution technique importante à travers la multiplication des
contrôles et des formes de corps employées. L’utilisation de nouveaux espaces
d’intervention et l’exécution de techniques de plus grande amplitude apparaissent
en tournant le dos à l’adversaire : « la ceinture de devant »,« la ceinture à rebours »,
« le tour de tête », « le tour de hanche », « le tour de bras », « le bras roulé », etc.
Léon Ville en 1891,41 puis Paul Pons en 1903,42 font connaître ces techniques qui
sont celles des champions de l’époque et deviennent les « fondamentaux » de
l’activité. Mais, au-delà, la question de la technique permet d’envisager celle, plus
difficile, de l’utilisation éducative de la lutte.
2.2 La lutte, un nouvel intérêt éducatif
C’est dans les années 1880 que l’on retrouve les premiers écrits didactiques sur la
discipline témoignant ainsi d’un nouvel intérêt éducatif. Serpeille, journaliste au
150 Loyer and Loudcher
quotidien le Petit Journal et auteur de la préface de l’ouvrage de Léon Ville, La
Lutte Française arrangée pour exercices d’ensemble,43 reconnaît l’ensemble des
qualités de la discipline : « Cet exercice développe prodigieusement les muscles,
donne élégance et souplesse et, pour le pratiquer, point n’est besoin de délier sa
bourse » écrit-il. Mais il constate que l’activité n’est pas présente dans l’armée, les
écoles ou les sociétés de gymnastique. Le retard de codification et de formalisation
de l’activité explique en partie l’absence de la lutte dans les différents programmes
d’éducation physique.
Léon Ville, ancien officier militaire, après avoir fréquenté les arènes athlétiques
et lutté avec de nombreux « hercules » de profession, tente d’en présenter un
cadre organisé et cohérent.44 Il essaie de codifier clairement la lutte à « mains
plates » en énonçant les premières règles précises qui deviennent les bases de
la « gréco-romaine ».45 Son objectif, au-delà d’une recherche compétitive, est
de pouvoir utiliser la pratique dans une logique éducative de développement
physique de la jeunesse et de régénération de la « race ».46 Chaque technique de
base est démontrée en plusieurs étapes afin d’être ensuite répétée par les élèves,
au commandement, selon une succession de « temps ».47 Mais c’est un échec ! La
lutte s’adapte mal à une démarche analytique et à une pratique collective face à
un instructeur.
L’autre voie éducative est celle de la rencontre sportive. Paschal Grousset à
l’origine de la fondation de la Ligue Nationale d’Education Physique, propose
la pratique de la lutte à travers la création des lendits en 1890.48 Elle aurait donc
pu trouver sa place chez son homologue, la Ligue Girondine du docteur Philippe
Tissié. Ce mouvement répond d’abord favorablement à la proposition de Paschal
Grousset. Toutefois, les exercices de lutte sont facultatifs et ne parviennent pas à
s’implanter dans le Sud-Ouest. En outre, Philippe Tissié évolue de plus en plus
vers une méthode psycho-dynamique inspirée de la gymnastique suédoise et la
sportivisation de la lutte scolaire n’est pas encore au goût du jour.
D’une manière générale, la lutte, toujours associée aux « tours de force »,
n’arrive pas à s’imposer dans les programmes militaires et scolaires. Elle répond,
par ailleurs, difficilement aux méthodes de gymnastiques hygiéniques orientées par
l’exercice raisonné et analytique du geste telle la gymnastique suédoise. Comme
les poids et haltères, la lutte est associée à l’argent, à la tricherie et à la force brutale. Elle apparaît alors comme un spectacle sans noblesse et sans maître. Alors
que la boxe donne rapidement naissance à des professeurs, la lutte engendre des
professionnels de la scène.
2.3 Les championnats professionnels
L’intérêt du grand public pour la lutte, en cette fin de siècle, croise donc le souci
d’une efficacité se voulant être le résultat d’une compétition entre individus.
Mais, au-delà, il s’agit de valoriser la santé de la race et donc de la nation à travers
l’éloge de la force, mais aussi de l’affrontement comme en témoignent les nombreuses rencontres internationales qui se mettent en place (JO en 1896, cyclisme,
football, athlétisme…). Les lutteurs turcs, qui apparaissent en France en 1895,49
s’intègrent dans ces représentations qui ouvrent aux professionnels une nouvelle
ère de prospérité. Le lutteur impresario Joseph Doublier de Lyon, en tournée dans
le Moyen-Ôrient, est sidéré devant l’extraordinaire force de trois lutteurs turcs avec
La Difficile Sportivisation de la Lutte 151
lesquels il signe un contrat en leur apprenant les règlements de la lutte à « mains
plates ».50 Les lutteurs Turcs confrontés aux lutteurs Français arrivent rapidement
à s’adapter aux caractéristiques réglementaires de la lutte « gréco romaine » et à
prouver leur supériorité physique et technique. En Turquie, la lutte traditionnelle
à l’huile fait partie intégrante de la vie des hommes et il n’est pas une fête sans
qu’ils ne s’affrontent. La victoire s’obtient en faisant trois pas avec l’adversaire
dans les bras ou en lui mettant le dos à terre, le ventre face au soleil. Elle exige
une grande rapidité, de l’agilité et de la résistance. Ces qualités feront évoluer une
lutte pratiquée jusque là en France de façon extrêmement statique.
En plus de ces athlètes, l’arrivée de quelques Suisses et du Russe Ladislas
Pytlasinski donne l’idée à Alexandre de Lucenski, directeur du Journal des Sports,
d’organiser un championnat du monde des professionnels en 1898. Certes, le but est
éminemment intéressé. Il n’hésite pas à mettre en place des événements mondains
destinés à placer son journal à la pointe de l’information51 pour supplanter son
concurrent direct, Le Vélo. Néanmoins, le championnat de lutte obtient un succès
complet au Casino de Paris. Le public se précipite et assiste à la victoire du Français
Paul Pons, surnommé le « colosse » : 1m 97 et 118 kg. Alors que les luttes démarrent
à 23h, les spectateurs sont refusés au contrôle dès 21h30 : « Aucune épreuve similaire ni en France, ni à l’étranger, n’eut un succès semblable à cette manifestation
qui fit entrer l’or à flots dans la caisse du Casino de Paris ».52 En 1899, le titre est
remporté par Kara Ahmed, lutteur turc présenté dans les journaux en tenue traditionnelle contribuant aux mythes et aux légendes de « l’homme-fort ».53 Les étrangers
suscitent la curiosité. On vient voir s’exhiber le Russe George Hackenscmidt, le
Danois Ingeman Petersen, le Cosaque Ivan Paddoubny, etc. L’engouement pour ces
premières rencontres est peut-être dû à l’intérêt porté à l’égard de combats sincères
et authentiques qui s’y déroulent. Cependant, les nécessités des représentations
et des recettes transforment rapidement ces manifestations en parodies sportives
orientées uniquement vers le spectacle.
Les lutteurs sont dès lors autorisés à toucher des récompenses en espèces et à
prendre part à des épreuves publiques. Véritable entreprise commerciale, les championnats des professionnels démarrent au mois de novembre pour se terminer au
moment des fêtes de noël et sont soutenus par des sponsors parmi lesquels les
journaux sportifs occupent la première place. Ils cherchent à rentabiliser leur
image de marque en y associant la discipline, formidable produit d’appel apte
à séduire un public toujours plus large.54 Les journaux utilisent les marques publicitaires qui se développent autour de l’activité : « W. Allen sports agency – Tous
les articles pour la lutte, la boxe, la natation, etc. », « Supervieille – le spécialiste
de la lutte ».55
Le succès de la lutte, tant à Paris que dans d’autres villes européennes
(Saint-Pétersbourg, Berlin), s’accentue d’année en année. Plusieurs tournois
professionnels, en marge des championnats du monde, sont organisés dans les
music-halls. Le « Grand Prix de la Ville de Paris » est lancé par le journal Le
Vélo, dès 1899, sur la scène des Folies Bergère.56 Ladislas Pytlasinski remporte
la victoire et un prix de 3000 francs face à Constant le Boucher. Mais le tournoi
le plus important est celui de la « Ceinture d’Or ». Présenté comme le challenge
annuel des rois du tapis, il est sponsorisé par le journal L’Auto et est organisé aux
Folies Bergères pour la première fois en 1902.57 Paul Pons remporte le titre durant
trois années consécutives.
152 Loyer and Loudcher
Dans la majorité des cabarets parisiens, le combat de lutte ressemble à une
représentation ou à une pièce de théâtre et consiste à faire passer sous les yeux
des spectateurs un certain nombre de techniques caractéristiques les plus variées
possibles. Les athlètes pratiquent une « lutte au chiqué ». Il faut attirer et impressionner le spectateur. Dès lors, la lutte ne peut être sincère car il faut ménager le
« capital humain ». 58 Cet intérêt pour ce spectacle que permettent les nouvelles
techniques en mouvement alimente d’une manière nouvelle la force et surtout
produit, quasi mathématiquement, le schéma de la puissance. Il offre ainsi de
nouvelles problématiques dans la représentation de « l’homme-fort »59 à laquelle
les femmes, notamment, semblent accéder plus facilement.
2.4 La lutte féminine
En effet, à la fin du XIXème siècle, les lutteuses, qui ont toujours plus ou moins
existé, connaissent un fort accroissement. Les prestations des lutteuses de Rouen et
de leurs homologues parisiennes sont célèbres. Albert de St Albain, journaliste au
quotidien Les Sports à Paris, évoque la Compagnie des Folies Bergères créée par
Pietro Dalmasso dont la dizaine d’élèves s’affronte avec une ardeur effrayante : «
La poitrine des plus acharnées devenait noire et Pietro me disait : ce n’est rien, ça
se fera. Quelques frictions d’alcool leur rendront la peau jaune ».60 De même, en
1904, ouvre sur la butte de Montmartre une salle de divertissement, le Bal Tabarin,
qui partage avec le Moulin Rouge des spectacles de jolies danseuses. Il conquiert
la faveur du public en proposant des numéros de lutte féminine. La lutteuse, en
s’exhibant et en se soumettant à cette pratique de techniques en mouvement, répond
aux exigences de la science culturiste. Par cette « neutralisation »61 du genre que
propose la technique, elle peut donc défier l’homme « d’égal à égal » et se permettre
un certain nombre de transgressions pouvant aller de la démonstration des corps
jusqu’à leur érotisation.
Toutefois, pour d’autres, la prestation technique autoriserait ces pratiques
féminines. En 1899, Frantz Reichel est dépêché par le journal Le Vélo dans la
salle du Nouveau Concert, 6 boulevard Faubourg Montmartre, où se tiennent
des luttes féminines. Celles-ci sont données par la troupe d’Ajax, un lutteur
qui, en deux mois, a révélé à plusieurs foraines l’art de la lutte. Le journaliste
avoue, quoique « étant venu très sceptique », n’avoir « pu s’empêcher d’admirer
la grâce des mouvements ».62 Il reconnait même quelque chose de vraiment
attrayant chez elles : « Souples et félines, les lutteuses ont dans la brutalité des
étreintes une élégance de gestes pour l’attaque et pour la parade qui plaît et
captive ! ».63 Finalement, l’expression d’une force particulière mobilisant le mouvement et la technique se diffuse socialement et culturellement. Cette représentation permet de dépasser certains clivages de genre alors que l’athlète féminine est
encore un objet de curiosité.
On comprend que la lutte, pratique professionnelle, ne fasse pas partie
de la grande fédération polyvalente qu’est l’Union des Sociétés Françaises de
Sports Athlétiques (USFSA). Néanmoins, la demande d’une pratique amateur
face à toutes celles qui émergent (professionnelle, spectacle, féminine…) pose
alors la question de l’organisme de contrôle d’autant que l’exercice physique
prend une certaine importance avec la montée des fédérations et des rencontres
internationales.
La Difficile Sportivisation de la Lutte 153
3. L’émergence de la lutte sportive (1895-1913)
3.1 La lutte dans les gymnases ; entre méthode de santé et
de défense
Au début du XXème siècle, la gymnastique s’isole en tant que commerce et le
nombre de salles est en constante augmentation. On compte 20 gymnases privés à
Paris en 1860,64 156 en 1900 et 187 en 1905.65 Une clientèle fortunée fréquente les
plus grands gymnases de cette époque qui sont des salles polyvalentes proposant
une multitude de pratiques : hydrothérapie, massage, redressement de la colonne
vertébrale, escrime et canne, boxe française ou anglaise, lutte. Les ouvrages de
Léon Ville sur la lutte française66 et de Joseph Charlemont sur la boxe française67
montrent le souci commun d’une pratique hygiénique. Présentation d’un régime
alimentaire à suivre pour une pratique saine et emploi d’un vêtement spécifique
prévu pour la pratique révèlent une dimension esthétique et utilitaire de la pratique.
Pourtant, pendant longtemps, la lutte est absente des activités identifiées
par le journal La Vie au Grand Air dans sa page consacrée au « bloc-notes du
sporstman » : cyclisme, automobile, aérostation, athlétisme, hippisme…sont des
disciplines d’origine plus bourgeoises même si la classe ouvrière commence à en
pratiquer certaines. Après 1900, la représentation de la lutte évolue et, en 1904, le
journal constate que : « le nombre des jeunes gens qui s’adonnent au sport de la
lutte augmente de jour en jour ».68 En 1905, il consacre plusieurs pages au « Vrai
Sportsman ». Etienne Giraud, l’exemple donné, pratique désormais la boxe et la
lutte : « Il a appris à lutter avec Constant le Boucher et à boxer chez Castérès, et
trois fois par semaine on peut le voir dans le ring chez Bayle, ou sur la planche,
au cercle de la rue Volney ». 69
Or, cette évolution est aussi possible parce que la lutte propose des représentations qui, désormais, sont en accord avec « l’air du temps ». La force en mouvement,
là aussi, s’impose. Notion fondamentale en cette fin de XIXème siècle, elle répond,
entre autres, aux nouvelles conceptions de la santé et de l’esthétique. Cinquante
ans plus tôt, « la beauté c’était la force. On estimait les forces herculéennes ; on
faisait cas de larges épaules, d’un ventre proéminent, de mollets luxuriants ».70
Désormais, la santé est plus interne comme en témoigne l’importance accordée
par les médecins et scientifiques à la valeur physiologique basée principalement
sur la capacité ventilatoire.71 Le spiromètre remplace le dynamomètre alors que les
athlètes passent du « gymnase au stade ».72 Ainsi, la force ne résulte pas seulement
d’un travail sur soi, elle est aussi en prise avec un imaginaire collectif. Dans les
salles au statut privilégié, elle prend une forme corporelle plus « intérieure » ou,
du moins, elle est stigmatisée par les signes plus discrets d’une nouvelle vigueur
révélatrice d’une certaine santé et d’une autre image de l’homme robuste. Par ailleurs, l’expression d’une force plus ostentatoire, satisfaisant un public prolétaire,
propose aussi une autre image de l’homme fort. D’ailleurs, Edmond Desbonnet a
bien compris cette diversification en créant une méthode qui puisse satisfaire ces
publics aux cultures corporelles variées.73
Tout se passe comme si ce besoin d’une « nouvelle » culture de soi répondait
en réaction aux peurs individuelles et collectives par un souci de protection et de
défense. Ainsi, tout un discours sécuritaire est véhiculé par les médias et fait écho au
sein de la population. On assiste au retour des mouvements nationalistes, largement
154 Loyer and Loudcher
inspirés par les organes de presse comme Le Matin ou La Patrie. Traitée selon un
axe de défense personnelle et utilisée en complément de la boxe française, la lutte,
appelée « parisienne », est présente dans plusieurs méthodes. Les Charlemont, par
exemple, associent aux coups de poing et de pied, des « prises de corps ou de lutte
».74 Emile André, Emile Maitrot, André Buvat, Ernest Régnier, Georges Dubois
et d’autres mettent au point des méthodes de défense plus ou moins originales.75
Dans ce contexte de peur intérieure et internationale (victoire du Japon sur
la Russie en 1905, tensions avec l’Allemagne), l’introduction du jujutsu (ou jiujitsu)76 va concurrencer la lutte. Grâce, notamment, à la victoire d’Ernest Régnier
sur Georges Dubois en 1905, la méthode japonaise paraît être un frein au développement de la lutte et de la boxe française qui sont présentées comme méthodes
de défense.77 Le jujutsu impressionne à travers la diversité de ses prises et de ses
coups permettant les déséquilibres, les luxations et les étranglements.78 Ce qui
retient l’attention des spectateurs, et ce autour de quoi se construit la légende de
Régnier qui au passage a « japonisé » son nom en se faisant appeler Ré-Nié, est la
« clef » qu’il porte au bras de son adversaire l’obligeant à l’abandon immédiat de
la confrontation. Cette « clef » ou technique d’« arm-lock » apparaît alors comme
« magique ». Les articles se multiplient dans les journaux spécialisés et les grands
quotidiens : « Tout est au jiu-jitsu ! Les rues, les journaux, les théâtres, les musichalls retentissent de ce mot magique qui sonne comme un clairon de victoire ».79
L’ouverture rapide d’une salle à Paris par Edmond Desbonnet, au 55 rue de Ponthieu,
près des Champs-Élysées, et dans laquelle Ernest Régnier enseigne lui-même les
secrets de la méthode japonaise, attire l’aristocratie de la Capitale.80 Le professeur
de culture physique s’inscrit dans une logique commerciale dont les démonstrations et les spectacles de music-hall sont parties prenantes, d’autant qu’ils sont en
pleine expansion.81
Toutefois, Les lutteurs professionnels ressentent l’arrivée du jujutsu comme une
intrusion, une perte de notoriété et un manque à gagner. Ces derniers s’insurgent
contre la pratique nippone qu’ils présentent comme l’emprise de la race jaune
dans une tradition gréco-latine jusque-là respectée. Malgré les conseils d’Edmond
Desbonnet, Ernest Régnier se livre à des combats d’exhibition et accepte les défis,
« Re-nie écouta les amis, les flatteurs. Il voulut écraser tous les athlètes et, malgré
mes conseils, il accepta un engagement pour un combat public sur la scène des
Folies-Bergère, où il relevait les défis qui lui étaient lancés. Ce fut sa perte ».82
Un « traquenard » est organisé par les lutteurs dans lequel tombe Ernest Régnier
sur la scène des Folies Bergère. Jean Witzler, un lutteur sans scrupules, poussé
par Raoul Le Boucher et Paul Pons, se présente et frappe Ré-Nié à coup de tête
dans la figure ; celui-ci surpris s’écroule. Le public se détourne alors du jujutsu.83
Les tentatives d’Ernest Régnier visant à le revaloriser, se soldent par des échecs.
Fin 1908, ce dernier défie Ivan Padoubny alors plusieurs fois champion du monde
de lutte professionnelle.84 Le lutteur, 1m 83 et 112 kg, fait aisément plier Ernest
Régnier, 1m 65 et 63 kg. L’arrivée de deux experts japonais ne parviendra pas à
susciter l’intérêt du grand public malgré les exhibitions et démonstrations données dans les cabarets et les music halls. L’activité est tournée en dérision après
plusieurs matchs - défis opposant judokas et lutteurs ne respectant alors aucunes
règles ni conventions...Le 31 décembre 1908, le combat entre le boxeur anglais
Sam Mac Véa et le Japonais Tano Matsuda85 se solde par la victoire en 14 secondes
du premier. L’entraînement, la compétition, le dépassement de soi et des autres,
La Difficile Sportivisation de la Lutte 155
valeurs cardinales du sport moderne, semblent prendre le pas sur l’apprentissage
rapide des passes mystérieuses.
Finalement, les représentations de la force physique se diversifient dans la
lutte grâce à sa mise en œuvre technique et en mouvement, mais aussi du fait des
enjeux patriotiques et internationaux. Elles influencent les cultures corporelles
afférentes aux pratiques de combat qui rentrent en concurrence, mais valorisent de
plus l’aspect hygiénique collectif et individuel. La lutte semblait réunir jusqu’alors
différentes représentations de la force. Mais des ambiguïtés en découlent dans la
pluralité de ses formes de pratique.
3.2 La « lutte libre » et le « catch », un imaginaire
mythologique étranger au sport ?
Sans conteste, la lutte saltimbanque et le catch sont des activités qui proposent des
imaginaires différents de ceux sollicités dans le sport. Ainsi, dans les championnats
de music-hall, le classement est fait à l’avance et « tel homme, avant d’entrer sur
scène, sait qu’il doit tomber ou être tombé en tant de temps ».86 Edouard Nytram,
champion de France amateurs toutes catégories en 1908 et 1909, puis passé professionnel, dévoile quelques prises telles qu’on les truque sur les scènes des music-halls
: « L’exécution du pont permet au lutteur de ne pas toucher terre avec les deux
épaules, non maintenu celui-ci tourne facilement et se relève ».87 Les lutteurs, avec le
minimum d’effort et le maximum de chiqué, cherchent à provoquer l’enthousiasme
: « les lutteurs crispent leur figure, ils poussent de violents soupirs, ils halètent,
mais en réalité ils sont aussi reposés que vous qui les regardez ».88 Les combats ne
s’éternisent pas et les directeurs de troupes peuvent aller jusqu’à désigner la prise
qui doit mettre fin au combat. Inversement, la lutte sincère s’éternise pendant des
heures, le public se lasse de combats souvent interminables à l’intérieur desquels
chacun cherche à installer un contrôle debout. Les matchs se déroulent en force
et donnent un attrait très relatif aux spectateurs profanes.89 De plus, la lutte à terre
montre un secteur ennuyeux. Fénélon de Bordeaux, arbitre des championnats de
professionnels et d’amateurs, constate qu’« il n’y a pas de limite à la durée du
combat à terre dont on abuse parfois ».90 L’intérêt se tourne alors vers une lutte
plus spectaculaire issue de Grande-Bretagne et des Etats-Unis connue sous le nom
de « catch as catch can », « attrape comme tu peux ». Les lutteurs peuvent utiliser
leurs jambes pour pousser, soulever, faire des crocs-en-jambe et réaliser différents
« ciseaux ».91 Ils sont également autorisés à saisir leurs adversaires par le haut
comme par le bas du corps et certaines actions pouvant s’avérer douloureuses,
telles que les torsions de cheville ou les retournements de bras, sont fréquentes.92
Les saisies de jambes, interdites en lutte « gréco-romaine », rendent possible la
réalisation de techniques de grande amplitude, comme le « crutch »93 qui permet
de projeter l’adversaire à terre de toute sa hauteur. Une pratique sportive nouvelle
apparaît avec le « free style » ou lutte libre.
Mais c’est le « catch as catch can » qui figure, dès 1904, aux Jeux Olympiques
de Saint-Louis où seuls des Américains s’inscrivent. Le style est reconduit lors
des jeux de Londres en 1908. Il n’est cependant pas présent en 1912 en Suède
(ni la boxe) où les officiels des différents pays ne s’accordent pas encore sur les
techniques autorisées et interdites94 contrairement à la « gréco-romaine ». Les
catcheurs de la première génération, anciens lutteurs, réutilisent facilement ces
156 Loyer and Loudcher
techniques spectaculaires sous forme de partenariat. Avec le catch, une confusion
s’installe entre spectacle professionnel et sport amateur. Les caractéristiques de
la « lutte au chiqué » pratiquée dans les foires, puis sur les scènes des casinos, se
retrouvent dans le catch qui devient le débouché naturel d’un grand nombre de
lutteurs professionnels attirés par la perspective d’un gain rapide.
Au mois de novembre 1913 se déroule au Nouveau Cirque de Paris, le tournoi
de « catch as catch can » décrit comme le « championnat des champions ». Le
Polonais Stanislas Zbysko, présenté comme « l’homme de fer aux 52 cm de tour
de bras »,95 apparaît comme l’un des principaux prétendants à la victoire. Mais les
combats sont truqués. Le journal La Vie au Grand Air 96 livre un courrier rédigé
par Maurice Deriaz se rapportant au tournoi qui se déroule à Bordeaux, alors qu’au
même moment une partie de la même troupe doit en donner un à Bruxelles. Il décrit
de manière minutieuse le déroulement du match et ses péripéties dans un contrat
que les lutteurs doivent signer. En réalité, si ces affrontements suscitent l’intérêt,
c’est qu’ils mettent en scène deux personnages emblématiques : le héros honnête
face au lutteur fourbe et déloyal. La pratique est l’exercice d’une justice imaginaire
car ce genre de combat oppose toujours un «parfait salaud » à un héros,97 et c’est
ce dernier qui gagne même si son adversaire a utilisé des moyens déloyaux. La
transgression des règles est voulue car elle permet de révolter le spectateur qui fait
semblant de croire à la parodie. Un mythe, c’est-à-dire un récit au sens de Roland
Barthes, raconte un ordre imaginaire auquel on se réfère selon ses besoins certes,
mais aussi selon ses origines socio-culturelles. Pourtant, si, au milieu du XIXème
siècle, les spectacles de Rossignol-Rollin montraient une évocation du héros antique
qui faisait largement rêver et adhérer, ceux du catch ne relèvent-ils pas de l’ordre du
doute, voire de la transgression ? Un nouvel imaginaire semble se développer basé
sur la remise en cause de la référence normative du héros : sa suprématie n’est pas
acquise, même si la fin est connue, et la manière de l’imposer importe autant que
le résultat. Le catch s’inscrit dans cette voie que le sport moderne n’a pas encore
vraiment empruntée développant plutôt un imaginaire du champion vainquant
l’adversité, mais pas encore l’injustice sociale.98
3.3 L’institutionnalisation de la lutte sportive : un enjeu de
domination du champ sportif
C’est dans les gymnases huppés de la Capitale que, à la Belle Epoque, se propage
la forme de lutte amateur qui va influencer sa sportivisation. En 1902, les 500
membres du Stade Français (créé en 1883) obtiennent de la ville de Paris le magnifique gymnase de la rue Huyghens tous les jeudis : « sur un immense tapis rouge
posé sur la sciure de bois, les lutteurs prennent la leçon de lutte sous la direction
éclairée de François le Bordelais ».99 En réalité, un divorce se réalise entre la
lutte « gréco-romaine » qui s’arroge les valeurs du sport amateur et la lutte libre
davantage pratiquée par les professionnels. Paschal Grousset qui préface l’ouvrage
de Léon Ville, La Lutte Française, sous le pseudonyme de Philippe Daryl, met
en garde contre la lutte professionnelle et ses excès : « Il faut que la lutte cesse
d’être le jeu grossier des fêtes foraines, pour redevenir un véritable sport, correct,
élégant et courtois ».100
Déjà, alors que la forme « gréco-romaine » professionnelle dominait, Pierre de
Coubertin proposait une variante « amateur ».101 Lors des premiers jeux olympiques
La Difficile Sportivisation de la Lutte 157
modernes de 1896, il fait figurer au programme la « lutte romaine et grecque ».
Cette appellation traduit la volonté de se rapprocher du mythe d’Olympe, mais
l’inversion « romaine et grecque » correspond sans doute au souci de Pierre
de Coubertin de ne pas confondre l’activité olympique avec les exhibitions
foraines qui ont alors lieu à cette époque. Cinq concurrents seulement prennent part à la compétition dont aucun Français. Un unique tournoi est organisé
avec une seule catégorie de poids. Le vainqueur n’est pas un lutteur de formation,
mais le gymnaste Allemand Schumann qui remporte également l’épreuve du saut
de cheval et de barres parallèles. Si la lutte ne figure pas dans le programme des
compétitions des deuxièmes jeux olympiques de Paris en 1900, c’est qu’il est en
effet difficile de s’imposer dans la capitale de la lutte professionnelle en tant que
pratique olympique amateur.
Néanmoins, en 1905, le premier championnat de France amateur de lutte
« gréco-romaine » se tient sous l’égide du journal La Vie au Grand Air102. Organisé
selon trois catégories de poids, il amorce un processus de sportivisation venant
rompre avec le « toutes catégories » jusqu’alors existant dans les championnats professionnels. Les lutteurs sont regroupés selon leur profession (professions libérales,
forts et porteurs, charcutiers, mécaniciens, bouchers, employés, épiciers). En 1909,
les championnats amateurs de lutte « gréco-romaine » sont toujours organisés par
La Vie au Grand Air et, pour la première fois, par le journal La Culture Physique,
montrant ainsi tout l’intérêt porté par Edmond Desbonnet103 à l’égard de cette
discipline. Le professeur de culturisme dénonce les corps adipeux des professionnels104 contrastant avec ceux des amateurs qui posent dans les journaux montrant des
muscles saillants et harmonieusement dessinés105. La pratique amateur développe
une autre esthétique des corps garant d’une certaine santé et de valeurs morales.
Cependant, contrairement aux pratiques sportives anglo-saxonnes qui se développent à cette époque en France et se caractérisent, entre autres, par une codification
de plus en plus précise, les combats de lutte se déroulent encore selon des règles
incertaines. Les techniques autorisées ou interdites, les modalités de victoires et
d’attribution de points, le temps de combat, ne sont pas clairement définis et font
l’objet de variations fréquentes. Ainsi, en 1909, le temps de combat est illimité. La
finale dure, dans la catégorie des poids lourds, deux heures et trente minutes106. La
question d’une fédération contrôlant cette pratique se pose alors.
Le 14 février 1912, l’USFSA donne pour mission à la Fédération Française
des Sociétés de Boxe (FFSB), créée en 1903 par Albert Bourdariat, Frantz Reichel,
Van Roose et Paul Rousseau, de diriger la lutte et le jujutsu. Une commission est
chargée d’établir un bureau directeur dont Frantz Reichel, secrétaire général de
l’USFSA, prend la responsabilité. En réalité, le lancement d’une Fédération de
Boxe Professionnelle au même moment, sous l’impulsion de Léon Sée directeur
de l’organe de presse La Boxe et les Boxeurs, explique en partie cette situation.
Cet organisme fait concurrence à la FFSB et, plus encore, au pouvoir fédératif de
l’USFSA bien mal en point du fait de l’organisation des championnats de football
par le Comité Français Interfédéral (Michaux, Simon). La création de la commission
de lutte, de même que celle du Comité National des Sports en 1908 et du Comité
Olympique et Sportif en 1911, s’inscrivent dans la problématique de reprise en
mains du mouvement sportif par Paul Rousseau et Frantz Reichel107 et, au-delà,
par une bourgeoisie parisienne et médiatique. Dans ce but, ils n’hésitent pas à
organiser, en avril 1912, des Championnats de France de lutte « gréco-romaine »
158 Loyer and Loudcher
avec des professionnels à la salle Wagram, alors qu’ils se proclament les défenseurs
acharnés du sport amateur.
Mais la lutte, particulièrement active dans le nord de la France, fait partie d’un
héritage culturel ouvrier privilégiant surtout la pratique libre. A la fin du XIXème
siècle, après le travail chez les mineurs et les ouvriers les distractions sont rares.
Ces hommes cherchent à exercer leurs forces physiques pendant leurs loisirs. La
lutte se déroule debout et consiste après une empoignade directe et virile à provoquer le déséquilibre de l’adversaire. Le succès de la lutte dans le nord de la France
s’explique également par sa proximité avec la Belgique et l’Allemagne, pays à forte
culture valorisant les exercices de lutte108 . Comme en France, la lutte se développe
dans la seconde moitié du XIXème siècle dans les bassins houillers et, de part et
d’autre du Rhin, des rencontres s’organisent.109
Cette pratique se retrouve donc en opposition avec le style « gréco-romain »,
aux codes plus strict, défendu par les promoteurs parisiens d’un sport encadré.
Pourtant, au début de l’année 1913, deux ligues régionales (Nord-Pas-de-Calais
et Pyrénées) et celle de Paris s’unissent et permettent la constitution d’une fédération
autonome officielle le 25 avril. Frantz Reichel en conserve la présidence d’honneur. Le
nombre de catégories de poids augmente et les règles s’affinent sans cesse en collaboration avec la Fédération Internationale.110 La lutte libre, qui a supprimé les techniques
dangereuses du « catch as catch can » (torsions de cheville et retournements de bras),
domine car elle apparaît plus ouverte et plus variée que le style « gréco-romain ».
Avec elle, c’est le spectacle et les professionnels qui se répandent. Frantz Reichel,
en raison de matchs truqués, démissionne l’année suivante.111 D’autres championnats amateurs sont alors tentés à l’initiative de l’Haltérophile-Club de France et le
soutien des journaux La Vie au Grand Air, La Santé par les Sports et La Culture
physique.112 Mais lutte et catch vont longtemps être confondus et rester liées aux
pratiques professionnelles et de spectacles.113 La pratique de la lutte, dès lors, est
assez confidentielle d’autant qu’elle n’est plus supportée par les personnes issues
des classes sociales favorisées qui voulaient en faire une pratique amateur.
Au final, cette situation ambiguë révèle des enjeux de pouvoir, certes, mais
aussi des rapports au corps différents en œuvre dans ces pratiques. Ainsi, la culture
corporelle développée dans la lutte sportive est, en quelque sorte, hybride. En effet,
elle met en jeu, dans sa forme libre, des techniques qui ne sont pas plus difficiles à
réaliser dans leur combinaison en mouvement que celles pouvant servir à la lutte
au « chiqué » et au catch. Par ailleurs, la discipline sportive rend compte d’une
certaine esthétique corporelle basée sur des techniques plus limitées à travers la
forme « gréco-romaine » mettant en exergue les valeurs de l’effort physique et de
l’amateurisme. Or, cette force maîtrisée que privilégie la bourgeoisie montante et
parisienne dans les affrontements de « gréco-romaine » ne semble plus répondre à
la demande stigmatisant une certaine puissance humaine d’une part, et la pratique
libre de la lutte sportive ne développe pas l’imaginaire du catch qui attire un large
public sensible aux aspects spectaculaires de la mise en scène d’autre part.
Conclusion
L’histoire de la lutte en France connaît quelques péripéties avant d’atteindre une
reconnaissance sportive. D’abord pratiquée par les saltimbanques sous une forme
« gréco-romaine » dans des spectacles de rue et de foire, elle se territorialise dans
La Difficile Sportivisation de la Lutte 159
la France du Second Empire au point qu’elle peut être pratiquée dans des salles de
plus en plus spacieuses ayant pignon sur rue. Puis, suite à la montée de nouvelles
cultures corporelles favorisant l’expression de pratiques encadrées (gymnastique,
Joinville) et l’émergence de spectacles sportifs (cyclisme, athlétisme, natation…),
cette lutte subit un certain déclin. Enfin, à partir des années 1885-1890, elle prend
des formes multiples constituées sur la base de techniques communes qui signent
son renouveau. Les corps monstrueux ne sont plus systématiquement recherchés, ni
l’opposition statique. C’est le spectacle de la force en mouvement et de son expression technique qui attire désormais diverses catégories sociales. A la Belle Epoque,
la lutte tend à se sportiviser grâce à cette professionnalisation du spectacle, mais
aussi à sa commercialisation en tant que pratique de santé. Le style « gréco-romain »
au sein de gymnases plus confinés privilégie la maîtrise de la force en mouvement
ainsi qu’une plastique des corps plus discrète, mais pas moins vigoureuse. Par ailleurs, la lutte perd ses attributs de pratique de défense au profit (momentané) du
jujutsu qui promeut la puissance de l’homme par la maîtrise de techniques quasi
« magiques ». L’image de « l’homme-fort » évolue. Si l’expansion de la lutte libre
est propagée par une certaine fraction de la classe ouvrière valorisant une force
libérée qui peut faire peur aux autorités et désintéresser les classes aisées, celle de
la « gréco-romaine » a le soutien de la bourgeoisie d’affaire et médiatique, bridée
par sa logique de duel symétrique qui offre un spectacle choisi. La lutte sportive,
s’ancrant dans ces tensions, devient un enjeu de contrôle du champ sportif. La
création de la fédération en 1913 offre alors la possibilité de les pratiquer sous une
forme contrôlée et limitée. Toutefois, aucune des deux n’attire l’attention du grand
public qui réserve désormais ses faveurs au catch.
L’histoire de la lutte sportive est donc le résultat de cette pluralité des pratiques
et de représentations qui ne correspond pas à l’image d’une forme unique issue
des seules classes sociales les plus basses.114 Elle exprime à la fois une évolution
des représentations de la force, mais aussi une situation particulière que la société
française a cultivée. Son évolution illustre le processus de « controlled » et de
« decontrolled » dont parle Norbert Elias à propos du sport. En réalité, il semble
que le catch propose une sorte de synthèse des différentes représentations que la
lutte a pu avoir depuis le XIXème siècle. La force, qu’elle soit statique et en mouvement, grâce aux multiples techniques peut être utilisée. Mais c’est sans doute
le simulacre et l’imaginaire de la mythologie associée aux défis qui font une des
caractéristiques essentielles du catch. Certes, des mythes grecs Antiques à ceux de
l’homme-masqué et du méchant attitré perdant contre le justicier, une évolution
s’est opérée. Toutefois, fondamentalement, ces récits ne sont-ils pas destinés à faire
rêver et « oublier » la réalité en mettant en œuvre l’éternelle histoire de l’homme
respectant ou affrontant les Dieux ? Mais ces derniers sont désormais descendus de
leur Olympe et œuvrent dans l’arène sportive de manière déguisée et transformée.
Le catch s’inscrit dans des mythes qui racontent une révolte possible contre
une domination injuste suscitée par une transgression plus ou moins fantasmée.
La lutte sportive, quant à elle, reste emprisonnée dans un imaginaire technique et
fédéral limitant son expansion, du moins jusqu’à ce qu’elle s’habille d’un imaginaire plus fécond.
Présente au programme des Jeux antiques en 708 avant JC, puis dès les premiers Jeux de l’ère moderne à Athènes en 1896, à l’exception des Jeux de 1900 à
Paris, la lutte est aujourd’hui susceptible de quitter la scène olympique. Le statut
160 Loyer and Loudcher
de « sport mineur » endossé par la lutte « gréco-romaine » laisse entrevoir les
limites du « procès de sportification » de l’activité. Le spectacle des compétitions
de lutte sportive qui se déroule dans un espace social codifié, réglé et selon une
forme euphémisée, ne suscite probablement pas assez d’émotion auprès du grand
public. Un système de scores compliqué ordonne un algorithme de combinaisons
techniques à l’intérieur duquel les lutteurs sont « dressés » à se limiter, rendant
l’activité incompréhensible pour le grand public (vingt cinq nouvelles règles en
vingt ans). Le spectateur ne peut distinguer le dominé du dominant, frustré il en
vient parfois à se demander qui gagne...
Notes
1. Jean-Jules Jusserand, Les sports et les jeux d’exercices dans l’ancienne France, (Paris :
Plon, 1901).
2. Paul Pons, La lutte, (Paris : Lafitte et Cie, 1912). Les premières règles de la lutte française
ou lutte à « mains plates » sont établies par Jean Exbroyat le 20 mai 1848, à Aix-en-Provence :
défense de se saisir au-dessous de la ceinture ; interdiction de frapper l’adversaire contrairement à
l’ancien style pratiqué par les Grecs et les Romains ; le collier de force et la cravate sont autorisés ;
repos facultatif après 10 minutes de combat ; interdiction de se servir de ses jambes pour crocheter
ou faire des passements ; soulevé de terre, le lutteur a le droit de crocheter son adversaire avec
ses jambes ; à terre, autorisation d’utiliser les jambes pour crocheter celles de l’adversaire, mais
interdiction d’appréhender celles-ci avec les mains ; la lutte se déroule soit debout, soit à terre,
suivant les phases du combat.
3.
Le style antique permettait l’attaque dans les jambes.
4. Jean-François Loudcher et Jean-Nicolas Renaud, Education, sports de combat et arts martiaux, (Grenoble : PUG, 2011).
5. Jean-François Loudcher, « La France au Centre de la Modernité Sportive,» dans Histoire
du sport en France, du Second Empire au Régime de Vichy, ed. Philippe Tétart (Paris : Editions
Vuibert, 2007), 107-129.
6. Expressions empruntées à Norbert Elias. Norbert Elias et Eric Dunning, Sport et civilisation,
la violence maîtrisée, (Paris : Fayard, 1994).
7. Nous relevons, entre 1898 et 1913, cinquante-quatre numéros du journal La Vie au Grand
Air traitant de la lutte, avec un total de cent dix-sept pages. Treize revues présentent en couverture
une photo en relation avec la lutte et vingt-quatre affichent un titre sur cette activité.
8. Gilbert Andrieu, L’homme et la force ; des marchands de la force au culte de la forme,
(Paris : Actio, 1988).
9. « Marseille ainé gagne 500 francs en remportant la victoire face à Arpin. » L’Illustration,
(20 mars 1852) : 192.
10. Jean-François Loudcher, Histoire de la savate, du chausson et de la boxe française : d’une
pratique de rue à un sport de compétition (1797-1978), (Paris : L’Harmattan, 2000).
11. Jean-François Loudcher, « Identité de l’EPS et identité nationale : une réflexion historicoépistémologique autour de la notion de culture corporelle comme enjeu de mondialisation, » dans
Education physique et sport dans le monde contemporain, ed. Jean-François Loudcher (Besançon :
A.F.R.A.P.S., 2011), 15-46.
12. Pierre Arnaud, Le corps en mouvement, (Paris : Privat, 1981).
13. Aurélie Epron, Histoire du gouren (XIXe-XXIe siècles) : l’invention de la lutte bretonne,
(thèse de doctorat en STAPS : Université Rennes 2, 2008).
La Difficile Sportivisation de la Lutte 161
14. Les « propriétaires de cafés, estaminets et autres établissements publics, situés dans le ressort de la Préfecture de Police » sont, désormais, obligés : « 1.D’interdire tout chant politique
ou immoral », Ordonnance de Police du 17 novembre 1849, Archives de la Préfecture de Police
de Paris (A.P.P.P), DB101.
15.Loudcher, Histoire de la savate.
16. L’Illustration, (8 avril 1853).
17. Le Sport, (mercredi 7 mai 1856).
18. Fioravanti, « L’Histoire de la Lutte.» La Vie au Grand Air, n°166 (17 novembre 1901) : 678.
19.Ibid.
20. Jules Vallès, « Portrait de Carcassone dit le Barbare, » La Chronique parisienne, n°2 (1858).
21. « Luttes-Interdiction de ce genre de spectacle dans le département de la Seine », Circulaire
du 31 mai 1859, A.P.P.P., Recueil Officiel des circulaires émanées de la Préfecture de Police, ibid.
22. On retrouve là toutes les problématiques foucaldiennes du contrôle des corps. Jean-François
Loudcher, Christian Vivier et Michel Herr, « Michel Foucault et la recherche en histoire de
l’éducation physique et du sport. » STAPS, n°38 (octobre 1995) : 7-17.
23. Arrêté Ministériel du 19 mars 1851, A.P.P.P., DB104.
24. Lettre du préfet au Ministre de l’Intérieur, Paris, le 5 février, Archives Nationales (A.N.),
F21-1160
25. Lettre du 2 avril, 19 avril, 22 mars 1851, A.N., F21-1160.
26. « Gymnastique, Saltimbanques, Luttes de Gymnastique », circulaire du 31 mai, 1852,
A.P.P.P., DB105.
27. Jean-François Loudcher, « Le gymnase du sport Lecour (1853-1854), » dans Le sport
dans la ville, ed. Jean-François Loudcher et Christian Vivier (Paris : L’Harmattan, 1998) :
273-284.
28.Ibid.
29.Loudcher, Histoire de la savate.
30. Léon Ville, Lutteurs et gladiateurs, (Paris : Tolra, 1895), 174-175.
31. D’après le témoignage visuel de H. Renault, lors, de la séance du 22 août 1872 à Boulognesur-mer, Louis Vigneron trouve la mort dans l’exercice qui le rendit célèbre, celui du « canon »
: « Hélas le pauvre imprésario n’avait guère été entendu : nous étions à peine une vingtaine.
Il devait pourtant avoir grand besoin de réussir car son installation était bien modeste, pauvre
même. Quelques planches posées sur le sable, une mauvaise bâche pour garantir du soleil et
quelques bancs de bois mal équilibrés. » L’escrime, (16 avril 1882) : 200-201.
32. Léon Ville, Lutteurs et Gladiateurs, (Paris : Tolra, 1895), 148.
33.Andrieu, L’homme et la force ; des marchands de la force au culte de la forme, 200-208.
34.Loudcher, Histoire de la savate.
35. Frédéric Loyer, Histoire de la Lutte et du Catch en France, (Caen : Les Presses Universitaires
de Caen), 2010.
36. Manuel de gymnastique, approuvé par le Ministre de la Guerre le 26 juillet 1877, (Paris :
Imprimerie Nationale, 1877). Jean-François Loudcher et Christian Vivier, « Les manuels de
gymnastique et d’éducation physique officiels et officialisés (1869-1931), » dans L’identité de
l’éducation physique scolaire au XXème siècle, ed. Jean-Paul Clément et Michel Herr (ClermontFerrand : A.F.R.A.P.S., oct. 1993), 311-327.
37. Le salaire d’un ouvrier est deux francs au milieu du XIXeme et à peu près une dizaine de
francs au début du XXe pour une journée de travail.
162 Loyer and Loudcher
38. Paul Pons, premier champion du monde en 1898, vainqueur de la « ceinture d’or » à plusieurs reprises et du tournoi de la ville de Paris, constitue l’exemple parfait de l’’ouvrier ayant connu
l’ascension sociale grâce à la lutte. Ce jeune forgeron apprend la lutte à « mains plates » à Bordeaux
dans un cabaret fréquenté par les dockers. Il vit dans la misère et s’exhibe dans les baraques
foraines afin d’améliorer ses revenus. Puis, il quitte Bordeaux pour Marseille, et enfin Paris où il se
produit aux fêtes de Neuilly, de la Nation ainsi qu’à la Foire du Trône, avant de diriger un petit
gymnase avenue des Tilleuls. Fioravanti, La Vie au Grand Air, n° 218 (15 novembre 1902) : 777.
39. La Vie au Grand Air, n° 17 (1er décembre 1898) : 196-98.
40. Paul Pons, La Lutte et les lutteurs, (Paris : Lafitte et Cie, 1903), 25.
41. Léon Ville, La lutte et les lutteurs, (Paris : Rothschild, 1891).
42.Pons, La lutte et les lutteurs.
43. Léon Ville, La lutte française arrangée pour exercices d’ensemble, (Paris : Société des
Athlètes Français, 1885), 3.
44. Ibid., 17.
45. Ibid., 15-16.
46. Ibid., 11.
47.Ville, La lutte et les lutteurs.
48. Léon Ville, La lutte française, (Paris : L. Breton et Cie, 1891), 11-18. Pascal Grousset, préface, sous le pseudonyme de Philippe Daryl, l’ouvrage de Léon Ville, La lutte française. Il met
en garde contre la lutte professionnelle et ses excès afin de pouvoir redonner à l’activité la place
qu’elle mérite et le nom d’activité sportive.
49. Le Petit Journal Illustré, (31 mars 1895).
50. Ce sont Kara Osman, Nurullah Hasan, Yusuf Ismael. Cf. Edmond Desbonnet, « Les Rois
de la Lutte, » La Vie au Grand Air, n° 167 (24 novembre 1901) : 55.
51. L’année suivante, le 28 octobre, il organise le fameux combat Jerry Driscoll/Charles Charlemont au gymnase Pergolèse devant un public choisi.
52. La Vie au Grand Air, n° 498 (4 avril 1908) : 223.
53. La Vie au Grand Air, n° 66 (17 décembre 1899) : 160.
54. Philippe Tétart, Les Voix du Sport. La Presse Sportive à la Belle Epoque, (Biarritz : Atlantica, 2010).
55. La Vie au Grand Air, n° (1er mai 1899) : 428.
56. L’Illustration, n° 2921 (18 février 1899) :106-110.
57. « La Lutte à Paris – La « Ceinture d’Or », » La Vie au Grand Air, n° 218 (15 novembre 1902) : 776-777.
58.Andrieu, L’homme et la force. 59. La relation avec le sur-humain et la philosophie de la volonté de puissance nietzschéenne
développée à l’époque est évidente.
60. Les Sports à Paris, (13 décembre 1897).
61. Christian Vivier et Jean-François Loudcher, « L’Image de la femme sportive existe-t-elle ? »
dans Images de la Femme Sportive, ed. Guido Laurent et Gianni Haver (Genève : Georg Editeur,
2003), 239-254.
62. Le Vélo, (13 décembre 1899).
63.Ibid.
64. De 1847 à 1869, les établissements ont été multipliés par presque 3,4 tandis que la population
de Paris n’a pas doublé : Andrieu, L’homme et la force, 115.
65. Gilbert Andrieu, L’homme et la force, une histoire de la force à travers des pratiques corporelles
commercialisées au XIXème siècle, Thèse de doctorat d’état, (Université de Paris Vème 1987), 627-636.
La Difficile Sportivisation de la Lutte 163
66. Léon Ville, La lutte française arrangée pour exercices d’ensemble, (Paris : Société des
Athlètes Français, 1885), La lutte et les lutteurs, (Paris : Rothschild, 1891), La lutte française,
(Paris : L. Breton et Cie,1891), Lutteurs et gladiateurs, (Paris : Tolra, 1895).
67. L’avant-propos du livre de Joseph Charlemont, L’Art de la Boxe Française et de la Canne,
(Paris : Chez l’auteur, 1899) est de Fernand Lagrange.
68. La Vie au Grand Air, n°326 (8 décembre 1904) : 998.
69. La Vie au Grand Air, n°337 (23 février 1905) : 146-148.
70. Louis Veron, Mémoires d’un bourgeois de Paris, (Paris : C. de Gonet, 1853), 34.
71. A ce sujet on peut se reporter à la description très claire que fait Christian Pociello du changement de paradigme envers la science du mouvement (Etienne-Jules Marey, Georges Demeny, La
Science en mouvement, (1870-1920), (Paris : PUF, 1999).
72. Gilbert Andrieu, « Du gymnase au stade ou de l’hygiène esthétique à la compétition sportive. » Science et motricité, n°12 (1991) : 3-15.
73. Edmond Desbonnet, Les rois de la force, (Paris : Librairie Athlétique, 1910).
74. Joseph Charlemont, L’art de la boxe française et de la canne, 121-133.
75. Aaron Freundschuh « New Sport in the Street: Self-Defence, Security and Space in Belle
Epoque Paris. » French History 20, (2006) : 424-41.
76. Au début du XXème siècle les termes « Jiu-Jistu » et « Jujutsu » sont indifféremment employés.
Michel Brousse, relève qu’ « A partir de 1903, des articles plus fréquents imposeront la forme
« jiu-jitsu » telle qu’elle est introduite en 1907 dans le supplément du Nouveau Larousse illustré. »
Les Racines du Judo, (Bordeaux : Presses Universitaires de Bordeaux, 2005) : 28.
77. Michel Brousse, Les Racines du Judo, (Bordeaux : Presses Universitaires de Bordeaux,
2005) : 81-133.
78. Fioravanti, « Comment on Travaille un Bras au Japon » La Vie au Grand Air, n°378 (8
décembre1905) : 1029.
79. Le Sport Universel Illustré, n° 495 (14 janvier 1906) : 29.
80. Edmond Desbonnet, « Comment je fis découvrir le Jiu-Jitsu à Paris. Comment après une
vogue extraordinaire il fut délaissé » La Culture Physique n°584 (décembre 1938) : 357-361.
81. Julia Csergo, « Extension et Mutation du Loisir Citadin, Paris XIXe Siècle et Début XXe
Siècle, » dans L’avènement des loisirs, ed. Alain Corbin (Paris ; Seuil, 1995), 149.
82. Desbonnet, « Comment je fis connaître le ju jitsu à Paris. Comment après une vogue extraordinaire il fut délaissé »: 357-361.
83. La Vie au Grand Air, n° 375 (8 décembre 1905).
84. La Vie au Grand Air, n° 535 (12 décembre 1908), 454.
85. La Vie au Grand Air, n° 538 (9 janvier 1909).
86. Jacques Mortane, « Les Truquages dans le Sport - La Lutte », La Vie au Grand Air, n° 591(15
janvier 1910) : 40.
87.Ibid.
88.Ibid.
89. Frédéric Loyer, Histoire de la Lutte et du Catch en France, (Caen : Les Presses Universitaires
de Caen), 2010.
90. Fénélon De Bordeaux, La Lutte, (Paris : coll. Sport pour tous, 1903) : 12.
91. L’utilisation des jambes dans la réalisation des différents « ciseaux » est possible : « double
prise de tête avec les jambes », « ciseaux à travers la figure », « ciseaux à travers le corps »…
92. La Vie au Grand Air, n° 544 (20 février 1909), page centrale.
164 Loyer and Loudcher
93. La Vie au Grand Air, n° 544 (20 février 1909), 117, Le catch as catch can ou lutte libre,
photo pleine page de Fred Davis et Waudaux. 24 photos de techniques lutte libre sont présentés
avec légendes : 124-125.
94. Raïko Petrov, 100 ans de Lutte Olympique, (Budapest ; FILA, 1997). C’est d’ailleurs à
Stockholm, à l’occasion des Jeux Olympiques, que prend naissance la Fédération Internationale
de Lutte Amateur (FILA).
95. La Culture Physique, n° 212 (1er novembre 1913).
96. La Vie au Grand Air, n° 822 (20 juin 1914).
97. Rolland Barthes, « Le Monde où l’on Catche, » dans Mythologies, (Paris : Seuil, 1957), 19.
98. On pense à la lutte contre la ségrégation raciale avec Cassius Clay ou l’action des athlètes
noirs aux Jeux Olympiques de Mexico en 1968.
99. La Vie au Grand Air, n° 181 (2 mars 1902) : 141.
100. Léon Ville, La Lutte Française, 16.
101. Raïko Petrov, La lutte olympique à travers les millénaires, (Budapest : FILA, 1993).
102.Pierre Lafitte, créateur de La Vie au Grand Air en 1896, est aussi l’instigateur, dans une
première formule, de L’Auto-Vélo dont Frantz Reichel est le secrétaire général. Lablaine Jacques,
L’Auto-Vélo, (Paris : L’Harmattan, 2010).
103. A travers l’association de ces deux organismes de presse, c’est toute une vision de la culture
corporelle que véhicule la lutte qui est partagée par Edmond Desbonnet, Pierre Lafitte et Frantz
Reichel et, au-delà, une manière de concevoir le sport moderne.
104. Edmond Desbonnet, Comment on devient athlète, (Paris, Librairie Athlétique de la « culture
physique » 1932 (8ème édition – 1ère édition 1909).
105. La Vie au Grand Air, n° 533 (5 décembre 1908), n° 539 (16 janvier 1909), n° 542 (6 février 1909).
106. La règlementation évoluera, en 1912, vers une période d’une heure, puis deux périodes de
vingt minutes où alterneront l’affrontement debout et au sol. Le temps de combat est actuellement
de trois fois deux minutes avec trente secondes de repos entre les périodes.
107. Jean-François Loudcher et Eric Monnin, « Aux Origines de l’Institutionnalisation du Comité
National et Sportif, » dans Diriger le sport, ed. Michaël Attali et Natalia Bazoge (Paris : CNRS,
2012), 21-36.
108.La lutte reste en Allemagne et en Suisse une activité importante depuis la seconde moitié
du XIXème siècle. Allen Birmann, Manuel de lutte libre, (Loertscher et fils, Vevey, Suisse : 1876),
l’édition originale en allemand fut publiée par la librairie H-R Sauerloender à Aarau en 1870.
109. Cinquante ans de lutte gréco-romaine et de lutte libre dans la FILA, (Lausanne : FILA,
non daté) : 30.
110. On passe du tombé « instantané » (contact des omoplates avec le tapis) au tombé « contrôlé
» (une puis trois seconde). L’augmentation du nombre des valeurs va permettre de développer la
lutte debout et d’élargir la partie technique de ce secteur.
111. Jacques Mortane, « Notre confrère Frantz Reichel a vite pris le soin de s’éloigner de cette
galère. » La Vie au Grand Air, n°820 (6 mai 1914) : 512.
112. La Culture Physique, n° 215 (13 décembre 1913) : 21.
113.Loyer, Histoire de la Lutte, c’est en 1951 que la double affiliation entre le catch professionnel et le catch amateur est interdite et que la Fédération Française de Lutte devient véritablement
amateur.
114. Clément Jean-Paul. Etude Comparée de Trois Arts Martiaux : Lutte, Judo et Aïkido, Mémoire
pour le diplôme de l’Institut national du Sport et de l’Education Physique, (1980).