Programme - Musique au palais
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Programme - Musique au palais
7 ET 8 NOVEMBRE 2015 Programme Sommaire Samedi 7 novembre : Musique française 14H00 L’impressionnisme 16h00 L’Avant-garde musicale ou souffle un vent de liberté 18h00 La nouvelle musique française Dimanche 8 novembre : Voyage en Espagne 15h00 La guitare, de la musique d'Espagne à la musique espagnole. 16h30 Le folklore : l’Andalousie et l’Argentine 18h00 L’Espagne romantique et moderne Biographie des artistes SAMEDI 7 N0VEMBRE 2015 Mus ique F ranç ais e PREMIÈRE PARTIE 14H00 : l’Impressionnisme RAVEL : Ma mère l’oye Pavane de la Belle au bois dormant Petit Poucet Laideronnette, Impératrice des Pagodes Les entretiens de la Belle et de la Bête Le Jardin féérique piano à 4 mains : Claire Rocher et Ariel Sirat RAVEL : Jeux d’eau piano : Claire Rocher RAVEL : Sonatine Modéré Mouvement de Menuet Animé piano : Caroline Fauchet RAVEL : Gaspard de la nuit Ondine Le gibet Scarbo piano : Jean‐Pierre Salmona DEUXIÈME PARTIE 16h00 : l’Avant-garde musicale où souffle un vent de liberté FRANCK : Sonate pour violon et piano en la majeur Allegretto ben moderato Allegro Recitativo-Fantasia (ben moderato) Allegretto poco mosso violon : Jean-Marc Kerisit piano : Ariel Sirat DEBUSSY : l’Isle Joyeuse piano : Caroline Fauchet DEBUSSY : Sonate pour violoncelle et piano en ré mineur Prologue Sérénade Finale violoncelle : Ewa Miecznikowska piano : Pascal Roy TROISIÈME PARTIE 18h00 : la nouvelle musique française POULENC : Sonate pour flûte et piano en la majeur Allegretto malinconico Cantilena: Assez lent Presto giocoso flûte : Thierry Salmona piano : Jean‐Pierre Salmona FAURÉ : Quatuor pour piano n° 1 en do mineur, op.15 Allegro molto moderato Scherzo : Allegro vivo Adagio Finale : Allegro molto piano : Ariel Sirat violon : Jean-Marc Kerisit alto : Anna Sypniewska violoncelle : Eric Moschetta MILHAUD : Scaramouche Brazileira Ariel Sirat et ses amis. DIMANCHE 8 N0VEMBRE 2015 Un voyage e n Es pagne PREMIÈRE PARTIE 15h00 : de la musique d’Espagne à la Musique espagnole L A G U I TA R E , Yo r a m Z e r b i b F. TARREGA : Recuerdo de la Alhambra E. GRANADOS : Danza espagnola n°5 (Andaluza) J. TURINA : Hommage à Tarrega Garrotin Solerrares L. DE NARVAEZ : Diferencias sobre « Guardame la vacas » F. SOR : Introduction et Variations sur « La flûte enchantée » de Mozart J. RODRIGO : Invocation et danse F. MORENO TORROBA : Madroños F. TARREGA : Serenada (Capricho Arabe) I. ALBENIZ : deux danses espagnoles Asturias Sevillas DEUXIÈME PARTIE 16h30 : le folklore espagnol L’ A N D A L O U S I E Atelier Flamenco Soledad Cuesta chorégraphie : Soledad Cuesta guitare et chant : Mariano Zamora L’ A R G E N T I N E GINASTERA : Trois danses argentines Danza del viejo boyero Danza de la mosa donosa Danza del gaucho matrero piano : Caroline Fauchet Le Tango d’Agen : Tango Flamenco et Tango de roxanne PIAZZOLA : Libertango piano : Caroline Fauchet violon : Jean-Marc Kerisit TROISIÈME PARTIE 18h00 : musique romantique et moderne de l’Espagne GRANADOS : Danza espagnola n°2 (Orientale) piano : Caroline Fauchet TURINA : El poema de una Sanluqueña Ante el espejo La canción del lunar Alucinaciones DE FALLA-KREISLER : Danse espagnole, de La vie brève violon : Jean-Marc Kerisit piano : Jean-Pierre Salmona ALBENIZ : Iberia, 4ème cahier Malaga Jerez Eritana DE FALLA : Danse du feu piano : Abel Sanchez Aguilera LES ŒUVRES MAURICE RAVEL (1875-1937) Avec Debussy, il fut la figure la plus influente de la musique française à son époque. Son œuvre est le fruit d'un héritage complexe s'étendant de Couperin et Rameau jusqu'aux rythmes du jazz, et d'influences multiples dont celle, récurrente, de l’Espagne. Reconnu comme un maître de l’orchestration et un artisan perfectionniste, il ne s'est jamais départi d'une sensibilité et d'une expressivité qui lui firent évoquer dans son œuvre à la fois « les jeux les plus subtils de l’intelligence » et « les épanchements les plus secrets du cœur ». Ma mère l’Oye Ravel compose cette suite de cinq pièces en 1908 pour les enfants Jean et Marie Godebski. Le titre évoque le recueil de contes de fées de Charles Perrault, Les Contes de ma mère l’Oye (1697), mais Ravel s’inspire également de contes de la comtesse d’Aulnoy (Laideronette) et de Mme Leprince de Beaumont (Entretiens de la Belle et de la Bête), dont il fait parfois figurer des citations en introduction à sa musique : « Le dessein d’évoquer dans ces pièces la poésie de l’enfance m’a naturellement conduit à simplifier ma manière et à dépouiller mon écriture ». Il en tirera ultérieurement une suite pour orchestre. Cette œuvre est créée par les deux enfants, âgés de six et dix ans, le 20 avril 1910 à la salle Gaveau à Paris. La Pavane de la Belle au bois dormant qui ouvre la suite est une pure merveille d’écriture, Ravel créant l’atmosphère de conte de fées avec un minimum de notes, ce qui a rendu cette pièce particulièrement abordable pour maints duos d’enfants. Le Petit Poucet figure le chemin de notre héros, qui va même rencontrer un coucou. Laideronette Impératrice des Pagodes utilise bien sûr le mode pentatonique sur les touches noires dans une pièce rapide dont la fin en accords répétés sur les cinq sons révèle qu’il s’agissait en fait d’une gentille caricature au second degré. Les entretiens de la Belle et de la Bête mettent clairement en scène la mélodie aiguë de la Belle et les supplications puis la passion de la Bête avant la métamorphose finale. Le Jardin féérique est une pièce difficile à jouer, il faut vraiment conduire l’auditeur au long de ces lentes mélodies accompagnées de merveilleuses successions harmoniques, qui se terminent dans la pleine lumière par de grands glissandos tandis que retentissent des appels cuivrés. Jeux d’eau Les Jeux d’eau sont composés en 1901. Pianistiquement la filiation avec Liszt est évidente (Au bord d’une source, Jeux d’eau à la villa d’Este). Ravel écrit lui-même : « Les Jeux d’eau sont à l’origine de toutes les nouveautés pianistiques qu’on a voulu remarquer dans mon œuvre. Cette œuvre, inspirée du bruit de l’eau et des sons musicaux que font entendre les jets d’eau, les cascades et les ruisseaux, est fondée sur deux motifs à la façon d’un premier temps de sonate, sans toutefois s'assujettir au plan tonal classique » (Esquisse autobiographique, 1928). L’œuvre connut rapidement un grand succès, auprès des pianistes par sa virtuosité, et auprès du public par son caractère résolument impressionniste. Sonatine Commencée en 1903, terminée en 1905 et créée en 1906, l’œuvre fut appelée Sonatine plutôt que Sonate probablement en raison de sa relative brièveté. Le premier mouvement est de forme sonate, avec un premier thème inauguré par un intervalle de quarte descendante, très mélodique, émergeant nettement de son accompagnement de triples croches ; le second thème nous emmène plus loin dans une atmosphère de doux mystère, puis survient un court développement qui mène à un point culminant passionné. L’harmonie chassant une bonne part des graves produit une sonorité céleste, à la fois ample et tendre. Le menuet qui suit, sans trio, distille de façon stylisée et distanciée des harmonies rares et savoureuses. Le finale commence de façon particulièrement « oxygénée », la quarte initiale du morceau est maintenant ascendante et évoque des appels de cloches ; le second thème n’est autre que le thème principal du premier mouvement ; puis Ravel nous entraîne dans un extraordinaire développement alternant des moments nostalgiques et des bouffées exaltées, la réexposition se terminant dans une éblouissante péroraison. Gaspard de la nuit Gaspard de la nuit, sous-titré Fantaisies à la manière de Rembrandt et de Callot, est un recueil de courts poèmes en prose écrits par Aloysius Bertrand, qui fut publié à titre posthume en 1842 par l'ami du poète, David d'Angers. Ravel compose en 1908 un triptyque sur trois de ces poèmes (reproduits en annexe) dont il conserve les noms, et qui sont cités dans la partition au début de chaque pièce. Ondine est l’histoire d'une sirène enchanteresse qui invite un humain à visiter son domaine. Alors que les Jeux d’eau évoquaient de l’eau en mouvement, Ravel écrit maintenant une formule nouvelle, géniale et immobile, qui suggère à peine un discret clapotis sur lequel s’élève d’abord la mélodie. L’Ondine se faisant de plus en plus insistante, les vagues augmentent peu à peu d’amplitude puis survient la conclusion : « Et comme je lui répondais que j'aimais une mortelle, boudeuse et dépitée, elle pleura quelques larmes, poussa un éclat de rire, et s'évanouit en giboulées qui ruisselèrent blanches le long de mes vitraux bleus ». Dans Le Gibet, Ravel crée une atmosphère hypnotique et sinistre en conservant pendant cinquante-deux mesures une pédale de si bémol (répété cent cinquante-trois fois) autour de laquelle se déploient de grands accords de neuvième. Scarbo, la pièce la plus virtuose du recueil, met en scène le gnome facétieux, insaisissable, allégorie diabolique, devenant chez Ravel parfois taquin et méchant, dans une spectaculaire pyrotechnie pianistique. CESAR FRANCK (1822-1890) : Sonate pour piano et violon Cette magnifique sonate en la majeur, composée en 1886, est l’une des plus célèbres du répertoire pour piano et violon. Elle constitue une sorte de résumé de la période postromantique de la fin du 19ème siècle avant les profonds changements initiés par Debussy et l’école de Vienne. C’est d’après Vincent d’Indy « le premier et le plus pur modèle de l’emploi cyclique des thèmes dans la forme sonate ». Après un calme premier mouvement, prologue qui expose deux thèmes tendrement mélodiques, l’allegro en ré mineur, passionné et dramatique, est un morceau virtuose de forme sonate. Le troisième mouvement reprend des motifs des mouvements précédents ; d’abord méditatif et recueilli, il devient plus dramatique avant de se terminer dans le calme. Le Finale est un rondo dont le thème principal est devenu très populaire et qui se termine dans une liesse irrésistible. CLAUDE DEBUSSY (1862-1918) : Mauvais élève en classe d’harmonie et d’écriture au conservatoire, excellent pianiste décidé à « faire oublier que le piano a des marteaux », Claude Debussy est un créateur particulièrement original d'une musique où souffle le vent de la liberté. Son œuvre, dont une grande partie est consacrée au piano, rejette tout académisme, tourne le dos à l’harmonie classique et ne se réclame que de son goût personnel et de son oreille extraordinaire, sans chercher à obéir à aucun système. Elle constitue l’une des grandes révolutions du vingtième siècle, loin des recherches formelles de l’école de Vienne à la même époque. L’isle Joyeuse Cette œuvre, publiée en 1904 en même temps que Masques, utilise largement la gamme par tons entiers et consacre une nouvelle approche du piano par Debussy, déjà esquissée dans les Estampes, et qui mènera aux Préludes. Il s’agit d’une marine dans laquelle on a vu la liesse d’un embarquement pour Cythère selon Watteau (c’est à dire ici pour Jersey, dans la joie, aux côtés d’Emma Bardac qui deviendra sa seconde épouse). Au début, des trilles puis un thème pointé caractéristique, évocation de sources et de vaguelettes, plantent le décor, puis l’œuvre se poursuit par un second thème noté « un peu cédé. Molto rubato », et aussi « ondoyant et expressif », phrase voluptueuse et balancée sur son accompagnement de quintolets. Après un assez long développement survient une marche venant de loin, qui se rapproche en allant vers une extraordinaire apothéose triomphale, où le piano agrège des harmonies éblouissantes en prenant des sonorités cuivrées, avant l’exaspération finale du trille du début. Sonate pour violoncelle et piano en ré mineur Pendant la guerre de 14-18, Debussy entreprend la composition de six sonates qui doivent selon lui symboliser le retour aux formes anciennes des classiques français. Cet élan de patriotisme ne conduira finalement qu’à la composition de trois sonates, l’une pour violoncelle, la seconde pour flûte, alto et harpe et la troisième pour violon, ces sonates tournant le dos (comme les Etudes) à « l’impressionnisme musical » habituellement évoqué à propos des Préludes. La sonate pour violoncelle composée en juillet-août 2015, renoue dans son premier mouvement avec le climat verlainien de la Suite Bergamasque (le titre pressenti était Pierrot fâché avec la lune). Le Prologue, après une introduction rêveuse du piano, fait entendre une phrase improvisée suivie d’un très beau thème exposé au violoncelle, évoquant les « divagations narcissiques d’un Pierrot solitaire ». Le mouvement se poursuit par un court développement animando avant de réexposer les deux thèmes. La Sérénade qui suit nous ramène dans l’ambiance de la Sérénade interrompue et du Général Lavine des Préludes, mais le trait de crayon est ici plus acéré, sans aucune concession à l’impressionnisme hispanisant. Le violoncelle y est transformé en guitare, puis reprend son archet, le galant devenant insistant puis plaintif. On sent la fin de la nuit dans les derniers octaves du piano (pépiements d’oiseaux ?), alors que le Finale directement enchaîné nous convie d’emblée à partager l’arrivée d’un gai matin ensoleillé. FRANCIS POULENC (1899-1963) : Sonate pour flûte et piano L’œuvre, ébauchée dès 1952 et publiée en 1957, aux thèmes immédiatement reconnaissables, représente bien le style du compositeur ; le premier mouvement (allegretto malincolico) commence par une mélodie alanguie, qui s'enhardit et se modifie tout au long du mouvement, à peine interrompue par un épisode médian sans contraste réel avec le thème principal ; le merveilleux 2 ème mouvement (cantilena, assez lent) s'épanche doucement avec beaucoup de pudeur sur des harmonies sophistiquées du piano qui donnent à la mélodie un ton à la fois rare et proche ; le 3 ème , rapide (presto giocoso) est par contraste brillant et virtuose, essentiellement rythmique, avec des intermèdes ralentis et une fin enlevée de comédie. GABRIEL FAURÉ (1845-1924) : Premier quatuor avec piano opus 15 Achevé en 1883 cette œuvre magnifique, 2ème chef-d'œuvre de Fauré après la 1 ére sonate pour violon, comporte quatre mouvements, d’abord un allegro de sonate à deux thèmes, le premier volontaire et scandé à contretemps par des accords au piano qui affirme d’emblée son rôle concertant. Le scherzo qui suit est à la fois humoristique et virtuose, avec un trio plus lyrique. L’adagio est une page grave puis nostalgique d’une profonde beauté. Le finale comporte un premier thème rythmique très énergique puis un second thème plus lyrique exposé au violon ; mais le mouvement est vraiment dominé par le premier thème qui lui confère une allure d’épopée. DARIUS MILHAUD (1892-1974) : Scaramouche Ses amis du Groupe des six (constitué aussi de Georges Auric, Francis Poulenc, Germaine Tailleferre, Arthur Honegger, et Louis Durey) le décrivaient comme un compositeur dont « les poches débordaient de musique ». Il est l’un des compositeurs les plus prolifiques de l’histoire de la musique. Son style, mélange de lyrisme et de gaieté, emprunte beaucoup aux musiques folkloriques et au jazz. il utilise fréquemment la polyrythmie et la polytonalité. Scaramouche est une suite en trois mouvements d'après une musique de scène composée pour Le Médecin volant de Molière. La version pour deux pianos fut créée à Paris pour l’exposition universelle de 1937, alors que la version originale pour saxophone et orchestre ne fut créée qu’en juin 1940. Brazileira en est le dernier mouvement, le plus connu, dont nous présentons ce soir une transcription intégrant tous les instrumentistes présents. LA GUITARE Francisco Tárrega (1852-1909) est considéré comme le père de la guitare classique au 20 ème siècle. Alors que le Capricho arabe fait entendre une mélodie qui paraît familière, sa pièce Recuerdo de l’Alhambra est un véritable tube de la guitare, comme d’ailleurs l’Andaluza de Enrique Granados, transcription d’une des Danses espagnoles pour piano, de même que Asturias et Sevillas d’Isaac Albéniz, très connues également. Turina écrit relativement peu pour la guitare, et les deux belles pièces qui constituent son Hommage à Tarrega sont très appréciées des guitaristes. Joaquín Rodrigo (1901-1999), aveugle dès l’âge de 3 ans, très célèbre pour son Concerto d’Aranjuez, écrit une œuvre très importante, souvent à partir de thèmes populaires espagnols, dont une bonne partie pour la guitare ; l’Invocation et danse fut écrite en 1962 en hommage à Manuel de Falla. Luys de Narváez (vers 1500-1555) est un vihueliste et compositeur qui a travaillé de longues années pour Don Francisco de los Cobos à Valladolid, puis a été compositeur à la cour du futur Philippe II. En 1538 il publie un recueil de tablatures qui contient des exemples des premières variations de l’histoire de la musique ; nous entendons aujourd’hui la pièce la plus souvent jouée, avec un thème et 4 variations. Fernando Sor (1778-1839) laisse, outre sa Méthode pour guitare qui l’a rendu très populaire, une œuvre abondante pour l’instrument. Son admiration pour Mozart apparaît dans son Introduction et variations sur O cara armonia de la Flûte enchantée et dans d’autres transcriptions. Federico Moreno Torroba (1891-1982) compositeur et critique a composé, outre de nombreuses zarzuelas, une vingtaine de pièces pour guitare. ALBERTO GINASTERA (1916-1983) Né à Buenos Aires, établi en Suisse après 1970 car censuré par la Révolution argentine, il laisse une œuvre considérable, qui fait de lui l’un des plus importants compositeurs sud-américains du 20 ème siècle. Les 3 Danzas argentinas opus 2 de 1937 sont sa première œuvre pour piano, la plus connue et la plus jouée. La Danza del viejo boyero (Danse du vieux berger) nous fait entendre un piétinement rapide et quelque peu désespéré ; la Danza de la moza donosa (Danse de la charmante jeune fille) est une très belle mélodie tour à tour entraînante et nostalgique ; la Danza del gaucho matrero (Danse du gaucho rusé) est une pièce très virtuose et appréciée des pianistes qui termine le cycle dans une véritable furie rythmique. ASTOR PIAZZOLA (1921-1992) Né à Mar del Plata, passionné très jeune par Bach, il découvre le tango vers 16 ans et commence par jouer du bandonéon dans des orchestres. Il se met à étudier la composition avec Ginastera, puis avec Nadia Boulanger qui lui fait utiliser la musique populaire comme un inépuisable vivier d'idées, tout en l'enrichissant d'un langage évolué et contemporain, ce qui lui permettra de faire une extraordinaire carrière de bandonéoniste et de compositeur. Le Libertango (mot mélangeant libertad et tango, symbolisant le passage du tango classique au tango nuevo), publié en 1974, est devenu d’emblée une pièce célébrissime, réutilisée par de multiples artistes et ayant donné lieu à de nombreuses transcriptions. ENRIQUE GRANADOS (1867-1916) Après un premier prix de piano à Barcelone en 1883, il étudie la composition avec Charles Wilfrid de Bériot (le fils de la Malibran) à Paris, où il rencontre la dernière génération de compositeurs français : Fauré, Debussy, Ravel, Dukas… Avec Albéniz, de Falla, Turina et Rodrigo, il forme le quintette emblématique du renouveau de la musique espagnole à la fin du 19ème siècle, prônant le réveil d’une musique espagnole à la fois savante et enracinée, avec de nombreux emprunts rythmiques, mélodiques et harmoniques à la musique populaire. Durant sa brillante carrière de pianiste il a écrit de nombreuses œuvres pour piano, dans l’ensemble plus accessibles pianistiquement que les compositions d‘Albeniz, les Danses espagnoles faisant partie des plus jouées. Comme il n’a jamais écrit pour la guitare, nous entendons une transcription de la plus connue. JOAQUíN TURINA (1882-1949) Né à Séville il étudie la composition d’abord à Madrid puis à Paris avec Vincent d’Indy, où il rencontre Falla et les compositeurs français de l’époque. Il mènera ensuite en Espagne une carrière de compositeur, professeur et critique musical. Il laisse une œuvre abondante et souvent très belle, notamment dans le domaine de la musique de chambre (Trio n°2, Scène andalouse pour alto, piano et quatuor à cordes etc.). El poema de una sanluqueña opus 28, composé en 1923, décrit les états d’âme d’une habitante de Sanlúcar de Barrameda, déplorant que les jeunes gens épousent des jeunes filles d'ailleurs, condamnant les sanluqueñas à une triste et perpétuelle rêverie. L’œuvre est en quatre parties (ante del espejo, la cancion del lunar, alucinaciones, el rosario en la iglesia) dont on joue ce soir les trois premières. La première pièce (« dans le miroir ») évoque la mélancolie avant de conclure par un vibrant hymne à la beauté ; la seconde, la cancion del lunar, nous plonge dans un univers de poésie sensuelle, le lunar étant le grain de beauté, la mouche assassine… Le troisième, alucinaciones, nous fait passer progressivement du doute sombre à une lumière éclatante, teintée d’amertume peut-être. MANUEL DE FALLA (1876-1946) Le plus ascétique et le plus mal connu des compositeurs espagnols du XXème siècle n’a écrit que des chefs d’œuvre, passant des zarzuelas au drame lyrique de La vie brève (1904), aux festives musiques de ballet (L’amour sorcier, le Tricorne), puis aux déserts brûlés de la Fantaisie bétique pour piano et du Concerto pour clavecin. La Danse espagnole transcrite pour le violon par Kreisler est une pièce désormais célébrissime. ISAAC ALBÉNIZ (1860-1909) Albeniz fut d’abord un enfant prodige, presque une attraction de foire, puis un jeune virtuose du piano. Parvenu dès 1888 au sommet de sa renommée de pianiste, composant avec facilité un grand nombre de pièces d’intérêt pour le moins inégal, il entreprendra une lente métamorphose qui le conduira à la composition d’Iberia, une des réussites majeures de la littérature du piano, 12 pièces réparties en 4 livres. Le principe de base est de « faire de la musique à partir de matériaux nationaux », qui ne sont pas ici cités littéralement mais apparaissent comme de nombreux éléments au parfum de thèmes flamenco ou andalous. Presque toutes les pièces sont d’une extrême difficulté d’exécution. Selon Falla la suite rappelle une époque à jamais disparue dont elle montre la véhémence et la mélancolie. Situé entre les célèbres pièces du troisième livre et les deux chefs d’œuvre de la fin, Malaga est le morceau le moins connu du cycle, faisant entendre des thèmes admirables sur un rythme monotone de croches. La sonorité, étrange au début, dans un registre grave et sombre, s‘éclaircit petit à petit, le ton se faisant de plus en plus passionné. Jerez, le morceau le plus long d’Iberia, est aussi le plus nocturne et envoûtant. Il commence sur une mélodie calme sur un mode phrygien (mode obtenu en montant la gamme à partir de mi : mi fa sol la si do ré mi) habituel dans la musique espagnole, accompagnée d’accords. La musique s’anime bientôt, et le duende, charme mystérieux du flamenco, remarquablement décrit par Garcia Lorca (http://www.editionsallia.com/files/pdf_158_file.pdf), ne tarde pas à apparaître. La coda, surnaturelle, ouvre la porte d’un monde merveilleux. Après le long nocturne de Jerez, la fiesta d’Eritaña apporte un saisissant contraste. Si différents en apparence, les deux morceaux se rapportent peut-être à deux faces opposées du flamenco ? C’est avec cette pièce pleine de verve et de fantaisie qu’Albéniz conclut Iberia dans la joie, aux accords et aux rythmes de sevillanas. Reprenons ici les termes de Vladimir Jankélévitch : « En vérité il est difficile de déterminer ce qui est le plus essentiel chez Albéniz : le pianissimo surnaturel de la dernière page de Jerez ou le fortissimo éclatant d’Eritaña (…) La joie toute matinale de cette Eritaña, qui est l’auberge des rires et des chants, se cachait dans le sublime pianissimo de Jerez : elle attendait l’aurore… Après avoir longtemps vécu dans l’intimité d’Iberia, le pianiste ne sait plus en définitive de quel côté est son cœur : du côté d’Eritaña, c’est à dire de l’allégresse, ou du côté de Jerez, dont la voix est si douce, si profonde et si belle qu’on en a les larmes aux yeux ». ANNEXE ONDINE « ... Je croyais entendre Une vague harmonie enchanter mon sommeil, Et près de moi s'épandre un murmure pareil Aux chants entrecoupés d'une voix triste et tendre. Ch. BRUGNOT. Les deux Génies. » « Écoute ! — Écoute ! — C’est moi, c’est Ondine qui frôle de ces gouttes d’eau les losanges sonores de ta fenêtre illuminée par les mornes rayons de la lune ; et voici, en robe de moire, la dame châtelaine qui contemple à son balcon la belle nuit étoilée et le beau lac endormi. « Chaque flot est un ondin qui nage dans le courant, chaque courant est un sentier qui serpente vers mon palais, et mon palais est bâti fluide, au fond du lac, dans le triangle du feu, de la terre et de l’air. « Écoute ! — Écoute ! — Mon père bat l’eau coassante d’une branche d’aulne verte, et mes sœurs caressent de leurs bras d’écume les fraîches îles d’herbes, de nénuphars et de glaïeuls, ou se moquent du saule caduc et barbu qui pêche à la ligne ! » Sa chanson murmurée, elle me supplia de recevoir son anneau à mon doigt pour être l’époux d’une Ondine, et de visiter avec elle son palais pour être le roi des lacs. Et comme je lui répondais que j’aimais une mortelle, boudeuse et dépitée, elle pleura quelques larmes, poussa un éclat de rire, et s’évanouit en giboulées qui ruisselèrent blanches le long de mes vitraux bleus. LE GIBET Que vois-je remuer autour de ce Gibet ? Faust Ah ! ce que j’entends, serait-ce la bise nocturne qui glapit, ou le pendu qui pousse un soupir sur la fourche patibulaire ? / Serait-ce quelque grillon qui chante tapi dans la mousse et le lierre stérile dont par pitié se chausse le bois ? Serait-ce quelque mouche en chasse sonnant du cor autour de ces oreilles sourdes à la fanfare des hallali ? / Serait-ce quelque escarbot qui cueille en son vol inégal un cheveu sanglant à son crâne chauve ? / Ou bien serait-ce quelque araignée qui brode une demi-aune de mousseline pour cravate à ce col étranglé ? C’est la cloche qui tinte aux murs d’une ville, sous l’horizon, et la carcasse d’un pendu que rougit le soleil couchant. SCARBO Il regarda sous le lit, dans la cheminée, dans le bahut ; — personne. Il ne put comprendre par où il s’était introduit, par où il s’était évadé. Hoffmann. — Contes nocturnes. Oh ! que de fois je l’ai entendu et vu, Scarbo, lorsqu’à minuit la lune brille dans le ciel comme un écu d’argent sur une bannière d’azur semée d’abeilles d’or ! Que de fois j’ai entendu bourdonner son rire dans l’ombre de mon alcôve, et grincer son ongle sur la soie des courtines de mon lit ! Que de fois je l’ai vu descendre du plancher, pirouetter sur un pied et rouler par la chambre comme le fuseau tombé de la quenouille d’une sorcière ! Le croyais-je alors évanoui ? le nain grandissait entre la lune et moi comme le clocher d’une cathédrale gothique, un grelot d’or en branle à son bonnet pointu ! Mais bientôt son corps bleuissait, diaphane comme la cire d’une bougie, son visage blémissait comme la cire d’un lumignon, — et soudain il s’éteignait.