Programme - Musique au palais

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Programme - Musique au palais
7 ET 8 NOVEMBRE 2015
Programme
Sommaire
Samedi 7 novembre : Musique française
14H00 L’impressionnisme
16h00 L’Avant-garde musicale ou souffle un vent de liberté
18h00 La nouvelle musique française
Dimanche 8 novembre : Voyage en Espagne
15h00 La guitare, de la musique d'Espagne à la musique espagnole.
16h30 Le folklore : l’Andalousie et l’Argentine
18h00 L’Espagne romantique et moderne
Biographie des artistes
SAMEDI 7 N0VEMBRE 2015
Mus ique F ranç ais e
PREMIÈRE PARTIE
14H00 : l’Impressionnisme
RAVEL : Ma mère l’oye
Pavane de la Belle au bois dormant
Petit Poucet
Laideronnette, Impératrice des Pagodes
Les entretiens de la Belle et de la Bête
Le Jardin féérique
piano à 4 mains : Claire Rocher et Ariel Sirat
RAVEL : Jeux d’eau
piano : Claire Rocher
RAVEL : Sonatine
Modéré
Mouvement de Menuet
Animé
piano : Caroline Fauchet
RAVEL : Gaspard de la nuit
Ondine
Le gibet
Scarbo
piano : Jean‐Pierre Salmona
DEUXIÈME PARTIE
16h00 : l’Avant-garde musicale
où souffle un vent de liberté
FRANCK : Sonate pour violon et piano en la majeur
Allegretto ben moderato
Allegro
Recitativo-Fantasia (ben moderato)
Allegretto poco mosso
violon : Jean-Marc Kerisit
piano : Ariel Sirat
DEBUSSY : l’Isle Joyeuse
piano : Caroline Fauchet
DEBUSSY : Sonate pour violoncelle et piano en ré mineur
Prologue
Sérénade
Finale
violoncelle : Ewa Miecznikowska
piano : Pascal Roy
TROISIÈME PARTIE
18h00 : la nouvelle musique française
POULENC : Sonate pour flûte et piano en la majeur
Allegretto malinconico
Cantilena: Assez lent
Presto giocoso
flûte : Thierry Salmona
piano : Jean‐Pierre Salmona
FAURÉ : Quatuor pour piano n° 1 en do mineur, op.15
Allegro molto moderato
Scherzo : Allegro vivo
Adagio
Finale : Allegro molto
piano : Ariel Sirat
violon : Jean-Marc Kerisit
alto : Anna Sypniewska
violoncelle : Eric Moschetta
MILHAUD : Scaramouche
Brazileira
Ariel Sirat et ses amis.
DIMANCHE 8 N0VEMBRE 2015
Un voyage e n Es pagne
PREMIÈRE PARTIE
15h00 : de la musique d’Espagne
à la Musique espagnole
L A G U I TA R E , Yo r a m Z e r b i b
F. TARREGA : Recuerdo de la Alhambra
E. GRANADOS : Danza espagnola n°5 (Andaluza)
J.
TURINA : Hommage à Tarrega
Garrotin
Solerrares
L. DE NARVAEZ : Diferencias sobre « Guardame la vacas »
F. SOR : Introduction et Variations sur « La flûte
enchantée » de Mozart
J. RODRIGO : Invocation et danse
F. MORENO TORROBA : Madroños
F. TARREGA : Serenada (Capricho Arabe)
I. ALBENIZ : deux danses espagnoles
Asturias
Sevillas
DEUXIÈME
PARTIE
16h30 : le folklore espagnol
L’ A N D A L O U S I E
Atelier Flamenco Soledad Cuesta
chorégraphie : Soledad Cuesta
guitare et chant : Mariano Zamora
L’ A R G E N T I N E
GINASTERA : Trois danses argentines
Danza del viejo boyero
Danza de la mosa donosa
Danza del gaucho matrero
piano : Caroline Fauchet
Le Tango d’Agen : Tango Flamenco et Tango de roxanne
PIAZZOLA : Libertango
piano : Caroline Fauchet
violon : Jean-Marc Kerisit
TROISIÈME
PARTIE
18h00 : musique romantique
et moderne de l’Espagne
GRANADOS : Danza espagnola n°2 (Orientale)
piano : Caroline Fauchet
TURINA : El poema de una Sanluqueña
Ante el espejo
La canción del lunar
Alucinaciones
DE FALLA-KREISLER : Danse espagnole, de La vie brève
violon : Jean-Marc Kerisit
piano : Jean-Pierre Salmona
ALBENIZ : Iberia, 4ème cahier
Malaga
Jerez
Eritana
DE FALLA : Danse du feu
piano : Abel Sanchez Aguilera
LES ŒUVRES
MAURICE RAVEL (1875-1937)
Avec Debussy, il fut la figure la plus influente de la musique française à son époque.
Son œuvre est le fruit d'un héritage complexe s'étendant de Couperin et Rameau
jusqu'aux rythmes du jazz, et d'influences multiples dont celle, récurrente, de l’Espagne.
Reconnu comme un maître de l’orchestration et un artisan perfectionniste, il ne s'est
jamais départi d'une sensibilité et d'une expressivité qui lui firent évoquer dans son
œuvre à la fois « les jeux les plus subtils de l’intelligence » et « les épanchements les
plus secrets du cœur ».
Ma mère l’Oye
Ravel compose cette suite de cinq pièces en 1908 pour les enfants Jean et Marie
Godebski. Le titre évoque le recueil de contes de fées de Charles Perrault, Les Contes de
ma mère l’Oye (1697), mais Ravel s’inspire également de contes de la comtesse
d’Aulnoy (Laideronette) et de Mme Leprince de Beaumont (Entretiens de la Belle et de la
Bête), dont il fait parfois figurer des citations en introduction à sa musique : « Le
dessein d’évoquer dans ces pièces la poésie de l’enfance m’a naturellement conduit à
simplifier ma manière et à dépouiller mon écriture ». Il en tirera ultérieurement une
suite pour orchestre. Cette œuvre est créée par les deux enfants, âgés de six et dix ans,
le 20 avril 1910 à la salle Gaveau à Paris. La Pavane de la Belle au bois dormant qui
ouvre la suite est une pure merveille d’écriture, Ravel créant l’atmosphère de conte de
fées avec un minimum de notes, ce qui a rendu cette pièce particulièrement abordable
pour maints duos d’enfants. Le Petit Poucet figure le chemin de notre héros, qui va
même rencontrer un coucou. Laideronette Impératrice des Pagodes utilise bien sûr le
mode pentatonique sur les touches noires dans une pièce rapide dont la fin en accords
répétés sur les cinq sons révèle qu’il s’agissait en fait d’une gentille caricature au
second degré. Les entretiens de la Belle et de la Bête mettent clairement en scène la
mélodie aiguë de la Belle et les supplications puis la passion de la Bête avant la
métamorphose finale. Le Jardin féérique est une pièce difficile à jouer, il faut vraiment
conduire l’auditeur au long de ces lentes mélodies accompagnées de merveilleuses
successions harmoniques, qui se terminent dans la pleine lumière par de grands
glissandos tandis que retentissent des appels cuivrés.
Jeux d’eau
Les Jeux d’eau sont composés en 1901. Pianistiquement la filiation avec Liszt est
évidente (Au bord d’une source, Jeux d’eau à la villa d’Este). Ravel écrit lui-même :
« Les Jeux d’eau sont à l’origine de toutes les nouveautés pianistiques qu’on a voulu
remarquer dans mon œuvre. Cette œuvre, inspirée du bruit de l’eau et des sons
musicaux que font entendre les jets d’eau, les cascades et les ruisseaux, est fondée sur
deux motifs à la façon d’un premier temps de sonate, sans toutefois s'assujettir au plan
tonal classique » (Esquisse autobiographique, 1928). L’œuvre connut rapidement un
grand succès, auprès des pianistes par sa virtuosité, et auprès du public par son
caractère résolument impressionniste.
Sonatine
Commencée en 1903, terminée en 1905 et créée en 1906, l’œuvre fut appelée
Sonatine plutôt que Sonate probablement en raison de sa relative brièveté. Le premier
mouvement est de forme sonate, avec un premier thème inauguré par un intervalle de
quarte descendante, très mélodique, émergeant nettement de son accompagnement de
triples croches ; le second thème nous emmène plus loin dans une atmosphère de doux
mystère, puis survient un court développement qui mène à un point culminant
passionné. L’harmonie chassant une bonne part des graves produit une sonorité céleste,
à la fois ample et tendre. Le menuet qui suit, sans trio, distille de façon stylisée et
distanciée des harmonies rares et savoureuses. Le finale commence de façon
particulièrement « oxygénée », la quarte initiale du morceau est maintenant ascendante
et évoque des appels de cloches ; le second thème n’est autre que le thème principal du
premier mouvement ; puis Ravel nous entraîne dans un extraordinaire développement
alternant des moments nostalgiques et des bouffées exaltées, la réexposition se
terminant dans une éblouissante péroraison.
Gaspard de la nuit
Gaspard de la nuit, sous-titré Fantaisies à la manière de Rembrandt et de Callot, est
un recueil de courts poèmes en prose écrits par Aloysius Bertrand, qui fut publié à titre
posthume en 1842 par l'ami du poète, David d'Angers. Ravel compose en 1908 un
triptyque sur trois de ces poèmes (reproduits en annexe) dont il conserve les noms, et
qui sont cités dans la partition au début de chaque pièce. Ondine est l’histoire d'une
sirène enchanteresse qui invite un humain à visiter son domaine. Alors que les Jeux
d’eau évoquaient de l’eau en mouvement, Ravel écrit maintenant une formule nouvelle,
géniale et immobile, qui suggère à peine un discret clapotis sur lequel s’élève d’abord la
mélodie. L’Ondine se faisant de plus en plus insistante, les vagues augmentent peu à
peu d’amplitude puis survient la conclusion : « Et comme je lui répondais que j'aimais
une mortelle, boudeuse et dépitée, elle pleura quelques larmes, poussa un éclat de rire,
et s'évanouit en giboulées qui ruisselèrent blanches le long de mes vitraux bleus ». Dans
Le Gibet, Ravel crée une atmosphère hypnotique et sinistre en conservant pendant
cinquante-deux mesures une pédale de si bémol (répété cent cinquante-trois fois)
autour de laquelle se déploient de grands accords de neuvième. Scarbo, la pièce la plus
virtuose du recueil, met en scène le gnome facétieux, insaisissable, allégorie diabolique,
devenant chez Ravel parfois taquin et méchant, dans une spectaculaire pyrotechnie
pianistique.
CESAR FRANCK (1822-1890) : Sonate pour piano et violon
Cette magnifique sonate en la majeur, composée en 1886, est l’une des plus célèbres
du répertoire pour piano et violon. Elle constitue une sorte de résumé de la période
postromantique de la fin du 19ème siècle avant les profonds changements initiés par
Debussy et l’école de Vienne. C’est d’après Vincent d’Indy « le premier et le plus pur
modèle de l’emploi cyclique des thèmes dans la forme sonate ». Après un calme premier
mouvement, prologue qui expose deux thèmes tendrement mélodiques, l’allegro en ré
mineur, passionné et dramatique, est un morceau virtuose de forme sonate. Le troisième
mouvement reprend des motifs des mouvements précédents ; d’abord méditatif et
recueilli, il devient plus dramatique avant de se terminer dans le calme. Le Finale est un
rondo dont le thème principal est devenu très populaire et qui se termine dans une
liesse irrésistible.
CLAUDE DEBUSSY (1862-1918) :
Mauvais élève en classe d’harmonie et d’écriture au conservatoire, excellent pianiste
décidé à « faire oublier que le piano a des marteaux », Claude Debussy est un créateur
particulièrement original d'une musique où souffle le vent de la liberté. Son œuvre, dont
une grande partie est consacrée au piano, rejette tout académisme, tourne le dos à
l’harmonie classique et ne se réclame que de son goût personnel et de son oreille
extraordinaire, sans chercher à obéir à aucun système. Elle constitue l’une des grandes
révolutions du vingtième siècle, loin des recherches formelles de l’école de Vienne à la
même époque.
L’isle Joyeuse
Cette œuvre, publiée en 1904 en même temps que Masques, utilise largement la
gamme par tons entiers et consacre une nouvelle approche du piano par Debussy, déjà
esquissée dans les Estampes, et qui mènera aux Préludes. Il s’agit d’une marine dans
laquelle on a vu la liesse d’un embarquement pour Cythère selon Watteau (c’est à dire
ici pour Jersey, dans la joie, aux côtés d’Emma Bardac qui deviendra sa seconde
épouse). Au début, des trilles puis un thème pointé caractéristique, évocation de
sources et de vaguelettes, plantent le décor, puis l’œuvre se poursuit par un second
thème noté « un peu cédé. Molto rubato », et aussi « ondoyant et expressif », phrase
voluptueuse et balancée sur son accompagnement de quintolets. Après un assez long
développement survient une marche venant de loin, qui se rapproche en allant vers une
extraordinaire apothéose triomphale, où le piano agrège des harmonies éblouissantes en
prenant des sonorités cuivrées, avant l’exaspération finale du trille du début.
Sonate pour violoncelle et piano en ré mineur
Pendant la guerre de 14-18, Debussy entreprend la composition de six sonates qui
doivent selon lui symboliser le retour aux formes anciennes des classiques français. Cet
élan de patriotisme ne conduira finalement qu’à la composition de trois sonates, l’une
pour violoncelle, la seconde pour flûte, alto et harpe et la troisième pour violon, ces
sonates tournant le dos (comme les Etudes) à « l’impressionnisme musical »
habituellement évoqué à propos des Préludes. La sonate pour violoncelle composée en
juillet-août 2015, renoue dans son premier mouvement avec le climat verlainien de la
Suite Bergamasque (le titre pressenti était Pierrot fâché avec la lune). Le Prologue,
après une introduction rêveuse du piano, fait entendre une phrase improvisée suivie
d’un très beau thème exposé au violoncelle, évoquant les « divagations narcissiques
d’un Pierrot solitaire ». Le mouvement se poursuit par un court développement
animando avant de réexposer les deux thèmes. La Sérénade qui suit nous ramène dans
l’ambiance de la Sérénade interrompue et du Général Lavine des Préludes, mais le trait
de crayon est ici plus acéré, sans aucune concession à l’impressionnisme hispanisant. Le
violoncelle y est transformé en guitare, puis reprend son archet, le galant devenant
insistant puis plaintif. On sent la fin de la nuit dans les derniers octaves du piano
(pépiements d’oiseaux ?), alors que le Finale directement enchaîné nous convie
d’emblée à partager l’arrivée d’un gai matin ensoleillé.
FRANCIS POULENC (1899-1963) : Sonate pour flûte et piano
L’œuvre, ébauchée dès 1952 et publiée en 1957, aux thèmes immédiatement
reconnaissables, représente bien le style du compositeur ; le premier mouvement
(allegretto malincolico) commence par une mélodie alanguie, qui s'enhardit et se
modifie tout au long du mouvement, à peine interrompue par un épisode médian sans
contraste réel avec le thème principal ; le merveilleux 2 ème mouvement (cantilena, assez
lent) s'épanche doucement avec beaucoup de pudeur sur des harmonies sophistiquées
du piano qui donnent à la mélodie un ton à la fois rare et proche ; le 3 ème , rapide
(presto giocoso) est par contraste brillant et virtuose, essentiellement rythmique, avec
des intermèdes ralentis et une fin enlevée de comédie.
GABRIEL FAURÉ (1845-1924) : Premier quatuor avec piano opus 15
Achevé en 1883 cette œuvre magnifique, 2ème chef-d'œuvre de Fauré après la 1 ére
sonate pour violon, comporte quatre mouvements, d’abord un allegro de sonate à deux
thèmes, le premier volontaire et scandé à contretemps par des accords au piano qui
affirme d’emblée son rôle concertant. Le scherzo qui suit est à la fois humoristique et
virtuose, avec un trio plus lyrique. L’adagio est une page grave puis nostalgique d’une
profonde beauté. Le finale comporte un premier thème rythmique très énergique puis un
second thème plus lyrique exposé au violon ; mais le mouvement est vraiment dominé
par le premier thème qui lui confère une allure d’épopée.
DARIUS MILHAUD (1892-1974) : Scaramouche
Ses amis du Groupe des six (constitué aussi de Georges Auric, Francis Poulenc,
Germaine Tailleferre, Arthur Honegger, et Louis Durey) le décrivaient comme un
compositeur dont « les poches débordaient de musique ». Il est l’un des compositeurs
les plus prolifiques de l’histoire de la musique. Son style, mélange de lyrisme et de
gaieté, emprunte beaucoup aux musiques folkloriques et au jazz. il utilise fréquemment
la polyrythmie et la polytonalité. Scaramouche est une suite en trois mouvements
d'après une musique de scène composée pour Le Médecin volant de Molière. La version
pour deux pianos fut créée à Paris pour l’exposition universelle de 1937, alors que la
version originale pour saxophone et orchestre ne fut créée qu’en juin 1940. Brazileira
en est le dernier mouvement, le plus connu, dont nous présentons ce soir une
transcription intégrant tous les instrumentistes présents.
LA GUITARE
Francisco Tárrega (1852-1909) est considéré comme le père de la guitare classique
au 20 ème siècle. Alors que le Capricho arabe fait entendre une mélodie qui paraît
familière, sa pièce Recuerdo de l’Alhambra est un véritable tube de la guitare, comme
d’ailleurs l’Andaluza de Enrique Granados, transcription d’une des Danses espagnoles
pour piano, de même que Asturias et Sevillas d’Isaac Albéniz, très connues
également. Turina écrit relativement peu pour la guitare, et les deux belles pièces qui
constituent son Hommage à Tarrega sont très appréciées des guitaristes. Joaquín
Rodrigo (1901-1999), aveugle dès l’âge de 3 ans, très célèbre pour son Concerto
d’Aranjuez, écrit une œuvre très importante, souvent à partir de thèmes populaires
espagnols, dont une bonne partie pour la guitare ; l’Invocation et danse fut écrite en
1962 en hommage à Manuel de Falla.
Luys de Narváez (vers 1500-1555) est un vihueliste et compositeur qui a travaillé
de longues années pour Don Francisco de los Cobos à Valladolid, puis a été compositeur
à la cour du futur Philippe II. En 1538 il publie un recueil de tablatures qui contient des
exemples des premières variations de l’histoire de la musique ; nous entendons
aujourd’hui la pièce la plus souvent jouée, avec un thème et 4 variations. Fernando
Sor (1778-1839) laisse, outre sa Méthode pour guitare qui l’a rendu très populaire, une
œuvre abondante pour l’instrument. Son admiration pour Mozart apparaît dans son
Introduction et variations sur O cara armonia de la Flûte enchantée et dans d’autres
transcriptions. Federico Moreno Torroba (1891-1982) compositeur et critique a
composé, outre de nombreuses zarzuelas, une vingtaine de pièces pour guitare.
ALBERTO GINASTERA (1916-1983)
Né à Buenos Aires, établi en Suisse après 1970 car censuré par la Révolution
argentine, il laisse une œuvre considérable, qui fait de lui l’un des plus importants
compositeurs sud-américains du 20 ème siècle. Les 3 Danzas argentinas opus 2 de 1937
sont sa première œuvre pour piano, la plus connue et la plus jouée. La Danza del viejo
boyero (Danse du vieux berger) nous fait entendre un piétinement rapide et quelque
peu désespéré ; la Danza de la moza donosa (Danse de la charmante jeune fille) est une
très belle mélodie tour à tour entraînante et nostalgique ; la Danza del gaucho matrero
(Danse du gaucho rusé) est une pièce très virtuose et appréciée des pianistes qui
termine le cycle dans une véritable furie rythmique.
ASTOR PIAZZOLA (1921-1992)
Né à Mar del Plata, passionné très jeune par Bach, il découvre le tango vers 16 ans
et commence par jouer du bandonéon dans des orchestres. Il se met à étudier la
composition avec Ginastera, puis avec Nadia Boulanger qui lui fait utiliser la musique
populaire comme un inépuisable vivier d'idées, tout en l'enrichissant d'un langage
évolué et contemporain, ce qui lui permettra de faire une extraordinaire carrière de
bandonéoniste et de compositeur.
Le Libertango (mot mélangeant libertad et tango, symbolisant le passage du tango
classique au tango nuevo), publié en 1974, est devenu d’emblée une pièce célébrissime,
réutilisée par de multiples artistes et ayant donné lieu à de nombreuses transcriptions.
ENRIQUE GRANADOS (1867-1916)
Après un premier prix de piano à Barcelone en 1883, il étudie la composition avec
Charles Wilfrid de Bériot (le fils de la Malibran) à Paris, où il rencontre la dernière
génération de compositeurs français : Fauré, Debussy, Ravel, Dukas… Avec Albéniz, de
Falla, Turina et Rodrigo, il forme le quintette emblématique du renouveau de la musique
espagnole à la fin du 19ème siècle, prônant le réveil d’une musique espagnole à la fois
savante et enracinée, avec de nombreux emprunts rythmiques, mélodiques et
harmoniques à la musique populaire. Durant sa brillante carrière de pianiste il a écrit de
nombreuses œuvres pour piano, dans l’ensemble plus accessibles pianistiquement que
les compositions d‘Albeniz, les Danses espagnoles faisant partie des plus jouées. Comme
il n’a jamais écrit pour la guitare, nous entendons une transcription de la plus connue.
JOAQUíN TURINA (1882-1949)
Né à Séville il étudie la composition d’abord à Madrid puis à Paris avec Vincent
d’Indy, où il rencontre Falla et les compositeurs français de l’époque. Il mènera ensuite
en Espagne une carrière de compositeur, professeur et critique musical. Il laisse une
œuvre abondante et souvent très belle, notamment dans le domaine de la musique de
chambre (Trio n°2, Scène andalouse pour alto, piano et quatuor à cordes etc.). El
poema de una sanluqueña opus 28, composé en 1923, décrit les états d’âme d’une
habitante de Sanlúcar de Barrameda, déplorant que les jeunes gens épousent des
jeunes filles d'ailleurs, condamnant les sanluqueñas à une triste et perpétuelle rêverie.
L’œuvre est en quatre parties (ante del espejo, la cancion del lunar, alucinaciones, el
rosario en la iglesia) dont on joue ce soir les trois premières. La première pièce (« dans
le miroir ») évoque la mélancolie avant de conclure par un vibrant hymne à la beauté ;
la seconde, la cancion del lunar, nous plonge dans un univers de poésie sensuelle, le
lunar étant le grain de beauté, la mouche assassine… Le troisième, alucinaciones, nous
fait passer progressivement du doute sombre à une lumière éclatante, teintée
d’amertume peut-être.
MANUEL DE FALLA (1876-1946)
Le plus ascétique et le plus mal connu des compositeurs espagnols du XXème siècle
n’a écrit que des chefs d’œuvre, passant des zarzuelas au drame lyrique de La vie brève
(1904), aux festives musiques de ballet (L’amour sorcier, le Tricorne), puis aux déserts
brûlés de la Fantaisie bétique pour piano et du Concerto pour clavecin. La Danse
espagnole transcrite pour le violon par Kreisler est une pièce désormais célébrissime.
ISAAC ALBÉNIZ (1860-1909)
Albeniz fut d’abord un enfant prodige, presque une attraction de foire, puis un jeune
virtuose du piano. Parvenu dès 1888 au sommet de sa renommée de pianiste,
composant avec facilité un grand nombre de pièces d’intérêt pour le moins inégal, il
entreprendra une lente métamorphose qui le conduira à la composition d’Iberia, une des
réussites majeures de la littérature du piano, 12 pièces réparties en 4 livres. Le principe
de base est de « faire de la musique à partir de matériaux nationaux », qui ne sont pas
ici cités littéralement mais apparaissent comme de nombreux éléments au parfum de
thèmes flamenco ou andalous. Presque toutes les pièces sont d’une extrême difficulté
d’exécution. Selon Falla la suite rappelle une époque à jamais disparue dont elle montre
la véhémence et la mélancolie.
Situé entre les célèbres pièces du troisième livre et les deux chefs d’œuvre de la fin,
Malaga est le morceau le moins connu du cycle, faisant entendre des thèmes
admirables sur un rythme monotone de croches. La sonorité, étrange au début, dans un
registre grave et sombre, s‘éclaircit petit à petit, le ton se faisant de plus en plus
passionné. Jerez, le morceau le plus long d’Iberia, est aussi le plus nocturne et
envoûtant. Il commence sur une mélodie calme sur un mode phrygien (mode obtenu en
montant la gamme à partir de mi : mi fa sol la si do ré mi) habituel dans la musique
espagnole, accompagnée d’accords. La musique s’anime bientôt, et le duende, charme
mystérieux du flamenco, remarquablement décrit par Garcia Lorca (http://www.editionsallia.com/files/pdf_158_file.pdf), ne tarde pas à apparaître. La coda, surnaturelle, ouvre
la porte d’un monde merveilleux. Après le long nocturne de Jerez, la fiesta d’Eritaña
apporte un saisissant contraste. Si différents en apparence, les deux morceaux se
rapportent peut-être à deux faces opposées du flamenco ? C’est avec cette pièce pleine
de verve et de fantaisie qu’Albéniz conclut Iberia dans la joie, aux accords et aux
rythmes de sevillanas. Reprenons ici les termes de Vladimir Jankélévitch : « En vérité il
est difficile de déterminer ce qui est le plus essentiel chez Albéniz : le pianissimo
surnaturel de la dernière page de Jerez ou le fortissimo éclatant d’Eritaña (…) La joie
toute matinale de cette Eritaña, qui est l’auberge des rires et des chants, se cachait
dans le sublime pianissimo de Jerez : elle attendait l’aurore… Après avoir longtemps
vécu dans l’intimité d’Iberia, le pianiste ne sait plus en définitive de quel côté est son
cœur : du côté d’Eritaña, c’est à dire de l’allégresse, ou du côté de Jerez, dont la voix
est si douce, si profonde et si belle qu’on en a les larmes aux yeux ».
ANNEXE
ONDINE
« ... Je croyais entendre
Une vague harmonie enchanter mon sommeil,
Et près de moi s'épandre un murmure pareil
Aux chants entrecoupés d'une voix triste et tendre.
Ch. BRUGNOT. Les deux Génies. »
« Écoute ! — Écoute ! — C’est moi, c’est Ondine qui frôle de ces gouttes d’eau les
losanges sonores de ta fenêtre illuminée par les mornes rayons de la lune ; et voici, en
robe de moire, la dame châtelaine qui contemple à son balcon la belle nuit étoilée et le
beau lac endormi. « Chaque flot est un ondin qui nage dans le courant, chaque courant
est un sentier qui serpente vers mon palais, et mon palais est bâti fluide, au fond du
lac, dans le triangle du feu, de la terre et de l’air.
« Écoute ! — Écoute ! — Mon père bat l’eau coassante d’une branche d’aulne verte,
et mes sœurs caressent de leurs bras d’écume les fraîches îles d’herbes, de nénuphars
et de glaïeuls, ou se moquent du saule caduc et barbu qui pêche à la ligne ! »
Sa chanson murmurée, elle me supplia de recevoir son anneau à mon doigt pour être
l’époux d’une Ondine, et de visiter avec elle son palais pour être le roi des lacs.
Et comme je lui répondais que j’aimais une mortelle, boudeuse et dépitée, elle pleura
quelques larmes, poussa un éclat de rire, et s’évanouit en giboulées qui ruisselèrent
blanches le long de mes vitraux bleus.
LE GIBET
Que vois-je remuer autour de ce Gibet ?
Faust
Ah ! ce que j’entends, serait-ce la bise nocturne qui glapit, ou le pendu qui pousse
un soupir sur la fourche patibulaire ? / Serait-ce quelque grillon qui chante tapi dans la
mousse et le lierre stérile dont par pitié se chausse le bois ?
Serait-ce quelque mouche en chasse sonnant du cor autour de ces oreilles sourdes à
la fanfare des hallali ? / Serait-ce quelque escarbot qui cueille en son vol inégal un
cheveu sanglant à son crâne chauve ? / Ou bien serait-ce quelque araignée qui brode
une demi-aune de mousseline pour cravate à ce col étranglé ?
C’est la cloche qui tinte aux murs d’une ville, sous l’horizon, et la carcasse d’un
pendu que rougit le soleil couchant.
SCARBO
Il regarda sous le lit, dans la cheminée, dans le bahut ; —
personne. Il ne put comprendre par où il s’était introduit, par
où il s’était évadé.
Hoffmann. — Contes nocturnes.
Oh ! que de fois je l’ai entendu et vu, Scarbo, lorsqu’à minuit la lune brille dans le
ciel comme un écu d’argent sur une bannière d’azur semée d’abeilles d’or ! Que de fois
j’ai entendu bourdonner son rire dans l’ombre de mon alcôve, et grincer son ongle sur la
soie des courtines de mon lit ! Que de fois je l’ai vu descendre du plancher, pirouetter
sur un pied et rouler par la chambre comme le fuseau tombé de la quenouille d’une
sorcière !
Le croyais-je alors évanoui ? le nain grandissait entre la lune et moi comme le
clocher d’une cathédrale gothique, un grelot d’or en branle à son bonnet pointu !
Mais bientôt son corps bleuissait, diaphane comme la cire d’une bougie, son visage
blémissait comme la cire d’un lumignon, — et soudain il s’éteignait.