(JNRDM) 2001

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(JNRDM) 2001
Les challenges de l’intégration monolithique et hybride pour la photonique sur
silicium
Audrey Michard1,2, Jean-François Carpentier1, Pietro Maris Ferreira2
1
STMicroelectronics
850 rue Jean Monnet
38926 Crolles, France
2
GeePs, UMR CNRS 8507 ; Département de Systèmes Électroniques – CentraleSupélec
3 rue Joliot Curie
91192 Gif-sur-Yvette, France
E-mail : [email protected]
Résumé
Ce papier présente une revue des principales méthodes
d’intégration (monolithique, wire-bonding et flip-chip)
permettant d’assembler les puces électronique et photonique
d’un transceiver à base d’anneaux résonants. Les
applications de la photonique sur silicium visent en premier
lieu les liens datacenters, d’où la volonté d’augmenter le
débit des données échangées tout en s’assurant que le
transceiver respecte les standards actuels de packaging et de
consommation de puissance. Nous analysons ainsi pour
chacune des méthodes d’intégration sa qualité à partir de ces
éléments-clés. Nous montrons que l’intégration monolithique
conduit à de faibles impédances parasites mais est plus
difficilement adaptable avec des nœuds technologiques
réduits. Au contraire l’intégration par wire-bonding bénéficie
d’une grande flexibilité des procédés de fabrication et permet
donc l’optimisation séparée du PIC et de l’EIC. Enfin
l’intégration par flip-chip permet de combiner les avantages
précédents. Cet assemblage 3D se justifie également par la
réduction de l’empreinte des puces ainsi qu’un couplage
facilité des fibres optiques. Par conséquent l’intégration par
flip-chip réalise certainement le meilleur compromis en
matière d’optimisation des performances du transceiver.
1. Introduction
La photonique sur silicium est considérée comme une
technologie d’avenir critique pour les applications de
communications et de calcul à très haute vitesse. En
effet le débit de données échangées ne cesse
d’augmenter que ce soit au niveau de liaisons à grande
distance à travers le monde ou au sein des centres de
traitement de données. La photonique sur silicium
permet d’apporter des solutions à ces problématiques,
notamment car les liaisons optiques permettent de
dépasser les limites physiques des interconnexions
électriques.
Le développement de puces hybrides nécessite, entre
autres, de s’intéresser de près à l’intégration entre les
composants électroniques et photoniques car celle-ci
met en jeu des aspects prépondérants de la conception
d’un transceiver électro-optique tels que la facilité
d’implémentation des circuits, le contrôle des parasites,
le coût de fabrication, etc…
Plusieurs types d’intégrations sont rapportés dans
l’état de l’art. Par exemple certains travaux sont basés
sur l’intégration des matériaux III-V ce qui permet
d’intégrer des amplificateurs optiques [1], ou encore sur
l’intégration par TOV [2] (Through-Oxide-Vias) qui
présente des capacités d’interface très faibles par rapport
aux micro-bumps, plus classiquement utilisés.
Dans ce papier, nous développerons successivement
l’intégration monolithique, par wire-bonding et par flipchip. Dans chacun des cas, nous nous appuierons sur un
ou deux articles proposant la méthode en question afin
de comparer les performances obtenues. De plus nous
orienterons cet article sur la conception d’un
transmetteur à base d’anneaux résonants. En effet, les
exemples illustrés ici visent principalement des
applications pour les liens datacenters et le modulateur
en anneau constitue une bonne solution pour satisfaire
les standards actuels de ce domaine. Nous serons ainsi
particulièrement attentifs, dans cet article, aux moyens
envisagés pour respecter ces critères, à savoir un débit
de 25 Gb/s, une adaptation aux packagings existants et
une consommation la plus faible possible.
2. Intégration monolithique
L’intégration monolithique consiste à utiliser la
même puce pour les parties photoniques et électroniques
du transmetteur. Cette technique est mise en œuvre dans
les travaux de Buckwalter [3] et de Rosenberg [4].
Dans le premier papier [3], Buckwalter propose la
démonstration d’un transceiver en technologie SOI
(silicium-sur-isolant) 130nm. Le modulateur est
constitué par un anneau résonant, polarisé en inverse, le
principal intérêt souligné ici étant d’abaisser la
consommation de puissance. Quant au driver, celui-ci
est basé sur une structure push-pull auquel est ajouté un
module de pre-emphasis ce qui permet de compenser les
limitations des réponses électrique et optique de
l’anneau. Par conséquent le transmetteur peut supporter
des débits jusqu’à 25 Gb/s contre 15 Gb/s sans preemphasis. Ce papier constitue la première démonstration
d’un
transceiver
entièrement
intégré
dont
l’implémentation est illustrée sur la figure 1.
réservée à des procédés de fabrication anciens car
l’optimisation des composants optiques ne peut pas être
réalisée directement avec une technologie avancée. Le
passage à un nœud réduit demande soit de modifier le
procédé existant soit de compenser les pertes optiques
en optimisant le circuit électronique par l’utilisation de
composants plus perfectionnés, d’où un coût de
fabrication plus élevé.
3. Intégration par wire-bonding
Figure 1. Microphotographie de la puce du transceiver
optique à 25 Gb/s [3]
Dans le second article [4], Rosenberg présente
l’intégration monolithique d’un modulateur et de son
driver en technologie 90nm qui utilise le procédé CINP
(CMOS Integrated Nano-Photonics) de IBM. Une image
du transmetteur est donnée sur la figure 2 qui montre
également une vue agrandie du modulateur sur la droite.
Le design de celui-ci est basé sur un anneau afin de
réduire la consommation d’énergie mais aussi la surface
du transmetteur. Cependant la particularité de l’anneau
est qu’il intègre dans sa structure un interféromètre de
Mach-Zehnder (MZI) ce qui permet d’ajuster
indépendamment le coefficient de couplage et la
longueur d’onde de résonance de l’anneau. Associé à un
driver « doubleur de tension », ce modulateur réalise de
bonnes performances jusqu’à 25 Gb/s qui pourraient
être améliorées davantage en diminuant la taille de
l’anneau par exemple.
L’intégration par wire-bonding est incluse dans un
type plus général d’intégration qui est l’intégration
hybride. Ceci signifie que, contrairement à l’intégration
monolithique, ce procédé utilise deux plateformes
distinctes pour implémenter le circuit électronique (EIC)
et le circuit photonique (PIC). Dans le cas du wirebonding, les connexions entre l’EIC et le PIC sont
réalisées par des fils en cuivre ou en or.
Les travaux de Li [5] portent sur la conception d’un
transmetteur WDM (wavelength division modulation) à
5 canaux, chacun supportant un débit de 25 Gb/s. Le
modulateur se présente également sous la forme d’un
anneau résonant car grâce à sa taille compacte, il
constitue une solution économe en énergie. De plus, sa
réponse optique sélective en fréquence permet
d’effectuer facilement le multiplexage en longueur
d’onde. Le driver s’appuie sur une structure
différentielle à couplage capacitif afin de fournir au
modulateur une importante plage de tension de 4*Vdd.
Il intègre en outre un égaliseur « feed-forward » (FFE)
permettant d’appliquer du pre-emphasis asymétrique au
modulateur pour compenser ses non-linéarités optiques.
Figure 3. Assemblage prototype du transmetteur optique
[5]
Figure 2. Image au microscope du modulateur intégré
avec le driver [4]
Cette technique d’intégration est ainsi relativement
simple à mettre en œuvre car les connexions entre l’EIC
(electronic integrated circuit) et le PIC (photonic
integrated circuit) sont facilement maîtrisables ce qui
permet un bon contrôle des éléments parasites.
Cependant, l’intégration monolithique est souvent
L’intégration hybride illustrée à la figure 3 permet de
fabriquer les puces électroniques et photoniques dans
deux procédés distincts : la technologie 65 nm generalpurpose pour l’EIC et la technologie 130 nm SOI pour
le PIC ce qui rend cette technique très attractive car très
flexible pour optimiser indépendamment les composants
électroniques et optiques. Lors de l’implémentation, il a
néanmoins fallu prendre garde à aligner précisément les
pads des circuits électriques et optiques afin de contrôler
la longueur des fils de connexion. En effet l’intégration
par wire-bonding ajoute des éléments parasites au
design du transmetteur qui peuvent compromettre ses
performances. Cependant ces limitations ont été
maîtrisées et une consommation en énergie inférieure à
2,5 pJ/bit (incluant le driver uniquement) a pu être
observée pour ce dispositif.
L’intégration hybride présente l’avantage principal
de pouvoir concevoir sur mesure chaque dispositif
électronique ou photonique mais les coûts de fabrication
sont plus importants en raison des deux types de
procédés différents nécessaires pour optimiser l’EIC et
le PIC. En outre, la méthode par wire-bonding reste une
intégration 2D, donc relativement coûteuse en surface
par rapport à l’intégration 3D présentée dans le
paragraphe suivant.
modulateur la polarisation inverse d’excursion Vdd
tandis que l’étage anode étend cette plage de tension
vers la polarisation directe pour atteindre 1,5*Vdd.
Cette configuration permet d’augmenter sensiblement le
taux d’extinction du transmetteur jusqu’à 10 dB pour un
débit de 20 Gb/s. Les figures 5 et 6 présentent
successivement une image de la puce photonique qui
utilise une ligne de fabrication CMOS de 130nm, une
image de la puce électronique fabriquée dans une
technologie 40nm low-power, et enfin l’assemblage
hybride rattaché à un PCB et auquel sont connectées les
fibres optiques.
4. Intégration par flip-chip
L’intégration par flip-chip (« puce retournée ») est
aussi une intégration hybride qui permet de séparer le
design des puces électroniques et optiques. Elle présente
donc les mêmes avantages que l’intégration par wirebonding mais elle permet, de surcroît, de réduire
l’empreinte à une seule puce, d’où un package beaucoup
plus compact. Ceci constitue une des raisons avancées
par Chen dans le papier [6] pour justifier leurs efforts
pour passer d’une technique wire-bonding à flip-chip.
Les connexions entre puces sont réalisées le plus
couramment par des bumps ou des piliers en cuivre.
Ainsi les performances des transceivers à des débits
élevés peuvent être améliorées car les impédances
parasites sont réduites par rapport au wire-bonding.
L’article [7] publié par Hayakawa présente une
nouvelle configuration de transceiver électro-optique qui
adopte une structure en pont afin de réaliser l’intégration
hybride (voir figure 4). Cette structure permet
d’optimiser les interfaces entre l’EIC et le PIC d’une
part et entre l’EIC et le substrat d’autre part en
minimisant les distances et en veillant à utiliser la
technologie de bumps appropriée dans chaque cas : des
bumps C4 (Controlled Collapse Chip Connection) de
pitch 150 µm ou des micro-bumps C4 de pitch 50 µm.
Ainsi le transmetteur, un anneau résonant en polarisation
directe associé à un driver différentiel, peut conserver
une bonne intégrité des signaux et de la puissance à un
débit de 25 Gb/s . Cependant en adoptant ce type de
packaging, le design de chacun des composants sera
contraint afin de vérifier les dimensions imposées par la
structure.
Figure 4. Schéma de la structure en pont de l'intégration
par flip-chip [7]
Dans le papier [8], Rakowski propose la
démonstration d’un transceiver à quatre canaux, à base
d’anneaux résonants. Du côté du transmetteur, chaque
modulateur en anneau, de type déplétion de porteurs, est
connecté via l’intégration flip-chip à un driver
différentiel asymétrique. Celui-ci est constitué de deux
étages distincts pour moduler séparément l’anode et la
cathode de l’anneau : l’étage cathode fournit au
a)
b)
Figure 5. a) Image du PIC, b) Image de l'EIC [8]
Figure 6. Transceiver intégré par flip-chip [8]
L’intégration par flip-chip est certainement la plus
complexe à mettre en œuvre, cependant tout en étant très
flexible vis-à-vis des procédés de fabrication de l’EIC et
du PIC, elle permet d’atténuer les parasites et ainsi de
maximiser les performances du transceiver. De plus, elle
facilite l’assemblage des fibres optiques qui n’ont plus
besoin d’être forcément couplées verticalement.
5. Conclusion
Nous avons présenté trois méthodes d’intégration à
travers plusieurs démonstrations issues de l’état de l’art.
Leurs performances sont comparées dans le tableau
récapitulatif ci-après (Table 1). L’architecture des
drivers et des modulateurs étant différente d’une
publication à l’autre, il semble difficile d’établir un
critère unique permettant de juger la qualité de
l’intégration des transmetteurs. Cependant, sur la base
de ces cinq publications, nous pouvons constater que
l’intégration hybride permet de réduire la consommation
de puissance par rapport à l’intégration monolithique.
En outre, l’intégration par flip-chip paraît plus adaptée
pour minimiser la surface des puces et ainsi vérifier les
contraintes imposées par le packaging
Les challenges de l’intégration sont multiples et
nécessitent qu’on s’y attarde afin de concevoir le
transceiver le plus optimisé possible que ce soit en
termes de coût de fabrication, de compacité du
packaging ou d’intégrité des signaux modulés.
L’évolution des technologies vise aujourd’hui à
diminuer la longueur des interconnexions ainsi que le
pitch entre les pads afin de réduire les parasites associés
et par conséquent améliorer l’efficacité des transceivers
électro-optiques.
Les applications de la photonique sur silicium
ambitionnent d’augmenter le débit des données tout en
respectant des contraintes de surface et d’efficacité, ce qui
fait de l’intégration un enjeu majeur pour cette
technologie.
Références
[1] N. Dupuis, B. G. Lee, J. E. Proesel, A. Rylyakov, R.
Rimolo-Donadio, C. W. Baks, A. Ardey, C. L. Schow, A.
Ramaswamy, J. E. Roth, R. S. Guzzon, B. Koch, D. K.
Sparacin, and G. A. Fish, “30-Gb/s Optical Link
Combining Heterogeneously Integrated III-V/Si Photonics
With 32-nm CMOS Circuits,” J. Light. Technol., vol. 33,
no. 3, pp. 657–662, 2015.
[2] E. Timurdogan, Z. Su, K. Settaluri, S. Lin, S. Moazeni, C.
Sun, G. Leake, D. D. Coolbaugh, B. R. Moss, M. Moresco,
V. Stojanovi, and M. R. Watts, “An Ultra Low Power 3D
Integrated Intra-Chip Silicon Electronic-Photonic Link,” in
Optical Fiber Communication Conference and Exposition,
2015, pp. 7–9.
[3] J. F. Buckwalter, X. Zheng, G. Li, K. Raj, and A. V.
Krishnamoorthy, “A monolithic 25-Gb/s transceiver with
photonic ring modulators and ge detectors in a 130-nm
Publication
Méthode d’intégration
Débit
Surface
EIC - TX
Nœud CMOS
Excursion de tension
Énergie consommée
(driver uniquement) *
PIC
Mode de l’anneau
Dimension de l’anneau
Efficacité de modulation
Taux d’extinction
CMOS SOI process,” IEEE J. Solid-State Circuits, vol. 47,
no. 6, pp. 1309–1322, 2012.
[4] J. C. Rosenberg, W. M. J. Green, J. Proesel, S. Assefa, D. M.
Gill, T. Barwicz, S. M. Shank, C. Reinholm, M. Khater, E.
Kiewra, S. Kamlapurkar, and Y. a. Vlasov, “A monolithic
microring transmitter in 90 nm SOI CMOS technology,” in
IEEE Photonics Conference, IPC, 2013, pp. 223–224.
[5] H. Li, Z. Xuan, A. Titriku, C. Li, K. Yu, B. Wang, A. Shafik,
N. Qi, Y. Liu, R. Ding, T. Baehr-Jones, M. Fiorentino, M.
Hochberg, S. Palermo, and P. Y. Chiang, “A 25 Gb/s, 4.4
V-Swing, AC-Coupled Ring Modulator-Based WDM
Transmitter with Wavelength Stabilization in 65 nm
CMOS,” IEEE J. Solid-State Circuits, vol. 50, no. 12, 2015.
[6] C. Chen, C. Li, A. Shafik, M. Fiorentino, P. Chiang, S.
Palermo, and R. Beausoleil, “A WDM Silicon Photonic
Transmitter based on Carrier- Injection Microring
Modulators,” in IEEE Optical Interconnects Conference,
2014, pp. 121–122.
[7] A. Hayakawa, M. Kibune, A. Toda, S. Tanaka, T.
Simoyama, Y. Chen, T. Akiyama, S. Okumura, T. Baba, T.
Akahoshi, S. Ueno, M. Kazunori, M. Imai, J. H. Jiang, P.
Thachile, T. Riad, S. Sekiguchi, S. Akiyama, Y. Tanaka, K.
Morito, D. Mizutani, T. Mori, T. Yamamoto, and H. Ebe,
“A 25 Gbps silicon photonic transmitter and receiver with a
bridge structure for CPU interconnects,” in Optical Fiber
Communication Conference, 2015, pp. 1–3.
[8] M. Rakowski, M. Pantouvaki, P. De Heyn, P. Verheyen, and
M. Ingels, “A 4×20Gb/s WDM Ring-Based Hybrid CMOS
Silicon Photonics Transceiver,” in IEEE International
Solid-State Circuits Conference, 2015, pp. 408–410.
[3]
Monolithique
25 Gb/s
~ 0,96 mm²
1 canal - TxRx
[4]
Monolithique
25 Gb/s
~ 1,4 mm²
1 canal - Tx
[5]
Wire-bonding
25 Gb/s
~ 5,3 mm²
5 canaux - Tx
[7]
3D flip-chip
25 Gb/s
~ 4 mm²
6 canaux - TxRx
[8]
3D flip-chip
20 Gb/s
~ 7,9 mm²
5 canaux - TxRx
130 nm SOI
2,4 Vpp + 0,6 V
pre-emphasis
90 nm CINP
65 nm GP
40 nm LP
3 Vpp
4,4 Vpp
28 nm
0,24 Vpp + 1 V
pre-emphasis
7,2 pJ/bit
5,5 pJ/bit
2,47 pJ/bit
2,9 pJ/bit
1,3 pJ/bit
Déplétion
Rayon de 7,5
µm
20 pm/V
6,5 dB
Déplétion
Section active
de 250 µm
~ 16 pm/V
3,5 dB
Déplétion
Rayon de 7,5
µm
28 pm/V
7 dB
Injection
Section active de
60 µm
~ 1 nm/V
11,6 dB
Déplétion
Rayon de 7,5
µm
35 pm/V
>7 dB
1,95 Vpp
*La consommation des receveurs entre en second ordre dans le bilan énergétique d’un transceiver donc nous pouvons nous limiter ici à la comparaison
des énergies des transmetteurs.
Table 1. Comparaison des performances