,Les caractéristiques et l`évolution de la consommation alimentaire
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,Les caractéristiques et l'évolution de la consommation alimentaire dans les villes africaines Conséquences pour la valorisation des produits vivriers Nicolas Bricas, CIRAD-SAR, Montpellier Introduction La présente communication est extraite d'un rapport pour le Programme spécial pour la recherche agricole en Afrique (SPAAR) sur "la valorisation des produits vivriers dans les pays d'Afrique humide et sub-humide l Elle présente les principaux résultats d'un travail de synthèse sur les caractéristiques de l'alimentation urbaine et de son évolution en Afrique humide et sub-humide. fI. Ce travail s'est appuyé d'une part sur une analyse comparée de diverses études de consommation alimentaire disponibles réalisées dans les pays de cette région. Il a d'autre part bénéficié des acquis de plusieurs travaux menés dans les pays africains par le CIRAD/SAR, au travers notamment de l'ATP "Pilotage par l'aval de l'innovation technologique dans les filières courtes", du "Programme régional de promotion des céréales locales au Sahel" (Procelos). 1 Dans le texte, la région d'Afrique humide et sub-humide (Guinée, Sierra Leone, Libéria, Côte d'Ivoire, Ghana, Togo, Bénin, Nigéria, Cameroun, Gabon, Congo, Zaïre, Centrafrique et Guinée équatoriale) est exprimée par le tenne générique: "La Région". 127 Dans une première partie sont brièvement identifiés les traits communs et la diversité de l'alimentation dans la région d'Afrique humide et sub-humide. Sur la base d'une analyse des bilans de disponibilité alimentaire sont dégagées, dans une deuxième partie, les tendances générales d'évolution de l'alimentation. Sur cette base, est notamment discutée la liaison entre dépendance alimentaire et urbanisation. Dans une troisième partie sont étudiées les caractéristiques de la demande alimentaire urbaine et ses conséquences pour la valorisation des produits 10caux.Cette analyse s'appuie sur quelques faits marquants des conditions de vie et de consomr:nation en ville, de l'évolution des modèles socio-culturels et sur le pouvoir d'achat LES TRAITS COMMUNS ET LA DIVERSITE DE L'ALIMENTATION DANS LA REGION Traits caractéristiques de la situation alimentaire de la Région Des potentialités vivrières élevées Définie par son contexte climatique, la région humide et sub-humide présente comme caractéristique majeure un environnement naturel globalement favorable à l'agriculture, donc à la production vivrière, au delà de la variété des écologies liée à la diminution de la pluviométrie du sud vers le nord. Ces potentialités vivrières élevées s'expriment par l'étendue de la gamme des cultures possibles et par des niveaux de productivité relativement élevés en comparaison de ceux des autres régions africaines: productivité du travail, avec les systèmes extensifs en milieu forestier doté de fortes disponibilités foncières, ou une productivité de la terre, avec les pratiques d'association culturale et les possibilités, en zone plus humide, de réaliser deux à trois cycles culturaux par an. Il en résulte pour une grande partie de la zone humide, où la pression démographique rurale n'est pas très forte, le dégagement d'excédents vivriers. A titre indicatif, l'étude SCET (1984) "Une image à long terme de l'Afrique au sud du Sahara" (en abrégé ILTA) a calculé la capacité de la production alimentaire nationale à nourrir la population non agricole. Ainsi, la production diminuée de l'autoconsommation des paysans permettrait de nourrir, d'un point de vue énergétique, entre 68 et 100 % des non-agricoles dans 8 des pays de la Région (Guinée, 128 Libéria, Ghana, Togo, Nigéria, Congo, Centrafrique et Guinée équatoriale), et plus de 100 % de cette population dans 5 pays (Sierra Leone, Côte d'Ivoire, Bénin, Cameroun, Zaïre). Seul le Gabon apparaît potentiellement loin d'assurer, par sa production, la demande des non-agricoles. (Cf annexe 1). Un autre facteur favorable est le caractère limité des aléas climatiques qui permet l'obtention d'une production vivrière régulière. Un marché alimentaire actif La Région se caractérise également par l'existence d'un marché alimentaire plus actif et mieux régulé que dans le Sahel et l'Afrique orientale. Cette situation tient à plusieurs facteurs: - Les marchés urbains sont développés en raison de l'urbanisation des pays, à la fois importante globalement 2, et marquée par une forte concentration dans quelques mégalopoles. Ces dernières, situées souvent sur la côte, sont bien reliées au marché international et donc facilement approvi~ionnées en produits importés. - La plupart des producteurs agricoles sont insérés de longue date dans l'économie marchande, les cultures d'exportation ayant connu une large diffusion depuis la période coloniale 3. Souvent attachés à élever leur revenu monétaire, les producteurs sont ainsi sensibles aux opportunités commerciales et se montrent alors actifs sur le marché alimentaire. Certains se positionnent aussi comme acheteurs en affectant une partie du revenu tiré des cultures d'exportation à l'enrichissement de leur alimentation. - Les infrastructures de desserte du milieu rural, développées pour l'écoulement des produits d'exportation, bénéficient au transport des produits vivriers, ceux-ci étant souvent associés aux produits 2 Rapport population urbaine/population totale 1982 en % Afrique Pays orientale SADCC 18,4 9,6 Source ILTA Sahel Est 19,2 Pays CILSS 22,2 At.OUest Afrique centrale côtière 35,1 37,5 Nlgéna 45,8 3 Valeur ajoutée par population rurale 1982 en $/hab. rural Sahel Pays Pays SADCC Cn..sS Est 84 82 66 Source Banoue Mondiale Afrique Afrique Orientale centrale 109 130 129 Nigéria 186 Af. Ouest côtière 223 d'exportation dans les systèmes de culture. Le drainage des produits vivriers vers les villes se trouve ainsi facilité. Conditions agro-climatiques, fort degré d'insertion au marché, niveau d'infrastructures de transport sont autant d'avantages qui donnent à la Région un fort potentiel pour satisfaire ses besoins alimentaires. Malgré ces atouts, la situation alimentaire reste fragile si l'on en croit les statistiques FAO qui relèvent pour les divers pays de la Région, à l'exception de la Côte d'Ivoire, du Cameroun et du Gabon, des disponibilités alimentaires significativement inférieures à 2400 calories/habitant/jour (cf annexe 2). La diversité de l'alimentation au sein de la Région La diversité des régimes alimentaires de base Les statistiques de disponibilités alimentaires par pays fournissent un premier aperçu de la diversité intra-régionale (cf annexe 3). Si leur fiabilité est parfois discutable, les différences de niveaux entre pays sont en revanche significatives. Elles mettent en évidence plusieurs faits importants: _ Une consommation croissante de tubercules et, à l'inverse, décroissante de céréales d'ouest en est. Congo, République centrafricaine et Zaïre se distinguent notamment par un régime largement basé sur un produit unique: le manioc. • Parmi les pays fortement consommateurs de céréales, on distingue ceux à base "riz" (Guinée, Sierra Leone et Libéria) et ceux à base "maïs - sorgho" (Togo, Bénin, Nigéria). A noter également le cas spécifique du nord-est de la Guinée où la céréale de base est le fonio. La limite d'une approche par les bilans nationaux tient évidemment aux importantes disparités de consommation internes aux pays. Ainsi, les pays du Golfe de Guinée, dont les régimes alimentaires apparaissent mixtes, sont en fait partagés entre une zone septentrionale (savane) à base "céréales" et une zone méridionale (forestière) à base "tubercules et plantain". Le découpage territorial, indépendant des réalités ethniques, cloisonne par ailleurs des zones "culturelles" au régime alimentaire homogène et contribue parfois à la diversité intra nationale; c'est le cas, par exemple, de la Côte d'Ivoire à la croisée de quatre grands groupes culturels. 130 Enfin le clivage ville-campagne doit être souligné. Les régimes alimentaires urbains sont davantage diversifiés; nous expliciterons ce point ultérieurement. La diversité des préparations et plats Si certains produits de base sont communs à nombre de pays de la Région, leur forme de consommation est souvent nettement différenciée. Cet aspect est important car les consommateurs sont généralement attachés à leur type de préparation habituel. Par exemple, pour le manioc, présent de la Guinée au Zaïre dans des proportions certes très inégales, on relève l'existence de préparations bien spécifiques: couscous (attiéké) en Côte d'Ivoire, semoule (gari) au Bénin et Nigéria, pâte au Cameroun, Gabon, Congo, etc. La différenciation des plats finaux consommés tient aussi à la diversité des sauces d'accompagnement. Au total, sur l'ensemble de la Région, une très importante variété d'ingrédients est utilisée qui révèle une grande richesse culinaire. Si certains d'entre eux sont communs à l'ensemble des zones, on note de sensibles différences des unes aux autres, en particulier pour les innombrables produits de cueillette. La structure générale des plats présente toutefois. une similitude dans l'ensemble de la Région avec, d'une part, le produit de base glucidique transfonné en bouillies, pâte ou couscous qui fournit les calories et, d'autre Part. la sauce, de grande importance, car elle constitue l'apport protéique. Les facteurs de la diversité Le facteur écologique est évidemment détenninant. Les conditions agro-climatiques modèlent les systèmes culturaux et, en corollaire, les habitudes alimentaires. La Région présente en effet des écologies différenciées, depuis la forêt équatoriale jusqu'à la savane soudanienne, voire, comme au Nord-Nigéria et au Nord-Cameroun, jusqu'à la zone sahélienne. La répartition des populations entre villes et campagnes constitue un autre facteur explicatif dans la mesure où régimes alimentaires urbains et ruraux se distinguent On trouve dans la Région une large gamme de taux d'urbanisation, avec aux extrêmes, la Sierra Leone (33 % de population urbaine estimée en 1990) et le Gabon (69 %) (cf annexe 4). Mais il faut aussi tenir compte des conditions historiques du développement des villes pour différencier celles issues d'une dynamique endogène et généralement bien articulées à leur environnement rural, de celles originellement comptoirs de l'économie 131 de traite avec les métropoles coloniales, fortement intégrées au marché international. La diversité des formes de transformation auxquelles correspondent des systèmes techniques spécifiques et la grande variété des préparations culinaires tiennent en premier lieu aux facteurs culturels. La multitude de groupes ethniques de la Région se traduit par autant de particularismes qui restent encore bien marqués en milieu urbain, quoique dans une moindre mesure qu'en milieu rural. Conclusion La présence de certains produits vivriers communs à plusieurs des pays permet d'envisager des opérations de recherche agro-alimentaire d'envergure régionale. Cette perspective est cependant limitée par la diversité des situations au sein de la Région et de chaque pays. Cette diversité constitue un facteur de richesse à valoriser compte tenu, en particulier, de la tendance générale d'évolution des styles alimentaires. LES TENDANCES GENERALES D'EVOLUTION DE L'ALIMENTATION Une tendance globale à la diversification de l'alimentation L'évolution des disponibilités alimentaires Une comparaison des bilans de disponibilités alimentaires nationaux (B.O.A.) des années 61-63 et 84-86 révèle des changements de structure de la consommation qui peuvent être interprétés comme une diversification (cf annexes 5 et 6). Si la prudence s'impose pour l'interprétation des évolutions en termes absolus, les évolutions en termes relatifs peuvent être considérées comme assez significatives: - Au niveau de la ration protéique, la plupart des pays connaissent une augmentation de la part des protéines d'origine animale, initialement faible. - Au niveau de la ration énergétique, on constate presque partout un accroissement de la part des céréales au détriment des tubercules, en particulier dans les pays au régime dominé par ces produits. Dans les pays plus céréaliers, la diversification de la relation calorique se manifeste par une alternance entre différentes céréales: riz, blé, mars, mil-sorgho. A noter également que le sucre et les huiles prennent une importance relative croissante. 132 Les différences ville/campagne Les tendances d'évolution de l'alimentation peuvent être plus finement appréhendées en examinant les différences des régimes urbains et ruraux. L'urbanisation croissante des pays constitue en effet le facteur principal de mutation des styles alimentaires. Cette comparaison met en évidence l'importance de la diversification en ville. Ce phénomène tient à la diversité ethnique et culturelle de la population urbaine qui favorise les échanges entre régimes alimentaires spécifiques d'origine rurale. Il tient également à la plus grande disponibilité de produits variés et à la plus grande liberté sociale qui favorisent l'expression de choix alimentaires individuels. Cette diversification s'opère à plusieurs niveaux: - De façon plus accentuée que ce que l'on observe au niveau national par les B.O.A., les enquêtes auprès des consommateurs montrent que la gamme des produits de base utilisés en ville s'élargit. Ce phénomène n'est pas seulement un effet d'une juxtaposition de ménages d'origines rurales différentes; l'alternance des produits de base se réalise au sein même des ménages. - De la même façon, la gamme des produits de sauce s'élargit, et certains nouveaux ingrédients viennent enrichir les plats. Le poisson frais, plus largement disponible dans les grandes villes côtières, la viande locale et importée, le lait reconstitué à partir de poudre importée, le sucre, les huiles raffinées, le bouillon cube, le concentré de tomate sont davantage utilisés. La plupart de ces produits trouvent une place souvent complémentaire dans les plats de type traditionnels. Ces derniers dominent encore largement les régimes urbains. - En parallèle, on observe le développement de la consommation de nouveaux produits et plats qui restaient exceptionnels en milieu rural ou même inconnus. Il s'agit notamment de préparations réservées jusqu'alors à certains groupes ethniques locaux et qui se diffusent plus largement. Par exemple, l'attiéké de manioc a conquis le marché abidjanais avant de s'étendre désormais à celui des villes de pays voisins. De même, le gari (semoule de manioc), jusqu'alors cantonné aux pays du Golfe de Guinée, commence une pénétration vers certaines villes d'Afrique centrale, plus habituées à consommer le manioc sous forme pâteuse (chikwangue, bâton). L'apparition de ces nouveaux produits et plats est aussi le fait de la diffusion de divers styles alimentaires non-africains, européens et asiatiques notamment. Le pain, les pâtes alimentaires, les nems vietnamiens, le chawarma et d'autres produits de l'est de la 133 Méditerranée, le couscous maghrébin, les ragoûts, l'omelette, les frites de pomme de terre, d'igname, de banane plantain, etc., en sont des exemples. Il faut noter ici que certains de ces produits sont désormais utilisés ou consommés au même titre que les plats traditionnels familiaux. Mais en règle générale, ils sont plutôt spécifiques de la petite restauration et de l'alimentation de rue ou de préparations plus individualisées au sein des ménages. - Ce dernier point constitue un niveau supplémentaire de diversification que l'on peut situer au niveau des modes de consommation: la prise de repas ou de snacks hors du domicile est devenue un phénomène majeur des styles alimentaires urbains. Dans la littérature, l'évolution de la consommation alimentaire urbaine est souvent expliquée par le supposé comportement mimétique des ménages urbains vis-à-vis de modèles importés des pays occidentaux. L'évolution globale, comme les analyses plus fines réalisées dans certaines villes (Requiers-Desjardins 1989, ou Odounfa 1985, pour Abidjan par exemple), tendent à fortement nuancer ces hypothèses. La recherche d'une diversification semble plus caractéristique du comportement des consommateurs urbains qu'une volonté d'imiter les modèles de consommation de pays industrialisés Ceci conduit, au plan micro-économique, à nuancer les analyses interprétant l'évolution des importations alimentaires en termes de dépendance irréversible. La liaison urbanisation/importations alimentaires L'accroissement des importations alimentaires dans la Région, comme dans l'ensemble de l'Afrique, depuis les années 1960, fait craindre à plusieurs observateurs une dépendance croissante et irréversible, en liaison avec l'urbanisation. Qu'en est-il plus précisément? Cette question est importante pour les perspectives de valorisation des productions vivrières. Mais son analyse détaillée ne peut être traitée ici, du fait de sa complexité. Nous en rappellerons donc seulement les grandes lignes, en référence notamment à deux études approfondies sur cette question: l'ouvrage de Hugon, Coussy et Sudrie (1991), et l'étude ILTA (SCET, 1984). 134 Les analyses macro-économiques et démographiques de la liaison D'après Hugon et al., l'accroissement des importations par tête jusqu'au début des années 1980 apparaît plus lié à des effets macro économiques et politiques qu'à des effets d'urbanisation (l'argumentaire de ces conclusions est exposé plus en détail en annexe 7). La mise en relation entre l'évolution des importations et divers indicateurs économiques ou démographiques montre que les variations d'importations sont bien mieux expliquées par les variations du PNB et par la volonté de certains états d'assurer leur sécurité alimentaire grâce aux importations que par l'accroissement de l'urbanisation. La crise et les chocs pétroliers des années 1970 entraînent des clivages entre les pays selon le jeu de ces différents effets. Ainsi sont contredites, à un niveau d'analyse macro-économique, les interprétations globales qui mettaient en avant le phénomène d'urbanisation comme devant conduire à une dépendance croissante et irréversible. L'étude n..TA va plus loin. Panant de nouvelles hypothèses de calcul démo-économiques, elle affirme que "les pays où la productivité par habitant primaire est relativement élevée. et qui assurent le mieux l'approvisionnement urbain, sont souvent des pays à taux d'urbanisation élevé. ce qui va dans le sens de la thèse selon laquelle une urbanisation bien conduite. qui est le reflet d'une croissance économique avec le développement, contribue plutôt qu'elle ne nuit à l'autosuffisance alimentaire enfavorisant localement la mutation des systèmes de production agricole et l'intensification." (SCET,1984). Les facteurs d'importation alimentaire Ces conclusions d'ordre macro-économique croisées avec les observations du comportement des ménages conduisent à une relecture du phénomène d'imponation. Dans la Région, les importations alimentaires concernent essentiellement quatre produits: le riz, le blé, la viande et les produits laitiers. Les facteurs qui influencent la consommation diffèrent suivant le produit: - Le riz. Dans les pays producteurs: Guinée, Sierra Leone, Libéria et Côte d'Ivoire, les importations de riz sont liées à l'insuffisance de la production nationale et jouent un rôle sécuritaire. La concurrence avec la production locale se sibJe aux niveaux des prix et de la qualité des produits. Dans les autres pays, cette céréale vient enrichir les régimes de base. Les relations avec les autres produits sont donc plus de complémentarité que de concurrence directe. Cela n'empêche pas que le riz vienne remplacer, en partie, 135 des produits de base majoritairement consommés: maïs dans les pays du Golfe de Guinée, manioc en Afrique centrale. _Le blé comme les produits laitiers peuvent être considérés, dans la Région, comme des produits de diversification. Leur consommation reste encore globalement circonscrite à des utilisations précises: pain et lait au petit déjeuner par exemple. _La viande. Ses importations sont liées soit à l'insuffisance de la production locale, cas de l'Afrique centrale, soit à un effet paupérisation. C'est en particulier le cas de la Côte d'Ivoire où les importations de viande de piètre qualité de la CEE (CAPA), à faible coût du fait du dopage des prix à l'exportation, permettent de maintenir une disponibilité du produit face à une population urbaine dont le pouvoir d'achat se réduit. Les pays sahéliens ont ainsi vu leurs marchés des pays côtiers se réduire face à cette concurrence. D'une façon générale. la viande apparaît aussi jouer un rôle de produit de diversification vis-à-vis du poisson. Pour la recherche, ceci signifie l'intérêt de consacrer des efforts à l'accompagnement de cette dynamique. Mais plutôt que de chercher à trouver des solutions permettant à court terme de mettre sur le marché des produits locaux de substitution directe aux produits importés, il apparaît nécessaire de viser, à plus long terme, l'activation d'une offre en produits plus diversifiés. Enfin, la tendance à la diversification conduit à dépasser une approche des questions de valorisation des produits limitée aux seuls produits de base. Si leur rôle macro-économique est effectivement important, une plus grande attention à la multitude des ingrédients de sauce s'avère nécessaire. Car c'est aussi pour valoriser ces produits que se mobilisent les opérateurs économiques et que la recherche peut largement contribuer à leur promotion. Ces éléments soulignent l'intérêt d'analyser le rôle et l'évolution des importations alimentaires au cas par cas. autrement dit. produit par produit et pays par pays. LES CARACTERISTIQUES DE LA DEMANDE ALIMENTAIRE URBAINE EN PRODUITS LOCAUX TRANSFORMES Conclusion L'évolution de la consommation dans la Région n'apparaît pas conduire à un accroissement irréversible de la dépendance alimentaire qui condamnerait, à terme, les produits vivriers locaux, en particulier en ville. Au contraire, l'urbanisation, dans bien des cas, stimule la production locale comme en témoigne l'importance que conservent le maïs, le manioc. l'igname, l'huile de palme et les légumes dans la consommation urbaine 4. Ce dynamisme des produits vivriers locaux se manifeste par les initiatives, notamment du secteur artisanal, pour mieux les adapter à la demande urbaine. Les analyses précédentes ont mis en évidence une tendance forte de l'évolution de la demande: la recherche d'une alimentation plus variée. Les produits locaux n'apparaissent pas condamnés à disparaître du fait d'un supposé mimétisme. Mais leur offre en milieu urbain semble encore souvent mal adaptée aux nouvelles conditions de la demande. Ce point mérite cependant d'être précisé. Dans la littérature disponible, essentiellement d'origine européenne ou américaine, les caractéristiques du marché urbain font en effet l'objet d'hypothèses simples, reflétant parfois une image ethnocentrique de la ville africaine. Quelques récents travaux montrent que les conditions de vie en ville, les modèles socio culturels et le pouvoir d'achat conduisent à des comportements spécifiques. L'attente des consommateurs urbains en matière de produits locaux transformés mérite de ce fait d'être nuancée. 4 Cameroun: Dépenses des ménages urbains pour quelques produits en FCFA/tête/an Yaounâé Douala Produits base blé Riz Produits du maïs 6342 7902 3397 3201 1702 Arachide Huile de palme Huile arachide 1777 0 4 136 Racines et 1 Plantain tubercules 9111 8912 5771 5284 D'une façon générale, les informations disponibles sur l'alimentation dans les villes africaines sont très insuffisantes. A partir d'études qualitatives ponctuelles et des expériences de quelques projets, on peut déjà cerner des caractéristiques communes du comportement des consommateurs urbains. Ceci ne doit pas empêcher de reconnaître que les villes de la Région présentent chacune des caractéristiques spécifiques et que les actions de recherche-développement agro alimentaire ne peuvent donc faire l'économie de sérieuses études de marketing. 137 Les conditions de vie et de consommation en ville. Un mode de vie transitionnel "La ville est un lieu de concentration humaine, un processus de densification et d'accélération des modes de vivre, d'habiter, de produire, d'échanger et de consommer" (Hugon, 1985). Elle conduit, de ce fait, à des modifications des rapports entre les personnes et leur alimentation. En milieu rural, celle-ci se caractérise par des relations de proximité à plusieurs niveaux: proximité des approvisionnements (via l'autoconsommation et les échanges locaux), de la transformation et de la préparation (opérations le plus souvent réalisées au sein du ménage) et de la consommation (concordance entre lieu d'activité, habitat et lieu de consommation). En ville, cette proximité est relati vement moindre et les rapports à l'alimentation se complexifient: accès aux produits par le marché, utilisation d'aliments déjà transformés, différenciation entre lieu d'activité, de résidence et de consommation. Si ces caractéristiques sont celles de toute ville du monde, la particularité de celles d'Afrique est cependant le moindre degré de rupture par rapport au mode de vie rural. A de multiples points de vue, on observe une certaine continuité entre campagne et ville. La proximité des rapports à l'alimentation est certes moindre en ville, mais reste beaucoup plus importante comparée aux villes industrielles occidentales ou d'Amérique latine: une partie non négligeable des approvisionnements est encore assurée par le biais de relations intra familiales campagne-ville ou par des productions agricoles intra ou péri-urbaines; les marchés de quartier conservent leur rôle d'espace de relations sociales où peuvent se tisser des liens entre vendeurs et clients dépassant le cadre de l'échange économique ~ le type d'habitat reste proche de celui du milieu rural et permet encore, dans bien des cas, des préparations alimentaires "traditionnelles" ; le travail et l'allocation du temps domestiques restent caractérisés par l'emploi de jeunes filles comme aides ménagères et la cuisine est toujours une activité très valorisée socialement et culturellement. Ce mode de vie urbain transitionnel ne permet pas d'affirmer que les caractéristiques de la demande alimentaire des villes africaines sont celles, bien connues, des métropoles des autres continents. Plus concrètement, qu'est ce que cela signifie pour la valorisation des produits locaux destinés au marché urbain? 138 La recherche de produits plus pratiques d'utilisation Les nouvelles conditions d'habitat, d'allocation du temps et de perception des activités culinaires en ville tendent à orienter la demande vers des aliments plus pratiques d'utilisation. Le recours croissant à des produits présentant l'avantage de cuire plus vite est souvent présenté comme une des tendances majeures d'évolution de l'alimentation urbaine. Ce facteur apparaît jouer un rôle effectif dans le choix des produits de ménages restreints, où la femme exerce une activité hors de son domicile et ne peut employer une aide ménagère. En réalité, l'importance de ces ménages dans la population urbaine est limitée. Le facteur temps pour l'alimentation apparaît peu déterminant pour la grande masse des citadins et c'est plus souvent la pénibilité de certaines opérations (pilage, râpage, pressage, etc.) qui est mise en avant comme un facteur limitant de l'utilisation des produits locaux traditionnels. Nombre de ménagères exercent une activité à domicile et utilisent, y compris dans les familles à bas revenus, les services d'aides domestiques familiales pour la préparation des repas. Les opérations les plus pénibles sont confiées à des prestataires de services mécanisés, les préparations complémentaires, parfois longues (triage, tamisage, roulage, découpe, cuisson, ete.), sont encore effectuées à domicile. Certaines opérations difficilement réalisables en ville du fait de contraintes d'espace ou parce que leur réalisation prend plusieurs jours (rouissage du manioc, fumage, séchage sur grandes surfaces, ete.) sont désormais de plus en plus réalisées par des artisans ruraux. Pour certains aliments, la demande s'oriente ainsi vers des produits intermédiaires pouvant être utilisés dans la journée 5. Le développement de la petite restauration et de l'alimentation de rue L'extension horizontale des villes et l'éloignement entre quartiers résidentiels, populaires et quartiers d'activité économique conduit à un accroissement des consommations hors du domicile. Mais la clientèle des petits restaurants et des vendeuses de rue ne se limite pas aux. travailleurs éloignés de leur lieu de résidence. Elle est aussi le fait de la 5 L'enquête budget-consommation à Kinshasa en 1968 montre ainsi que 88 % des dépenses en manioc concernent des produits transformés (cossettes: 44 %, farine: 24 %, chikwangue: 20 %) (Houyoux, 1973). Au Cameroun en 1983-84, cette part des dépenses en manioc transformé (séché, farine, gari, "hâton") est de 55 % à Yaoundé et 74 % à Douala (EBC, 1983-84). A Kinshasa, 65 % du poisson est acheté sous forme transformée (fumé, séché, salé: 57 %, conserves: 8 %). 139 population vivant partiellement ou entièrement en dehors des structures familiales classiques: célibataires, travailleurs migrants temporaires vivant en groupes, jeunes ou moins jeunes cherchant à s'affranchir, au moins en partie, des contraintes communautaires (Bricas et Odeyé, 1985). La part du marché de ces structures non familiales de consommation est difficile à estimer du fait des méthodes d'enquête auprès des ménages classiquement utilisées et du caractère non déclaré et multiforme de ces structures. A Abidjan où l'EBC 1979 a pu cerner ce phénomène, la consommation hors domicile correspond en moyenne à 20 % des dépenses alimentaires des ménages (Requier-Desjardins, 1989). A Yaoundé et à Douala, ces dépenses représentent respectivement 13,2 % et 14,8 % du budget alimentaire (EBC 83-84). Au vu de ces trois exemples, on peut donc penser que ce phénomène est suffisamment important dans les villes de la Région pour que la recherche agro-alimentaire s'y investisse. Outre la part de marché importante que le secteur de la restauration et de l'alimentation de rue représente, son intérêt se situe également dans le fort potentiel d'innovation qu'il représente. C'est, en effet, par le biais de ces structures que se diffusent de nouveaux produits ou de nouveaux plats. Dans la restauration notamment, le caractère pratique d'utilisation des produits devient primordial. La recherche d'une réduction des coûts de préparation (consommation énergétique par exemple) est plus importante que dans les ménages domestiques. Il y a là ainsi tout un champ de recherche potentiel qui concerne l'amélioration des conditions techniques de transformation, l'amélioration de la qualité, la mise au point de nouveaux produits ou plats visant à diversifier l'offre en produits locaux. L'évolution des modèles socio~culturels L'évolution des modes de vie, telle que précédemment évoquée, est à mettre en rapport avec l'évolution des modèles socio-culturels. En ville ceux-ci peuvent être caractérisés par la recherche, en parallèle, d'un maintien et d'une actualisation de la culture d'origine, essentiellement encore rurale, et d'une insertion dans de nouveaux groupes sociaux plus urbains. Si l'on peut parler, là encore, de modèle de transition, quelles en sont les conséquences sur la consommation alimentaire? La qualité et son contrôle L'amélioration de la qualité est souvent avancée comme un axe primordial de la recherche sur la valorisation des produits vivriers tropicaux. L'intérêt de ce thème à la fois scientifique et pour le 140 développement est indéniable. De nombreux produits locaux bruts ou transformés présentent une qualité hygiénique insuffisante; leur hétérogénéité rend souvent difficile une mécanisation. D'une façon générale, le thème de la qualité reste très peu traité du fait d'une méconnaissance générale des procédés de transformation traditionnels et des critères précis de qualité perçus par les consommateurs. En l'absence de telles informations, l'hypothèse est souvent faite que la demande urbaine en Afrique présente les mêmes caractéristiques que celle des urbains des pays industrialisés: produits standardisés, stabilisés et présentant des garanties institutionnelles de qualité hygiénique. Ce modèle de qualité est sans doute une référence qu'on ne peut nier dans les villes africaines, notamment du fait de la diffusion de produits industriels. Mais la proximité encore importante des rapports à l'alimentation induit des comportements plus nuancés. Les expériences de lancement de produits traditionnels fabriqués industriellement ont, dans plusieurs cas, connu des difficultés liées à la difficile mise en confiance des ménagères. Ces difficultés sont d'autant plus grandes que le produit est vendu à un prix supérieur au coût de revient du produit similaire domestique ou du prix du produit artisanal. Pour ces deux derniers, la ménagère peut assurer, avec ses propres critères, le contrôle de la qualité, soit parce qu'eUe prépare elle-même le produit, soit parce qu'elle l'achète à une vendeuse à qui ene fait confiance. Ainsi au Bénin, la production artisanale d'aklui, sorte de granules de maïs, fait souvent l'objet d'un contrôle par les ménagères par des visites auprès des préparatrices-vendeuses pour s'assurer des bonnes conditions de travail. C'est notamment sur cette base que la clientèle se fidélise à des vendeuses (Alexandre, 1991). La confiance des consommateurs quant à la qualité des produits issus d'entreprises industrielles qu'ils ne peuvent approcher est donc parfois difficile à établir, surtout lorsque le produit concerné est fortement marqué culturellement. Ce phénomène est renforcé par deux autres faits: d'une part, face aux diverses variantes d'un produit traditionnel, l'industrie ne propose généralement qu'un produit standard; d'autre part, l'un des moyens pour les ménagères de contrôler la qualité d'un produit est d'en vérifier la fraîcheur. Or l'industrie, par ses contraintes de distribution, propose généralement un produit stabilisé, c'est-à-dire, le plus souvent, déshydraté et emballé hermétiquement Ces perceptions de la qualité contribuent à expliquer l'importance du secteur des artisans prestataires de services mécanisés pour diverses 141 opérations de transformation (mouture par exemple). En confiant à un tel artisan une matière première qu'elle a choisie, la ménagère assure elle-même le contrôle de la qualité de son produit et peut en spécifier la forme transformée qu'elle désire (granulométrie, type et degré de fermentation, ete.). Si ces différents facteurs freinent la diffusion de produits industriels, ceci ne signifie pas que ceux-ci n'ont aucun marché d'avenir. L'établissement de relations de confiance avec le secteur industriel pourrait être un processus long, et ce d'autant plus que cette confiance implique un coût supplémentaire pour le consommateur. Les formes de commensalité Comparées aux autres villes du monde, l'organisation sociale dans les villes africaines se caractérise par une moindre réduction de la taille des ménages. En continuité du modèle rural, les repas sont encore préparés pour un grand nombre de convives dont l'effectif précis est rarement connu à l'avance. Les plats sont ainsi servis sous une forme largement divisible. Cette norme traditionnelle, qui constitue l'un des supports de la vie communautaire, n'est pas facilement transgressée. Mais la ville permet plus de liberté sociale. Les comportements plus individuels de certains membres du ménage prennent la forme d'une consommation de produits ou plats spécifiques, parallèlement au repas communautaire: plats supplémentaires, notamment au repas du soir, grignotage dans la rue, voire prise de repas dans les restaurants populaires (exemple: petit déjeuner pris auprès de tabliers de rue). Ce processus conduit à une segmentation du marché en deux grands groupes de produits: d'une part, ceux qui permettent la préparation de plats abondants et largement divisibles, c'est-à-dire le plus souvent sous la forme d'une base glucidique associée à une sauce que l'on peut facilement répartir; d'autre part, les produits de consommation plus individualisée, généralement plus coûteux, mais dont l'achat fractionné autorise l'accès en fonction du budget propre à chacun. Le pouvoir d'achat La solvabilité du marché urbain Les revenus des ménages urbains apparaissent en général plus élevés en moyenne que ceux des ruraux, mais il est difficile d'estimer l'autoconsommation de ces derniers ainsi que les transferts familiam entre ville et campagne. Ceci ne doit pas cacher les fortes disparités de 142 niveaux de vie au sein de la population urbaine. La grande majorité des ménages ne dispose que d'un faible pouvoir d'achat et la part des dépenses alimentaires représente en moyenne plus de 50 % des dépenses totales. L'enquête budget-consommation (EBe) de Côte d'Ivoire de 1979 montre que le niveau de consommation calorique par tête d'habitant est en moyenne inférieur à Abidjan comparé à toutes les autres régions du pays: 1880 kgcal/j contre 2054 à 2273 selon les régions et 2104 pour l'ensemble du pays. Le niveau calorique des rations journalières par tête selon les dépenses totales des ménages d'Abidjan révèle qu'une part importante de la population ne parvient pas à un niveau de consommation suffisant (Requier-Desjardins, 1989). Pour Kinshasa, bien que les données soient plus anciennes (1968), cette situation est confirmée: seuls 13,5 % des ménages ont un niveau de dépenses mensuelles leur permettant d'avoir un régime alimentaire satisfaisant en terme énergétique (Houyoux, 1973). Cette situation de pauvreté de masse, conjuguée au maintien de relations de proximité à l'alimentation, tend à réduire le marché des aliments transformés qui incorporent une valeur ajoutée sous forme de stabilisation du produit dans le temps, de facilité d'utilisation, de garantie de qualité, etc. Si la tendance d'évolution oriente la demande vers de tels types de produits, peu nombreux sont encore les ménages urbains qui peuvent y accéder. Ceci est d'autant plus vrai que le secteur artisanal tend à répondre à cette évolution, mais à un coût minimum. Le mode de gestion du budget alimentaire Une autre caractéristique des revenus des ménages urbains mérite d'être signalée; elle concerne le mode de gestion de leur budget alimentaire. En continuité du modèle rural, celui-ci reste, en ville, divisé en deux: une partie, la "ration", est gérée par le chef de ménage et est utilisée pour l'achat, en demi-gros, de produits de base stockés au domicile. Lorsque l'homme est salarié, les achats ont lieu en fin de mois et peuvent être acquis à crédit. L'autre partie, la "dépense", est gérée par la ménagère pour l'achat, au détail et à paiement comptant, des ingrédients de sauce. Ce budget est, le plus souvent, fractionné et correspond aux dépenses quotidiennes. Selon le revenu global du ménage, la décision d'achat des produits sur la ration ou la dépense est variable. Ce mode de gestion a plusieurs conséquences sur les conditions de choix des aliments consommés. Selon les ménages, les produits ne sont donc pas acquis par la même personne ni par conséquent selon les mêmes critères de choix. Ainsi, selon que le produit est acheté sur la ration ou la dépense, son coût, 143 pour une même quantité finale, est différent: il revient plus cher lorsqu'il est acheté au micro-détail. Cela explique que pour les ménages pauvres ou ayant des revenus fractionnés, par exemple les non-salariés, le coût de revient de l'alimentation est plus élevé à consommation égale. Mais dans ce cas, la possibilité de varier les produits achetés est plus grande puisque les occasions d'achat sont plus fréquentes. Cela a des conséquences importantes sur le mode de conditionnement et de distribution de nouveaux produits transformés. Il est également utile de noter que ces caractéristiques conditionnent les modes de calcul des élasticités-prix et revenus pour l'établissement de prévisions de ventes selon diverses hypothèses. La présence de deux budgets alimentaires rend ainsi plus complexe le calcul d'élasticités croisées. D'une façon plus générale, ce mode de gestion permet de comprendre la faible élasticité-prix relative des produits de base. Les plats de type "base + sauce" autorisent en effet de multiples variantes de composition de sauce qui ne remettent pas en cause la nature même du plat. Cette souplesse et la grande capacité d'adaptation des compositions de plats aux variations de pouvoirs d'achat permettent de comprendre que le modèle "base + sauce" reste encore très majoritairement adopté par les ménages urbains. Pour le marché de masse, le choix de nouveaux produits transformés doit donc tenir compte de ce modèle. conséquences que nous avons évoquées précédemment. La baisse des ventes de produits alimentaires industriels dans certaines villes africaines comme Abidjan (cas de la bière par exemple) est sans doute un signe de ce phénomène. Face à cette évolution, le mode de régulation lié au modèle de plat dominant fait craindre une détérioration de la qualité de l'alimentation par un appauvrissement des sauces. C'est donc pour les ingrédients de sauce les plus coûteux et, donc souvent, les plus élaborés que la réduction du marché risque d'être la plus sensible. A contrario, cela signifie que la demande en produits frais ou peu transformés devrait continuer à s'accroître. Si la tendance à la diversification risque donc d'être contrariée par la baisse relative des revenus, il n'en reste pas moins que le développement des consommations hors domicile, la multiplication des activités artisanales de prestation de services ou de production d'aliments transformés ouvre un champ de recherche considérable bien que peu investi jusqu'à présent. Conclusion Bien que les caractéristiques de la demande alimentaire urbaine restent globalement mal connues, les premiers éléments dont on dispose contribuent largement à expliquer la spécificité du secteur agro alimentaire vivrier local. La faible représentation du secteur industriel dans ces filières et l'important développement d'un artisanat féminin décentralisé sont en effet liés à la faiblesse du pouvoir d'achat des consommateurs urbains et à la proximité des relations qu'ils entretiennent avec leur alimentation. L'importance relative de ces deux facteurs conduit à une segmentation du marché. Seule une faible proportion des consommateurs apparaissent pouvoir, ou vouloir accéder à des produits locaux transformés industriellement. La tendance générale d'évolution apparaît conduire à un accroissement de ce segment de marché. Toutefois, cette évolution devrait être lente, d'autant que l'accroissement du pouvoir d'achat urbain semble aujourd'hui ralenti, voire inversé. Sur ce dernier point, la réduction des activités salariées liée à la diminution des emplois dans les secteurs public et privé industriel, risque de conduire à un plus grand fractionnement des revenus avec les 144 145 Annexe 1 : La capacité de production nationale à nourrir la population non agricole Part de la pop. non primaire qui peut être nourrie par la prod.nationale diminuée de la consommation de la population primaire protéines Pays calories lipides taux. urb. (%) 64 Guinée 80 104 28 Sierra Leone 103 67 268 25 Liberia 68 20 197 32 Côte d'Ivoire 135 56 353 40 Ghana 77 64 87 40 Togo 82 62 107 28 Benin 112 80 265 38 Nigeria 97 86 108 46 Cameroun 113 105 199 35 Gabon 25 28 0 57 Congo 85 21 74 54 Zaïre 103 49 126 37 Centrafrique 98 73 120 37 Guinée équatoriale 77 5 72 36 Annexe 2 : Disponibilité énergétique d'origine alimentaire par habitant ( en calories/hab/j) 72-74 75-77 Bénin 2084 2089 Cameroun 2239 2422 Centrafrique 2278 2196 Congo 2254 2149 Gabon 1889 2345 Ghana 2195 2112 Guinée 1940 2250 Côte d'Ivoire 2331 2320 Libéria 2236 2312 Nigéria 2084 2171 Sierra Leone 1931 2010 Togo 2103 2037 Zaïre 2288 2240 Source: Bilans alimentaires FAO Source ILTA (SCET,1984) 1.1#'\ 147 78-80 2195 2395 2091 2209 2378 1984 2255 2549 2397 2287 2080 2185 2118 81-83 2134 2249 2036 2268 2413 1848 2244 2668 2373 2252 2012 2145 2124 84-86 2268 2270 1932 2332 2510 2122 2273 2654 2384 2235 1864 2127 2146 87-89 2274 2417 2008 2306 2473 2245 2204 2597 2404 2318 1841 2134 2084 Annexe 3 (suite) Annexe 3 : Disponibilités intérieures pour la consommation humaine en kg/habitant/an, 1984-1986 2Q() r ,- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - , Source,' Bilans alimentaires FAO '"r 150 CEREALES œ ,/= 100 160 60 100 o 50 CUlN SŒR UBE C-I CHAN TOGO BEN NlG CAl! CAB CONC CENTR ZAI 200, GUIN SIER LIBB C-I GHANTOGO BEN NIG CAl! GAB CONGCENTR ZAI MILLET ET SORGHO 150 100 200 ,----- 1 50 MAIS 150 Olnz+-_ 1 CUlN SŒR UBE 100 150 ... _ C-I CHAN TOGO BEN NlG CAli CAB CllNC CENTR Ul f-------------------------- ' i BLE 60 o 100 CUIN SlER LIBE C-I CHAN TOGO BEN NIC CAM CAB CONC CENTR Ut 60 0'-- CUIN SlER LlBE 148 C-I CHAN TOGO BEN 149 NIC CAli CAB CON<: CENTR ZAI Annexe 3 (suite) 1 150 1 Annexe 3 (suite) 20 1 .PLANTAIN 1 100 ARACHIDE 15 10 50 5 o CUIN SIER LIBE C-I CHAN TOGO BEN NIC CAM CAB CONe CENTR ZAI o 75 '1- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - , CUIN SII:R UBE 20 C-I CHAil TooO BEN NIC CAli CAB CONC CENTR ZAI 1 1 LEGUMES HUILES VEGETALES I~ 10 :l CUIN Sim L1BE C-I CHAN TOGO BEN NIC CAli CAB CONC CENTR ZAI o GUll! SlER LlBE C-I 1• 400 20 G~ TOGO BEN huile palme 0 NlG CAW: autres huiles GAB CONG CENTIl UI 1 .•. 1 RACINES ET TUBERCULES 1 SUCRE 300 15 200 100 o CUIN SIE!! LIBE Ç-] GRAN TOGO B!:N 1• manioc NIG 0 autree CAM CAB CONG C!:NTR ZAI 1 C\IJN SII:R UBE 150 c-r CHAIl TOGO BEN 151 NIC CAW: CAB CONC CEIITR ur ..... VI ë ~ !'l ... 0 ~ 0 0 ë ~ 13 ... ~ 0 0 Z !!l !!l G3 .., 5i... n Z Z Z !;) !!l !;) !;) ...ta .., n .L. .L. :x: ,..'-: "' ':x:"' ,..-: -lB § IV on 1,2 en Z ~ a è 8 0 > = = >< on 1,2 ,.. ~ ~ - 1'[ L' YI > --3 S n J:: n J:: :g 0; .... ''""' "'"- n ,.. ':x:,..-:"' Œ on (/) <: ...... > .... § (; 'c:"' 'c:"' c: '"' 'l:l 0 '" '-' > 1990' . VI W IlJuwee 7120 1~ierra Leone 4360 Llbéna 2700 ote d'IVOIre 12500 han a 15600 Ogo 3450 enln 4380 Nigéria 120000 amerou n 1200 .abon YO ongo 217 aïre 3900 entratri que 310 Region 22698 A.Sub-S ahara 152718 (1000 hab) 2000 2010 9480 6000 3900 18400 20900 4550 12200 7900 5700 27000 28000 6000 8000 227000 23700 ~ Populat ion urbaine 1990 2500 1460 l 150 6500 7700 1300 :>910 2430 1690(}0 66000 17000 5700 I {)I 1 L620 32 47 1370 545 76(J. 19400 43 6~ 1450 31835 433800 117580 716640 954000 204550 Taux Tx croissan ce moyen ~ d'urban isation annuel de pop. (]OOO hab) (%) urbaine (%) tr1 2000 2010 1990 2000 2\)1 \) ) 9110- 199U- 200U· '"P. 1990 2000 2010 Il> 4000 6200 42 35 51 5,24 4,81 4,48 f:? oP. $::: 2500 4000 42 33 51 5,94 5,53 ::l 4,81 37(X) 2100 43 54 65 6,72 6,21 ~ 5,83 ~ 11700 20000 52 64 74 fI,69 6,05 5,51 12200 ) 800 49 58 67 5,06 4,71 4,42 ~ 2200 3600 38 48 60 6,09 5,40 S,OS ~~2. 40ZlJ 6200 55 68 78 7,05 5,J6 4,43 -c.;g. v, 1090{J 0 161000 55 64 71 5,40 5,05 4,07 (J ::l 1050 16 800 49 62 71 6,84 6,30 ~ 4,111 0. -~ 94 () 1360 69 78 85 4,48 4,25 3,76 ........... 2330 3 800 63 \0 Il> 73 5,]4 5,45 81 5,01 32800 52000 50 60 ~ fl8 6,33 . 5,39 4,72 '-2450 4000 47 57 61 5,61 5,39 5,02 C 195740 284460 52 61 65 5,71 5,22 3,81 . ~ 34J 900 535000 39 48 5f1 5,72 5,27 4.511 o' a t:: ~ Populat ion totale = = ::l Source: ILTA (SCET,19 84) ~ .... 10 10 o ~ Annexe 5 : Evolution des disponibilités alimentaires en calories par personne et par jour (période 61-63 et 84-86) Annexe 5 (suite) (source Bilans alimentaires FAO) • Qreales ~ Racines OllUbercules lm! Sucre mil [llIIJ • Qreales mm § Sucre mm Au~ Huiles DISPONIBILITES EN CALORIES par jour et par personne Aulr<S ..... "." "." .... .... "." " ... St.llll 1• 154 CUCAUS B ..- "o. .... .... . .. " 111.&3 lIIllJ Huiles Racines Ollubercules J1"Ct'I~~~=DlT~~r lB "tmll3 ... .... .... "." ! 155 ..- "." Annexe 6 Evolution des disponibilités alimentaire en protéines par personne et par jour (période 61-63 et 84-86) (source: Bilans alimentaires FAO) • BE:Nlf; ~ Protéine< végélaies • Protéines animaJes ~ Protéines végélaies DISPONIBILITES EN PROTEINES Protéines animaJes Sif::RRA LEONE en grammes par jour et par personne fUmI:I' a: """'"1 ""'CrRl .. II_A a_" Annexe 6 (suite) "." "_81 CAKEROUto: "." a.a "." UBERIA "." COTE [TrVOIRE CONGO "'ri---------------~ . , r i- - - - - - - - - - - - - - - - - - , 'UI3 "-" "-" 11_ll..' "-" "." a.a CioU.,.;;, TIlCO "'1 i <:.lIH R[PUBU~U[ CEJ(jH#..FR[CA.!~t: "." 11_83 "." "_a "-" 156 157 "." Annexe 7 : L'analyse de la liaison entre dépendance alimentaire et urbanisation en Afrique sub-saharienne de l'étude Hugon, Coussy et Sudrie (1991). D'après Hugon et al., l'analy se de l'évolu tion des import ations s alimentaires en Afrique sub-saharienne fait apparaî tre trois grande période s: 1/ "La décennie soixante se caractérise par la covariation des trends de croissa nce de la richess e nationa le, de l'urban isation et des importations alimentaires. Toutefois, aux bonnes relations entre les taux de croissance du PIE et de l'urbanisation, s'oppose l'absence de liens entre la croissa nce des importations et celle de la popula tion t, urbaine. La ville apparaît comme un "pôle de croissance" exerçan un travail, du et capital du , services et biens des comme lieu de marché effet d'attraction sur le monde rural sans provoquer mécaniquement un accroissement des importations alimentaires". 2/ La crise et les chocs pétroliers de la décenn ie 70 marque nt une rupture par rapport à la période précédente. Ils entraînent des différences marqué es entre les pays. Le clivage oppose les pays pétrolie rs du le Golfe de Guinée aux autres. Le Congo, le Gabon, le Nigéria , nce croissa forte une sent connais d'Ivoire Côte la que Cameroun ainsi de leurs import ations liée à un effet richess e. Les autres pays la poursu ivent leurs importations par effet sécuritaire pour enrayer un t connaî Ghana Le taires. baisse des dispon ibilités alimen ralentissement net de ses importations ~ le zaïre et la RCA ne voient pas leur dépendance s'accroître. 3/ Depuis 1984, le contre-choc pétrolier a largem ent laminé les effets richesse repérables à la période précédente. La plupart des pays ont dû s'engag er dans des politiqu es d'ajuste ment et de stabilis ation. La recherche de l'équilibre à moyen terme de la balance des paieme nts passe, pour plusieurs pays, par la réduction de leurs importations. Là rs encore, des clivages apparaissent et permettent de distinguer plusieu groupes de pays; - Ceux qui ont dû ralentir leurs import ations par effet de paupér isation ; Côte d'Ivoire, Ghana, Togo, Nigéria ; - Ceux qui ont pu faire jouer l'effet sécurita ire et mainten ir un niveau d'importation permettant d'assurer une relative stabilité du disponible alimen taire: Cameroun, Congo, Gabon ; - Ceux qui ont pu réduire leur déficit par une sensibl e augmentation de la production alimen taire: Bénin. 158 Biblio graphi e AL1ER SIAL, CERED , MSA, 198, Nourrir les villes en Afrique sub saharienne, L'Hann attan, coll. Villes et Entreprises, Paris. ALEXA NDRE C., 1991, Les produi ts roulés à base de maïs au Bénin: environ nement de la mécani sation, FSA/U niversi té Nationale du Bénin, IRAT/CIRAD, Montpellier, 40 p. BANQ UE MONDIALE, 1989, Cameroon, Agricultural sector report, Washington. BANQ UE MOND IALE, 1989, Nigeria, Strategy for Agricultural Growth, Washington. 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