Les acteurs du boom économique de la TV chinoise : le câble et la
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Business School WORKING PAPER SERIES Working Paper 2014-381 Les acteurs du boom économique de la TV chinoise : le câble et la publicité Charlotte-Xiaotao Wang http://www.ipag.fr/fr/accueil/la-recherche/publications-WP.html IPAG Business School 184, Boulevard Saint-Germain 75006 Paris France IPAG working papers are circulated for discussion and comments only. They have not been peer-reviewed and may not be reproduced without permission of the authors. Les acteurs du boom économique de la TV chinoise : le câble et la publicité Charlotte-Xiaotao Wang Docteur en Sciences de l’Information et de la Communication IPAG Business School, Paris et Nice La télévision chinoise aujourd’hui, censure et propagande mises à part, ressemble aux autres télévisions du monde développé ou émergent. Les technologies employées y sont semblables. Les conceptions des programmes, tant qu’ils ne gênent pas le PCC, obéissent aux mêmes modes, aux mêmes engouements et s’abandonnent aux mêmes dérives qu’en Occident. Ces nouvelles caractéristiques de la télévision chinoise ont été en réalité façonnées lors de l’extraordinaire croissance qu’elle a connue de 1992 à 2004. Ce véritable boom, dû pour l’essentiel à l’introduction du câble et de la publicité, a alors profondément marqué le paysage audiovisuel chinois, et ce, sans doute pour encore de longues années. Pour toutes ces raisons, la télévision de « l’Empire du milieu » semble être un bon miroir de la société actuelle et de ses évolutions récentes. Elle illustre fort bien les contradictions de ce pays capitaliste dirigé par un parti communiste dont le slogan parle de lui-même : « Il est glorieux de s’enrichir ». Mais la télévision chinoise est aussi un outil : un outil de modernisation et partant, d’occidentalisation, d’une société qui s’est ouverte il y a peu à la mondialisation. Toutefois, il parait utile d’insister sur le fait que ce catalyseur de l’ouverture des esprits n’ait pas pu pour autant jusqu’à aujourd’hui jouer un rôle important en matière de changement de la politique politicienne sauf à continuer d’être un bon relais de l’idéologie gouvernementale. Contrôlée à tous les niveaux, la télévision paraît de ce fait devoir laisser à ce nouveau média qu’est l’Internet, le privilège de pouvoir aider à faire surgir une prise de conscience démocratique au sein des quelque 1,4 milliards d’individus qui constituent la population chinoise d’aujourd’hui. L’essor de la télévision par câble et la promotion d’une industrie de haute technologie Malgré les événements de Tian’an Men du 4 juin 1989, la Chine n’avait pas en réalité renoncé à l’ouverture et à la réforme économique. De 1990 à 1992, lorsque le socialisme s’effondra dans l’ex-URSS en décembre 1991, le PCC connut à nouveau des 1 rivalités entre ses factions avant que le pouvoir ne passe vraiment des mains de Deng Xiaoping dans celles d’une nouvelle génération de dirigeants. Cela se fit en octobre 1992 lors du XIVe Plénum du PCC pendant lequel Jiang Zemin fut élu Secrétaire général du Parti et de l’Armée. En mars 1993, il allait obtenir le titre de Président de l’Etat chinois lors du VIIIe Congrès national. Ce diplômé du département de mécanique à l’Université Jiaotong de Shanghai appartenait à la caste des technocrates qui avaient décidé de faire entrer la Chine dans la mondialisation et de faire des technologies les plus poussées le moteur essentiel de l’économie nationale. Grâce à la volonté réelle du régime de moderniser le secteur des télécommunications, la télévision câblée fut la technologie qui fut choisie en 1992 pour remplacer la télévision hertzienne dont la réception était souvent perturbée par les gratteciels qui poussaient ça et là dans la plupart des villes chinoises. La tâche de construire un réseau câblé national fut alors confiée au MRTC (ministère de la Radio et de la Télévision chinoise) qui avait installé la première station de télévision par câble à Pékin, en 1992. Une société sino-américaine CATV Services Corp., se créa dans la capitale dès 1993. Elle était le fruit d’une alliance entre une firme américaine qui fabriquait des câbles à Los Angeles, Coast CATV Supply et plusieurs opérateurs chinois dont la CCTV. Par la suite, une multitude de stations de télévision câblée allait se créer un peu partout en Chine : la Shandong Taian Cable TV Station en mai 1993, la Wuzhou Cable TV Station en octobre 1993, la Xinjiang Cable TV Station en mars 1994, etc.). Ces créations furent accompagnées d’une pénétration progressive d’investisseurs étrangers spécialisés dans le domaine des télécommunications tels qu’American Scientific Atlanta, General Instrument, Magnavox, Nexus et Echosphere qui avaient su, en multipliant leurs pressions de plus en plus insistantes, s’attirer les faveurs des gouvernements locaux. L’agence Xin Hua (Chine nouvelle) pouvait annoncer en 1993 l’existence de près de 200 à 300 stations de télévision câblée dont certaines, qui avaient été créées avant 1992 par les entreprises d’Etat, étaient en train de connaître des difficultés financières, puisque la publicité était interdite sur toutes les chaînes câblées par le règlement de février 1992. Le pouvoir politique avait par ailleurs décidé, au niveau de chaque ville, d’intégrer dans le réseau câblé municipal les petits circuits fermés de télévision par câble qui avaient été créés par des entreprises d’Etat. 2 Afin de rentabiliser les investissements nécessaires à l’installation et au maintien du réseau, on autorisa les opérateurs locaux à mettre en place un système d’abonnement à coût relativement faible (par exemple, 72 yuans par an à Pékin en 1992). Destinées uniquement à la rediffusion dans les premiers temps de leur création, ces chaînes programmèrent des fictions qui avaient déjà obtenu une bonne audience, ce qui leur permit d’attirer de nombreux téléspectateurs chinois dont on sait qu’ils étaient de gros consommateurs de téléfilms, de feuilletons, de séries, etc. De plus, la présence sur le réseau câblé des anciennes chaînes hertziennes déjà existantes et l’amélioration significative de leur réception furent un atout supplémentaire pour inciter le public à s’abonner. Dans le sud du pays, les téléspectateurs purent même recevoir sur le réseau câblé des chaînes étrangères (en provenance de Hongkong) auparavant indisponibles sans l’installation d’une petite parabole. En fait, ce système d’abonnement eut un tel succès que les chaînes câblées eurent plus de 40 millions d’abonnés, soit à peu près 200 millions de téléspectateurs dans 30 provinces chinoises et ce, dès la fin de 1995. Deux ans après, le nombre d’abonnés grimpait jusqu’à 70 millions pour plus de 700 stations de télévision par câble réparties dans tout le pays. Ainsi, c’est le câble qui aida à la massification de la télévision en ville. En 1997, le taux de couverture était déjà près de 88% de la population totale et on pouvait dénombrer 320 millions de postes de télévision pour près d’un milliard de téléspectateurs potentiels. Chiffres clés concernant la TV en 1976, 1983 et 1997 1976 1983 1997 Postes de télévision 6 millions 30 millions 320 millions Abonnés à la TV câblée 0 De 200 à 900 70 millions milles Réseaux d’ondes hertziennes 300 km 2 000 km 72 000 km Transponders satellitaires 0 0 22 Stations de TV pour la 600 2 000 60 000 retransmission sans fil Source : tableau réalisé par l’auteur à partir de données fournies par « China TV Rating Yearbook », 2007 Cependant, la cœxistence de réseaux de câble coaxial et de fibre optique posait un problème d’homogénéisation technique à l’échelle nationale, du fait de l’expansion trop rapide de la télévision câblée au niveau régional. C’est pourquoi le ministère de la Radio, de la Télévision et du Cinéma (le MRTC) promulgua en 1995 « La planification d’un 3 réseau audiovisuel national par câble » et « le projet général » dans lequel il était spécifié que construire des canaux de fibre optique (trunk lines) pour relier les réseaux existants au sein des localités, était la première tâche du MRTC dans le cadre du « Neuvième plan Quinquennal ». Jusqu’en 1997, on construisit cinq réseaux en cercle et cinq autres en ligne qui reliaient les provinces entre elles. Nom du réseau Le cercle Huabei Le cercle du nord Le cercle du sud Réseaux circulaires Nombre de Nombre de points de stations de relais retransmission 2260 km 6 21 3580 km 4 37 5191 km 8 49 4601 km 6 50 4266 km 5 42 Longueur en Km Station de transmission générale (STG Pékin)-Tianjin-Jinan-XuzhouZhengzhou-Shijiazhuang-STG Pékin STG Pékin- Tianjing-Jinan-XuzhouHefei-Wuhan-ZhengzhouShijiazhuang-STG Pékin Wuhan-Guangzhou-FuzhouHangzhou-Shanghai-Nanjing-HefeiWuhan Le cercle de Zhengzhou-Xi’an-Chengdu- l’ouest Chongqing-Wuhan-Zhengzhou Le cercle du Chengdu-Kunming-Nanning- sud-ouest Guiyang-Chongqing-Chengdu Source : tableau réalisé par l’auteur à partir de données fournies par « China TV Rating Yearbook », 2007 Nom du réseau Ligne Pékin Ligne ZheGan-Xiang Ligne Nord-est Réseaux en ligne Longueur en Km Nombre Nombre de de points stations de en relais retransmission STG Pékin-Pékin 30 km 2 Hangzhou-Nanchang-Changsha 1383 km 3 12 1635 km 4 16 STG Pékin-Shenyang-ChangchunHarbin Ligne Yue-Gui Guangzhou-Nanning 1018 km 2 11 Ligne Shi-Tai Shijiazhuang-Taiyuan 275 km 2 2 Source : tableau réalisé par l’auteur à partir de données fournies par « China TV Rating Yearbook », 2007 L’explosion de la télévision par câble en Chine fut également liée au développement du satellite. La mise en service de l’Asiasat 2 en 1995 et la numérisation 4 des signaux retransmis par satellite en 1996 avaient enfin offert les conditions techniques nécessaires au développement massif d’une télévision par satellite. Dans un premier temps, la CCTV fut l’unique chaîne nationale à tenter l’expérience d’avant-garde de la télévision par satellite. En novembre 1995, elle montait quatre chaînes satellitaires (dont seulement deux sur quatre étaient recevables sur le réseau câblé) dont trois étaient des chaînes thématiques codées (CCTV5-sport, CCTV6-cinéma, CCTV8divertissement) et une chaîne généraliste gratuite (CCTV7). Cette dernière regroupait les programmes qui avaient pour thèmes la jeunesse, le monde militaire, les sciences et l’agriculture, etc. En 1997, soit deux ans après leur création, ces quatre chaînes affichaient 18 millions d’abonnés dans le pays. Il faut toutefois noter que l’interactivité n’existait pas encore entre les abonnés et les opérateurs du fait de contraintes techniques. La circulation des données ne pouvait donc se faire qu’à sens unique. En même temps, la décision de diffuser ou non une chaîne satellitaire payante restait entre les mains des opérateurs locaux. C’est ainsi qu’en 1997, un Chinois abonné au câble dans un bourg ou un district recevait en moyenne 8 chaînes alors qu’un citadin avait au moins 15 chaînes à sa disposition. Dans la deuxième moitié des années 1990, le renouvellement technique et la massification de la télévision par satellite entraînèrent une augmentation significative du coût d’abonnement au câble. En 2000, les frais d’installation du câble chez un particulier variaient de 200 à 300 yuans selon les régions, sans compter le coût de l’abonnement mensuel qui lui, allait de 12 à 27 yuans. L’économie de marché appliquée à la télévision et la prise en compte de son importance économique Après le voyage symbolique de Deng Xiaoping dans le sud de la Chine, le PCC se donna l’objectif d’« Etablir en Chine l’économie socialiste de marché » lors du XIVe Congrès national en 1992. La croissance économique chinoise fut d’environ 12,8% cette même année puis allait dépasser 14% en 1993. Dans le domaine médiatique, la « Décision d’accélérer le développement du secteur tertiaire » publiée le 16 juin 1992 par le comité central du Bureau politique et le Bureau des Affaires gouvernementales, constitua le document stratégique sur lequel devait désormais s’appuyer le développement économique 5 chinois. La presse écrite, la radio, le cinéma et la télévision étaient considérés comme figurant parmi « les unités de travail d’intérêt public, les services du bien-être et les instances publiques » qui était classés dans le secteur tertiaire. Ils « durent spontanément emprunter le système de gestion aux entreprises afin de pouvoir s’autofinancer ». En d’autres termes, en restant officiellement organisme d’Etat, les médias furent obligés de se plier aux règles de l’économie de marché. Mais ils continuèrent de posséder l’exclusivité du droit d’exploitation dans le domaine de la communication, puisque l’Etat protégeait leur marché contre tout capital étranger – et même contre les capitaux chinois en provenance d’autres secteurs. A l’inverse, ces mêmes médias furent autorisés à investir dans d’autres domaines. Ainsi placée dans un environnement politique et économique devenu favorable à partir de 1992 à l’essor du secteur tertiaire, la télévision chinoise allait entamer un processus de modernisation et de privatisation. La modernisation du secteur de la télévision se manifesta d’abord par la vulgarisation des postes de télévision en couleur et dotés de télécommandes, en même temps que les chaînes de télévision étaient mises en situation de pouvoir renouveler leurs équipements techniques. Mais ce sont surtout les changements en matière de gestion du système audiovisuel qui marquèrent profondément l’histoire de la télévision chinoise pendant cette période. Taux de possession (%) par la population chinoise des trois types de téléviseurs en 1992, 1997 et 2002 120,0 96,4 100,0 73,7 80,0 60,0 58,2 57,3 57,1 41,8 Téléviseurs couleurs 35,7 40,0 Téléviseurs N&B Téléviseurs avec une télécommande 29,6 12,6 20,0 0,0 1992 1997 2002 Source: tableau établi par l'auteur à partir des données fournies par «The evolution of TV programmes within the course of TV and radio industrialization», 2007 6 La CCTV créa en premier lieu le « Département d’exploitation des affaires », en septembre 1992, puis appliqua peu après le « contrat forfaitaire » au Département de la production des feuilletions, à celui de la publicité et à celui des programmes économiques. Ils obtinrent tous le droit de conserver leurs bénéfices spécifiques à condition de laisser une somme forfaitaire à la disposition du financement général de la chaîne. Ces réformes eurent un succès immédiat, et suffisamment important pour que l’année même de l’application du contrat forfaitaire (1991), le chiffre d’affaires de la CCTV atteigne 570 millions de yuans, ce qui était largement supérieur aux 108 millions de yuans de l’année précédente. L’augmentation sensible des revenus de la CCTV poussa le MRTC à modifier sa gestion financière. Selon le plan financier étatique du MRTC fixé depuis 1991, la CCTV avait droit à une subvention annuelle de 4.5 millions de yuans pendant trois ans (de 1991 à 1993) avec l’obligation de remettre chaque année 100 millions de yuans au MRTC, somme équivalente à ses revenus de 1990. Dès 1993, l’Etat avait augmenté la somme due à 750 millions de yuans en réduisant, en revanche, la subvention annuelle à 3.4 millions de yuans pour les trois ans à venir (de 1994 à 1996). Au niveau régional, la rapidité de la privatisation du système télévisuel chinois différa d’un endroit à un autre selon le degré local d’ouverture économique et politique. Par rapport aux chaînes provinciales, les chaînes municipales furent généralement plus vite privatisées du fait que les cités étaient économiquement plus prospères et que les gouvernements municipaux avaient souvent plus d’autonomie politique que ceux du niveau provincial. D’ailleurs, les chaînes câblées et les nouvelles chaînes créées pour promouvoir les informations économiques après la mise en place de la politique de 1992 possédèrent dès leur naissance un système de fonctionnement à caractère commercial. A ce niveau, les exemples de Shanghai et de Canton furent particulièrement révélateurs. A Shanghai, Le BRTS (Bureau de la Radio et de la Télévision de Shanghai), sous la direction du gouvernement municipal, créa en 1992 la première entreprise audiovisuelle cotée en bourse, la Shanghai Oriental Pearl Corp. Ltd., qui réussit à collecter 574 millions de yuans sur le marché boursier. Neuf succursales furent ensuite créées pour investir dans de multiples domaines en particulier dans la construction de la plus haute tour de 7 communication audiovisuelle « Perle Orientale » (450m) (qui fut concrètement installée en 1994) et dans l’établissement en 1993 de la Télévision Orientale, qui était la seconde station de télévision municipale. La création de cette chaîne introduisit la concurrence dans le marché télévisuel local. Du recrutement des personnels à la gestion financière en passant par la production des programmes, la Télévision Orientale fut en effet une copie conforme des télévisions commerciales occidentales. Avec une programmation plus adaptée au goût du public, elle attira une audience comparable à celle de la Shanghai TV, soit plusieurs dizaines de millions de téléspectateurs. L’année même de sa naissance, elle réussit à réaliser un chiffre d’affaires de 123 millions de yuans. En 1994, ses revenus annuels dépassèrent les 200 millions de yuans. En comparaison avec Shanghai, Canton fut tout de même plus novatrice. La création du Canton Cable TV le 1er juin 1994 ne bénéficia d’aucune subvention gouvernementale. Elle adopta dès sa naissance un système privé de gestion commerciale et récupéra tous les droits que pouvait lui procurer la « Loi sur les entreprises ». Le 22 décembre 1994 était créée la Canton Economic TV qui n’avait pas de rang administratif. Son mode de fonctionnement était entièrement similaire à une entreprise commerciale, sous la seule contrainte de respecter les règlementations concernant les médias. En d’autres mots, l’Etat, tout en conservant son droit de censure, n’intervenait que dans les domaines qui relevaient du politique. De fait, la politique d’accélération du développement du secteur tertiaire fut une réussite immédiate, y compris dans le domaine médiatique. L’année même de la mise en place (1992) de cette politique, les médias purent procurer à l’Etat des revenus annuels qui étaient équivalents à au moins 85% des subventions qu’ils avaient reçues l’année précédente. Dès 1994, la contribution financière des médias à destination du Trésor chinois dépassa largement le montant des subventions étatiques qu’ils continuaient de recevoir. En 2001, l’aide financière de l’Etat put être complètement supprimée. Le rôle fondamental de la publicité Depuis le passage du secteur médiatique à la concurrence en 1992, les différents médias chinois n’avaient pas évolué de la même manière. Mais pour chacun d’entre eux, la 8 publicité joua un rôle d’autant plus fondamental qu’elle allait constituer la source essentielle de leurs revenus. La presse écrite continua d’être le support publicitaire majeur. Par ailleurs, on assista à une explosion des tabloïds régionaux du fait de la limitation des espaces publicitaires dans les grands journaux nationaux. Les magazines et journaux allaient également se développer grâce à l’introduction de la publicité. Mais, contrairement à la presse écrite, le cinéma eut beaucoup de difficultés à intégrer l’économie du marché puisque sa faible audience n’attirait pas assez les annonceurs publicitaires. L’économie du secteur cinématographique ne s’améliora en fait qu’à partir de 1996 avec l’introduction des péplums hollywoodiens. Parallèlement à l’augmentation des revenus des salles de cinéma, les producteurs de cinéma chinois essayèrent de trouver de nouveaux investisseurs publicitaires par le biais d’insertions dans leurs films de publicités implicites plus ou moins visibles. Mais le cinéma restait un média d’élite et peu important en matière économique. La radio, elle, fut gênée dans son essor par la concurrence tyrannique de la télévision. Une sorte de complémentarité d’audiences entre ces deux médias s’établit seulement à partir de la deuxième moitié des années 1990. Mais la part de marché publicitaire de la radio est restée encore aujourd’hui minoritaire. La télévision, quant à elle, allait connaître après 1992 un essor immédiat et fort de la publicité sur ses écrans avant que le taux de croissance de cette dernière ne ralentisse à partir de 2001. Dès 1992, les recettes publicitaires de la télévision dépassèrent celles de la presse écrite en atteignant le chiffre de quelque 2.05 milliards de yuans. En 1996, la télévision devenait le premier support publicitaire en Chine. Elle est demeurée aujourd’hui le média roi dans ce pays. 9 Evolution de la publicité à la télévision, à la radio et dans la presse écrite, de 1991 à 1998 (en millions de Yuans) 15000 TV PRESSE RADIO 10000 5000 0 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1001 2055 2944 4476 6498 9079 11441 13563 PRESSE 1062 1791 3955 5449 6850 8330 10209 11148 133 140 199 349 496 738 TV RADIO 873 1998 1057 Source : schéma établi par l’auteur à partir des données fournies dans Annuaire de la Radio et de la Télévision, 1999 L’évolution différente des médias chinois a été dépendante en effet dans une grande mesure du choix des annonceurs publicitaires. Faute d’agences spécialisées dans ce domaine, la sélection des supports publicitaires se fit souvent en fonction de la taille du média jusqu’au milieu des années 1990. C’est pourquoi la télévision et la presse écrite s’en sortirent mieux que le cinéma et la radio. Dans la même logique, la CCTV possédait une position très avantageuse au sein du marché publicitaire télévisé. Malgré les contraintes auxquelles elle devait obéir et qui limitaient le temps consacré à la publicité, son chiffre d’affaires publicitaire alla jusqu’à représenter entre un quart et un tiers de son chiffre d’affaires global, toutes chaînes chinoises confondues. En effet, la CCTV avait commencé à vendre aux enchères ses espaces publicitaires à partir de 1994, tant ils étaient convoités par les annonceurs. Une seule minute de publicité, placée entre « le Journal de 19h » et la météo se vendait déjà 360 millions de yuans en 1994. Cette minute magique représentait à elle seule un tiers des revenus publicitaires annuels de la Chaîne. En 1995, la CCTV vendit même cette minute d’or à 1.06 milliard de yuans, soit la moitié de ses revenus publicitaires. Derrière la CCTV, la Shanghai TV occupa la deuxième place dès 1993 avec 180 millions de yuans de chiffre d’affaires publicitaires. 10 Evolution du Chiffre d'Affaires publicitaire de la CCTV 1992-1997 (en millions de yuans) 4500 4173.64 4000 3510.08 3500 3000 2500 2000 2000 1500 1000 500 969.04 490.45 646.93 0 1992 1993 1994 1995 1996 1997 Source : schéma établi par l’auteur à partir des sources dans l’Annuaire de l’Association de Publicité en Chine, 2002 Si la CCTV, en tant qu’unique chaîne nationale, eut pratiquement le monopole du marché publicitaire télévisé à l’échelle du pays, ce marché publicitaire pouvait être réparti également à l’échelle des provinces du fait de l’existence d’un véritable protectionnisme régional. Les annonceurs dont la production provenait de provinces limitrophes se voyaient souvent refuser la diffusion de publicités dans les médias locaux. En bref, la concurrence publicitaire n’existait pas vraiment entre les chaînes provinciales (comme entre les chaînes municipales) à l’échelle d’une localité. Toutefois, dans les campagnes, le faible pouvoir d’achat des habitants ne pouvait laisser poindre qu’un début de concurrence entre la chaîne provinciale et les chaînes municipales de chaque province. Il est vrai que les télévisions régionales faisaient tout pour convaincre les annonceurs de ne pas s’adresser à la CCTV. Concernant le temps de diffusion des publicités à la télévision, le quota de 10% maximum du temps d’émission fut rarement respecté. La CCTV, par exemple, consacrait 18% de son temps de programmation à la publicité en 1992 alors que la chaîne économique à Wuhan Jianghai TV dépassait plus encore le quota avec 4h30 de diffusion publicitaire quotidienne. Le plus souvent, c’étaient les nouvelles chaînes d’informations économiques et les chaînes câblées qui respectaient le moins les quotas en matière de temps alloué à la publicité. En plus d’une diffusion trop importante de publicités explicites, l’arrivée de la publicité implicite dans les émissions fut un phénomène assez courant, plus 11 particulièrement dans les chaînes qui avaient officiellement reçu pour mission de « développer l’information économique pour les entreprises et les consommateurs ». On appelait « informations payantes » ces annonces intégrées dans les programmes informatifs sans mention explicite de leur nature publicitaire. Le mélange des informations payantes et des informations gratuites encouragea la corruption des journalistes qui pouvaient facilement faire passer une annonce publicitaire comme une information gratuite. Ce fut la raison pour laquelle le ministère de la Propagande et le Bureau d’Administration de la Presse promulguèrent, le 31 juillet 1993, la « Circulaire d’interdiction des ‘informations payantes’ afin de renforcer la construction de la morale professionnelle des journalistes», selon laquelle les journalistes et les éditeurs furent interdits d’activités publicitaires. Mais il fallut attendre la mise en application de la « Loi sur la publicité » , le 1er février 1995, pour que soit réellement codifiée la production de la publicité à la télévision, du moins sur le plan du droit. Le MRTC déclara formellement le 11 mai l’illégalité des informations payantes. Dans ce contexte déontologique et de réglementation de la publicité, le marché publicitaire se structura en réalité peu à peu avec la multiplication et la spécialisation des agences. Grâce au dynamisme économique des joint-ventures en Chine, qui confièrent souvent la promotion publicitaire de leurs produits aux agences de communication étrangères ou mixtes, ces dernières se développèrent rapidement et améliorèrent globalement le niveau de professionnalisation du métier. L’introduction de l’audimat en 1997 par l’agence publicitaire mixte SOFRES-CCTV fut de facto une révolution de type scientifique en matière d’analyse des audiences télévisuelles. Aujourd’hui, le marché publicitaire en Chine compte un grand nombre d’agences de communication chinoises et étrangères qui continuent d’emprunter le savoir-faire de l’Occident. La transformation des programmes La publicité étant devenue la principale ressource financière de la télévision, l’augmentation et la modification de l’audience qui s’en suivit provoqua parallèlement une modification du langage télévisé qui avait été profondément marqué jusqu’alors par la seule idéologie. Les téléspectateurs chinois, anciens récepteurs passifs de masse se dotèrent désormais d’une nouvelle identité en qualité de consommateurs publicitaires. Leurs choix en matière de programmes jouèrent un rôle prépondérant dans les nouvelles 12 programmations décidées par les chaînes de télévision. Motiver les journalistes à construire des programmes commerciaux aptes à satisfaire le goût du public devint alors l’enjeu principal pour la survie d’une chaîne dont l’organisation interne séparait souvent la diffusion, la production et la gestion. Mettre en commun la production et les services (la diffusion et la gestion) parut bon sinon nécessaire pour initier la réforme du management du système de production. Un exemple typique de cette réforme fut l’application du « contrat forfaitaire » de sorte de pouvoir créer le premier journal télévisé matinal en Chine « Une émission bien de chez nous » (« Dongfang Shikong »). Ce programme apparut en 1993 à l’issue d’un contrat signé par la CCTV et un employé M. Sun Yusheng, En effet, soigneusement choisi par le directeur général de la CCTV, le producteur d’« Une émission bien de chez nous », avait été lui-même fonctionnaire cadre de la CCTV. Selon ce contrat, le producteur de l’émission recevait en début d’année un budget forfaitaire avec obligation de rendre à la chaîne en fin d’année une somme fixe de ses bénéfices, le reste lui restant de droit. M. Sun Yusheng avait également en théorie liberté totale dans la gestion de la production. Sauf cas exceptionnel ou à l’occasion de grands évènements politiques et sociaux, le programme n’avait pas besoin d’être examiné avant l’émission par des personnes autres que le producteur lui-même. En revanche, il était le seul responsable du contenu de son programme et devait s’autocensurer pour éviter tout sujet sensible. Bref, l’information restait sous contrôle du PCC malgré la décentralisation du processus de censure. Grâce au contrat forfaitaire, « Une émission bien de chez nous » attira rapidement de nombreux annonceurs publicitaires attirés par l’audience considérable de ce programme, et ce malgré sa diffusion le matin en heure creuse. Avec quatre sous-rubriques (« Interviews de personnes célèbres », « Investigation à la une », « l’histoires de nos vies » « Focus »), ce programme fut émis dans un style tout à fait inhabituel. Les voix in, les interviews sur place, les commentaires des journalistes étaient des moyens rarement utilisés au sein des autres programmes d’information marqués, eux, le plus souvent par la langue de bois et le ton détaché du présentateur. Les thèmes couverts par l’émission traitaient des problèmes sociaux à travers la vie de personnes sans grande importance. Cela attira plus les téléspectateurs que les reportages des visites officielles et les comptes-rendus des réunions politique. La meilleure sous-rubrique de cette émission « Focus » dont la diffusion passa au prime-time en 1994 fut peu à peu une émission aussi importante que le « Journal de 19h » de la CCTV. Cette émission fut en réalité une telle réussite que les 13 chaînes régionales se dépêchèrent de créer des magazines d’information semblables qui recouraient le plus souvent à l’émotivité et aux effets sensationnels. « Focus » montre, s’il en était besoin, la volonté du gouvernement chinois de promouvoir le rôle des médias dans la vie politique et sociale des Chinois. De hauts dirigeants, tels Li Peng (ancien Premier ministre), Zhu Rongji (ancien Premier ministre), Wei Jianxing, Ding Guangen, avouaient en public leur attirance pour ce programme et l’intérêt qu’ils manifestaient pour les problèmes qu’il avait révélés. Certains d’entre eux avaient pu être réglés grâce à cette médiatisation. La CCTV, entièrement au service du gouvernement central, put court-circuiter, grâce à cette émission, les pouvoirs locaux qui étaient en bas de l’échelle politique. Néanmoins, la télévision chinoise dans son ensemble continua d’être politiquement aux ordres malgré les possibilités d’investigation qu’elle avait su s’approprier. Plus encore, l’application du contrat forfaitaire à plus grande échelle entraîna un renouvellement massif des programmes qui changèrent de nom et de forme. Les programmes éducatifs résistèrent mal à l’arrivée d’une multitude d’émission de variétés qui n’étaient que ludiques et peu porteuses de valeur éducative ou culturelle. Le public se mit à beaucoup apprécier également différentes formes de jeux, qui faisaient appel au sensationnel ou à l’humour. Ils étaient par ailleurs peu chers à produire. Concernant la fiction, qui occupait la plus grande place à la télévision chinoise, on nota à la fois la réduction progressive des séries télévisées étrangères dans les grandes chaînes nationales et régionales et le maintien de l’abondance des films piratés dans les petites chaînes de district. Lorsque les programmes étrangers se banalisèrent au fur et à mesure que le pays s’ouvrait, la production chinoise en la matière put augmenter sensiblement. Il est vrai que l’entrée de la télévision dans l’économie de marché avait fait naître de petites entreprises privées de production audiovisuelle – malgré leur statut officiellement illégal1. Ces sociétés, qui avaient été créées dans la plupart des cas par des employés de chaînes ou de studios cinématographiques, parce qu’ils réalisaient des coproductions pour un organisme officiel, obtenaient de ce fait plus facilement le Certificat provisoire de Production des Oeuvres Audiovisuelles. Ces organismes, en tant que coproducteurs, leur avaient fourni des minutes publicitaires en échange du droit de diffusion. Cette habitude datait de l’époque d’ouverture de 1978, lorsque survinrent les premières publicités d’origine étrangère. Avec le développement rapide de la publicité 1 Selon la loi chinoise de l’époque, seules les entreprises d’Etat avaient le droit de produire pour l’audiovisuel. Le gouvernement chinois n’autorisa qu’en 2001 l’investissement privé (chinois) en la matière. 14 télévisuelle, le prix du temps publicitaire s’envola, ce qui offrit aux producteurs la possibilité de faire d’énormes bénéfices. Mais, en tant que seuls investisseurs, ils devaient néanmoins prendre tous les risques financiers. Enfin, pour que le produit puisse passer à la télévision, il fallait subir la double censure du PCC qui examinait d’abord le scénario avant le tournage puis la version finale avant la distribution. Afin d’éviter tout genre de risques, les producteurs pratiquèrent volontairement une autocensure assez sévère. Etre politiquement correct et correspondre aux goûts du public furent les premières préoccupations des producteurs qui, il faut le dire, étaient bien moins intéressés par la qualité artistique et la valeur culturelle des oeuvres. La superficialité caractérisa alors globalement la production chinoise. Si, donc, la télévision avait été l’intermédiaire obligé pour l’ouverture du pays au monde de 1978 à 1992, sa fonction culturelle s’était réduite au cours du processus de privatisation du système de production. Dans le nouveau contexte privé de la production télévisuelle, l’Etat transforma sa stratégie communicationnelle, en ayant davantage recours aux techniques de persuasion douce. Un Pékinois à New York fut en effet un bon exemple démonstratif de la softpropagande. Coproduit par la CCTV, la BTV (Beijing Television) et le Centre d’Art de Productions Télévisuelles de Pékin, ce feuilleton fut la plus importante production de l’époque, avec un budget de $1.5 millions de dollars obtenu grâce à l’emprunt bancaire. Diffusé depuis novembre 1993, il aurait pu être censuré du fait de son thème d’autant plus sensible qu’il traitait de la vie des intellectuels chinois à l’étranger. La réalité était que le PCC, qui savait le désir de la plupart des Chinois de sortir du pays, avait à cœur de briser la fascination qu’exerçait l’Occident sur les esprits en montrant les désillusions de ceux qui s’étaient laissés aller à trop idéaliser l’Amérique. En un mot, les nouvelles structures des programmes de la télévision chinoise, au moment où elle intégrait l’économie de marché, laissaient coexister deux modèles télévisuels contradictoires : une paléo-télévision qui maintenait la volonté de participer à la formation de la société chinoise à travers des programmes contrôlés et une néo-télévision qui fonctionnait selon la seule logique marchande. Enfin, depuis le début des années 1990, la modification du langage télévisé en Chine s’est accompagnée d’un processus de multiplication des chaînes et des heures de programmes diffusés, ce qui a d’ailleurs incité les Chinois à regarder plus la télévision. Ainsi, le petit écran a consolidé sa place vespérale dans la vie nocturne du peuple, qui s’est laissé de plus en plus séduire par cette nouvelle culture du consumérisme, véhiculée par les médias. 15 Nombre de chaînes de 1992 à 2003 2500 2194 2124 2001 2002 2262 2000 1500 1000 644 848 755 983 1032 1065 1108 932 1995 1996 1997 1998 1999 1206 500 0 1992 1993 1994 2000 2003 Source: tableau établi par l'auteur à partir des données fournies par «The evolution of TV programmes within the course of TV and radio industrialization», 2007 Nombre d’heures de programmes diffusées par an, de 1996 à 2003 (en millions) 12 10,95 10,01 9,56 10 8 6 4 2,89 3,11 3,48 1996 1997 1998 3,98 4,34 1999 2000 2 0 2001 2002 2003 Source: tableau établi par l'auteur à partir des données fournies par «The evolution of TV programmes within the course of TV and radio industrialization», 2007 La naissance puis le renforcement de grands groupes audiovisuels Une multitude d’entreprises audiovisuelles ont été créées au cours du long processus d’entrée de la télévision dans l’économie de marché. Ce phénomène s’était accéléré dès la mise en place de la politique de la télévision à quatre niveaux en 1983. Toutes ces entreprises et ces organismes, qui ont été officiellement rattachés aux bureaux de l’audiovisuel de leur région, ont bénéficié en réalité d’une gestion assez libre et où les impératifs commerciaux étaient respectés. L’entrée de la Chine dans l’OMC en 2001 a fait craindre au gouvernement chinois de perdre le contrôle des médias si l’approfondissement de l’économie de marché s’accentuait trop dans ce secteur. Il est vrai que les capitaux étrangers avaient depuis longtemps cherché à le pénétrer. C’est pourquoi le gouvernement crut bon, à l’appui de mesures politiques de toute sorte, de regrouper les organismes et les entreprises audiovisuelles par région en les mettant sous la tutelle d’un seul groupe dont les dirigeants les plus élevés seraient des membres militants du PCC. 16 En 1998, le gouvernement central choisit Wuxi, une ville moyenne de la province du Jiangsu pour tester la valeur du regroupement des organismes audiovisuels par région. Le Bureau de la Radiodiffusion de Wuxi fusionna d’abord avec la Télévision de Wuxi et la Radio de Wuxi pour constituer le Groupe audiovisuel de Wuxi. Les anciennes chaînes câblées et hertziennes qui se concurrençaient entre elles à cause de la similitude de leurs programmes se rassemblèrent puis se regroupèrent selon une nouvelle thématique des programmes. Ainsi se constituèrent 6 nouvelles chaînes de télévision et 4 nouvelles chaînes de radio thématiques. Ces dernières partagèrent un service commun pour tout ce qui concernait la gestion administrative, financière, technique et la programmation. Ainsi, huit nouveaux centres furent créés sous la tutelle du Groupe Audiovisuel de Wuxi qui était par nature un organisme d’Etat. En revanche, le groupe put bénéficier également d’un fonctionnement à caractère commercial car il dirigeait aussi huit entreprises dont l’activité allait de la publicité à la production de films en passant par l’exploitation des réseaux et des équipements de télécommunication. C’est pourquoi le Groupe Audiovisuel de Wuxi connut 32% d’augmentation de son chiffre d’affaires, dont le montant s’éleva exactement à 185.8 millions de yuans lors de la première année de sa constitution en 1999. 17 Le Groupe Audiovisuel de la ville de Wuxi Centre de la Radio Centre de la gestion financière Centre télévisuel de programmes d’art et de sport Entreprise de la publicité audiovisuelle Centre de la Programmation Huit centres Centre du Service technique Centre télévisuel de programmes d’éducation Centre du réseau informatique Centre des programmes d’information télévisuelle Entreprise de production des équipements audiovisuels Entreprise du développement audiovisuel Entreprise de l’exploitation technique audiovisuelle Entreprise du service logistique de l’audiovisuel Huit Entreprise du réseau audiovisuel entreprises Entreprise de construction des projets audiovisuels Entreprise de la production des œuvres audiovisuelles 18 Cette première expérience de regroupement à Wuxi fut une telle réussite que le gouvernement central décida d’imposer ce type de réforme dans toutes les régions. Le 17 septembre 1999, le Bureau des Affaires d’Etat, le ministère industriel des Informations et le Bureau Général de la Radio, de la Télévision et du Cinéma signèrent ensemble une circulaire dans laquelle l’idée de constituer des groupes audiovisuels régionaux était officiellement inscrite. Par la suite, le document N°82, promulgué par le Bureau des Affaires d’Etat, devait préciser les trois réformes essentielles à entreprendre par les organismes audiovisuels régionaux. D’abord, cesser toute nouvelle construction de stations de télévision. Ensuite, pour ce qui concerne les chaînes, ne plus se mêler de l’exploitation des réseaux de transmission télévisuelle. De même, contenu et contenant devaient être séparés. Enfin, fusionner les chaînes de radio, les chaînes de télévision hertziennes et celles qui étaient câblées au nom du principe de l’unité provinciale. Le document N°82 démontra que la constitution de ces grands groupes médiatiques régionaux n’était pas une opération commerciale spontanée mais une décision politique en vue de planifier le développement audiovisuel. Le Groupe Audiovisuel du Hunan en fut un très bon exemple. On y notait la forte concentration des pouvoirs au sein du groupe dans la mesure où les chefs du bureau de la direction générale étaient en même temps des dirigeants du gouvernement local. Leur intervention directe dans les activités commerciales des entreprises succursales du groupe, empêcha la libre concurrence entre les différents opérateurs des médias locaux. C’est pourquoi les opérateurs de l’Internet du Hunan qui offraient la télévision à bas prix sur l’Internet se trouvèrent obligés de cesser soudainement cette activité sous la pression du Groupe Audiovisuel de la province. Ce dernier envisagea en effet d’y étendre davantage le réseau de la télévision câblée. Le conflit qui en résulta, généra une lutte très violente entre les deux camps. Tout cela finit par une répression armée. Et le gouvernement local fut obligé faire une déclaration officielle en faveur du monopole des opérateurs de câble dans le domaine de la télévision. De même, pour tout ce qui concernait l’Internet, les opérateurs de ce secteur allaient, sur décision gouvernementale, être privilégiés par rapport aux opérateurs de la télévision câblée. Malgré les inconvénients économiques de ce monopole provincial, la télévision provinciale du Hunan réussit toutefois à s’élargir au niveau national avec l’appui financier du Groupe Audiovisuel du Hunan. Grâce au financement facilement alloué par le groupe, la Télévision satellitaire du Hunan arriva à fabriquer des programmes et des feuilletons populaires appréciés par un public très large, en particulier, les jeunes. « Le quartier général des joies », « Rendez-vous en rose » firent la bonne réputation de la chaîne en matière de 19 divertissement, et cela dans le pays tout entier. Par la suite, le feuilleton « Princesse Huanzhu » dont le scénariste était Mme Qiong Yao, écrivain taiwanais connue en Chine continentale et dans la diaspora chinoise du monde entier, battit tous les records d’audience en 2000. Ce feuilleton fut rediffusé à de très nombreuses reprises par beaucoup d’autres chaînes dans les années qui suivirent. Ainsi l’audience à l’échelle nationale des programmes produits par la télévision par satellite du Hunan lui avait permis de sortir du cadre provincial. La chaîne devint ainsi un concurrent direct de la CCTV, y compris dans le domaine de la publicité. 20 Groupe Audiovisuel du Hunan Station générale de la télévision du Hunan La télévision du Hunan La télévision économique du Hunan La télévision par câble du Hunan La radio populaire du Hunan Entreprise du réseau Internet Entreprise de production des feuilletons Centre d’exploitation de la radio et de la télévision du Hunan Audiovisuel Medias Corp. Ltd. Entreprise de l’édition musicale Entreprise des équipements audiovisuels Centre de formation de la radiodiffusion Agence des comédiens Le site Internet de la radio et de la télévision du Hunan Le studio cinématographique du Hunan Le journal de la radio et de la télévision du Hunan Source : « A New Century of China Media Markets », Huang Shengmin (dir.), 2003 21 Par comparaison avec cette expérience menée dans la province du Hunan, la constitution du Groupe audiovisuel à Shanghai (SMG : Shanghai Media Group) présente des caractéristiques assez différentes, car il s’agit plus d’une réorganisation structurelle que d’une réelle fusion économique. Le groupe fournissait un service commun à ses entreprises pour ce qui concernait le droit des médias, la déontologie, la censure et les affaires sociales, etc. En revanche, étant donné l’état de développement avancé de l’audiovisuel à Shanghai, le groupe n’avait pas besoin d’entreprendre de gros projets de construction. La stratégie de la direction générale du groupe s’inscrivait ainsi dans une logique qui était de favoriser la synergie entre les différents acteurs et d’empêcher la baisse des prix qu’aurait pu provoqué la libre concurrence dans ce secteur. Ceci dit, le monopole du secteur audiovisuel fut renforcé à Shanghai comme dans le Hunan malgré un environnement régional différent. En effet, peu après la constitution du Shanghai Media Group (SMG), on constata une augmentation de près de 25% des tarifs publicitaires dans les chaînes de télévision de Shanghai. La réaction des agences de publicité fut immédiate. Loin de montrer leur mécontentement, elles se dépêchèrent de modifier leurs propres tarifs à la hausse. En revanche, les annonceurs n’hésitèrent pas à montrer leur inquiétude devant la menace d’une éventuelle baisse de leurs profits, la publicité devenant réellement trop chère. Pour ce qui concerne les entreprises de production audiovisuelle, elles furent placées dans une situation encore pire puisque le groupe leur achetait des programmes en contrepartie de temps de publicité. Or les prix qu’elles étaient obligées de pratiquer avec les annonceurs les mettaient en situation de ne plus pouvoir en trouver. Dans le même temps, les agences publicitaires du groupe pouvaient ainsi se rendre totalement maîtres du marché publicitaire shanghaien. De manière contradictoire, dans cette ouverture à l’économie de marché, le renforcement de ce groupe étatique amoindrissait en définitive les chances de survie des entreprises privées. Aujourd’hui, SMG emploie 17 000 personnes et son capital fixe atteint pratiquement les 15 milliards de yuans. 22 Shanghai Media Group (SMG) 6 chaînes Shanghai TV Oriental TV Shanghai Sat TV Shanghai Cable TV Shanghai Popular Radio Oriental Radio 4 centres Centre technique Centre de gestion financière Centre de programmation Centre logistique 8 entreprises directement attachées au Shanghai Media Group 5 Groupes Shanghai TV & Movie Yongle TV & Movie Shanghai Radio TV & Film developing Corp. Ltd Oriental Pearls Corp. Ltd Shanghai Catoon Pictures Compagny Studio de doublage des films étrangers Shanghai Radio Orchestra Shanghai Movie City Shanghai TV News Exchange Center TV & Radio Journal hebdomadaire Bureau d’organisation des évènements culturels avec l’étranger Shanghai Opera Shanghai International Meeting Center Source : « A New Century of China Media Markets », Huang Shengmin (dir.), 2003 Jusqu’à la fin de l’année 2003, on assista à la formation de 19 groupes audiovisuels. Un seul se situait au niveau administratif central, 12 au niveau provincial, 7 au niveau municipal. Par ailleurs, on créa 6 groupes cinématographiques qui reçurent le droit de produire des programmes de télévision. 23 Date d’autorisation de constitution du groupe Niveaux administratifs Nom du groupe Niveau central China Radio, Television & Movie Group Hunan Radio, Television & Le 7 novembre 2000 Movie Group Beijing Radio, Television & Le 8 janvier 2001 Movie Group Shandong Radio, Television & Le 15 janvier 2001 Movie Group Shanghai Media Group Le 22 février 2001 Jiangsu Radio, Television & Le 12 avril 2001 Movie Group Sichuan Radio, Television & Le 23 août 2001 Movie Group Zhejiang Radio, Television & Le 8 novembre 2001 Movie Group Chongqing Radio, Television & Le 10 février 2002 Movie Group Fujian Radio, Television & Le 30 octobre 2002 Movie Group Tianjin Radio, Television & Le 27 mai 2002 Movie Group Guangdong South Radio, Le 28 novembre 2002 Television & Movie Media Group La station générale de la radio et Le 24 mars 2004 de la television de Shanxi Hangzhou Radio & Television Le 24 septembre 2002 Group Nanjing Radio & Television Le 24 septembre 2002 Group Changsha Radio & Television Le 4 novembre 2002 Group Ningbo Radio & Television Le 28 janvier 2003 Group Shenzhen Radio & Television Le 9 décembre 2003 Group Xiamen Radio & Television Le 24 novembre 2003 Group Wuxi Radio & Television Group 1998 Les six groupes de studios cinématographiques Groupe cinématographique de Chine Groupe cinématographique de Shanghai Groupe cinématographique de Changchun Groupe cinématographique Le 31 mai 2002 Xiaoxiang Groupe cinématographique de Le 15 mai 2002 l’Ouest Groupe cinématographique Emei Le 23 mai 2003 Niveau provincial Niveau municipal Date d’inscription du groupe au bureau d’Industrie et de Commerce Le décembre 2001 Le 27 décembre 2000 Le 28 mai 2001 Le 19 janvier 2001 Le 19 avril 2001 Le 28 septembre 2001 Le 26 décembre 2003 Le 26 décembre 2001 Le 8 février 2004 Le 28 octobre 2002 Le 18 janvier 2004 Le 16 octobre 2002 Le 17 décembre 2002 Le 25 janvier 2003 Le 28 mars 2003 Le 4 février 1999 Août 2001 Décembre 1998 Le 9 juin 2003 Le 11 novembre 2003 Source: Annuaire de la radio et de la télévision, 2004 24 Ainsi, l’année 2004 peut à juste titre être considérée comme celle qui a marqué l’achèvement sinon la maturité de la télévision chinoise. Cette maturité a été obtenue grâce d’abord à l’introduction d’une technologie nouvelle, celle du câble, à laquelle est venue s’ajouter celle plus révolutionnaire de l’autorisation de la publicité. La formation qui s’en est suivie de grands groupes audiovisuels comparables en tous points à ceux qu’ont peut trouver dans les pays capitalistes libéraux, illustre parfaitement bien la réussite de l’économie socialiste de marché en matière audiovisuelle. Dans ce domaine comme dans d’autres, elle a généré des taux de croissance tout compte fait assez hallucinants. En 2004, la télévision chinoise était donc une réussite économique réelle. Mais il reste que politiquement parlant, cette même télévision est encore de nos jours totalement contrôlée par le PCC. Cela a eu pour conséquence que jusqu’à aujourd’hui, elle n’a pas pu jouer un rôle véritable dans le processus de démocratisation du pays. En effet, les classes moyennes qui sont en train de se créer ou de se reconstituer en Chine semblent avoir abandonné l’espoir de voir la télévision se libéraliser d’autant que les élites du pays la regardent souvent très peu. Dans l’avenir, le seul média susceptible d’aider à créer une opinion publique capable de critiquer les autorités et de s’opposer valablement à la politique gouvernementale est sans contredit l’Internet. L’importance des moyens mis en oeuvre par le PCC pour contrer ce nouvel ennemi potentiel permet d’en mesurer le degré de dangerosité aux yeux des dirigeants actuels de la Chine. 25