le p`tit journal n°13

Transcription

le p`tit journal n°13
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Les échos de Nous n’irons pas à Avignon
n° 5 2
JUILLET 2014
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Dans un monde envahi par les récits économiques, sociaux et
politiques qui influent sur le devenir de nos sociétés, que devient
l’art de la narration ?
Quand les histoires sont partout, on ne peut plus s’en laisser
compter, c’est normal.
Que reste-t-il alors pour les plateaux de théâtre ?
Des images, de la légèreté, de l’humour, du mouvement…
Peut-être des réponses à l’apparente sagesse des mots.
L’aiguilleur d’air frais, Mustapha Aouar
SOMMAIRE
p 2-3
p 4-5
p 6-7
La Cie M42
&
L’Ecrit du Son
Cie 3ème Génération
&
Cie Racines de Poche
Questionnaire
de Proust
p 8-9
p 10
p 11
Cie Dadaniet
Cie du Lapin dans la
Cie des Corps Bruts
&
Calandre
Ensemble Esprits Libres
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journal
LA CIE M42
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LA CIE L’ÉCRI
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M 42 ?
M42 est le
numéro de la
nébuleuse d'Orion.
Au début je cherchais
un nom d'étoile. Tous
les noms d'étoiles sympas
étaient déjà pris par des Cies de théâtre. à chaque
mais pouvoir le contextualiser. Qu’est ce que nous
raconte un texte écrit en 1960, à nous, jeunes
trentenaires ? Mais aussi pourquoi ça nous touche et
à quelle part de nos êtres ce texte parle pour en
extraire ce qui fait écho en nous. J’ai envie de faire
partager un questionnement qu’un texte nous
évoque, je n'ai pas la prétention d'avoir des réponses
à toutes ces questions sinon je serai prof au Collège
de France.
étoile correspond un nuMéro et il y avait orion
qui était une nébuleuse, dans les tons violets et
roses... subliMe
! Ce que j'aime bien avec M42 c’est
qu’elle peut aussi être assimilé à une arme, le M48
(ndlr un char de combat). Ce numéro pourrait être
utilisé pour une multitude de choses alors qu’au
final c’est juste une nébuleuse. Sa multiplicité nous
intéresse : sa nature gazeuse, son côté prêt à
exploser nous faisait rire aussi, être sous tension.
louise, particule élémentaire ?
à la fin de mes études, j'ai travaillé dans l'édition.
Cela me plaisait beaucoup mais le théâtre et
l'écriture était une nécessité, c'est comme ça que la
Cie M42 est née. J'ai refait un master (parce que j'en
avais pas fait assez) en mise en scène et dramaturgie,
agrémenté de stages à la MC93 en tant qu'assistante
à la mise en scène de Marcial Di Fonzo Bo, Jacques
Vincey... ça a été très formateur. Puis j'ai travaillé
avec une metteure en scène en art lyrique, Christine
Dormoy, au sein de la Cie Le Grain. C'est cette
année-là qu'est né le projet de La Jeune Fille
(présenté cet été à Nous n'irons pas à Avignon).
Quand je lis des textes jeune public je me dis : « ça
c'est génial, faut que j'en fasse quelque chose » et
quand je lis des textes tout public c'est la même
chose. Il n'y a pas de frontière. Le but est de faire du
théâtre. Il y 'a eu d'autres projets mais le tout public
met plus de temps à se mettre en place.
M 42 - étonnante nébuleuse ?
C'est un parti pris : tout en respectant le texte et
l'auteur, nous explorons les façons dont le comédien
va lui aussi s'emparer du texte, ce qu’il va avoir envie
d'en dire et ce, toujours dans l'idée du collectif.
CHAQUE POINT DE VUE VIENT NOURRIR LA CRÉATION.
Mon prochain projet est un texte avec deux
comédiens, deux voix et je veux vraiment que les
comédiens puissent avoir des apartés, improviser
sur le texte et que ça soit intégré au spectacle. Voir
un texte dans tout ce qu'il peut avoir d'universel,
p 2 n°52 - N’ous n’irons pas à Avignon 2014
M 42 où la fabuleuse histoire de la jeune fille qui
cherchait la mer...
Cette envie de créer un spectacle jeune public est
venue avant la création de la Cie. Moi, dans ma
petite chambre, j’ai lu beaucoup beaucoup de contes.
J'avais envie de raconter l'histoire d'un enfant qui
serait à un moment perturbé par l'apparition de la
maladie, d'un accident, d'un événement. J'ai trouvé
que la forme du conte collait bien à cette histoire.
Pour ce spectacle j'avais écrit une trame de 30 pages.
Si on lit la trame maintenant et qu’on la compare à ce
qu'elle est devenue ça n'a plus rien à voir ! Je suis
partie de contes mais en fait je plonge très vite dans
l'imaginaire, c'est un appui. En passant par le prisme
du conte, en voyant comment on pouvait
s'approprier le texte, en le rendant plus
contemporain, il me permet de raconter des
milliards de choses, même les plus difficiles. On
voulait aussi lutter contre les stéréotypes qui sont
imposés par certains textes du genre (la jolie et
jeune fille, la moche et méchante sorcière). C'était
important de savoir comment les enfants parlent
maintenant, être proches de ce qu'ils sont, de ce
qu'ils peuvent vivre.
Pourquoi ne pas donner de réponse ? Car Alexis (le
metteur en scène) et moi sommes en accord, nous
considérons que nous n'avons pas la science infuse,
nous ne savons pas mieux que les autres. Nous ne
sommes pas pour dire, nous souhaitons partager des
expériences, nos questionnements plutôt que de
dire « c'est comme ça ». on ne voulait pas toMber
dans quelque chose de Moraliste. l'idée pour ce
spectacle était de raconter un cheMineMent vers
l’acceptation d’une différence ou d’une Maladie.
C'est vraiment une question de regard : la vidéo est
un point de vue sur ce que raconte l'histoire, le
créateur des musiques (Sylvain Touzé) donne son
avis aussi et l'écrit en est un autre. La réunion de
tous ces points de vue crée un spectacle à plusieurs
niveaux.
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comment travaillez-vous ensemble ?
ça fait trente ans qu’on vit ensemble ! Depuis très
longtemps on avait envie de faire quelque chose
d’artistique à l’unisson, on a créé la structure par
rapport à nos envies. On avait plus rien à perdre, les
enfants étaient loin, on s’est dit : « Soyons fous ! On a
créé la compagnie ».
réMy : Je suis pâtissier de métier, ensuite j’ai dirigé un
théâtre municipal et puis j’ai été chargé de diffusion.
patricia : Moi, animatrice et bibliothécaire. L’idée
c’était de travailler autour de ce qu’on aime, créer des
spectacles, des installations, avec le son.
réMy : J’ai un parcours de musicien. J’ai commencé à
développer le son au moment où l’ordinateur est
arrivé. L’ordinateur a démocratisé tout ça, maintenant
tout le monde peut faire ce type de travaux avec peu de
moyens. Je crée mes propres outils, j’apprends, je me
mets à l’électronique, au codage, je teste…
patricia : Moi j’ai été sensibilisée à ça, j’allais avec lui
à la chasse aux sons. Je me suis rendue compte qu’on
n’écoute pas ce qui nous entoure. Quand tu fais
attention aux sons, tu ne regardes pas de la même
manière. Tu traques, tu écoutes, tes oreilles s’ouvrent
et tu te rends compte que c’est un outil magnifique,
qui peut s’aiguiser.
réMy : C’est de l’éducation, c’est comme le goût.
patricia : Tous les deux on est des touche-à-tout, ce
qui nous intéresse c’est de mélanger des choses.
réMy : Et d’être des passeurs, c’est la transmission qui
est importante.
On travaille à la maison, une des prochaines étapes,
c’est de se payer un local. On aimerait bien qu’il y ait
une scission, parce qu’on vit ensemble, on travaille
ensemble, nos créations on les répète dans le salon. En
même temps, être à deux c’est bien, parce qu’on se tire
vers le haut, ça motive.
est-ce que la façon dont les enfants perçoivent,
écoutent est différente de celle des adultes ?
Non, parce que les enfants comme les adultes ne sont
pas éduqués au son. Du coup, quand ils sont au milieu
d’un système de diffusion sonore, les enfants et les
adultes sont hyper réceptifs.
Sur Le rêve de Sasha (dès 6 mois), on avait un peu peur
journal
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REALISÉE P
INTERVIEW
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EK (CIE M42
LOUISE DUD
mais en fait ils sont captivés. On a été étonné de
l’écoute des tout petits, ils ne décrochent pas, ils sont
attentifs. On avait le bon temps, 23 minutes, il ne
fallait pas que le spectacle soit plus long pour cette
tranche d’âge. A la fin, les enfants viennent sur le plateau, regarder, toucher… D’ailleurs le dispositif
scénique fait qu’on est très proche d’eux pendant la
pièce. Les parents nous ont dit que c’était agréable et
qu’après cette expérience, ils se rendaient compte
qu’ils n’écoutaient pas ce qui les entoure dans la
vie. Au début, Où va le blanc de la neige quand elle
fond (ndlr. le spectacle présenté à Gare au théâtre)
était une lecture sur le thème des couleurs qu’on a
voulu décliner pour le jeune public. Les couleurs sont
des sensations, des histoires particulières. Il y a ce que
la couleur véhicule et la poésie des noms des couleurs,
on avait envie de jouer là-dessus. Le culturel et
l’imaginaire. Le titre, c’est une phrase de Shakespeare.
est-ce que le son fait le bonheur ?
En tout cas il ne fait pas le malheur… quoique en fait si !
Le son d’une roulette de dentiste, un son strident
peuvent faire le malheur. Le son permet d’ouvrir des
portes, comme dans la poésie, le sens ne vient pas
toujours tout de suite. Selon d’où tu viens, qui tu es,
ton parcours, il ne raconte pas la même chose... On a
envie de donner à entendre et à voir, mais d’une autre
manière. Au début du spectacle, il y a 6-7 minutes sans
texte, que du son. On peut donner à entendre à un
enfant.
patricia : Le son pourrait permettre aux gens de se
poser, d’écouter, de regarder là où on en est. Car là on
va dans le mur mais personne ne s’arrête.
réMy : Le son peut t’amener à
avoir le sentiment d’avoir vécu
une expérience collective, c’est une expérience
du vivre ensemble.
Notre projet de vie,
c’est d’ouvrir un lieu
de vie avec de
l’artistique et de
la bouffe, quand on
aura 80 balais… On
ne t’a pas dit ? On est
immortels !
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QUAND DE
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DONNE...
Ô vous mes chers et chères, vous ma chair (en tant que partageur d'art),
partageons nos chaires et discutons un peu, allez ça coûte pas cher...
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au bout du compte, est-ce un regard déterminé
le mime, l'art a changé, il n'est plus enfermé,
seul dans son coin, rigoureusement univoque
et académiquement fidèle. comment décririezvous votre travail : mime, théâtre, théâtre
gestuel, de geste, physique, danse-théâtre ?
que de mots pour un seul art... doit-on le
définir ?
cie troisièMe génération (tour à tour et tous en
MêMe teMps)
: On découvre en faisant. Et à chaque
spectacle on essaie toujours de proposer
quelque chose de nouveau. On se permet, on ne se prive pas, on "libertine". Notre art est scénique, donc
on ne ferme la porte à aucun
genre ou registre selon les
besoins du spectacle. ça veut
dire : mime, danse, karaté,
théâtre, parole, pom-ki,
suzuki, et plein d'autres
choses encore... Se définir,
c'est compliqué, et au final,
ce n'est peut-être pas la
peine : les autres le font pour
nous.
Depuis trois ans on a beaucoup
essayé de se définir, pour les dossiers,
pour les professionnels, pour nous-mêmes, et
on en arrive à la conclusion : pas de littérature. On
fait du théâtre. Pour l'instant.
votre spectacle There Is No Alternative (ou Tina
pour les intimes), à traduire par « il n'y a pas
d'alternative », peut sembler un peu pessimiste. en effet, dans le spectacle, il y a une sorte de
désolation latente, mais l'ironie et l'humour
sont aussi très présents.
p 4 n°52 - Nous n’irons pas à Avignon 2014
et optimiste que vous portez sur la situation
économique actuelle en europe et peut-être en
particulier en espagne ? trois des comédiens
sont espagnols et un autre est italien, seriezvous cette « jeunesse précaire qui cherche à
partir et à recommencer ailleurs » ?
Oui, c'est nous, cette "jeunesse précaire qui cherche
à partir et à recommencer ailleurs". Oui, c'est un
regard déterminé sur la situation politique actuelle
en Europe... Mais non, ce n'est pas un regard
optimiste. On est plutôt pessimistes en fait.
Mais ça ne veut pas dire qu'on ne croit
pas à une alternative. On se moque
de ceux qui disent qu'il n'y en a
pas. Notre alternative, en l'occurrence, est d'être dans les
spectacles plus délirants que
la délirante réalité qui nous
entoure. C'est cette distance
et cette déformation qui
nous permettent de poser
un regard lucide sur l'inertie
dans laquelle on essaie
d'enfermer cette jeunesse précaire.
J'ai vu un extrait de votre spectacle
lorsque vous avez remporté le prix du groupe geste(s), et j'ai beaucoup aimé votre travail,
aussi je le conseille vivement. quelques mots
pour donner l'eau à la bouche aux futurs spectateurs et les faire courir voir votre spectacle
(et les autres aussi !) ?
Venez tant qu'il est encore temps : il est très très
rare de nous voir jouer...
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vous dites “imaginer un théâtre qui puisse susciter des questionnements aux comédiens autant
qu'aux spectateurs.” quels sont ceux que vous ont
suscités la création de Bob et Beth et quelles sont
les questions que le spectacle a le plus souvent
soulevé chez les spectateurs ?
Notre première question a été de nous demander
pourquoi dans la vie nous nous retrouvons à faire des
choix ou à dire des choses que l'on avait juré de ne
jamais faire ou dire ? Comment peut-on échapper aux
mécanismes ou aux stéréotypes que nous avons
incorporés sans nous en rendre compte ? Le premier
pas est, peut-être, de les voir, d'en prendre conscience ?
Bob et Beth est un pense-bête, un concentré de choix,
d'actions, de mots, de mécanismes de couple dans
lesquels nous ne voudrions pas tomber, desquels nous
ne voudrions jamais être prisonniers. Nous les avons
mis dans le spectacle pour pouvoir les reconnaître quand
ils se présentent dans la vie réelle. Pour nous le spectacle
est comme un bloc-notes à ré-ouvrir régulièrement, c'est
la possibilité de prendre le temps de s'arrêter, de penser
et de s'observer avec auto-ironie : intimement contradictoires, naïfs, violents, enthousiastes et vulnérables.
Le public, de tout âge (et c'est ça le plus beau), semble se
reconnaître dans cette relation de couple, et ce même si
la relation est récente! Il nous paraît ému, amusé et en
même temps pensif, méditatif. Il donne l'impression de
s'être regardé dans un miroir avec attention, non pas de
façon distraite comme on le fait souvent au quotidien.
Et c'est cela qui nous plaît dans le théâtre : sa capacité à
renouveler notre regard sur la vie.
quelle partie de toi, nagi, y’a-t-il dans bob, et
quelle partie de toi, florian, y’ a-t-il dans beth ?
Les personnages sont en partie basés sur des traits de
personnalité qui nous sont propres. Nous les avons,
par la suite, amplifié pour en tirer des caractères
spécifiques. Nous pourrions donc dire que Bob est
plutôt similaire à Florian et Beth à Nagi. Cependant
l'aspect de Beth qui se crée des mondes à partir de sa
réalité quotidienne est une caractéristique qui existe
chez l'un comme chez l'autre. Bob est précis et
organisé (du moins c'est ce qu'il pense) mais lui aussi se
perd, oublie de mettre son pantalon et regarde le monde
avec des yeux d'enfants. Et, comme pour chacun de
nous, la vie quotidienne rattrape l'un et l'autre et leur
fait, quelquefois, oublier leurs objectifs d'antan.
nous
appartenons à la même
génération de jeunes gens
et d'artistes et faisons face
aux mêmes situations, aux
mêmes constats quant à la précarité des jeunes cies
de théâtre en france comme en europe. pour vous
et pour la cie racines de poche, quelle est et quelle
sera l'alternative à cette réalité ? qu'est-ce qu'il
faudrait changer dans le système actuel pour le
fonctionnement des jeunes cies telles que les
nôtres ?
La situation en France n'est certes pas évidente mais il
faut avouer que par rapport à d'autres pays (nous
avons pendant longtemps et travaillons encore
régulièrement en Italie), il est moins difficile de faire
du théâtre ici qu'ailleurs en Europe. Je souligne le
moins difficile car développer une jeune cie est un
travail à temps plein, week-ends et nuits compris, c'est
un investissement énorme en énergie et souvent aussi
en fonds propres.
Les artistes que nous croisons sur les routes, les
festivals, les théâtres ne sont pas tous intermittents, et
ceux qui le sont, ne sont pas sûr de l'être encore quelques
mois plus tard. C'est une condition précaire car instable,
mais également précaire car nous sommes bien souvent
en-dessous d'un salaire moyen en France. Pour nous le
théâtre est un facteur de lien social, qui existe en temps
réel, qui est palpable, contrairement à la télévision ou
au cinéma. Les comédiens et les spectateurs partagent
un même moment dans un même endroit et ont des
émotions ensemble. L'émotion est un mouvement des
sentiments, une expression du corps, une transformation de notre ressentir. Littéralement, comédiens et
spectateurs partagent leurs vies l'espace d'un instant.
Nous sommes particulièrement sensibles à cet aspect
social et pour cela nous travaillons depuis plusieurs
années en collaboration avec des associations et des
institutions publiques et privées (ateliers et spectacles
avec enfants, adolescents, adultes, personnes
handicapées, prisonniers...) Pour nous, ce travail est
extrêmement nourrissant et indissociable de celui
que nous faisons en scène.
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QUESTIONNAI
LES 8 COMPAGNIES DE LA SEMAINE
1. LEUR CHANSON IN
2. LES 3 PERSONNES QU’ELLES INV
(IMAGINAIRES, VIV
3. LE POUVOIR MAGIQUE Q
CIE L’ÉCRIT DU SON
CIE DU LAPIN DANS LA
CALANDRE
1. Cargo de nuit d’Axel Bauer
1. Chanson inavouable ? à qui ? Autant
de chansons inavouables que de gens que l’on
connaît. Une chanson inavouable préférée supposerait qu'on n'ose pas défendre ce qu'on aime ?
2. Jim Carrey, Kevin Spacey et Michael Caine
2. Un dîner parfait ça n'existe pas, la perfection
n'existe pas et heureusement car elle nous
empêcherait de continuer à chercher.
3. Faire apparaître ce que je veux en claquant
des doigts.
3. Supprimer tous les câbles qui traînent par terre,
qui s 'emmêlent et qu 'infine ça marche.
CIE RACINES DE POCHE
1. Entre une idée et puis mourir, je dis, si je
devais choisir : à table ! Et du vin ! Et Brassens :
aimable, divin. Et en province !
CIE DADANIET
1. Stimmung, Karlheinz Stockhausen
2. Avec Droopy et ma grand-mère on s'rait
heureux sans en avoir l'air. Mais la chanson serait
présente, comme la musique qui nous enchante.
2. Sattisvar Tandabany, Loan Ngyen,
Marion Colléony
3. Quant au pouvoir je n’ai que faire, pour
m’divertir j’écris en vers.
3. On transformerait Imagine de
John Lennon en réalité
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IRE DE PROUST
E NOUS DÉVOILENT EN EXCLUSIVITÉ :
NAVOUABLE PRÉFÉRÉE
VITERAIENT POUR UN DÎNER PARFAIT
VANTES OU DISPARUES)
QU’ELLES AIMERAIENT AVOIR
CIE M42
1. Dieu m'a donné la foi d'Ophélie Winter
(c'est vraiment inavouable)
2. Thomas Ostermeier, Beyoncé et Gabriel
Garcia Marquez
ENSEMBLE ESPRITS LIBRES
1. Monsieur le Chat Botté de Chantal
Goya
2. Les trois petits cochons car tout est
bon dans le cochon.
3. Le pouvoir de ne pas grandir.
3. Rendre les gens instantanément heureux ou
être riche (je suis sûr qu’il faut être magicien
pour le devenir).
CIE TROISIÈME GÉNÉRATION
CIE DES CORPS BRUTS
1. All by myself de Céline Dion
1. Le mime de Lynda Lemay
2. Pina Bausch, Raymond Devos et le Renard
du Petit Prince
3. Celui de changer le monde.
2. Avec nous six en guise de mobilier vivant, nous
rêverions d'inviter Étienne Decroux à manger des
huîtres, que Judas assis à sa gauche aurait
amoureusement ouvertes de par son seul pied droit,
pendant que Bertolt Brecht, installé au piano,
improviserait Sonate au clair de Lune, ce somptueux
banquet prenant place à la proue du Titanic en train de
couler.
3. Celui de pouvoir interchanger de sexe, d'âge et de
corps à loisir.
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DIALOGUE AVE
DANIEL MONINO D’ENSEMBLE
ESPRITS LIBRES
qu'est-ce que le « théâtre visuel » dans ton spectacle ?
: C'est vouloir mettre au même plan la parole et le corps coMMe des vecteurs d'éMotions ; il y a à
voir , à entendre et à sentir dans nos propositions : c'est une expérience. Nous avons tous un parcours
différent, certains viennent de la musique, d'autres du cirque ou du théâtre, il fallait réinventer un langage
commun pour se placer au même niveau les uns les autres afin de se comprendre. Dans In-Between tous les
personnages se croisent et cela donne lieu à des situations, des images, des fantasmes.
ALIX MERCIER
: Après ma dernière création N’ayez pas peur du loup, un spectacle très radical, très trash, je me suis
complètement remis en question. Je me suis posé la question de la transmission. J’ai cherché comment parler
aux gens, et j’ai recentré le travail non plus sur le texte, mais sur l’émotion, sur la création d’images. Le texte est
présent, mais il n’est pas le support du spectacle. Il n’est parfois pas complètement fixe, ce qui oblige l’interprète
à être toujours au présent dans la situation créée par la dramaturgie, car il se retrouve comme dans le vide, sans
l’assurance des mots. J’ai cherché de nouveaux codes de lecture à travers des schéMas de situations qui nous
parlent auJourd’hui. J’accepte donc de classer Antidote dans « théâtre visuel », mais c’est avant tout du théâtre.
DANIEL MONINO
DANIEL MONINO
: le théâtre visuel tient plus des sensations, mais qu'est-ce que l'on peut raconter sur
le spectacle ?
: Dans In-Between, il y a une princesse qui attend qu’un prince la réveille, un étranger en exil, un
personnage qui attrape les sons, les transforme et se pose de grandes questions existentielles, un homme qui se
fabrique une carapace... Puis, ces personnages se rencontrent, ou n'y arrivent jamais, certains ne font que passer.
Le public pourra aussi voir un masque à gaz, une vitrine ou un plan - c'est un élément qui nous aide à nous sortir
de là... beaucoup d’instruments de musiques. Il y a des routes qui se croisent, mais personne ne sait d'où elles
partent et où elles vont.
ALIX MERCIER
ALIX MERCIER : la pièce est une adaptation d’une œuvre de Maurice Maeterlinck. si le texte n’est plus
central, que reste-il d’Intérieur dans Antidote ?
: La question de la transmission est présente dans le texte de Maeterlinck. Deux
personnages doivent annoncer quelque chose de grave, mais n’arrivent pas à le faire. Ils ont l’angoisse de dire, le désir d’être ailleurs et l’obligation de faire leur annonce. Mais nous avons
complètement cassé la forme du récit pour garder l’essentiel : l’attente, la tension,
l’incompréhension, le mystère. La deuxième thématique est celle de la transition, du passage à
l’âge adulte. La question du seuil est toujours présente chez Maeterlinck et cette thématique est
récurrente dans les spectacles que je mets en scène.
DANIEL MONINO
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Nous avons également travaillé à partir des Métamorphoses d’Ovide. Ce
long poème qui parle du monde, et de la transformation des êtres en des
formes nouvelles. C’est une mythologie qui nous parle des évènements qui nous poussent à devenir autre chose. La mythologie
raconte les choses importantes de la vie à travers des symboles, tout
comme chez Maeterlinck ou dans les contes de fées. Dans Antidote,
nous avons cherché à retrouver des symboles d’aujourd’hui pour
évoquer ces questions. Pour donner un exemple, le rite de passage de
l’enfance à l’adulte qui sera souvent symbolisé dans les contes de fée
par la foret, serait ici symbolisé par jouets d’enfances, comme des
Playmobils.
DANIEL MONINO
: quel est le thème du spectacle ?
ALIX MERCIER : Le thème c'est l'entre-deux, c'est un état que l'on rencontre souvent dans notre monde : nous avons
plusieurs vies, plusieurs métiers, tout bouge très vite – je pense au zapping. Nous sommes tout le temps amenés
à faire des choix, à décider d'où l'on va. Cela nous plonge dans des remises en questions récurrentes, un état
d'entre-deux : qu'est-ce que je choisis entre ce chemin-ci et celui-là ? Est-ce que je dois aller avec ma femme ou
ma maîtresse ? Mon entreprise est délocalisée alors qu'est-ce que je fais de ma vie maintenant ? Ce sont des
situations d'attentes que l'on peut comparer à notre princesse qui attend son prince. Nous nous demandons si
la princesse doit attendre ou pas, si elle doit partir seule découvrir le monde. Tout cela se passe dans un lieu que
nous appelons « in-between », à la croisée des chemins. Cette sensation a fait naître le spectacle, être « in between »,
c'est même devenu une expression pour nous. C'est une sensation
dans laquelle nous n'avons pas trop le droit de rester, c'est un
état de passage, de transition. Nous sommes dans une société
de projet, il faut savoir où nous allons, avoir un but, un
objectif, et pourtant l'état d'entre-deux est toujours
présent. C'est un paradoxe. Avec In-Between, nous voulions
observer cet état au microscope.
ALIX MERCIER : en fait, j’ai l’impression qu’on en saura pas
plus sur le spectacle lui-même avant d’être dans la salle…
DANIEL MONINO
: Oui, c’est certain.
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PROPOS RECUEILLIS PAR
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LES STAGIAIRES ASSOCIÉES
le monde de l’entreprise, quelle place pour
un canard ?
Le placard, parce que ça rime, parce que le canard est
souvent vilain par nature, et il n’y a pas beaucoup de
place pour un vilain petit canard dans un monde très
réglementé comme celui de l'administration. Mais la
place d'un canard bleu est surtout dans les WC en
fait... Dans une entreprise, les toilettes sont le seul
endroit où tu peux te lâcher, dans tous les sens du
terme, car c'est le seul endroit d'intimité.
le théâtre, quelle place pour un lapin ?
Il est dans la calandre. On est les seuls lapins
du théâtre et s’il y en a d’autres ce
sont des imposteurs. Ou des lièvres.
Et ça ne fait pas de bons
spectacles, le lièvre. Il est trop
sauvage. Nous en revanche on est
hyper cool. On n’est pas bleu,
non, on laisse ça au canard qui
quand tu y réfléchis est un animal
parfait... parce qu’il vole, il marche,
il flotte. Bon c'est vrai, il est palmé.
Par contre le canard n’est pas un animal
de compagnie, c’est pour ça qu'on ne l'utilise que pour le nom d’un spectacle et pas comme
nom de compagnie. Un lapin, en revanche c'est
doux. Pour nous, Le lapin dans la calandre est
vraiment un nom de groupe et nos lapins se doivent
toujours d'être gentils et sympas.
avez-vous déjà joué ce spectacle dans un espace
ou pour un public directement en lien avec la
thématique ? si oui, quelles ont été les réactions ?
Non. Mais on aimerait vraiment jouer cette pièce en
entreprise. On en a même une autre qui s'appelle
Anatole Felde. Même auteur, même contexte mais
partant très vite dans quelque chose d'encore plus
absurde. On aimerait particulièrement jouer pour des
fonctionnaires. On a nous-même subi, via des petits
boulots, l'absurdité que peut avoir l’administration.
Petit à petit, le travail devient complètement
abrutissant. Il y a des tas d'employés qui disent
souhaiter changer de boulot, qui s'en plaignent, mais
qui n'essaient pas de partir pour autant. Et il suffit de
modifier un tout petit élément dans la vie au bureau
p 10 n°52 - Nous n’irons pas à Avignon 2014
pour que tout soit bouleversé. Attention, je dis ça
mais c'est sans porter de jugement. Ce sont juste des
choses qu'on a observé et que Blutsch retranscrit très
bien dans ses pièces. Le public en fait ce qu'il veut. avez vous un lien particulier avec l’œuvre de
blutsch ?
On est devenu fan. Chacune de ses pièces nous fait
tomber dans un monde de fous. ça part dans un truc
improbable et on se demande comment on va pouvoir
le traduire sur scène. C’est très marrant et ça implique
de faire des choses très visuelles. J’aime bien
quand il y a presque des tours de magies sur
scène, et Blutsch pour ça, c'est génial.
C'est drôle parce que ses didascalies
sont généralement très détaillées
sans être directives pour autant
et laisse donc une grande liberté
dans l’adaptation. On se sent
proche de Blutsch aussi car il a
beaucoup écrit sur l’entreprise.
C'est un thème qui nous intéresse
énormément dans la compagnie.
Beaucoup plus que ce qu'on pensait.
qu’est-ce qui vous a attiré dans son
œuvre ? dans Le Canard Bleu, à part l’entreprise,
y’a-t-il une thématique qui vous a inspiré ?
C'est la question de l'utilité d'un règlement, de sa
place dans une administration. De son application,
Le Canard Bleu, c’est l’affrontement de deux visions
d’un même règlement. Le personnage principal veut
juste rendre cette règle plus vivable, plus humaine
mais il se heurte à son collègue pour qui ces règles
sont devenues une religion. Mais ça peut s'étendre
aussi aux lois, comment les gens arrivent à s’entendre
et à s’en accommoder.
l’apéro et les chips ?
Pendant le spectacle, je suis contre parce que les chips
rendent les mains collantes et on vient juste de
repeindre les bureaux avec lesquels on joue. Avant,
d'accord mais seulement du soft à boire et des chips
quand même pour pas jouer le ventre vide. Après, c'est
l’apéro jusqu'au digestif, c'est à dire le café le
lendemain matin.
le P ’ T I T
journal
IÈRE
V
U
A
H
C
CÉLIA
BRUTS
PS
R
O
C
S
E
CIE D
les corps bruts, qu’est-ce qui se cache derrière
ce nom ?
Je travaille à partir du corps, en mélangeant mime
et danse contemporaine. Introduire la notion de
corps dans le nom de la compagnie me semblait
aller de soi. Bruts : à la fois la notion d’état premier,
non modifié, non façonné encore et puis le côté “je
rentre dans le vif du sujet”.
vous travaillez également en pologne. qu’estce qui vous a attiré à varsovie ?
Cela me plaisait de m’ouvrir à un monde très
différent. La pantomime polonaise n’a rien à voir
avec le mime d’Ivan Bacciocchi, qui m’a formé à la
technique d’Étienne Decroux.
Je trouve aussi en Pologne une ouverture qui me
manque à Paris, où j’ai l’impression que tout est
bouché, que tout a déjà été fait, qu’en tant que
jeune artiste c’est très difficile de se faire une place.
En Pologne, c’est très dur, l’argent manque et ce
pays est encore en reconstruction, le poids de
l’Histoire est très présent. Mais en même temps, il
me semble qu’il y a plus de possibles et cela
m’intéresse d’apporter une petite pierre à cet
édifice-là.
sujet encore trop tabou, pourtant très présent dans
nos sociétés occidentales contemporaines.
à travers ce sujet difficile mais important et actuel,
c’est avant tout une œuvre esthétique où l’on
cherche à transmettre une émotion au public.
quelle est donc l’histoire d’ana ?
Ana raconte avant tout le combat de Camille pour
exister. Ana, figure imaginaire, est tapie dans la
tête de Camille, adolescente.
Camille est jeune, mais est-elle belle ? L’est-elle
suffisamment ? Est-elle assez ? Est-elle, tout
simplement ?
Au-delà de l’anorexie c’est un duo, une fusion entre
deux corps, deux personnages, un spectacle sans
parole pour laisser les corps parler . L’anorexique
se tait, laissant à son corps le soin d’hurler les mots
enfouis. Il y a un côté fascinant dans cette maladie,
aller jusque-là… J’ai eu envie d’aborder ce thème
d’une façon artistique, de le porter à la scène.
RÉALISÉE PAR NATHALIE STERNBERG
(CIE EN QUARANTAINE)
un
dernier mot ?
à LA CROISÉE DU MIME, DE LA
DANSE CONTEMPORAINE, DU
comment abordez-vous le travail de création ?
THÉâTRE GESTUEL , AU-DELà DES
Je choisis un thème, j’écris le scénario de A à Z. Je
le présente à mes partenaires et puis on se lance, en
suivant la trame écrite : nous racontons une
histoire. Défendre des thématiques précises et
actuelles, voilà ce qui m’intéresse.
MOTS, ENTRE TRASH ET GROTESQUE,
ANA PEUT ÊTRE CONSIDÉRÉ
OBJET THÉÂTRAL
NON IDENTIFIÉ.
COMME UN
est-ce le cas pour ana, la pièce que vous
présentez à Nous n’irons pas à Avignon ?
Oui ! Ana parle d’anorexie et cette maladie est un
n°52 - N’ous n’irons pas à Avignon 2014 p 11
le P ’ T I T
journal
LA LIBRAIRIE DE LA GARE
DANS LE HALL D’ACCUEIL, VENEZ FLÂNER ET RÊVER ENTRE
LES OUVRAGES ET PEUT-ÊTRE APPRENDRE UN PEU.
EN PARTENARIAT AVEC LA LIBRAIRIE ENVIE DE LIRE
Directeur de la publication
Mustapha Aouar
(IVRY-SUR-SEINE)
Rédactrice en chef
Au d re y Po u h e N j a l l
Réalisation maquette
Emilie Simon
e t Au d re y Po u h e N j a l l
VOITURE BAR
& WAGON RESTAU
Ont participé à ce numéro :
La Cie M42
L a C i e L’ E c r i t d u s o n
La Cie des Corps Bruts
E n s e m b l e E s p r i t s L i b re s
L a C i e R a c i n e s d e Po c h e
Cie Troisième Compagnie
Cie du Lapin dans le Calandre
L a C i e Da d a n i e t
Les Stagiaires Associées
AVIS AUX GOURMANDS
ET AUX ASSOIFFÉS !
NOUS VOUS ACCUEILLONS
DÈS 19H LES SOIRS DE REPRÉSENTATION.
LE PROGRAMME DE LA SEMAINE
Les articles sont publiés
sous la responsabilité de
leurs auteurs.
Impression :
G a re a u T h é ât re
T i ré à 2 0 0 e xe m p l a i re s
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