Mieux comprendre la détresse morale des infirmières pour pouvoir
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Mieux comprendre la détresse morale des infirmières pour pouvoir
Université de Montréal Mieux comprendre la détresse morale des infirmières pour pouvoir mieux y faire face par Sylvie Dorris Département de Bioéthique Faculté de médecine Travail dirigé présenté à la Faculté des études supérieures en vue de l’obtention du grade de Ma en Bioéthique Août 2011 Sylvie Dorris, 2011 Université de Montréal Faculté des études supérieures Ce travail dirigé intitulé : Mieux comprendre la détresse morale des infirmières pour pouvoir mieux y faire face présenté par : Sylvie Dorris a été évaluée par un jury composé des personnes suivantes : Mme Jocelyne St-Arnaud, directrice de recherche M. Bryn Williams-Jones, directeur du programme Bioéthique III Résumé Bien que la détresse morale soit vécue par plusieurs infirmières dans différents milieux de soins, peu d’infirmières et gestionnaires sont familiers avec ce concept et en comprennent toute l’étendue. Mais comme la détresse morale peut avoir des impacts négatifs autant sur l’infirmière que sur les patients, il s’avère important de bien cerner cette problématique. Grâce à une revue intégrative des écrits effectuée, nous présentons ici les définitions de la détresse morale, les facteurs en cause, ainsi que des pistes de solutions pour tenter de la prévenir ou de la pallier. Notre système de santé ne cesse de se complexifier, avec d’un côté, les avancées technologiques qui repoussent continuellement les limites des interventions de soins et d’un autre côté, les contraintes budgétaires et les pénuries de ressources (surtout humaines) qui elles, imposent des limites. Dans ce contexte particulier, il demeure essentiel de supporter le personnel infirmier dans la résolution des conflits moraux qui surgissent dans la pratique et cela autant pour le bien de l’infirmière que pour le bien de tous. Mors clés : détresse morale, infirmières. IV Abstract Although moral distress is experienced by many nurses in different care settings, few nurses and managers are familiar with this concept and understand its full extent. But as moral distress can negatively impact both nurses and patients, it is important to understand this problem. With an integrative review of the literature conducted, we present the definitions that have been granted to moral distress, the factors involved and possible solutions to try to contain it. Our health system is getting more and more complex, with on one hand, technological advances that continuously push limits of care intervention further and on the other hand, budgetary constraints and shortages of resources (especially human) that impose limits. In this particular context, it remains essential to help nurses deal with moral conflicts that arise in their practice not only for the good of nurses but also for the good of all. Keywords : moral distress, nurses. V Table des matières Page Résumé …………………………………………………………………………..…III Abstract …………………………………………………………………………....IV Table des matières ………………………………………………………………....V Liste des tableaux ………………………………………………………………...VII Liste des figures ………………………………………………………………… VIII Remerciements………………………………………………………………….....IX Introduction au problème de recherche…………………………………………..1 Buts, question, hypothèse de recherche……………………………………………6 Revue intégrative des écrits………………………………………………………...7 Chapitre I Définitions de la détresse morale………………………………….. 9 1- Problème moral lié à des contraintes ou obstacles externes et internes à la personne………………………………………….9 2- Problème moral en tant que phénomène perçu et vécu par les infirmières………………………………………………17 3- Qu’en disent les associations……………………………………21 4- Définition personnelle de la détresse morale…………………....23 5- Instruments de mesure de la détresse morale……………….......24 Chapitre 2 Impacts de la détresse morale .......………………………………..25 1234- Chapitre 3 Impacts sur l’infirmière …………………………………………25 Impacts positifs…………………………………………………. 28 Impacts sur le patient…………………………………………….28 L’âge et l’expérience sont-ils des facteurs de détresse morale?....29 Facteurs et causes de la détresse morale………………………….32 1- Relevé des facteurs issus d’études empiriques………………….41 VI Chapitre 4 Pistes de solutions…………………………………………………..46 1- Suggestions et recommandations pour prévenir ou pallier la détresse morale …………………………………..48 2- Formation de comités ou actions entreprises pour favoriser les échanges et discussions ………………………….49 3- Enseignement et formations …...……………………................ 50 4- Recommandations aux infirmières-chefs et aux gestionnaires…………………………………………………...51 5- Les programmes proposés par certains auteurs………………...54 6- Le programme de Kälvemark et ses collègues ………………...56 7- Le programme de thérapie cognitive et comportementale……..56 8- Le programme Éducationnel sur les interventions de fin de vie ……………………………………………………57 9- Le concept de hardiesse………………………………………...60 Conclusion ……………………………...………………………………………….63 Bibliographie Annexe 1 : Résultats en tableaux de Delmas et coll. (2004)…………………….. i Tableau VI : Niveau de hardiesse au temps T1, T2, T3, T4 dans les deux groupes ………………………………….i Tableau VII : Intensité du stress occupationnel aux temps T1, T2, T3, T4 dans les deux groupes………………….i Tableau VIII : Présentation des moyennes et des valeurs de p des différentes dimensions du coping aux temps T1, T2, T3, T4 dans les deux groupes …………………ii Tableau IX : Niveau de la qualité de vie au travail en score global au temps T1, T2, T3, T4 dans les deux groupes.. ii VII Liste des tableaux Page Tableau I : Moyennes et déviations standards entre la génération X et les babyboomers………………………………………………..30 Tableau II : Comparaisons du pointage total entre les départements et les unités………………………………………………………..35 Tableau III : Relevé des facteurs en lien avec la détresse morale………………41 Tableau IV : Écrits théoriques consultés en lien avec la détresse morale……… 66 Tableau V : Recherches qualitatives et quantitatives en lien avec la détresse morale………………………………………………………….….67 Tableau VI : Niveau de hardiesse au temps T1, T2, T3, T4 dans les deux groupes ………………………………………………i Tableau VII : Intensité du stress occupationnel aux temps T1, T2, T3, T4 dans les deux groupes………………………………………………i Tableau VIII : Présentation des moyennes et des valeurs de p des différentes dimensions du coping aux temps T1, T2, T3, T4 dans les deux groupes………………………………………………ii Tableau IX : Niveau de la qualité de vie au travail en score global au temps T1, T2, T3, T4 dans les deux groupes………………………………ii VIII Liste des figures Page Figure 1 : Schématisation du processus de la recension…………………….7 Figure 2 : Modèle de Wilkinson……………………………………………12 Figure 3 : Modèle de Fry et coll. …………………………………………..15 Figure 4 : Instruments pour mesurer la détresse morale…………………….24 IX Remerciements Je voudrais remercier ma famille et mes amis pour leur soutien durant tout le processus du travail dirigé. Un merci particulier à mon conjoint qui a toujours cru que je pouvais y arriver, il fut d’un support indéfectible. Ma reconnaissance va aussi à ma directrice de maîtrise, Mme Saint-Arnaud, qui, malgré son emploi du temps chargé, a accepté de m’accompagner dans ce travail. Ce fut un grand honneur de pouvoir jouir de sa grande érudition et de pouvoir compter sur sa disponibilité, son support et ses commentaires toujours constructifs. Pour finir, un merci à toutes les infirmières que j’ai côtoyées durant ma carrière et qui m’ont permis de connaître la richesse inestimable que possèdent ces femmes de cœur et de tête. 1 Introduction au problème de recherche En 2006, la Fondation canadienne sur les services de santé déclarait que le manque d’infirmières est le problème le plus important auquel les directions des ressources humaines ont à faire face, en milieu hospitalier. Selon l’A.I.I.C. (Association des infirmières et infirmiers du Canada), la pénurie d’infirmières est évaluée à 11,000 au Canada en 2007 et si rien n’est fait pour y remédier, on estime qu’elle sera de 60,000 en 2022. Avec une population de plus en plus vieillissante, on prévoit que le cinquième, soit un québécois sur cinq, sera âgé de 65 ans et plus en 2025. Connaissant les besoins accrus que nécessitent les soins pour cette clientèle, si on ne s’attaque pas plus sérieusement à la pénurie, plusieurs craignent le pire pour notre système de santé. Au Québec, en 2009-2010, l’âge moyen des infirmières est de 43,8 ans et 22% ont 55 ans et plus (Portrait sommaire de l’effectif infirmier du Québec 2009-2010). Compte tenu du fait qu’en moyenne les infirmières prennent leur retraite à 56 ans, comparativement à 62 ans pour l’ensemble de la main-d’œuvre canadienne (Institut canadien d’information sur la santé, 2006), les choses ne vont pas aller en s’améliorant, si aucune action n’est posée. Le Québec et le Canada ne sont pas les seuls à connaître une pénurie d’infirmières. Il s’agit d’un problème à l’échelle mondiale qui touche tous les systèmes de santé, autant les systèmes publics que privés. C’est ainsi qu’aux États-unis en 2002, la Joint Commission on Accreditation of Health Care Organisations (J.C.A.H.O.) prétend que, en plus des effets négatifs sur la sécurité des patients et sur la qualité des soins, la pénurie d’infirmières limite la capacité des hôpitaux à traiter les patients. Sylvie Dorris Travail dirigé 2 Mais que se passe-t-il avec les infirmières? Plusieurs blâment le gouvernement d’avoir accéléré la diminution du nombre d’infirmières, au moyen de leur mise à la retraite massive qui s’est produite en 1997 et dans les années subséquentes. Le 23 octobre 2010, Denis Lessard, journaliste au quotidien La Presse, publie un article en ligne sur Cyberpresse sur les mises à la retraite massives effectuée en 1997, par le gouvernement Bouchard. Il interview et cite Jeannie Skeene, ancienne présidente de la Fédération des infirmières du Québec, qui lui rappelle que d’autres facteurs s’étaient ajoutés au départ des infirmières à cette époque, « (…), elles étaient alors bousculées par la réforme de la santé, le virage ambulatoire et les fermetures d’hôpitaux (…), les infirmières ont fui le chaos ». C’est ainsi que 4000 infirmières, soit près du double escompté, ont alors quitté le réseau. Ces départs ont frappé dur, car au même moment, Pauline Marois, ministre à l’Éducation, mit un frein aux inscriptions dans les écoles de soins infirmiers, soutenue par l’OIIQ (Ordre des infirmiers et infirmières du Québec), qui prédisait des surplus énormes d’infirmières en 2005 (Fédération canadienne des Syndicats d’infirmières et d’infirmiers). Cependant, ce contexte particulier n’explique pas entièrement la pénurie d’infirmières. D’autres considérants ou facteurs entrent en ligne de compte. Dans son article sur les dilemmes éthiques vécus par les infirmières aux soins intensifs, Langlois et coll. (2009) qualifient le manque d’effectifs infirmiers de cercle vicieux : « la pénurie combinée au contexte de vieillissement de la population et à de nombreux changements de pratique engendrent des conditions de travail éprouvantes, lesquelles ont tendance à dissuader les nouvelles recrues, provoquant ainsi un épuisement du personnel » (p 20). Sylvie Dorris Travail dirigé 3 Une étude de l’American Nurses Association (A.N.A.), a relaté également, que 55% des infirmières ne recommanderaient pas une carrière d’infirmières à leurs enfants ou à leurs amis, découragées, semble-t-il, par leur expérience dans la profession (J.C.A.H.O. 2002). Ainsi, non seulement les infirmières expérimentées comme nous l’avons vu précédemment, quittent la profession dès qu’elles le peuvent, mais parmi les jeunes recrues, on retrouve aussi une telle tendance. Selon les données recueillies en 2003-2004, il y a un taux d’abandon de 20 %, cinq ans après l’entrée dans la profession (Portrait sommaire de l’effectif infirmier 2003-2004). Il existe donc, non seulement des problèmes d’attraction en rapport avec la profession infirmière, mais également des problèmes de rétention. Le contexte et les conditions de travail y sont pour beaucoup. La reconfiguration du réseau de santé, le virage ambulatoire et ses effets sur les patients en période pré, per et post hospitalisation, l’important développement et l’introduction de nouvelles technologies dans les milieux de soins, de même que les investissements majeurs de ces technologies, sont justifiés par la recherche d’efficience dans les soins. Cela génère également souvent un effet de « technicité » qu’on ne peut passer sous silence en amenant une centralisation ou une domination du cure au détriment du care (Fédération des Syndicats d’infirmières et d’infirmiers, 2007). Pour l’infirmière, soigner ne peut se résumer qu’à poser des actes techniques. Ce glissement vers la technicisation des soins au détriment du care, pose ombrage et porte préjudice à l’infirmière, à la nature même de la profession. Les valeurs profondes qui ont habité des femmes et des hommes aussi depuis maintenant plusieurs années, à faire le choix de devenir soignant(e) s ont peu changé au cours des derniers siècles. Il m’est arrivé dernièrement, lors des stages effectués en milieu Sylvie Dorris Travail dirigé 4 hospitalier, de demander au personnel infirmier et aux étudiants ce qui les avaient motivés à devenir infirmière ou infirmier. Le désir de rendre service, d’être utiles à la société, d’aider les autres, est encore aujourd’hui mentionné lorsqu’on leur demande pourquoi elles ou ils sont ou veulent devenir infirmière ou infirmier. De la soignante qui veillait au chevet du malade au 19ième siècle, en passant par l’infirmière de colonie, à la professionnelle d’aujourd’hui qui œuvre dans les établissements de santé du réseau ou dans la communauté, il y a une forme très évidente d’engagement social (Fédération des Syndicats d’infirmières et d’infirmiers, 2007). Les infirmières trouvent une valorisation essentiellement dans les soins qu’elles dispensent et dans la contribution qu’elles apportent au mieux-être des membres de leur communauté. Les techniques effectuées font bien sûr parties du travail de la majorité des infirmières mais n’en représentent qu’une partie. Comme le souligne Danielle Blondeau (1999, p 130), le soin infirmier est une forme d’art moral : « son objet concerne une finalité, c'est-à-dire, la personne humaine (individu, famille, communauté) et son bien-être (…) comme la profession se définit par ses services auprès des autres, le souci éthique est inévitablement au centre de ses préoccupations ». Toutefois, l’écart entre les idéaux infirmiers et la réalité, suscite des problèmes éthiques au sein de la profession, qui influent sur le moral des infirmières. Un problème nouveau a surgi, celui de la détresse morale. Étrangement, bien qu’aux États-Unis et ailleurs aussi, (Suède, Australie, Japon, etc..), une nombreuse documentation existe sur le sujet, au Canada et encore moins au Québec, très peu d’articles y sont consacrés. Ce n’est pourtant pas parce que cette problématique n’existe pas ici. Sylvie Dorris Bien que certaines auteures québécoises, telles que Danielle Travail dirigé 5 Blondeau (1999) et Jocelyne Saint-Arnaud (2009) abordent de façon théorique, la détresse morale dans leurs livres respectifs, aucune étude empirique au Québec ne semble avoir été menée spécifiquement sur cette problématique. Au Canada, quelques auteurs comme Leiter et coll. (2010), Pauly et coll. (2009), Storch et coll. (2002) ont mené des recherches empiriques sur la détresse morale. Pourtant, mes vingt-cinq années d’expérience comme infirmière dans différents milieux de soins, jumelées à mon expérience d’enseignante de stage avec des étudiantes infirmières, m’ont amenée à vivre parfois moi-même cette détresse morale, à en être témoin ou à recueillir des témoignages ou des confidences dans ce sens. Mais dans le milieu, peu d’infirmières connaissent le terme, comment elle se définit et ce qu’elle implique. Dans le contexte actuel de pénurie d’infirmières et de la difficulté d’attraction et de rétention de cette main-d’œuvre, il est plus qu’important et utile de comprendre davantage la problématique de la détresse morale des infirmières. Sylvie Dorris Travail dirigé 6 But, questions, hypothèse de recherche Le but de ce travail dirigé est de mieux comprendre le phénomène de la détresse morale vécue par les infirmières dans les milieux de soins. À l’aide d’une revue intégrative des écrits empiriques et théoriques, il s’agira : - d’explorer les différences et les similitudes quant à la façon de définir la détresse morale; - d’identifier les facteurs, les causes, en lien avec la détresse morale; - les impacts possibles sur l’infirmière et sur le patient ; - ainsi que des pistes de solution pour tenter ce problème. Enfin, dans l’idée de trouver des moyens pour contrer la détresse morale, nous tenterons de comprendre pourquoi, malgré des contextes et des conditions de travail parfois exécrables, plusieurs infirmières vivent peu ou pas de détresse morale. De plus, les connaissances générées par ce travail dirigé, pourront éventuellement être intégrées à mon enseignement de l’éthique au niveau collégial et ainsi contribuer à diffuser l’information sur la détresse morale et à la prévenir dans une certaine mesure. De cette façon, les infirmières pourraient reconnaître la détresse morale lorsqu’elle se présente et seraient mieux préparer à y faire face. Cette stratégie pourrait, à plus long terme, favoriser la lutte pour contrer la pénurie d’infirmières. L’hypothèse émise est que, les facteurs ou les causes pouvant amener une détresse morale sont multiples et complexes. Pour certains facteurs, il existe des pistes de solutions, d’autres ne semblent pas pouvoir être solutionnées autrement que par la personne elle-même. C’est pourquoi l’infirmière doit aussi pouvoir se tourner vers ses ressources internes pour faire face aux exigences élevées du milieu, dont notamment, les conflits et dilemmes moraux auxquels elle est confrontée. Sylvie Dorris Travail dirigé 7 Revue intégrative des écrits Le schéma qui suit représente les recherches effectuées dans les différentes banques de données, ainsi que le nombre d’articles retenus. Après avoir consultés Medline, CINAHL, PsycInfo et Repères, à l’aide des mots clés suivants : moral distress and nurses, 259 articles ont ét recensés. Comme la littérature sur le sujet s’avérait assez abondante, il fut décidé de limiter la recherche aux articles publiés depuis l’année 2005. Suite à l’ajout de ce nouveau critère, 96 articles sont ressortis. Après avoir lu les résumés, 32 articles furent retenus et 64 exclus, (soit parce que la détresse évoquée n’était que relative à la détresse des patients, abordée de façon générale sans emphase sur la détresse morale ou bien parce que le concept de détresse morale était simplement évoqué, comme un effet ou une manifestation parmi d’autres, sans avoir été défini ou expliqué). Suite à la lecture des articles retenus, 16 articles cités souvent par les auteurs furent ajoutés, à cause de leur apport à la compréhension de la problématique et ce, malgré le fait qu’ils soient antérieurs à 2005. En ajoutant également deux livres consultés, cela totalise donc 50 écrits consultés. Figure 1 Schématisation du processus de la recension Medline (92) (1996 à 2011) CINAHL (95) (1987 à 2010) PsycInfo (71) (1996 à 2011) 2005 et + Medline (30) CINAHL (22) Psycinfo (43) Repères (1) Repères (1) Total : 259 Total : 96 32 retenus 64 exclus 32 articles 16 références + 2 livres Total : 50 écrits Sylvie Dorris Travail dirigé 8 Les articles recensés proviennent majoritairement des États-Unis, mais également de la Suède, de l’Australie, de l’Italie , du Canada, bref d’un peu partout à travers le monde et ils concernent autant les systèmes de santé privés que publics. Commençons donc, par les définitions attribuées à ce phénomène avec dans un premier temps, les études théoriques et empiriques qui portent sur la détresse morale. Par la suite, à la lumière de cette revue, nous tenterons de faire ressortir la définition la plus complète et la plus pertinente concernant la détresse morale. Il est utile de rappeler aussi, qu’en fin de ce travail vous trouverez les tableaux VII et VIII , qui sont les relevés d’auteur(e) s d’écrits théoriques et empiriques citées tout au long de ce travail dirigé. Sylvie Dorris Travail dirigé 9 Chapitre 1 Définitions de la détresse morale 1- Problème moral lié à des contraintes ou obstacles externes et internes à la personne Un des premiers auteurs à parler et à définir la détresse morale chez les infirmières est Jameton (1984, p. 6) qui la décrit en ses termes : « La détresse morale apparaît quand on connaît la bonne action à poser ou la bonne chose à faire mais que des obstacles, contraintes institutionnelles ou organisationnelles empêchent d’agir en ce sens ». La détresse est perçue comme un déséquilibre psychologique et un sentiment négatif ressenti lorsqu’une personne connaît la bonne décision morale à poser mais ne peut la mettre en application. Le fait d’agir contre sa conscience, amène dans un premier niveau, des sentiments de colère, de frustration et d’anxiété. Dans son livre sur les questions éthiques en nursing (1984), Jameton différencie aussi l’incertitude morale, des dilemmes moraux et de la détresse morale. L’incertitude morale est présente lorsque l’on ne sait pas quoi faire ou comment agir dans une situation à caractère moral. Même chose pour le dilemme moral, c'est-à-dire qu’il y a aussi une incertitude mais cette fois entre deux ou plusieurs options possibles. La détresse morale appartiendrait à une catégorie à part, car elle ne relève pas d’une incertitude ou d’une méconnaissance de la bonne action à poser, mais de l’impossibilité de poser l’action jugée appropriée, à cause de barrières institutionnelles : manque de temps, manque de support des superviseurs ou coordonnateurs, hiérarchie des professions, politiques institutionnelles ou limites légales. Cette façon de considérer la détresse morale est également partagée et reprise dans leurs écrits théoriques par : Corley (2002), Cohen et Érickson (2006), Rushton (2006), McCarthy et Deady (2008), Schluter et coll. (2008), Robinson Sylvie Dorris Travail dirigé 10 (2010), Goethals et coll. (2010), Walsh (2011) et dans leur écrits empiriques respectifs par : Wilkinson (1988), Corley (2001), Kälvemark et coll. (2003), Gutierrez (2005), Hamric et Blackhall (2007), Zuzelo (2007), Rice et coll. (2008), Harrowing et Mill (2009), Pauly et coll. (2009) et Cummings (2010). Une autre auteure incontournable dans la littérature traitant la détresse morale, est Wilkinson (1988), qui adhère à la définition de Jameton (1984), mais insiste sur la notion de « déséquilibre psychologique », qui serait ressenti par une décision morale qui n’a pu être mise en application. Wilkinson (1988), rappelle que la morale et l’éthique sont non seulement liées mais occupent une place centrale dans la pratique infirmière. Pour elle, l’infirmière doit aussi bien faire preuve de jugement clinique au regard des soins physiques à administrer que de jugement moral au regard de certaines situations éthiques. De plus, autant les capacités cognitives et affectives de l’infirmière, que le contexte, peuvent influencer la façon d’appréhender les conflits moraux. Avec son étude parue en 1988, sur la détresse morale dans la pratique infirmière, Wilkinson produit un modèle (voir Annexe 1), décrivant l’expérience de la détresse morale. En voici les grandes lignes. Tout commence par une situation problématique où l’infirmière reconnaît que des enjeux moraux sont en jeu tout en sachant qu’elle est responsable et imputable de ses actions et de ses décisions. Elle est animée par des sentiments d’empathie et de désir d’aider le patient, de défendre ses positions et possède également un cadre moral de référence qui la supporte cognitivement dans son agir en la guidant vers l’action morale. La somme de son expérience et de ses connaissances influence la capacité de l’infirmière à contourner ou non, les contraintes et à appliquer la décision morale. Ce sont les contraintes perçues ou réelles qui empêchent ou bloquent Sylvie Dorris Travail dirigé 11 l’infirmière dans la mise en œuvre de sa décision morale. Le fait de ne pas agir moralement comme elle le souhaiterait, l’amène à ressentir des sentiments négatifs et un déséquilibre psychologique. La force des sentiments est influencée par le degré ou l’intensité que possède l’infirmière à s’identifier au patient et par la perception qu’elle a de son rôle et du contrôle qu’elle peut exercer sur la situation de soin. C’est également à ce niveau que l’infirmière se sent, soit responsable de ce qui arrive au patient ou qu’elle considère que cela n’est pas de son ressort. Plusieurs stratégies de coping ou d’adaptation peuvent être utilisées par l’infirmière pour retrouver son équilibre psychologique et son intégrité. Si l’infirmière réussit à s’adapter avec succès, elle sent qu’elle a un contrôle sur la situation et son intégrité est ainsi maintenue. Elle se sent prête à rester dans le milieu et à continuer de prodiguer de bons soins aux patients. Par contre, lorsque les stratégies de coping et d’adaptation ne sont pas efficaces, l’infirmière ressent de l’impuissance et de l’accablement. Il semble aussi que plus elle sera exposée à des situations pouvant susciter de la détresse morale, plus ses stratégies d’adaptation risquent d’être érodées donc moins efficaces. Elle peut chercher à éviter les contacts avec les patients, ce qui peut finir par leur nuire pour différentes raisons. Rendue à ce point, des infirmières peuvent vouloir changer d’emploi ou même quitter la profession. D’autres restent, mais sont touchées dans leur estime de soi, leur intégrité et peut-être même dans leur capacité de donner de bons soins aux patients. Wilkinson (1988), tient à rappeler que c’est le système de croyances et de valeurs de l’infirmière, jumelée à l’évènement en cause, qui provoque la détresse morale. Elle cite en exemple, l’infirmière qui peut éprouver de la détresse morale si son patient âgé est réanimé, tandis qu’une autre peut en éprouver s’il ne l’est pas. Sylvie Dorris Travail dirigé 12 Figure 2 : Modèle de la détresse morale de Wilkinson Sylvie Dorris Travail dirigé 13 En 1993, Jameton dans son article sur les dilemmes, la détresse morale et la responsabilité morale des infirmières, prétend qu’il y a ambiguïté autant dans sa définition, que dans celle de Wilkinson, telle qu’énoncée dans son étude empirique qualitative où elle élabore son Modèle de la détresse morale (1988). C’est pourquoi, Jameton (1993), ajoute une distinction quant aux formes de détresse morale possibles. Il s’agit de la détresse initiale et de la détresse réactive ou réactionnelle. La détresse réactionnelle apparaîtrait lorsque les stratégies de coping (d’adaptation) n’ont pas été efficaces et n’ont pu évacuer la détresse morale initiale. Ce serait la détresse morale réactive ou réactionnelle, qui finirait par causer des dommages ou laisser des traces dans la conscience des infirmières. Lorsque la détresse est non résolue, elle fait place à la détresse réactionnelle qui elle, peut provoquer des sentiments de honte, de culpabilité, d’impuissance ainsi que des pleurs, de l’insomnie, des cauchemars et une baisse d’estime de soi. Cette nuance et ajout apportés à la compréhension de la détresse morale, sont également partagés dans leurs écrits théoriques par Corley (2002), Cohen et Érickson (2006), Rushton (2006), McCarthy et Deady (2008), Schluter et coll. (2008) et dans leurs écrits empiriques par Kelly (1998), Corley et coll. (2001), Fry et coll. (2002), Kälvermark et coll. (2003), Zuzelo (2007) et Deady et coll. (2010). Certains citaient plutôt Wilkinson (1988) (qui s’inspirait initialement de Jameton 1984), pour définir la détresse morale ou bien encore citaient les deux auteurs. Nous parlons de : Corley et coll. (2001), Fry et coll. (2002), Kälvemark et coll. (2003), Lützen et coll. (2003), Mobley et coll. (2007), Laabs (2007), Pauly et coll. (2009) et Deady et McCarthy (2010). Sylvie Dorris Travail dirigé 14 Fry et coll. (2002) élaborent comme Wilkinson (1988) l’avait fait avant eux, un Modèle de la détresse morale sous forme de schéma (voir figure 3), à partir d’une étude empirique effectuée auprès d’infirmières oeuvrant en milieu militaire et qui s’avère également intéressant. Ce modèle semble également inspiré des définitions de Jameton (1984 et 1993) et Wilkinson (1988). En voici, la description : le processus commence donc par un « éveil » de l’infirmière, à la présence ou à la reconnaissance d’un conflit de valeurs qui se présente et qui est en lien avec les meilleurs intérêts et les soins au patient. L’infirmière évalue ensuite les possibilités qui s’offrent à elle, de même que les répercussions positives et négatives des actions à mettre en branle. Un jugement moral est alors posé sur ce qui pourrait s’avérer être le meilleur intérêt du patient. Si rien n’empêche la mise en place de l’action morale souhaitable, le conflit de valeurs prend alors fin. Mais si une barrière réelle ou perçue s’érige et que l’action désirée ne peut être mise en place, la détresse morale initiale s’installe. Cependant, l’infirmière consulte généralement ses collègues ou ses supérieurs pour tenter de trouver une solution et pour compenser, elle intensifie son rôle d’advocacy, (c’est-à-dire son rôle de défense des intérêts du patient). Dans certains cas, ces mesures seront bénéfiques et peuvent faire tomber la barrière érigée permettant ainsi la réalisation de l’action appropriée. Par contre, à d’autres moments, la barrière n’est pas surmontée et l’action souhaitée ne peut être appliquée. Le fait de ne pouvoir agir selon ses convictions, amène l’infirmière à vivre de la détresse morale réactive, ce qui signifie des effets à court et long terme sur l’infirmière et sa pratique. Pour concrétiser ce processus, elles donnent en exemple l’histoire d’une infirmière militaire qui assiste avec impuissance à l’agonie de plusieurs blessés accidentés sans qu’elle puisse leur porter secours à moins de Sylvie Dorris Travail dirigé 15 désobéir et de contrevenir aux règles, ce qui pourrait ensuite s’avérer très lourd de conséquences pour la suite de sa carrière. Figure 3 : Modèle de Fry et coll.2002; Le processus associé à la détresse morale chez les infirmières de l’armée Sans barrière à l’action ↓ Conflit résolu ↓ Absence de détresse morale Barrières non surmontées ↓ Action non complétée ↓ Détresse morale réactive ↓ Effets et conséquences Élément déclencheur ↓ Évaluation ↓ Jugement ↓ Barrières à l’Action ↓ Détresse morale initiale Action non entreprise Barrières surmontées ↓ Action complétée ↓ Fin de la détresse morale Source : Traduit de Fry, Harvey, Hurley et Foley (2002, p. 381) avec l’autorisation de © SAGE Publications, 2002, tiré du livre de Jocelyne Saint-Arnaud, 2009, p.113. Robinson (2010), dans son écrit théorique portant sur les infirmières et la détresse morale, reprend une partie de la définition de Jameton (1984) et la complète avec la définition venant de l’American Association of Critical Care Nurses (A.C.C.N.), (qui eux-mêmes tirent leur référence entre autres de Wilkinson (1988) et définit la détresse morale comme : « la personne connaît l’action éthique appropriée à poser mais est incapable de l’appliquer ou lorsque la personne agit contre ses valeurs personnelles ou professionnelles » ( pp.197-202, Traduction libre). Sylvie Dorris Travail dirigé 16 Saint-Arnaud (2009), dans son livre sur l’Éthique de la santé, consacre plusieurs pages du chapitre 7, à relater et à décrire pertinemment, les enjeux éthiques en lien avec la détresse morale. Quelques auteur(e) s et définitions ont retenu son attention, notamment Jameton (1984), Wilkinson (1988) et de Fry et ses collègues (2002). Ces derniers, dans leur étude empirique sur les infirmières militaires, définissent la détresse morale de la façon suivante : « Un état affectif vécu quand une personne pose des jugements moraux sur une situation dans laquelle elle est impliquées, mais n’agit pas en fonction de ses jugements » (Traduction libre, p.376). Hanna (2004), propose une étude théorique sur « l’État actuel de la science » en ce qui concerne la détresse morale et propose dans le cadre de cette revue de revoir et de bonifier entre autres, les définitions de Jameton (1984-1993) qu’elle juge insatisfaisantes et trop linéaires. Selon elle, ces définitions limitées auraient nuit à la diffusion et à la compréhension de la problématique. Un des reproches émis à cet effet, est que si on se fie à la définition de Jameton (1984-1993), pour que la détresse morale disparaisse, il s’agirait de mieux contrôler ou éliminer les contraintes ou obstacles institutionnels les ayant provoqués. Pour Hanna, cette simplification de l’expérience humaine complexe qu’est la détresse morale n’est pas acceptable. Elle se dit également non d’accord avec la façon de voir de Wilkinson (1988), qui prétend selon elle, qu’il suffit de mesurer la détresse psychologique pour obtenir la mesure de la détresse morale. Hanna reproche à Wilkinson, de ne pas tenir compte de la différence qui existe entre la détresse morale et la détresse psychologique. En conclusion de cette étude théorique, elle suggère deux pistes pour de futures recherches. La première piste consisterait à essayer de traiter ou guérir l’anxiété provoquée par la détresse morale et la deuxième, de tenter de découvrir des façons ou Sylvie Dorris Travail dirigé 17 méthodes pour que l’expérience de la détresse morale devienne thérapeutique en favorisant une croissance et une transformation personnelle de l’infirmière. Pistes certes valables et intéressantes mais cela étant dit, cette étude n’a toutefois pas apporté une nouvelle définition de la détresse morale. Toutefois en ce qui concerne les facteurs ou causes liés à la détresse morale, tout comme le souligne Hanna (2004), il faut reconnaître que la détresse morale peut aussi trouver sa source ailleurs que dans les contraintes institutionnelles contrairement à ce que Jameton (19841993) laisse entendre. Nous les aborderons dans la prochaine partie, « Facteurs et causes » de la détresse morale. 2- Problème moral en tant que phénomène perçu et vécu par les infirmières Cronqvist et Nyström (2007) dans leur étude visant à décrire et analyser les relations théoriques entre le stress moral et le support d’un côté et la compétence de l’autre, dans un contexte d’infirmières oeuvrant aux soins intensifs, préfèrent reprendre l’appellation de « stress moral » établie par Lützen et coll. (2003), dans leur étude phénoménologique effectuée avec des infirmières des soins intensifs et psychiatriques, que de parler de détresse morale. Elles citent Baker (1987) qui, dans son étude théorique, revoit les phases du développement du jugement moral de Kholberg et prétend qu’une situation est vue et jugée comme « morale », lorsqu’il est clair que le comportement donné d’un individu peut affecter le bien-être d’un autre individu. Le terme moral comporte en lui-même des constituants en conflit et réfère au fait que, ce qu’on peut faire et ce qu’on doit faire ne sont pas toujours compatibles. À partir des données recueillies par Lützen et coll. (2003), Cronqvist et Nyström préfèrent parler de pré-conditions en lien avec la détresse morale, plutôt que de chercher à la définir. Même si ces trois pré-conditions pourraient plutôt se Sylvie Dorris Travail dirigé 18 retrouver dans la section où seront abordés les facteurs ou causes de la détresse morale, les voici car elles donnent tout de même, un aperçu de la vision des auteures: 1) les infirmières sont moralement sensibles et touchées par la vulnérabilité des patients. 2) les infirmières subissent des contraintes, des facteurs externes, qui les empêchent d’agir au mieux pour le patient. 3) les infirmières croient qu’elles n’ont pas de contrôle sur la situation éthique en cause. Petite parenthèse à ouvrir ici, c’est qu’il s’avère évident et intéressant de constater, qu’au fur et à mesure que les écrits se révèlent, les études théoriques et empiriques s’influencent mutuellement au fil du temps et des publications sur le sujet. Goethals et coll. (2010) citent aussi Jameton (1984) pour définir la détresse morale mais ils évoquent également l’équipe scandinave de Sorlie et coll. (2003), qui dans leur étude empirique sur les difficultés éthiques vécue en pédiatrie, définissent la détresse morale ainsi : « les infirmières peuvent sentir que leur image de soi et leur intégrité sont menacées si elles doivent se conformer à des règles et routines non écrites et si elles sont incapables d’agir en fonction de leurs valeurs professionnelles à cause de circonstances ou situations particulières ». (Traduction libre). Kälvemark et coll. (2003) et Kälvemark et coll. (2006), suggèrent une définition plus large que celle émise par Jameton (1984-1993) et Wilkinson (1988). Pour ces auteurs suédois, la détresse morale se manifeste lorsque des symptômes négatifs apparaissent suite à des situations impliquant des dilemmes éthiques et que les professionnel(le)s de la santé, sentent qu’ils ne peuvent protéger les intérêts et les valeurs du patient. Ce qui peut vouloir dire également que même si l’action souhaitée a été poursuivie en présence d’un dilemme éthique, cela demeure stressant car Sylvie Dorris Travail dirigé 19 comme un dilemme éthique est caractérisé par un conflit de valeurs, nécessairement lorsque l’on choisit et privilégie une option plutôt qu’une autre, cela implique que des valeurs et des options éthiquement valables ont été sacrifiées. Pour Lützen et al. (2003), les études réalisées sur la détresse morale n’ont pas suffisamment mis d’emphase dans leur explication de la détresse morale, sur la composante éthique de la détresse. Les principes éthiques qui sont en jeu lors des situations problématiques devraient être mis en évidence. Ces chercheurs préfèrent parler de « stress moral » plutôt que de détresse morale, car ces deux concepts sont pour eux similaires dans la mesure où on retrouve la composante « morale » dans les deux. Ainsi, le stress moral est vécu quand l’infirmière est consciente du ou des principes éthiques en jeu dans une situation donnée et des facteurs externes qui l’empêchent de prendre une décision qui pourrait réduire le conflit entre les principes en contradiction. Ils citent en exemple, l’infirmière des soins intensifs qui sait qu’elle devrait permettre au patient de mourir avec dignité mais qui reconnaît qu’elle a une responsabilité de faire tout ce qui est en son pouvoir pour le maintenir en vie. Nous avons compris que pour les auteurs, le stress moral et la détresse morale sont en quelque sorte, des synonymes. Bien qu’en effet, le mot « moral » est présent dans les deux concepts, le stress et la détresse par contre, sont quant à eux des concepts différents qui ne veulent pas dire la même chose. On peut penser par exemple, que la détresse morale est secondaire, consécutive ou est la résultante du stress moral subi. Cette nuance fait en sorte que le stress moral et la détresse morale ne sont pas des synonymes comme semblent le penser ces auteurs, mais que le premier peut entraîner le second, si on considère la détresse morale en terme de processus. Sylvie Dorris Travail dirigé 20 Nathaniel (2006), reprend les définitions de Jameton (1984), Wilkinson (1988) et Fry (2002) et y ajoute une partie de sa propre définition tirée de son étude empirique réalisée en 2004 sur le jugement moral des infirmières. La détresse morale serait une douleur affectant l’esprit, le corps et les relations résultant d’une situation de soins qui présente un problème moral. Comme l’infirmière se reconnaît une responsabilité morale à résoudre le problème, elle porte un jugement moral sur l’action à poser mais en raison de contraintes réelles ou perçues, soit par acte ou par omission, elle participe à ce qu’elle perçoit comme étant moralement répréhensible , d’où la détresse éprouvée. Dans son analyse par théorisation ancrée sur l’atteinte à l’intégrité des infirmières (n = 23 infirmières) au regard des conflits moraux, Laabs (2007), indique que la détresse morale et l’atteinte à l’intégrité sont directement reliées. La détresse morale serait finalement vécue, lorsque malgré des efforts mis en branle, il y a eu atteinte à l’intégrité de la personne. Kelly (1998), avec son étude empirique effectuée auprès d’infirmières débutantes (novices) concernant le maintien de l’intégrité, soutient que le fait de chercher à préserver son intégrité morale, relève d’un processus psychosocial de base. C’est pourquoi, selon Kelly, la détresse morale deviendrait alors une conséquence des efforts pour préserver l’intégrité morale. Wilkinson (1988), avait également mentionné que les infirmières qui ne peuvent agir selon leurs convictions, vivent une détresse qui porte atteinte à leur intégrité personnelle et professionnelle. Lyse Langlois et ses collègues (2009), ont mené une étude empirique portant sur l’examen des dilemmes éthiques vécus par les infirmières et les infirmiers québécois et leurs effets sur ces travailleurs, qui, dans le contexte de soins de fin de vie, Sylvie Dorris Travail dirigé 21 oeuvrent aux soins intensifs. Ils citent Jameton (1984) comme étant un des premiers auteurs à avoir publié sur le concept de dilemme moral. Ils prétendent toutefois, qu’une certaine dérive existe dans la littérature concernant le vocabulaire utilisé et qu’il serait utile de dissocier et différencier les termes reliés aux dilemmes éthiques. Ainsi, le dilemme éthique, le dilemme moral et le conflit éthique relèveraient de processus liés à l’évaluation cognitive d’un évènement ou d’une situation (source de conflit). Tandis que la détresse morale, le stress moral et le stress de conscience décriraient la réaction émotive à ce même évènement, si cela n’est pas résolu. Il est en effet utile et pertinent, pour faciliter la compréhension et la diffusion de ces concepts, d’employer les termes justes et le vocabulaire approprié pour être en mesure de bien se comprendre. Toutefois, un petit commentaire s’impose, concernant justement le vocabulaire utilisé par ces auteurs. À quelques reprises dans l’article, les auteurs utilisent les termes détresse psychologique, désarroi éthique et détresse morale, sans mentionner s’il s’agit de synonymes mais en précisant toutefois que ces phénomènes sont des réactions émotives. Il serait intéressant de savoir ce qui a motivé le choix de ces mots ou termes et pourquoi n’utilisent-ils pas le terme de détresse morale. 3- Qu’en disent les associations? Enfin, à titre informatif, bien qu’il ne s’agit pas ici de nouvelles définitions, il est intéressant de savoir que deux nouveaux diagnostics infirmiers (DI), ont été suggéré par Kopala et Burkhart en 2005, à la North Americain Nursing Diagnosis Association (NANDA). Il s’agit des DI dilemme éthique et détresse morale. Selon Sylvie Dorris Travail dirigé 22 ces auteurs, les infirmières ne sont pas les seules à vivre ces conflits moraux, les patients aussi les vivent avec sensiblement les même sentiments négatifs ressentis et impliquant les mêmes facteurs en cause. Le DI détresse morale, a été approuvé et accepté par la NANDA en 2006 et paraît aussi dans la dernière édition du Manuel de diagnostics infirmiers (2009) par Lynda Juall Carpenito. Le DI détresse morale se définit selon Carpenito qui tire ses sources de la NANDA, comme étant : « L’état d’une personne qui éprouve un déséquilibre psychologique, des malaises physiques, de l’anxiété ou de l’angoisse après avoir pris une décision sur le plan moral sans pouvoir adopter le comportement moral qui s’impose ». (p. 656). Il est spécifié toutefois que ce DI ne s’applique et ne s’adresse qu’aux infirmières, ce qui est plutôt rare en soi, car bien évidemment, les DI sont généralement conçus pour les patients et leur famille. Ils précisent qu’il est possible que le patient et sa famille éprouvent aussi de la détresse morale, mais on ne peut appliquer ce DI pour eux. Si cela arrive, on doit plutôt les référer, soit à un comité d’éthique ou autres instances, religieuse ou spirituelle. L’Association des infirmières et infirmiers du Canada (A.I.I.C.) se dit également concernée et soucieuse face au « désarroi éthique » (c’est ainsi que l’Association a traduit moral distress) vécue par les infirmières. Leur document d’environ sept pages, produit sur le sujet, s’intitule : « Le désarroi éthique dans les milieux de soins de santé » (Oct. 2003) et on y retrouve une définition de la détresse morale, issue de Jameton (1984-1993), Wilkinson (1988), Webster et Baylis (2000), Fry et coll. (2002) et Nathaniel (2002). Il s’agit : « L’infirmière perçoit qu’il y a un problème d’ordre éthique, reconnaît sa responsabilité sur le plan de l’éthique et porte un jugement respectueux de l’éthique Sylvie Dorris Travail dirigé 23 sur la bonne façon d’agir. Si des contraintes réelles ou perçues l’empêchent d’agir, elle risque alors de ressentir du désarroi éthique, car elle participe à ce qu’elle considère comme un acte qui contrevient à l’éthique.» (AIIC, 2003, p.3) 4- Définition personnelle de la détresse morale Le modèle de Wilkinson (1988) représente à mon avis, la tentative la plus complète et lucide pour expliquer l’apparition et les conditions de la détresse morale. De plus, la façon dont l’auteure souligne dans son étude le fait que ce sont les croyances et les valeurs des infirmières qui orientent leurs réactions, donc qui leur permettent de sortir ou non de la détresse morale initiale, rejoint mes convictions au regard de la façon d’appréhender la situation. Mais bien humblement, après avoir effectué les lectures, interpréter et analyser l’idée des auteurs sur la question de la détresse morale, voici comment je décris le processus conduisant à la détresse morale en m’inspirant des nombreux auteur(e)s précédemment cité(e)s. Le processus commencerait lorsque la personne est confrontée à un conflit moral provoqué soit par des contraintes ou barrières externes de type organisationnelles, institutionnelles, relationnelles et légales et/ou par des contraintes internes, comme les valeurs et les croyances de la personne. Lorsque les stratégies de coping de l’individu ne suffisent pas ou plus à solutionner le conflit moralement stressant, c’est alors qu’apparaîtrait la détresse morale qui peut amener des malaises autant psychologiques que physiques pour la personne. Cette description du phénomène est de laisser la porte ouverte au pouvoir que l’infirmière a, d’agir sur ses contraintes internes et ce, malgré des contraintes ou barrières externes diverses. L’infirmière doit reconnaître et comprendre les stratégies de coping qui lui permettront d’évaluer et Sylvie Dorris Travail dirigé 24 d’évacuer la détresse morale pour que la détresse morale ne laisse pas de « résidus éthique, c'est-à-dire tout ce que nous traînons comme bagage et qui découle des situations vécues de détresse morale lorsque nous avons gravement transgressé avec nos principes ou permis une situation nous entraînant à transgresser nos principes » (Webster et Baylis, 2000, p. 218). 5- Instruments de mesure de la détresse morale Dans notre recension d’écrits, cinq auteur(e) s ont développé des instruments pour mesurer la détresse morale: il s’agit de : Figure 4 Auteur(e) s et année Instrument Corley (2001) Échelle de Corley pour mesurer la détresse morale (traduction libre) Hanna (2004) Questionnaire d’évaluation de la détresse morale de Hanna Glasberg et coll. (2006) Questionnaire de Stress de conscience (SCQ) Kälvemark et coll. (2006) Instrument de mesure de la détresse morale de Kälvemark et coll. Eizenberg et coll. (2009) Questionnaire de la détresse morale Ces questionnaires ont permis notamment d’évaluer empiriquement la nature, les impacts et les effets de la détresse morale sur les infirmières elles-mêmes et sur leur pratique. Sylvie Dorris Travail dirigé 25 Chapitre II Impacts de la détresse morale Bien que certains impacts et effets sur l’infirmière et sur le patient aient déjà été nommés une synthèse mérite d’être faite. En voici la description : 1- Impacts sur l’infirmière : Détresse morale initiale : Plusieurs auteurs ont relevé des sentiments ou émotions négatifs ressentis, comme de la frustration, de l’anxiété, de la tristesse, de la colère, de l’impuissance, de la culpabilité et un déséquilibre psychologique, il s’agit de Jameton (1984-1994), Wilkinson (1988), Corley (2001-2002), Fry (2002), Kälvermark et coll. (2003), Gutierrez (2005), Rushton (2006), Ferrell (2007), Hamric et Blackhall (2007), Zuzelo (2007), Rice et coll. (2008), Harrowing et Mill (2009), Pauly et coll. (2009) et Cummings (2010). L’atteinte à l’intégrité a été soulevée par Wilkinson (1988), Glasberg et coll. (2006), Laabs (2007) et Goethals et coll. (2010). Détresse morale réactionnelle Si par la suite, pour différentes raisons, l’infirmière n’a pu se débarrasser de la détresse initiale ressentie, d’autres manifestations peuvent rejaillir et s’exprimer par des dépressions, de l’épuisement professionnel ou burnout, de l’insatisfaction au travail, des changements d’assignation et même des départs de la profession. Cette façon de voir la détresse morale en deux stades, se retrouve parmi les auteurs suivants : Kelly (1998), Corley et coll. (2001), Fry et coll. (2002), Kälvemark et coll. (2003), Cohen et Erickson (2006), Zuzelo (2007), Rice et coll. (2008) et Deady et McCarthy (2010). D’autres manifestations de la détresse morale réactionnelle, comme des cauchemars, un sentiment de dévalorisation, des réactions physiques tels, des palpitations, diarrhées, maux de tête ont été rapportées par Fry et Sylvie Dorris Travail dirigé 26 coll. (2002), lors de leur étude effectuée auprès d’infirmières militaires. Hanna (2005), dans son étude auprès d’infirmières assistant aux interruptions de grossesse, a relevé des abus de drogues et d’alcool. Bien que Wilkinson (1988), n’utilise pas le terme « détresse morale réactionnelle », elle soulève tout de même le fait que si les mécanismes de coping de l’infirmière ne réussissent pas à l’aider à se débarrasser des sentiments négatifs et du déséquilibre psychologique ressenti, elle peut vivre alors, une grande impuissance, une baisse de son estime de soi et une atteinte à son intégrité. Ces sentiments éprouvés peuvent la conduire à quitter la profession ou à rester, mais en risquant encore plus de menaces à son intégrité. Corley a relevé lors de son étude publiée en 2005, que 25,5 % des infirmières avaient changé d’emploi à cause de la détresse morale éprouvée. Hamric et Backhall (2007) ont trouvé que 45 % des infirmières de leur étude avaient déjà envisagé sérieusement de quitter leur assignation à cause de la détresse morale et que 17% l’avait fait. Dans une étude empirique menée par Grulke et coll. (2009), la détresse chez les patients subissant une allogreffe de cellules souches est corrélée à la détresse chez les infirmières. Ceux-ci avancent que la détresse du patient peut causer une détresse réactive chez l’infirmière. De plus, lorsque la détresse de l’infirmière augmente, celle du patient augmenterait également. Un véritable cercle vicieux, soulignent les auteurs. Une équipe italienne, Amati et coll. (2010), a mené une étude mixte (qualitative et quantitative) auprès d’une population d’infirmières (n = 101), pour vérifier si il existait une relation entre la satisfaction au travail, la détresse psychologique et le Sylvie Dorris Travail dirigé 27 stress, liés à des paramètres biologiques. Les données indiquent que l’insatisfaction au travail et les mécanismes psychologiques du stress, affectent négativement la fonction immunitaire, rendant les travailleurs plus à risque de développer des maladies inflammatoires, cardio-vasculaires, des infections et des tumeurs. En 2005, Hanna, mène une étude empirique sur l’expérience de la détresse morale chez les infirmières assistant aux avortements et cherche à redéfinir le concept de la détresse morale en des termes plus universellement applicables. Son cadre de référence est le Modèle d’Adaptation de Roy (RAM). Elle prétend que trois types de détresse furent identifiés auprès de la cohorte (n = 10 infirmières). Le premier type est appelé « choc (shocked)», le deuxième serait le « muet (muted) » et le troisième, « le persistant (suppressed) ». Le premier type, « le choc », commencerait de façon abrupte et intense et s’accompagnerait immédiatement d’un sentiment intérieur de rejet de l’acte dommageable commis (dommage causé à la vie qui aurait pu avoir lieu pour le fœtus en développement). Le désir de s’esquiver ou de fuir peut être très présent ou une forme d’engourdissement ou de paralysie peut au contraire empêcher de bouger ou de réagir. Il s’agirait d’une réaction viscérale du corps. Ce premier type détresse peut provoquer de la colère, de la peur, de l’incrédulité ou de la panique. Le deuxième type appelé « muet », est une expérience intérieure mais qui se manifeste par un silence extérieur. Cette détresse peut provoquer également des céphalées, des nausées et de la fatigue et sous-entend toujours que les gens n’en parlent pas, refoulent mais vivent un dialogue intérieur important. Cette détresse finit donc par grossir avec le temps, car elle n’est pas partagée et verbalisée. Sylvie Dorris Travail dirigé 28 Finalement, le troisième type appelé « persistant », est selon l’auteure, le plus difficile à classer et surtout à détecter car souvent on croit la détresse disparue ou éliminée alors qu’elle ne l’est pas. Ce type de détresse empêcherait la réflexion consciente de prendre sa place, en émoussant ou érodant en quelque sorte, la conscience professionnelle et en limitant la capacité à poser un regard objectif sur la situation. Cela pourrait se traduire aussi par un détachement émotionnel, une déconnexion de soi ou un déni des situations normalement jugées intenses en émotion ou encore par de la fatigue, de la dépression, des migraines et des problèmes gastro-intestinaux. Enfin, bien que ces trois types de détresse identifiés s’avèrent intéressantes, il faut tout de même reconnaître que cette étude est difficilement généralisable, étant menée seulement sur une cohorte de 10 infirmières. 2- Impacts positifs : Pour Hanna (2004) et Rushton (2006), le fait de vivre de la détresse morale peut se révéler comme une expérience ou une occasion unique de croissance et de transformation personnelle pour l’infirmière. Pour Lützen et coll. (2003), la détresse morale éprouvée est un signe que l’infirmière fait preuve de sensibilité face aux aspects moraux de sa pratique et qu’elle est donc plus en mesure de comprendre la vulnérabilité des patients, ce qui s’avère extrêmement bénéfique pour le patient. 3- Impacts sur le patient : Lorsque les infirmières sont perturbées par la détresse morale éprouvée, elles peuvent avoir tendance à limiter et éviter les contacts avec certains patients ; Corley (2001) et Gutierrez (2005) ont relevé cet impact. Le fait que les infirmières se soucient moins des patients, allant jusqu’à négliger leurs besoins de base physiques, Sylvie Dorris Travail dirigé 29 ont été mentionnés par Gutierrez (2005), Rushton (2006), Cohen et Erickson (2006) et Nathaniel (2006). Les communications et les échanges sont diminués, moins d’information est donnée aux familles et des stratégies d’évitement sont utilisées avec elles ; ces impacts ont été relevé par Gutierrez ( 2005) et Zuzelo ( 2007). Des communications irrespectueuses avec les pairs et les membres de l’équipe de soins peuvent amener un manque d’échanges et de cohésion dans l’équipe qui pourrait se traduire par des erreurs de traitements nuisibles aux patients (Rushton 2006). 4- L’âge et l’expérience sont-ils des facteurs de détresse morale? Il semblait utile et pertinent de savoir si l’âge et l’expérience des infirmières pouvaient avoir un impact sur le fait de vivre ou ressentir de la détresse morale. Parmi les articles retenus, six articles seulement ont abordé cet aspect de la question. Dans l’étude où elle développe son échelle servant à mesurer la détresse morale, Corley et ses coll. (2001), précisent qu’aucune variable démographique (l’âge, l’éducation, le sexe) et ni l’expérience de travail, ne peuvent indiquer le degré ou le niveau de la détresse morale. Utilisant également l’échelle de mesure de Corley et coll. (2001), Mobley et coll. (2007) et Pauly et coll. (2009) dans leur étude empirique respective, arrivent à ce même constat . Par ailleurs, Kälvemark et ses collègues (2006), à l’aide d’une étude empirique mixte, mesurant la détresse morale vécue en pharmacie et en milieu clinique et concluent que le groupe le plus âgé éprouve moins de détresse morale que les plus jeunes. Voici les données obtenues pour les infirmières : Facteur 1 = Niveau de détresse morale (Infirmières n = 112). Différence statistiquement significative notée Sylvie Dorris Travail dirigé 30 entre le groupe des plus jeunes (18-30 ans) et le groupe des plus âgés (égal ou plus de 56 ans) (p = 0.018) Les raisons potentielles évoquées sont que le groupe plus âgé a souvent aussi plus d’expérience, de connaissances en éthique et que de ce fait, les infirmières seraient plus pragmatiques face aux responsabilités qu’elles doivent assumer et aux limites qui leur sont imposées. Les auteurs reconnaissent les limites de leur étude et espèrent que d’autres investigations et explorations futures seront menées pour infirmer ou confirmer ce constat. Leiter et coll. (2010), ont mené une étude empirique qualitative portant sur les différences entre la génération X (né entre 1961 et 1981) et la génération babyboomers (né entre 1943 et 1960) chez les infirmières, relativement à la détresse morale. Ils ont trouvé que la génération X vivait de la détresse morale plus souvent que les baby-boomers. Les variables utilisées pour exprimer la détresse sont : l’épuisement, le cynisme, l’intention de partir et les symptômes physiques. Voici les données obtenues reproduites à partir du tableau de Leiter et coll. (2010) : Le MANOVA (Multivariate analysis of variance) pour les variables de la détresse révèlent un effet significatif sur les générations. (F4,522= 2.86, P=0.023, n = 0.021) Tableau 1 Moyennes et déviations standards entre la génération X et les babyboomers Épuisement Génération X n = 338 Moyenne SD 3.15 1.46 Baby-boomers Moyenne 2.74 n = 139 SD 1.49 Cynisme 1.90 1.31 1.69 1.32 Intention de partir 2.42 1.01 2.28 0.87 Symptômes physiques 2.35 1.31 1.97 1.26 Sylvie Dorris Travail dirigé 31 Comme l’organisation du système de santé canadien est principalement fondée et orientée par les valeurs des baby-boomers, les auteurs considèrent que la génération X vivrait davantage de conflits entre leurs valeurs personnelles et les valeurs organisationnelles que les baby-boomers, ce qui les rendraient ainsi plus à risque de vivre un épuisement professionnel. Ils citent également Widger et ses collègues (2008), qui dans leur étude révèlent que c’était la génération « Millénium ou Y » (né après 1981) qui détenait le plus haut taux d’épuisement professionnel (burnout). Ils rappellent d’ailleurs que les deux principaux facteurs en lien avec le burnout, sont les charges de travail excessives et les conflits de valeurs se présentant entre les valeurs personnelles et les valeurs organisationnelles. Passons maintenant à la prochaine étape, où seront abordés les facteurs associés à la détresse morale vécue par les infirmières. Sylvie Dorris Travail dirigé 32 Chapitre 3 Facteurs et causes de la détresse morale Comme le souligne si justement Wilkinson (1988), de par leurs fonctions et leur présence assidue et continuelle au chevet du patient, les infirmières sont impliquées dans les évènements fondamentaux de la vie des personnes, là où la vie, la mort et les souffrances sont au rendez-vous. Ceci fait qu’inévitablement, des questions morales et éthiques émergent de certaines situations. Cette relation privilégiée que l’infirmière entretient avec le patient, l’amène ainsi à assister, à supporter le patient et à vivre avec les conséquences des décisions et des choix moraux effectués par d’autres professionnels de la santé. En raison de sa position dans la hiérarchie hospitalière et parce qu’elle se sent souvent déchirée entre sa loyauté et sa responsabilité professionnelle envers le patient d’une part et ses responsabilités légales et institutionnelles envers ses pairs, les professionnels des autres disciplines et les familles d’autre part, l’infirmière serait plus sujette ou plus à risque de souffrir de détresse morale. Wilkinson (1988), rappelle que le processus du raisonnement moral qui amène la prise de décision et le fait d’agir moralement ou non par la suite, est influencé par plusieurs considérants. L’aspect cognitif, affectif et contextuel sont des variables qui peuvent affecter l’issue d’une décision, autrement dit, c’est le système de croyances et de valeurs de l’infirmière, conjugué à une situation problématique qui sont des générateurs potentiels de détresse morale. Toutefois, une fois que l’on a reconnu que la façon d’appréhender un évènement est unique à chaque individu, selon son propre système de valeurs, ses croyances, sa personnalité, son passé, son enfance, etc., on ne peut exclure le fait que certains Sylvie Dorris Travail dirigé 33 facteurs ou contraintes externes sont également responsables de la détresse morale éprouvée. L’infirmière ou la personne qui vit de la détresse morale, n’est pas la seule tributaire ou responsable de cet état de fait, ou de son « malheur ». Examinons maintenant les facteurs associés à la détresse morale chez les infirmières. Plusieurs auteur(e) s ont identifié des facteurs susceptibles de provoquer la détresse morale, en les regroupant soit par thèmes ou en énumérations de situations problématiques. Certains auteurs comme Jameton (1984-1993) et Corley (20012005), focussent surtout sur les facteurs externes, reliés à l’organisation du travail et à la structure institutionnelle, mais la plupart des auteur(e)s ont relevé d’importants facteurs internes, d’ordre affectif et personnel. Par exemple, pour Wilkinson (1988), les quatre situations ou facteurs les plus souvent évoqués par les infirmières en lien avec la détresse morale, sont : - assister et/ou de participer au prolongement indu de la vie chez des patients ayant un pauvre pronostic ; - assister et/ou de participer à des tests et à des traitements jugés non nécessaires, effectués sur des patients en phase terminale, surtout si ces tests et traitements s’avèrent douloureux; - assister à des traitements ou des interventions pratiqués avec incompétence ou de façon douteuse; - être impliquées dans des situations où il faut cacher ou omettre de dire la vérité aux patients ou à la famille. Sylvie Dorris Travail dirigé 34 Langlois et ses collègues (2004), mentionnent trois catégories de stresseurs spécifiques identifiés par les infirmières en soins palliatifs de fin de vie, qui s’avèrent être perturbants et difficiles à vivre. Il s’agit des stresseurs: - organisationnels, comme les surcharges de travail imposées et le manque d’autonomie professionnelle; - professionnels, comme les exigences liés au rôle et aux activités professionnelles de l’infirmière en soins palliatifs, telle que la difficulté à soulager la douleur du patient ; - personnels, comme, la survenue de deuils répétés, la détresse émotionnelle du patient et de la famille, le questionnement existentiel et les stresseurs moraux identifiés aux conflits de valeurs. Suite à son étude par théorisation ancrée, Laabs (2007), prétend que le maintien de l’intégrité face aux conflits moraux, est le cœur ou le noyau de base à partir duquel l’infirmière articule ses actions. Il s’agirait d’un processus social de base qui comprend des stratégies qui ne sont pas statiques, c'est-à-dire, qu’elles peuvent changer et évoluer avec le temps. De plus, ce processus peut être influencé par quatre catégories de facteurs, soit : - Le contexte et l’environnement de travail - Le rôle et la relation établie avec le patient - Les connaissances et l’expérience de l’infirmière - Les valeurs qui l’habitent Elle mentionne aussi des sous-facteurs en lien avec ces catégories, comme : Sylvie Dorris Travail dirigé 35 - les contraintes de temps; - les pressions exercées par l’employeur pour respecter les quotas de productivité; - le manque de respect démontré des médecins face aux différences de croyances et de valeurs des infirmières; - le droit pour les professionnels de la santé d’agir selon leur conscience; - les contraintes du système de soins de santé, au sens large, comme entre autres, les contraintes économiques générées par le système de santé privé américain, qui limite l’accès pour certains patients au soins de santé à cause de couvertures d’assurances qui s’avèrent insuffisante ou inexistante. Pour Mrayyan et Hamaideh (2009), suite à leur étude empirique effectuée en Jordanie, le principal facteur responsable de la détresse morale des infirmières, est le fait de commettre des erreurs de jugements cliniques ou de médicaments. Leur étude a montré que ces erreurs sont associées principalement à la pénurie d’infirmière. C’est dans les unités où il manque le plus souvent de personnel infirmier que l’on retrouve le plus d’erreurs cliniques. Voici un aperçu d’un des tableaux présentés par les auteurs qui révèlent cette situation : Tableau II Comparaisons du pointage total entre les départements et les unités Pointage total Échantillonage Départements Unités (N= 253) (N= 156) complet (N= 420) M SD M SD M SD t-test. Sig. Erreurs cliniques et de médicaments 1.52 2.57 P= 0.011 Sylvie Dorris 0.295 1.55 0.273 1.47 0.305 Travail dirigé 36 Pénurie d’infirmières Détresse morale 1.21 0.759 1.29 0.740 1.08 0.733 2.75 P= 0.006 1.25 0.763 1.32 0.739 1.14 0.760 2.39 P= 0.017 Saint-Arnaud (2009, p. 103), souligne également ce que le manque d’effectif peut provoquer, comme par exemple le temps supplémentaire souvent imposé aux infirmières et ces répercussions possibles : « Les heures supplémentaires sont associées à plus d’absences pour causes de maladie ou d’accident (O’Brien-Pallas et coll., 2004), à plus d’erreurs de médication et à d’autres types d’erreurs (Rogers et coll. 2004). Nathaniel (2006), a relevé trois types de situations ou de facteurs susceptibles de produire des conséquences dramatiques pour l’infirmière et pour le patient. Il s’agit : - des conflits entre les valeurs personnelles de l’infirmière, les valeurs professionnelles et les valeurs institutionnelles; - des différentes formes d’inégalité ou de déséquilibre de pouvoir, surtout asymétrique dans les relations où l’impuissance ressentie est importante. Par exemple, lorsque l’infirmière pense savoir ce qui conviendrait le mieux pour le patient mais qu’elle ne peut exprimer ou donner son avis à cet effet ou encore lorsque le médecin ne tient pas compte ou ignore les observations et le jugement clinique émis par l’infirmière, surtout lorsque l’état du patient se détériore; Sylvie Dorris Travail dirigé 37 - les carences ou les déficiences en milieu de travail causant des torts ou des dommages réels ou potentiels aux patients, comme le manque d’effectifs et des équipements inadéquats. Pour Kälvemark et ses collègues (2003), ce sont les situations où les dilemmes éthiques sont en jeu qui causent de la frustration et de la détresse parmi toutes les catégories de personnels consultés. Les dilemmes sont souvent causés par la pénurie de ressources (humaine, matérielle...) et la relation entre la conscience des prestataires de soins et la réalité complexe du système de santé auquel ils sont confrontés. Mais parfois, ces prestataires de soins vivent aussi d’autres sortes de dilemmes, comme, par exemple, suivre les règles mais agir contre leur conscience ou suivre leur conscience et violer la loi mais ce qui peut leur provoquer également par la suite de la détresse causée par des représailles possibles. Voici comment Kälvermark et coll. (2003), illustre ces conflits. Il s’agit en fait, de croisements entre la morale et le légal et ce qui en résulte comme conséquences : (traduction libre): Moralement Légal Non légal Action à poser Détresse morale Détresse morale Action à ne pas poser correcte Moralement répréhensible Si par exemple, on pose une action qui est moralement correcte (bien sûr, selon les critères de la personne) et qu’il est légal de le faire, cela est sans doute, l’action à poser. Si par contre, on pose une action qui est moralement correcte mais non Sylvie Dorris Travail dirigé 38 légal, on risque alors de rencontrer de la détresse morale. Avec une action moralement répréhensible même si l’action est légale, l’infirmière peut ressentir de la détresse morale Et enfin, si l’action est non seulement moralement répréhensible mais également non légale, cela demeure alors une action à ne pas poser. Harrowing et Mill (2010) dans une étude effectuée en Ouganda, soulignent les différences de préoccupations qui existent entre les infirmières issues des pays riches et les infirmières oeuvrant au tiers-monde. Ironiquement, pendant que les infirmières des pays industrialisés vivent de la détresse morale lorsqu’elles assistent à ce qu’on appelle de l’acharnement thérapeutique, où l’on utilise à grands renforts, les ressources variées mises à leur disposition, comme les respirateurs, les appareils et les médicaments sophistiqués, les infirmières des pays du tiers-monde souffrent elles aussi de détresse morale, mais pour d’autres raisons. Elles ne souffrent pas d’assister impuissantes à la sur-utilisation des technologies disponibles, mais bien simplement, de ne pouvoir combler les besoins de base des patients au quotidien. Nous parlons ici du manque d’eau potable, de matériel stérile, d’antibiotiques, etc. Deady et McCarthy (2010) ont regroupé les facteurs reliés à la détresse morale des infirmières en trois thèmes : 1- Les conflits professionnels et légaux : lorsque les infirmières éprouvent des difficultés à faire valoir leur point de vue clinique qui diffère de celui des médecins et lorsqu’elles ont l’impression que ces conflits entre professionnels Sylvie Dorris Travail dirigé 39 et ceux ayant une portée légale possible, ont préséance sur les besoins réels et les demandes du patient. 2- L’autonomie professionnelle et le champ de pratique : lorsque les infirmières doivent utiliser des mesures coercitives parce que les interventions et les prescriptions médicales sont inadéquates, insuffisantes ou tardivement émises. Aussi, lorsque des décisions cliniques sont basées sur des jugements de valeurs arbitraires reliés au style de vie du patient. 3- Les normes de soins et l’autonomie du patient : lorsque les infirmières ont l’impression que les soins offerts aux patients sont de piètre qualité et que l’autodétermination du patient n’est pas respectée. Bien que l’on retrouve de la détresse morale dans différents milieux de soins, pour Rice et coll. (2008), ce sont les soins futiles prodigués aux soins intensifs qui sont cotés comme étant ceux ayant provoqués le plus haut degré de détresse morale. Les soins futiles sont considérés comme les traitements ou les interventions effectués pour maintenir en vie le patient mais qui n’améliorent pas sa condition et/ou ne lui apportent pas de bénéfices. Aussi, ils citent Edward et Hercelinskyj (2007), qui dans leur étude sur le burnout (épuisement professionnel) et l’apprentissage de comportements résilients, souligne : « (…) l’exposition répétée à ce genre de situations, a un effet cumulatif sur la détresse morale au cours des années de pratique de l’infirmière. La construction ou l’édification de la détresse morale provoquée par les expériences négatives de soins durant la carrière d’une infirmière peut finir par culminer en épuisement professionnel ». (Traduction libre). Dans l’élaboration de son modèle de la détresse morale, Wilkinson (1988), avait également précisé que Sylvie Dorris Travail dirigé 40 plus l’infirmière est confrontée à des situations moralement questionnantes ou dérangeantes, moins ses mécanismes de coping ou d’adaptation risquent d’être efficaces à travers le temps. Finalement, Saint-Arnaud (2009) de son livre sur l’éthique de la santé et la pratique infirmière, présente au chapitre 7, un relevé exhaustif des facteurs associés à la détresse morale des infirmières. Sous forme de tableau, trois catégories de facteurs sont présentées, soit : 1- L’environnement au travail 2- La relation de soin 3- Les sentiments, les perceptions des obligations et les valeurs personnelles À ces catégories sont associés des facteurs liés au stress moral et à la détresse morale. Considérant la pertinence de ce relevé et des catégories choisies, il a été décidé d’utiliser les mêmes catégories pour synthétiser les facteurs associés à la détresse morale auprès des auteur(e)s concerné(e)s. Voici donc ci-après, un relevé sous forme de tableau, des facteurs issus d’études empiriques. Sylvie Dorris Travail dirigé 41 Tableau III Relevé des facteurs en lien avec la détresse morale Type de facteurs (Catégories) L’environnement de travail Facteurs relevés relatifs au stress ou à la détresse morale Contraintes de temps (Kälvemark et coll., 2003; Corley et coll., 2005; Laabs, 2005- 2007; Ferrell, 2006; Eizenberg et coll., 2009) Manque d’effectifs (Corley et coll., 2001-2005; Kälvemark et coll., 2004; Laabs, 2005- 2007; Ferrell, 2006; Nathaniel, 2006 ; Mobley et coll., 2007) ; Zuzelo, 2007 ; Glasberg et coll., 2008 ; Rice et coll., 2008 ; Eizenberg, 2009; Pauly et coll., 2009 ; Cummings, 2010). Pénurie d’infirmières (Rogers et coll. 2004; Mrayyan et Hamaideh 2009). Manque de lits donc priorisation des patients (Kälvemark et coll., 2003) Budget réduit, pression pour rencontrer les quotas de productivité (Laabs, 2005-2007; Grulke et coll., 2009) Structure de pouvoir hiérarchique ayant des effets inhibiteurs (Jameton, 1984; Corley et coll., 2005; Gutierrez, 2005; Hamric et Blackhall, 2007; Pauly et coll., 2009) Bureaucratie et gestion déficiente quant aux responsabilités et limites des infirmières (Jameton, 1993; Fry et coll., 2002) et gestion inéquitable envers les différentes catégories de personnel (Nathaniel, 2006) Équipements inadéquats (Nathaniel, 2006) Structure institutionnelle n’offre pas de support et d’encadrement (Kälvemark et coll., 2003; Glasberg et coll., 2008) Politiques institutionnelles et considérations légales non suivies au profit du soin du malade (Jameton, 1984 ; Kälvemark et coll., 2003; Laabs, 2005) Se conformer au désir de la famille de continuer les traitements de support même si cela n’est pas dans le meilleur intérêt du patient à cause de pression venant de l’institution qui craint les poursuites légales (Mobley et coll., 2007 ; Rice et coll., 2008) Sylvie Dorris Travail dirigé 42 Suite…Facteurs en lien avec la détresse morale, selon différents auteurs Type de facteurs (Catégories) La relation de soin Facteurs relevés relatifs au stress ou à la détresse morale Prolongement indu de la vie chez des patients ayant un pauvre pronostic (Wilkinson, 1988 ; Corley et coll., 2001; Fry et coll., 2002 ; Cronqvist et coll., 2004 ; Ferrell, 2006 ; Hamric et Blackhall, 2007 ; Mobley et coll., 2007 ; Zuzelo, 2007 ; Rice et coll., 2008 ; Pauly et coll., 2009) Traitements et tests provoquant inconfort ou douleur, jugés non nécessaires chez des patients en fin de vie (Wilkinson, 1988 ; Corley et coll., 2001 ; Fry et coll. 2002 ; Cronqvist et coll., 2004 ; Gutierrez, 2005 ; Laabs, 2005 ; Ferrell, 2006 ; Nathaniel, 2006 ; Hamric et Blackhall, 2007 ; Mobley et coll., 2007 ; Zuzelo, 2007 ; Rice et coll., 2008 ; Pauly et coll., 2009) Traitements, tests, techniques fait sans rigueur, avec incompétence (Wilkinson, 1988 ; Eizenberg, 2009 ; Pauly et coll., 2009) et erreurs de médicaments ou de traitements (Mrayyan et Hamaideh, 2009) Situations où il faut cacher, voiler ou omettre de dire la vérité au patient ou à sa famille (Wilkinson, 1988 ; Hamric et Blackhall, 2007 ; Mobley et coll., 2007 ; Zuzelo, 2007 ; Eizenberg, 2009 Sensibilité à la vulnérabilité du patient (Lützen, 2003) Utilisation de mesures cœrcitives avec des patients à cause de manquement dans les prescriptions médicales ou par absence d’indications (Deady et McCarthy, 2010) Médecins ne tiennent pas compte de l’avis ou du jugement clinique de l’infirmière (Gutierrez, 2005 ; Nathaniel, 2006 ; Zuzelo, 2007 ; Deady et McCarthy, 2010) Mauvaise gestion de la douleur pour des patients en souffrance (Ferrell, 2006 ; Zuzelo, 2007 ; Rice et coll., 2008) Soulagement inadéquat en fin de vie par peur du médecin de provoquer la mort (Mobley et coll., 2007 ; Zuzelo, 2007 ; Rice et coll., 2008) Sylvie Dorris Travail dirigé 43 Suite… Facteurs en lien avec la détresse morale, selon différents auteurs Type de facteurs (Catégories) La relation de soin Facteurs relevés relatifs au stress ou à la détresse morale Information insuffisante ou inadéquate donnée par le médecin à la famille (Gutierrez, 2005 ; Rice et coll., 2008) Décision clinique restrictive issue d’un jugement de valeur ayant trait au style de vie du patient (Deady et McCarthy, 2010) Atteinte à l’autonomie ou à l’autodétermination du patient (Deady et McCarthy, 2010) Détresse importante du patient (Grulke et coll., 2009) Traiter les personnes comme des objets (déshumanisation) (Wilkinson, 1988 ; Fry et coll., 2002 ; Zuzelo, 2007) Patient qui refuse de se soumettre au traitement jugé approprié pour lui ( Laabs, 2005) Demander à la famille lorsque le patient est mourant à consentir aux dons d’organes (Mobley, 2007) Se conformer à la demande de la famille à ne pas discuter de la mort avec le patient en phase terminale, qui demande à en parler (Corley et coll. 2001 ; Mobley et coll., 2007 ; Zuzelo, 2007 ; Rice et coll., 2008) Difficulté à dénoncer des collègues ayant des pratiques de soins limites ou déficitaires (Mobley, 2007 ; Zuzelo, 2007 ; Deady et McCarthy, 2010) Situations où l’infirmière ne peut exercer son rôle d’advocacy (Langlois et coll., 2009) Situations où les infirmières sont confrontées à des facteurs externes qui les empêchent d’assurer les meilleurs soins aux patients (Corley et coll., 2001 ; Lützen, 2003 ; Nathaniel, 2006) Se conformer à la demande du médecin de ne pas discuter de la mort avec le patient en phase terminale, qui demande à en parler (Corley et coll., 2001 ; Mobley et coll., 2007 Sylvie Dorris Travail dirigé 44 Suite… Facteurs en lien avec la détresse morale, selon différents auteurs Type de facteurs (Catégories) La relation de soin Facteurs relevés relatifs au stress ou à la détresse morale Suivre la consigne du médecin de ne pas discuter du statut du « code »1 avec la famille quand le patient devient inapte (Corley et coll., 2001 ; Mobley et coll., 2007 ; Rice et coll., 2008) Se conformer au désir de la famille de continuer les traitements de support même si cela n’est pas dans le meilleur intérêt du patient (Gutierrez, 2005 ; Hamric et Blackhall, 2007 ; Mobley et coll., 2007 ; Zuzelo, 2007 ; Rice et coll., 2008 ; Pauly et coll., 2009) Travailler avec des infirmières incompétentes (Fry, 2002 ; Mobley et coll., 2007 ; Zuzelo, 2007 ; Rice et coll., 2008 ; Pauly et coll., 2009). Travailler avec des médecins incompétents (Hamric et Blackhall, 2007 ; Mobley et coll., 2007 ; Zuzelo, 2007 ; Rice et coll., 2008) Conflits dans les relations avec les médecins et collègues (Ferrell, 2006; Eizenberg et coll., 2009) Les sentiments, les perceptions des obligations et les valeurs personnelles Atteinte à l’intégrité (Kelly, 1998 ; Webster et Baylis, 2001 ; Nathaniel, 2006 ; Laabs, 2007) Impossibilité d’agir selon sa conscience (Kälvermark, 2004) ; Laabs, 2007 ; Glasberg et coll., 2008 ; Eizenberg et coll., 2009 ; Langlois et coll., 2009) et d’agir selon ses valeurs personnelles (Wilkinson, 1988 ; Corley et coll., 2001 ; Langlois et coll., 2009) 1 code : interventions à effectuer ou non si le patient a besoin d’être réanimé Sylvie Dorris Travail dirigé 45 Suite…Les sentiments, les perceptions des obligations et les valeurs personnelles Conflits entre les valeurs personnelles de l’infirmière, les valeurs professionnelles, en opposition avec les valeurs institutionnelles (Corley et coll., 2001-2005 ; Kälvemark et coll., 2004 ; Laabs, 2005 ; Nathaniel, 2006) Attentes irréalistes des institutions en place (Nathaniel, 2006) Sentiment d’impuissance, de manque de contrôle et de pouvoir (Fry et coll., 2002 ; Lützen et coll., 2003 ; Nathaniel, 2006 ; Glasberg et coll., 2008) Bas niveau de résilience, difficulté à « coper » (à faire face) à certaines situations (Wilkinson, 1988 ; Glasberg et coll., 2008) Conflits éprouvés entre le travail et la vie privée (Glasberg et coll., 2008) Doutes d’elles-mêmes, sentiment d’échec et d’incompétence (Laabs, 2007 ; Langlois et coll., 2009) Différences dans les valeurs à prioriser selon les professions. (Laabs 2007 Sylvie Dorris Travail dirigé 46 Chapitre 4 Pistes de solutions Il ne serait pas très réaliste de viser à supprimer totalement la détresse morale car beaucoup de facteurs, organisationnels, économiques et personnels sont en jeu. Mais en tout premier lieu, il faut être capable de la nommer et de la reconnaître lorsque la détresse se pointe ou se manifeste et trouver des façons pour que la détresse initiale ne se transforme pas en détresse qui perdure (réactionnelle) et qui peut finir par créer des dommages à moyen et long terme autant à l’infirmière qu’au patient. Comme Wilkinson (1988) et Lützen et Cronquist (2003) le soulignent, la détresse morale vécue peut aussi mettre en évidence la grande sensibilité de l’infirmière aux aspects moraux de sa pratique, y compris le fait, qu’elle ressent la vulnérabilité du patient et veut promouvoir les valeurs prônées par son code de déontologie. Cela peut reposer sur la reconnaissance de leurs responsabilités et se manifeste d’ailleurs par la confiance que la population leur accorde. Mais cette sensibilité, peut l’amener parfois à vivre de la détresse morale, la conduire à changer de département, à quitter le chevet du patient ou même carrément à déserter la profession, si l’infirmière ne se sent pas supportée. Nous partageons l’avis de Wilkinson (1988), lorsqu’elle suggère que nous devons au contraire, retenir ces infirmières, ne pas les laisser partir, mais bien les supporter et les aider à développer des stratégies de coping. Et ce dans le contexte de pénurie actuel vécu au Québec et un peu partout ailleurs dans le monde. Par ailleurs, nous ne souhaitons pas être soignés par des infirmières insensibles, froides, qui n’osent plus éprouver et manifester d’émotions. Lützen et Cronsquist (2003), décrivent un paradoxe intéressant qui résulte du fait qu’en valorisant la sensibilité de l’infirmière aux problèmes éthiques de la pratique, Sylvie Dorris Travail dirigé 47 cette sensibilité morale crée aussi plus de demandes pour l’équité et la justice de manière à garantir des soins de qualité aux patients. Cependant, si la sensibilité morale des infirmières est renforcée, mais que les ressources requises pour répondre aux exigences des principes éthiques sont manquantes ou non disponibles, qui alors doit-on tenir pour responsable? La détresse morale n’est pas uniquement vécue par des infirmières. D’autres professionnels des soins de santé, peuvent la vivre aussi. Mais comme le souligne McCarthy et Deady (2008), pour les infirmières, cela a une consonance particulière. Les auteurs se demandent si ce n’est pas encore l’oppression des infirmières, cette histoire sans fin (never-ending story) qui continue de se manifester. Ou bien encore, que la détresse serait due à sa faible position hiérarchique au niveau décisionnel ? À moins que ce soit parce que le nursing est une profession essentiellement féminine ? Vraisemblablement, nous opterions plutôt, pour le point de vue de Peter et Liaschenko (2004), qui rapportent que, du fait de sa proximité et de la présence assidue de l’infirmière au chevet du patient, cela l’amène, plus souvent qu’un autre professionnel, à assister à la souffrance parfois inutile du patient, à être témoin d’atteinte à sa dignité et au non-respect de ses droits. De plus, comme elles doivent assurer une présence continue au chevet du patient, elles ne peuvent s’esquiver ou quitter le département lorsque cela devient moralement difficile comme certains professionnels peuvent le faire. C’est pourquoi, bien que la détresse morale soit vécue aussi par plusieurs acteurs de soins de notre système de santé, l’infirmière semble plus touchée que les autres par cette problématique. Avant d’explorer, autant ce que les auteurs d’écrits empiriques que théoriques suggèrent comme moyens, façons ou pistes de solutions pour endiguer la détresse Sylvie Dorris Travail dirigé 48 morale, il serait utile de se rappeler les stratégies de coping ou encore les mécanismes de défense, que les infirmières de l’étude de Deady et McCarthy (2010), ont eu naturellement tendance à utiliser pour s’immuniser contre les conflits moraux. Cela peut se traduire par : - éviter le conflit et se plier à la pression culturelle qui consiste à « faire cavalier seul », c'est-à-dire toujours essayer de se débrouiller sans demander d’aide; - nier ou banaliser le problème en fermant les yeux, en rationalisant ou en refusant de travailler avec un collègue en particulier; - adopter un double code moral, soit un pour la maison et un pour le travail; - compartimenter, intellectualiser ou se distancer du problème. Ces infirmières avaient également rapporté que lors d’une situation moralement troublante, le fait de se livrer et de chercher à en parler avec les pairs, peut parfois se retourner contre elles, car cela peut être interprété comme une menace risquant de compromettre la cohésion de l’équipe. Nous savons aussi que certaines stratégies utilisées, comme les stratégies d’évitement par exemple, peuvent être nuisibles au patient et à sa famille. 1- Suggestions et recommandations pour prévenir ou pallier la détresse morale Parmi les auteurs consultés, plusieurs émettent des suggestions, recommandations ou pistes de solutions pour contrer la détresse morale, mais peu d’études empiriques ont porté sur cet aspect précis. Certains par contre, ont mis en place et étudier divers programmes pour aider ou mieux outiller l’infirmière dans son milieu de travail à faire face aux problèmes éthiques ou aux conditions de travail difficiles. Dans un premier temps, nous verrons ce que les auteurs d’études, autant empiriques que Sylvie Dorris Travail dirigé 49 théoriques suggèrent comme pistes de solutions pour contrer la détresse morale et comme pour les sections précédentes, il sera possible de retrouver ces auteurs dans les relevés d’écrits théoriques ou empiriques aux tableau I et II présentés en fin de travail. Ensuite, quelques programmes seront présentés pour tenter également de contrer la détresse morale. Voici d’abord, présentées en trois regroupements, les suggestions émises de la part des auteurs. Elles sont regroupées en trois catégories : Formation de comités ou actions entreprises pour favoriser les échanges et discussions, Enseignement et formations et Recommandations aux infirmières-chefs et aux gestionnaires. 2- Formation de comités ou actions entreprises pour favoriser les échanges et discussions - faire des consultations éthiques auprès de comités formés à cet effet (Cohen et Erickson 2005; Rushton, 2006; Zuzelo 2007); - organiser des séances de « débriefing » (compte-rendu, échanges) d’équipe, suite à l’expérience de « cas » moralement difficiles, afin d’exprimer rapidement et oralement les émotions ressenties (Rushton, 2006; Zuzelo 2007; Rice et coll., 2008; Rogers et coll., 2008); - former ou développer des groupes de discussion interdisciplinaires ou des tables rondes pour discuter de questions éthiques (Storch et coll. 2002 ; Kälvemark et coll., 2003 et 2006; Cohen et Érickson 2005; Gutierrez, 2005; Rushton, 2006; Rice et coll., 2008; Nathaniel, 2006; Mobley et coll., 2007; Zuzelo 2007; Rice et coll., 2008; Rogers et coll., 2008; Cummings, 2010; Walsh, 2010); Sylvie Dorris Travail dirigé 50 - créer des forums de discussion avec des facilitateurs ou personne-ressource, pour explorer divers avis éthiques (Gutierrez, 2005; Rushton, 2006; Rice et coll., 2008); - organiser des rencontres régulières entre infirmières et médecins pour améliorer la communication et partager leurs valeurs et leurs croyances mutuelles face à certaines situations. (Gutierrez, 2005 ; Nathaniel, 2006; Hamric et Blackhall, 2007; Mobley et coll., 2007; Storch et Kenny, 2007; Rice et coll., 2008); - créer un groupe de support et d’échanges exclusivement réservé aux infirmières (Cohen et Erickson 2005; Gutierrez, 2005) ; - prévoir des rencontres régulières avec les familles et l’équipe de soins, pour discuter des objectifs de soins et avoir une vision commune afin d’éviter les malentendus et conflits (Rushton, 2006; Rice et coll., 2008). 3- Enseignement et formations - favoriser la poursuite de la formation continue en matière d’éthique pour les équipes de soins (Cohen et Erickson 2005; Kälvemark et coll., 2003; Mobley et coll., 2007; Schluter et coll. 2008; Langlois et coll., 2009) et pour les gestionnaires (Zuzelo, 2007; Langlois et coll., 2009) ; - savoir reconnaître les symptômes de la détresse morale et explorer les attitudes, comportements et les stratégies de coping pour mieux faire face à la détresse morale (aucune stratégie n’est toutefois concrètement suggérée (Wilkinson ,1988 ; Rushton, 2006; Mobley et coll., 2007; Eizenberg et coll., 2009; Rice et coll., 2008) ; Sylvie Dorris Travail dirigé 51 - inclure des connaissances sur les théories éthiques et les processus décisionnels pour résoudre les problèmes d’éthique dans les cours destinées aux infirmières (Wilkinson 1988; Kälvemark et coll. 2006; Nathaniel 2006); - revoir les messages traditionnellement liés à la discipline infirmière qui inhibent les dialogues constructifs et qui risquent d’entretenir les conflits et les déséquilibres de pouvoir, surtout avec les médecins (Nathaniel 2006). 4- Recommandations aux infirmières-chefs et aux gestionnaires - développer de nouvelles stratégies de répartition et d’organisation du travail pour que les erreurs de médicaments et de traitements attribuables au manque d’effectif et au manque de temps se produisent moins souvent (Mrayyan et Hamaideh 2009; Goethals et coll., 2007) ; - mettre en place un système de mentorat pour les plus jeunes infirmières afin qu’elles se sentent supportées et écoutées lors de situations moralement éprouvantes (Kälvemark et coll., 2006; Nathaniel, 2006; Leiter et coll., 2010); - favoriser et faciliter l’accessibilité et la participation des infirmières aux divers comités ou à des formations en éthique (Corley et coll., 2005; Zuzelo 2007). Après avoir fait passé un questionnaire aux infirmières (n = 106), portant sur leurs perceptions de ce qu’est un environnement éthique, Corley et ses collègues (2005), rappellent que c’est les infirmières qui ont obtenu le plus bas score concernant leur niveau ou degré d’implication ou de présence, lors de délibérations, comités ou forums éthiques. Sylvie Dorris C’est pourquoi à la suite des résultats, les auteurs semblent Travail dirigé 52 persuadés que le fait de chercher des moyens d’augmenter l’implication des infirmières aux délibérations éthiques, devrait faire partie des pistes de solutions de toute organisation soucieuse et désireuse de soutenir et retenir son personnel infirmier. Les auteurs pensent qu’une meilleure implication de la part des infirmières pourrait avoir un impact majeur sur leur niveau de détresse morale vécue. Ils suggèrent aussi d’encourager l’empowerment des infirmières ( sans toutefois apporter des suggestions pour y arriver). Mais qu’est-ce que l’empowerment au juste? En voici donc une brève définition, tirée de Gibsons (1991, p. 359) : « Processus social de reconnaissance, de promotion et d’habilitation des personnes dans leurs capacités à satisfaire leurs besoins, à régler leurs problèmes et à mobiliser les ressources nécessaires, de façon à se sentir en contrôle de leur propre vie ». - identifier et de compiler de façon systématique, la fréquence, les types de conflits, les personnes en cause, qui provoquent la détresse morale, de même que les symptômes de détresse ou de souffrance exprimés et l’impact que cela semble avoir sur le patient et sa famille; (Rushton, 2006); - adopter un processus neutre pour identifier les facteurs, les politiques et les pratiques de soins au sein du système pour mieux documenter les contraintes institutionnelles ou organisationnelles responsables de la détresse morale et tenter par la suite d’éliminer le plus de contraintes possibles. (Rushton, 2006); - apporter davantage de support aux infirmières en commençant par améliorer leurs connaissances au niveau éthique et par être plus à l’affût des principaux problèmes éthiques rencontrés sur leur département. Sylvie Dorris On leur demande aussi de posséder Travail dirigé 53 l’expertise nécessaire pour faire la différence entre un problème légal et un problème éthique (Zuzelo 2007; Cummings 2010); - développer avec l’administration, un programme institutionnel pour aider les infirmières à développer leurs habiletés et leurs stratégies de coping et – de prioriser la mise en place d’une structure qui permet aux infirmières et aux médecins de se rencontrer régulièrement afin d’améliorer les communications entre eux (Rice et coll. 2008); - ahdérer et faire adopter des guidelines ou les lignes directrices émises par le Comité des soins palliatifs (Gutierrez, 2005; Rice et coll., 2008). Il était important de rapporter également, ce que suggère l’Association des infirmières et infirmiers du Canada (A.I.I.C.) quant aux pistes de solutions possibles face à la détresse morale. Ils soulignent un aspect important, que voici : « C’est l’incapacité de l’infirmière de s’attaquer à ces causes de désarroi qui pose le plus gros problème ». Pour l’A.I.I.C., améliorer la qualité des milieux de travail des infirmières, devrait être une piste de solution incontournable. Ils ont réalisé un modèle pour illustrer ce qu’est un milieu de travail de qualité, où l’on retrouve six composantes ou qualités qui reflètent un milieu de travail sain. Bien que pour l’A.I.I.C., instaurer de meilleures conditions de travail demeure une priorité, elle désire proposer aux infirmières des façons, pour que de leur côté elles réagissent à la détresse morale. Elle suggère de : 1) Reconnaître la détresse morale lorsqu’elle se présente. Le fait de mettre un nom sur le malaise ou l’inconfort vécu, permet déjà d’être plus conscient de ce qui se passe et augmente ainsi les possibilités de solutions. 2) Consulter davantage le code de déontologie des infirmières. Cela peut Sylvie Dorris Travail dirigé 54 aider à clarifier les préoccupations d’ordre éthique à l’origine de la détresse. Les valeurs professionnelles et les responsabilités associées à chacune d’entre elles, peuvent guider la réflexion et l’action et encore une fois, cela leur donne les « mots », le vocabulaire pour verbaliser le problème avec leurs collègues et autres professionnels de l’équipe. 3) Demander de l’aide auprès des pairs, en créant un groupe d’entraide. Les infirmières-chefs sont également interpellées pour faciliter les moments d’échanges, en supportant les démarches et initiatives suggérées dans ce sens. L’A.I.I.C. insiste aussi sur l’importance de solliciter les comités d’éthique lorsqu’ils sont déjà formés. Car encore une fois, même si la situation ne se règle pas comme l’infirmière le souhaiterait, le fait d’en parler, de se faire entendre, l’aidera tout de même à mieux comprendre les évènements et le point de vue des autres professionnels impliqués. 5- Les programmes proposés par certains auteurs Nous en sommes à présent, à décrire les programmes proposés par certains auteurs. Certains programmes furent évalués et d’autres non. Commençons donc par les programmes non évalués. - Le programme cité en exemple par Robinson (2010), a été créé en 2005 par Heft et ses collègues pour aider les infirmières à mieux gérer la détresse morale. programme Ce appelé UBECs (unit-based ethics conversations) faciliterait les conversations éthiques en créant un endroit ouvert aux échanges d’expériences. Le but est d’améliorer et d’augmenter les habiletés et la confiance des participants au regard des situations éthiques difficiles. Ce programme vient de la reconnaissance Sylvie Dorris Travail dirigé 55 du fait qu’il n’y avait aucun espace organisé pour traiter et discuter des défis éthiques que les professionnels rencontrent dans leur pratique de tous les jours. Ce programme se veut un forum de discussion ouvert et ne sert pas à remplacer les consultations au comité éthique qui sont plus formelles, et où on doit revoir le dossier du patient et le documenter. L’UBECs peut parfois par contre suggérer une consultation avec le comité éthique, mais le but recherché est que ses deux instances se complètent. Les auteurs croient que ce programme peut donner de l’empowerment aux participantes en les aidant à prendre la défense des intérêts de leur client (advocacy) face à certaines situations, tout en leur offrant la possibilité de venir en forum, discuter de certaines problématiques avec l’aide d’une personne ressource (facilitator). Ce programme semble avoir été utilisé et peaufiné depuis les dernières années et les auteurs du programme et de l’article paru en 2009, se disent prêts à l’évaluer et à vérifier à l’aide d’un groupe de discussion (focus-group), si les infirmières pensent que cela les a aidées à mieux faire face aux situations éthiques difficiles qu’elles rencontrent dans leur pratique - Pour Leiter et coll. (2010), le personnel des soins de santé devrait agir de façon plus civile et respectueuse entre eux. Des relations plus respectueuses pourraient aider à endiguer la détresse morale. Ils suggèrent d’utiliser un nouveau programme appelé CREW (Civility, Respect and Engagement in the Workplace) conçu par deux des auteurs, soit Leiter et Laschinger, en 2009. Pouvoir évoluer dans un environnement plus supportant et plus respectueux, où les dialogues sont encouragés et l’identification des problèmes est permise et possible, voilà les buts recherchés du programme. Les auteurs n’indiquent toutefois pas, si le programme a déjà été appliqué et si il a donné les résultats escomptés. Sylvie Dorris Travail dirigé 56 Les programmes suivants ont été évalués. 6- Le programme de Kälvemark et ses collègues - Kälvemark et coll. (2007), ont effectué une étude prospective pour évaluer un programme structuré d’enseignement et de formation éthique et ses effets sur la détresse morale. Bien que les participants aient manifesté leur appréciation pour le programme, les résultats montrent que cela n’a pas apporté de changement significatif sur la détresse morale comme telle. Ce qui fait dire aux auteurs, que parfois même en augmentant les connaissances en éthique, cela ne s’avère pas suffisant. Ils proposent alors d’intégrer au programme, des stratégies de coping ou comment mieux gérer les situations éthiques. 7- Le programme de thérapie cognitive et comportementale Le but du programme de C.B.T. (Cognitive Behavioral Therapy), est de réduire le stress des infirmières. L’étude faite par Brunero et coll. (2008), (n = 18 nouvelles infirmières) est de déterminer si ce programme réduit effectivement le stress ou non. L’idée centrale du C.B.T., est que les pensées et les perceptions des personnes ont un impact ou une influence sur les émotions et sur les comportements qui y sont associés. Les résultats auraient démontrés avec le NSS (Nurse Stress Scale), que le programme s’était avéré statistiquement efficace : - à réduire les conflits entre les infirmières et les médecins et ceux entre infirmière- infirmière et - à améliorer la façon de faire face aux patients mourants et à la mort en général. Mais est-ce que ce programme pourrait aussi aider à réduire la détresse morale? Probablement, car bien que ce soit deux concepts différents, ils sont tout de même étroitement liés dans la pratique. Sylvie Dorris Les auteurs citent également Balevre (2001), qui soutient que les Travail dirigé 57 infirmières qui demandent la perfection et le contrôle pour elles-mêmes et pour les autres, se font ou se créent des demandes irréalistes, surtout compte tenu des conditions actuelles du milieu de la santé. Ils reconnaissent par contre, que dans l’ensemble, les sources de stress viennent de l’environnement, sur lequel, l’individu peut exercer un certain contrôle mais peut parfois aussi ne pas en avoir. D’où l’importance de mettre l’emphase sur le rôle central qu’elles jouent elles-mêmes sur leur façon d’appréhender et de répondre au stress. 8- Le programme Éducationnel sur les Interventions de soins de fin de vie Rogers et coll. (2008), en collaboration avec l’équipe de consultation éthique, proposent un programme éducationnel destiné aux infirmières oeuvrant aux soins intensifs en néonatalité, dans le but de diminuer la détresse morale. Ce programme appelé Educational Interventions in End-of-Life Care, vise à renforcer l’empowerment des infirmières, en augmentant leurs connaissances et leurs habiletés en regard des soins à prodiguer aux enfants en phase terminale. Les auteurs de l’étude désirent savoir si les infirmières (n = 82), ont trouvé le programme aidant et utile. Les résultats du pointage lors du « post-test » étaient élevés et suggéraient que les infirmières avaient apprécié cette formation grâce à l’information pertinente transmise et disaient ressentir plus de confiance en elles et en leur jugement lors des questionnements éthiques . Jusqu’à maintenant, plusieurs pistes de solutions ont été abordées et plusieurs semblent également prometteuses. En effet, on peut penser sans se tromper , que tout ce qui implique l’ amélioration des communications entre les personnes, implique nécessairement un climat de travail plus propice aux échanges et qui devient ainsi Sylvie Dorris Travail dirigé 58 moins à « risque » de susciter de la détresse morale. Offrir de façon continue, des formations diverses en éthique aux infirmières et aux autres professionnels, s’avèrerait certainement bénéfique. Plus les connaissances en éthique se développeront, plus les gens pourront utiliser le même vocabulaire pour ainsi, pouvoir mieux se comprendre. Les administrateurs et les gestionnaires devraient aussi se pencher sur des nouvelles stratégies de gestion pour lutter contre le manque de ressources humaines. Le fait de travailler sous effectif réduit, « pour toujours faire le mieux possible avec ce que l’on a », comme Varcoe et Rodney (2002) le soulèvent, finit aussi par miner les infirmières, qui ont souvent l’impression de passer leur temps à courir, à tout faire à la « va-vite » et où les erreurs de médicaments, de traitements et de jugements sont aussi plus faciles à faire. Sans parler bien sûr, du temps supplémentaire obligatoire imposé aux infirmières. Le Code de déontologie, précise les devoirs et les obligations des infirmières envers le client, le public et la profession et ce, dans une perspective de responsabilité professionnelle individuelle. L’employeur n’hésite pourtant pas à se servir de l’article 44.3 2 du code de déontologie, pour obliger les infirmières à effectuer du temps supplémentaire. Par contre, selon l’employeur, l’infirmière ne peut évoquer elle l’article 16 3, pour ne pas en effectuer. Ces formes d’injustices, contribuent malheureusement à la détresse morale des infirmières 2 Code de déontologie des infirmières et infirmiers, (2003) 135 G.O. II, 98, art. 44.3 « L’obligation de prendre des moyens raisonnables pour assurer la continuité des soins aux patients dont elle a la responsabilité. » 3 Code de déontologie des infirmières et infirmiers, (2003) 135 G.O. II, 98, art. 16 « Le devoir de toute infirmière de s'abstenir d'exercer sa profession lorsqu'elle est dans un état susceptible de compromettre la qualité des soins et des services. » Sylvie Dorris Travail dirigé 59 Comme nous l’avons déjà mentionné, nous savons que de nombreux facteurs externes sont responsables en partie, de la détresse morale vécue par les infirmières. Mais en ce qui a trait aux facteurs internes, cela reste plus complexe à identifier. Wilkinson (1988) et Laabs (2007) ont souligné cet aspect, en disant que malgré le contexte parfois bien particulier des soins, la manière dont les infirmières gèrent les conflits, varient selon les infirmières en cause et dépendent en partie, de leur propres valeurs personnelles et de leurs façons de justifier et de juger les évènements. En effet, deux personnes, dans une même situation ou contexte donné, peuvent éprouver et vivre une détresse morale initiale face à une situation moralement perturbante. Pourquoi, toutefois, l’une finit-ele par se débarrasser de la détresse et l’autre finit-elle par vivre une détresse réactionnelle, qui malheureusement lui cause du tort et peut laisser des séquelles? Il est difficile de répondre à cette question, mais la réponse est certainement liée en partie aux mécanismes de coping de la personne mais aussi à sa personnalité, à son estime de soi et à sa confiance en soi. Comme Deady et McCarthy (2010) l’affirment, cela prend du courage moral pour pouvoir agir en conformité avec ses convictions. Pour certaines personnes, le courage moral semble être une caractéristique innée, mais pour beaucoup d’autres, il peut nécessiter ou requérir de la formation et un entraînement. Pour être capable de se positionner, de donner son opinion, même si elle est contraire aux autres et de faire valoir son point de vue dans les milieux de soins, il faut pouvoir encore une fois, avoir confiance en soi et compter sur sa capacité à faire face à l’adversité. Donc, tout programme à notre avis, qui vise à améliorer les habiletés ou les stratégies de coping de l’infirmière, à augmenter son estime de soi, la confiance en ses capacités, une meilleure connaissance de ses valeurs et de ce qui l’habite, ou qui vise Sylvie Dorris Travail dirigé 60 à renforcer l’ empowerment de l’infirmière, doivent être considérés. Par les nombreuses lectures effectuées au cours de ce travail dirigé, un article a particulièrement retenu mon attention, il s’agit de Phaneuf (2008), qui décrit l’épuisement professionnel subie par les infirmières dans les milieux de soins et qui aborde également un concept des plus intéressant, appelé le concept de la « hardiesse ». 9- Le concept de hardiesse Antonovsky (1979), nous rappelle que : « Le stress est inhérent à la vie humaine. C’est la façon dont la personne gère les situations qui fait qu’elle demeure ou non en santé. » . C’est ce chercheur qui a introduit le néologisme « salutogénique », pour « désigner l’origine de la santé plutôt que la recherche des causes de la maladie ». Cette approche positive a par la suite, générée des études orientées sur les ressources personnelles. C’est ainsi que le concept de « hardiesse » est né. Ce concept élaboré par Maddi et Kobasa (1984), apparaît comme une caractéristique de la personnalité se rapportant à des croyances, des sentiments, des valeurs et des tendances psychologiques. Ils définissent la hardiesse, comme une des principales ressources personnelles permettant à la personne de percevoir de façon moins importante le stress au travail par l’adoption en autres de stratégies socialement perçues comme positives « ce qui lui permet de demeurer en santé malgré un univers de travail comportant de nombreux stresseurs ». (Delmas et coll. 2004). La hardiesse apparaît comme un protecteur de la santé des infirmières au travail d’où l’intérêt de la mobiliser auprès de cette population. La hardiesse se manifeste et s’exprime à travers trois dimensions interreliées, soit, le sens de l’engagement, le Sylvie Dorris Travail dirigé 61 sens de la maîtrise et le sens du défi ( Delmas et coll. 2004) ). Ce qui s’avère des plus intéressants avec ce concept, c’est qu’il n’est pas « statique », c'est-à-dire qu’il peut évoluer avec le temps et la personne. C’est du moins ce que révèlent quelques études à cet égard, dont une plus particulièrement, effectuée en 2004 par Delmas et ses collègues (équipe française et québécoise). Ces chercheurs ont élaboré et appliqué un programme de renforcement de la hardiesse auprès d’infirmières françaises. L’échantillon fut constitué à partir de la population d’un hôpital du sudouest de la France, une randomisation d’un échantillon de 70 infirmières a permis la formation d’un groupe expérimental et d’un groupe contrôle. Trente-cinq infirmières assignées au groupe expérimental répondirent à un questionnaire regroupant quatre échelles de mesure et un questionnaire sociodémographique, effectués à quatre temps de mesure, soit avant l’intervention du chercheur(T1), immédiatement après (T2), un mois après (T3) et trois mois après (T4). Le programme d’intervention fut bâti à partir des recommandations des concepteurs (Maddi et Kobasa, 1984) si bien que trois techniques furent retenues : le focusing, la reconstruction de situation et l’approche émotivo-rationnelle. Les instruments de mesure furent pour la hardiesse, l’échelle PVS II (Maddi, 1987, 1990) en traduction française (Kérouac et Duquette, 1992) ; pour le stress perçu, l’échelle NSS (Gray-Toft et Anderson, 1981a) en traduction française (Duquette et al. 1995), pour les stratégies de coping, l’échelle abrégée en langue française (Bouchard et coll., 1995) du Ways of Coping Questionnaire (Lazarus et Folkman, 1984), pour la qualité de vie au travail, l’échelle de Elizur et Shye (1990) en traduction française (Delmas, Escobar et Duquette, 2001). Les résultats montrent aux trois temps de mesure postérieurs à l’intervention que celle-ci a permis de renforcer le niveau de hardiesse, les stratégies actives de Sylvie Dorris Travail dirigé 62 coping, la qualité de vie au travail des infirmières tout en diminuant l’intensité du stress perçu et les stratégies de fuite. Afin d’apporter des conclusions statistiques pertinentes sur l’effet d’un programme de renforcement de la hardiesse, voir les résultats sous forme de tableaux reproduits selon l’article de Delmas et coll. (2004, p.17-19), à l’annxe 1, à la fin de ce travail. Il n’existe évidemment pas de solutions ou recettes miracles pour enrayer totalement la détresse morale vécue par les infirmières, mais plusieurs pistes de solutions s’offrent à nous et valent la peine de s’y pencher. Mais il est important avant tout, que les infirmières s’arrêtent un moment et reconnaissent qu’elles devraient avoir les mêmes devoirs et responsabilités envers les autres qu’envers elles-mêmes, notamment, de chercher à préserver leur intégrité. Deady et McCarthy (2010) vont dans ce sens également, lorsqu’ils affirment que la reconnaissance de ce devoir envers soi est essentielle pour répondre, réagir à la détresse morale et pour restaurer ou rétablir l’estime de soi et la santé. À partir de ce constat, il est impératif pour l’infirmière de prendre des mesures lorsque des situations qui peuvent compromettre son intégrité se présentent. En ne répondant pas avec compassion à leur propre détresse, cela peut amener une capacité moindre, à répondre à la souffrance et à la détresse d’autrui par la suite. Adopter cette responsabilité professionnelle, constitue le fondement pour la création de stratégies d’autogestion de la santé mentale et physique. Sylvie Dorris Travail dirigé 63 Conclusion En comprenant mieux les mécanismes qui permettent aux infirmières d’être en meilleure santé au travail, nous augmentons nos stratégies pour lutter contre la détresse morale lorsqu’elle se présente. En habilitant davantage l’étudiante- infirmière, en lui permettant d’avoir une meilleure connaissance de soi, de ses valeurs personnelles et professionnelles, en l’aidant à prendre conscience de l’importance d’améliorer son estime d’elle-même, en lui donnant des outils pour l’aider à s’affirmer et augmenter sa confiance en ses capacités, nous serons sans doute, sur la bonne voie. Lors de décisions éthiques difficiles, en présence de dilemmes moraux ou pour jouer efficacement son rôle « d’advocacy » ( défendre les intérêts du patient, intérêts qu’il a lui-même déterminés en vertu de son autonomie..), l’infirmière doit être capable de se positionner sur l’échiquier que représentent les milieux de soins actuels. Pour se faire, elle doit faire preuve de courage, de confiance en elle pour pouvoir ainsi exprimer ses points de vue, ses positions et ses oppositions. La détresse morale réactionnelle risque ainsi beaucoup moins de s’installer, car elle aura pu être évacuée au fur et à mesure pour ainsi ne pas vivre avec ce que Webster et Baylis (2000) appellent des résidus moraux. Oui l’infirmière a un bout de chemin à faire pour continuer à « grandir » et pour mieux affronter, sans perdre trop de plumes et surtout d’illusions, les milieux actuels de soins de santé. Par contre, toutes les contraintes actuelles imposées par les milieux de soins ne doivent pas et ne peuvent pas reposer sur les épaules des travailleurs de la santé et sur leurs stratégies de coping. Un changement de paradigme s’impose aussi. Comme le mentionne Delmas et coll. (2004), les institutions de soins, dont la mission principale est d’offrir des soins de qualité aux Sylvie Dorris Travail dirigé 64 patients, doivent aussi s’attarder à la santé des acteurs du soin. « Il apparaît incohérent que des gestionnaires induisent, par des modes de gestion et des stratégies de management inadaptées, des problèmes de santé mentale chez son personnel » (p.21). Comme enseignante en soins infirmiers, il est de notre devoir de rester aussi enthousiastes et motivées que possible et de promouvoir la profession auprès des étudiantes infirmières. Maintenir les encouragements à poursuivre leur formation et à se dépasser à travers les exigences académiques élevées que nous leur imposons, doit demeurer une constante. Toutefois, il faut savoir aussi mieux les préparer à faire face à leur futur milieu de travail. Il ne s’agit pas de leur dresser un tableau trop sombre ou de tomber dans le négativisme ou même dans le fatalisme, mais bien de les aviser des futurs défis qui les attendent. Ne dit-on pas qu’une personne avisée en vaut deux? En nommant les choses telles quelle sont, nous risquons moins aussi, de créer de grandes disparités entre l’idéal et la réalité. Encore une fois, nous aurons beau mieux outiller et renforcer nos infirmières, il reste que des efforts et une volonté réelle pour améliorer les conditions de travail, doivent aussi, être sérieusement envisagés et réalisés. Langlois et coll. (2009), témoignent également dans ce sens : « Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre et de vieillissement de la population et de questionnements éthiques justifiés, une remise en question de l’organisation du travail dans ce secteur apparaît criante. Nos résultats invitent également à poursuivre un questionnement sur la place accordée aux infirmières dans le secteur de la santé ». Florence Nightingale écrivait : « À cause des mauvais arrangements sanitaires, architecturaux et administratifs, il est souvent impossible de dispenser des soins infirmiers. L’art des soins infirmiers doit toutefois Sylvie Dorris Travail dirigé 65 Tableau IV Écrits théoriques en lien avec la détresse morale consultés dans la revue intégrative des écrits (classés par ordre alphabétique d’auteur(e)s) inclure les arrangements qui, à eux seuls, rendent possibles les soins infirmiers tels que je les conçois. » (Nightingale, 1969, p.8). Comme on peut le constater, bien que le temps passe et que le contexte soit diférent, certains problèmes persistent et se répètent. Il semble pourtant, que l’heure a sonné, pour que des changements voient le jour, pour que l’infirmière sente enfin, qu’un regard attentif, bienveillant et soucieux de son mieux-être, s’est aussi posé sur elle au passage. Espérons maintenant que les instances concernées, agissent en conséquence rapidement, car il y va certainement, à moyen et à long terme, de notre santé à tous. Sylvie Dorris Travail dirigé 66 Auteurs Année Pays Titre de l’article Blondeau 1999 Canada Éthique et soins infirmiers Cohen et 2005 États-Unis Ethical Dilemmas and Moral Distress in Oncology Nursing Practice Erickson Corley 2002 États-Unis Nurse Moral Distress: A proposed theory and research agenda Cronqvist et 2007 Suède A theorical argumentation on the consequences of moral stress 2010 Belgique Nurses’ ethical reasoning and behaviour: A literature review Hanna 2004 États-Unis Moral distress: The state of the science Heft et coll. 2009 États-Unis Facilitated ethics conversations. A novel program for managing Nyström Goethals et coll. moral distress in bedside nursing staff Jameton 1984 États-Unis Nursing practice : the ethical issues Jameton 1993 États-Unis Dilemmas of moral distress: Moral responsibility and nursing practice McCarthy et 2008 Irlande Moral distress reconsidered 2004 États-Unis Perils of proximity: a spactiotemporal analysis of moral distress Deady Peter et and moral ambiguity Liaschenko Robinson 2010 États-Unis Registred Nurses and Moral Distress Rushton 2006 États-Unis Defining and adressing moral distress Saint-Arnaud 2009 Canada Les enjeux et les problèmes éthiques en sciences infirmières Schluter et 2008 Australie Nurses’ moral sensitivity and hospital ethical climate: A literature review coll. Storch et 2007 Canada Shared moral work of nurses and physicians 2011 Royaume- Pulling the heart strings, arguing the case: a narrative response Uni to the issue of moral agency in moral distress Kenny Walsh Tableau V Recherches qualitatives et quantitatives en lien avec la détresse morale, consultés dans la revue intégrative des écrits (classés par ordre alphabétique d’auteur(e)s) Sylvie Dorris Travail dirigé 67 Auteur(e)s Pays Titre Méthode Échantillon Amati et coll. (2010) Italie Quantitative Qualitative Entrevues Questionnaires Prélèvements sanguins N = 101 infirmières Corley et coll. (2001) États‐Unis Corley et coll. (2005) États‐Unis Cummings (2010) États‐Unis Relationship of Job Satisfaction, Psychological Distress and Stress‐Related Biological Parameters among Healthy Nurses: A Longitudinal Study Development and evaluation of a moral distress scale Nurse moral distress and ethical work environment Moral Distress and the Nursing Experience Quantitative Descriptive Qualitative N = 168 infirmières A Study of the Situations, Features, and Coping Mechanisms Experienced by Irish Psychiatric Nurses Experiencing Moral Distress Effet d’un programme de renforcement de la hardiesse sur la qualité de vie au travail d’infirmières françaises Moral distress questionnaire for clinical nurses: instrument development Understanding the Moral Distress of Nurses Witnessing Medically Futile Care Qualitative descriptive N = 8 infirmières Quantitative Qualitative Questionnaire Programme de renforcement N = 70 infirmières Exploratoire Qualitative Quantitative Questionnaire N = 179 infirmières (données collectées en 2006) N = 108 infirmières Deady et McCarthy (2010) Irlande Delmas et coll. France et (2004) Canada Eizenberg et coll. (2009) Israël Ferrell (2006) États‐Unis Sylvie Dorris Instrument en N = 214 développement infirmières Descriptive N = 106 corrélationnelle infirmières Qualitative Descriptive Narrative N = 40 infirmières Travail dirigé 68 Fry et coll. (2002) États‐Unis Development of a Model of Moral Distress in military nursing Qualitative Entrevues Analyse de contenu N = 13 infirmières Glasberg et coll. (2008) Suède Factors associated with “stress of conscience” in healthcare Prospective Transversale (cross sectional survey ) Questionnaires Quantitative Grulke et coll. (2009) Allemagne Distress in patients undergoing allogenic haematopoietic cell transplantation is correlated with distress in nurses Quantitative Questionnaire Gutierrez (2005) États‐Unis Qualitative descriptive Entrevues Hamric et Blackhall (2007) États‐Unis Hanna (2005) États‐Unis Critical Care Nurses’ Perceptions of and Responses to Moral Distress Nurse‐physician perpectives on the care of dying patients in intensive care units: Collaboration, moral distress, and ethical climate The Lived Experience of Moral Distress: Nurses who Assisted with Elective Abortions N = 423 (échantillon constitué de médecins, infirmières, infirmières auxiliaires, physiothérap eutes, travailleurs sociaux et ergothérapeu tes) N = 113 infirmières N = 12 infirmières Sylvie Dorris Descriptive Quantitative Qualitative Questionnaire N = 196 infirmières N = 10 Qualitative Phénoménologi‐ infirmières que Travail dirigé 69 Harrowing et Mill (2009) Kälvemark et coll. (2003) Auteures canadiennes Étude menée en Afrique Suède Moral distress among Ugandan nurses providing HIV care: A critical ethnography N = 24 Qualitative Ethnographique infirmières Entrevues Focus groupe Living with conflicts‐ Qualitative ethical dilemmas and Focus groupe moral distress in the entrevues health care system Kälvemark et coll. (2006) Suède Measuring Moral Distress in Pharmacy and Clinical Practice Qualitative Quantitative Focus groupe Kälvemark et coll. (2007) Suède Developing Ethical Competence in Health Care Organizations Étude prospective Qualitative Quantitative Tables rondes questionnaires Kelly (1998) États‐Unis Qualitative Théorisation ancrée Laabs (2005) États‐Unis Laabs et coll. (2007) États‐Unis Preserving moral integrity: A follow‐up study with new graduate nurses. Moral Problems and Distress among Nurse Practioners in Primary Care Primary Care Nurse Pratitioners’ Integrity when faced with Moral Conflit Sylvie Dorris Descriptive Quantitative Questionnaire Théorisation ancrée Entrevues N = 21 (échantillon constitué de médecins, infirmières, infirmières auxiliaire et personnel de la pharmacie) N = 117 (échantillon avec mêmes catégories de personnel que précédent) N = 259 (échantillon avec mêmes catégories de personnel que précédent) N = 22 infirmières N = 71 infirmières N = 23 infirmières Travail dirigé 70 Langlois et coll. (2004) Canada Leiter et coll. (2010) Canada Lützen et coll. (2003) Suède Mobley et coll. États‐Unis (2007) Mrayyan et Hamaideh (2009) Jordanie Nathaniel (2006) États‐Unis Pauly et coll. (2009) Canada Sylvie Dorris N = 28 infirmières Qualitative N = 338 Generational Questionnaire infirmières differences in (génération distress, attitudes X) and incivility among N = 139 nurses infirmières (baby boomers) N = 51 Qualitative Moral Stress : Phénoménologi‐ infirmières Synthesis of a que Concept Approche hypothétique‐ déductive N = 44 Prospective The relationship infirmières Transversale between moral (cross sectional distress and survey ) perception of futile Questionnaire care in the critical care unit Quantitative N = 420 Clinical errors, infirmières nursing shortage and Questionnaire moral distress: The situation in Jordan Moral reckoning in Qualitative N = 21 Nursing Descriptive infirmières Narrative N = 374 Transversale Registred Nurses’ infirmières Perceptions of Moral Quantitative Échelle de la Distress and Ethical détresse morale Climate de Corley (2001) et Questionnaire de Olson (1988) Les dilemmes éthiques vécues par les infirmières aux soins intensifs Qualitative Exploratoire recherche‐ action de type constructiviste Travail dirigé 71 Rice et coll. (2008) États‐Unis Rogers et coll. (2008) États‐Unis Storch et coll. (2002) Canada Wilkinson (1988) Zuzelo (2007) États‐unis Sylvie Dorris États‐Unis Determinants of moral distress in medical and surgical nurses at an adult acute tertiary care hospital Educational Interventions in end‐ of‐Life Care: Part 1. An Educational Intervention Responding to the Moral Distress of NICU Nurses Provided by an Ethics consultation Team Listening to nurses moral voices: Building a quality health care environment Moral Distress in Nursing Practice: Experience and Effect Prospective Tranversale Quantitative Qualitative Questionnaire Quantitative Educational sessions N = 260 infirmières N = 82 infirmières Qualitative Descriptive Focus groupes N = 87 infirmières Qualitative Entrevues N = 26 infirmières Quantitative Exploring the moral distress of registered Questionnaire Qualitative nurses Analyse de contenu N = 100 infirmières Travail dirigé Bibliographie • Amati, M., Tomasetti, M., Ciuccarelli, M., Mariotti, L., Tarquini, L.M., Bracci, M., Baldassari, M., Balducci, C., Alleva, A., Borghi, B., Mocchegiani, E., Cpertaro, A., & Santarelli, L. (2010). Relationship of Job Satisfaction, Psychological Distress and Stress-Related Biological Parameters among Healthy Nurses: A Longitudinal Study. 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Tableau VI Niveau de hardiesse au temps T1, T2, T3, T4 dans les deux groupes p < 0,05 GE : groupe expérimental; GC : groupe contrôle Variable hardiesse aux différents temps de mesure Hardiesse en score global Au temps T1 Hardiesse en score global Au temps T2 Hardiesse en score global Au temps T3 Hardiesse en score global Au temps T4 Moyenne Écart type Valeur de F en regard du modèle statistique Valeur de p GE : 67.28 ± 9.97 GC : 68.47 ± 9.07 GE : 73.08 ± 7.83 GC : 66.90 ± 8.61 GE : 75.61 ± 6.66 GC : 69.67 ± 9.37 GE : 75.63 ± 6.34 GC : 69.53 ± 9.06 0.43 p = 0.51 7.79 p = 0.007 6.66 p = 0.01 8,21 p = 0.005 Les résultats montrent une différence statistiquement significative entre la moyenne de hardiesse en score global aux temps T2, T3 et T4. Tableau VII Intensité du stress occupationnel aux temps T1, T2, T3, T4 dans les deux groupes p < 0,05 GE : groupe expérimental; GC : groupe contrôle Variable intensité du stress occupationnel et de ses composantes Score global au temps T1 Score global au temps T2 Score global au temps T3 Score global au temps T4 Moyenne Écart type Valeur de F en regard du modèle statistique Valeur de p GE : 90.27 ± 14.53 GC : 85.13 ± 12.25 GE : 75.03 ± 12.53 GC : 86.06 ± 12.02 GE : 70.12 ± 10.77 GC : 87.25 ± 12.56 GE : 69.65 ± 10.25 GC : 87.83 ± 11.98 2.61 p = 0.11 4.83 p = 0.03 12.63 p = 0.000 13.66 p = 0.003 Les résultats démontrent que le programme de renforcement de la hardiesse permet une diminution statistiquement significative du niveau du stress perçu du groupe expérimental et cela, aux trois temps de mesure postérieurs à la formation. Sylvie Dorris Travail dirigé ii Tableau VIII Présentation des moyennes et des valeurs de p des différentes dimensions du coping aux temps T1, T2, T3, T4 dans les deux groupes p < 0,05 GE : groupe expérimental; GC : groupe contrôle Dimensions du coping Réévaluation positive/ résolution de problème Recherche de soutien Distanciation / évitement Moyenne des groupes et valeurs de p au temps T1 GE : 1.89± 0.60 GE : 1.73± 0.42 Moyenne des groupes et valeurs de p au temps T2 GE :2.30± 0.51 GE :1.75± 0.60 Moyenne des groupes et valeurs de p au temps T3 GE :2.11± 0.47 GE :1.72± 0.51 Moyenne des groupes et valeurs de p au temps T4 GE : 2.10± 0.48 GE : 1.89± 0.50 p = 0.29 p = 0.02 p = 0.01 p = 0.01 GE : 2.01± 0.53 GE : 1.77± 0.61 GE :2.21± 0.41 GE :1.85± 0.56 GE :2.20± 0.36 GE :1.72± 0.60 GE : 2.20± 0.36 GE : 1.74± 0.59 p = 0.17 p = 0.008 p = 0.000 p = 0.000 GE : 1.02± 0.54 GE : 0.96± 0.59 GE :0.66± 0.42 GE :0.98± 0.73 GE :0.74± 0.41 GE :0.96± 0.68 GE : 0.73± 0.38 GE : 1.01± 0.38 p = 0.83 p = 0.04 p = 0.15 p = 0.08 Les résultats montrent une augmentation statistiquement significative des stratégies actives de coping entre le groupe expérimental et contrôle (réévaluation positive/résolution de problème, et recherche de soutien), et ça, aux trois temps postérieurs à l’intervention. Tableau IX Niveau de la qualité de vie au travail en score global au temps T1, T2, T3, T4 dans les deux groupes p < 0,05 GE : groupe expérimental; GC : groupe contrôle Variable qualité de vie au travail aux différents temps de mesure Indice global de qualité de vie au travail au temps T1 Indice global de qualité de vie au travail au temps T2 Indice global de qualité de vie au travail au temps T3 Indice global de qualité de vie au travail au temps T4 Moyenne Écart type Valeur de F en regard du modèle statistique Valeur de p GE : 3.51 ± 0.63 GC : 3.45 ± 0.47 0.02 p = 0.87 GE : 3.81 ± 0.54 GC : 3.46 ± 0.51 3.27 p = 0.07 GE : 3.65 ± 0.51 GC : 3.35 ± 0.52 4.36 p = 0.04 GE : 3.70 ± 0.51 GC : 3.36 ± 0.52 5,13 p = 0.02 Les résultats du tableau 5 montrent qu’il existe une différence significative entre les moyennes de la variable qualité de vie au travail en regard des deux groupes au temps T4 (p= 0.02). La moyenne de l’indice global de qualité de vie au travail a augmenté entre le temps T3 et le temps T4 pour le groupe expérimental. Sylvie Dorris Travail dirigé