ASTEC, un code intégré de simulation d`accident grave dans
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ASTEC, un code intégré de simulation d`accident grave dans
1 5 ASTEC, un code intégré de simulation d’accident grave dans les réacteurs à eau légère • J.-P. VAN ( IRSN ) • F . JACQ ( IRSN ) DORSSELAERE • H .- J . epuis plus de dix ans, l’IRSN développe un système de codes de calcul, dit de code intégré (ESCADRE1, remplacé aujourd’hui par ASTEC2), pour simuler le scénario d’un hypothétique accident grave dans un réacteur à eau légère, à partir de l’événement initiateur jusqu’au possible rejet radiologique de produits de fission hors de l’enceinte de confinement. ASTEC, développé conjointement par l’IRSN et la GRS, est en voie de devenir le code européen de référence dans ce domaine. Ce code intègre l’ensemble des connaissances disponibles provenant de la recherche et développement au niveau international. D Introduction 1 - Ensemble de systèmes de codes d’analyse des accidents dans les réacteurs à eau. 2 - Accident Source Term Evaluation Code. 3 - Évaluations probabilistes de sûreté de niveau 2, c’est-à-dire incluant la fusion du cœur. 4 - Réacteurs à eau pressurisée. 5 - Réacteurs à eau bouillante. 6 - Réacteur à eau (modèle ex-soviétique). 38 INSTITUT DE Un accident grave conduisant à la fusion du cœur d’un réacteur reste d’une infime probabilité parce qu’il suppose une combinaison de plusieurs défaillances des systèmes de sûreté ; mais il aurait des conséquences graves telles que le rejet possible de produits radioactifs à l’extérieur de l’enceinte de confinement. La prévention des accidents est assurée en premier lieu par la conception du réacteur (principe de défense en profondeur) et par les systèmes de sûreté. Parallèlement, des mesures de gestion des accidents doivent être mises en place afin de contribuer à la prévention aussi bien qu’à la mitigation des conséquences. Un exemple est l’installation de “recombineurs” à l’intérieur de l’enceinte de confinement pour réduire le risque de déflagration dû à l’hydrogène. Enfin, la chronologie, la composition et le niveau du rejet doivent être évalués de manière à définir les plans d’urgence. Les codes “intégrés” couplent les phénomènes physiques dominants qui surviennent dans les différentes zones du réacteur et ils simulent le déclenchement des systèmes de sûreté par les procédures et par les opérateurs. De manière à permettre l’étude d’un grand nombre de scénarios, un compromis doit être trouvé entre la précision des résultats et le temps de calcul : un jour RADIOPROTECTION ET DE SÛRETÉ NUCLÉAIRE ALLELEIN ( GRS ) d’accident est simulé en quelques heures sur un ordinateur de type PC. Cette recherche du compromis est un réel défi pour de tels codes. Le code intégré ASTEC a été développé depuis 1996 conjointement par l’IRSN et la GRS. Son domaine d’application est multiple : • l’évaluation d’un possible rejet radiologique hors de l’enceinte de confinement ; • les études EPS23, incluant la détermination des incertitudes ; • les études de gestion d’accident, concernant les mesures de prévention et de mitigation des conséquences des accidents graves ; • les analyses physiques de scénarios pour améliorer la compréhension de la phénoménologie, incluant le support aux programmes expérimentaux. Un tel code intègre la modélisation le plus à jour d’un accident grave dans une structure informatique suffisamment flexible pour évoluer en fonction des connaissances apportées par la R&D. Il est complémentaire de codes appelés “mécanistes” qui décrivent certaines parties de l’accident d’une manière beaucoup plus détaillée (comme le code ICARE/CATHARE de l’IRSN pour la dégradation du cœur). Il doit être applicable à différents types existants de réacteurs à eau légère, présents ou futurs : REP4, REB5 et VVER6. Les applications à ces derniers devraient permettre d’apporter un support aux analyses de sûreté des réacteurs d’Europe de l’Est (Russie, Ukraine...). Description d’ASTEC Le code a une structure modulaire (figure 1). Chaque module simule une zone du réacteur ou un sous-ensemble de phénomènes physiques. Une séquence d’événements typique survenant lors d’un accident grave est décrite ci-dessous, avec une brève description des principaux phénomènes physiques correspondants (le module correspondant d’ASTEC est indiqué entre parenthèses) : • la phase de “tête de séquence” (module CESAR) débute à partir de l’événement initiateur, par exemple une brèche dans le circuit primaire. Des écoulements diphasiques du réfrigérant se développent dans les boucles du circuit de refroidissement du réacteur. On observe une perte de l’inventaire du réfrigérant dans le circuit primaire ; • le cœur s’échauffe à cause de la difficulté d’évacuer la puissance résiduelle, et le niveau d’eau dans la cuve diminue. Le cœur se dégrade (module DIVA) : oxydation exothermique de la gaine en zircaloy des crayons par la vapeur et production associée d’hydrogène ; formation de mélanges de matières en fusion (appelés corium) à haute température (jusqu’à 3 000 °C), lesquels s’écoulent à travers le cœur et peuvent se relocaliser dans le plénum inférieur de la cuve ; accumulation de corium qui chauffe le fond de cuve jusqu’à sa fusion ou jusqu’à sa rupture mécanique ; • des produits de fission (PF) sont relâchés par les crayons combustibles dégradés (module ELSA) ; d’abord, les gaz de fission et les produits volatils, ensuite les actinides et les produits de fission faiblement volatils après une dégradation plus sévère des crayons. Les matériaux des structures telles que les barres de contrôle ou les grilles sont aussi relâchés sous forme de vapeurs ; • les aérosols formés et les vapeurs de PF sont transportés par l’écoulement de vapeur à travers le circuit primaire (module SOPHAEROS) et atteignent l’enceinte de confinement. Ils peuvent se déposer et être remis en suspension par la suite. Les espèces peuvent varier selon les interactions chimiques, en particulier dans la phase gazeuse ; • après la rupture du fond de la cuve, le corium est éjecté dans le puits de cuve sous l’effet de la pression primaire. Une certaine fraction du corium à haute température peut être entraînée dans l’enceinte de confinement et contribuer à son échauffement (phase d’EDE 1) (module RUPUICUV) ; La sûreté des réacteurs 1 Figure 1 Schéma des modules d’ASTEC V1. • le corium restant dans le puits de cuve interagit avec le béton du radier (phase d’ICB 2) (module WEX), ce qui conduit à une ablation de la couche de béton et à la libération de gaz incondensables (H2, CO, CO2...) dans l’enceinte de confinement ; • l’atmosphère de l’enceinte de confinement se réchauffe sous l’effet des sources de vapeur d’eau, de produits de fission et d’aérosols (module CPA), et la pression augmente. Une partie des aérosols se dépose sur les surfaces horizontales. Une combustion de l’hydrogène accumulé peut survenir et induire un chargement dynamique de l’enceinte ; • le comportement de l’iode dans l’enceinte de confinement est un problème important (module IODE) ; cet élément s’adsorbe ou se désorbe sur les murs et son état tant chimique que physique évolue dans les phases aqueuses et gazeuses. D’autres modules décrivent l’évolution et le transport de la chaleur résiduelle, ainsi que l’activité liée aux produits de fission dans le réacteur (module ISODOP), la gestion des systèmes de sûreté tels que l’aspersion dans l’enceinte ou les accumulateurs (module SYSINT). Une base de données “dynamique”, c’est-à-dire évoluant au cours du calcul, permet l’échange d’informations entre ces modules (figure 2). Le code RAPPORT SCIENTIFIQUE ET 1 - Échauffement direct de l’enceinte. 2 - Interaction coriumbéton. TECHNIQUE 2002 39 ASTEC représente environ 300 000 instructions, et le langage de programmation est le Fortran 90. Il peut être utilisé sur des ordinateurs de type PC autant que sur des stations de travail (SUN, HP, DEC…). Le développement du code ASTEC a été fondé dans une première étape sur les codes disponibles à l’IRSN et à la GRS, respectivement le code intégré ESCADRE et les codes de l’enceinte de confinement RALOC et FIPLOC. La version la plus récente, avec sa documentation complète, est la V0.4, disponible pour les utilisateurs de l’IRSN et de la GRS, ainsi que pour les dix-huit organismes européens (autorités de sûreté, industriels, organismes de R&D), partenaires du projet EVITA1 (2000-2003) du 5e PCRD 2 de la Commission européenne. L’enceinte de confinement peut être discrétisée en plusieurs cellules ou zones (comme habituellement dans les codes dits “à zones”), chacune représentant un compartiment réel entouré de murs (dôme, casemates...). Mais, avec cette version, le calcul ne peut débuter qu’au début du dénoyage du cœur : un autre code doit être utilisé pour simuler le comportement thermohydraulique des circuits primaire et secondaire pendant la “tête de séquence” de l’accident. Une nouvelle version V1 d’ASTEC a été achevée à la mi-2002. Ses principaux avantages seront la capacité de simuler des scénarios complets, c’està-dire incluant la phase de “tête de séquence”, et l’amélioration de la modélisation de la dégradation du cœur. Figure 2 Modes d’utilisation d’ASTEC. Le mode couplé permet de coupler tout ou partie des modules, avec des rétroactions explicites entre eux : chaque module opère avec son propre pas de temps, mais à l’intérieur d’un macro-pas de temps déterminé par le code. Le mode autonome permet la qualification de modules séparés sur des expériences. CESAR δt DIVA δt ELSA SOPHAEROS δt RUPUICUV δt WEX δt CPA δt IODE δt ISODOP δt BASE DE DONNÉES ∆t (MÉMOIRE) SYSINT ∆t Mode couplé : permet des rétroactions explicites Mode autonome : permet la validation du module Tableau 1 Extrait de la matrice de validation de base d’ASTEC V0 pour SOPHAEROS. Types d’expériences Échelle des expériences TUBA TT28 TUBA TD7 DEVAP 08 AERODEVAP 02 TRANSAT TR2 FALCON 18 PHEBUS FPT0-1 SET grande SET grande CET petite CET petite CET grande CET petite IT grande Phénomène (ci-dessous) Sédimentation des aérosols Diffusion laminaire oui oui Diffusion turbulente oui oui Impaction turbulente oui oui Impaction dans les coudes Thermophorèse 1 - European Validation of the Integral code ASTEC. 2 - Programme cadre de recherche et développement. 40 INSTITUT DE oui oui oui oui Diffusiophorèse Condensation-évaporation de vapeurs de PF sur les murs Condensation-évaporation de vapeurs de PF sur les aérosols oui oui oui oui Absorption oui ET DE SÛRETÉ oui oui oui oui oui oui oui Chimie des vapeurs RADIOPROTECTION oui oui NUCLÉAIRE oui oui La sûreté des réacteurs 1 Figure 3 Qualification de SOPHAEROS sur FALCON-18. Les courbes représentent, en fin d’essai, les profils calculés et mesurés du dépôt de césium le long d’un tube à gradient thermique (maillé en 10 cellules cylindriques avec le code). En considérant les incertitudes expérimentales, particulièrement sur la cinétique de la source des produits de fission, le dépôt total calculé et les profils de dépôt peuvent être considérés comme acceptables. La zone de dépôt maximal est correctement reproduite par le code, mais avec une sous-estimation des valeurs de dépôt. Dans la première portion du tube, à haute température, les dépôts mesurés ne sont pas reproduits par le code, mais ils demeurent faibles. Validation Le développement du code suit le processus habituel conforme aux normes d’assurance qualité des logiciels : • spécifications générales de modélisation ; • codage informatique du modèle ; • validation par comparaison avec les résultats de programmes expérimentaux réalisés dans des installations en pile ou hors pile, à des échelles variées, et par comparaison (appelée “benchmark”) sur des calculs de “scénarios-réacteurs” avec d’autres codes internationaux de référence. Afin d’entreprendre des études de scénarios-réacteurs avec un niveau acceptable de confiance, une réflexion détaillée a porté sur la définition d’une douzaine de séquences couvrant différents types de réacteurs (les REP 900 et 1 300 français, le REP Konvoi 1 300 allemand, les VVER-440 et -1000) ainsi que la plupart des phénomènes et systèmes de sûreté dans des conditions aussi représentatives que possible des réacteurs. Cette batterie de calculs est régulièrement utilisée pour vérifier chaque version du code à sa livraison. La matrice de validation de base vise à couvrir les phénomènes prédominants des accidents graves et à préciser les incertitudes des modèles. Le travail intensif réalisé depuis plus de dix ans grâce aux versions successives des codes précédents (ESCADRE, RALOC et FIPLOC) a déjà fourni une base solide. La validation porte sur un large ensemble d’expériences françaises, allemandes et internationales (le tableau 1 illustre l’utilisation de différents types et échelles d’expériences pour la validation de SOPHAEROS) : • d’une part, les expériences analytiques (VERCORS 1, BETA 2…) qui s’attachent à un phénomène unique (expérience dite à effet séparé ou SET) ou à quelques phénomènes (expérience dite à effets couplés ou CET) ; • d’autre part, les expériences intégrales dites IT (Phébus PF, CORA3…). Ces applications permettent de vérifier que le couplage des phénomènes est correctement reproduit et qu’aucun phénomène n’a été oublié. Ce type d’expérience est souvent mené sur une large échelle et permet une meilleure extrapolation à l’échelle d’un réacteur. D’une façon similaire, l’application à l’accident grave survenu sur le réacteur américain TMI-2 en 1979 est une tâche essentielle. En complément, la validation est actuellement étendue dans le cadre du projet EVITA à des expériences de référence, la plupart figurant parmi la liste des exercices de comparaison entre codes retenus par l’OCDE (ISP4). Les résultats de la validation de la version V0 sur vingt-cinq expériences sont globalement satisfaisants : les écarts obtenus avec les mesures expérimentales demeurent acceptables dans la plupart des cas. Deux illustrations sont présentées ci-dessous pour la qualification du module SOPHAEROS : • une application sur l’essai n°18 du programme FALCON, réalisé en Grande-Bretagne dans les années 1980, qui étudiait les mécanismes d’interaction entre les vapeurs de produits de fission et les aérosols. Cette expérience simulait le transport et le dépôt de certains produits de fission (césium, iode...) dans un tube en présence d’éléments relâchés lors de la dégradation de la barre de contrôle (argent, indium, cadmium). La fraction totale de césium déposée dans le tube à la fin de l’essai représentait 75 % de la masse injectée alors que le code prédit une fraction de 54 %. En considérant les incertitudes expérimentales, particulièrement sur la cinétique de la source des produits de fission, ce résultat peut être jugé acceptable. La figure 3 montre également que RAPPORT SCIENTIFIQUE ET 1 - Installation expérimentale du CEA/DEN/DTP pour l’émission de produits de fission au cours d’un accident grave. 2 - Installation expérimentale de FzK/Karlsruhe pour l’ICB. 3 - Installation expérimentale de FzK/Karlsruhe pour la dégradation d’une grappe de crayons. 4 - International Standard Problem. TECHNIQUE 2002 41 Figure 4 Qualification de SOPHAEROS sur Phébus PF FPT1. Les courbes présentent les profils calculés des dépôts des produits de fission iode, césium et tellure le long du circuit primaire (plénum supérieur et ligne verticale, branche chaude, tube GV, branche froide) en fin d’essai. Les mesures aux points particuliers du circuit sont indiquées avec leurs incertitudes expérimentales. Figure 5 Comparaison CESAR/CATHARE. Les courbes représentent l’évolution de la pression primaire durant les deux premières heures du scénario TMLB (avec entrée dans la procédure H2). CESAR reproduit toutes les tendances : accroissement rapide à la vidange des GV autour de 1900 s, plateau après début des oscillations des soupapes SEBIM, soudaine baisse au moment du blocage des SEBIM en position ouverte et enfin une baisse lente et régulière jusqu’à stabilisation autour de 20 bar. Les écarts par rapport aux résultats de référence du code CATHARE restent inférieurs à 10 % en valeur relative. 1 - TMLB dans la terminologie du rapport WASH-1400 de Rasmussen. 42 INSTITUT DE RADIOPROTECTION ET DE SÛRETÉ NUCLÉAIRE les profils de dépôt sont qualitativement reproduits, notamment la zone du dépôt maximal ; • une application sur l’essai FPT1 du programme Phébus PF (IRSN, Cadarache). Ici, des produits de fission relâchés par la grappe, avec une cinétique variant au cours du temps, ont été injectés dans le circuit primaire. La figure 4 montre la comparaison entre les rétentions mesurées et calculées de ces produits de fission dans le circuit primaire. Un bon accord est obtenu sur la rétention totale, mais avec une sous-estimation de la rétention de césium et de tellure dans la branche chaude et une surestimation de leur rétention dans le générateur de vapeur. Le code reproduit correctement le comportement différent de l’iode, principalement sous forme gazeuse dans la branche chaude, en regard des autres produits de fission. Néanmoins, certains phénomènes qui influent de façon significative sur la sûreté du réacteur n’ont pas encore été reproduits avec suffisamment de précision ou complètement compris. Ces défis scientifiques encore à relever sont principalement : • le renoyage d’un cœur dégradé, et ses conséquences sur la production d’hydrogène et le relâchement des produits de fission ; • la phase avancée de dégradation du cœur, et la possibilité de refroidir le corium à l’intérieur de la cuve ; • l’effet d’un haut burn-up du combustible et l’effet du combustible MOX sur la dégradation du cœur et sur le relâchement des produits de fission ; • la phase d’ICB, en particulier pour la capacité de refroidissement à long terme du corium. Des programmes de R&D sont en cours à l’IRSN sur ces sujets, et la prochaine version d’ASTEC inclura des améliorations de certains des modèles correspondants. Parallèlement, les nouveaux modules d’ASTEC V1 sont déjà en cours de validation. À titre d’exemple, la simulation par CESAR d’un scénario haute pression (appelé TMLB1 : perte d’eau d’approvisionnement du générateur de vapeur avec défaillance des systèmes de refroidissement d’urgence du cœur) dans un REP 900 MWe a été comparée aux résultats du code de référence thermohydraulique CATHARE qui modélise d’une manière détaillée les écoulements diphasiques eau-vapeur. Les écarts avec les résultats CATHARE sont inférieurs aux exigences de précision qui ont été définies pour ASTEC, soit 10 % par exemple sur la pression primaire ou sur l’instant de dénoyage du cœur (figure 5). Applications aux réacteurs Le code ASTEC est actuellement utilisé intensivement dans le cadre des études EPS2 réalisées par l’IRSN sur un REP 900 MWe français. Un nombre considérable de scénarios, qui diffèrent quant à l’événement initiateur et au déclenchement des systèmes de sûreté, sont analysés (exemple d’un outil d’analyse, figure 6). La capacité du code à décrire la plupart des phénomènes et systèmes de sûreté est illustrée ci-dessous à travers les principaux résultats du calcul ASTEC V0 d’un scénario TMLB dans un REP 900 MWe. Lorsque les générateurs de vapeur s’assèchent, le cœur s’échauffe et la pression primaire augmente. Les soupapes de sûreté SEBIM s’ouvrent pour éviter une trop grande pressurisation du circuit primaire. À cet instant, un important débit de vapeur est relâché dans l’enceinte de confinement. Les accumulateurs ne peuvent intervenir parce que la pression du circuit primaire demeure élevée (entre 160 et 165 bar avec une régulation des SEBIM). La perte d’eau du cœur débute 5 700 secondes après l’arrêt d’urgence et est complète 2 000 secondes plus tard (figure 6). Le cœur entre dans un processus intensif de dégradation (figure 7) et produit 220 kg d’hydrogène par oxydation des gaines en zircaloy par la vapeur. Au cours de cette phase, l’hydrogène, les matériaux de structure et les produits de fission, sous forme gazeuse ou aérosol, sont relâchés dans l’enceinte de confinement à travers les SEBIM. 66 tonnes de corium se relocalisent dans le plénum inférieur de la cuve et échauffent celle-ci. La phase d’EDE survient lors de la rupture de la cuve sous l’effet de la pression primaire élevée ; le corium éjecté est dispersé dans la cavité et une partie (de l’ordre de 70 tonnes) est ensuite entraînée dans le confinement. Vient la phase d’ICB, avec les restes non entraînés de corium dans la cavité (figure 8, page 44). Lors de la défaillance de la cuve, le système d’aspersion est activé dans l’enceinte (pression dans l’enceinte supérieure à 2,4 bar), causant une rapide diminution de la pression dans l’enceinte (figure 9, page 44) et rabattant les aérosols dans le puisard. La stratification de l’hydrogène est obtenue dans certains compartiments de l’enceinte, avec une valeur maximale en partie supérieure du dôme. À long terme, la pression de l’enceinte s’accroît en raison de l’émission des gaz incondensables produits pendant la phase La sûreté des réacteurs 1 Figure 6 Visualisation en ligne de résultats ASTEC V0 sur le circuit primaire au cours d’un scénario d’accident grave. Figure 7 Illustration de l’état de dégradation du cœur après formation du bain de corium fondu (scénario de type TMLB). Le bain de corium fondu se forme en partie centrale du cœur, un peu en dessous de la mi-hauteur. Une croûte principalement composée de métaux supporte et entoure ce bain. Au-dessus repose un lit de débris composé d’oxydes et de métaux, lui-même sous une cavité de plusieurs mètres cubes. d’ICB. La quantité totale d’hydrogène produit atteint presque 1 000 kg (il faut noter que les recombineurs ne sont pas pris en compte dans ce calcul). L’éventage du confinement est prévu si la pression atteint 5 bar. En plus de ces applications de l’IRSN, une douzaine d’organisations européennes évaluent dans le cadre du projet EVITA la capacité du code RAPPORT SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE 2002 43 à simuler correctement de nombreux scénarios d’accidents graves sur plusieurs types de réacteurs (REP 900 et 1 300, EPR, VVER-440 et - 1000), en prenant en compte la plupart des systèmes de sûreté et des procédures. Les comparaisons sont ensuite réalisées avec des codes de référence tels que MELCOR (US/NRC) et MAAP4 (EPRI). Le code a également été distribué à plusieurs organismes des pays de l’Est (Russie, Ukraine...), Figure 8 Illustration de l’érosion du radier du puits de cuve par ICB (scénario de type TMLB). La faible érosion s’explique par la faible proportion de corium restant dans le puits de cuve (corium non entraîné pendant la phase d’EDE). particulièrement dans le cadre du projet TACIS1 de la Commission européenne, afin qu’il soit utilisé comme support aux analyses de la sûreté des réacteurs VVER présents et futurs. Le bilan préliminaire de cet ensemble d’applications d’ASTEC V0 souligne deux principaux besoins d’amélioration : simuler la phase initiale de l’accident avant le dénoyage du cœur et augmenter la convivialité pour l’utilisateur (grâce à des outils d’IHM2). Le premier de ces besoins constitue l’objectif majeur de la prochaine version V1 d’ASTEC. Les applications ASTEC sur les réacteurs VVER-1000 actuels ont montré qu’une majorité des systèmes de sûreté peuvent être convenablement représentés. Mais plusieurs besoins spécifiques d’améliorations ont été identifiés pour les VVER-440 : la représentation des boîtiers métalliques entourant chaque grappe dans le cœur et la représentation des parties inférieures des barres de contrôle qui contiennent du combustible. Travaux futurs sur ASTEC Figure 9 Illustration de l’évolution de la pression dans l’enceinte de confinement (scénario de type TMLB). 1 - Technical Assistance to the Community of Independent States. 2 - Interface hommemachine. 44 INSTITUT DE RADIOPROTECTION ET DE SÛRETÉ NUCLÉAIRE Les principaux efforts portent actuellement sur la version V1, qui a été livrée vers la mi-2002. Les applications essentielles de cette version en 2002 concerneront l’accident de TMI-2 et l’essai Phébus PF FPT1 (choisi comme exercice international n°46 de l’OCDE). En 2003, l’étape suivante consistera à “consolider” cette première version et à prendre en compte le retour d’expérience des applications EPS2 et des travaux dans EVITA. La réflexion entreprise pour consolider la position d’ASTEC en tant que code de référence pour la Communauté européenne devra se concrétiser, notamment dans le cadre du 6e PCRD. Un premier club d’utilisateurs sera organisé en 2003 et rassemblera une vingtaine d’organismes. Au-delà, certains axes d’amélioration de la modélisation ont déjà été identifiés pour la version V2 : renoyage d’un cœur dégradé, ICB, extension aux REB, traitement des incertitudes (propriétés des matériaux, modélisation, etc.). La validation du code va également se poursuivre en continu, en particulier sur les futurs programmes expérimentaux de l’IRSN (ARTEMIS pour l’ICB, EPICUR et CHIP pour le comportement des produits de fission, MADRAGUE pour la dégradation des crayons combustibles).