trauma et resilience : le corps convoqué

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trauma et resilience : le corps convoqué
TRAUMA ET RESILIENCE :
LE CORPS CONVOQUÉ
Guy TONELLA, 2007 ©
Publié dans :
« Les Résiliences », Edition Eres, 2007
Ouvrage collectif dirigé par Joyce AÏN, avec la participation de :
Rachid BENNEGADI, Maurice CORCOS, Boris CYRULNIK, Michel DELAGE,
Bernard GOLSE, Philippe GUTTON, Sylvain MISSONNIER,
Virginie PAPE, Gérard PIRLOT, Marcel RUFO, Serge TISSERON
et Guy TONELLA
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Guy Tonella est docteur en psychologie clinique et diplômé en psychophysiologie. Il fut Chargé de Cours à
l’Université des Sciences Paul Sabatier, Toulouse, entre 1972 et 1990 et Chargé d'Enseignement pour le Diplôme de
3ème cycle "Les Psychothérapies à médiation corporelle", Université P. Valéry, Montpellier, entre 1987 et 1990.
Il est psychothérapeute bioénergéticien (analyse bioénergétique) depuis 1980 et est formateur international à
l’International Institute for Bioenergetic Analysis, dirigeant des formations de psychothérapeutes en Europe et en
Amérique du Sud. Il est membre du Collège Français d’Analyse Bioénergétique.
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Comment le sujet traumatisé parvient-il à résister, être « résilient », et reprendre/poursuivre son
développement, s’épanouir ? La recherche sur ce thème s’est particulièrement développée depuis les
années 1980 dans plusieurs directions : développementale, cognitiviste, psychosociale, écosystémique et
psychobiologique. Elle fut essentiellement discutée en France sous l’impulsion de Boris Cyrulnik. La
réflexion psychanalytique, y associant les apports majeurs de la théorie de l’attachement, y prend
aujourd’hui sa part (Cyrulnik, Duval, 2006), repérant quels peuvent être les processus intrapsychiques à
l’œuvre dans la résilience. Mais qu’en est-il des processus corporels (je me réfère aux processus du corps
propre et non aux processus biologiques) ?
Si, dans sa première définition appartenant à la physique des matériaux, « la résilience caractérise la
résistance au choc », quelles structures ou fonctions du Soi sont capables d’absorber une telle énergie et de
résister ainsi au choc ? Comment le Soi traumatique parvient-il à se réapproprier les forces vives du corps
propre, ré-éveiller les processus énergétiques qui le dynamise et reconstruire des patterns somatosensoriels
fonctionnels ? Quelles sensations et schèmes sensorimoteurs, patterns affectivo-sensori-moteurs dégelés
redonnent au Soi sa capacité d’action propre ? Quelles régulations affectives réintroduites par un lien
d’attachement renoué, participent au processus de résilience et permettent une élaboration psychique qui
reconnaît, nomme et intègre ? Comment s’effectue le passage du temps premier de résistance au choc au
temps second de dissipation de ses effets et de re-dynamisation ?
En somme, quel « travail corporel » au sein de la continuité psychocorporelle implique le processus de
résilience ? Des recherches, opérationnalisées dans la pratique psychothérapeutique depuis une vingtaine
d’années, ont mis en évidence les processus corporels impliqués par l’évènement traumatique (traumas
développementaux ou traumas factuels au cours de la vie), et impliqués dans le processus de résilience. Je
me réfèrerai donc aux travaux publiés et à ma propre expérience clinique, celle de thérapeute
psychocorporel en analyse bioénergétique. En posant en préambule que le Soi n’est pas de nature
psychique mais de nature psychocorporelle (cette « continuité psyché-soma » comme le définissait
Winnicott), je redéfinirai en premier lieu la notion de Soi, ses fonctions, ses liaisons internes et ses liens
d’attachement et d’interaction. Puis je développerai avec des cas cliniques la notion d’enregistrement
corporel du trauma, puis d’inscription comportemental du trauma, pour tenter d’en dégager et de
systématiser les principes participant au processus de résilience.
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LA NOTION DE SOI
1 - Le Soi « interface soma / environnement »
La notion de Soi se réfère aux expériences initiées par chacune des fonctions du Soi : vécus de vitalité,
vécus sensoriels, émotionnels, moteurs (mouvements), perceptifs et représentationnels. Elle relève d’une
conscience phénoménologique (l’être) alors que le Moi relève d’une conscience réflexive (réflexion sur
être Soi), intégrative (des diverses expériences du Soi), et adaptative (par ses mécanismes de défense),
sans préjuger des éléments conscients ou inconscient qui président à l’élaboration des représentations et
des décisions ultimes.
Le Soi se construit à la croisée des processus biologiques qui le substantialisent et des processus
interpersonnels qui le subjectivisent. Les processus biologiques tout autant que les expériences
interpersonnelles d’attachement étayent les expériences du corps propre et leurs perceptions
progressivement représentées. Le Soi qui en émerge est terreau pour la conscience, l’intentionnalité et la
mise en sens (le « Sense of the self » anglo-saxon me semble désigner tout à la fois les informations
apportées par les sens et le sens qu’on leur attribuera). Ce Soi est un Soi interface entre le biologique et le
social, mais irréductible à l’un ou à l’autre. Le Soi est un être de liberté qui ne nie pas ses origines mais
assume ses écarts : par l’originalité de ses attachements étayant ses relations d’objet il s’affranchit du seul
déterminisme génétique et devient créateur.
C’est ce Soi qui est engagé dans le processus psychothérapeutique et enclenche le processus de résilience.
Les recherches menées entre autre par Schore (2001) montrent que chaque nouvelle expérience
somatosensorielle et affective s’organise à partir d’un système de communication qui implique des signaux
corporels enregistrés dans un échange direct et inconscient cerveau droit – cerveau droit. Ces signaux,
visuels, mimétiques, posturaux et gestuels, chez le nourrisson comme chez l’adulte, se modélisent en
fonction du vécu somatosensoriel et affectif du partenaire. Schore étend cette découverte à la relation
thérapeute-patient, organisée autour des signaux somatosensoriels émis par le patient, signaux que le
thérapeute empathique interprète à partir de son propre système somatosensoriel, et auxquels il répond par
une intervention ajustée.
L’écoute empathique de l’autre, fréquemment évoquée comme facteur résilient, implique ces évaluateursajusteurs non verbaux. Ce processus repose, dans l’arrière plan somatique, sur l’activation des « neurones
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miroirs » (Gallese, Fadiga, Fogassi, Rizzolati, 1996) responsables de l’empathie, ceux-là mêmes qui
semblent faire défaut chez les autistes (Rizzolati, Fogassi, Gallese, 2007) et rend probablement plus
difficile une mise en œuvre résiliente. Le travail avec le Soi traumatisé met en jeu le Soi de l’autre,
partenaire du processus de résilience, à des niveaux infra verbaux, partiellement perçus, mais enregistrés.
Ce processus intersubjectif est au fondement même des thérapies psychocorporelles et de l’entraînement
des thérapeutes à être conscient des informations qu’ils reçoivent du corps du patient, tout autant que des
informations qu’ils reçoivent de leur propre corps.
2 - Les fonctions du Soi
Le Soi peut être défini comme un ensemble fonctionnel fait de la co-intégration de cinq fonctions : la
fonction énergétique, la fonction sensorielle, la fonction motrice, la fonction émotionnelle et la fonction de
perception/cognition/représentation. Les fonctions du Soi émergent et opèrent donc dans l’interface
soma/environnement :
- d’une part, chacune de ces fonctions est l’expression d’une organisation biologique sous jacente ;
- d’autre part, chacune de ces fonction est transformée et subjectivisée dans sa rencontre avec
l’environnement social présent.
Chaque fonction du Soi étaye la suivante et s’étaye sur la précédente (Tonella, 1980, 1995 ; RobertOuvray, 1993) de sorte que les variations qui se produisent dans l’une des fonctions du Soi provoquent
des variations dans l’ensemble des fonctions, à l’image d’une vague qui se déplace. Cette continuité
fonctionnelle constitue la vie du Soi intégré et relié qui, en fonction 1) de la vitalité des processus
somatiques 2) de la richesse de ses interactions avec le monde extérieur, reste en perpétuelle
transformation et enrichissement la vie durant : 1) par la sollicitation sélective des connexions entre aires
cérébrales en fonction des nouvelles expériences socialisées et des nouveaux apprentissages, 2) par le
remodelage continuel de ces interconnexions organisées en réseaux (Blake, 2002), 3) par les nouveaux
comportements qui en émergent (Jeannerod, 2005). Ceci constitue le processus dialectique permanent de
subjectivation et de « plasticité » transformatrice du Soi (Kandel, 2001).
Le Soi se présente en tant que continuité psychocorporelle impliquée dans des régulations, des
interactions et des et des transformations constantes, processus fondant l’identité subjective de Soi en
mouvement.
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Les processus énergétiques jouent le rôle de vitalisation du Soi par le jeu de l’intensité métabolique
régulée et répartie. La fonction énergétique est essentiellement le siège de variations quantitatives qui
affectent la vitalité du Soi et dont les phénomènes d’activation/désactivation sont régulés et modélisés par
l’environnement familial (motilité et motricité spontanée soumises à la régulation/tolérance/intolérance du
milieu ambiant). Les affects de vitalité qu’elle produit continuent d’exister toute la vie, alors que les
émotions vont et viennent. Seul le trauma peut en priver le sujet et mettre son noyau existentiel en danger
dans un face à face avec la mort.
La fonction sensorielle joue le rôle de conscience primitive du Soi (les « sens du Soi » sans lesquels le Soi
ne serait qu’une abstraction mentale) et de régulateur élémentaire des fonctions somatiques et des relations
à l’environnement, dans une perspective adaptative immédiate. Elle est le siège de manifestations
qualitatives qui affectent la conscience du Soi et dont l’expression est régulée et modélisée par
l’environnement familial (le couple élémentaire douleur/plaisir est soumis d’emblée à une réglementation
expressive, approbatrice/désapprobatrice).
La fonction motrice joue le rôle de préparateur du Soi à l’action et à l’expression : par les ajustements de
son tonus musculaire et postural. Elle étaye la construction de patterns d’action et de patterns posturaux
propres à soi et modélisés par les échanges interpersonnels. La synthèse tonique de l'ensemble de la
musculature constitue une "enveloppe tonique", qui donne cette sensation de "limite" ou "frontière"
consciente au Soi.
La fonction émotionnelle, par ses manifestations émotives, joue un rôle cathartique de régulation du Soi.
Par ses affects, elle joue un rôle d’élaboration psychique de l’information cognitive. Par l’ensemble de ses
manifestations émotives et affectives, elle joue un rôle de communication subjective avec l’environnement
social.
La fonction de représentation, par un système primaire de proto-représentations (« Modèles Internes
Opératoires », Bowlby, 1969 Main et al., 1985, ou « Représentations d’Interactions Généralisées », Stern,
1985) relié à la motricité, et par un système secondaire, sémiotisé (images, fantasmes, concepts) relié à la
discursivité, assure la capacité du Soi à penser, à réfléchir sur lui-même et sur le monde, élaborer le sens
de l’histoire, la sienne propre et celle de ses mondes intérieur et extérieur, et communiquer.
3 - Les liaisons entre fonctions du Soi
Des liaisons entre les fonctions du Soi se construisent, organisant le Soi originellement non intégré, en un
système intégré. Tout comme les fonctions du Soi, les liaisons interfonctionnelles intégratives émergent et
opèrent dans l’interface soma/environnement :
- d’une part ces liaisons sont génétiquement préprogrammées, dans l’arrière-plan de l’organisation
biologique, par des connexions nerveuses interfonctionnelles, préparant « au sentiment même de soi »
(The Feeling of What Happens, Damasio, 1999) ;
- d’autre part, la rencontre avec l’environnement, spécifique à chacun, modélise et subjectivise chacune de
ces liaisons, participant à la construction de l’identité subjective.
La première moitié du 20ème siècle ouvrit un vaste chantier qui précisa la spécificité de chacune de ces
liaisons entre chacune de ces fonctions, et leur processus de subjectivation : Freud pour la liaison
affect/représentation, Reich et Wallon pour la liaison émotion/motricité, Piaget pour la liaison
sensation/motricité et Lowen pour la liaison énergie/sensation.
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La liaison terre - fonction énergétique constitue un système primitif participant à la régulation du
fonctionnement énergétique de l’organisme humain. Elle explicite littéralement l’expression « avoir les
pieds sur terre » en se référant au fait que les fonctions corporelles du Soi, notamment par leurs extrémités
inférieures, assurent l’ancrage du Moi dans la réalité et régulent le risque d’une hyperexcitation mentale.
Elle souligne également que l’autorégulation du Soi, dans une perspective homéostasique, passe par la
dépense corporelle, motrice et sexuelle, c'est-à-dire l’orientation des flux énergétiques vers la moitié
inférieure de l’organisme. C’est le principe de « grounding » développé par Lowen (1958) et enseigné
depuis des millénaires par les traditions orientales (Yoga, Chi Kong, Tai Chi, entre autres). Avant
cependant que le bébé ne rencontre la terre sur laquelle il s’appuiera et se reliera, c’est dans le corps de sa
mère qu’il trouvera son premier enracinement.
Les liaisons énergético-sensorielles assurent la permanence régulée de l'existence vitale du Soi, organisée
en biorythmes ou patterns somatosensoriels (Resneck-Sannes, 2002) structurants pour le Soi, et ceci dès
les premiers mois de vie et sous l’influence du milieu familial (patterns de veille/sommeil,
activité/passivité, configuration de l’expression vitale, etc.).
Les liaisons sensorimotrices assurent la permanence régulée de l’action intentionnelle du Soi, organisée
d’abord en schèmes sensorimoteurs (Piaget) et traduits en Modèles Internes Opératoires sensorimoteurs
(Bowlby et al.). Ces MIO sont initialement encodés dans les mémoires procédurales et épisodiques et sont
susceptibles d’être récupérées dans des contextes qui facilitent leur évocation, sachant que plus le MIO est
présymbolique, plus son rappel nécessite un contexte proche du contexte d’encodage. La mémoire
sémantique (l’encodage dans des représentations sémiotisées) n’a pas accès aux MIO préverbaux et n’est
pas susceptible de les ramener à la conscience perceptive.
Les liaisons émotion-motricité, organisées en patterns corporels et comportementaux, jouent le rôle
d’invariants de l’expression affective du Soi. Elles ont une valeur socialisante, celle de communiquer à son
environnement ses propres expériences affectives, mais peuvent se transformer en « spasmes tonicoémotionnels » inhibiteurs (Wallon). Elles ont également une fonction biologique, celle d’exprimer le
plaisir/déplaisir de nature pulsionnelle/sexuelle, mais peuvent aussi conduire à des « tensions musculaires
chroniques » pathogènes (Reich). Enfin, elles étayent une fonction comportementale, celle d’exprimer la
sécurité/insécurité éprouvée dans la relation d’attachement, se manifestant par des « patterns
d’attachement » sécure/insécure (Ainsworth).
Les liaisons émotion-représentation ou affect-représentation, organisés en MIO représentationnels et en
fantasmes, jouent le rôle d’invariants sémiotisés au sein du Soi. Elles structurent la pensée intentionnelle.
Dans une perspective génétique, on peut distinguer deux systèmes de liaisons :
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1 - Un système primaire liant en un ensemble solidaire : émotion – image archaïque (une protoreprésentation tel qu’un MIO affectivo-sensori-moteur) – expression émotive. Ce système assure les
interactions précoces et les communications émotionnelles entre l’enfant et son environnement maternel.
Si l’émotion ne peut être communiquée et reçue, la manifestation émotionnelle est figée sous forme de
traces (toniques et posturales, sous forme de tensions musculaires) :
Emotion ------------------ Proto-représentation ----------------Expression émotive
(Manifestation biologique)
(MIO sensorimoteur)
(Manifestation corporelle)
2 - Avec la maturation de la fonction de représentation, l’enfant crée un système secondaire, liant
émotion – représentation symbolique – affect (la représentation symbolique impliquera d’abord l’image
concrète avant de se traduire par la représentation sémiotisée). Dorénavant, les conflits donnent lieu à des
scénarios fantasmatiques chargés d’affect :
Emotion ---------------- Représentation sémiotisée ---------------- Affect
(Manifestation biologique)
(MIO représentationnel)
(Manifestation psychique)
Proches des deux systèmes énoncés par Pagès (1986, 1993) ces deux systèmes co-existent dorénavant : 1)
les proto-représentations (MIO sensori-moteurs préverbaux) correspondant au reflet exact des expériences
vécues (Stern, 1985), 2) les représentations sémiotisées symbolisant la réalité vécue mais pouvant aussi
créer une autre version de cette réalité (fantasmes). L’articulation entre les deux systèmes constitue la
continuité psychocorporelle réversible du Soi ; elle permet de se représenter sa propre vie et d’en faire le
récit incarné tout autant que de vivre de nouvelles expériences affectivo-sensori-motrices et de leur donner
un sens par les représentations que l’on peut en construire.
Emotion --------- MIO sensorimoteur --------- Exp. Emotive -------- MIO Représentationnel -------- Affect
(Manif. Biol.) (Mémoire procédur.)
(Mémoire épisodique) (Mémoire sémantique) (Manif.Psych.)
Dans des contextes favorables, le processus de résilience utilise ces deux systèmes, dans des allers retours
croisés qui réinstaurent un dialogue entre le présent et le passé, l’expérience énergético-sensoriémotionnelle et l’expérience réflexive, l’introspection intrapsychique et l’échange interpersonnel, le Soi et
le Moi. La reconstruction ne peut être unifactorielle et unimodale. « Reprendre des forces » et « faire
face » ne peuvent s’entendre uniquement en tant que processus purement psychique, même si ce dernier
est maître in fine d’œuvre de l’ensemble.
4 - Les liens d’attachements
Ce système (le Soi), ainsi co-intégré par ses liaisons fonctionnelles et susceptible de continuelles
transformations, nécessite une régulation permanente. Tout comme les liaisons entre fonctions du Soi, les
liens d’attachement et d’interaction du Soi émergent et opèrent dans l’interface soma/environnement : 1)
d’une part des mécanismes biologiques innés autorégulateurs sont préprogrammés (Brazelton, 1983), 2)
d’autre part, les observations éthologiques (Bowlby et al.), cliniques (Stern, 1985, 1995), et les recherches
actuelles de Schore (2001) confirment la nécessité d’une régulation complémentaire impliquant des
processus interpersonnels mère-bébé. Les divers liens d’attachement et d’interaction mère-bébé se
développant au cours des deux premières années remplissent cette fonction de régulation de nature
interpersonnelle.
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La seconde moitié du 20ème siècle ouvrit le vaste chantier qui élabora les liens d’attachement et
d’interaction essentiels à la construction du Soi. Si D. W. Winnicott et M. Malher furent des précurseurs,
citons les premiers théoriciens de l’attachement Bowlby, Ainsworth, Main et al, ainsi que les travaux de
Wolf, Emde, Anders, Sander, Stern et al. Ils contribuèrent chacun à montrer que le Soi, en tant qu’identité
subjective en devenir, ne se construit pas sans liens et que ces liens sont l'oeuvre de l'un et l'autre des deux
partenaires, de leur attachement mutuel et de leur interactivité (Miljkovitch, 2001). Je pense cela vrai pour
la construction des liens mère-bébé, je pense cela également vrai pour la construction des liens thérapeutepatient.
Le lien existentiel assure la fonction, mutuellement régulée et subjectivisée, de reproduction sécure des
invariants somatosensoriels du Soi. Tissé durant la période prénatale, il s’affirme dans le premier regard
et se confirme dans les échanges mère-bébé contenant et orientant l’excitation organique, la vitalité et les
besoins de contacts et de sécurité en tant que composants du noyau existentiel du Soi. Le lien existentiel
promeut et valide, la vie durant, l’assise phénoménologique de l’être-là-vivant.
Le lien interactionnel assure la fonction, mutuellement régulée et subjectivisée, de reproduction confiante
des invariants sensorimoteurs (MIO sensorimoteurs) ayant valeur interactionnelle. Il est initialement activé
par les besoins d’attachement et par les besoins d’exploration de l’environnement. La régulation des
actions engagées porte tout autant sur la stimulation que sur l’inhibition des MIO sensorimoteurs selon les
besoins adaptatifs.
Le lien intersubjectif assure la fonction de communication du Soi avec l’environnement social,
mutuellement régulée et subjectivisée, par un premier système de communication, corporel et
comportemental. Il promeut la réciprocité des échanges fondés sur le partage des états subjectifs intérieurs
et se fonde sur la capacité d’accordage et d’empathie mutuelle.
Le lien discursif assure la fonction de communication du Soi avec l’environnement social, mutuellement
régulée et subjectivisée, par un second système de communication, mental et verbal. Il promeut
l’élaboration de Soi, la réflexion à propos de Soi, de ses désirs, projets, relations au monde intérieur et
extérieur, et leur objectivation. Il permet d’établir une continuité cohérente entre ce qui est vécu (MIO
affectivo-sensori-moteurs) et ce qui est pensé (MIO représentationnels et fantasmes) et se fonde sur la
capacité de partager des significations.
© Guy TONELLA
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Comment resituer, dans ce cadre, l’impact d’un trauma sur le Soi et ses conséquences traumatiques sur la
continuité psychocorporelle ? Les récits cliniques détaillés suivant présentent des traumas
développementaux, dans des contextes familiaux traumatogènes. Ils sont représentatifs de modes courant
d’organisation post-traumatiques du Soi ainsi que des organisations défensives qui permettent de
« survivre » sur un mode adaptatif apparent, au prix cependant d’une dépense énergétique excessive. Ce
que j’ai pu observer en travaillant avec de jeunes adultes psychotiques en service psychiatrique (Tonella,
1989, 2006) a souvent confirmé les mêmes tendances séquentielles de réponse au trauma, que celui-ci soit
évènement unique et massif ou, le plus souvent, cumulation de carences graves ou d’évènements aversifs.
Je décrirai ces séquences qui impliquent au premier chef la réaction tonique et l’état de sidération, puis la
structuration musculaire de défenses psychocorporelles susceptibles d’infléchir la structuration même du
Soi en une structure « résistante ». Je décrirai également le processus thérapeutique accompagnant le
processus de résilience. La particularité de ces patients est qu’ils ont déjoué la mort en affirmant la vie, et
cherché à l’optimiser en s’alliant à un psychothérapeute.
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LE TRAUMA ET SON INSCRIPTION CORPORELLE
La mémoire du trauma s’inscrit à plusieurs niveaux : 1) celui des procédures somatosensorielles et
psychomotrices, avec la mémoire procédurale, 2) celui des évocations, surtout non verbales – posturales,
comportementales – avec la mémoire épisodique, 3) celui des représentations verbalisables, avec la
mémoire sémantique.
Chacune de ces mémoires, implicite ou explicite , a ses propres lois et ne peut livrer ses enregistrements :
1) qu’en présence de contextes particuliers impliquant une certaine relation interpersonnelle, 2) qu’en
utilisant des modalités techniques particulières. L’approche thérapeutique, si le thérapeute possède ces
compétences, peut en favoriser l’accès.
1 – Bernadette : le « choc céphalique »
R. Lewis (1976, 1984, 1986, 1998) a cherché à rendre compte des traumas développementaux précoces
ayant pour origine un fonctionnement maternel non empathique aux niveaux du soutien (holding) et des
manipulations (handling) du nourrisson, et dissonant au niveau du contact et des interactions visuelles,
tactiles, vocales et gestuelles. Ces expériences jettent le nourrisson dans des angoisses inimaginables et
inassimilables, suscitant des angoisses de chute, de morcellement, des terreurs en réponse à ce qu’il vit
comme étant des assauts maternels, lorsque sa mère le touche ou le manipule sans la délicatesse que sa
fragilité et son inexpérience exigent. Elles créent des états de choc répétitifs qui se cumulent. Le
nourrisson cherche à absorber la violence du choc en utilisant les moyens rudimentaires dont il dispose : il
contracte sa tête et son cou, seul ensemble musculaire qu’il peut mobiliser volontairement à cette époque,
et tente d’échapper à la perception de l’expérience in-intégrable.
La cumulation de ces états de choc répétitifs constitue l’expérience traumatique et engendre une double
conséquence, physique et psychique :
- le nourrisson développe de fortes tensions musculaires dans la nuque, à la base du crâne, dissociant
la tête du corps et la conscience du Soi, installant un processus résistant mais pathogène dans lequel les
angoisses archaïques seront dissociées et déniées ;
- en devant pallier à sa mère inadéquate, le nourrisson développe prématurément un état de vigilance
et une perception anticipatrice, redressant la tête prématurément, et développant prématurément son
activité mentale. Il devient progressivement hyperactif et compulsif.
Le Soi se développe ainsi à partir d’un noyau mental, réactif à l’environnement et dissocié de sa vitalité,
de ses expériences sensorielles, motrices et émotionnelles. Il est un Soi localisé dans l’esprit, la pensée, et
dissocié du corps propre et des expériences sensori-émotionnelles réelles, habillé d’un faux Soi adaptatif.
Cet enfant devenu adulte se plaindra de ne jamais avoir été insouciant, de ne pas pouvoir s’arrêter de
penser et de ne jamais avoir l’esprit en paix. Il existe et il vie dans et par sa tête, au sens propre comme au
sens figuré. Lewis parle de « choc céphalique » pour rendre compte de ce type de traumatisme et de sa
structuration physique tout autant que psychique. J’eus le privilège de travailler avec R. Lewis,
personnellement puis en formation il y a vingt cinq ans, et j’ai la chance de continuer à échanger
aujourd’hui avec lui. Sa compréhension des enjeux précoces, notamment traumatiques, son
opérationnalisation méthodologique des concepts winnicottiens de « vrai self » et « faux self » par une
approche psychocorporelle et intersubjective, sont d’une richesse et d’une efficience incontestables,
participant au processus de résilience. Le cas clinique suivant illustre le concept de « choc céphalique » et
le type de travail spécifique qui y est associé.
© Guy TONELLA
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Bernadette a 42 ans, elle est institutrice. Elle vient me consulter après six années de psychanalyse puis
deux années de psychothérapie verbale. Elle m’adresse une demande en ces termes : « Je crois que je ne
sortirai jamais de mes problèmes si je ne les aborde pas au niveau du corps. Je n’ai aucune agressivité, je
ne sais pas me défendre… C’est à cause de ma mère qui est folle… Je suis toujours déprimée et malade.
J’ai tenu bon mais maintenant je suis désespérée ».
Bernadette décrit sa mère comme une femme paranoïaque, violente, tyrannique, instable, injuste et
imprévisible. Elle la pense folle, incapable d’élever ses enfants en organisant un milieu stable et
sécurisant. C’est un « homme-cheval ». Elle parle de son père, pasteur protestant, comme d’un homme
bon, affectueux mais absent, n’imposant aucune règle à la maison, aucune limite à sa femme,
démissionnaire. Il s’est toujours « ennuyé mortellement » avec sa femme mais n’a jamais eu le courage de
la quitter. Il est désespéré à la suite de la mort de sa fille aînée schizophrène, à l’âge de 21 ans, et mourra
d’un cancer. C’est cependant en raison de sa bonne relation avec son père que Bernadette pense qu’elle « a
survécu tant bien que mal » et qu’elle « ne devint pas folle ». Bernadette appartient à une fratrie de six
enfants. Elle est la seconde, un an plus jeune que sa sœur aînée, schizophrène. La troisième sœur
deviendra alcoolique, la suivante instable et dépressive. La cinquième sœur est paranoïaque, rejetée de
tous. Enfin son jeune frère, seul garçon de la famille, semble s’en être tiré selon Bernadette.
Lorsqu’elle me parle, Bernadette a quelque chose de soumis dans son attitude corporelle, la tête
légèrement penchée vers l’avant et le bas, les épaules relevées et rentrées, une attitude globale de retenue,
et quelque chose de fataliste dans le ton de sa voix. Ses commentaires prennent l’allure de constats,
d’évidences malheureuses.
Sa motricité est automatique, fonctionnelle, mal assurée, comme si elle marchait sur des œufs avec la
crainte de se faire remarquer. Et si je ne la sollicite pas, le silence s’installe. Elle paraît alors absente, sans
vie, ni expression, ni mouvement. Puis elle finit, après quelque temps, par me demander naïvement :
« Qu’est-ce qu’il faut que je dise ? » ou « Qu’est-ce qu’il faut que je fasse ? ». Bernadette semble attendre
quelque chose que je doive initier ou provoquer et à laquelle elle puisse réagir, selon un mode de relation
attente–soumission–réaction.
Dans les premières séances, nous nous centrons sur sa demande initiale et j’explore avec elle ses capacités
motrices agressives, sans résultats. Ses mouvements sont timorés, n’expriment aucune agressivité, elle ne
ressent rien. « Son corps ne répond pas » dit-elle. Ce travail se heurte aux difficultés suivantes : 1) sa
difficulté à percevoir son propre corps, la force de ses mouvements, et leur coordination avec son rythme
respiratoire ; 2) sa difficulté à éprouver l'impulsion motrice agressive et davantage encore, à ressentir un
affect lié au mouvement agressif ; 3) l'impression que je doive continuellement stimuler les situations
d'exploration parce qu'elles perdent pour elle rapidement leur sens. Les expériences sensorielles, motrices,
émotionnelles et représentatives sont dissociées. Elle me confirme qu’elle est fatiguée d’ « essayer ».
Nous décidons alors de la laisser libre de ses attitudes, de ses mouvements, de ses mots, de ses silences. Je
resterai présent, disponible, et le lui dis. Elle s'allongera alors, abandonnant progressivement ses questions
sur que dire ou que faire, se plaignant seulement de sa douleur à la nuque. Les séances de 55 minutes
peuvent s'écouler dans le quasi-silence, Bernadette est allongée, yeux clos, sans un mouvement, bouche
fermée, respiration invisible. Elle me donne souvent l'impression de veiller une morte qui, un jour,
s'éveillera peut-être à la vie si surtout je ne fais rien pour l’y obliger. Cette impression me fait vivre un état
paradoxal mêlé de calme, de bienveillance et d’anxiété. Je me perçois à la fois source de sécurité et source
de danger maintenu à distance.
Après quelques semaines, Bernadette exprime (verbalise) de temps à autre en début de séance que ce dont
elle a besoin ici, c’est de se reposer. Cela rejoint ma propre impression : les séances son devenues aire de
repos possible dans le repli protecteur.
Au début du quatrième mois, elle me raconte ses deux premiers rêves cauchemars. 1) Bernadette se voit
dans ce rêve ayant eu un accident de la route. « Je suis allongée par terre. Je suis morte. Mais c’est son
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corps qui est mort car c’est mon esprit, ma tête, qui regarde la scène. Je me demande pourquoi mon corps
n’a pas été abîmé par l’accident. Il est même encore chaud, mais il n’est pas vivant et on l’emmène pour le
jeter à la poubelle comme une peau de lapin. Je me dis que c’est dommage ». 2) Dans ce second rêve, elle
descend à la cave de sa maison actuelle. « Là, il y a mon chat que j’aime beaucoup. Il est vivant, mais
écorché vif, sans peau, dépecé. Il souffre terriblement, mais il est vivant ». Elle ferme de nouveau les yeux,
bien qu’elle ne me regarde jamais, et termine la séance dans ce silence de repli. Je me garde d’interpréter
ces rêves de crainte de dissoudre dans une verbalisation décodante, et sans doute intrusive, les « vraies
sensations et les vrais affects » enfin de retour, fussent-ils actualisation d’un Soi-trauma impliquant le corps
meurtri et la psyché choquée. Je les reçois plutôt comme expériences offertes en partage, garant de l’espace
qui les abrite.
Ultérieurement, au cours d’une séance, elle est allongée, silencieuse, les yeux fermés, elle se tourne vers
moi en frissonnant, me regarde, et me dit « J’ai froid ». Je pense alors à la peau de lapin jetée à la poubelle,
au chat dépecé, et je lui propose une couverture-peau dont je la recouvre. Elle referme les yeux. Elle dit en
fin de séance : « Je me sens reposée ». Je le reçois comme le témoignage d’un Soi qui se dépose, d’une
vigilance intérieure qui s’apaise.
Bernadette va alors commencer à se plaindre de sa nuque, quasiment en début de chaque séance, alors
qu’elle s’allonge. Mais rien de plus. Elle se repose, quelquefois me demande la couverture.
Puis elle rapporte les deux rêves suivants concernant à nouveau la peau, la tête et la nuque : 1) « Je dormais
dans mon rêve et j’ai senti sur mon corps un contact horrible et angoissant. Cela m’a réveillé, toujours dans
mon rêve : c’était une immense araignée aux deux pattes velues, avec deux gros yeux qui me regardaient et
me terrorisaient. Elle essayait de me piquer à la nuque … Ce qui était terrorisant, c’est que j’étais paralysée
et que je ne pouvais rien faire contre l’araignée. J’étais convaincue que si elle me piquait, c’était la mort.
C’est ça que je voudrais changer : pouvoir bouger et me défendre ». 2) La semaine suivante : « Je rêve
d’une poule avec un grand bec, qui bouge sans cesse, comme pour dire quelque chose. Elle a été
emprisonnée vivante dans un four. Je sors la poule du four. La poule a été brûlée sur toute la surface de son
corps, sauf la tête qui a été épargnée. Je me demande si la poule va pouvoir marcher. Heureusement, elle
n’a pas perdu la tête. Je prends la poule dans mes bras et la serre contre moi ». Elle se plaint alors de sa
nuque, me disant qu’elle en souffrait beaucoup. Elle évoque des massages kinésithérapeutiques qui
l’avaient soulagée. Après un silence elle me dit : « Je crois que c’est d’un contact avec vos mains dont j’ai
besoin ». Alors que je prends sa tête dans mes mains, elle sursaute de terreur au moment où je la touche.
Elle me dira : « J’ai peur que vous me fassiez mal, c’est comme l’araignée du rêve, c’est comme ma
mère ». J’ai le sentiment à ce moment que se révèle et s’actualise la séquence traumatique d’origine
impliquant le contact maternel, la terreur de ce contact et la réaction défensive : sursaut – contraction
extrême de la nuque – gel de l’organisme (gel des fonctions sensorielles, motrices, émotionnelles et
psychiques).
Pourtant, les semaines suivantes semblent annoncer le dégel. Elle rapporte quelques souvenirs oubliés à
propos des contacts imprévisibles et insécurisants – par excès ou défaut – de sa mère, comme si sa mémoire
épisodique s’était elle-même dégelée : 1) Elle est très petite. Elle dort dans sa chambre. Sa mère fait
irruption, allume la lumière, l’arrachant du lit et la serrant fort dans ses bras en disant quelque chose
comme : « Ma chérie, je ne t’avais pas dit au revoir comme il le fallait ce soir ». Bernadette se sent
terrorisée, écrasée, elle ne comprend pas ce qui se passe, 2) Elle décrit son lit et sa chambre ; elle se
souvient se cacher la nuit au fond de son lit, sous les draps, de peur d’entendre les colères de sa mère dont
elle me donne des exemples, 3) Elle regarde sa mère langer sa petite sœur plus jeune qu’elle de trois ans.
Puis sa mère court soudainement à la cuisine, ayant oublié quelque chose sur le feu. Elle ne revient pas,
ayant oublié qu’elle langeait le nourrisson qui pleurait, se débattait, menaçant de tomber. Bernadette était
effrayée, paralysée, mais n’osait pas intervenir, craignant la colère de sa mère.
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Lorsqu’elle évoque ces souvenirs, je remarque que son visage s’anime, devient rouge pourpre jusqu’au bas
du cou, selon une ligne circulaire très nette, alors que son corps se paralyse. Je le lui fais remarquer. Elle
me dit qu’elle aimerait que je l’aide à relâcher sa nuque.
Je pris sa tête entre mes mains pendant un long moment, puis à ma surprise, mes mains commencèrent à lui
étirer la peau de sa nuque, par les cotés, le haut et le bas. J’eus l’image d’une toile d’araignée dont je la
dégageais. Bernadette renvoya sa tête légèrement vers l'arrière et eut un premier frisson tout le long de la
colonne vertébrale, puis des spasmes et enfin des tremblements de tout le corps, comme quelqu’un qui
grelotterait de froid. Elle ne parlait pas mais me regardait intensément, cherchant au fond de mon regard le
signe de l’assurance qu’elle pouvait compter sur moi, que je ne la laisserais pas « tomber » me dit-elle plus
tard.
Lors des séances ultérieures, lorsque sur sa demande je commençais à mobiliser sa tête et sa nuque, des
tremblements incontrôlables gagnaient progressivement l'ensemble de son corps. Son impression était
double et sa réaction paradoxale : 1) elle se sentait « se libérer d’une énorme tension intérieure qui
l’accompagnait depuis toujours », avec l’impression bizarre « de sortir du néant et de ressentir couler la vie
en elle », 2) elle sentait progressivement de la terreur émerger de ce qui n’était au début que du froid
glacial, et elle y réagissait en contractant tout son corps, notamment la nuque, renvoyant la tête en arrière,
ce qui avait pour effet de bloquer sa respiration. Elle y parvenait au prix d'une dépense énergétique
incroyable. En quelque sorte, elle cessait de nouveau de vivre physiquement.
Dans les mois qui suivirent, je prenais régulièrement sa tête entre mes mains, la réchauffant, lui demandant
progressivement de me donner le poids de sa tête et d’abandonner sa tête entre mes mains. Sans qu’elle ne
puisse le contrôler, une lutte féroce s’engageait au niveau de sa nuque, entre l’intention de relâcher sa tête
et la terreur de « perdre la tête », au sens physique – je la laisserais soudainement tomber, sans que ce ne
soit prévisible – et au sens psychique –elle deviendrait folle. Chaque fois qu’elle parvenait à relâcher sa tête
et sa nuque, elle commençait à trembler de tout son corps, avec des spasmes diaphragmatiques et
abdominaux. Mais sa respiration se libérait et son corps esquissait de petits mouvements, des jambes puis
des bras et des épaules, comme si elle naissait au mouvement. Souvent, elle me regardait dans les yeux,
longuement, alors que j’étais assis à sa tête, soutenant sa tête, et elle, tremblant, ou respirant, ou
commençant à bouger, mue par de subtiles impulsions intérieures. Elle vérifiait, me dira-t-elle plus tard,
que je pouvais être son « point d’ancrage », que j’étais capable de ressentir ce qu’elle ressentait sans m’en
effrayer : sa terreur, sa peur de sombrer dans la folie, parfois des accès de rage meurtrière où elle tapait sur
le matelas avec ses bras et ses jambes alors que je lui soutenais la tête, ses tremblements où elle ne
contrôlait plus rien, ses petits mouvements gracieux et si beaux qui émergeaient de son corps et me
donnaient l’impression qu’un papillon naissait de sa chrysalide. Un Soi peau-neuve, vivant et vibrant
émergeait, déposant jour après jour des boucliers devenus inutiles.
Bernadette poursuivit la reconquête d’un Soi réel, d’une continuité de Soi, découvrant sa propre respiration,
le son, la liberté de ses mouvements, des sentiments dépressifs vrais et des sensations de joie corporelle
inconnues d’elle, la capacité de s’opposer à son mari et de lui mettre des limites. Elle apprit également
qu’elle devait rester attentive à sa tendance à contracter sa nuque lorsqu’elle ne se sentait pas très bien,
pour ne pas restaurer une scission entre sa tête et son corps (la mémoire procédurale a la peau dure), et elle
décida de s’inscrire à un groupe de gymnastique volontaire. Elle avait découvert, avec beaucoup de
bonheur me dit-elle, ce qu’était s’abandonner dans une relation, pouvoir y vivre des sentiments vrais, se
sentir vibrante, après avoir tremblé toute sa vie, implicitement puis explicitement. Un an après la fin de sa
thérapie, elle m’écrivit pour me donner de bonnes nouvelles d’elle et de sa vie et, ce que je perçus moi,
pour recevoir une dernière confirmation de ma part.
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Je puis dire aujourd’hui que la présence d’états de « choc céphalique », explicites ou masqués, constitue le
noyau même du Soi schizoïde, état limite ou narcissique, ces structures du Soi que l’enfant a développé en
étant exposé à des expériences traumatogènes, par excès ou par défaut d’ajustement à ses besoins et son
équilibre homéostasique. Je pense qu’ils constituent la résistance du Soi, la résilience pathogène s’opposant
à sa désagrégation, cherchant à préserver ses liaisons internes et une vitalité réduite à la survie. Sans doute
cette constatation est-elle liée à l’attention particulière que j’apporte aux mécanismes toniques impliqués
dans le système défensif primaire (encore appelées défenses psychotiques).
2 – Discussion
Je voulais attirer l’attention, à la suite de Lewis, sur plusieurs aspects impliqués dans la notion de
traumatisme développemental et de processus de résilience :
1) Les contrôles résilients impliquent le corps propre. Ces contrôles consistent en des patterns sensoritonico-émotionnels ayant pour fonction de maintenir une certaine cohésion du Soi. Avant l’âge de 3 mois,
l’immaturité neurophysiologique du système musculaire ne permet pas l’utilisation de cette ressource ; le
nourrisson contracte son tissu conjonctif et cette paralysie profonde lutte contre la sensation de dissolution
(lyse) du Soi. Entre 3 et 6 mois, il contracte sa nuque pour préserver son esprit émergeant, mais se dissocie
de sa tête comme partie du corps, c’est ce que j’ai montré avec Bernadette. Entre 6 mois et 1 an ½, il
mobilise peu à peu l’ensemble de sa musculature qu’il peut contrôler volontairement. Mais en contre
partie, il fige, gèle une partie de son fonctionnement, réduisant ses affects de vitalité et ses mouvements
spontanés, réduisant la conscience de Soi, et en particulier la conscience corporelle. Un fonctionnement
majoritairement mental, résidence du faux Soi, s’y substitue, sachant qu’un fonctionnement mental génère
aussi des affects, des sensations, des actions pouvant participer à l’illusion d’exister et de vivre
pleinement, alors que le vrai Soi reste enfermé dans un sas de compression.
2) Aider le patient à le reconnaître et entrer en contact avec l’expérience traumatique physiquement
structurée et pour laquelle il n’y a ni images ni mots implique l’aider à ressentir dans et par ses vécus
corporels ce qu’il a réussi (la résistance au choc) et ce qui lui manque (cesser aujourd’hui de résister). Cela
engage un processus de remémoration impliquant les mémoires procédurale et épisodique. Et l’on sait
aujourd’hui que ces mémoires, pour s’activer et livrer leurs secrets, ont besoin que le contexte
d’expérience présent soit très proche du contexte d’expérience passé. Elles nécessitent donc, comme par le
passé, la distance intime, régulée par la paire thérapeute-patient, la présence visuelle, l’interaction, le
contact physique, ainsi que ce qui inaugure la relation d’attachement : que le thérapeute occupe
explicitement une fonction de « base de sécurité » (Bowlby, 1969). Cette position est bien différente de
celle d’une « bonne mère symbiotique » qui peut tout comprendre sans que rien ne lui soit dit et
transformer les mauvaises expériences et tous les besoins infantiles en bonnes expériences. Mais elle
transmet un « prendre soin » qui peut être vécu comme de l’amour.
3) Favoriser la reprise de croissance du vrai Soi qui, comme le reconnaissait déjà Winnicott, s’origine dans
la respiration et le libre jeu des mouvements spontanés. Les « affects de vitalité » (Lowen, 1958, Stern,
1985) peuvent alors jouer ce rôle paradoxal d’acceptation de ce qui n’a pas été, et de valorisation de ce qui
est en train d’advenir. L’accent n’a pas été suffisamment mis sur cette part de l’expérience corporelle
capable de nourrir l’espace psychique en quête de représentation /sémiotisation de l’expérience
traumatique, et en recherche d’expériences promotionnelles de l’identité de Soi en tant que continuité
psychocorporelle intégrée.
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LE TRAUMA ET SON ENREGISTREMENT COMPORTEMENTAL
1 - Rafaël : un Soi insécure en quête d’attachement sécure
Rafaël a 28 ans lorsqu'il commence sa thérapie. Il est comptable mais ne travaille qu'en intérim. Il se sent
seul et n'a jamais pu établir une relation amoureuse avec une jeune fille, ce qui constitue l'objet initial de
sa demande de thérapie. L'approche amoureuse le met dans un état de panique intense : il se sent oppressé,
paralysé, terrorisé, en blanc. Il me parle d'un état de "stress" général, profond et permanent. Le mot
"Stress" sera pendant la première année le mot de vocabulaire à sa disposition pour traduire son état
intérieur. Il peut parfois percevoir une sensation physique, qu’il traite comme une évidence « objective »,
où percevoir une émotion « physique », mais il ne sait pas parler d’« état subjectif ». Il « gère sa vie »
(dixit), il la pense de manière rationnelle, il a peu de vie affective et aucune relation amoureuse, et en
dehors des heures de travail, il exécute des programmes d'activité qu'il s'est préparés.
Il vient parce que sa vie est vide, vide de sensations, de sentiments et de sens, et parce qu'il a envie d'aimer
et d'être aimé sans vraiment savoir ce que c'est ni comment s'y prendre. Il a soif d'amour et en est en même
temps effrayé.
Rafaël ne s'est jamais senti aimé par ses parents exclusivement préoccupés par leurs devoirs. Il décrit sa
mère comme une préceptrice froide, exigeante, critique et excessivement frustrante. Rafaël n'a jamais
connu l'empathie maternelle. Il anticipe avec terreur toute relation, y compris avec moi, comme expérience
d'inexistence en tant que Soi toujours désavoué par l'autre. Il décrit son père comme quelqu'un de
routinier, sans présence et soumis à sa femme. Il me dira : "J'ai été élevé dans un bidonville doré ; on m'a
donné à manger et quelques jouets pour que je me taise ... mais personne ne m'a aimé." Son seul lien
affectif vivant était avec son frère de 2 ans son cadet ; mais il en est séparé lorsqu'il entre en internat à 7
ans. Il me fait penser à un enfant interné en camp de concentration, qui a survécu parce qu’il y avait un
frère et qu’ils se tenaient chaud. Il me décrit alors ses efforts pour quitter la vie. Entre 7 et 10 ans, se
sentant vide, seul et sans existence, il commence à se mettre à l'épreuve en réduisant au maximum sa
respiration et en pratiquant des apnées de plus en plus longues. Puis il commence à réduire ses battements
cardiaques, passant de 50 à 40, puis 30 et enfin 19 battements/minutes. Il est alors au bord de
l'évanouissement, avec des vertiges et des troubles de la vision. Entre 12 et 18 ans, il cherche à réduire son
sommeil. Vers 15 ans, il ne dort plus que 2h par nuit, s'y est habitué, mais il est devenu zombie. Personne,
cependant, ne s'est aperçu de rien durant cette dizaine d'années où il s'est mis en grève de la vie. Il était
hors de contact, sans que rien ne se voie de l’extérieur, traversant un long hiver depuis 28 ans. Il a frôlé la
mort, sorte de consumation du Soi.
Je lui ai réappris à respirer, à bouger, à me regarder, se laisser être regardé par moi, dans la distance
intime, oeil à oeil. Il était au début gelé, sans sensations ni émotions, et je percevais une immense terreur
en lui. Je lui lançais un coussin et nous jouions ; il commençait à y prendre plaisir et à entrer dans la
relation, à sortir de l'inexistence, à avoir besoin de venir me voir plutôt que d'y être obligé par son
programme mentalement décidé. Une relation d’attachement mutuel était perceptible. J'ai senti le lien qu'il
construisait avec moi dans son regard et la liberté qu'il prenait à me dire qu'il commençait à avoir peur et
qu'il avait toujours manqué de contacts physiques. J’ai senti le lien que je construisais avec lui en le
prenant dans mes bras, encore et encore, et sa tête dans mes mains, la soutenant, la berçant, soupesant
l'abandon qu'il se permettait, attentif à sa terreur de perdre la tête. Il découvrira la sensation de chaleur
physique et d’impression de sécurité, sous une couverture, parfois lové contre moi, un sentiment de
confiance car je ne lui demande rien pour moi en retour. Il découvrira le sentiment de tendresse et le sens
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de son existence qui émerge. Il faudra encore du temps, beaucoup de temps, pour que son agressivité
s'éveille, qu'il affirme ses besoins, ses désirs et sa propre subjectivité. Nous nous battrons ensemble et il
hésitera longtemps avant de donner la pleine mesure de sa force. Les angoisses de mort, de chute dans le
néant, la terreur de l'annihilation sous le regard noir de sa mère dont il m’habille parfois, sa haine
meurtrière à l'égard de cette mère, haine dont il ne peut s'approcher que difficilement, l'amèneront plus
d'une fois au bord de l'insoutenable et du détachement. Mais dans tous ces moments du retrait dans la
congélation pré mortem qui le laisse sans voix, de son initiative ou de la mienne il peut retrouver le
chemin de mon regard ou de mes bras, écouter mes images et mes paroles qui donnent forme à ce qu'il est
en train de vivre dans la vérité dénudée de la détresse, du frisson, des tremblements.
Vers la fin de la thérapie, il tombera amoureux de son professeur de danse, une femme plus âgée que lui
de trente ans. Lui-même se questionnera un jour, et me demandera s’il n’a pas trouvé « quelque chose »
d’un amour maternel dans ce lien. Je me garderai de toute interprétation et lui ai juste souri, complice de
sa pensée. Elle en est également amoureuse. Je pense que c’est la première femme dans sa vie qui l’a
réellement aimé, le lui a montré, dans un lien de sécurité et de tendresse partagée menant à l’éclosion du
désir sexuel sans angoisse, et à l’expérience de plaisir partagé.
Dans le langage de la théorie de l’attachement, Rafaël a pu m’utiliser comme « base de sécurité », dissiper
sa terreur de l’adulte et développer un Soi « suffisamment sécure » pour qu’il croit en l’amour et désinhibe
son agressivité vitale et ses désirs sexuels. Le fait que nous avons beaucoup joué ensemble y a contribué,
réanimant les patterns dynamiques qu’il avait construits avec son frère dont il fut détaché et qui sombra
dans l’apathie dépressive dont il ne s’est jamais remis semble-t-il.
Ses diverses « nouvelles » expériences répétées avec de multiples variations et sources de plaisir partagé
entre nous, se sont substituées aux « vieilles » expériences de robotisation de Soi, d’évitement, de solitude,
non pas qu’elles aient disparu de sa mémoire ni de sa tentation de les reproduire dans les moments de
fatigue ou de vulnérabilité, mais comprendre et être compris, se réinscrire dans un lien vivant, stimulant,
non défensif et créatif, prendre des initiatives et en ressentir de la joie, ont été progressivement (ré)investis
de manière durable.
Ces nouveaux patterns ont étayé la réponse à son attente initiale : pouvoir aimer et se laisser aimer. C’est
ainsi que Rafaël est devenu amoureux, mettant un terme à sa thérapie. Puis il a quitté la maison familiale
et s’est installé dans son propre appartement. Enfin il m’a téléphoné un jour pour m’annoncer qu’il avait
un emploi stable, après onze ans d’intérim. La sécurité et l’amour avaient accomplies leur œuvre.
2 – Discussion
La conquête ou reconquête du « Vrai Soi », qu’il s’agisse de traumas développementaux ou de traumas
plus tardifs, n’est pas qu’une affaire de corps mais l’inclut forcément. Elle consiste en :
1) Laisser grandir en Soi l’immense besoin de l’autre, en qui l’on ait confiance et avec qui l’on se sente –
enfin – en sécurité, devenant objet d’attachement ajusté à Soi et reflétant cet attachement mutuel ;
2) Sortir de la vallée de la mort et s’éveiller à la vie en découvrant sa propre respiration, ses élans
spontanés, sa vitalité et le regard de l’autre qui reconnaît et confirme sa propre existence. C'est-à-dire
accepter peu à peu d’augmenter la variété de ses affects de vitalité, de ses sensations, de ses états
subjectifs, de ses pensées et fantasmes. L’être et l’éprouvé sont des prérequis au changer et au connaître ;
3) Dérigidifier les liaisons entre les diverses fonctions du Soi qui se sont resserrées pour faire face au
tsunami traumatique. C’est-à-dire ne plus être angoissé de dormir en se couchant moins tard, cesser
d’avoir peur d’exercer son activité ou sa passivité sans craindre de réveiller des agresseurs fantasmés, ne
pas devenir anxieux de retrouver son expressivité posturale et mimétique au risque de déplaire ou de
fâcher, dire adieu à la terreur d’ouvrir son esprit aux images et aux pensées qui surgissent sans anticiper
qu’elles seront d’horreur ;
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4) Accepter de ressentir, peu à peu, la terreur, la violence en Soi d’avoir été maltraité d’une manière ou
d’une autre, la peine et la déception qu’il en fût ainsi. Accepter de vivre sa confusion et ses incohérences
internes, faute d’avoir eu des repères structurant explicites. Le sentiment de honte qui se tapisse au fond
d’un Soi blessé, honte d’être soi-même ou honte d’avoir fait semblant d’être joyeux, heureux, si
longtemps, devrait figurer parmi les sentiments dont on fête la bienvenue parce qu’ils appartiennent dans
ce cas au vrai Soi ;
5) Assouplir les patterns opérants adaptatifs issus de la réaction traumatique, voire les abandonner, pour en
construire d’autres, aujourd’hui mieux adaptés et plus souples. Ces changements, s’ils peuvent être initiés
par la fonction pensante, par le Moi, ne peuvent être opérationnalisés que par la mise en jeu effective, par
essais et erreurs, en présence du partenaire d’attachement et d’interaction, qui facilite, valorise et
confirme.
Dans ce processus, le thérapeute est engagé dans une relation catalytique plutôt qu’analytique, favorisant
la libération graduelle du stress post-traumatique (les spasmes puis les tremblements de tout le corps),
aidant à relier ensemble les pièces du Soi éparses ou disloquées, assistant le patient dans la recherche de
ses propres mots qualifiant sa propre expérience en cours, plutôt qu’interprétant les expériences
vécues bien que c’est ce qu’attende parfois le patient, réfugié dans le fonctionnement mental de sa tête.
Concrètement, je suis engagé dans une relation intersubjective, dans laquelle j’écoute, je ressens, vibre et
résonne à l’expérience de mon patient, et lui répond par l’expression directe de mon regard, de mes
propres gestes, par des interactions qui tentent d’être ajustées à ses besoins. Mon Soi, incluant mon propre
corps et ma pensée, sont orientés vers lui. Je peux lui parler de ma propre expérience en cours qui le
concerne, de mes propres sensations et sentiments, des images que m’inspire ce qui est en train de se vivre
ici, en lui et entre nous. J’ai acquis la conviction que parce que je ne reste pas à distance mais que je suis
engagé dans la distance intime, j’offre à mon patient le statut de personne-qui-m’est-importante, statut
qu’il n’a jamais vécu, alors qu’il actualise ici et maintenant sa terreur, sa confusion, sa désorganisation,
son processus de détachement et de dissociation. Pouvoir réussir à sortir d’une organisation en état de
résistance, abandonner ses symptômes post-traumatiques fussent-ils compensés, et devenir Soi, un Soi
capable de nouer aujourd’hui des attachements indépendants mais authentiques et réellement vécus, est,
dans mon expérience, intimement lié à la capacité du thérapeute à nouer un lien d’attachement avec son
patient, ce patient en quête, lui, d’un lien d’attachement qui lui offre sécurité, confiance et estime de Soi,
tout ce dont il a manqué, petit, et qui reste dépendant d’expériences restauratrices non seulement
psychiques, mais aussi somatosensorielles, sensori-émotionnelles et interactives. Ce que m’écrivit l’un de
mes patients en fin de thérapie le confirme : « Depuis que ma voix s’était tue dans mon berceau, j’avais
cessé d’être quelqu’un. En hurlant ma terreur, en pleurant mon désespoir ici, j’ai recommencé à exister
parce que vous n’avez jamais cessé de me regarder. J’ai vu une fois des larmes dans vos yeux et j’ai su
que je pouvais vous aimer, et en vous quittant, aimer la vie. Toutes les fois où j’ai tremblé de tout mon
corps, la tête entre vos mains, reconnaissant la mort déposée au fond de moi, votre visage semblait me dire
que j’étais en train de renaître à la vie. Je vous faisais confiance car je sentais que vos mains
m’accouchaient et me rendaient à ma respiration. Je vais bientôt vous dire au revoir et pour la première
fois j’emmènerai en moi quelqu’un sur qui je peux compter et qui me rend confiant et plein d’espoir ». Les
besoins imprescriptibles datent, après tout, d’une époque où, comme le dit Winnicott, « l’amour ne peut
être montré qu’en termes de soins corporels ».
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MODÈLE SYSTÉMATISÉ DU PROCESSUS DE RÉSILIENCE
IMPLIQUANT LE CORPS
1 – Cadre méthodologique de l’approche psychocorporelle
Vander Kolk (1994) citée par Rothschild (2000) avance que « si le problème des patients traumatisés est de
ne pas pouvoir analyser ce qui se passe lorsqu’ils revivent les sensations physiques du trauma passé, et que
ces sensations produisent des émotions intenses qu’ils ne peuvent moduler, alors notre thérapie devrait
pouvoir les aider à rester dans leur corps et à comprendre ces sensations ».
Levine (1997) a proposé une telle approche, d’orientation psychocorporelle. En s’inspirant du modèle
éthologique, il a observé et analysé les trois types de réponses défensives successives possibles d’un sujet
face à l’agression traumatique : 1) tentative de lutte contre l’agresseur (fight), 2) tentative de fuir
l’agresseur (flight), 3) face à l’échec, l’organisme se fige (frooze).
Dans ce dernier cas, qui inclut l’ensemble des traumatismes, l’énergie intense produite par le danger au
niveau somatique ne peut être ni libérée ni métabolisée. Une brèche s’est ouverte dans l’enveloppe du Soi
et fonctionne comme un « vortex traumatique » : elle attire l’ensemble de l’énergie du Soi disponible qui
s’y engouffre et l’assèche sans fin. Les patterns somatosensoriels habituels ne fonctionnent plus, les
sensations, les perceptions, les représentations ne reçoivent plus de sens. C’est la confrontation à l’effroi
corporel et à l’irreprésentable psychique.
Levine fait l’hypothèse qu’un « contre-vortex guérisseur », de sens inverse, peut être développé, équilibrant
le vortex traumatique et leur permettant une co-intégration résiliente. Il propose d’explorer les expériences
sensorielles liées au trauma qui portent en germe les réactions adaptatives n’ayant pu être exploitées lors de
l’expérience traumatique. Une mobilité peut alors être récupérée, permettant de passer alternativement d’un
vortex à l’autre, rétablissant peu à peu ainsi la continuité psychocorporelle.
Naissance d'un vortex traumatique
Naissance d'un (contre)vortex guérisseur
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Berceli (2003), thérapeute en analyse bioénergétique, a développé cette approche, notamment dans son
utilisation en grands groupes. Il en a testé l’efficacité auprès de populations traumatisées par les guerres, les
massacres, les viols, les attentats, lors de missions qui lui ont été confiées par des ONG, en Moyen Orient,
en Afrique et aux Etats-Unis (retour des soldats traumatisés par la guerre en Afghanistan, puis la guerre du
Golfe, enfin la guerre en Irak). Il centre son travail sur : 1) la restauration d’un environnement sécurisant,
2) l’accès aux tremblements de tout le corps (tremors) permettant de libérer l’énorme quantité d’énergie
générée par l’évènement traumatique et séquestrée dans l’organisme figé, 3) la restitution de l’état
homéostasique du Soi facilitant la re-signification de l’expérience traumatique. Cette approche groupale, si
elle n’offre que très peu de régulation individuelle de l’expérience, a l’avantage d’aider simultanément un
grand nombre à déclencher un processus résilient dans des contextes où l’aide individualisée est peu
envisageable.
Lewis a discuté l’approche de Levine (2003). Il considère que le modèle présenté par Levine est incomplet
pour comprendre et traiter les traumatismes développementaux faute d’intégrer les enseignements de la
théorie de l’attachement : un petit enfant en situation traumatogène pleure, hurle se débat (fight), il tente
simultanément de fuir (flight), mais il se rapproche de nouveau de son objet d’attachement maltraitant
(proximity-seeking behaviour). Il développe un comportement chaotique de désorganisation/désorientation
comme l’ont montrées les vidéos de Brody-Axelrad. Il ne peut en réalité ni opter pour la lutte, ni opter pour
la fuite. Le modèle éthologique linéaire de Levine n’est pas ici conforme à la réalité du très jeune enfant. Si
finalement l’enfant répond par l’immobilité, le gel de ses fonctions (frooze), par le « choc céphalique »,
c’est qu’il n’a aucun autre choix. La réponse thérapeutique s’orientera alors vers la possibilité de rétablir un
choix : celui de renouer un lien sécure pour développer un Soi sécure. Il faudra pour cela affronter les
terreurs initiales du ré-attachement (thérapeutique), les angoisses corporelles de s’effondrer en morceaux
ou d’exploser, l’horreur de perdre la tête et devenir fou.
Eckberg, directrice des Services Cliniques au Healing Center for Survivors of Polical Tortures (Berkeley),
thérapeute en analyse bioénergétique, formée aux approches de Lewis et de Levine, décrit trois phases dans
l’approche psychocorporelle du traumatisme (1999) :
1) Phase de stabilisation, d’éducation et de contenance
Un travail sur les sensations présentes du patient est amorcé permettant de moduler son niveau d’éveil
physiologique en fonction de son état actuel (paralysie, sensations d’engourdissement, rigidité, hyperagitation, irritabilité, troubles du sommeil) afin que les informations traumatiques deviennent perçues à
l’intérieur d’une fenêtre de tolérance (Seigel, 1999). Le thérapeute doit être capable de tolérer les réponses
corporelles du patient et celui-ci n’a pas, lors de cette phase, l’obligation de parler de son expérience
traumatique.
L’aspect pédagogique, d’ « éducation au trauma », porte sur le fonctionnement corporel actuel du patient,
de son Soi en général, relié à son environnement, son histoire de vie, ses origines socioculturelles. Il est
également de nature à stabiliser son état et créer une relation sécurisante.
Enfin, la fonction de contenance du thérapeute est essentielle, compte tenu que les propres capacités de
contenance du patient à éprouver, réagir, penser, ont été dépassées lors de l’expérience traumatique, si tenté
qu’il eut l’âge et les conditions dans son environnement, pour la construire. Il doit aider le patient à
(re)construire une capacité de contenance pour tolérer l’intensité de l’expérience en voie d’actualisation et
en construire une représentation. Or cette capacité de contenance a perdu son support corporel :
l’organisme est figé en profondeur dans un état de contraction des tissus conjonctifs et des tissus
musculaires. Le travail est engagé au niveau de la respiration afin de mobiliser les ressources propres de la
personne, re-développer une force d’expansion centrifuge ; également au niveau des tensions conjonctives
et du fonctionnement musculaire (par exemple techniques de contraction /détente, type Jacobson), utilisant
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toutes les techniques qui permettent d’accroître les sensations et la conscience des mécanismes corporels
engagés. Les sensations peuvent être associées à des images positives afin de renforcer le processus
d’expansion de l’organisme et augmenter sa capacité à contenir l’expérience.
Tout au long de ce travail, la relation patient-thérapeute se construit, rétablissant des sentiments de sécurité
et de confiance mutuelle.
2) Phase de renégociation, réorganisation et intégration
L’objectif de la renégociation de l’expérience traumatique est d’aider le patient à se reconnecter avec les
réponses de défense et d’orientation qui n’ont pu s’exprimer lors de l’expérience traumatique et de leur
permettre d’aboutir. Ceci implique pouvoir accéder à la mémoire de l’ensemble des éléments fragmentés et
dissociés, c’est-à-dire passer d’une mémoire implicite à une mémoire explicite. Ucros (2005) commente :
« Cette confrontation à l’irreprésentable peut être comprise comme quelque chose qui amène l’individu
dans un état proche de celui qui consisterait à vouloir ouvrir un fichier d’ordinateur inexistant : les réponses
opératoires deviennent inefficaces (…) En effet, du point de vue neuropsychologique, les systèmes
supérieurs de traitement de l’information ont été inhibés par la suractivation du noyau amygdalien …
comme lorsque dans un système électrique le survoltage entraîne l’enclenchement du disjoncteur et la
coupure du courant. Les fonctions d’intégration et de contrôle sont mises hors circuit et les différents
éléments de l’expérience (éléments perçus, pensées associées, réponses associées) restent fragmentés. En
conséquence, la codification ou traitement de l’expérience n’aboutit pas et il n’y a pas de mémoire explicite
de l’évènement (…) L’intérêt de l’approche somatique réside en ce qu’elle peut traiter directement
l’expérience traumatique parce qu’elle tient compte des expériences et souvenirs tels qu’ils sont encodés
(encodage somato-sensori-moteur) ».
Le point critique lors de cette phase consiste à ne pas faire revivre à nouveau l’expérience de perte de
contrôle, d’hyper-éveil physiologique et de terreur, associés à l’expérience traumatique. Plusieurs principes
de base y concourent : 1) le « titrage » (notion empruntée à la chimie) de l’expérience corporelle signifie la
régulation de la quantité d’énergie libérée à chaque instant. La lenteur du travail y contribue, favorisant le
décorticage de chaque sensation, image ou affect éprouvé, travail au ralenti qui permet de prendre
conscience, démêler, reconnaître, intégrer, associer, 2) l’identification et la dénomination de chacune des
réactions physiques, afin de se réapproprier ses propres réponses ou patterns de réponses, de les explorer,
de les reconstruire. Il sort ainsi de la réponse d’immobilisation, de gel des structures profondes de
l’organisme, pour se réengager progressivement dans les réponses de défense et d’orientation qui furent
sidérées par des tensions tonico-posturales réflexes mais persistantes.
Enfin, l’exploration du nœud traumatique repose sur les expériences positives précédentes et sur les
ressources personnelles du patient. Elle met en jeu le processus de « vortex guérisseur », proposé par
Levine et que j’ai présenté précédemment. Levine postule que ce vortex réside encore, potentiellement, à
l’intérieur du Soi, et que sa force peut être développée : il est constitué des réactions que la personne aurait
aimé avoir et qui ont été barrées par la réalité de la situation traumatogène et parfois, de surcroît, par le Moi
lui-même tel qu’il était construit.
3) Phase d’expansion et de capacité à ré-éprouver du plaisir
Elle est déterminée par le détachement de l’état traumatique, la disparition des symptômes posttraumatiques, et la capacité à ré-initier des expériences positives et créatives dans sa vie actuelle, sans
craindre le retour de vécus traumatogènes. Ce qui signifie une re-mobilisation énergétique, une régulation
adéquate des patterns somatosensoriels, une capacité de contenance des affects qui dépasse la seule
contenance de l’expérience traumatique, un relâchement tonico-postural qui dérigidifie l’expression et
l’action motrice, et une capacité élaboratrice des expériences du monde intérieur qui n’est plus dans
l’évitement d’espaces privés redoutés, en général liés à l’expérience traumatogène.
Dans ce cadre de référence, s’amorce une phase de consolidation du mouvement d’expansion visant à rééprouver du plaisir.
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2 – Extension du modèle à la pratique thérapeutique psychocorporelle
1) La pratique à laquelle je me suis référé, l’analyse bioénergétique, n’est pas la seule à utiliser la médiation
corporelle lorsque le Soi la nécessite. Mais sans doute son paradigme théorique fondé sur les échanges
énergétiques au sein de la continuité psychocorporelle dans sa globalité, irriguant l’ensemble des fonctions
du Soi, l’a-t-il amené ces quinze dernières années à spécifier ce que sont ces processus énergétiques. Ils
sont aujourd’hui déclinés en termes de quantité d’énergie au travail, en termes d’affects de vitalité, de
patterns somatosensoriels et sensorimoteurs vivants et subjectivement régulés. Si le conflit névrotique peut
être de nature à inhiber ces processus, et si le retour à la conscience de la représentation des motifs
conflictuels peut faire cesser l’inhibition, il n’en est pas de même en ce qui concerne le trauma.
2) Le modèle de traitement du trauma (Lewis, Levine, Eckberg) pourrait s’avérer opératoire en ce qui
concerne l’ensemble des pathologies préverbales, a - lorsque l’appareil psychique encore trop immature ne
peut traduire en représentations ce qui est traumatogène et fait effraction dans le Soi ou le gèle,
l’empêchant d’évoluer, structurellement et fonctionnellement, b – lorsque par conséquent, seules des
mémoires impliquant des processus corporels somatosensoriels et tonico-émotionnels prennent en charge
les « souvenirs traumatiques » en les inscrivant dans les fonctions corporelles elles-mêmes, c – lorsque,
techniquement, seule l’intervention au niveau corporel (éveil de l’activation, exploration des sensations et
affects traumatogènes, mobilisation des patterns tonico-posturaux) rend possible l’accès à la mémoire des
éléments traumatiques, ainsi que la réorganisation de ces paramètres fonctionnels. Reste bien sûr
fondamentale, tout au long de ce processus ou en certains moments privilégiés, le « travail de resignification » de l’expérience traumatique et traumatogène et l’élaboration psychique du monde intérieur
traversé par ces expériences.
3) S’esquisse là une croisée des chemins entre l’approche psychanalytique et l’approche psychocorporelle
et, je le souhaite, un intérêt commun source de recherches fructueuses, rencontre des théories de la trace et
des théories du signe, à l’écart des tentatives stériles de négation ou d’hégémonisation. Chacune a en effet
ses outils théoriques, ses techniques efficientes et ses compétences avérées.
4) La qualité de la relation thérapeutique engagée dans un processus de résilience est fondamentale pour
qu’il y ait (espoir de) résilience. La théorie de l’attachement est à l’origine de formulations princeps telles
qu’un lien thérapeutique suffisamment « sécure et confiant » définissant un « champ interpersonnel » au
sein duquel peuvent s’actualiser les besoins d’ « attachement et d’interaction ». Elles me semblent définir le
cadre de travail psychocorporel sur le trauma. Si le thérapeute est toujours à la recherche d’une juste
distance, son implication dans une relation de nature intersubjective lui permet de se tourner vers ses
propres expériences intérieures, de nature sensori-tonico-émotionnelle, pour ressentir et comprendre ce que
vit son patient, qui est encore sans représentation et sans mot, ou trop fragmenté pour en avoir une image
signifiante (Tonella, 2000, 2007). Lorsque l’expérience peut impliquer le toucher, la précaution et la
délicatesse sont de mise, comme toute autre intervention interactive. Lewis (1999) le précise : « Je crois
que la relation entre patient et thérapeute est cruciale pour savoir si ce qui se passe en séance est vécu
comme une renégociation ou une remise en scène cathartique traumatisante ».
5) Lorsque le Soi est dévitalisé ou figé, trop peu subjectivisé faute d’échanges durant sa croissance, détaché
du Moi, on doit suspecter l’existence d’un trauma réel. Lorsque le Soi ne respire plus, ne ressent plus, est
privé de son et d’images, et laisse au Moi le soin d’établir ou d’entretenir une pseudo-identité personnelle,
alors on doit s’interroger, avec de fortes présomptions, sur l’existence d’un possible trauma. Lorsque les
flux somatosensoriels sont appauvris et/ou que la vie pulsionnelle/sexuelle cherche la décharge frénétique
alors que le Moi semble sans conflits ou contradictions sévères, alors on doit s’inquiéter de cette
disfonctionnalité. Surtout lorsque le Moi, cet « être de surface » comme le désignait Freud, donne le
change, « comme si » tout allait bien ou rien n’allait trop mal, installé dans la « cognition » ou l’abstraction
mentale, fussent-elles l’expression d’une intelligence indéniable. C’est que cette personne se défend contre
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l’effondrement, construite sur du sable instable qui est en fait roc bétonné. Elle cherche désespérément au
dehors les forces vives, stimulantes, qui lui font défaut, si toutefois il existe un dehors contenant, sécurisant
et humanisant. Ce sont ces conditions de l’environnement thérapeutique rencontrées qui ont contribué, je
crois, au fait que Bernadette et Rafaël ont reconsidéré leur manière d’exister, passant de la survivance
adaptée à l’appétit de vivre.
Conclusion
La résilience, comme interface entre 1) la résistance salvatrice face au choc traumatique et 2) la résistance
pathogène face aux forces de développement, reste à être cliniquement évaluée. Une approche
thérapeutique psychocorporelle est de nature à favoriser les reprises de développement lorsque le processus
de résilience a déterminé une structuration et/ou un fonctionnement du Soi qui l’étiolent. La perspective
bioénergétique, pour sa part, agit au niveau de la réinitialisation des patterns somatosensoriels régulant la
vitalité du Soi, la (re)construction des capacités de contenance qui impliquent les patterns tonico-posturaux,
la régulation des sensations et des affects émergeants par le « titrage » et, dans un cadre processuel plus
classique, la re-signification des vécus traumatiques ainsi que leur intégration dans l’espace psychique
subjectif. Cette démarche s’inscrit dans le cadre d’un champ thérapeutique interpersonnel, où le lien
intersubjectif est basé sur les besoins de sécurité et de (ré)attachement du patient.
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