Le droit communautaire, cinquante ans après
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Le droit communautaire, cinquante ans après
postface Le droit communautaire, cinquante ans après Jean-Victor Louis L’objet de la présente contribution est de présenter quelques remarques sur l’évolution du droit communautaire depuis ses origines. L’année 2007 a été marquée par de nombreuses manifestations et publications relatives au cinquantenaire de la signature du traité instituant la Communauté économique européenne. La célébration du cinquantenaire semblait faire partie de l’effort de communication auquel a donné lieu l’échec du traité constitutionnel en vue de faire comprendre l’importance de l’acquis de l’intégration et la nécessité d’en sauvegarder l’essentiel pour l’avenir. Au cours des décennies précédentes, ont été proposés souvent avec beaucoup de talent des essais de classification en périodes du développement du processus d’intégration et du droit communautaire (Weiler 1981 et 1991 ; Wiener 2005). Ces classifications ont un intérêt et une utilité, notamment du point de vue pédagogique, mais la délimitation dans le temps des différentes périodes suggérées n’est pas exempte de chevauchements et ces étapes mêmes peuvent faire douter de la relevance actuelle des principes de base de l’acquis communautaire. Pourtant, l’on peut trouver bien après la fin de la période dite « fondatrice » de la jurisprudence de la Cour de Justice des décisions qui seraient dignes d’y figurer et qui complètent heureusement le corps de décisions de cette époque ascendante. En outre, il nous paraît assez arbitraire de distinguer de façon rigoureuse, comme cela a été fait (Wiener 2005), une phase d’intégration (1960-1985), une phase d’européanisation (depuis 1985) et une phase de politisation tardive (depuis 1993), même si le développement de la Politique étrangère et de sécurité commune et le débat constitutionnel peuvent justifier partiellement cette dernière qualification mais la politique commerciale n’est-elle pas elle aussi « politique » ? Il n’est pas douteux que le développement de la Communauté s’est toujours caractérisé par un concours d’éléments supranationaux et intergouvernementaux. Il y 220 postface a toujours eu des tensions entre le recours à des instruments juridiques spécifiquement « communautaires » et à des procédés informels de type intergouvernemental. L’équilibre entre ces deux pôles complémentaires a pu varier mais la spécificité du droit communautaire et de l’ordre juridique bâti par la Cour reste au cœur de la construction entreprise dans les années cinquante. Il va de soi que l’évolution du droit communautaire et de la pratique des institutions a été influencée par le contexte politique et économique. La Communauté a été différente avec et après la présidence de la France par le général de Gaulle et la crise dite de la chaise vide qui s’est terminée par les soi-disant « accords de Luxembourg » (Palayret, Wallace and Winand 2006). L’écroulement du système dit de Bretton Woods en 1971 a certainement eu un effet, certes plus tardivement qu’il n’était espéré par certains, sur la réalisation de l’Union économique et monétaire. La chute du Mur de Berlin en 1989 et le démantèlement de l’Union soviétique ainsi que du système du « socialisme réel » ont rendu possible et sans doute inévitable l’élargissement de l’Union. Les attentats du 11 septembre 2001 et le développement du terrorisme international provoqué par la mouvance d’Al Quaida ont accéléré la mise en œuvre de la coopération dans le domaine de la justice et de la police. Cette liste d’événements est loin d’être exhaustive. Que l’on songe aux défis de la globalisation, de la révolution technologique ou de l’émergence de nouvelles puissances économiques en Asie comme en Amérique latine et des déséquilibres gigantesques qui caractérisent la situation des balances des paiements courants respectives. Last but not least, le réchauffement climatique et le défi de l’approvisionnement énergétique forcent l’Union à s’orienter vers de nouvelles priorités. Cet environnement externe ne peut manquer d’influencer l’évolution du droit communautaire. Mais ce n’est pas à ces éléments du « contexte » que nous consacrerons les pages qui suivent à la suite des dix-sept contributions qui, sous divers angles, analysent la réalité et les perspectives de l’intégration européenne sous des angles d’approche fort différents. Nous nous concentrerons sur l’évocation de quelques éléments qui caractérisent la tension entre éléments de cohésion et facteurs de dilution du droit communautaire. Mais avant d’aborder ces éléments, nous souhaiterions mettre l’accent sur quatre points préalables. Le premier n’est pas seulement historique : il porte sur l’empreinte encore présente aujourd’hui de l’expérience de la CECA ; le second a trait à l’importance du droit dans l’intégration ; le troisième portera sur le droit communautaire comme un phénomène unitaire à l’origine et dans le quatrième, nous aborderons la question délicate et controversée de la divisibilité de la souveraineté. 1. L’apport de la CECA D’abord, l’accent sur un élément d’histoire : le traité CEE a été élaboré, à partir de 1956, en étendant l’expérience du traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) à l’intégration générale de l’économie mais aussi en contraste avec certaines caractéristiques de ce traité, dans un contexte marqué par le double échec de la Communauté européenne de Défense et de la Communauté politique européenne. Le traité CEE est, pour cette raison, apparemment plus pragmatique que le traité CECA. Il évite les déclarations de principe ; il renonce à introduire dans le nouveau traité des éléments importants de supranationalité (le le droit communautaire, cinquante ans après 221 nom même discrètement présent pour caractériser les fonctions de la Haute Autorité de la CECA disparaît), tels que la procédure dite de petite révision (article 95) et le pouvoir d’imposition directe des entreprises des secteurs du charbon et de l’acier par la voie de prélèvements calculés sur la production. Le traité CEE est dominé, davantage que le traité CECA, par le principe d’attribution des compétences. Il organise différemment les pouvoirs respectifs entre les institutions. L’institution politique « supranationale » (la Commission) est pourvue du droit d’initiative au lieu du rôle ambitieux de gestionnaire du marché commun du charbon et de l’acier et de l’important pouvoir de décision qui en découlait. Si le Comité spécial de ministres avait, selon le traité, un pouvoir essentiellement consultatif, en pratique les décisions ont été prises en concertation par les deux institutions politiques. Les projets de la Haute Autorité étaient discutés au sein de la commission de coordination, composée de représentants des Etats membres, qui est à l’origine de la création du Coreper pour la préparation des décisions du Conseil dans le système des traités de Rome. Dans un régime s’étendant à l’ensemble de l’économie et non plus à deux secteurs pour importants qu’ils fussent à l’époque de la création de la CECA, il a paru impossible de conserver les traits plus supranationaux, qui caractérisaient selon la volonté des fondateurs – telle qu’exprimée dans la déclaration Schuman du 9 mai 1950 et consacrée dans le texte du traité – la première Communauté et son mécanisme décisionnel. Le traité CEE a entendu donner le rôle décisif au Conseil composé de représentants des gouvernements, la Commission recevant le pouvoir de proposition, dont l’importance devait découler pour les auteurs du traité CEE, de la responsabilité politique de l’institution, de sa permanence par rapport au Conseil siégeant de façon intermittente, et de sa maîtrise technique des questions relevant de sa compétence. La collaboration spécifique entre les deux institutions sous l’empire du traité CEE devait en quelque sorte codifier et institutionnaliser pour un domaine plus vaste la pratique de dialogue qui s’était instaurée progressivement entre les deux institutions sous l’empire du traité CECA, même si l’on ne peut nier que la marge de manœuvre de la Commission unifiée agissant au titre du traité CECA ait pu être plus grande pour certaines décisions comme dans le règlement de la crise de la sidérurgie, que cela n’aurait été le cas si la matière avait relevé des mécanismes décisionnels du traité CEE. Le traité de Paris – qui a expiré en juillet 2002 – était un traité régulateur. Le traité CEE a été conçu, pour sa part, comme un traité cadre, donnant une ampleur plus considérable au processus législatif que ce n’était le cas selon le traité de Paris . La Cour a qualifié les décisions générales de la Haute Autorité de la CECA, d’« actes quasi-législatifs émanant d’une autorité publique et ayant un effet normatif, erga omnes », voy. son arrêt Fédéchar, cité au texte. Elle utilisera couramment l’expression « pouvoir législatif » pour caractériser le pouvoir normatif de la CE(E). Nous rappellerons les fortes paroles utilisées à propos du règlement par le rapporteur du projet de loi d’approbation des traités de Rome à l’Assemblée nationale française, M. Alain Savary : « Le règlement est (…) le véritable pouvoir européen. Par son truchement, la Communauté acquiert le droit de légiférer directement à l’intention des populations des Etats membres sans passer par l’intermédiaire des législations nationales… », AN, session 1956-1957, annexe n° 5266, 26 juin 1957, p. 1155. L’importance de la directive, qualifié d’acte de législation indirecte était sous-estimée à l’époque. On sait que ce dernier instrument est devenu le favori des Etats membres qui y ont vu un acte moins 222 postface Pierre Pescatore remarque que « le caractère législatif du droit communautaire dérivé est beaucoup plus accentué que son caractère conventionnel » (Pescatore 1972), une façon discrète d’exprimer que le droit communautaire dérivé est plus proche du droit interne que du droit international. Mais notre propos est ici différent : nous entendons souligner l’apport de la Cour de justice de la CECA et de la Cour de justice des Communautés européennes (qui lui a succédé à l’automne 1958), dans l’interprétation du traité CECA, aux fondations de l’intégration européenne. Nous nous limiterons à quelques exemples puisés dans la jurisprudence. C’est la Cour de justice de la CECA qui s’est référée, dans son arrêt Fédéchar c. Haute Autorité du 16 juillet 1956, à une « règle d’interprétation admise tant en droit international qu’en droit national et selon laquelle les normes établies par un traité international ou par une loi impliquent les normes sans lesquelles les premières n’auraient pas de sens ou ne permettraient pas un effet utile » (aff. 8/55, Rec., p. 201, 304-305, nous soulignons). Faut-il rappeler aussi le célèbre arrêt Algera e.a. c. Assemblée commune du 12 juillet 1957 portant sur le régime du retrait des actes administratifs, où après avoir constaté que le traité ne contenait pas de norme en la matière mais qu’il s’agissait d’un problème de droit administratif bien connu dans la jurisprudence et la doctrine de tous les pays de la Communauté, la Cour décide que « sous peine de commettre un déni de justice, [elle] est donc obligée de le résoudre en s’inspirant des règles reconnues par les législations, la doctrine et la jurisprudence des pays membres » (aff. 7/56, Rec., 1957, p. 81). Ainsi les principes généraux du droit, appelés à faire une belle carrière dans la jurisprudence de la Cour, faisaient-ils leur apparition. C’est encore la Cour de la CECA qui, dans les fameux arrêts Meroni c. Haute Autorité, du 13 juin 1958, a dégagé les règles applicables à la délégation de pouvoirs à des organes autres que les institutions de la Communauté (aff. 9 et 10/56, Rec., 1958, p. 11 et 53). Ce sont toujours les principes constitutionnels arrêtés alors par la Cour qui encadrent cette matière au sein de la Communauté. Enfin, c’est dans l’arrêt Humblet c. Haute Autorité, du 16 décembre 1960 que la Cour de justice des Communautés s’est pour la première fois prononcée en faveur de la primauté du droit communautaire, à propos d’un litige concernant l’immunité fiscale des fonctionnaires de la CECA (aff. 6/60, Rec., p. 1125). Nous voudrions aussi souligner que c’est le traité CECA qui a donné ses traits fondamentaux à la Cour de justice, en dessinant un cadre qui ne sera partiellement modifié que lors de la création du Tribunal de première instance par la décision du 24 octobre 1988, et par les réformes apportées par le traité de Nice, entré en vigueur le 1er février 2003 et confirmées depuis lors de la réforme des traités. Parmi les caractéristiques de la juridiction communautaire, telle que mise en place par le traité de Paris, nous pouvons citer la procédure de nomination des juges du commun accord des gouvernements, la durée limitée de leur mandat, le rôle important de l’avocat général, introduit selon le modèle du commissaire du gouvernement auprès du Conseil d’Etat de France, l’absence du droit pour les juges de joindre à l’arrêt l’expression de leur opinion individuelle ou dissidente, une règle motivée par envahissant pour la souveraineté nationale, alors même que la précision de nombre de directives et la reconnaissance de leur effet direct ont réduit la différence entre ces deux actes. le droit communautaire, cinquante ans après 223 la nécessité de conforter l’autorité de la nouvelle institution et que l’on explique aussi par le rôle confié à l’avocat général d’émettre en toute indépendance son avis sur les affaires traitées, les catégories de recours, sans précédent significatif au sein d’autres juridictions « internationales », etc. Ces divers éléments configurent une institution qui a certes des traits communs avec d’autres juridictions internationales mais s’en distingue sur de nombreux points. Les affaires dont elle a à connaître sont souvent plus typiques, elles aussi, de celles qui sont du ressort de juridictions internes plutôt que des tribunaux internationaux classiques. 2. La Communauté de droit Nous voudrions aussi rappeler le rôle essentiel du droit et de l’aspect législatif dans la Communauté. C’est à Walter Hallstein, le premier président de la Commission européenne, que l’on doit le concept de Rechtsgemeinschaft (Mayer 2005 ; von Bogdandy 2006, p. 15-18) une expression qui a été consacrée par la Cour dans son arrêt Les Verts c. Parlement européen (aff. 294/83, Rec., 1986, p. 1339, point 23), du 23 avril 1986 (Mayer 2005). Hallstein a développé cette idée, en particulier, dans un discours au Parlement européen, à l’occasion de la discussion du rapport de Fernand Dehousse sur la primauté du droit communautaire sur le droit des Etats membres, le 17 juin 1965, il a souligné les éléments caractéristiques de ce concept : « la Communauté n’est pas seulement une création du droit. Il n’y a guère d’autre détenteur de la puissance publique qui soit comme elle uniquement tributaire du droit pour remplir ses fonctions. La Communauté n’a pas d’infrastructure administrative, pas de pouvoir direct de coercition, pas d’armée et pas de police. Son unique instrument, sa seule arme, c’est le droit qu’elle fixe » . L’absence du droit au recours à la violence légitime est considérée par des auteurs comme distinguant la Communauté (Union) d’un Etat. Celui-ci conserve le monopole de la contrainte à l’égard des citoyens (Pernice 2005, p. 776-777 et auteurs cités à la note 103). L’ancien président de la Cour de justice, Gil Carlos Rodríguez Iglesias terminait un exposé sur la protection judiciaire du citoyen en droit communautaire en soulignant avec sobriété : « The sole force of the European Community law is the force of law » (2000, p. 213). La réforme en cours du droit de l’Union ne propose pas de changer cette situation. La responsabilité pour le maintien de la loi et de l’ordre restera dans les mains des Etats membres. L’Union n’aura pas de pouvoir de contrainte physique. Europol ne saurait être tenu pour un FBI européen et les « groupes armés » instaurés dans le cadre de la Politique de défense et de sécurité européenne ne sont pas comparables à une armée européenne sous commandement supranational. Cette absence (ou cette limitation) de possibilité de recours à la force, à ne pas confondre avec la qualité de l’Union en tant que « puissance civile » (« civilian power », Telò 2006) est un trait important de l’Union mais il ne convient pas de le surestimer comme sont tentés de le faire les souverainistes, au nom du maintien de la souveraineté intangible des Etats. Cet auteur renvoie aux discours européens de Walter Hallstein publiés par Th. Oppermann, Walter Hallstein. Europäische Reden, Stuttgart 1979 et, en particulier aux discours de 1959 et de 1962. Cité d’après la version française diffusée à l’époque par la Commission. 224 postface Il est certes vrai que d’autres instruments que le droit, sont disponibles aux institutions, comme les interventions financières et que l’intégration est aussi un processus social d’européanisation. Le concept de Communauté (Union) de droit est cependant important parce qu’il est au centre de la construction entreprise depuis la déclaration Schuman de 1950. Le respect de la règle commune est à mettre en relation avec le principe de solidarité (von Bogdandy 2006, p. 32-34) qui est un des principes centraux de l’intégration européenne. 3. Un droit unitaire Le droit communautaire, à ses origines, était conçu comme un phénomène unitaire au service d’une union sans cesse plus étroite, en contraste saisissant avec l’accent mis aujourd’hui sur la diversité. Léontin Constantinesco a systématisé ces traits du droit communautaire (1966, p. 3 et s. et 1965, p. 289-295 et 340-347). Il a utilisé la formule célèbre à l’époque des trois « Gleich ». Le droit communautaire devait être Gleichbindend – c’est-à-dire que la même force obligatoire devait lui être reconnue sur le territoire de la Communauté –, Gleichbedeutend – dans la mesure où il devait recevoir la même interprétation (grâce au monopole d’interprétation exercé par la Cour de justice par la voie du renvoi préjudiciel) – et il devait être Gleichbleibend – aucun Etat membre ne pouvant prétendre en modifier la portée. Il s’agissait de l’expression triple d’une même idée : sauf exception permise par le droit primaire, le droit communautaire était un droit uniformément valide et appliqué comme tel. 4. La divisibilité de la souveraineté Une importante caractéristique de l’expérience communautaire est la divisibilité de la souveraineté. C’est Pierre Pescatore qui a lancé ce thème de façon approfondie dans le débat doctrinal, par sa contribution aux Cahiers de droit européen en 1970 (p. 501-525) et dans le chapitre II, « Réaménagement des souverainetés », de son ouvrage sur le droit de l’intégration. Pour cet auteur, le droit communautaire force à abandonner l’idée d’une souveraineté internationale absolue et intangible, une et indivisible. Il « a transféré aux rapports internationaux, une conception qui est déjà courante, depuis plus de deux siècles, dans le domaine du droit public » (p. 503). La création des Communautés européennes apporte des aménagements nouveaux « qui concernent autant l’agencement des prérogatives détachées de la souveraineté nationale que les rapports de ce nouveau faisceau de pouvoirs avec les souverainetés résiduelles retenues entre les mains des Etats » (p. 507). Il y a une mise en cause de l’indivisibilité de la souveraineté, combinée avec la création d’institutions communes. Pescatore rejette la conception de ceux qui développent une « conception négative » de la souveraineté nationale, dont le critère serait celui de la possibilité de se détacher des règles souscrites, en cas de crise : c’est le droit de prendre une décision dans une situation-limite, en forme d’abstention ou de sécession . Pour d’autres, on le sait, la souveraineté appartient aux Etats membres, en leur qualité de maîtres des traités et, en particulier, de l’étendue des compétences conférées à l’Union. Parfois, les deux Voy. Pescatore 1970, p. 504, les citations de Rolando Quadri, Gerhard Leibholz et Georg Erler. le droit communautaire, cinquante ans après 225 éléments sont réunis, comme dans cette approche, formulée de façon synthétique dans un débat au cours d’un colloque, par Loic Azoulai : « L’Union européenne n’est pas souveraine parce qu’elle n’a pas la maîtrise de ses compétences et, en aval, des moyens pour exécuter ses propres décisions » (Pingel et Rosenberg 2006, p. 63). Le mérite des concepts de souveraineté divisée, de réaménagement des souverainetés ou de fusion de celles-ci, est d’indiquer l’autonomie du système institutionnel de l’Union par rapport à ses créateurs et la coopération nécessaire entre les deux ordres : nationaux et communautaire. Ces concepts permettent d’éviter la justification au nom de la souveraineté de comportements non conformes à la règle commune qui cesse de l’être si celle-ci n’est pas respectée (Louis et Ronse 2005, p. 8 et s.). Tout se passe, dans la vision de la suprématie nationale, comme si l’intérêt de l’Etat membre, dont il serait seul juge, et qui se déguise sous les apparences d’une notion « noble » : la souveraineté, permettait à cet Etat de ne pas respecter la règle qui cependant le lie ou encore de refuser le jeu normal de la règle majoritaire au nom de ce même intérêt. L’introduction dans le traité d’une clause permettant le retrait unilatéral des Etats membres a relancé le débat . Alors que la doctrine, dans sa majorité (Louis 2006, p. 293-314), reconnaissait l’illégitimité du retrait, celui-ci est rendu possible par le droit primaire. Au risque de sembler manier le paradoxe, cette possibilité ne nous paraît pas contraire à l’analyse fondée sur le réaménagement des souverainetés en ce sens que celui-ci se caractérise par la coopération au sein des institutions communes dans la mise en œuvre de compétences relevant originellement de la sphère des compétences nationales. Le fait qu’un Etat membre puisse faire sécession de l’Union ne modifie pas les relations qui existent durant sa participation à celle-ci. Nous allons dans une première partie évoquer le développement de la logique de l’intégration et dans une seconde partie, les mutations du droit de l’Union, analysant ainsi brièvement la tension entre l’élément supranational et l’élément intergouvernemental et les tensions entre l’intégration et la coopération au sein de l’Union. A. Le développement de la logique de l’intégration Nous traiterons d’abord d’un élément de structure de l’ordre juridique communautaire, qui concerne l’émergence du Parlement européen et le développement du vote majoritaire qui tous deux caractérisent aujourd’hui la méthode communautaire ou le « mode communautaire » selon l’expression utilisée à l’article I-1 du traité constitutionnel. L’idée et le terme étaient déjà présents lors des négociations relatives à la CECA. Jean Monnet rapporte les hésitations du représentant belge au cours de ces négociations, qui n’acceptait pas l’expression « fusion de la souveraineté » et lui préférait celle de « délégation » (évidemment partielle). Réponse de Jean Monnet : « Nous n’en sommes plus là… Fusion est bien le mot » (2007, p. 482). Le concept de « fusion » a connu une grande fortune dans la science politique. Le contenu de l’article I-60 du traité constitutionnel a été repris dans le traité de Lisbonne (article 50 TUE). 226 postface Nous rappellerons ensuite tout aussi brièvement la jurisprudence fondatrice qui a façonné l’ordre juridique communautaire et nous évoquerons ensuite l’insertion de ces principes fondateurs dans les jurisprudences nationales et les influences réciproques entre les deux ordres, où l’on voit le rôle du droit comparé dans la jurisprudence de la Cour de justice. 1. Le progrès de la méthode communautaire vers plus de démocratie et d’efficience dans le processus décisionnel Au cours des premières années de la vie communautaire, ce que l’on appelait la méthode communautaire impliquait essentiellement la Commission, comme organe de proposition, et le Conseil, comme organe de décision à l’unanimité. Cela ne veut pas dire que le processus était au plein sens du terme, intergouvernemental, compte tenu du rôle spécifique de la Commission, mais la nécessité, voulue par le traité, de l’unanimité au sein du Conseil, pour amender ses propositions – l’élément qui donnait toute leur force à celles-ci –, était largement vidée de sa portée par le recours, de facto et le plus souvent de jure, à l’unanimité du Conseil pour les adopter. En outre, l’Assemblée qui s’autoproclama « Parlement européen » dès 1962, ne disposait pas d’un rôle autonome qui eût pu faire contrepoids à l’influence des gouvernements, puisque, dans la meilleure des hypothèses, il n’avait qu’un pouvoir consultatif. La situation a changé et la réforme institutionnelle accentue cette évolution en faisant de la codécision entre Parlement et Conseil la procédure législative ordinaire et en augmentant le nombre de domaines où le Conseil pourra prendre les décisions à la majorité qualifiée. L’intervention du Parlement européen est ainsi devenue partie intégrante de la méthode communautaire de décision. Les pouvoirs de cette institution ont d’abord été concédés sur le plan budgétaire, donnant au Parlement un rôle important dans le vote des dépenses. Toutefois, le Parlement européen ne dispose pas de pouvoir réel quant aux recettes. Il n’a pas de pouvoir de décision en ce qui concerne les ressources propres (arrêtées à l’unanimité par le Conseil et approuvées par les Etats membres) et s’il a certes un pouvoir d’approbation en ce qui concerne les perspectives budgétaires pluriannuelles , la préparation de la décision et les débats se déroulent en dehors de lui. Quant à la majorité qualifiée, source de débats épiques au sein du Conseil européen des 21-22 juin 2007, elle fait certes l’objet d’une définition compliquée mais l’unanimité est désormais écartée pour un nombre croissant de décisions prises par le Conseil, une évolution qui s’accomplit depuis l’Acte unique européen de 1986. La possibilité d’un vote majoritaire accentue la pression en faveur d’un consensus, ce que ne permet pas la nécessité de l’unanimité qui donne à chacun des participants un pouvoir de blocage. Par ailleurs, contrairement à certaines prédictions, les Etats mis en minorité n’ont pas systématiquement attaqué l’acte adopté à la majorité devant la Cour de justice. Qui s’appelleront désormais le « cadre financier pluriannuel », selon les termes du traité constitutionnel (article III-402), repris dans le nouveau traité (article 312 TFUE). le droit communautaire, cinquante ans après 227 2. La jurisprudence fondatrice et les piliers de l’ordre juridique communautaire On a pu écrire qu’aucune autre cour n’avait contribué au point où l’a fait la Cour de justice à la transformation de simples règles juridiques en un véritable ordre juridique. Les adjectifs n’ont pas manqué pour saluer le rôle de la Cour dans la constitutionnalisation du droit communautaire et la Cour elle-même a évoqué le caractère de charte constitutionnelle des traités communautaires . Récemment, l’avocat général Poiares Maduro évoquait dans une contribution sur la tension entre intergouvernementalisme et constitutionnalisme les « path-breaking decisions of the Court », par référence aux arrêts Van Gend & Loos et Costa c. ENEL (Poiares Maduro 2005, p. 41-83, 46). Joseph Weiler est l’auteur d’une analyse restée classique de l’évolution du droit communautaire en rapport avec celle des procédures suivies par les institutions politiques de la Communauté. Dans son étude sur « The Transformation of Europe » (1991), cet auteur a distingué une période fondatrice (1958-début des années 1970), une période de « mutation of jurisdiction and competences » (1973mi-décennie 1980), puis « 1992 and beyond ». De la période fondatrice datent pour cet auteur, quatre doctrines du droit communautaire : l’effet direct, la primauté, les pouvoirs implicites et les droits fondamentaux. Ce sont ces quatre doctrines qui caractérisent la constitutionnalisation par la Cour du droit communautaire. Si l’on examine les caractéristiques essentielles de l’ordre juridique communautaire, l’on est amené à mettre en exergue la primauté et l’effet direct, au sens où l’ordre juridique est entendu par Guy Isaac comme « un ensemble organisé et structuré de normes juridiques possédant ses propres sources, doté d’organes et procédures aptes à les émettre, à les interpréter ainsi qu’à faire constater et sanctionner, le cas échéant ses violations » (Isaac et Blanquet 2001, p. 131, cité par Raducu et Levrat 2007, p. 99 et s., p. 140, note 93). Nous voudrions aussi renvoyer à nos développements antérieurs sur la jurisprudence de la Cour de la CECA, en ce qui concerne l’interprétation de ce traité, et remarquer que le concept de pouvoirs implicites doit être manié avec prudence parce que, dans l’arrêt qui a établi la célèbre doctrine AETR (arrêt du 31 mars 1970, aff. 22/70, Commission c. Conseil, Rec., 1971, p. 263), citée comme exemple du recours aux pouvoirs implicites, il s’agissait pour la Cour de conclure à l’existence de compétences externes à partir de compétences internes expressément attribuées en matière de transport, notamment international (Louis 1971, p. 468, 488 ; Lenaerts 1988, p. 466). En outre, distinguer entre une période fondatrice et d’autres qui le seraient moins, est certes parfaitement justifié. L’on a pu aussi observer à cet égard des problèmes de la deuxième voire de la troisième génération mais l’on ne saurait perdre de vue les avancées ultérieures de la jurisprudence de la Cour de justice. En effet, la tendance ascendante typique de la période fondatrice se retrouve aussi dans des décisions largement postérieures à celle-ci. Nous n’en voulons pour preuve que les développements relatifs à l’obligation faite au juge d’interpréter son droit national conformément aux directives n’ayant pas effet direct, en l’absence d’une antinomie véritable entre l’acte communautaire et le droit interne, à partir de l’arrêt Marleasing du 13 novembre 1990 (aff. C-106/89, Rec., p. I-4135). Ce principe dit Voy. l’arrêt du 23 avril 1986, aff. 294/83, Les Verts c. Parlement européen, Rec., p. 1339 et l’avis 1/91 du 14 novembre 1991, Espace économique européen, Rec., p. I-5502. 228 postface de l’interprétation conforme a été plus récemment étendu par la Cour dans l’arrêt Pupino du 16 juin 2005 (aff. C-105/03, non publié) aux décisions-cadre du troisième pilier dont le traité UE énonce expressément à l’article 34, par. 2, lettre b), qu’elles n’emportent pas d’effet direct. Un autre développement jurisprudentiel considérable a été inauguré par l’arrêt Francovich du 19 novembre 1991 (aff. jtes C-6 et 9-90, Rec., p. I-5357), suivi par l’arrêt Brasserie du Pêcheur c. Factortame III, du 5 mars 1996 (aff. jtes C-46 et 48/93, Rec., p. I-1029), en ce qui concerne la responsabilité des Etats membres pour violation du droit communautaire, un principe déjà affirmé par l’arrêt Humblet, précité. Cette responsabilité a été étendue au pouvoir judiciaire par l’arrêt Köbler du 30 septembre 2003 (aff. C-224/01, Rec., p. I-10239), suivi de l’arrêt Traghetti del Mediterraneo SpA (aff. C-173/03, Rec., p. I-5177) du 13 juin 2006. La responsabilité de l’Etat – pour l’ensemble de ses pouvoirs – en cas de violation du droit communautaire s’est ainsi ajoutée aux deux piliers traditionnels de l’ordre juridique communautaire que sont l’effet direct et la primauté. Dans son rapport sur l’application du traité sur l’Union européenne établi en vue de préparer la Conférence intergouvernementale de 1966, la Cour de justice identifie parmi les caractéristiques essentielles de l’ordre juridique communautaire « la possibilité pour les particuliers d’obtenir réparation lorsque leurs droits sont lésés par une violation du droit communautaire imputable à un Etat membre » (Louis et Ronse 2005, p. 246). 3. L’insertion des principes fondateurs de l’ordre juridique communautaire dans les ordres nationaux et les influences réciproques entre les deux ordres L’état des jurisprudences nationales en ce qui concerne les relations entre droit communautaire et droit national a été souvent décrit (2006, p. 1012 et s. ; Louis et Ronse 2005, p. 333 et s.). Pour évaluer son évolution, il y a lieu de se rappeler que, parmi les Etats fondateurs, seuls deux d’entre eux, le Luxembourg et les Pays-Bas reconnaissaient la primauté au droit communautaire, en la fondant essentiellement sur celle reconnue au droit international. Les autres Etats membres, originaires ou premiers adhérents, appliquaient au droit communautaire la règle de la lex posterior, en l’assimilant au droit international. L’évolution s’est matérialisée en deux directions. Ou bien, le droit international a bénéficié de la primauté reconnue au droit communautaire sur la loi nationale. C’est le cas de la Belgique. Cela a été ensuite celui du droit français, avec un décalage dans le temps entre juridictions de l’ordre judiciaire et de l’ordre administratif. Ou bien, de fortes traditions dualistes ont amené les juridictions à dégager des règles spécifiques pour le droit communautaire en raison de sa nature originale. Cela fut le cas de l’Allemagne et de l’Italie. En revanche, la Constitution polonaise, par exemple, reconnaît la primauté au droit international et, dès lors, au droit communautaire. La primauté du droit communautaire sur la loi nationale même postérieure est un acquis généralisé et le fait que le Conseil européen Il y a lieu de remarquer que la jurisprudence Solange I citée par Laurent Scheeck et Luca Barani, dans le présent ouvrage, ne remettait pas en question de façon générale, comme l’a démontré la jurisprudence ultérieure, la primauté du droit communautaire sur le droit allemand. Elle visait le cas exceptionnel où un juge avait des doutes sur la conformité d’un acte de droit dérivé avec les droits fondamentaux consacrés par la Constitution. le droit communautaire, cinquante ans après 229 des 21 et 22 juin derniers ait décidé de ne plus inscrire ladite primauté dans le traité à négocier mais de prévoir seulement une déclaration relative à ce principe ne change rien à la chose 10. Le juge national est incité par la logique de ce principe à prendre ses distances par rapport à une jurisprudence traditionnelle parfois bien ancrée dans le droit national. Un exemple particulièrement remarquable est constitué par l’arrêt Gardedieu du 8 février 2007 11 du Conseil d’Etat de France. Ayant à statuer sur la responsabilité de l’Etat pour violation par une loi d’un texte conventionnel, en l’occurrence, la convention européenne des droits de l’homme, la haute juridiction administrative écarte les exigences découlant de la jurisprudence La Fleurette, adoptée dans un arrêt d’assemblée du 14 janvier 1938 (Rec., p. 25) relatif à la responsabilité sans faute de l’Etat et selon lequel le législateur ne doit pas avoir entendu dans le texte de la loi, ou dans les travaux préparatoires, exclure toute indemnisation, la charge incombant aux intéressés en vertu de la loi devant être particulièrement grave, importante et spéciale (Dieu 2007, p. 257). Il s’agissait dans cette jurisprudence de porter remède à une violation du principe d’égalité des citoyens devant les charges publiques. Désormais ((Dieu 2007, p. 262), le Conseil d’Etat s’inspire, s’agissant de violations d’obligations conventionnelles internationales de l’Etat, de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme qui oblige l’Etat condamné à effacer les conséquences d’une violation de la convention de manière à rétablir autant que faire se peut la situation antérieure à celle-ci et aussi de la jurisprudence de la Cour de justice. Celle-ci avait déclaré dans son arrêt Francovich que « les conditions, de fond et de forme, fixées par les diverses législations nationales en matière de réparation des dommages (…) ne sauraient être aménagées de manière à rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l’obtention de la réparation » (points 42 et 43 et arrêt Brasserie du Pêcheur c. Factortame II, point 67) et l’étendue de la réparation doit être adéquate au préjudice subi. Le régime restrictif de la jurisprudence La Fleurette est écarté en faveur d’un automatisme de la responsabilité de l’Etat et, en particulier, de l’impossibilité pour celui-ci, d’en édicter souverainement les limites. C’est au développement du droit communautaire de la responsabilité de l’Etat, même si le droit communautaire n’était, pas plus que dans l’arrêt Gardedieu, en cause dans cette affaire, que l’on doit aussi l’arrêt Ferrera de la Cour de cassation de Belgique du 28 septembre 2006 12. Etait mise en cause dans cette affaire l’abstention du pouvoir législatif en ce qui concerne l’organisation du pouvoir judiciaire dans l’arrondissement bilingue de Bruxelles-Capitale. Cette situation a été jugée contraire 10 Extrait du Mandat : « L’article sur la primauté du droit de l’Union ne sera pas repris dans le TUE, mais la CIG adoptera la déclaration suivante : « La Conférence rappelle que, selon une jurisprudence constante de la Cour de justice de l’UE, les traités et le droit adopté par l’Union sur la base des traités priment le droit des Etats membres, dans les conditions définies par ladite jurisprudence ». En outre, l’avis du service juridique du Conseil (doc. 580/07) sera annexé à l’acte final de la conférence ». Le traité de Lisbonne, dont l’entrée en vigueur est aujourd’hui suspendue après le résultat négatif du référendum irlandais, a repris ces éléments. 11 CE. Assemblée, n° 279522, AJDA, 2007, p. 279. Voy. Dieu 2007, p. 255-286. 12 JT, 2006, p. 594, conclusions Leclercq. Voy. sur cet arrêt, parmi d’autres, les notes de van Compernolle et Verdussen 2007, p. 433 et Ergec 2007, p. 440. 230 postface à l’article 6.2 de la convention européenne des droits de l’homme en ce qu’elle était la cause du délai anormal mis à juger une affaire de responsabilité médicale. La Cour de cassation a considéré que le principe de séparation des pouvoirs ne s’opposait pas à la mise en œuvre par les juridictions de la responsabilité de l’Etat en raison du dysfonctionnement du pouvoir législatif parce que la mission du pouvoir judiciaire était de protéger les droits civils. Il ne nous appartient pas de nous prononcer ici sur les mérites de cette décision courageuse et sans doute indispensable compte tenu du fonctionnement erratique des institutions belges. Ce qui peut être remarqué sans crainte d’erreur, c’est qu’un tel arrêt, même s’il se situe dans la tradition ouverte de la jurisprudence belge au sujet de la responsabilité de l’Etat, n’aurait sans doute pas été pensable sans le développement signalé de la jurisprudence communautaire et de la Cour des droits de l’homme. La jurisprudence communautaire a entraîné des répercussions dans la jurisprudence nationale et ce que nous avons indiqué sur le plan de la mise en œuvre de la responsabilité de l’Etat pourrait aussi être observé pour ce qui concerne l’invocabilité du droit international conventionnel, par exemple, ou des questions plus techniques, comme le droit des privilèges et immunités diplomatiques 13. En général, le droit communautaire est à l’origine d’un usage plus effectif du droit dans les relations entre citoyens et puissance publique. Mais l’influence n’est pas à sens unique. Il est devenu presque banal de souligner que le concept de proportionnalité a été emprunté à la jurisprudence allemande (Jacobs 1998 ; Papier 2007). Cet exemple n’est pas isolé. On cite généralement l’influence du droit anglais (Papier 2007), mais elle n’est pas unique, sur l’application du principe « audi alteram partem » ; d’après l’avocat général Jacobs, les droits allemand et français seraient à l’origine du principe du respect des espérances légitimes. Nous avons déjà mentionné aussi l’apport du droit français de la procédure qui remonte aux origines de la CECA 14, mais, nous l’avons dit, une fois incorporé, les principes vivent de leur vie propre en s’adaptant aux spécificités de l’ordre juridique communautaire et à son caractère transnational. La Cour est d’ailleurs invitée spécifiquement par le traité, pour la matière du droit de la responsabilité, à s’inspirer des principes généraux du droit communs aux droits des Etats membres et, on le sait, compte tenu du caractère nécessairement lacunaire du droit communautaire, la Cour s’est référée à ces principes dans d’autres domaines que la responsabilité. Elle ne recherche pas le plus grand commun dénominateur entre les différents droits nationaux mais la solution la plus adaptée à son rôle spécifique. Le président de la Cour constitutionnelle allemande décrit le droit interne comme l’humus dont l’ordre juridique communautaire se nourrit. Le droit comparé est, à ses 13 Nous signalerons à cet égard l’effet de la jurisprudence Humblet sur les immunités fiscales des fonctionnaires d’autres organisations internationales, ce qui a d’ailleurs entraîné une réaction des autorités politiques. La question posée était terre à terre : il s’agissait de la possibilité, revendiquée par le fisc belge, de prendre en compte pour déterminer le niveau de taxation du ménage (dans un régime de cumul des revenus des époux) d’un fonctionnaire européen (ou international), du montant du traitement (immunisé) du mari. La Cour de justice s’était prononcée avec vigueur contre la prétention du fisc belge. 14 Voy. la référence à l’arrêt Algera c. Assemblée commune, où la Cour a énoncé les règles applicables au retrait des actes administratifs. le droit communautaire, cinquante ans après 231 yeux, « une méthode de réception » dont la Cour use selon une technique relevant du « cherry-picking » (Papier 2007). Et une fois adopté par la Cour, le principe, tel qu’il est adapté par celle-ci, influence le droit interne d’autres Etats que celui dont il était originaire. Il y a là une fertilisation croisée qui permet d’affiner le rôle de la règle de droit dans les contentieux tant européens que nationaux. Il s’agit d’une contribution significative à l’intégration. Se référant dans le présent ouvrage au processus d’intégration par le droit fondé sur la primauté et l’harmonisation, deux auteurs croient pouvoir écrire qu’« il sera sans doute progressivement remplacé par une dynamique d’« intégration par des normes fondamentales » qui, tout en remplissant une fonction « fédéralisante » chère aux juges européens, reste néanmoins plus soucieuse du pluralisme européen » (Scheeck et Barani 2008). Pour sa part, la thèse d’Elsa Bernard a montré par ailleurs comment le recours aux standards juridiques – c’est-à-dire, selon la définition de cet auteur, à des notions juridiques intentionnellement indéterminées permettant une mesure des comportements et des situations en termes de normalité et nécessitant, pour leur application, des références exogènes au droit – contribuent à la formation d’un jus comune européen que l’on peut rapprocher de celui de l’ancien droit, s’agissant, par exemple, de concepts tels ceux de « délai raisonnable », d’« abus de droit », de « confiance légitime » ou d’« ordre public ». La spécificité communautaire et le contenu respectivement communautaire et national de ces principes varient selon le « standard » en cause, entraînant une plus ou moins grande « délégation » au droit national dans la spécification du standard et un conflit potentiel avec le principe d’efficacité qui exigerait une communautarisation dudit standard (Bernard 2006). Mais ces évolutions, qui traduisent assurément des relations de feedback entre ordres juridiques nationaux et ordre juridique de l’Union, ne doivent pas conduire à reléguer au rang des accessoires le principe de primauté (voy. infra). Dans le domaine des droits fondamentaux, par exemple, les principes de droit de l’Union se nourrissent des principes tirés des droits constitutionnels nationaux, qui, une fois intégrés, deviennent des principes communs ayant la primauté. On ne saurait tirer une autre conclusion de l’article 51 de la charte des droits fondamentaux sur le niveau de protection, selon lequel « aucune disposition de la présente charte ne doit être interprétée comme limitant ou portant atteinte aux droits de l’homme et libertés fondamentales reconnus, dans leur champ d’application respectif, par le droit de l’Union, le droit international et les conventions…, ainsi que par les constitutions des Etats membres » (nous soulignons). Cette disposition ne pourrait conduire à la nécessité pour le droit de l’Union de consacrer un niveau de protection jugé inférieur au regard des impératifs du droit de l’intégration. B. Les mutations du droit communautaire et les obstacles à son développement Dans cette partie, nous souhaitons passer en revue trois développements qui sont certes hétérogènes mais qui tous trois contribuent à donner ses traits contemporains au droit de l’Union. Il s’agit de ce que l’on désigne sous le vocable de nouvelle gouvernance, de la fragmentation du droit communautaire et de l’exaltation de la souveraineté nationale, tout particulièrement par les hautes juridictions, gardiennes de la Constitution nationale. 232 postface 1. La « nouvelle gouvernance » et la tendance croissante vers l’intergouvernemental L’ordre juridique communautaire ne pouvait échapper aux tendances profondes de l’évolution du droit et de la société. Parmi celles-ci, l’on note une modification du mode d’exercice de l’autorité publique, que l’on caractérise par l’expression ambiguë, si on s’abstient de la définir (Paye 2005), de « nouvelle gouvernance ». Olivier Paye a montré que tantôt l’expression « gouvernance » ou « mode de gouvernance » est entendue soit comme se référant à tout processus de gouvernement, soit comme visant le mode souvent qualifié de « postmoderne » de gouvernement, c’est-à-dire « des manières « non institutionnelles » selon lesquelles se dérouleraient des processus de gouvernement, appréhendés de façon générale ou dans tel contexte social, territorial, institutionnel ou sectoriel particulier ». Entendue de nos jours dans ce dernier sens, « la gouvernance privilégie les mécanismes de gouvernement qui n’ont pas besoin pour fonctionner de l’autorité ou des sanctions » (Stephanou 2006). Le concept de nouvelle gouvernance a eu une popularité certaine au sein de la Commission, au point que d’aucuns ont paru y voir une façon de remédier au déficit démocratique imputé à la Communauté, voire même, du temps de la Commission Prodi, bien que cela n’ait pas été officiellement affirmé, une sorte d’alternative à une réforme institutionnelle significative que l’on savait illusoire. L’engouement scientifico-médiatique pour le concept a culminé avec l’adoption du Livre blanc de la gouvernance publié en 2001 par la Commission mais surtout avec l’adoption de la stratégie de Lisbonne par le Conseil européen des 23 et 24 mars 2000 et la définition d’une nouvelle « Méthode ouverte de coordination (MOC) ». Une voie plus efficace que les procédures habituelles était trouvée pour donner à l’Union une économie basée sur la connaissance la plus compétitive dans le monde pour 2010. Prenant acte de l’impossibilité de transférer à l’Union les nouvelles compétences nécessaires pour y parvenir dans le domaine de la recherche et du développement ou de l’emploi et des affaires sociales ainsi que des blocages dus à l’unanimité dans la mise en œuvre de compétences existantes, la méthode ouverte de coordination paraissait la planche de salut. Il s’agissait de la systématisation de formules insérées dans le traité en matière d’emploi, par exemple et par les différentes stratégies arrêtées en la matière par le Conseil européen, en particulier à Essen (1994) et à Luxembourg (1997). Les conclusions du Conseil européen de Lisbonne définissent la MOC et ses différents stades au point 37. Il s’agit d’une technique qui repose sur l’établissement d’orientations (en principe par le Conseil ou le Conseil européen, suite à une communication de la Commission), sur un « apprentissage mutuel » par un échange d’expériences en vue de définir les meilleures pratiques (« benchmarking »), et sur l’élaboration sur cette base de plans nationaux de mise en œuvre, les résultats faisant l’objet d’une évaluation périodique par la Commission ou le Conseil. Le processus est fondé sur une approche décentralisée qui comporte l’intervention de tous les intéressés (« stocktakers ») qu’il s’agisse des autorités nationales, régionales et locales ou de diverses composantes de la vie économique et sociale (la « société civile ») 15. 15 La MOC a fait l’objet d’une littérature considérable. Parmi ses plus chaleureux partisans, nous citerons Mario Telò qui y a consacré de nombreux écrits, voy. en particulier le droit communautaire, cinquante ans après 233 Mais la MOC n’est qu’un des nouveaux modes de gouvernance. On constate dans l’Union, comme dans les Etats, des développements qui ont conduit certains auteurs à rejeter le principe de verticalité dans la structure de l’ordre juridique (Ost et Van de Kerchove 2002, cité par Raducu et Levrat 2007, p. 140) en invoquant des « hiérarchies enchevêtrées ». Sans entrer plus avant dans un discours de philosophie du droit, nous devons constater les progrès de constructions en réseau, comme, par exemple, le European Competition Network, qui groupe les autorités nationales, dans le cadre de la décentralisation de la politique de concurrence, depuis la mise en œuvre du règlement 1/2003 et les nombreux domaines où les autorités nationales sont mises en réseau, qu’il s’agisse, par exemple, de la sécurité de la chaîne alimentaire ou du secteur de l’énergie. Dans le cadre du programme « Mieux légiférer » (« Better regulation ») (Louis 2005, 2005, p. 591-601), un objectif parfaitement respectable et utile en soi, l’autoet la co-régulation font désormais partie de la panoplie des instruments à mettre en œuvre pour réaliser les objectifs communautaires. Dans l’accord interinstitutionnel du 16 décembre 2003, intitulé précisément « Mieux légiférer », il est question d’une meilleure coordination du processus législatif, d’une plus grande transparence et accessibilité, du choix de l’instrument législatif et de la base juridique, mais aussi des conditions et limites de l’utilisation des modes de régulation alternatifs que sont l’auto- et la co-régulation. L’accent est mis sur la nécessité d’études d’impact et de larges consultations. Un important passage de l’accord interinstitutionnel est consacré à la simplification et à la réduction du volume de la législation (paragraphe 35). Le souci tel qu’on peut le trouver formulé dans des documents ultérieurs est de réduire le poids de la législation communautaire comme de la législation nationale pour les entreprises et pour les citoyens. La simplification est un instrument à l’appui de la stratégie de Lisbonne. La Commission est invitée à retirer des propositions et à s’interroger sur la nécessité de maintenir des actes existants. L’approche « Thinking small first » est devenue un principe d’action de la Commission. Le Conseil européen des 8 et 9 mars 2007 est convenu de réduire les charges administratives découlant de la législation de l’UE de 25% d’ici 2012 16. Et les Etats membres sont invités à agir dans le même sens. Dans des cas de plus en plus nombreux, la Commission se limite à encourager les codes de conduite adoptés par la profession concernée plutôt que de promouvoir une législation commune. Le droit « mou » (« soft ») est préféré au droit « fort » (« hard »), au nom du respect du principe de subsidiarité qui est expressément mentionné dans ce contexte. Le principe de proportionnalité est parallèlement Telò 2003, p. 479 et s. Un point de vue critique a été récemment exprimé par Hatzopoulos 2007, p. 259-292. Ce dernier article comporte une impressionnante bibliographie. On sait que le traité constitutionnel ne comportait pas de disposition générale relative à la MOC mais que celle-ci avait été introduite dans de nouveaux domaines, tels que la recherche et le développement, la santé publique et l’industrie. On retrouve ces dispositions dans le traité de Lisbonne. 16 Conclusions, point 24. Les Etats membres se sont vu aussi demander un effort analogue. 234 postface invoqué pour préférer systématiquement la directive 17 au règlement directement applicable, la recommandation à tout acte obligatoire. Bien entendu, la simplification de la législation n’est pas nécessairement neutre du point de vue politique et l’on peut imaginer que les points de vue varient quant à l’ « utilité » de tel ou tel texte. Ne court-on pas le risque dans une Union élargie de se trouver, par crainte d’une trop grande uniformité, devant une explosion de diversité ? La question est posée. Il ne faut pas la confondre avec les possibilités offertes par les traités de progresser à un certain nombre lorsqu’il est impossible de le faire avec l’ensemble des Etats membres. « From uniformity to flexibility », tel est le sous-titre d’un ouvrage consacré au changement constitutionnel de l’Union (De Búrca and Scott 2000). Un autre auteur considère que les possibilités de différenciation que comportent les traités et qui découlent et illustrent le passage de la logique d’intégration fonctionnelle du marché unique vers l’Union politique sont conciliables avec la vision constitutionnelle du droit européen (Thym 2004). C’est surtout, à nos yeux, un moyen d’autodéfense contre ceux, parmi les Etats membres, qui refusent de progresser vers davantage d’intégration. La diversité qui résulte de la nouvelle gouvernance dans l’Union risque aussi d’être amplifiée par l’institution des parlements nationaux comme gardiens de la subsidiarité. Le traité constitutionnel avait introduit un mécanisme d’alerte précoce permettant aux parlements nationaux d’exprimer un avis motivé sur le respect du principe de subsidiarité par des projets et propositions d’actes législatifs de l’Union. Dans le cas où les avis motivés représentent au moins un tiers (un quart dans certains cas) des voix attribuées aux parlements nationaux, le projet doit être réexaminé. Ce mécanisme a été qualifié de système de carton jaune, selon le vocabulaire footballistique, parce qu’il préserve en particulier le pouvoir d’initiative de la Commission. Ce mécanisme a le grand mérite de se substituer à d’autres propositions qui suggéraient la création d’un organe spécifique ou qui plaidaient en faveur d’un contrôle judiciaire préventif. Pour beaucoup, l’intervention des parlements nationaux représente un progrès important dans le sens de l’amélioration de la deliberative democracy. Le contrôle sur l’activité des gouvernements au sein du Conseil sera nécessairement accru. Si nous le mentionnons dans le contexte de la nouvelle gouvernance, c’est en raison du fait que l’on peut s’interroger sur la façon dont les parlements vont concevoir leur rôle. Vat-il s’agir d’une collaboration positive au processus législatif ou bien les parlements nationaux seront-ils inspirés par un esprit de veto et la décentralisation du pouvoir à leur bénéfice sera-il un facteur supplémentaire de dilution du droit de l’Union ? Il y a lieu de noter que le délai de six semaines dont disposaient les parlements nationaux pour émettre leur avis a été porté à huit semaines, à la demande des Pays-Bas, dans le protocole sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité annexé au TUE, tel que modifié par le traité de Lisbonne et que, si une majorité simple des avis motivés des parlements nationaux sont contraires à la proposition parce qu’elle Et cela malgré les retards mis par les Etats membres dans la transposition des directives, ainsi que des transpositions incorrectes. Les mêmes Etats qui sont hostiles aux contraintes trop fortes exercées par la directive n’hésitent pas à rendre plus lourd encore le dispositif communautaire par des règles nationales supplémentaires, une pratique désignée du mot anglais « goldplating ». 17 le droit communautaire, cinquante ans après 235 violerait le principe de subsidiarité, et que la Commission maintienne la proposition, en motivant ce choix, tant le Parlement européen que le Conseil pourraient, avant la fin de la première lecture, écarter la proposition pour non-respect du principe de subsidiarité selon les majorités indiquées dans le mandat 18. Un élément certainement plus remarquable et bien présent dans l’activité de l’Union consiste dans l’importance croissante d’un intergouvernementalisme informel 19, qui se caractérise par un travail en réseau entre non seulement les administrations mais aussi les gouvernements 20, une tendance qui trouve son accomplissement au sein du Conseil européen. Cette entité en voie de constitutionnalisation est manifestement un organe régulateur inefficient dans ses modes de décision et inefficace dans la mise en œuvre des orientations qu’il prend. C’est essentiellement lorsqu’il abrite une conférence intergouvernementale de révision des traités qu’il joue un rôle essentiel et lors de débats majeurs, comme celui portant sur les perspectives financières mais la surcharge de son ordre du jour, l’impréparation de nombre de ses membres et son absence de pouvoir juridique sont les causes de sa faiblesses, malgré les tentatives faites pour élaguer l’ordre du jour et assurer un certain suivi à ses « décisions ». La réforme des traités va faire de ce Conseil une institution et la dotera d’un président en charge pour un terme de deux ans et demi renouvelable. On peut espérer que ces modifications auront un effet bénéfique. 2. La fragmentation du droit communautaire. Deux phénomènes fort divers sont typiques de la fragmentation du droit communautaire : le premier concerne la « pilarisation » du droit de l’Union et le second, les « opt out » et les coopérations hors traité. C’est lors de la négociation du traité de Maastricht qui introduisit dans la coopération et l’intégration européenne des éléments qui touchaient directement le cœur de la souveraineté nationale : la monnaie, la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) ainsi que la justice et les affaires intérieures (JAI), qu’a surgi l’idée de la division des domaines de compétences de l’Union en « piliers ». Il y aurait le noyau essentiel qu’il fallait préserver de la contagion des autres secteurs, c’est-à-dire le contenu enrichi du traité CEE, devenu traité de la Communauté européenne, un pilier « PESC » (le deuxième pilier) et un pilier « JAI » (le troisième pilier), auxquels seraient refusés les traits propres de l’ordre juridique communautaire : la Commission n’y jouerait pas son rôle classique d’initiative, le Parlement n’aurait que le droit d’être informé et parfois consulté, la Cour se verrait quasiment écartée, le Conseil déciderait des positions et des actions communes en principe à l’unanimité et le Conseil européen 18 Ainsi, la question du respect du principe de subsidiarité ne sera plus dans ce cas examinée par le Conseil avec l’ensemble des aspects du projet mais fera l’objet d’un examen préalable. 19 Nergelius 2001-2002, p. 468. L’on notera que l’article 73 du TFUE prévoit qu’« il est loisible aux Etats membres d’organiser entre eux et sous leur responsabilité des formes de coopération et de coordination qu’ils jugent appropriées entre les services compétents de leurs administrations chargées d’assurer la sécurité nationale ». 20 Particulièrement dans le cadre des piliers intergouvernementaux (Wouters 2001, p. 343, cité par Nergelius, 2001-2002, p. 443-470, p. 468, qui évoque le « networking between governments »). 236 postface aurait un droit d’orientation qui, dans la PESC, s’exprimerait sous la forme de stratégies communes. Pour certains cercles officiels français, l’UEM aurait dû constituer un pilier monétaire mais elle fut intégrée au traité CE avec quelques spécificités. Il fut prévu dès la négociation de Maastricht de rapprocher progressivement les piliers intergouvernementaux du mode communautaire et c’est ce qui fut fait partiellement par le traité d’Amsterdam, d’abord et par celui de Nice ensuite, pour les domaines couverts par le troisième pilier. Il faudra attendre le traité constitutionnel pour la suppression des piliers, ce qui fut particulièrement évident pour l’Espace de liberté, sécurité et justice (le nom donné à la JAI élargie depuis Amsterdam) et reste peu clair pour la PESC et la politique de sécurité et de défense commune (PSDC), dont des déclarations jointes à l’acte final de la Conférence intergouvernementale ayant adopté le traité de Lisbonne soulignent la spécificité en insistant sur les responsabilités restées nationales, dans des termes parfois incohérents compte tenu de la nature même des engagements pris par le traité. Le second facteur de fragmentation consiste dans la multiplication des opt outs et de coopérations formelles ou informelles hors traité. L’exemple du régime spécial consenti au Royaume-Uni et au Danemark par le traité de Maastricht en ce qui concerne la participation à l’UEM est bien connu. De même que l’histoire des accords de Schengen. Ce dernier exemple est généralement cité comme une réussite puisque le contenu des accords de Schengen sur la libre circulation des personnes a été repris soit dans le droit communautaire, soit dans le droit de l’Union. On ne peut négliger toutefois que ce système a fonctionné pendant des années sans contrôle parlementaire et juridictionnel. Il a fallu l’insertion dans l’ordre juridique communautaire pour permettre le fonctionnement du Système d’information Schengen (SIS) qui supposait l’adoption de règles communautaires en ce qui concerne la protection des données. Parmi les coopérations informelles hors traité, nous pouvons citer les réunions des ministres de l’Intérieur des six grands Etats membres de l’Union qui organisent leur coopération en matière d’immigration ou le Triangle dit de Weimar, qui regroupe la France, l’Allemagne et la Pologne, dans des réunions à divers niveaux des gouvernements, etc. La plus récente coopération hors traité a été réalisée entre sept (alors que huit suffisaient pour une coopération renforcée au sein de l’ordre juridique de l’Union) Etats membres par le traité de Prüm de 2005 en ce qui concerne la coopération judiciaire et policière dans des domaines visés par le programme défini à La Haye pour la mise en œuvre de l’Espace de liberté, de sécurité, et de justice (Balzacq et al. 2006, p. 1). Les dispositions dudit traité relatives au renforcement de la coopération transfrontière, notamment en matière de lutte contre le terrorisme et la criminalité transfrontière, ayant trait à la coopération policière et à l’échange d’informations sur les profils ADN, les empreintes digitales et les plaques d’immatriculation des véhicules seront intégrées, plus rapidement que prévu par les auteurs de cette initiative, dans une décision de l’Union, selon un accord intervenu au sein du Conseil JAI, le 12 juin 2007. Conformément au mandat donné à la CIG 2007 par le Conseil européen des 21 et 22 juin 2007, le traité de Lisbonne étend les dérogations en faveur du Royaume-Uni dans le domaine de l’Espace de liberté, de sécurité et de justice et pour ce qui concerne la charte des droits fondamentaux, mais les Etats de l’Union qui souhaitent progresser, le droit communautaire, cinquante ans après 237 ne se verront pas empêchés de le faire. L’espace juridique sera simplement (encore) plus divisé par la force des choses. 3. L’exaltation de la souveraineté nationale Il existe depuis des décennies un conflit latent entre les juridictions constitutionnelles et la Cour de justice. Cette tension réside dans le refus de la part de ces juridictions de reconnaître au moins sur le plan théorique la primauté absolue que la Cour de justice reconnaît au droit communautaire (Rodríguez Iglesias 2003, p. 389, 394). Si Michel Virally a jadis (1964, p. 488-505, 497) écrit en substance que la primauté était indispensable au droit international parce que « Nier sa supériorité revient à nier son existence », on pourrait, paraphrasant cet illustre auteur, observer que tout se passe comme si reconnaître la primauté absolue que revendique le droit communautaire sur toutes les sources de droit national était, pour ces hautes juridictions, cesser d’être. Or, s’il est incontestable que l’adhésion à l’Union européenne doit se faire en conformité avec la Constitution, une fois membre de l’Union, l’Etat ne peut se prévaloir de sa Constitution pour se dérober aux engagements souscrits. L’on objecte à ce raisonnement que, comme nous l’avons souligné, l’ordre communautaire est un ordre législatif et que le satisfecit donné initialement ne peut couvrir les interprétations données au cours des années à un droit qui se caractérise par son dynamisme. Ainsi un Etat ne pourrait abandonner le droit de contrôler la régularité des actes communautaires au travers du traité établissant l’Union. Ce genre de raisonnement fait peu de cas de la confiance nécessaire dans la juridiction commune et dans le respect que celle-ci assure des principes généraux communs aux droits constitutionnels des Etats membres, sans se limiter au dénominateur commun à tous les Etats mais en conciliant les principes des traités (les grandes libertés que celui-ci consacre) et les droits fondamentaux. Ceci dit, l’on assiste plutôt à ce que nous dénommerions une rébellion tranquille avec des hauts et des bas de la part des juridictions constitutionnelles ; cette rébellion a sans doute amené la Cour à une sensibilité accrue en ce qui concerne les droits fondamentaux et accéléré certains développements politiques, au cours de l’histoire des Communautés 21, en ce qui concerne l’affirmation de ces droits. L’approche de la Cour constitutionnelle fédérale dans sa décision dite « Maastricht » du 12 octobre 1993 22 se fonde sur le principe de la primauté de la démocratie telle que consacrée par l’article 38 de la Grundgesetz et incarnée par les pouvoirs substantiels que doit conserver le Bundestag, en vue de préserver une démocratie vivante dans ce pays. Il est dès lors essentiel dans cette optique que les pouvoirs exercés par l’Union respectent le principe d’attribution des compétences et si une interprétation contraire à ce principe venait à être donnée, les actes ainsi pris ne seraient pas obligatoires sur le territoire allemand. Mais la décision ne s’oppose pas aux transferts de pouvoirs notamment en ce qui concerne l’UEM. Elle se prononce, en revanche, pour un renforcement de la démocratie sur le plan européen. Ce qui a permis à la Cour constitutionnelle fédérale de renoncer par sa décision du 22 octobre 1986 (Solange II), BVerfGE 73, p. 339, au droit qu’elle s’était reconnu par sa célèbre décision du 29 mai 1974 (Solange I), EuGRZ, 1974, 1, p. 5, de contrôler la compatibilité des règlements communautaires avec la loi fondamentale. 22 EuGRZ, 1993, p. 429. Sur cette décision, voy. Baquero Cruz 2007. 21 238 postface La jurisprudence de la Cour constitutionnelle allemande a influencé nombre de juridictions suprêmes d’Etats qui ont adhéré à la Communauté, comme le Danemark, la Hongrie et la Pologne, sans doute pas nécessairement en ce qui concerne le respect de la démocratie mais plus généralement pour ce qui est de la primauté de la Constitution. En Pologne, la Constitution prévoit en son article 8 qu’elle est le droit suprême de la République. Si un conflit surgit, c’est au législateur et non au juge constitutionnel de prendre les mesures qui pourraient s’imposer (Skrzypek 2007, p. 179-212, 203). La Cour constitutionnelle espagnole a été amenée dans sa déclaration sur la constitutionnalité du traité constitutionnel du 13 décembre 2004 (del Valle Gálvez 2005, p. 705-723) à distinguer la primauté du droit de l’Union et la suprématie qui doit rester à la Constitution. La suprématie est basée sur « le caractère hiérarchiquement supérieur d’une norme, et, pour cette raison, elle est source de validité des normes inférieures, avec la conséquence donc de l’invalidité de celles-ci si elles contreviennent à ce qui est disposé impérativement dans celle-là ». La primauté n’est pas fondée sur la hiérarchie mais sur la distinction entre les domaines d’application des différentes normes. La Constitution a accepté elle-même la primauté par l’article 93 concernant l’attribution des compétences. Le droit de retrait de l’article I-60 du TC est l’expression de la suprématie de la souveraineté nationale et le contrepoids à la primauté reconnue au droit communautaire par l’article I-6 du même traité. L’ordre juridique accepté par l’Espagne doit être compatible avec les principes et valeurs de base de la Constitution espagnole, notamment ceux de l’Etat social et démocratique de droit établis par la Constitution 23. Jusqu’à présent, les affirmations théoriques de suprématie de la Constitution et la volonté de contrôle du droit communautaire à l’aune des principes de la Constitution n’ont pas causé de problèmes irrémédiables. Les principales difficultés ont été rencontrées récemment à propos de la mise en œuvre de la décision-cadre relative au mandat d’arrêt européen, qui a donné lieu à plusieurs décisions de cours constitutionnelles (Manacorda 2007, p. 149-177). Le pragmatisme régnant au sujet des rapports entre constitutions et droit communautaire pourra-t-il persister en présence de la multiplication d’Etats membres ayant des exigences constitutionnelles spécifiques et dont beaucoup conservent le souvenir récent de l’expérience de la « limitation de souveraineté » au temps du système soviétique ? Sans doute ne faut-il pas dramatiser la situation et peut-on imaginer qu’avec le temps, un certain pragmatisme finira par prévaloir aussi dans les nouveaux Etats membres, un pragmatisme commandé par la nature hybride de l’Union qui n’est ni une fédération, ni une organisation internationale ordinaire. 5. Conclusion Le droit communautaire représente la forme la plus accomplie de développement du droit international. Il a démontré sa supériorité sur les modes d’action intergouvernementaux. Il a promu plus que dans tout autre organisation internationale 23 del Valle Gálvez 2005, p. 713. Sur ces points, et mutatis mutandis, la jurisprudence espagnole s’apparente à celle de la Cour constitutionnelle italienne, voy. le célèbre arrêt Granital du 8 juin 1984, Foro it., 1984, I, 2063. le droit communautaire, cinquante ans après 239 la règle de droit et il a eu un effet contagieux sur le développement de celle-ci dans les ordres juridiques nationaux, particulièrement en ce qui concerne les relations entre les citoyens et les pouvoirs publics. L’observation de cet acquis conduit à conclure qu’il est particulièrement irresponsable de prétendre affaiblir l’ordre juridique communautaire et qu’en particulier, la disparition symbolique dans le traité de Lisbonne de l’article relatif à la primauté du droit communautaire est regrettable même si une déclaration annexée au traité en reprend le contenu. Il est, en revanche, heureux qu’en raison de l’abandon de la perspective constitutionnelle formelle, tout en préservant l’acquis constitutionnel matériel, l’Union soit à nouveau qualifiée dans le droit primaire de « toujours plus étroite » (« ever closer union ») 24. Cette mention compense la trop discrète présence du concept d’ « intégration » que, depuis le traité de Nice, on trouve mentionné dans le titre VII du TUE relatif à la coopération renforcée (article 43, par. 1, lettre a). Plus significative est sans doute l’hésitation à conférer des pouvoirs substantiels à l’Union pour faire face aux défis du réchauffement climatique et de l’approvisionnement énergétique, qui figurent dans le nouveau traité. On peut voir dans cette attitude comme dans le refus affiché de la possibilité de recourir à l’harmonisation dans de nombreux domaines, une frilosité par rapport à l’action pourtant nécessaire des institutions, comme si celles-ci étaient en quelque sorte extérieures aux Etats et imprévisibles. S’il y a eu parfois « trop d’Europe » dans certains domaines, il y a toujours des secteurs où l’on souhaiterait « plus d’Europe ». Toutefois, il y a aussi des motifs de satisfaction dans la mesure où le traité de Lisbonne reprend la plupart des points positifs du traité constitutionnel. C’est en particulier, le cas pour la « communautarisation » de l’Espace de liberté, de sécurité et de justice. Il s’agit là d’une grande victoire du droit de l’intégration et les facilités ouvertes pour réaliser des coopérations renforcées dans ce domaine si l’un ou l’autre Etat membre refuse l’adoption d’une décision sont une garantie contre la paralysie. On pourra dire du traité de Lisbonne ce que des auteurs ont pu constater à propos du travail de la Convention sur l’avenir de l’Europe : « the Convention’s task seemed to be closer to the exercise of bringing the legal order to completion rather than proposing a brand-new legal order » (Rodríguez Iglesias, Baquero Cruz 2003, p. 79). Le traité constitutionnel était un exemple de changement dans la continuité. Il confirmait expressément l’autorité de la jurisprudence de la Cour de justice. Une telle confirmation n’était pas nécessaire dans le traité de Lisbonne puisque les traités actuels ne sont pas abrogés par une « simple » révision de ces mêmes traités. Il faut aussi se réjouir de ce que la Cour de justice qui a connu en 2003, un important renouvellement de ses membres et a vu entrer dans ses rangs, une douzaine de juges de la nationalité des Etat membres ayant accédé à l’Union au 1er mai 2004 et au 1er janvier 2007, ait maintenu le cap, démontrant une grande continuité dans sa jurisprudence. 24 Le traité constitutionnel avait supprimé cette référence dans le corps même du traité. Le traité de Lisbonne, qui se borne à modifier le TUE et le TCE n’a simplement pas amendé l’article 1 du TUE sur ce point. 240 postface Espérons que le droit communautaire, grâce à l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne – qui est, au moment d’écrire ces lignes, retardée par le référendum négatif de l’Irlande – et des progrès ultérieurs indispensables de la Constitution de l’Union, se développera et continuera à influencer le droit interne des Etats membres, dans un intéressant jeu à double direction. 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