Le Tribunal de Commerce d`Abidjan, en son audience publique
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Le Tribunal de Commerce d`Abidjan, en son audience publique
KF/AE REPUBLIQUE DE CÔTE D’IVOIRE ------------------COUR D’APPEL D’ABIDJAN --------------TRIBUNAL DE COMMERCE D’ABIDJAN --------------RG N° 211/13 ------------JUGEMENT CONTRADICTOIRE Du 11/04/2013 ----------------Affaire : La Fédération Ivoirienne de Football dite FIF (SCPA DADIE - SANGARET et Associés) Contre La Société ORANGE Côte d’Ivoire (Cabinets BOURGOIN - KOUAME KETE - KASSI et ACR) ----------------DECISION : ------Contradictoire ----- AUDIENCE PUBLIQUE ORDINAIRE DU 11 AVRIL 2013 Le Tribunal de Commerce d’Abidjan, en son audience publique ordinaire du 11 avril 2013 tenue au siège dudit Tribunal, à laquelle siégeaient : Docteur François KOMOIN, Président du Tribunal ; Messieurs DJEDJET-GOLLY Séraphin Bogard, ALLAH-KOUAME Jean-Marie, FOLOU Ignace et Paul NIAMEY, Assesseurs, Avec l’assistance Gertrude, Greffier, de Maître KOUTOU Aya A rendu le jugement dont la teneur suit dans la cause entre : La Fédération Ivoirienne de Football dite FIF, crée le 21 septembre 1960 par décret n° 68-146 du 13 mars 1968 de la loi 60-315, association déclarée suivant récépissé n° 5891/CAB/AG du 18 mars 1961 agissant poursuite et diligences de son Président Monsieur Sidy Vu l’ordonnance N° 001049 du 22 DIALLO, demeurant à Abidjan et en tant que besoin au mars 2013 rendue par le juge siège social de la FIF, avenue 1 Treichville, 01 B. P. rapporteur déclarant recevable 1202 Abidjan 01 ; l’action initiée par la FIF contre la société ORANGE ; Demanderesse, représentée par la SCPA DADIEConstate la non-conciliation des SANGARET et Associés, Avocats près la Cour d’Appel d’Abidjan ; parties ; Dit la FIF mal fondée en son action ; L’en déboute ; La condamne aux dépens. d’une part, Et La Société ORANGE CÔTE D’IVOIRE SA, Société anonyme avec Conseil d’Administration, dont le siège social est sis à Abidjan-Marcory, Boulevard Giscard d’Estaing, Immeuble « Le Quartz », 11 B. P. 202 Abidjan 11 représentée par son Directeur Général, Monsieur Jean-Jacques DE PINS, de nationalité française, demeurant à Abidjan ; 1 Défenderesse représentée par les Cabinets BOURGOUIN - KOUAME KETE - KASSI et ACR, Avocats près la Cour d’Appel d’Abidjan ; d’autre part, Enrôlée pour l’audience du 28 février 2013, l’affaire a été appelée ; Le tribunal a procédé à la tentative de conciliation qui s’est soldée par un échec. Une mise en état a alors été ordonnée et confiée au Président KOMOIN François et la cause a été renvoyée à l’audience publique du 28 mars 2013. La mise en état a fait l’objet d’une ordonnance de clôture N° 779 du 26 mars 2013. A l’audience du 28 mars 2013, la cause a été mise en délibéré pour décision être rendue le 11 avril 2013. Advenue cette date, le tribunal a rendu la décision ciaprès. LE TRIBUNAL Vu les pièces du dossier ; Ouï les parties en leurs prétentions et moyens ; Après en avoir délibéré conformément à la loi ; FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES Par exploit d’huissier du 20 février 2013, la Fédération Ivoirienne de Football dite FIF a assigné la Société ORANGE Côte d’Ivoire SA à comparaître devant le Tribunal de Commerce de ce siège à l’audience du 28 février 2013 en paiement et en dommages-intérêts ; Au soutien de son action, elle expose que depuis le 26 janvier 2006 une convention de partenariat portant sur le sponsoring sur trois ans de l’équipe nationale masculine 2 senior liait la Fédération Ivoirienne de Football (FIF), avec la société ORANGE Côte d’Ivoire SA. Qu’à l’expiration, ce contrat a été reconduit le 22 février 2009 pour une nouvelle durée de trois ans ; Qu’aux termes de ladite convention la société ORANGE Côte d’Ivoire SA était autorisée, en contrepartie de la prise en charge financière optimale des « Eléphants de Côte d’Ivoire » à exploiter les droits commerciaux, marketing et publicitaires liés aux éléphants de Côte d’Ivoire, notamment, à associer sa marque et/ou label, aux seules fins de promotions de celle-ci, à l’image collective des joueurs de l’équipe nationale masculine senior ivoirienne de football pendant les campagnes ou à l’occasion des photographies officielles réalisées par la FIF ; Que la société ORANGE Côte d’Ivoire SA s’engageait, à l’expiration de la convention de partenariat, à retourner à la FIF l’intégralité des documents publicitaires en sa possession ou à les détruire et à cesser toute utilisation de ces documents, les droits de reproduction, de représentation, d’adaptation et de traduction, sur les reportages écrits, photographiques, sonores et audiovisuels sur les campagnes ainsi que sur leurs supports matériels réalisés par la FIF à son initiative, étant la propriété totale, définitive et exclusive de la FIF ; Que la société ORANGE Côte d’Ivoire SA s’engageait à l’article 7 de la convention de partenariat du 20 février 2009 à lui verser une rémunération fixe de neuf cent quatre-vingt-dix millions (990.000.000) de F CFA pour les trente-six (36) mois, ainsi que des primes de résultat de cent soixante-cinq millions (165.000.000) de F CFA par qualification aux différentes manifestations telle que la CAN ; Qu’à l’échéance de la convention de sponsoring le 21 février 2012, alors que des négociations pour le renouvellement de ladite convention étaient en cours, la société ORANGE CÔTE D’IVOIRE SA a indûment continué à exploiter les droits commerciaux, marketing et publicitaires issus du contrat pourtant échu, sans payer les rémunérations et la prime de qualification pour la CAN 2012 ; 3 Que les discussions entre la FIF et la société ORANGE ont achoppé quant au montant des redevances que devait verser la société ORANGE. Mésestimant les aptitudes des Eléphants, la société ORANGE voulait négocier la redevance à la baisse, tandis que la FIF, invoquant la renommée grandissante de l’équipe nationale depuis les six dernières années, entendait obtenir la revalorisation desdits montants ; Que répondant au courrier de la FIF du 18 septembre 2012, la société ORANGE par lettre datée du 19 septembre 2012 proposait une rémunération fixe annuelle de quatre cent cinquante millions (450.000.000) de F CFA auxquelles s’ajouteraient les primes de performance au montant semblable à celui arrêté lors des précédents contrats, soit cent soixantecinq millions (165.000.000) de F CFA par qualification, le tout augmenté de la somme de cent millions (100.000.000) de F CFA en sus au titre du sponsoring du championnat national ; Que dans le but d’exploiter indéfiniment et sans contrepartie financière lesdits droits, la société ORANGE CÔTE D'IVOI’E SA a sciemment fait trainer en longueur les négociations, en se gardant bien de concrétiser les accords passés, en vue de leur échec ; Qu’à l’approche de la CAN 2013, la FIF, tirant les conséquences de l’inertie fautive de sa cocontractante a, par courrier daté du 21 novembre 2012, mis fin aux négociations et en demeure la société ORANGE CÔTE D’IVOIRE SA d’avoir à mettre un terme, au plus tard le 30 novembre 2012, aux prestations qui relèvent encore du contrat échu, pour pouvoir trouver, avant la CAN 2013, un nouveau partenaire ; Que la société ORANGE CÔTE D’IVOIRE SA continue, à ce jour, d’exploiter abusivement les droits commerciaux, marketing et publicitaires issus de la convention de sponsoring échue, et ce, en violation des droits et prérogatives de la FIF ; Qu’en effet, l’article 78 des statuts de la F.I.F.A. à laquelle appartient la FIF précise bien que la FIFA, ses membres et les Confédérations sont les détenteurs 4 originels, sans restrictions de contenu, de temps, de lieu et de droit, de tous droits pouvant naître des compétitions et autres manifestations relevant de leur domaine de compétence respectif, notamment les droits de marketing et de promotion ainsi que les droits sur la propriété intellectuelle tels que les droits sur les signes distinctifs et des droits d’auteur ; Qu’avec surprise, elle a vu surgir des affiches apposées, sans son autorisation, au Plateau, sur la tribune lagunaire du stade Félix Houphouët-Boigny, à Yopougon, sur la route du Banco, à Adjamé, sur la façade de la caserne des Sapeurs-Pompiers de l’Indénié, portant le logo de la société ORANGE CÔTE D’IVOIRE SA, avec l’image d’un joueur de l’équipe nationale de Côte d’Ivoire, en l’occurrence Didier DROGBA, en tenue de l’équipe nationale ; Que dans les affiches litigieuses, la société ORANGE CÔTE D’IVOIRE SA a certes pris le soin d’effacer le logo de la marque « PUMA » et le blason de la Côte d’Ivoire ; que cependant le maillot est aisément reconnaissable aux signes distinctifs suivants : Didier DROGBA, capitaine des éléphants de Côte d’Ivoire, arborant le maillot de l’équipe nationale de Côte d’Ivoire Le tee-shirt avec l’éléphant en filigrane sur le torse, dont la trompe se prolonge et dessine des spirales, qui apparaissent comme des rayures sur le bas du torse, à hauteur du ventre ; Les deux bandes blanche et verte sur l’arrière du col, constituant, avec le fond orange, les couleurs nationales : orange, blanc et vert ; Le short de couleur orange avec une bande verte sur chaque côté et le numéro en couleur blanche, le tout aux couleurs nationales ; La paire de bas blanche à parement orange qui chute sur une paire de mages de couleur verte, le tout constituant les couleurs nationales : orange ; blanc et vert ; 5 La référence sur l’affiche à la coupe d’Afrique des Nations 2013 renforce la référence à l’équipe nationale et renvoie à la participation de l’équipe nationale de Côte d’Ivoire à la CAN ; Que la société Orange, pense avoir trouvé la parade qui consisterait à utiliser dans ses différentes campagnes publicitaire, l’image du Capitaine des Eléphants arborant le maillot de l’équipe nationale, sans verser la moindre contrepartie financière à la FIF, au motif qu’elle aurait signé un contrat avec Didier DROGBA ; Qu’Orange Côte d’Ivoire peut habiller Didier DROGBA de tout maillot de son choix pour ses publicités, Orange ne peut associer l’image du capitaine de l’équipe nationale de Côte d’Ivoire vêtu du maillot national des ELEPHANTS avec de surcroit le dossard numéro 11 qui est son numéro en équipe nationale ; Que le maillot des Eléphants 2012-2013 est un modèle exclusif dessiné par « PUMA » dans le cadre du contrat qui lie à la FIF, et qui a été présenté au Design Museum de Londres. Qu’il est décrit comme étant : « Orange avec un éléphant qui ressemble à un serpent dessiné sur le torse, l’arrière du col possède deux bandes blanche et verte. Le blason de la Côte d’Ivoire est sur le cœur tandis que le logo de Puma est sur la droite et le bout des manches » ; Que d’ailleurs, c’est bien parce que la société Orange sait ne pas pouvoir utiliser indument l’image de joueurs de l’équipe nationale en maillot de l’équipe qu’elle a utilisé l’image de Didier DROGBA revêtu d’une tenue de ville (Jean et sweat shirt) pour le lancement de la 3G. ; Que compte tenu des relations commerciales passées, elle a par l’intermédiaire de ses conseils contacté la société Orange par lettre du 20 janvier 2013 aux fins de lui faire injonction de mettre fin à l’utilisation abusive de l’image d’un membre de l’équipe national en maillot national des Eléphants de Côte d’Ivoire et demandé une rencontre pour arrêter le montant de l’indemnisation en réparation des préjudices subis ; Que par lettre du 30 janvier 2013, les conseils de la 6 société Voodoo, saisie par la société Orange, ont opposé une fin de non-recevoir à ces demandes amiables ; Que l’attitude de la société Orange qui poursuit, malgré les demandes amiables de cesser, la publicité d’affiche équivoque, mettant en scène le capitaine des Eléphants arborant le maillot national, fait croire au public, et aux annonceurs potentiels que la société Orange est toujours le partenaire officiel de la FIF et empêche cette dernière de concrétiser ses négociations avec d’autres sponsors qui lui demandent, au vu des panneaux, d’éclaircir au préalable la situation avec la société Orange ; Que cette exploitation indue des droits commerciaux, marketing et publicitaires, issus de la convention de sponsoring échue, constitue une véritable voie de fait qu’il convient de toute urgence de faire cesser en ordonnant à la société ORANGE CÔTE D’IVOIRE SA d’avoir, sous astreinte comminatoire de cinq millions (5.000.000) de F CFA par jour à compter du prononcé de la décision à venir, à procéder à l’enlèvement de toutes ses affiches litigieuses et à remettre sous astreinte comminatoire de deux millions (2.000.000) de F CFA par jour à compter du prononcé de la décision à venir, tous les documents et supports publicitaires conformément au contrat ; Que d’autre part, la rémunération proposée par la société ORANGE-CI par lettre datée du 18 septembre 2012 au titre du contrat de sponsoring pour la période courant du 22 février 2012 au 21 février 2015 était de quatre cent cinquante millions (450.000.000) de francs CFA par an, augmentée de la prime annuelle de cent millions (100.000.000) de F CFA soit la somme totale de un milliard six cent cinquante millions (1.650.000.000) de francs CFA pour toute la durée du contrat ; Que la société ORANGE CÔTE D’IVOIRE s’était également, aux termes du contrat de sponsoring échu, engagée à payer la somme de cent soixante-cinq millions (165.000.000) de F CFA, en cas de qualification des Eléphants aux phases finales de la CAN 2012, ainsi qu’à la CAN 2013, de sorte qu’il y a lieu de condamner 7 la société ORANGE-CI à lui payer la somme de trois cent trente millions (330.000.000) de F CFA ; Au cours de la mise en état, la FIF a modifié ses demandes. Dans ses conclusions dite rectificatives du 26 mars 2013, elle fonde à présent son action sur l’article 1382 du code civil et sollicite la condamnation de la société ORANGE à lui payer la somme totale de un milliard six cent cinquante millions (1.650.000.000) de francs CFA en réparation du préjudice qu’elle subit du fait de l’attitude fautive de cette société qui, alors qu’elle n’a pas notifié entre le 1er avril et le 31 juillet 2011 sa décision de renouvellement du contrat de sponsoring, a néanmoins continué de façon volontaire et illicite à associer sa marque aux seules fins de promotion de celle-ci à l’image collective des Eléphants de Côte d’Ivoire portant la tenue officielle de la sélection nationale. Elle sollicite en outre qu’injonction soit faite à la société ORANGE sous astreinte comminatoire de cinq millions (5.000.000) de F CFA par jour de retard à compter du prononcé du jugement d’enlever toutes les affiches litigieuses ainsi que l’exécution provisoire de ce jugement. La société ORANGE s’oppose à toutes ces démarches. Elle fait valoir des fins de non-recevoir tendant à voir déclarer l’action de la FIF irrecevable, qui ont donné lieu à l’ordonnance N° 001049 du juge rapporteur. Au fond, elle fait valoir que dans ses relations avec la FIF, deux périodes doivent être distinguées. D’abord la période allant du 22 février 2012 au 30 novembre 2012. Au cours de cette période, elle explique qu’elle a continué à exploiter les droits marketing issus du contrat de sponsoring échu avec l’accord de la FIF, de sorte qu’aucune faute ne peut lui être reprochée. Ensuite, la période débutant le 4 janvier 2013 pendant laquelle, après avoir enlevé sur injonction de la FIF les affiches placées en exécution de contrat de sponsoring venu à expiration, elle leur a substitué des affiches différentes avec l’image de Monsieur Didier DROGBA avec lequel elle est liée par un contrat lui permettant d’exploiter l’image de celui-ci. Elle explique que contrairement à ce que prétend la FIF, elle n’a commis 8 aucune faute car la couleur orange n’est pas l’apanage de la FIF, celle-ci faisant partie de ses codes couleurs ; la combinaison des couleurs orange-blanc-vert dans la tenue de Monsieur Didier DROGBA renvoie aux couleurs nationales dont la FIF ne peut s’arroger l’exclusivité de l’utilisation ; de même que le dessin de l’éléphant apparaissant en filigrane sur le maillot dont ce joueur est vêtu, dessin dont la FIF n’apporte pas la preuve de l’enregistrement comme dessins et modèles protégés au titre des droits de la propriété intellectuelle et industrielle ; le dossard N° 11 porté par Monsieur Didier DROGBA ne renvoie pas à l’équipe nationale, celui-ci ayant porté ce dossard dans d’autres équipes que la sélection nationale. SUR CE : En la forme Sur le caractère de la décision La société ORANGE a été représentée et a conclu. Il y a lieu de statuer par décision contradictoire. Sur la recevabilité de l’action Les fins de non-recevoir soulevées par la société ORANGE ont fait l’objet de l’ordonnance N°001049 du juge rapporteur, qui a déclaré l’action de la FIF recevable. Au fond Sur la condamnation de la société ORANGE au paiement de la somme de un milliard six cent cinquante millions (1.650.000.000) de F CFA Aux termes de l’article 1382 du code civil sur lequel la FIF fonde sa demande en paiement « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». L’application de cet article, pierre angulaire de la responsabilité civile délictuelle suppose la réunion de 9 trois (03) éléments à savoir une faute, un préjudice et un lien de causalité entre la faute et le préjudice. Pour faire droit à la demande en paiement de la FIF, il est nécessaire que celle-ci établisse la faute délictuelle commise par la société ORANGE, le préjudice que cette faute lui a causé et le lien de causalité entre cette faute et le préjudice qu’elle prétend avoir subi. Sur la faute de la société ORANGE La FIF estime que la société ORANGE a commis une faute en continuant, à l’échéance du contrat de sponsoring, alors qu’elle ne lui a pas notifié sa décision de renouvellement, de façon volontaire et illicite à associer sa marque, aux seules fins de promotion de celle-ci, à l’image collective des Eléphants de Côte d’Ivoire portant la tenue officielle de la sélection nationale, exploitation indue et illicite sans contrepartie financière. Le tribunal constate que comme l’avance la société ORANGE, d’ailleurs non contredite en cela par la FIF, deux grandes périodes doivent être distinguées dans les relations entre les deux parties, celle allant du 22 février 2012 au 30 novembre 2012 et celle débutant le 4 janvier 2013. Relativement à la période allant du 22 février 2012 au 30 novembre 2012, il est constant que la société ORANGE a continué à exploiter les affiches confectionnées et placées en application du contrat de sponsoring alors que ledit contrat était échu. Cette attitude ne peut revêtir un caractère fautif que si elle n’a pas été autorisée par la FIF. A cet égard, la société ORANGE produit au dossier une lettre du 18 septembre 2012 adressée par Monsieur Augustin SIDY DIALLO au Directeur Général de la société ORANGE ainsi libellée « Monsieur le Directeur Général, nous revenons sur l’affaire citée en objet pour vous faire part de ce qui suit. Depuis le 21 février 2012, le contrat de sponsoring qui liait nos deux institutions a pris fin. Bien avant cette échéance, soit au dernier trimestre de l’année 2011, nous vous avons invité à ouvrir des discussions en vue de négocier et conclure un nouveau contrat. Malheureusement, notre volonté de voir réévaluer à la 10 hausse le niveau de la prime fixe annuelle, en raison notamment d’un accroissement des charges de la Fédération, s’est heurtée à votre manque d’enthousiasme. Ainsi, nous avons dû nous résigner et partir à la CAN 2012 sans savoir signé avec la société ORANGE CI pour une nouvelle période. Dès notre retour de la CAN, soit fin février / début mars 2012, nous avons repris contact avec vous. Nous avons alors entamé de longues et difficiles négociations qui ont semblé aboutir au mois de juillet 2012, lorsque nous sommes parvenus au montant annuel de cinq cent cinquante millions (550.000.0000) de prime fixe. Contre toute attente, depuis le mois d’août, nous sommes face à un nouveau blocage ; fondamentalement parce que nous souhaitons retirer de l’accord La Ligue Professionnelle qui, alors qu’elle n’était pas concernée par nos discussions, avait été rajoutée sur notre initiative, à la fin de celles-ci. Nonobstant ces atermoiements et malgré la fin du contrat précédant, la FIF, pour montrer sa volonté de conclure avec son partenaire traditionnel, a accepté qu’ORANGE CI continue d’exploiter les droits de marketing contenus dans l’accord échu. Plus de sept mois après la fin de notre précédent contrat et après plusieurs mois de négociations, nous constatons, non sans regrets, qu’un nouvel accord est impossible à trouver, en l’état actuel, tant les dernières difficultés semblent insurmontables. Dans cette situation, il appartient aux deux parties de regarder la réalité en face et décider si oui ou non elles acceptent de conclure en l’état. Pour ce qui la concerne, la FIF croit avoir fait ses meilleurs efforts et invite ORANGE CI à se déterminer par écrit. A défaut d’une réponse positive de la part d’ORANGE CI sous huitaine, chaque partie devra constater l’échec des négociations et en tirer toute conséquence de droit. Evidemment, nous nous tenons à votre disposition s’il vous fallait davantage d’informations. Veuillez agréer, Monsieur le Directeur Général, l’expression de nos meilleures salutations. » La société Orange produit également une lettre du 21 novembre 2012 à elle adressée par la FIF ainsi libellée « Monsieur le Directeur Général, le 18 septembre 2012, j’ai attiré votre attention sur le fait que le contrat de sponsoring qui liait nos deux structures était arrivé à 11 échéance depuis le 21 février 2012 et que les négociations pour signer un nouveau contrat trainaient de façon inacceptable pour la fédération. Suite à cette interpellation, j’ai noté une certaine évolution dans vos positions et invité nos collaborateurs à se rapprocher et achever nos pourparlers par la rédaction des nouvelles conventions de sponsoring (ELEPHANTS ET LIGUE 1). Aujourd’hui, je suis au regret de constater qu’après deux mois les discussions sur les deux conventions n’ont pu aboutir. Par conséquent, je me vois dans l’obligation de vous informer de notre décision d’y mettre un terme et de tirer toutes les conséquences de cet échec. Je vous invite à en prendre acte dans les 48 heures afin de nous permettre d’orienter nos recherches de sponsoring vers d’autres annonceurs. De même, j’ai instruit la Direction Exécutive et la Commission marketing de la FIF de se rapprocher de vos services afin qu’il soit mis un terme, dans les meilleurs délais et conditions, aux prestations qui relèvent encore du contrat échu. Au 30 novembre 2012 au plus tard, ces prestations doivent prendre fin. La présente note valant mise en demeure, je vous exhorte à instruire vos services des mêmes missions. Veuillez agréer, Monsieur le Directeur Général, l’expression de nos meilleures salutations. » A cela s’ajoute la lettre du 23 janvier 2013 à elle également adressée par Maître DADIE-SANGARET, Avocat de la FIF ainsi libellée « Monsieur le Directeur, je vous informe de ma constitution pour la défense des intérêts de la Fédération Ivoirienne de Football (FIF) qui a constaté que, dans le cadre de la campagne commerciale et marketing pour la Coupe d’Afrique des Nations 2013, votre entreprise a fait poser depuis le vendredi 4 janvier 2013, sur de nombreux panneaux publicitaires des affiches présentant, entre autres, le capitaine de l’équipe nationale de Côte d’Ivoire vêtu du maillot national des Eléphants avec le dossard numéro 11 qui est son numéro en équipe nationale. Pourtant vous n’êtes pas sans ignorer que le contrat de sponsoring qui liait, depuis le 26 janvier 2006, ORANGE Côte d’Ivoire à la Fédération Ivoirienne de Football, est arrivé à échéance le 21 février 2012. Après cette date, ORANGE Côte d’Ivoire a continué à exploiter les droits marketing et commerciaux, avec l’accord tacite de la FIF, compte tenu des relations commerciales ayant existé d’une 12 part et parce que d’autre part, les négociations pour le renouvellement du contrat se poursuivaient. Cependant, malgré les discussions qui se sont étalées sur plus de dix mois entre la FIF et Orange, aucun accord n’est, intervenu, à tel point que la FIF a mis fin aux discussions par lettre du 21 novembre 2012. C’est donc avec surprise que la FIF a vu surgir lesdites affiches, notamment sur les façades du STADA HOUPHOUET-BOIGNY, et en d’autres lieux, alors qu’Orange a renoncé à assurer le sponsoring de la FIF et des ELEPHANTS et ne peut donc plus associer, ni sa marque, ni son label aux différentes compétitions sportives et à l’image d’un ou de plusieurs membres de l’équipe nationale. Cette utilisation non autorisée de l’image et du maillot des Eléphants de Côte d’Ivoire par votre société, augmentée de l’exploitation indue des droits marketing et commerciaux du 22 février 2012 à ce jour, cause un immense préjudicie à la FIF aggravé par les multiples atermoiements de votre société qui ont empêché la FIF de se trouver un autre sponsor. Aussi, par la présente, j’ai mission de vous inviter à faire cesser, dans les 48 heures à compter des présentes, le trouble créé par l’utilisation abusive de l’image du Capitaine des ELEPHANTS arborant le maillot de l’équipe nationale, en procédant au retrait immédiat de ces affiches. Ensuite, vu la nature des relations passées avec la FIF, cette dernière souhaiterait faire l’économie d’un procès en vous proposant une rencontre qui pourrait se tenir en présence des conseils, dans les meilleurs délais, afin d’arrêter d’un commun accord le montant d’une indemnisation adéquate des préjudices subis par la FIF. Cependant au vu des longs mois de tergiversations, ma cliente, me demande de passer à la phase contentieuse, faute de réponse, sous huitaine. Dans cette l’attente, veuillez agréer, Monsieur le Directeur, l’expression de mes salutations distinguées. » De l’examen attentif de ces trois lettres, il ressort avec clarté que l’exploitation des droits marketing issus du contrat de sponsoring échu a été autorisée par la FIF tantôt pour montrer sa bonne foi tantôt en raison des relations commerciales ayant existé entre les parties et des négociations en cours pour le renouvellement du contrat de sponsoring échu. Dans ces conditions, la FIF est mal venue à qualifier l’attitude de la société 13 ORANGE fautive, ayant elle-même donné son accord à ce que la société ORANGE se conduise ainsi, c’est-àdire qu’elle continue à exploiter les droits marketing issus du contrat de sponsoring échu. Relativement à la période qui a débuté le 4 janvier 2013, le litige porte sur des affiches apposées par la société ORANGE montrant Monsieur Didier DROGBA portant le dossard N° 11 et vêtu d’un maillot Orange-Blanc-Vert avec des mentions de la CAN 2013, image qui selon la FIF constitue une exploitation abusive de l’image de l’équipe nationale à laquelle elle renvoie nécessairement. Il est constant que ces images se trouvent à divers endroits de la ville d’Abidjan. Il est également constant que sur ces affiches, l’on voit Monsieur Didier DROGBA vêtu d’un maillot aux couleurs Orange-Blanc-Vert, comportant sur le tee-shirt un dessin d’éléphant en filigrane avec le N° 11, ainsi que des mentions relatives à la CAN 2013. Pour que ces images induisent une faute délictuelle de la société Orange, il importe que celle-ci n’ait aucun droit à l’exploitation de l’image individuelle de Monsieur Didier DROGBA, ou que son image, en cas d’existence d’un droit d’exploitation, ait été associée à celles d’autres membres de l’équipe nationale, ou encore que la FIF ait un droit exclusif à l’utilisation des couleurs Orange-Blanc-Vert ainsi que sur le dessin de la tête d’éléphant se trouvant sur le maillot ou que Monsieur Didier DROGBA n’ait porté le dossard N° 11 que lors de sa sélection en équipe nationale. Le tribunal constate que la société ORANGE a produit un protocole d’accord signé le 28 avril 2010 avec Monsieur Didier DROGBA dans lequel celui-ci a autorisé la société ORANGE à exploiter son image à des fins publicitaires /promotionnelles et/ ou commerciales. Le tribunal constate également que sur les affiches incriminées, il n’est vu que Monsieur Didier DROGBA seul avec derrière lui des silhouettes en différentes positions, sans identification ni des corps ni des visages. La FIF prétend qu’il s’agit des joueurs de l’équipe nationale. Invitée à donner l’identité de ces joueurs, elle a été dans l’incapacité de le faire, de sorte que le 14 tribunal constate qu’elle n’a pu prouver qu’il s’agit d’une image collective des joueurs de l’équipe nationale. Le tribunal constate en outre que les couleurs des maillots dont est vêtu Monsieur Didier DROGBA sont les couleurs Orange-Blanc-Vert qui, en association, constituent les couleurs du drapeau de la République de Côte d’Ivoire ainsi que cela ressort de l’article 29 de la Constitution du 1er Août 2000 qui dispose que « L’emblème national est le drapeau tricolore orange, blanc, vert, en bandes verticales et d’égales dimensions. » Pour que la FIF, qui assure la gestion de l’équipe nationale, puisse reprocher valablement à la société ORANGE une faute dans l’utilisation de ces couleurs, elle doit prouver en avoir le droit d’usage exclusif ; ce qu’elle n’a pu faire en l’espèce. Du reste, l’une des couleurs, la couleur orange fait partie, et cela de façon non contestée, des codes couleurs de la société ORANGE, qui l’a toujours utilisée sur différents supports et en diverses circonstances. Le tribunal constate concernant l’utilisation de la couleur Orange et le dessin de la tête d’éléphant avec une trompe allongée et étirée de façon particulière, que celle-ci ne peut être considérée comme fautive que si ce dessin a fait l’objet d’une protection au sens du droit de la propriété intellectuelle par la FIF. Invitée à en apporter la preuve, la FIF a été dans l’incapacité de le faire, de sorte que querelle ne peut être faite non plus à la société ORANGE sur ce point, alors surtout que nulle part sur le maillot incriminé l’on ne voit le logo de la FIF. Le tribunal constate concernant le dossard N° 11 ainsi qu’il est ressortit du reste de la mise en état que celui-ci, a été porté par Monsieur Didier DROGBA dans d’autres équipes, de sorte que le trouver sur le maillot porté par Monsieur Didier DROGBA sur les affiches incriminées, ne peut être considéré raisonnablement comme renvoyant nécessairement à la sélection nationale. Enfin, le tribunal constate que relativement aux mentions CAN ORANGE 2013 figurant sur les affiches critiquées par la FIF, la société ORANGE produit au 15 dossier des pièces lui permettant, par le biais de la société France TELECOM, de les faire figurer en toute légalité sur lesdites affiches. Au total, le tribunal constate que concernant la période qui a débuté le 4 janvier 2013, aucune faute n’a été commise par la société ORANGE susceptible d’engager sa responsabilité vis-à-vis de la FIF. Cette faute n’ayant pas été prouvée, il est sans intérêt de rechercher le préjudice subi par la FIF ainsi que le lien de causalité. Il y a lieu dès lors de débouter la FIF de sa demande en paiement et de sa demande tendant à ce qu’injonction soit faite à la société ORANGE d’avoir à enlever les affiches en litige, sous astreinte comminatoire. Sur l’exécution provisoire et les dépens La FIF ayant été déboutée de sa demande, il n’y a pas lieu d’ordonner l’exécution provisoire de la présente décision, rien n’étant à exécuter. Concernant les dépens, la FIF ayant succombé, elle doit les supporter. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort ; Vu l’ordonnance N° 001049 du 22 mars 2013 rendue par le juge rapporteur déclarant recevable l’action initiée par la FIF contre la société ORANGE ; Constate la non-conciliation des parties ; Dit la FIF mal fondée en son action ; L’en déboute ; La condamne aux dépens. Et avons signé avec le Greffier./. 16 17