Le Tribunal de Commerce d`Abidjan, en son audience publique

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Le Tribunal de Commerce d`Abidjan, en son audience publique
KF/AE
REPUBLIQUE DE CÔTE D’IVOIRE
------------------COUR D’APPEL D’ABIDJAN
--------------TRIBUNAL DE COMMERCE
D’ABIDJAN
--------------RG N° 211/13
------------JUGEMENT CONTRADICTOIRE
Du 11/04/2013
----------------Affaire :
La Fédération Ivoirienne de
Football dite FIF
(SCPA DADIE - SANGARET et
Associés)
Contre
La Société ORANGE Côte
d’Ivoire
(Cabinets BOURGOIN - KOUAME
KETE - KASSI et ACR)
----------------DECISION :
------Contradictoire
-----
AUDIENCE PUBLIQUE ORDINAIRE DU 11 AVRIL 2013
Le Tribunal de Commerce d’Abidjan, en son
audience publique ordinaire du 11 avril 2013 tenue au
siège dudit Tribunal, à laquelle siégeaient :
Docteur François KOMOIN, Président du Tribunal ;
Messieurs DJEDJET-GOLLY Séraphin Bogard,
ALLAH-KOUAME Jean-Marie, FOLOU Ignace et Paul
NIAMEY,
Assesseurs,
Avec l’assistance
Gertrude, Greffier,
de
Maître
KOUTOU
Aya
A rendu le jugement dont la teneur suit dans la
cause entre :
La Fédération Ivoirienne de Football dite FIF,
crée le 21 septembre 1960 par décret n° 68-146 du 13
mars 1968 de la loi 60-315, association déclarée suivant
récépissé n° 5891/CAB/AG du 18 mars 1961 agissant
poursuite et diligences de son Président Monsieur Sidy
Vu l’ordonnance N° 001049 du 22 DIALLO, demeurant à Abidjan et en tant que besoin au
mars 2013 rendue par le juge siège social de la FIF, avenue 1 Treichville, 01 B. P.
rapporteur déclarant recevable 1202 Abidjan 01 ;
l’action initiée par la FIF contre la
société ORANGE ;
Demanderesse, représentée par la SCPA DADIEConstate la non-conciliation des SANGARET et Associés, Avocats près la Cour d’Appel
d’Abidjan ;
parties ;
Dit la FIF mal fondée en son
action ;
L’en déboute ;
La condamne aux dépens.
d’une part,
Et
La Société ORANGE CÔTE D’IVOIRE SA, Société
anonyme avec Conseil d’Administration, dont le siège
social est sis à Abidjan-Marcory, Boulevard Giscard
d’Estaing, Immeuble « Le Quartz », 11 B. P. 202 Abidjan
11 représentée par son Directeur Général, Monsieur
Jean-Jacques DE PINS, de nationalité française,
demeurant à Abidjan ;
1
Défenderesse représentée par les Cabinets
BOURGOUIN - KOUAME KETE - KASSI et ACR,
Avocats près la Cour d’Appel d’Abidjan ;
d’autre part,
Enrôlée pour l’audience du 28 février 2013, l’affaire a
été appelée ; Le tribunal a procédé à la tentative de
conciliation qui s’est soldée par un échec. Une mise en
état a alors été ordonnée et confiée au Président
KOMOIN François et la cause a été renvoyée à
l’audience publique du 28 mars 2013.
La mise en état a fait l’objet d’une ordonnance de
clôture N° 779 du 26 mars 2013.
A l’audience du 28 mars 2013, la cause a été mise en
délibéré pour décision être rendue le 11 avril 2013.
Advenue cette date, le tribunal a rendu la décision ciaprès.
LE TRIBUNAL
Vu les pièces du dossier ;
Ouï les parties en leurs prétentions et moyens ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES
PARTIES
Par exploit d’huissier du 20 février 2013, la Fédération
Ivoirienne de Football dite FIF a assigné la Société
ORANGE Côte d’Ivoire SA à comparaître devant le
Tribunal de Commerce de ce siège à l’audience du 28
février 2013 en paiement et en dommages-intérêts ;
Au soutien de son action, elle expose que depuis le 26
janvier 2006 une convention de partenariat portant sur le
sponsoring sur trois ans de l’équipe nationale masculine
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senior liait la Fédération Ivoirienne de Football (FIF),
avec la société ORANGE Côte d’Ivoire SA. Qu’à
l’expiration, ce contrat a été reconduit le 22 février 2009
pour une nouvelle durée de trois ans ;
Qu’aux termes de ladite convention la société ORANGE
Côte d’Ivoire SA était autorisée, en contrepartie de la
prise en charge financière optimale des « Eléphants de
Côte d’Ivoire » à exploiter les droits commerciaux,
marketing et publicitaires liés aux éléphants de Côte
d’Ivoire, notamment, à associer sa marque et/ou label,
aux seules fins de promotions de celle-ci, à l’image
collective des joueurs de l’équipe nationale masculine
senior ivoirienne de football pendant les campagnes ou
à l’occasion des photographies officielles réalisées par
la FIF ;
Que la société ORANGE Côte d’Ivoire SA s’engageait, à
l’expiration de la convention de partenariat, à retourner à
la FIF l’intégralité des documents publicitaires en sa
possession ou à les détruire et à cesser toute utilisation
de ces documents, les droits de reproduction, de
représentation, d’adaptation et de traduction, sur les
reportages écrits, photographiques, sonores et
audiovisuels sur les campagnes ainsi que sur leurs
supports matériels réalisés par la FIF à son initiative,
étant la propriété totale, définitive et exclusive de la FIF ;
Que la société ORANGE Côte d’Ivoire SA s’engageait à
l’article 7 de la convention de partenariat du 20 février
2009 à lui verser une rémunération fixe de neuf cent
quatre-vingt-dix millions (990.000.000) de F CFA pour
les trente-six (36) mois, ainsi que des primes de résultat
de cent soixante-cinq millions (165.000.000) de F CFA
par qualification aux différentes manifestations telle que
la CAN ;
Qu’à l’échéance de la convention de sponsoring le 21
février 2012, alors que des négociations pour le
renouvellement de ladite convention étaient en cours, la
société ORANGE CÔTE D’IVOIRE SA a indûment
continué à exploiter les droits commerciaux, marketing
et publicitaires issus du contrat pourtant échu, sans
payer les rémunérations et la prime de qualification pour
la CAN 2012 ;
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Que les discussions entre la FIF et la société ORANGE
ont achoppé quant au montant des redevances que
devait verser la société ORANGE. Mésestimant les
aptitudes des Eléphants, la société ORANGE voulait
négocier la redevance à la baisse, tandis que la FIF,
invoquant la renommée grandissante de l’équipe
nationale depuis les six dernières années, entendait
obtenir la revalorisation desdits montants ;
Que répondant au courrier de la FIF du 18 septembre
2012, la société ORANGE par lettre datée du 19
septembre 2012 proposait une rémunération fixe
annuelle
de
quatre
cent
cinquante
millions
(450.000.000) de F CFA auxquelles s’ajouteraient les
primes de performance au montant semblable à celui
arrêté lors des précédents contrats, soit cent soixantecinq millions (165.000.000) de F CFA par qualification,
le tout augmenté de la somme de cent millions
(100.000.000) de F CFA en sus au titre du sponsoring
du championnat national ;
Que dans le but d’exploiter indéfiniment et sans
contrepartie financière lesdits droits, la société
ORANGE CÔTE D'IVOI’E SA a sciemment fait trainer
en longueur les négociations, en se gardant bien de
concrétiser les accords passés, en vue de leur échec ;
Qu’à l’approche de la CAN 2013, la FIF, tirant les
conséquences de l’inertie fautive de sa cocontractante
a, par courrier daté du 21 novembre 2012, mis fin aux
négociations et en demeure la société ORANGE CÔTE
D’IVOIRE SA d’avoir à mettre un terme, au plus tard le
30 novembre 2012, aux prestations qui relèvent encore
du contrat échu, pour pouvoir trouver, avant la CAN
2013, un nouveau partenaire ;
Que la société ORANGE CÔTE D’IVOIRE SA continue,
à ce jour, d’exploiter abusivement les droits
commerciaux, marketing et publicitaires issus de la
convention de sponsoring échue, et ce, en violation des
droits et prérogatives de la FIF ;
Qu’en effet, l’article 78 des statuts de la F.I.F.A. à
laquelle appartient la FIF précise bien que la FIFA, ses
membres et les Confédérations sont les détenteurs
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originels, sans restrictions de contenu, de temps, de lieu
et de droit, de tous droits pouvant naître des
compétitions et autres manifestations relevant de leur
domaine de compétence respectif, notamment les droits
de marketing et de promotion ainsi que les droits sur la
propriété intellectuelle tels que les droits sur les signes
distinctifs et des droits d’auteur ;
Qu’avec surprise, elle a vu surgir des affiches apposées,
sans son autorisation, au Plateau, sur la tribune
lagunaire du stade Félix Houphouët-Boigny, à
Yopougon, sur la route du Banco, à Adjamé, sur la
façade de la caserne des Sapeurs-Pompiers de
l’Indénié, portant le logo de la société ORANGE CÔTE
D’IVOIRE SA, avec l’image d’un joueur de l’équipe
nationale de Côte d’Ivoire, en l’occurrence Didier
DROGBA, en tenue de l’équipe nationale ;
Que dans les affiches litigieuses, la société ORANGE
CÔTE D’IVOIRE SA a certes pris le soin d’effacer le
logo de la marque « PUMA » et le blason de la Côte
d’Ivoire ; que cependant le maillot est aisément
reconnaissable aux signes distinctifs suivants :
Didier DROGBA, capitaine des éléphants de Côte
d’Ivoire, arborant le maillot de l’équipe nationale
de Côte d’Ivoire
Le tee-shirt avec l’éléphant en filigrane sur le
torse, dont la trompe se prolonge et dessine des
spirales, qui apparaissent comme des rayures sur
le bas du torse, à hauteur du ventre ;
Les deux bandes blanche et verte sur l’arrière du
col, constituant, avec le fond orange, les couleurs
nationales : orange, blanc et vert ;
Le short de couleur orange avec une bande verte
sur chaque côté et le numéro en couleur blanche,
le tout aux couleurs nationales ;
La paire de bas blanche à parement orange qui
chute sur une paire de mages de couleur verte, le
tout constituant les couleurs nationales : orange ;
blanc et vert ;
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La référence sur l’affiche à la coupe d’Afrique des
Nations 2013 renforce la référence à l’équipe
nationale et renvoie à la participation de l’équipe
nationale de Côte d’Ivoire à la CAN ;
Que la société Orange, pense avoir trouvé la parade qui
consisterait à utiliser dans ses différentes campagnes
publicitaire, l’image du Capitaine des Eléphants arborant
le maillot de l’équipe nationale, sans verser la moindre
contrepartie financière à la FIF, au motif qu’elle aurait
signé un contrat avec Didier DROGBA ;
Qu’Orange Côte d’Ivoire peut habiller Didier DROGBA
de tout maillot de son choix pour ses publicités, Orange
ne peut associer l’image du capitaine de l’équipe
nationale de Côte d’Ivoire vêtu du maillot national des
ELEPHANTS avec de surcroit le dossard numéro 11 qui
est son numéro en équipe nationale ;
Que le maillot des Eléphants 2012-2013 est un modèle
exclusif dessiné par « PUMA » dans le cadre du contrat
qui lie à la FIF, et qui a été présenté au Design Museum
de Londres. Qu’il est décrit comme étant : « Orange
avec un éléphant qui ressemble à un serpent dessiné
sur le torse, l’arrière du col possède deux bandes
blanche et verte. Le blason de la Côte d’Ivoire est sur le
cœur tandis que le logo de Puma est sur la droite et le
bout des manches » ;
Que d’ailleurs, c’est bien parce que la société Orange
sait ne pas pouvoir utiliser indument l’image de joueurs
de l’équipe nationale en maillot de l’équipe qu’elle a
utilisé l’image de Didier DROGBA revêtu d’une tenue de
ville (Jean et sweat shirt) pour le lancement de la 3G. ;
Que compte tenu des relations commerciales passées,
elle a par l’intermédiaire de ses conseils contacté la
société Orange par lettre du 20 janvier 2013 aux fins de
lui faire injonction de mettre fin à l’utilisation abusive de
l’image d’un membre de l’équipe national en maillot
national des Eléphants de Côte d’Ivoire et demandé une
rencontre pour arrêter le montant de l’indemnisation en
réparation des préjudices subis ;
Que par lettre du 30 janvier 2013, les conseils de la
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société Voodoo, saisie par la société Orange, ont
opposé une fin de non-recevoir à ces demandes
amiables ;
Que l’attitude de la société Orange qui poursuit, malgré
les demandes amiables de cesser, la publicité d’affiche
équivoque, mettant en scène le capitaine des Eléphants
arborant le maillot national, fait croire au public, et aux
annonceurs potentiels que la société Orange est
toujours le partenaire officiel de la FIF et empêche cette
dernière de concrétiser ses négociations avec d’autres
sponsors qui lui demandent, au vu des panneaux,
d’éclaircir au préalable la situation avec la société
Orange ;
Que cette exploitation indue des droits commerciaux,
marketing et publicitaires, issus de la convention de
sponsoring échue, constitue une véritable voie de fait
qu’il convient de toute urgence de faire cesser en
ordonnant à la société ORANGE CÔTE D’IVOIRE SA
d’avoir, sous astreinte comminatoire de cinq millions
(5.000.000) de F CFA par jour à compter du prononcé
de la décision à venir, à procéder à l’enlèvement de
toutes ses affiches litigieuses et à remettre sous
astreinte comminatoire de deux millions (2.000.000) de
F CFA par jour à compter du prononcé de la décision à
venir, tous les documents et supports publicitaires
conformément au contrat ;
Que d’autre part, la rémunération proposée par la
société ORANGE-CI par lettre datée du 18 septembre
2012 au titre du contrat de sponsoring pour la période
courant du 22 février 2012 au 21 février 2015 était de
quatre cent cinquante millions (450.000.000) de francs
CFA par an, augmentée de la prime annuelle de cent
millions (100.000.000) de F CFA soit la somme totale de
un milliard six cent cinquante millions (1.650.000.000)
de francs CFA pour toute la durée du contrat ;
Que la société ORANGE CÔTE D’IVOIRE s’était
également, aux termes du contrat de sponsoring échu,
engagée à payer la somme de cent soixante-cinq
millions (165.000.000) de F CFA, en cas de qualification
des Eléphants aux phases finales de la CAN 2012, ainsi
qu’à la CAN 2013, de sorte qu’il y a lieu de condamner
7
la société ORANGE-CI à lui payer la somme de trois
cent trente millions (330.000.000) de F CFA ;
Au cours de la mise en état, la FIF a modifié ses
demandes. Dans ses conclusions dite rectificatives du
26 mars 2013, elle fonde à présent son action sur
l’article 1382 du code civil et sollicite la condamnation de
la société ORANGE à lui payer la somme totale de un
milliard six cent cinquante millions (1.650.000.000) de
francs CFA en réparation du préjudice qu’elle subit du
fait de l’attitude fautive de cette société qui, alors qu’elle
n’a pas notifié entre le 1er avril et le 31 juillet 2011 sa
décision de renouvellement du contrat de sponsoring, a
néanmoins continué de façon volontaire et illicite à
associer sa marque aux seules fins de promotion de
celle-ci à l’image collective des Eléphants de Côte
d’Ivoire portant la tenue officielle de la sélection
nationale. Elle sollicite en outre qu’injonction soit faite à
la société ORANGE sous astreinte comminatoire de
cinq millions (5.000.000) de F CFA par jour de retard à
compter du prononcé du jugement d’enlever toutes les
affiches litigieuses ainsi que l’exécution provisoire de ce
jugement.
La société ORANGE s’oppose à toutes ces démarches.
Elle fait valoir des fins de non-recevoir tendant à voir
déclarer l’action de la FIF irrecevable, qui ont donné lieu
à l’ordonnance N° 001049 du juge rapporteur.
Au fond, elle fait valoir que dans ses relations avec la
FIF, deux périodes doivent être distinguées. D’abord la
période allant du 22 février 2012 au 30 novembre 2012.
Au cours de cette période, elle explique qu’elle a
continué à exploiter les droits marketing issus du contrat
de sponsoring échu avec l’accord de la FIF, de sorte
qu’aucune faute ne peut lui être reprochée.
Ensuite, la période débutant le 4 janvier 2013 pendant
laquelle, après avoir enlevé sur injonction de la FIF les
affiches placées en exécution de contrat de sponsoring
venu à expiration, elle leur a substitué des affiches
différentes avec l’image de Monsieur Didier DROGBA
avec lequel elle est liée par un contrat lui permettant
d’exploiter l’image de celui-ci. Elle explique que
contrairement à ce que prétend la FIF, elle n’a commis
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aucune faute car la couleur orange n’est pas l’apanage
de la FIF, celle-ci faisant partie de ses codes couleurs ;
la combinaison des couleurs orange-blanc-vert dans la
tenue de Monsieur Didier DROGBA renvoie aux
couleurs nationales dont la FIF ne peut s’arroger
l’exclusivité de l’utilisation ; de même que le dessin de
l’éléphant apparaissant en filigrane sur le maillot dont ce
joueur est vêtu, dessin dont la FIF n’apporte pas la
preuve de l’enregistrement comme dessins et modèles
protégés au titre des droits de la propriété intellectuelle
et industrielle ; le dossard N° 11 porté par Monsieur
Didier DROGBA ne renvoie pas à l’équipe nationale,
celui-ci ayant porté ce dossard dans d’autres équipes
que la sélection nationale.
SUR CE :
En la forme
Sur le caractère de la décision
La société ORANGE a été représentée et a conclu. Il y a
lieu de statuer par décision contradictoire.
Sur la recevabilité de l’action
Les fins de non-recevoir soulevées par la société
ORANGE ont fait l’objet de l’ordonnance N°001049 du
juge rapporteur, qui a déclaré l’action de la FIF
recevable.
Au fond
Sur la condamnation de la société ORANGE au
paiement de la somme de un milliard six cent
cinquante millions (1.650.000.000) de F CFA
Aux termes de l’article 1382 du code civil sur lequel la
FIF fonde sa demande en paiement « Tout fait
quelconque de l’homme, qui cause à autrui un
dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à
le réparer ».
L’application de cet article, pierre angulaire de la
responsabilité civile délictuelle suppose la réunion de
9
trois (03) éléments à savoir une faute, un préjudice et un
lien de causalité entre la faute et le préjudice. Pour faire
droit à la demande en paiement de la FIF, il est
nécessaire que celle-ci établisse la faute délictuelle
commise par la société ORANGE, le préjudice que cette
faute lui a causé et le lien de causalité entre cette faute
et le préjudice qu’elle prétend avoir subi.
Sur la faute de la société ORANGE
La FIF estime que la société ORANGE a commis une
faute en continuant, à l’échéance du contrat de
sponsoring, alors qu’elle ne lui a pas notifié sa décision
de renouvellement, de façon volontaire et illicite à
associer sa marque, aux seules fins de promotion de
celle-ci, à l’image collective des Eléphants de Côte
d’Ivoire portant la tenue officielle de la sélection
nationale, exploitation indue et illicite sans contrepartie
financière.
Le tribunal constate que comme l’avance la société
ORANGE, d’ailleurs non contredite en cela par la FIF,
deux grandes périodes doivent être distinguées dans les
relations entre les deux parties, celle allant du 22 février
2012 au 30 novembre 2012 et celle débutant le 4 janvier
2013.
Relativement à la période allant du 22 février 2012 au
30 novembre 2012, il est constant que la société
ORANGE a continué à exploiter les affiches
confectionnées et placées en application du contrat de
sponsoring alors que ledit contrat était échu. Cette
attitude ne peut revêtir un caractère fautif que si elle n’a
pas été autorisée par la FIF. A cet égard, la société
ORANGE produit au dossier une lettre du 18 septembre
2012 adressée par Monsieur Augustin SIDY DIALLO au
Directeur Général de la société ORANGE ainsi libellée
« Monsieur le Directeur Général, nous revenons sur
l’affaire citée en objet pour vous faire part de ce qui suit.
Depuis le 21 février 2012, le contrat de sponsoring qui
liait nos deux institutions a pris fin. Bien avant cette
échéance, soit au dernier trimestre de l’année 2011,
nous vous avons invité à ouvrir des discussions en vue
de négocier et conclure un nouveau contrat.
Malheureusement, notre volonté de voir réévaluer à la
10
hausse le niveau de la prime fixe annuelle, en raison
notamment d’un accroissement des charges de la
Fédération,
s’est
heurtée
à
votre
manque
d’enthousiasme. Ainsi, nous avons dû nous résigner et
partir à la CAN 2012 sans savoir signé avec la société
ORANGE CI pour une nouvelle période. Dès notre
retour de la CAN, soit fin février / début mars 2012, nous
avons repris contact avec vous. Nous avons alors
entamé de longues et difficiles négociations qui ont
semblé aboutir au mois de juillet 2012, lorsque nous
sommes parvenus au montant annuel de cinq cent
cinquante millions (550.000.0000) de prime fixe. Contre
toute attente, depuis le mois d’août, nous sommes face
à un nouveau blocage ; fondamentalement parce que
nous souhaitons retirer de l’accord La Ligue
Professionnelle qui, alors qu’elle n’était pas concernée
par nos discussions, avait été rajoutée sur notre
initiative, à la fin de celles-ci. Nonobstant ces
atermoiements et malgré la fin du contrat précédant, la
FIF, pour montrer sa volonté de conclure avec son
partenaire traditionnel, a accepté qu’ORANGE CI
continue d’exploiter les droits de marketing
contenus dans l’accord échu. Plus de sept mois après
la fin de notre précédent contrat et après plusieurs mois
de négociations, nous constatons, non sans regrets,
qu’un nouvel accord est impossible à trouver, en l’état
actuel, tant les dernières difficultés semblent
insurmontables. Dans cette situation, il appartient aux
deux parties de regarder la réalité en face et décider si
oui ou non elles acceptent de conclure en l’état. Pour ce
qui la concerne, la FIF croit avoir fait ses meilleurs
efforts et invite ORANGE CI à se déterminer par écrit. A
défaut d’une réponse positive de la part d’ORANGE CI
sous huitaine, chaque partie devra constater l’échec des
négociations et en tirer toute conséquence de droit.
Evidemment, nous nous tenons à votre disposition s’il
vous fallait davantage d’informations. Veuillez agréer,
Monsieur le Directeur Général, l’expression de nos
meilleures salutations. »
La société Orange produit également une lettre du 21
novembre 2012 à elle adressée par la FIF ainsi libellée
« Monsieur le Directeur Général, le 18 septembre 2012,
j’ai attiré votre attention sur le fait que le contrat de
sponsoring qui liait nos deux structures était arrivé à
11
échéance depuis le 21 février 2012 et que les
négociations pour signer un nouveau contrat trainaient
de façon inacceptable pour la fédération. Suite à cette
interpellation, j’ai noté une certaine évolution dans vos
positions et invité nos collaborateurs à se rapprocher et
achever nos pourparlers par la rédaction des nouvelles
conventions de sponsoring (ELEPHANTS ET LIGUE 1).
Aujourd’hui, je suis au regret de constater qu’après deux
mois les discussions sur les deux conventions n’ont pu
aboutir. Par conséquent, je me vois dans l’obligation de
vous informer de notre décision d’y mettre un terme et
de tirer toutes les conséquences de cet échec. Je vous
invite à en prendre acte dans les 48 heures afin de nous
permettre d’orienter nos recherches de sponsoring vers
d’autres annonceurs. De même, j’ai instruit la
Direction Exécutive et la Commission marketing de
la FIF de se rapprocher de vos services afin qu’il
soit mis un terme, dans les meilleurs délais et
conditions, aux prestations qui relèvent encore du
contrat échu. Au 30 novembre 2012 au plus tard, ces
prestations doivent prendre fin. La présente note valant
mise en demeure, je vous exhorte à instruire vos
services des mêmes missions. Veuillez agréer,
Monsieur le Directeur Général, l’expression de nos
meilleures salutations. » A cela s’ajoute la lettre du 23
janvier 2013 à elle également adressée par Maître
DADIE-SANGARET, Avocat de la FIF ainsi libellée
« Monsieur le Directeur, je vous informe de ma
constitution pour la défense des intérêts de la
Fédération Ivoirienne de Football (FIF) qui a constaté
que, dans le cadre de la campagne commerciale et
marketing pour la Coupe d’Afrique des Nations 2013,
votre entreprise a fait poser depuis le vendredi 4 janvier
2013, sur de nombreux panneaux publicitaires des
affiches présentant, entre autres, le capitaine de l’équipe
nationale de Côte d’Ivoire vêtu du maillot national des
Eléphants avec le dossard numéro 11 qui est son
numéro en équipe nationale. Pourtant vous n’êtes pas
sans ignorer que le contrat de sponsoring qui liait,
depuis le 26 janvier 2006, ORANGE Côte d’Ivoire à la
Fédération Ivoirienne de Football, est arrivé à échéance
le 21 février 2012. Après cette date, ORANGE Côte
d’Ivoire a continué à exploiter les droits marketing et
commerciaux, avec l’accord tacite de la FIF, compte
tenu des relations commerciales ayant existé d’une
12
part et parce que d’autre part, les négociations pour
le renouvellement du contrat se poursuivaient.
Cependant, malgré les discussions qui se sont étalées
sur plus de dix mois entre la FIF et Orange, aucun
accord n’est, intervenu, à tel point que la FIF a mis fin
aux discussions par lettre du 21 novembre 2012. C’est
donc avec surprise que la FIF a vu surgir lesdites
affiches, notamment sur les façades du STADA
HOUPHOUET-BOIGNY, et en d’autres lieux, alors
qu’Orange a renoncé à assurer le sponsoring de la FIF
et des ELEPHANTS et ne peut donc plus associer, ni sa
marque, ni son label aux différentes compétitions
sportives et à l’image d’un ou de plusieurs membres de
l’équipe nationale. Cette utilisation non autorisée de
l’image et du maillot des Eléphants de Côte d’Ivoire par
votre société, augmentée de l’exploitation indue des
droits marketing et commerciaux du 22 février 2012 à ce
jour, cause un immense préjudicie à la FIF aggravé par
les multiples atermoiements de votre société qui ont
empêché la FIF de se trouver un autre sponsor. Aussi,
par la présente, j’ai mission de vous inviter à faire
cesser, dans les 48 heures à compter des présentes, le
trouble créé par l’utilisation abusive de l’image du
Capitaine des ELEPHANTS arborant le maillot de
l’équipe nationale, en procédant au retrait immédiat de
ces affiches. Ensuite, vu la nature des relations passées
avec la FIF, cette dernière souhaiterait faire l’économie
d’un procès en vous proposant une rencontre qui
pourrait se tenir en présence des conseils, dans les
meilleurs délais, afin d’arrêter d’un commun accord le
montant d’une indemnisation adéquate des préjudices
subis par la FIF. Cependant au vu des longs mois de
tergiversations, ma cliente, me demande de passer à la
phase contentieuse, faute de réponse, sous huitaine.
Dans cette l’attente, veuillez agréer, Monsieur le
Directeur, l’expression de mes salutations distinguées. »
De l’examen attentif de ces trois lettres, il ressort avec
clarté que l’exploitation des droits marketing issus du
contrat de sponsoring échu a été autorisée par la FIF
tantôt pour montrer sa bonne foi tantôt en raison des
relations commerciales ayant existé entre les parties et
des négociations en cours pour le renouvellement du
contrat de sponsoring échu. Dans ces conditions, la FIF
est mal venue à qualifier l’attitude de la société
13
ORANGE fautive, ayant elle-même donné son accord à
ce que la société ORANGE se conduise ainsi, c’est-àdire qu’elle continue à exploiter les droits marketing
issus du contrat de sponsoring échu.
Relativement à la période qui a débuté le 4 janvier 2013,
le litige porte sur des affiches apposées par la société
ORANGE montrant Monsieur Didier DROGBA portant le
dossard N° 11 et vêtu d’un maillot Orange-Blanc-Vert
avec des mentions de la CAN 2013, image qui selon la
FIF constitue une exploitation abusive de l’image de
l’équipe
nationale
à
laquelle
elle
renvoie
nécessairement.
Il est constant que ces images se trouvent à divers
endroits de la ville d’Abidjan. Il est également constant
que sur ces affiches, l’on voit Monsieur Didier DROGBA
vêtu d’un maillot aux couleurs Orange-Blanc-Vert,
comportant sur le tee-shirt un dessin d’éléphant en
filigrane avec le N° 11, ainsi que des mentions relatives
à la CAN 2013. Pour que ces images induisent une
faute délictuelle de la société Orange, il importe que
celle-ci n’ait aucun droit à l’exploitation de l’image
individuelle de Monsieur Didier DROGBA, ou que son
image, en cas d’existence d’un droit d’exploitation, ait
été associée à celles d’autres membres de l’équipe
nationale, ou encore que la FIF ait un droit exclusif à
l’utilisation des couleurs Orange-Blanc-Vert ainsi que
sur le dessin de la tête d’éléphant se trouvant sur le
maillot ou que Monsieur Didier DROGBA n’ait porté le
dossard N° 11 que lors de sa sélection en équipe
nationale.
Le tribunal constate que la société ORANGE a produit
un protocole d’accord signé le 28 avril 2010 avec
Monsieur Didier DROGBA dans lequel celui-ci a autorisé
la société ORANGE à exploiter son image à des fins
publicitaires /promotionnelles et/ ou commerciales. Le
tribunal constate également que sur les affiches
incriminées, il n’est vu que Monsieur Didier DROGBA
seul avec derrière lui des silhouettes en différentes
positions, sans identification ni des corps ni des visages.
La FIF prétend qu’il s’agit des joueurs de l’équipe
nationale. Invitée à donner l’identité de ces joueurs, elle
a été dans l’incapacité de le faire, de sorte que le
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tribunal constate qu’elle n’a pu prouver qu’il s’agit d’une
image collective des joueurs de l’équipe nationale.
Le tribunal constate en outre que les couleurs des
maillots dont est vêtu Monsieur Didier DROGBA sont les
couleurs Orange-Blanc-Vert qui, en association,
constituent les couleurs du drapeau de la République de
Côte d’Ivoire ainsi que cela ressort de l’article 29 de la
Constitution du 1er Août 2000 qui dispose que
« L’emblème national est le drapeau tricolore orange,
blanc, vert, en bandes verticales et d’égales
dimensions. »
Pour que la FIF, qui assure la gestion de l’équipe
nationale, puisse reprocher valablement à la société
ORANGE une faute dans l’utilisation de ces couleurs,
elle doit prouver en avoir le droit d’usage exclusif ; ce
qu’elle n’a pu faire en l’espèce. Du reste, l’une des
couleurs, la couleur orange fait partie, et cela de façon
non contestée, des codes couleurs de la société
ORANGE, qui l’a toujours utilisée sur différents supports
et en diverses circonstances.
Le tribunal constate concernant l’utilisation de la couleur
Orange et le dessin de la tête d’éléphant avec une
trompe allongée et étirée de façon particulière, que
celle-ci ne peut être considérée comme fautive que si ce
dessin a fait l’objet d’une protection au sens du droit de
la propriété intellectuelle par la FIF. Invitée à en apporter
la preuve, la FIF a été dans l’incapacité de le faire, de
sorte que querelle ne peut être faite non plus à la
société ORANGE sur ce point, alors surtout que nulle
part sur le maillot incriminé l’on ne voit le logo de la FIF.
Le tribunal constate concernant le dossard N° 11 ainsi
qu’il est ressortit du reste de la mise en état que celui-ci,
a été porté par Monsieur Didier DROGBA dans d’autres
équipes, de sorte que le trouver sur le maillot porté par
Monsieur Didier DROGBA sur les affiches incriminées,
ne peut être considéré raisonnablement comme
renvoyant nécessairement à la sélection nationale.
Enfin, le tribunal constate que relativement aux
mentions CAN ORANGE 2013 figurant sur les affiches
critiquées par la FIF, la société ORANGE produit au
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dossier des pièces lui permettant, par le biais de la
société France TELECOM, de les faire figurer en toute
légalité sur lesdites affiches.
Au total, le tribunal constate que concernant la période
qui a débuté le 4 janvier 2013, aucune faute n’a été
commise par la société ORANGE susceptible d’engager
sa responsabilité vis-à-vis de la FIF. Cette faute n’ayant
pas été prouvée, il est sans intérêt de rechercher le
préjudice subi par la FIF ainsi que le lien de causalité.
Il y a lieu dès lors de débouter la FIF de sa demande en
paiement et de sa demande tendant à ce qu’injonction
soit faite à la société ORANGE d’avoir à enlever les
affiches en litige, sous astreinte comminatoire.
Sur l’exécution provisoire et les dépens
La FIF ayant été déboutée de sa demande, il n’y a pas
lieu d’ordonner l’exécution provisoire de la présente
décision, rien n’étant à exécuter.
Concernant les dépens, la FIF ayant succombé, elle doit
les supporter.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement et en premier
ressort ;
Vu l’ordonnance N° 001049 du 22 mars 2013 rendue
par le juge rapporteur déclarant recevable l’action initiée
par la FIF contre la société ORANGE ;
Constate la non-conciliation des parties ;
Dit la FIF mal fondée en son action ;
L’en déboute ;
La condamne aux dépens.
Et avons signé avec le Greffier./.
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