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« Plouf ! »
ou étude de l’entrée d’un corps dans l’eau
Frédéric Élie, mai 2010
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clairement l’auteur et la référence de l’article.
Etudier l’entrée d’un corps tombant dans l’eau, et les premiers instants de son
mouvement dans le liquide, c’est tout simplement relever un défi ! En effet, le problème
est complexe par la multiplicité et l’interdépendance des paramètres qui entrent en jeu.
Par exemple la forme de l’objet agit directement sur la poussée d’Archimède qu’il
rencontre dès qu’une partie de lui commence à être immergée. Et cette forme immergée
varie avec le temps au fur et à mesure de sa pénétration dans l’eau. Ou encore, l’objet
subit de la part du fluide une force de résistance dont l’amplitude varie avec la section
projetée, ou maître-couple, de la partie immergée. Or cette section varie au cours du
temps lors de la progression de l’objet dans l’eau. On peut aussi évoquer le fait que, lors
de la rencontre de l’objet avec la surface de l’eau, si elle s’effectue avec une certaine
force (qui dépend par exemple de la hauteur de chute), l’eau se comporte comme un
milieu doté d’une certaine raideur, laquelle tend à freiner, parfois tragiquement, la
progression de l’objet en un temps extrêmement court. C’est ainsi, par exemple, qu’un
skieur nautique peut se blesser ou se tuer si, par un mauvais mouvement, il tombe sur la
surface de l’eau : avec une vitesse de chute suffisante tout se passe comme s’il tombait
sur une dalle de béton d’une hauteur de plusieurs mètres ! Citons aussi, dans cet ordre
d’idée, le cas du plongeur qui fait un « plat » à la surface de l’eau depuis plusieurs
mètres.
Avec tous ces problèmes à résoudre, je ne prétends pas ici modéliser de façon
exhaustive et précise le processus de pénétration d’un corps dans l’eau. Je traiterai la
question de manière très simplifiée :
d’abord, je considérerai que l’entrée du corps dans l’eau se déroule suivant
deux phases successives et indépendantes (en réalité elles ne le sont pas) :
·
une première phase où le corps est partiellement immergé de manière
progressive ;
·
une deuxième phase où le corps est totalement immergé et poursuit sa
trajectoire dans l’eau.
ensuite, je négligerai l’effet de la raideur équivalente de la surface de l’eau.
Cela revient à limiter le problème au cas où la vitesse initiale de pénétration dans
l’eau est faible (le corps tombe d’une hauteur assez petite) ;
le corps est supposé d’une densité uniforme ;
sa forme suit une symétrie de révolution (sphère, cylindre, ellipsoïde…) ;
le milieu aquatique est supposé d’extension infinie, autrement dit les effets de
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bord sont inexistants. Une boule qui tombe dans une cuve de dimensions de
même ordre que son diamètre n’a pas le même comportement que dans un étang
(en milieu confiné les effets de tension superficielle, de couche limite, etc.,
interviennent).
Alors pourquoi s’embêter à
traiter le problème d’entrée d’un
corps dans l’eau avec de telles
simplifications, alors que des
codes de calcul sophistiqués
arrivent
à
le
faire,
demanderaient
mes
amis
Photon et Méson ?
Réponse toute simple : c’est pour vous faire toucher du doigt, et surtout de la tête, les
phénomènes de mécanique des fluides. A titre d’exercice, donc !
Et avouez que ce serait assez drôle que, avec une approche aussi élémentaire, la
comparaison de nos résultats avec des relevés expérimentaux soit assez bonne, ce que
nous proposons en seconde partie de cet article.
A ce qu’il paraît, un bon modèle physique est celui qui sait simplifier la complexité du
réel à bon escient !...
Comme je l’ai dit en introduction, l’entrée d’un corps dans l’eau est décomposée en deux
phases :
1 – le corps a une partie immergée dans l’eau, et une autre dans l’air. ces parties changent au
cours du temps.
2 – le corps est ensuite totalement immergé (sous certaines conditions que nous allons établir).
Dans tout le problème on suppose que le corps est de symétrie de révolution.
1 – étude de la phase 1
La géométrie du problème est donnée à la figure 1.
BXY est le repère lié au corps, B étant son point le plus bas ;
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-
-
le corps n’étant
pas
complètement
immergé, la force de
traînée est supposée
négligeable mais la
poussée d’Archimède
A augmente avec le
volume immergé V(z),
où
z
désigne
l’immersion de B dans
le repère Oxy lié à la
surface de l’eau : y =
-z (z > 0), AB = H ;
G est le centre
d’inertie du corps ;
P est le centre de
poussée du corps ;
r est la masse
volumique du corps,
supposée homogène ;
r0 est la masse
volumique de l’eau.
figure 1 – géométrie du problème du corps partiellement immergé dans l’eau
Nous projetons sur l’axe Oy les forces auxquelles le corps est soumis :
son poids : P = - mg
la poussée d’Archimède qui s’exerce sur le volume immergé V(z) : A = r0 g V(z)
L’application du principe fondamental de la dynamique de Newton :
mdv/dt = P + A
se projette sur Oy :
Le corps étant supposé de révolution, son rayon à l’altitude Y est exprimé par une relation X
= X(Y), et l’élément de volume est :
dV(Y) = pX²(Y)dY
soit pour la partie immergée :
et l’équation du mouvement s’écrit de manière générale pour un corps de révolution :
avec pour condition initiale : t = 0, z = 0 et (dz/dt)t=0 = v0 (vitesse initiale d’entrée dans l’eau).
Si le corps tombe d’une hauteur h0 la vitesse initiale est :
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Exemple : Appliquons (1) au cas d’un corps de forme cylindrique de rayon X(z) = R et de masse
m = rpR²H (H longueur du cylindre). On obtient :
soit :
donc :
Avec le changement de variable V = z - Hr/r0 on obtient l’équation du mouvement :
qui est l’équation de l’oscillateur harmonique de pulsation donnée par :
Cherchons les solutions de (2a) sous la forme :
Du changement de variable mentionné ci-dessus et des conditions initiales dz/dt = v 0 pour t = 0,
et z(0) = 0 donc V (0) = -rH/r0 on tire :
d’une part : A = v0/w cosj, avec
et d’autre part :
La loi du mouvement en phase 1 s’écrit donc :
où j et w sont donnés par (2b) et (3). On a bien z = 0 pour t = 0 compte tenu de (3).
L’exemple du corps cylindrique, cas le plus simple, va nous permettre d’introduire le temps
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d’immersion, c’est-à-dire le temps q au bout duquel l’objet est complètement immergé : z = H.
L’équation (4) donne pour ce temps q :
qui se réécrit :
La valeur absolue du terme de gauche doit donc être inférieure à 1, en élevant au carré il vient :
En remarquant que
et en utilisant (3) on obtient en définitive une condition nécessaire pour que le temps
d’immersion existe :
C’est une condition sur la hauteur de chute minimale lorsque est fixée la densité du corps. Pour
qu’il y ait immersion totale lors de l’entrée du corps cylindrique dans l’eau l’objet doit tomber
d’une hauteur suffisante si la densité du corps est inférieure à la moitié de celle de l’eau. Si elle
lui est supérieure (corps relativement dense) la condition (6) est toujours vérifiée et l’immersion
totale peut être atteinte.
Si (6) est satisfaite alors le temps d’immersion q est tel que l’on ait (5), soit :
où, rappelons-le, j et w sont donnés par (3) et (2b).
2 – étude de la phase 2
figure 2 – géométrie pour le corps complètement immergé
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Admettons que pour
un corps quelconque à
symétrie de révolution
le temps d’immersion q
existe et suit une loi
plus générale que (7)
(établie pour le cas
particulier d’un corps
cylindrique).
Au bout de ce temps
d’immersion, s’il existe,
le corps passe en
régime d’un corps
complètement
immergé et la force de
traînée T intervient
immédiatement sans
attendre le premier
instant correspondant
à la période 1/w
(autrement
dit
les
effets de traînée interviennent dès la première période d’oscillations du corps et ont pour effet
de faire évoluer la loi de comportement du corps dans l’eau).
La géométrie du problème est présentée à la figure 2 ci-contre.
Projetons sur l’axe vertical Oy le bilan des forces exercées sur le corps :
où :
-
force de pesanteur :
-
poussée d’Archimède :
-
traînée :
où S est l’aire de la plus grande section projetée suivant Oy du corps immergé (le « maîtrecouple »), V est le volume complet du corps, C Y est le coefficient de traînée (il dépend
uniquement de la forme de l’objet). Après projection sur Oy nous obtenons donc :
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Tentons une résolution analytique de l’équation du mouvement (8) qui est non linéaire. Pour
cela on pose : u = dz/dt (la vitesse). En posant :
l’équation (8) se réécrit :
Cherchons les solutions dans le cas du cylindre, nous avons alors :
et (9) devient :
avec, pour un cylindre, CY = 1,1.
Les solutions dépendent du signe de « a » : a < 0 (donc pour r < r0, corps moins dense que
l’eau) et a > 0 (donc pour r > r0, corps plus dense que l’eau) :
 cas a < 0 :
On pose a = -p, où p > 0. L’équation du mouvement devient alors :
cette équation s’intègre entre l’instant initial pris égal à q (corps devenu complètement immergé)
et un instant t quelconque (t > q) :
ce qui donne :
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u(q) = v1 étant la vitesse du corps à l’instant q de sa complète immersion. Cette vitesse, initiale
pour la phase 2, et finale pour la phase 1, est obtenue par :
avec z(t) donnée par la loi horaire (4) de la phase 1, on obtient la vitesse d’immersion de l’objet
dans cette phase :
où j est calculé par (3). En t = q la relation précédente donne v1 :
où w est donnée par (2b) et q par (7).
Existe-t-il un temps t où la vitesse s’annule (u = 0) et donc à partir duquel le corps remonte vers
la surface ? S’il existe, il est obtenu à partir de (11) où l’on fait u(t) = 0 pour t = t, ce qui donne
immédiatement :
v1 étant donné par (12).
 cas a > 0 :
L’équation du mouvement s’écrit cette fois, avec a et b positifs :
qui s’intègre aisément, entre l’instant initial q et un instant ultérieur t > q selon :
où u(q) = v1 est encore donnée par (12).
Le temps t, défini de la même manière que dans le cas a < 0 précédent, s’obtient en faisant
u(t) = 0 dans (14), d’où :
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Remarquons que v1 étant positive, car prise dans le sens de Oz (sens descendant), on a t < q
ce qui n’a pas de sens physique. En conséquence, d’après notre modèle, le cas d’un corps qui
remonte vers la surface après être entré complètement dans l’eau ne peut se produire que pour
a < 0, soit r < r0 (corps moins dense que l’eau) sous réserve que la condition (6) soit satisfaite.
3 – vérification expérimentale
On cherche à vérifier, pour un corps cylindrique un peu moins dense que l’eau, par une
expérience heuristique, le temps d’immersion complète (7) et le temps t au bout duquel le corps
complètement immergé ne descend plus et amorce sa remontée vers la surface (relation (13)).
La géométrie et la masse du corps étant imposées, le paramètre du problème est la hauteur de
chute h0 ; pour chaque valeur de h0 on relève par un camescope numérique, à raison de 25
images par seconde, les temps q et t que l’on compare aux valeurs théoriques calculées par (7)
et (13).
Données du corps cylindrique :
Rayon : R = 7,5 mm
Longueur : H = 67 mm
Masse : 10 grammes
d’où une masse volumique r = 844,6 g/litre (la masse
volumique de l’eau est prise égale à r0 = 1000 g/litre).
Les différentes hauteurs de chute testées sont h 0 = 10 cm,
13 cm, 17 cm, 22 cm, 27 cm, mesurées entre le centre
d’inertie du cylindre et la surface de l’eau.
Les valeurs relevées figurent au tableau ci-dessous, et les
photos 3 à 7 montrent les différentes phases du
comportement de l’objet dans l’eau :
 lorsque l’extrémité inférieure du corps commence à toucher la surface de l’eau : t = 0
 lorsque l’objet est totalement immergé : t = q
 lorsque l’objet arrête de s’enfoncer dans l’eau et va amorcer sa remontée vers la
surface : t = t.
Enfin, les courbes des figures 8 et 9 montrent la comparaison entre les valeurs calculées et
mesurées des temps q et t.
h0 (cm)
q (s)
t (s)
27
0,04
0,3
22
0,04
0,32
17
0,04
0,3
13
0,04
0,24
10
0,04
0,24
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figure 3 – h0 = 10 cm ; de gauche à droite : t = 0 entrée dans l’eau, t = q = 0,04s, t = t = 0,24s
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figure 4 – h0 = 13 cm ; de gauche à droite : t = 0, t = q = 0,04s, t = t = 0,24s
figure 5 – h0 = 17 cm ; de gauche à droite : t = 0, t = q = 0,04s, t = t = 0,3s
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figure 6 – h0 = 22 cm ; de gauche à droite : t = 0, t = q = 0,04s, t = t = 0,32s
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figure 7 – h0 = 27 cm ; de gauche à droite : t = 0, t = t = 0,3s
Avec les données précédentes les courbes théoriques et les valeurs mesurées de q et t pour
différentes valeurs de la hauteur de chute sont présentées ci-après :
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figure 8 – courbe théorique et relevés expérimentaux de q
figure 9 – courbe théorique et relevés expérimentaux de t
La loi des vitesses est donnée pour la phase 1 (0 £ t £ q) par :
et pour la phase 2 (q £ t) par (11) ; en appliquant la fonction tangente, on obtient :
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La figure 10 ci-dessous représente ces lois de vitesse pour les deux phases, pour différentes
valeurs de h0, avec les mêmes données que dans l’expérience. Elle montre bien un
changement de régime entre les deux phases, au niveau de la courbe où une discontinuité
apparaît : le temps correspondant est le temps d’immersion q (formule (7)).
Lorsque la vitesse u(t), comptée dans le sens vertical descendant, atteint la valeur zéro, le
temps correspondant est celui t (formule (13)) où le corps arrête son immersion et commence
sa remontée vers la surface (avec la vitesse négative).
Comme il fallait s’y attendre, les courbes montrent que la vitesse d’immersion est d’autant plus
grande que la hauteur de chute est élevée, pour un corps de moindre densité que l’eau, et que
le temps d’arrêt de l’immersion augmente avec la hauteur de chute (le corps s’enfonce plus
profondément avant de remonter). Quant au temps d’immersion, il est d’autant plus long que la
hauteur de chute est faible.
figure 10 – vitesse d’immersion d’un corps cylindrique tombant dans l’eau, paramétrée par la
hauteur de chute h0
(voir données du cylindre dans le texte)
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