Grippe aviaire : chez les oiseaux sauvages, les épidémies se
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Grippe aviaire : chez les oiseaux sauvages, les épidémies se
Fiche n°326 - Septembre 2009 L e virus H1N1 menace actuellement la planète d’une pandémie de grippe A. Mais qu’en est-il de son tristement célèbre cousin H5N1 et autres virus de l’influenza aviaire1 ? Contrairement au premier, ils ne présentent que peu de risque de contamination pour l’homme. En effet, la grippe aviaire n’est pas transmissible d’humain à humain. Ces derniers ne contractent la maladie que lors de contacts étroits, prolongés et répétés avec des animaux infectés. En revanche, alors que H1N1 n’est pas très virulent, certains virus de l’influenza aviaire, comme le H5N1, peuvent entraîner une grave maladie, dont l’issue est souvent fatale. Chez les oiseaux, la situation est plus complexe : les symptômes sont variables, d’une maladie bénigne chez les oiseaux sauvages jusqu’à une infection rapidement mortelle chez les volailles domestiques. Comment une épidémie se déclare-t-elle ? Jusqu’à présent, les pays du Sud étaient montrés du doigt, notamment pour le H5N1, accusés de contaminer le Nord via les oiseaux migrateurs. Or, les chercheurs de l’IRD et leurs partenaires2 ont montré que flambées épidémiques et migrations ne sont pas synchrones. Chez les oiseaux sauvages, la persistance dans l’eau des virus joue un rôle majeur dans les cycles épidémiologiques. Grippe aviaire : chez les oiseaux sauvages, les épidémies se propagent via l’eau La Camargue, ici l’étang du Vaccarès, constitue un « point chaud » potentiel pour l’introduction de pathogènes par les oiseaux sauvages. © Tour du Valat : Michel Gauthier (photo en haut à gauche) et Thomas Galewski. Pour quelque 250 espèces d’oiseaux, la Camargue est une halte migratoire indispensable à l’automne et au début du printemps sur leur trajet entre l’Europe et l’Afrique. Une position qui fait de cette zone humide du sud-est de la France un « point chaud » potentiel pour l’introduction et la transmission de pathogènes par les oiseaux sauvages. Qu’en est-il des épidémies de grippe aviaire ? Les chercheurs de l’IRD et leurs partenaires2 viennent de démontrer qu’elles ne s’expliquent pas seulement par l’arrivée des oiseaux, en provenance du Sud ou du Nord. Des oiseaux mais pas d’épidémie Afin de comprendre comment surviennent les flambées épidémiques, les chercheurs ont compilé des données démographiques et épidémiologiques sur les oiseaux sauvages circulant en Camargue de septembre 2005 à juillet 2006. Canards, passereaux, mouettes, hérons et flamants roses, … plus de 90 espèces ont été passées en revue. Les scientifiques ont ensuite dévelop- pé un modèle mathématique qui reproduit les dynamiques des virus et des populations de l’hôte – les oiseaux. Résultat ? Migrations et flambées d’influenza ne coïncident pas. Les premières n’expliquent pas complètement la dynamique de la maladie observée. Des virus persistants dans le milieu Les épidémies ne sont donc pas nécessairement dues à l‘arrivée des oiseaux. Les particules virales sont donc persistantes dans l’environnement aquatique et les flambées épidémiques sont déclenchées par un ou plusieurs autres paramètres. Deux voies principales de transmission peuvent alors être impliquées dans la propagation de la grippe aviaire : une contamination par contact direct d’individu à individu et une transmission par l’eau. Les oiseaux peuvent contracter la maladie et engendrer une flambée épidémique en buvant ou bien en filtrant l’eau lorsqu’ils mangent. Les chercheurs tentent désormais de comprendre comment les pathogènes persistants dans l’environ- Institut de recherche pour le développement - 44, boulevard de Dunkerque, CS 90009 F-13572 Marseille Cedex 02 - France - www.ird.fr Retrouvez les photos de l'IRD concernant cette fiche, libres de droit pour la presse, sur www.ird.fr/indigo CONTACTS : Benjamin ROCHE, chercheur à l’IRD Department of Ecology and Evolutionary Biology nement influencent les dynamiques épidémiques, qui dépendent à la fois de l’écologie de l’hôte (densité de poAdresse : pulation, migrations) et de l’environThe Center for Complex nement (persistance des virus, ...). Ils Systems Studies cherchent également à déterminer et University of Michigan hiérarchiser le rôle des différents fac830 North University teurs déclenchants des épidémies : 2014 Kraus Natural Science présence des virus dans l’eau, départ Building Ann Arbor, MI 48109-1048, USA en migration, etc. La grippe : de l’oiseau à l’homme Tél : +1 (706) 248 9035 Les oiseaux sauvages aquatiques – [email protected] canards, oies, cygnes, mouettes, Jean-François GUEGAN, échassiers – constituent un vaste rédirecteur de recherches à l’IRD servoir naturel des virus influenza UMR Génétique & Evolution des aviaires : ils sont porteurs de la malaMaladies Infectieuses – GEMI die mais celle-ci ne se manifeste que (IRD, CNRS, Université de par de légers symptômes, voire passe Montpellier) inaperçue. À l’inverse, les volailles doAdresse : mestiques peuvent être la source de IRD Montpellier virus hautement pathogènes respon911 avenue Agropolis sables d’importantes épidémies et de BP 64501 forts taux de mortalité. 34394 Montpellier cedex 5 Lors de contacts rapprochés et proTél : +33 (0)4 67 41 62 05 longés avec des animaux infectés ou [email protected] avec des objets contaminés par leurs déjections, l’homme peut également RÉFÉRENCE : être affecté et contracter une grave Roche B., Lebarbenchon C., maladie respiratoire, accompagnée de Gauthier-Clerc M., Chang C.M., fortes fièvres, à la mortalité potentielleThomas F., Renaud F., van der Werf S. and Guégan J.F. Water- ment très élevée, comme dans le cas du H5N1 hautement pathogène. Bien borne transmission drives avian influenza dynamics in que l’infection ne soit pas transmissible wild birds: the case of the d’homme à homme, les scientifiques 2005-2006 epidemics in the craignent des mutations génétiques de Camargue area. Infection, certains virus qui pourraient entraîner Genetics and Evolution, 9(5), une pandémie de grippe humaine. p. 800-805, 2009 L’accusation envers les pays du Sud doit être réétudiée sous un jour nouveau : MOTS CLÉS : les virus de la grippe aviaire sont naturellement persistants dans l’environnement aquatique, notamment en Camargue, et les dynamiques épidémiques ne sont pas seulement dues à une contamination par les oiseaux migrateurs en provenance d’Afrique. Dans le cas de formes hautement pathogènes comme pour le H5N1, le rôle de l’environnement dans la persistance et la transmission du virus doit être précisément évalué afin de prévenir de nouvelles flambées. Rédaction DIC - Gaëlle Courcoux 1. La maladie peut être provoquée par une multitude de virus influenza de type A, identifiés par les lettres H et N. Grippe aviaire, virus, eau, Camargue RELATIONS AVEC LES MÉDIAS : Vincent Coronini +33 (0)4 91 99 94 87 [email protected] INDIGO, PHOTOTHÈQUE DE L’IRD : Daina Rechner +33 (0)4 91 99 94 81 [email protected] www.ird.fr/indigo © Tour du Valat / T. Galewski © Tour du Valat / C. Lebarbenchon 2. Ces travaux ont été réalisés en collaboration avec des chercheurs du Centre de Recherche de la Tour du Valat à Arles, du CNRS, de l’Institut Pasteur et de la French School of Public Health à Montpellier. © T. du Valat / C. Lebarbenchon Fiche n°326- Septembre 2009 Pour en savoir plus Les virus de la grippe aviaire sont persistants dans l’environnement aquatique en Camargue. Les épidémies ne sont donc pas nécessairement dues aux oiseaux migrateurs (à gauche : une échasse blanche ; à droite : un fuligule morillon). Gaëlle Courcoux, coordinatrice Délégation à l’information et à la communication Tél. : +33 (0)4 91 99 94 90 - fax : +33 (0)4 91 99 92 28 - [email protected]