Pollution atmosphérique et reproduction - Pas-de

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Pollution atmosphérique et reproduction - Pas-de
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ÉPIDÉMIOLOGIE
ET POLLUTION
AT M O S P H É R I Q U E
A N A LY S E
CRITIQUE
D E S P U B L I C AT I O N S
I N T E R N AT I O N A L E S
Pollution atmosphérique
et reproduction
N°28
◆
J U I N 2006
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Directeur de la publication
Gilles Brücker
Directeur général de
l’Institut de veille sanitaire
Éditeur
Institut de veille sanitaire
InVS
12, rue du Val d’Osne
94415 Saint-Maurice Cedex
Tél. : 01 41 79 67 00
Fax : 01 41 79 68 40
Site Internet
Extrapol est disponible
sur le site de l’InVS
www.invs.sante.fr
Le champ des connaissances de l’impact sanitaire des pollutions atmosphériques
évolue constamment et rapidement.
De nombreuses enquêtes épidémiologiques sont très régulièrement publiées
dans la littérature scientifique internationale.
Pour les diffuser, en faire connaître la force et la faiblesse, pour qu’elles puissent
enrichir les connaissances de tous, spécialistes et non spécialistes, mais
acteurs dans le domaine de l’épidémiologie et de l’environnement, Extrapol
publie, sous la forme de numéros thématiques, des analyses commentées de
ces études.
Deux spécialistes, un épidémiologiste et un métrologiste, non impliqués dans
l’étude concernée, conjuguent leurs compétences sur le sujet traité et effectuent
ensemble une analyse critique de l’article.
Chacune est composée d’un résumé des objectifs, méthodes et résultats de
l’étude d’une part, et de commentaires d’autre part. Ces derniers portent sur la
validité interne, notamment sur les méthodes de mesure de l’exposition et de
l’effet sanitaire, et sur la validité externe de l’étude, c’est-à-dire sur sa cohérence
avec l’état des connaissances existantes.
Dans cette partie de leur travail, les analystes situent le niveau de confiance
qu’ils accordent aux résultats de l’enquête ainsi que leur valeur décisionnelle
dans les trois grands domaines que sont la recherche, l’action et la prévention.
Un long éditorial propose, dans chaque numéro, une synthèse de l’ensemble.
Parution
Trois fois par an
Comité scientifique
ISSN
0032-3632
Crédits photos
Dreamstime.com
Imprimeur
Rédaction Abonnements
[email protected]
René Alary, Laboratoire central de la préfecture de police de Paris (LCPP)
Jean-Guy Bartaire, Claudine Goldgewicht, Revue Pollution atmosphérique
Pierre-André Cabanes, Service des études médicales EDF/GDF
Christian Cochet, Séverine Kirchner, Observatoire de la qualité de l’air intérieur (OQAI)
Christian Elichegaray, Hélène Desqueyroux, Agence de l’environnement et de la maîtrise
de l’énergie (Ademe)
Véronique Delmas, Air normand
Jean-Marie Rambaud, Association pour la prévention de la pollution atmosphérique (APPA)
Martine Ledrans, Sylvia Medina, Institut de veille sanitaire (InVS)
Agnès Lefranc, Observatoire régional de santé (ORS) Île-de-France
Yvon Le Moullec, Laboratoire d’hygiène de la ville de Paris (LHVP)
Vincent Nedellec, Vincent Nedellec Consultant
Isabelle Nicoulet, Direction générale de la santé, ministère de la Santé et des Solidarités
Martine Ramel, Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris)
Françoise Ricordel, Sandrine Rocard, Direction de la prévention, de la pollution et des risques,
ministère de l’Écologie et du Développement durable
Alain Target, Association pour la protection de l’atmosphère (ASPA)
Denis Zmirou, Inserm Unité 420 - Vandœuvre-les-Nancy
Comité de rédaction
Edwige Bertrand, Alexandra Blondeau, Daniel Eilstein, Jacqueline Fertun, Agnès Lefranc,
Sylvia Medina
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Pollution atmosphérique
et reproduction
Les effets de la pollution atmosphérique en termes
de mortalité ou de morbidité respiratoire et cardiovasculaire sont aujourd’hui assez largement
documentés, même s’ils demeurent le champ de
multiples recherches.
Les connaissances concernant les effets de la
pollution atmosphérique sur la reproduction
humaine sont relativement plus restreintes.
La reproduction humaine regroupe l’ensemble des
étapes allant de la formation des gamètes à la
naissance. Les effets que la pollution atmosphérique
pourrait avoir sur l’ensemble de ces étapes sont
suspectés depuis longtemps. Ce n’est cependant
que récemment que les études épidémiologiques
dans ce domaine se sont largement développées.
Elles se heurtent, comme souvent dans le domaine
de la santé environnementale, à des difficultés
méthodologiques : choix des fenêtres d’exposition,
difficultés de mesure des expositions et de certains
des paramètres sanitaires… Malgré ces limites, les
résultats disponibles à ce jour suggèrent que la
pollution atmosphérique pourrait agir sur les
différentes étapes de la reproduction humaine. Des
liens sont ainsi observés avec la fertilité, la croissance
du fœtus, les naissances avant terme mais
également certaines malformations congénitales.
Des études complémentaires doivent être menées
afin de préciser l’exacte ampleur et les mécanismes
de ces effets.
Prochains numéros :
• Effets à long terme de la pollution atmosphérique : études européennes
• Effets à long terme de la pollution atmosphérique : études nord-américaines
Pollution atmosphérique n° 189
Extrapol est distribué avec la revue Pollution atmosphérique
1
Extrapol n° 28 - Juin 2006
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Sommaire
Éditorial
A time series analysis of air pollution
and preterm birth in Pennsylvania, 1997-2001
3
Les polluants de l'air influencent-ils
la reproduction humaine ?
par Rémy Slama
Analyses commentées
9
• Estimation du risque d’altération de la croissance
fœtale lié à l’exposition à de fines particules
durant la grossesse : une étude épidémiologique
de cohorte prospective en Pologne
9
Estimated risk for altered fetal growth resulting
from exposure to fine particles during pregnancy:
an epidemiologic prospective cohort
study in Poland
• Les polluants du trafic routier affectent
la fertilité chez les hommes
Traffic pollutants affect fertility in men
22
Sagiv SK. et al.
De Rosa M. et al.
25
Jedrychowski W. et al.
• Fécondabilité et exposition des parents
au dioxyde de soufre dans l'air ambiant
Fecundability and parental exposure
to ambient sulfure dioxide
• Relation entre la pollution atmosphérique
et certaines malformations congénitales,
dans sept comtés au Texas, 1997-2000
12
Dejmek J. et al.
Estimated relation between ambient air quality
and selected birth, seven county study,
1997-2000
• Association entre les niveaux de pollution
atmosphérique et la mortalité intra-utérine
à São Paulo, Brésil
Association between air pollution
and intrauterine mortality in São Paulo, Brésil
• Pollution de l’air et poids de naissance d’enfants
nés à terme en Californie
15
Luiz A. Pereira LA. et al.
Air pollution and birth weight among term
infants in California
• Proximité du domicile par rapport au trafic
routier et événements indésirables périnataux
dans le Comté de Los Angeles,
Californie, 1994-1996
Residential proximity to traffic and adverse
birth outcomes in Los Angeles County,
California, 1994-1996
32
Parker JD. et al.
19
Glossaire
35
Manifestations
36
Ces articles ont été analysés et commentés par :
Pierre-Yves Ancel, Mehdi Benchaïb, Benoit
Chardon, Christophe Declercq, Béatrice Ducot,
Aude Kostrzewa, Agnès Lefranc, Yvon LeMoullec,
Patricia Lozano, Frédéric Mahé, Adeline Maître,
Eléna Nerrière, Christian Renaudot, Rémy Slama.
Wilhelm M. et Ritz B.
• Étude des liens entre les niveaux de pollution
atmosphérique et le nombre de naissances
prématurées en Pennsylvanie, par une analyse
de séries temporelles, 1997-2001
Pollution atmosphérique n° 189
28
Gilboa SM.
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Éditorial
Les polluants de l'air influencent-ils
la reproduction humaine ?
Par Rémy Slama
Unité mixte Inserm-INED-U569-Épidémiologie, démographie et sciences sociales, Hôpital de Bicêtre, Université Paris-Sud
B
ien que certains travaux concernant l'influence de la
pollution de l'air sur la reproduction humaine remontent
aux années 1970 [1], c'est à partir de la fin des années
1990 que la question a réellement commencé à intéresser
les scientifiques. En excluant les études mentionnant les
effets du tabagisme, on répertoriait dans PubMed, pour
les années 2004-2005, sous les mots clés "Air pollution
et reproduction", 52 articles concernant l'Homme, contre
37 en 1999-2000 et 23 en 1994-1995 ; et il n'y avait que
10 articles sur ce thème en 1989-1990 [2]. Plusieurs
revues de la littérature ont été publiées très récemment
[3-6]. Il s'agit donc réellement d'un domaine qui s’ouvre
et pour lequel il est important de tenter de dresser un
premier panorama.
par la mesure des caractéristiques hormonales et
spermatiques, le pendant féminin de ces travaux reste
délicat en population générale du fait de l'utilisation très
fréquente de la contraception hormonale féminine et de
la difficulté de quantifier la réserve ovarienne.
L'étude de la probabilité de grossesse des couples,
marqueur de leur fertilité, peut se faire en mesurant le délai
nécessaire pour concevoir, qui dépend tout à la fois du
bon déroulement de la gamétogenèse masculine et
féminine et de la réussite de l'implantation de l'embryon,
ainsi que de sa survie, dans les toutes premières semaines
de grossesse. Nous verrons un exemple d'étude sur les
relations entre l'exposition à la pollution atmosphérique
et la probabilité de grossesse [10] ; malgré son originalité,
ce travail est peu informatif du fait de limites
méthodologiques dans la mesure de l'exposition, et la
question nécessite donc encore d'être défrichée.
La reproduction humaine
La reproduction humaine inclut l'ensemble des étapes
allant de la gamétogenèse, la conception, le
développement intra-utérin jusqu'à la naissance de
l'enfant. Son étude concerne tous les âges de la vie : les
nouveau-nés, les adolescents chez qui le développement
pubertaire peut être étudié, les adultes en âge de se
reproduire… Nous exclurons ici la littérature concernant
les effets de la pollution de l'air sur la santé et la mortalité
du nouveau-né, qui nécessite à elle seule de larges
développements [7].
Les épidémiologistes, cliniciens, endocrinologues ont
développé des outils permettant de caractériser les
différentes étapes de la reproduction [8,9]. Si la
gamétogenèse masculine peut être étudiée à l'âge adulte
Pollution atmosphérique n° 189
La mortalité intra-utérine est la plus élevée au cours du
premier trimestre de grossesse et est quantifiée par la
survenue de fausses-couches spontanées (jusqu'à 20
semaines de gestation) ou de mortinatalité (de 21
semaines de gestation jusqu'à la naissance). Si le risque
de fausse-couche spontanée n'a pas encore été étudié
en relation avec la pollution atmosphérique, il existe un
petit nombre d'étude sur la mortinatalité ; l'une d'entre
elles, réalisée à São Paulo [11], est présentée ici et va dans
le sens d'un effet délétère des polluants atmosphériques
sur la survie fœtale.
L'étude de la croissance intra-utérine se fait le plus
souvent par la mesure du poids et des mensurations à la
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naissance, elle nécessite de prendre en compte la durée
de gestation, ce qui peut être fait en se restreignant aux
naissances à terme (voir l'exemple de l'étude californienne
de Parker et coll. [12]), en étudiant le poids de naissance
ajusté sur la durée de gestation ou en identifiant les
nouveau-nés hypotrophes, c'est-à-dire ceux ayant un
poids de naissance faible par rapport à l'ensemble des
enfants ayant eu la même durée de gestation. La durée
de gestation peut être bien sûr aussi étudiée pour ellemême [13-14], d'autant que c'est un très fort marqueur
de l'état de santé de l'enfant dans la période périnatale ;
nous en verrons un exemple avec l'analyse par séries
temporelles de données de Pennsylvanie par Sagiv et ses
collaborateurs [14].
L'étude de la survenue d'anomalies congénitales
nécessite, dans le contexte où les techniques de
diagnostic prénatal sont largement répandues, de
chercher à prendre en compte, en plus des anomalies
détectées à la naissance, les interruptions de grossesse
réalisées à la suite de la détection d'une malformation
fœtale. Deux études américaines ont abordé la question
[15,16], et le commentaire réalisé sur l'étude de Gilboa
[15] illustre bien les enjeux méthodologiques que
pose ce type d'études : outre la difficulté d'inclure
les avortements thérapeutiques, la réalisation de
comparaisons multiples du fait du nombre important
de malformations possibles, la classification des cas
présentant des malformations multiples…
Le cycle de la fonction de reproduction (figure 1) reprend
à la nouvelle génération. Tout un pan de la problématique
actuelle de l'étude des effets de l'environnement
sur la santé reproductive concerne les effets
transgénérationnels, c'est-à-dire les effets sur la
reproduction des expositions subies avant la conception,
donc par la ou les générations précédentes.
Figure 1 : Les différentes étapes de la fonction de reproduction
Génération n
Génération n + 1
Naissance
Vie intra-utérine
Âge adulte
Vie intra-utérine
individus :
Spermatogénèse, ovulation,
cycle menstruel, ménopause
Croissance et survie intra-utérine,
gamétogénèse
Puberté
couples :
Croissance et survie
intra-utérine, gamétogénèse
Probabilité de grossesse
Poids de naissance, prématurité
termes de facteurs de confusion pouvant être pris en
compte (tabac…,) et de mesure de l'exposition : les
déménagements, assez fréquents en cours de grossesse
(peut-être de 10 à 20 % des couples, d'après des études
de cohortes européennes en cours), ne sont pas pris en
compte, pas plus que le budget espace-temps de la
femme enceinte. Une équipe pionnière dans ce domaine,
celle de Beate Ritz et Michelle Wilhelm de l'université de
Californie Los Angeles, a utilisé cette approche dès la fin
des années 1990 [17]. Un exemple récent de cette
approche auprès de 18 000 nouveau-nés californiens est
donné ici [12], il présente notamment l'intérêt de
s'intéresser aux particules fines (PM2,5).
Dans les cinq dernières années, des cohortes de femmes
enceintes ont été constituées. Si les effectifs sont,
naturellement, bien plus faibles (pour l'instant, quelques
centaines de femmes), ces cohortes permettent de
prendre en compte davantage de facteurs de confusion
pertinents, et surtout d'obtenir une mesure individuelle
de l'exposition. Une cohorte réalisée en Pologne auprès
de 360 femmes ayant porté un dosimètre à PM2,5 durant
Nous allons maintenant passer en revue deux étapes de
la fonction de reproduction pour lesquelles la littérature
sur les effets de la pollution de l'air commence à s'étoffer :
la spermatogenèse et, surtout, la prématurité et la
croissance intra-utérine.
Pollution de l'air et poids de naissance
C'est pour la prématurité et la croissance intra-utérine
que les travaux sur les effets de la pollution
atmosphérique sont les plus avancés et les plus variés
méthodologiquement. Schématiquement, les premiers
travaux sur la question reposaient sur les données de
certificats de naissance ; dans ce type d'approche,
l'exposition de la femme enceinte aux polluants de l'air
est estimée à partir de son adresse à la naissance de
l'enfant, en prenant en compte les données de la station
de fond la plus proche. Dans la mesure où il n'y a pas
d'interrogatoire spécifique, cette approche permet
d'inclure un grand nombre d'enfants (de l'ordre de la
dizaine de milliers), mais a d'importantes limites en
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qu'en fin de grossesse : ces biais de classement
sur l'exposition pourraient expliquer l'absence de
concordance entre les fenêtres d'exposition considérées
les plus “sensibles” par différentes études.
Les études sur le risque de naissance prématurée (avant
37 semaines de gestation) sont encore peu nombreuses
et indiquent un effet possible des particules en suspension
sur le risque de naissance prématurée [4], qui n'est pas
retrouvé dans la petite cohorte polonaise avec mesure
individuelle de l'exposition [18] dans laquelle la durée de
gestation est analysée de façon continue. La possibilité
d'un effet de la pollution atmosphérique sur la prématurité
pose la question de la pertinence de l'ajustement (ou de
la stratification) sur la durée de gestation dans l'analyse
des effets de la pollution atmosphérique sur la croissance
intra-utérine : dans la mesure où la prématurité pourrait
être une conséquence de l'exposition aux polluants de
l'air, il n'est peut-être pas pertinent de la prendre en
compte comme un facteur de confusion dans l'estimation
de l'effet de la pollution de l'air sur la croissance intrautérine.
48 heures est présentée ici [18]. Des études spécifiques
sont encore nécessaires pour comparer les mérites
respectifs d'une mesure individuelle unique intégrant
l'ensemble des lieux et situations d'exposition durant
quelques jours et ceux d'une estimation semi-individuelle
au domicile chaque jour de la grossesse à partir des
stations de fond.
Dans l'ensemble, la littérature présente donc une grande
variété d'études, tant sur le point de la mesure de
l'exposition (mesure écologique, semi-individuelle,
individuelle avec dosimètre, ou modélisation -encore
élémentaire, ainsi que le précise le commentaire- de la
pollution due au trafic, comme pour l'étude de Wilhelm
et Ritz [19]), que de l'événement de santé (prématurité,
poids de naissance moyen à terme, risque de petit poids
de naissance à terme, hypotrophie…) et de la
méthodologie d'enquête (cohortes de femmes enceintes,
voire séries temporelles).
Cette variété d'approches rend une synthèse des résultats
délicate. Si on se centre sur l'effet de l'exposition aux
PM2,5 sur le poids de naissance à terme, la cohorte
réalisée en Pologne aboutit à une estimation d'une
diminution de 140 g dans le poids de naissance quand
le niveau de PM2,5 augmente de 10 à 50 µg/m3 [18], ce
qui, en supposant la relation linéaire, correspondrait à une
diminution de 35 g pour une augmentation de 10 µg/m3
de la concentration de PM2,5. Les résultats de l'étude
basée sur le registre de naissances californien [12]
correspondent à une diminution de 29,3 g dans le poids
de naissance moyen à terme pour une augmentation de
10 µg/m3 dans la concentration de PM2,5, (intervalle de
confiance à 95 % : 16-42 g), tout à fait compatible avec
l'estimation issue de la cohorte, même si la comparaison
doit être faite avec prudence vu la différence de niveaux
d'exposition entre la Pologne et la Californie. Pour les
particules de plus grande taille (particules d’un diamètre
aérodynamique inférieur à 10 µm, ou PM10), les effets
rapportés sont généralement plus faibles et correspondent
à une diminution allant, selon les études, de 1 à 10 g du
poids de naissance moyen pour une augmentation de la
concentration en particules de 10 µg/m3 [3].
Parmi les autres polluants considérés, le monoxyde de
carbone a été décrit de façon assez consistante entre
les différentes études comme associé au poids de
naissance [4]. A partir d'une cohorte américaine avec
mesure individuelle de l'exposition, un effet possible des
hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) sur le
poids de naissance a aussi été décrit [6,20].
La question de savoir s'il existe une période de
susceptibilité particulière durant la grossesse n'a pas
été clairement tranchée [17,21]. L'adresse considérée
étant celle au moment de la naissance, les
déménagements en cours de grossesse ne sont pas, en
général, pris en compte, les biais de mesure sur
l'exposition sont donc susceptibles d'être plus importants
pour l'estimation de l'exposition en début de grossesse
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Éditorial
Mécanismes biologiques possibles
Les limites des études reposant sur les registres de
naissance incitent à être prudent vis-à-vis des associations
rapportées entre pollution de l'air et poids de naissance.
C'est, nous l’avons vu, pour les PM2,5, le CO et les
hydrocarbures aromatiques polycycliques qu'un effet
sur le poids de naissance a été décrit de la façon la plus
convaincante. Le mécanisme biologique qui sous tendrait
un tel effet n'en est pas pour autant établi. Une des
difficultés, générale à la problématique des effets de la
pollution de l'air, est qu'une association entre un polluant
spécifique et le poids de naissance peut très bien être due
à un ou d'autres polluants dont le niveau est corrélé à celui
qui a été pris en compte. L'effet des PM10 rapporté dans
certaines études pourrait, par exemple, être dû à la
corrélation des niveaux de PM10 avec les niveaux de
particules de plus faible diamètre qui pénètrent plus
profondément dans les poumons et qui pourraient, elles,
affecter la croissance intra-utérine. Et cet effet des
particules de faible diamètre pourrait être expliqué par la
présence de composés tels que ceux de la famille des
HAP qu'elles véhiculent. Les études prenant en compte
uniquement les PM10, plus fréquemment mesurées que
les PM2,5 ou les HAP, seraient alors intrinsèquement
limitées dans leur puissance, indépendamment de tout
biais de classement sur l'exposition.
D'une façon générale, le fait qu'un type de pollution de
l'air bien particulier, le tabagisme passif, influence le
poids de naissance [22] fournit une validation du principe
d'un effet de polluants de l'air sur le développement du
fœtus. Plus spécifiquement, on sait que certains polluants
de l'air, ou leurs métabolites, peuvent passer des alvéoles
pulmonaires aux capillaires sanguins, puis franchir la
barrière hématoplacentaire. Le monoxyde de carbone, par
5
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exemple, forme dans le sang maternel le complexe
carboxyhémoglobine qui limite la quantité d'oxygène
complexée avec l'hémoglobine et que l'on retrouve dans
le sang fœtal où il est plus stable que dans le sang
maternel. L'oxygénation du fœtus, et peut-être sa
croissance, pourrait ainsi être altérée. La concentration
en HAP dans l'air est corrélée à la présence d'adduits
entre les HAP et l'ADN fœtal prélevé à partir du sang du
cordon [23] ; cette exposition fœtale aux composés de
la famille des HAP, ou à leurs métabolites, pourrait
influencer le poids de naissance par des mécanismes de
mutagénicité. Les particules de faible diamètre
aérodynamique (2,5 µm ou moins), enfin, pénètrent
profondément dans le système respiratoire et entraînent
une augmentation de la viscosité plasmatique [24] ; ceci
pourrait limiter les échanges sanguins maternoplacentaires et ralentir la croissance intra-utérine.
connus par ailleurs pour influencer certaines
caractéristiques spermatiques.
Les caractéristiques spermatiques étudiées ne sont pas
seulement les paramètres "classiques" de concentration,
morphologie ou mobilité, qui sont associées à
la probabilité de grossesse [29], mais aussi des
caractéristiques du noyau des spermatozoïdes telles
que l'intégrité de l'ADN spermatique [26,28] ou le taux
d'aneuploïdie des spermatozoïdes. Ces caractéristiques,
en plus d'être associées à la probabilité de grossesse [30],
pourraient être prédictives du bon déroulement du
développement embryonnaire [31], voire de la survenue
d'anomalies chromosomiques ou génétiques dans la
descendance.
Des effets sur plusieurs générations ?
Cela soulève la question d'un effet possible des polluants
de l'air sur plusieurs générations. Jusqu'ici, les
caractéristiques de l'enfant ont principalement été mises
en relation avec les expositions subies durant sa vie
intra-utérine. L'influence des expositions maternelles
durant la période préconceptionnelle (délicates à étudier,
car vraisemblablement assez corrélées avec les
expositions en début de grossesse) et l'influence des
expositions paternelles durant la période précédant la
conception (qui peuvent aussi être corrélées à celles
de la mère) n'ont pas été caractérisées. Chez l'animal,
toutefois, une expérience réalisée sur des souris dont la
cage a été déposée à proximité d'une autoroute ou
d'aciéries a montré que la réduction de l'exposition aux
particules en suspension grâce à l'utilisation d'un filtre
à particules entraînait une diminution du taux de
mutations dans la descendance [32]. Les résultats
indiquaient donc que les particules en suspension
peuvent induire chez l'animal des mutations génétiques
transmises à la descendance ; cet effet était en particulier
observé pour les mutations d'origine paternelle [32]. Ce
travail soulève donc d'importantes questions de
recherche autour des effets transgénérationnels des
polluants de l'air, qui n'ont pas encore été abordées
chez l'homme et nous donne la mesure du chemin
restant à parcourir pour caractériser l'influence de la
pollution de l'air sur l'ensemble de la fonction de
reproduction. Le défi scientifique posé par ces
incertitudes ne doit pas occulter le défi de santé publique
que constitue l'émergence d'éléments concordants
indiquant que l'exposition des femmes enceintes aux
polluants de l'air aux niveaux rencontrés aujourd'hui
dans les pays industrialisés pourrait influencer la
croissance intra-utérine de leur enfant.
Pollution de l'air et spermatogenèse
Les études sur les caractéristiques spermatiques posent
un défi majeur lié au faible taux de participation dans les
études impliquant un recueil de sperme. Ce taux est en
général de l'ordre de 10 à 30 %, ce qui ouvre la porte à
des biais de sélection importants [9,25]. Les études sur
les candidats au don de sperme posent la même
question, dans la mesure où les candidats sont autosélectionnés, en plus d'être éventuellement sélectionnés
sur leur niveau de fertilité. Dans ce contexte, une
approche intéressante consiste à recueillir plusieurs
échantillons de sperme par homme, et à étudier
l'influence -à court terme- des variations temporelles
de l'exposition sur les caractéristiques spermatiques au
niveau individuel ; le fait de prendre chaque homme,
comme son propre témoin, permet de limiter l'influence
des biais de sélection ou de caractéristiques non
mesurées et ne variant pas au cours du temps (par
exemple génétiques). Cette approche commence à être
utilisée pour caractériser l'influence de la pollution
atmosphérique sur certaines caractéristiques
spermatiques [26,27]. Les deux études reposant sur
cette approche vont toutes les deux dans le sens d'un
effet possible de certains polluants de l'air sur des
caractéristiques spermatiques, mais sont limitées du
point de vue de la mesure de l'exposition. Les études
transversales sont en principe plus sensibles aux biais
de sélection ; l'étude réalisée en Italie par De Rosa et
collaborateurs [28], discutée plus loin, présente l'intérêt
d'utiliser un biomarqueur pour estimer l'exposition aux
polluants atmosphériques. Elle concerne une population
de travailleurs situés sur un péage autoroutier, aussi
exposés à des métaux lourds (plomb notamment),
Remerciements :
Je remercie Jean Bouyer et Béatrice Ducot pour leurs commentaires sur des versions antérieures de ce texte.
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Éditorial
Références
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Pollution atmosphérique n° 189
7
Extrapol n° 28 - Juin 2006
Éditorial
e
XTRA
POL
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Pollution atmosphérique n° 189
8
Extrapol n° 28 - Juin 2006
e
XTRA
POL
Analyses commentées
Les polluants du trafic routier affectent la fertilité chez les hommes
Traffic pollutants affect fertility in men
De Rosa M, Zarrilli S, Paesano L, Carbone U, Boggia B, Petretta M, Maisto A, Cimmino F, Puca G, Colao A, Lombardi G.
Hum Reprod 2003;18:1055-61.
spermatiques et la présence de métabolites dans le
sang par rapport à une population non exposée vivant
dans la même zone géographique.
Analyse commentée par
Mehdi Benchaib1 et Yvon LeMoullec2
1
2
Hôpital Édouard Herriot, Département de médecine
et biologie de la reproduction, Lyon
Laboratoire d'hygiène de la Ville de Paris
Matériel et méthodes
L'étude a été réalisée en Italie, du mois de janvier 2000
au mois de janvier 2002. C'est une étude prospective
de type cas-témoin, les cas étant les hommes travaillant
sur les péages d'autoroute. Pour les cas, sur 115
hommes inclus initialement, 30 ont été réfutés car ils
présentaient des anomalies annexes, non liées à la
pollution environnementale gênant l'interprétation des
données. Les 85 personnes restantes ont donc constitué
l'échantillon des cas, aucun n'était porteur d'une
pathologie importante ou ne prenait un traitement
pouvant influencer la fonction hypophysaire ou
gonadique. Les 85 témoins ont été recrutés de manière
aléatoire au sein d'une population constituée de commis,
chauffeurs routiers, étudiants et médecins, ceux-ci
vivant dans la même zone géographique que les cas, ils
étaient donc exposés au même niveau de pollution
environnementale que la population générale. De plus,
un appariement sur l'âge a été réalisé.
Contexte
De nombreux facteurs environnementaux sont impliqués
dans l'altération du sperme, et plusieurs travaux ont
montré la relation existant entre pollution atmosphérique
et diminution de la fertilité. Les pesticides, les solvants,
les métaux lourds sont incriminés dans l'altération de
la fonction testiculaire. Les produits chimiques peuvent
aussi avoir un impact lors de l'embryogenèse et être
à l'origine d'anomalies du tractus génital mâle
(cryptorchidie, hypospadias), voire d'une féminisation
de celui-ci. Il en est de même pour la pollution routière
qui a été rapportée comme cause de l'altération
quantitative et qualitative du sperme humain.
Les facteurs spermatiques mesurés sont les
critères définis par l'Organisation mondiale de la
santé (concentration, mobilité, morphologie, vitalité)
auxquels ont été rajoutés les paramètres du mouvement
mesurés à l'aide d'un système d'analyse du
mouvement informatisé, un test d'intégrité membranaire
Résumé de l’étude
Objectifs
Le but de l'étude est d'évaluer l'impact d'une exposition
continue à la pollution routière sur les caractéristiques
Pollution atmosphérique n° 189
9
Extrapol n° 28 - Juin 2006
Analyses commentées
e
XTRA
POL
générale. C’est le cas principalement pour les oxydes de
soufre (158,4 ± 5,7 µg/m3 versus 44,6 ± 1,9 µg/m3), les
oxydes d’azote (301,3 ± 9,6 mg/m3 versus 151,2
± 3,5 mg/m3) et, dans une moindre mesure, pour le
monoxyde de carbone (16,4 ± 0,5 mg/m3 versus 14,9
± 0,3 mg/m3) et le plomb particulaire (2,8 ± 0,1 µg/m3
versus 2,1 ± 0,1 µg/m3). Il est également à noter que les
différences de plombémie entre les deux populations
sont significativement différentes (20,1 ± 0,6 µg/dl versus
7,4 ± 0,5 µg/dl) alors que les carboxyhémoglobinémies
sont très proches mais assez élevées (4,6 ± 0,2 % et 4,4
± 0,2 %) par référence aux valeurs de l’Organisation
mondiale de la santé.
Il existe une corrélation négative significative entre
la méthémoglobinémie et la mobilité spermatique
(r = -0,355), la vitalité spermatique (r = -0,374), le test hypoosmotique (r = -0,307), le test de pénétration dans le
mucus cervical (r = -0,354) et la vitesse linéaire (r = -0,292).
Il existe une corrélation négative entre la plombémie et
la concentration spermatique (r = -0,262). Lorsque le
groupe cas est séparé en 2 groupes, selon la mobilité des
spermatozoïdes, il n'y pas de corrélation entre la
méthémoglobinémie et les caractéristiques spermatiques
ni entre la plombémie et la concentration ou la vitalité.
Cependant, dans le groupe où les spermatozoïdes ont une
mobilité altérée, il existe une corrélation négative
statistiquement significative entre la méthémoglobinémie
et les caractéristiques spermatiques (sauf pour le test de
pénétration dans le mucus cervical) et entre la plombémie
et la concentration ou la vitalité.
(test hypo-osmotique), un test d'intégrité nucléaire
(coloration à l'acridine orange), un test de migration
dans la glaire. En plus des facteurs spermatiques, les taux
d’hormone folliculo stimulante (FSH), d’hormone
lutéïnisante (LH) et de testostérone sanguine ont été
mesurés, et le délai nécessaire pour concevoir le premier
enfant a été renseigné.
Pour la pollution atmosphérique, le monoxyde de carbone
(CO), les oxydes d’azote (NOx), le dioxyde de soufre
(SO2) et le plomb ont été mesurés au niveau de 8 péages
d’autoroute, ainsi que sur 8 sites résidentiels où vivent
les sujets recrutés dans l’étude. Les mesures, sur 24
heures, ont été effectuées en été (juin et juillet), puis en
hiver (décembre et janvier). Le nombre exact de mesures
n’étant pas donné, il n’est donc pas possible de juger de
leur représentativité.
Les méthodes de mesures ne sont pas décrites ; il est
seulement indiqué que les polluants gazeux NO (il s’agit
plus probablement de NO2 ou de NOx) et SO (il s’agit sans
doute de SO 2) sont dosés avec des analyseurs
spécifiques. Le plomb particulaire est recueilli sur filtre,
puis dosé par absorption atomique. Les résultats obtenus
sont comparés aux valeurs limites d’exposition
professionnelle de la législation italienne. Différents
marqueurs biologiques, dont la carboxyhémoglobinémie,
la plombémie et la méthémoglobinémie ont aussi été
mesurés.
L'analyse statistique repose pour les données
quantitatives sur le test t non apparié, et le test du
chi-2 avec correction de Yates pour les données
qualitatives. Une catégorisation tenant compte de la
mobilité spermatique a été réalisée dans le groupe cas,
30 sujets ont des spermatozoïdes avec une mobilité
normale et 52 sujets présentent des spermatozoïdes
avec une mobilité altérée (selon les normes de
l'Organisation mondiale de la santé). Une régression
linéaire simple a été utilisée pour le calcul des coefficients
de corrélation entre les facteurs spermatiques et les
marqueurs de pollution et toxicologiques.
Discussion et conclusions des auteurs
L'étude montre qu'une exposition continue à la pollution
routière altère la qualité spermatique chez l'homme jeune
et l'homme mûr. Le plomb serait probablement à l'origine
d'une altération de la spermatogenèse. L'altération des
caractéristiques spermatiques peut être considérée
comme un marqueur précoce de l'effet délétère des
toxiques.
Résultats
Commentaires et conclusions
des analystes
Il n'y a pas de différence significative du nombre d’enfants
entre les deux groupes, cependant le temps le délai
nécessaire pour concevoir un premier enfant est plus
important dans le groupe cas (15 ± 1,6 mois versus
8 ± 0,4 mois). Le taux de FSH est plus important dans le
groupe cas que dans le groupe témoins (4,1 ± 0,3 UI
versus 3,2 ± 0,2 UI), mais le dosage reste toujours dans
la fourchette physiologique. Les paramètres spermatiques
caractérisant la mobilité sont diminués dans le groupe cas.
La vitalité spermatique est diminuée dans le groupe cas
par rapport au groupe témoin (51,4 ± 2,5 % versus 80,7
± 0,6 %).
Les teneurs moyennes en polluants au niveau des péages
sont plus importantes que celles relevées dans l’ambiance
Pollution atmosphérique n° 189
Les auteurs ont réalisé une étude prospective cas-témoin,
cependant elle ressemble plus à une étude du type
exposé–non exposé, le mode de sélection du groupe
cas (exposé) n'est pas vraiment précisé, alors que pour
le groupe témoin (non exposé) les critères sont mieux
définis. De plus, on peut s’interroger sur l’inclusion dans
le groupe témoin de personnes qui, du fait de leur
profession : chauffeur-routier, sont également exposées
à la pollution atmosphérique émise par le trafic routier.
L'appariement a été réalisé sur l'âge, cependant l'homme
le plus âgé a 62 ans, il aurait été plus judicieux de fixer
un âge maximum, où les caractéristiques spermatiques
10
Extrapol n° 28 - Juin 2006
e
XTRA
POL
ne sont pas altérées du seul fait de l'âge du patient. A part
la mobilité spermatique, aucun autre facteur de confusion
n'a été pris en compte. Pour les différents facteurs
biologiques masculins, les mesures ont été effectuées
dans les règles de l'art.
Un élément qui a été totalement oublié est le facteur
féminin, en effet qu’en est-il de la femme dans le cadre
de la conception d'un enfant (fonction ovarienne,
perméabilité tubaire) ? C'est pourquoi il est difficile
d'attribuer l’allongement du délai nécessaire pour
concevoir le premier enfant à la seule "altération" des
facteurs spermatiques.
La régression linéaire n'apporte pas plus d'information que
le calcul du coefficient de corrélation. Une régression
linéaire multiple aurait apporté plus d'informations,
cependant le risque de colinéarité des variables est trop
important, il aurait donc fallu faire une matrice de
corrélation avant de sélectionner les variables à introduire
dans le modèle. Une autre solution aurait été de
transformer les caractéristiques spermatiques en variable
qualitative (oligospermie : faible concentration de
spermatozoïdes, asthénospermie : faible mobilité des
spermatozoïdes, tératospermie : pourcentage de
spermatozoïdes morphologiquement anormaux important,
selon les normes de l'OMS) et de réaliser des analyses
de variance tenant compte de ces facteurs plutôt que de
simples tests t non appariés. Une régression logistique
aurait permis de tenir compte de plusieurs facteurs à la
fois et de calculer des odd ratios beaucoup plus pertinents
que des coefficients de corrélation.
S’agissant des mesures environnementales plusieurs
erreurs concernant les unités des concentrations en
polluants sont à relever, notamment des confusions entre
milligramme et microgramme, tant dans les valeurs
mesurées que dans les valeurs de référence. De plus,
Pollution atmosphérique n° 189
Analyses commentées
même en faisant abstraction de ces erreurs, les résultats
fournis par ce travail sont très surprenants compte tenu
que la période de mesure s’étend de janvier 2000 à
janvier 2002.
Ainsi, les niveaux de la pollution ambiante de fond (pour
la population témoin) sont de 14,9 mg/m3 en CO et de
2,1 µg/m3 en plomb. Il s’agit de valeurs très élevées
puisqu’à Paris, en situation de très forte proximité
automobile, les niveaux moyens annuels en 2000 étaient
de 3,7 mg/m3 pour le CO et de 0,05 µg/m3 pour le plomb
(on rappelle que ce métal a totalement disparu des
essences en janvier 2000 dans l’ensemble de l’union
européenne). Par ailleurs, il est surprenant que les écarts
les plus importants entre situation exposée au trafic et
situation urbaine de fond soient relevés pour les oxydes
de soufre (SO2 sans doute) qui sont des polluants
essentiellement issus des sources fixes de combustion.
Il paraît donc difficile d’accorder une grande confiance aux
valeurs environnementales présentées dans ce travail.
Cependant les résultats obtenus sont intéressants, en effet
il semble qu'une exposition prolongée à la pollution
routière ait un impact sur les caractéristiques
spermatiques, sans qu'il y ait de répercussion sur
l'obtention de grossesse. Mais, l'influence du temps
d'exposition sur les caractéristiques spermatique n'a
pas été analysée. De plus l'altération du sperme dû au
vieillissement du sujet doit, dans ce cas, être intégré
dans l'étude statistique et l'âge n'a malheureusement pas
été utilisé comme variable de confusion.
Il serait donc intéressant de refaire cette étude, en ne
tenant compte que des couples en âge de procréer et de
faire un suivi longitudinal afin de mieux appréhender
l'impact de la pollution routière sur les caractéristiques
spermatiques et l'obtention de grossesse.
11
Extrapol n° 28 - Juin 2006
Analyses commentées
e
XTRA
POL
Fécondabilité et exposition des parents au dioxyde de soufre dans
l'air ambiant
Fecundability and parental exposure to ambient sulfure dioxide
Dejmek J, Jelínek R, Solansky I, Benes I, Srám RJ.
Environ Health Perspect 2000;108:647-654.
environnementaux se sont révélés susceptibles
d'influencer la fécondabilité, mais l'impact de la pollution
atmosphérique n'avait jamais été étudié.
Cet article décrit l'impact du SO2 sur la fécondabilité. Elle
repose sur un échantillon de naissances à terme non
gémellaires survenues entre 1994 et 1998 en Bohème du
Nord.
Analyse commentée par
Adeline Maître1 et Rémy Slama2
1
2
Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie
(Ademe), Paris
Unité mixte Inserm-INED (U569), Le Kremlin-Bicêtre
Contexte
Résumé de l’étude
À la fin des années 1980, des observations réalisées à
Teplice (Bohème du Nord, République Tchèque), une
ville hautement polluée, avaient indiqué une possible
diminution du taux de natalité pendant des périodes de
fortes concentrations de dioxyde de soufre dans l'air
ambiant. Cette association possible entre pollution et
un marqueur de fécondité (nombre d'enfants) a incité les
auteurs de la présente étude à caractériser l'association
entre pollution atmosphérique et fécondabilité. La
fécondabilité des couples est la probabilité de grossesse
au cours d'un cycle menstruel sans contraception ; elle
dépend de plusieurs étapes de la fonction de reproduction
et, en particulier, du bon déroulement de la gamétogenèse
chez la femme et l'homme, du transfert des
spermatozoïdes jusqu'à l'ovocyte, de la fécondation, de
l'implantation et de la survie embryonnaire au cours des
premières semaines suivant la conception (faussescouches précoces non détectées cliniquement). Une
altération de la fécondabilité peut être le signe d'une
altération d'une de ces étapes. Certains facteurs
Pollution atmosphérique n° 189
Objectif
L'objectif était d'étudier la relation entre l'exposition au
dioxyde de soufre du couple et la fécondabilité, estimée
par la proportion de grossesses survenant durant le
premier cycle menstruel non protégé.
Matériels et méthodes
Population d'étude
La population d'étude était constituée de femmes ayant
accouché d'un enfant né à terme dans le district de
Teplice entre avril 1994 et mars 1998. Les auteurs se sont
restreints à la première grossesse de chaque femme
dans la période d'étude. Ils ont en outre exclu les
grossesses survenues alors qu'une méthode de
contraception était utilisée par le couple (grossesses
pour lesquelles le délai nécessaire pour concevoir (DNC)
ne peut être défini) ainsi que les couples ayant utilisé un
traitement de l'infertilité.
12
Extrapol n° 28 - Juin 2006
e
XTRA
POL
Analyses commentées
Mesure de la fertilité et analyse statistique
Résultats
Les femmes renseignaient à la maternité un questionnaire
sur le DNC et leurs comportements.
Sur les 2 585 couples qui ont participé à l'étude,
587 avaient conçu leur enfant durant le premier cycle
menstruel non protégé (23 %).
Plutôt que d'analyser l'ensemble de la distribution du
DNC, les auteurs n'ont considéré que le premier mois avec
des rapports sexuels sans contraception, et ont comparé
la proportion de couples concevant dès ce premier mois
en fonction du niveau d'exposition au SO2. Cette
comparaison a été faite par un modèle de régression
logistique ajusté sur l'âge maternel (à une période non
précisée), la parité, la saison de la conception, le statut
marital. Les modèles étaient aussi ajustés sur la
température moyenne, la température maximale, l'année
et la saison (du mois précédant la conception
vraisemblablement) et la situation épidémique ; cette
dernière variable correspondait à une variable binaire
indiquant si l'incidence des maladies respiratoires aiguës
dans la zone dépassait un certain seuil.
Les niveaux mensuels de SO2 étaient généralement plus
élevés en hiver qu'en été.
La fécondabilité était réduite quand les niveaux de SO2
étaient élevés (> 40 µg/m3) durant le deuxième mois
précédant la conception. Une telle association n'était
pas retrouvée quand la fenêtre d'exposition correspondait
aux mois 1, 3 ou 4 avant la conception, et ces fenêtres
d'exposition n'étaient plus considérées par la suite.
L'analyse a été répétée après stratification sur l'année de
naissance. Durant la première période, la probabilité de
grossesse diminuait lorsqu’augmentaient les concentrations
de SO2 deux mois avant la conception. Pour la deuxième
période de l'étude, l'association était moins nette mais
allait dans le même sens.
L'association entre la fécondabilité et l'exposition au
SO2 était, pour le niveau d'exposition le plus élevé, plus
forte pour les couples vivant dans un rayon inférieur à
3,5 km du site de surveillance du SO2 que pour ceux vivant
au-delà de 3,5 km. L'effet d'une exposition intermédiaire
était, en revanche, similaire dans les deux zones
(diminution de la fécondabilité d'environ 40 % par rapport
au niveau d'exposition faible).
Mesure de l'exposition au SO2
L'exposition des couples au dioxyde de soufre a été
estimée en fonction de la moyenne mensuelle des
concentrations de SO2 pour chacun des 4 mois précédant
la date estimée de la conception de l'enfant. L'exposition
a ensuite été catégorisée en 3 niveaux : niveaux faible
(< 40 µg/m3), intermédiaire (entre 40 et 80 µg/m3) et élevé
(≥ 80 µg/m3).
La distribution de l'exposition variait peu durant les deux
premières années d'étude, puis diminuait pour les deux
dernières années, du fait de la diminution des niveaux du
dioxyde de soufre dans l'air ambiant. Les analyses ont été
répétées en considérant séparément les 2 périodes :
d'avril 1994 à mars 1996 d'une part, et d'avril 1996 à avril
1998 d'autre part.
Discussion et conclusions des auteurs
Lors des quatre années de l'étude, les concentrations de
SO2 étaient en nette diminution. Ce constat s'explique par
le fait qu'à Teplice le charbon a été peu à peu remplacé
par le gaz dans les systèmes de chauffage.
L'étude fait apparaître une diminution de la probabilité de
grossesse durant le premier cycle menstruel non protégé
lorsque les concentrations de dioxyde de soufre
augmentent. Cette association n'était retrouvée que
lorsque la fenêtre d'exposition correspondait au deuxième
mois avant la fécondation.
La surveillance de pollution atmosphérique à Teplice a été
organisée avec la coopération de l'Agence américaine de
protection de l'environnement (US-EPA). La station de
mesure se situait dans le centre ville de Teplice où les
concentrations de SO2 étaient mesurées de manière
continue par la méthode de fluorescence dans l’ultraviolet.
D'autres polluants étaient également mesurés comme le
monoxyde d'azote, les particules en suspension ainsi
que les hydrocarbures aromatiques polycycliques,
cependant dans cette étude, seule l'influence du SO2 a
été étudiée en détail.
Un problème de fenêtre d'exposition
Les couples exposés à de fortes teneurs en SO2
(> 110 µg/m3 en moyenne mensuelle) avant la conception
et ceux exposés à des situations d'inversion de
température durant les 4 mois avant la conception ont été
exclus des analyses.
Cette étude est à notre connaissance une des premières
à décrire l'association entre l'exposition à un polluant
atmosphérique et la fécondabilité ; sa principale limite
réside dans le choix de la fenêtre d'exposition, qui n'est
pas adaptée à l'événement étudié.
Enfin, dans une analyse secondaire, une distinction a
été faite entre les couples vivant près de la station de
mesure (dans un rayon inférieur à 3,5 km) et ceux vivant
à plus de 3,5 km de la station.
Les auteurs étudient la probabilité de grossesse au cours
du premier mois sans contraception en relation avec
les niveaux atmosphériques de SO2 deux mois avant
la conception. Si le choix de cette fenêtre d'exposition
Pollution atmosphérique n° 189
Commentaires et conclusions
des analystes
13
Extrapol n° 28 - Juin 2006
Analyses commentées
e
XTRA
POL
est pertinent pour les couples ayant conçu dans le
mois suivant l'arrêt de la contraception, il ne l'est pas
pour ceux ayant mis plus de temps avant d'obtenir une
grossesse.
Représentation de la fenêtre d'exposition utilisée dans l'étude : l'exposition est estimée pour le deuxième mois
avant la fécondation, ce qui correspond au mois précédant le début de la période sans contraception si la
conception a lieu dès le premier mois, mais à une période postérieure au premier mois sans contraception
si le couple a mis plus de deux mois pour concevoir
1er mois sans
contraception
Fécondation
Couples concevant
dès le 1er mois
sans contraception
Mois
0
1
Arrêt de la
contraception
Couples concevant
après 6 mois
sans contraception
Grossesse
Fécondation
1er mois sans
contraception
0
Mois
Grossesse
1
Mesure de
l'exposition
Distinguons les couples selon le délai qui leur est
nécessaire pour concevoir : pour les couples concevant
dès le premier mois, le deuxième mois avant la
conception, celui de la mesure de l'exposition, correspond
au mois précédant celui durant lequel on estime la
probabilité de grossesse (figure), ce qui est pertinent
pour étudier les effets à court terme de la pollution
atmosphérique ; en revanche, pour les couples qui ont mis
plus de temps pour obtenir la grossesse, par exemple six
mois, le premier mois sans contraception est antérieur à
celui de la mesure de l'exposition (figure). Pour les couples
n'ayant pas conçu lors du premier mois, la fenêtre
d'exposition correspond donc à une période postérieure
à celle durant laquelle l'événement de santé étudié est
susceptible de se produire, et ce d'autant plus que le
couple a mis du temps pour obtenir une grossesse.
L'approche préconisée dans les études sur la fécondabilité
consiste à mesurer l'exposition pour la période précédant
le premier mois sans contraception pour l'ensemble des
couples [1]. Ici, une moyenne des niveaux de SO2 dans les
trois mois précédant l'arrêt de la contraception aurait pu
être pertinent, pour couvrir la durée des dernières étapes
de la spermatogenèse. Une telle approche semblait
possible avec les informations dont disposaient les auteurs.
Il n'est pas aisé de déterminer dans quel sens une telle
approche va biaiser l'effet estimé de l'exposition sur la
fécondabilité. Pour les couples n'ayant pas conçu dès le
premier mois, l'exposition attribuée ne sera pas celle
durant la période précédant l'arrêt de la contraception
mais celle de l'avant dernier mois de la période sans
contraception, qui sera tantôt plus basse, tantôt plus
élevée que l'exposition durant la fenêtre pertinente. Une telle
fenêtre d'exposition va a priori entraîner une erreur aléatoire
(une augmentation de la variance sans biais systématique)
sur l'exposition, d'autant plus importante que le délai
nécessaire à concevoir est long. Si l'effet d'une erreur
aléatoire sur l'exposition dont l'amplitude dépend de
l'événement de santé n'est pas facile à prédire, ce problème
lié à la fenêtre d'exposition doit inciter à interpréter très
prudemment les résultats : même si ce biais entraînait en
moyenne une sous-estimation de l'effet de la pollution
sur la fertilité, il n'est pas possible de prédire le sens de son
effet pour une étude particulière [2] ; de plus, les auteurs
ont testé l'association entre exposition et fécondabilité
pour quatre mois différents (tous définis par rapport à la
date de fécondation et non pas d'arrêt de la contraception),
ce qui augmente les risques d'association fortuite.
En conclusion, cette étude est, du fait d'une approximation
importante dans la définition de la fenêtre d'exposition,
peu informative quant à un effet éventuel de la pollution
atmosphérique sur la fécondabilité. L'existence de travaux
indiquant un effet possible de la pollution atmosphérique
sur les caractéristiques spermatiques [3,4] incite à
considérer cette question comme ouverte.
Références
[1]
[2]
[3]
[4]
Baird DD, Wilcox AJ, Weinberg CR. Use of time of pregnancy to study environmental exposures. Am J Epidemiol
1986;124:470-80.
Jurek AM, Greenland S, Maldonado G, Church TR. Proper interpretation of non-differential misclassification effects:
expectations vs observations. Int J Epidemiol 2005;34:680-7.
Rosa MD, Zarrilli S, Paesano L, Carbone U, Boggia B, Petretta M, et al. Traffic pollutants affect fertility in men. Hum Reprod
2003;18:1055-61.
Rubes J, Selevan SG, Evenson DP, Zudova D, Vozdova M, Zudova Z, et al. Episodic air pollution is associated with
increased DNA fragmentation in human sperm without other changes in semen quality. Hum Reprod 2005;20:2776-2783.
Pollution atmosphérique n° 189
14
Extrapol n° 28 - Juin 2006
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XTRA
POL
Analyses commentées
Association entre les niveaux de pollution atmosphérique
et la mortalité intra-utérine à São Paulo, Brésil
Association between air pollution and intrauterine mortality in São Paulo, Brésil
Pereira LAA, Loomis D, Conceição GMS, Braga ALF, Arcas RM, Kishi HS, Singer JM, Böhm GM, Saldiva OHN
Environ Health Perspect 1988;106:325-9
Résumé de l’étude
Analyse commentée par
Introduction
Christian Renaudot1 et Agnès Lefranc2
1
2
L’existence d’effets néfastes de l’exposition à la pollution
atmosphérique urbaine sur la grossesse semble plausible,
compte tenu des éléments connus concernant les
impacts du tabagisme maternel sur la santé du fœtus.
À São Paulo, les niveaux de pollution observés au début
des années 90 étaient élevés au point d’induire des
effets sanitaires observables (réactions inflammatoires au
niveau de l’appareil respiratoire, hyper réactivité
bronchique) chez des rats exposés. Des études
épidémiologiques avaient également mis en évidence des
liens à court terme significatifs entre les niveaux de
pollution atmosphérique et la mortalité.
La ville de São Paulo dispose d’un réseau de mesure des
niveaux de pollution atmosphérique, ainsi que d’un
service d’enregistrement des décès. Ces conditions
permettaient donc l’analyse des liens pouvant exister
entre l’exposition maternelle à la pollution atmosphérique
et la mortalité fœtale
Airparif, Paris
Observatoire régional de santé (ORS) Île-de-France, Paris
Contexte
À l’époque de la réalisation de cette étude, des résultats
étaient disponibles dans la littérature scientifique
internationale concernant d’une part les effets de la
pollution atmosphérique urbaine sur la santé respiratoire
et cardio-vasculaire des adultes et, d’autre part, les
effets de l’exposition maternelle à la fumée de cigarette
sur la santé du fœtus. Cette étude est l’une des toutes
premières qui a eu pour objectif de rechercher les liens
pouvant exister entre l’exposition maternelle à la pollution
atmosphérique urbaine et la mortalité intra-utérine.
Depuis la parution de cette étude, d’autres études
sur le même thème sont venues la compléter.
Méthodes
La mortalité fœtale tardive a été définie selon les critères
suivants : décès du fœtus se produisant au-delà de
28 semaines de grossesse, poids du fœtus supérieur
à 1 kg, ou taille du fœtus supérieure à 25 cm. Le nombre
journalier de ces décès survenant à São Paulo entre
Pollution atmosphérique n° 189
15
Extrapol n° 28 - Juin 2006
Analyses commentées
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global, le même décalage étant implicitement appliqué sur
chacun des trois polluants de l’indicateur.
Une deuxième étude a été mise en œuvre afin d’évaluer
l’exposition fœtale aux polluants atmosphériques. Pour
cela, un échantillon de sang du cordon a été prélevé
immédiatement après l’accouchement chez 47 nouveaunés dont les mères étaient non-fumeuses, entre mai et
juillet 1995 dans un hôpital du centre de São Paulo. Les
niveaux de carboxyhémoglobine (COHb) ont ensuite été
dosés dans le sang prélevé. La COHb correspond à la
fixation d’une molécule de CO en lieu et place d’une
molécule de dioxygène sur l’hémoglobine. La liaison de
l’hémoglobine avec le CO est relativement stable, en
particulier pour l’hémoglobine fœtale, et le dosage de
COHb dans le sang du cordon permet donc d’évaluer
l’exposition du fœtus au CO.
Les niveaux de COHb dans le sang du cordon ont été
régressés sur les niveaux de CO enregistrés à São Paulo
le jour de la naissance (introduits dans le modèle en tant
que variable continue ou en tant que variable qualitative
à trois classes), le poids du nouveau-né et le tabagisme
passif de la mère (présence de fumeurs sur le lieu de
domicile ou de travail).
janvier 1991 et décembre 1992 a été obtenu auprès du
système municipal d’enregistrement des décès.
Pendant la même période, les niveaux journaliers de
polluants enregistrés par le réseau de mesure de la
pollution atmosphérique (CETESB) ont été recueillis. Les
polluants mesurés étaient le dioxyde d’azote (NO2,
4 stations), les particules de diamètre aérodynamique
inférieur à 10 µm (PM10, 13 stations), l’ozone (O3,
4 stations), le dioxyde de soufre (SO2, 14 stations) et le
monoxyde de carbone (CO, 5 stations). Pour chaque
jour et chaque polluant, la moyenne des valeurs
enregistrées par les différentes stations était calculée et
considérée comme représentative des niveaux présents
dans la ville. Pour l’ozone la concentration horaire
maximale de chaque jour a été utilisée, pour le SO2, les
PM10 et le NO2 il s’agit des concentrations moyennes
journalières et pour le CO de la plus forte concentration
moyenne sur 8 heures de la journée.
Les informations concernant la température et l’humidité
ont également été obtenues auprès du CETESB.
Les liens entre les niveaux des polluants et la mortalité
intra-utérine ont été étudiés au moyen de régressions de
Poisson. Le nombre journalier de décès fœtaux tardifs
a été régressé sur les niveaux de pollution atmosphérique,
l’humidité relative mesurée à midi (introduite dans le
modèle sous forme d’une variable continue et sous
forme d’une variable qualitative à 4 classes), la
température minimale (introduite dans le modèle sous
forme d’une variable continue et sous forme d’une
variable qualitative à 4 classes), le mois de l’année et le
jour de la semaine.
Différents décalages temporels ont été testés pour
l’introduction des niveaux de polluants dans le modèle,
et celui dont le coefficient était le plus élevé et le plus
significatif était retenu. Selon ces critères, pour le NO2,
le décalage retenu correspond au niveau moyen enregistré
le jour de l’événement sanitaire et les quatre jours
précédents. Pour le CO, le décalage retenu correspond
au niveau moyen enregistré le jour de l’évènement
sanitaire et les deux jours précédents. Pour le SO2, c’est
le niveau enregistré le jour de l’évènement sanitaire qui
a été retenu.
Un indicateur global de pollution de l’air a également
été utilisé. Cet indicateur regroupe trois polluants
présentant individuellement les plus fortes associations
avec la mortalité intra-utérine : NO2, CO et SO2. Pour
chaque jour, l’indice est calculé à partir de la somme des
ratios [concentration du jour/concentration moyenne des
deux années étudiées] de chacun des trois polluants,
divisée par trois. Ainsi un indice 1 équivaut à des
concentrations en moyenne équivalente à celles de la
moyenne des deux années, un indice de 2 signifie qu’en
moyenne les teneurs en pollution sont deux fois
supérieures à celles du niveau moyen annuel. Différents
décalages temporels ont été testés pour l’indicateur
Pollution atmosphérique n° 189
Résultats
Étude des liens entre les niveaux de pollution
atmosphérique et la mortalité fœtale tardive
Au cours de la période étudiée, les niveaux de NO2
observés sont extrêmement élevés (127,09 µg/m3 en
moyenne, 668,30 µg/m3 au maximum), de même que
les niveaux de PM10 (65,04 µg/m3 en moyenne,
192,80 µg/m3 au maximum). Il existe des corrélations
significatives entre les niveaux des différents polluants
mesurés, ainsi qu’entre les niveaux de polluants et les
variables météorologiques.
Pendant la période étudiée, le nombre moyen de décès
intra-utérins était de 8,4 par jour. En ce qui concerne les
liens entre le niveau de pollution atmosphérique et la
mortalité intra-utérine, lorsque le NO2 est le seul indicateur
de pollution introduit dans le modèle, son coefficient est
significatif. Il en est de même pour le SO2 et le CO. La nonprise en compte dans les modèles du mois, du jour de
la semaine ou des variables météorologiques diminue
l’estimation du coefficient du NO2, tandis que les
coefficients du SO2 et du CO demeurent stables.
Lorsque le niveau de NO2 est introduit dans le modèle
sous forme d’une variable qualitative à 5 classes, une
relation dose-dépendante quasi-linéaire est observée.
Au contraire, aucune relation dose-dépendante n’a pu être
mise en évidence pour le CO.
Lorsque les polluants sont introduits simultanément dans
le modèle, seul le coefficient du NO2 demeure significatif.
Aucun lien significatif n’a été observé entre les niveaux
de PM10 ou d’O3 et la mortalité intra-utérine.
16
Extrapol n° 28 - Juin 2006
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POL
Lorsque l’indicateur synthétique de pollution moyenné sur
le jour de l’événement sanitaire et les deux jours
précédents est introduit dans le modèle, son coefficient
est significatif. L’introduction sous forme d’une variable
qualitative à 5 classes met en évidence l’existence d’une
relation dose-dépendante quasi-linéaire, sans seuil.
la mortalité fœtale tardive. On peut ainsi émettre
l’hypothèse que l’exposition de la mère à des niveaux de
pollution atmosphérique plus élevés et la formation de
méthémoglobine et de COHb qui en résulte diminuerait
l’oxygénation, ce qui pourrait entraîner le décès de
certains fœtus particulièrement sensibles.
Étude des liens entre les niveaux de CO ambiant et les
niveaux de COHb dans le sang du cordon
Il existe des liens significatifs entre le tabagisme passif
chez la mère, ainsi que les niveaux ambiants de CO, et
le niveau de COHb dans le sang du cordon. L’introduction
des niveaux de CO ambiant dans le modèle sous forme
d’une variable qualitative à 3 classes suggère l’existence
d’une relation dose-dépendante.
Commentaires et conclusions
des analystes
L’existence à São Paulo d’un système d’enregistrement
des décès permettant la quantification de la mortalité
fœtale tardive, ainsi que d’un réseau de mesure des
principaux indicateurs de pollution atmosphérique a
permis la réalisation de cette étude, particulièrement
novatrice au moment de sa publication.
Discussion et conclusions des auteurs
On peut cependant regretter que les méthodes mises en
œuvre pour l’analyse de ces données ne reflètent pas l’état
de l’art au moment de la publication de l’article.
Notamment, l’utilisation de fonctions de lissage permettant
un contrôle optimal des effets non-linéaires des variables
météorologiques aurait sans doute permis d’éviter
l’introduction simultanée dans les modèles de variables
très corrélées. Par exemple, l’introduction simultanée
du niveau d’humidité sous forme d’une variable continue
et sous forme d’une variable qualitative à 4 classes est
susceptible d’induire un manque de robustesse des
résultats fournis par le modèle. L’utilisation de ces
fonctions de lissage aurait également permis une
exploration de la forme des courbes dose-réponse plus
fine que celle qui a été réalisée ici par la construction de
variables d’exposition qualitatives.
Quelles que soient les co-variables introduites dans le
modèle, le lien significatif entre les niveaux de NO2 et la
mortalité intra-utérine persiste. De plus cette relation est
dose-dépendante. Ces observations semblent cohérentes
avec les données concernant les effets du NO2 sur la
mortalité infantile pour causes respiratoires disponibles
par ailleurs.
Cependant, tant pour le NO2 que pour le CO ou le SO2,
l’existence de très fortes corrélations entre leurs niveaux
ne permet pas de déterminer si les associations
significatives observées avec la mortalité intra-utérine
correspondent à un effet propre de ces polluants, ou au
fait qu’ils sont les indicateurs d’un mélange de polluants
émis ou formés avec eux. De fait, l’indicateur synthétique
de pollution, qui intègre ces trois polluants, montre une
association encore plus forte avec la mortalité intra-utérine.
Les auteurs soulignent que les études écologiques, telles
que celle mise en œuvre ici présentent de nombreuses
limites. Cependant, outre la robustesse de l’association
observée pour le NO2, la faible durée de l’étude (2 ans)
semble à même de garantir la stabilité de la population
étudiée, et de limiter l’effet des facteurs de confusion qui
peuvent varier à long terme.
Des mécanismes biologiques peuvent être proposés
pour expliquer les liens observés. Des études précédentes
ont montré la présence de toxiques environnementaux
dans le sang du cordon. Il a également été suggéré que
les oxydes d’azote atmosphériques pouvaient augmenter
les niveaux de méthémoglobine présents dans le sang,
diminuant ainsi les capacités de transport d’oxygène de
l’hémoglobine. Cette hypothèse a pu être vérifiée ici pour
le CO : bien que l’étude ait été réalisée sur un échantillon
de petite taille, des liens significatifs ont pu être observés
entre les niveaux de CO ambiants et les niveaux de
COHb présents dans le sang du cordon de nouveau-nés.
Ces résultats contribuent à renforcer la plausibilité
biologique d’un effet de la pollution atmosphérique sur
Pollution atmosphérique n° 189
Analyses commentées
Pour ce qui concerne la caractérisation des niveaux de
pollution, l’utilisation d’une moyenne globale pour
l’agglomération, basée sur 4 à 14 sites de mesure selon
le polluant, est susceptible de donner, à l’image de
nombreuses études écologiques, une représentation
robuste de la pollution urbaine. On regrettera de ne pas
connaître la nature des sites de mesure employés. Les
sites de fond sont en effet à même d’apporter la meilleure
caractérisation globale pouvant être mise en relation
avec la santé de la population, quelle que soit son
exposition réelle. Le choix des concentrations (O3 1 h, SO2,
PM10 24 h, CO 8 h) est pertinent et tout à fait en lien avec
les normes internationales. Pour le NO2, le choix est
identique à celui fait par l’OMS, qui propose une valeur
de référence 24 h, alors que plus récemment les normes
NO2 ont davantage focalisé sur les concentrations
maximales horaires. L’article ne précise pas si les
différents polluants étudiés proviennent des mêmes
sources de pollution. On peut supposer que non, auquel
cas l’indicateur global de pollution recouvre sans doute
une “soupe” de polluants, dont certains pourraient avoir
individuellement ou collectivement un rôle.
17
Extrapol n° 28 - Juin 2006
Analyses commentées
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les liens existant entre les niveaux de NO2 dans l’air
auquel est exposée la mère et la méthémoglobinémie du
fœtus. Les résultats auraient ensuite pu être confrontés
à l’hypothèse proposée par les auteurs quand au
mécanisme biologique responsable du lien observé
entre les niveaux de NO2 et la mortalité fœtale. Dans la
présente étude, cela n’a pu être fait que pour le CO, bien
que les liens entre les niveaux de ce polluant dans l’air
et la mortalité fœtale disparaissent lorsque les autres
indicateurs de pollution sont pris en compte.
Avec ces limites, il n’en demeure pas moins que cette
étude présentait à l’époque de sa publication un caractère
innovant quant au thème étudié, et elle a sans doute ainsi
contribué à la multiplication des études réalisées dans
ce domaine.
Pour ce qui concerne l’indicateur d’exposition à la
pollution atmosphérique, la sélection du décalage
temporel qui maximise le coefficient du polluant ainsi que
sa significativité est susceptible d’induire une
surestimation des liens entre pollution atmosphérique et
mortalité intra-utérine. Dans les études disponibles par
ailleurs, les critères de sélection utilisés dans la même
situation portent plutôt sur la qualité des modèles,
évaluée au moyen du critère d’Akaike ou des
autocorrélations partielles.
En ce qui concerne l’étude des niveaux de COHb dans
le sang du cordon, on ne peut que regretter, avec les
auteurs, que les niveaux de NO2 atmosphérique n’aient
pas été mesurés pendant la durée de l’étude. La
réalisation de dosages de la méthémoglobine dans les
échantillons de sang prélevés aurait permis d’analyser
Pollution atmosphérique n° 189
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POL
Analyses commentées
Proximité du domicile par rapport au trafic routier et événements
indésirables périnataux dans le comté de Los Angeles, Californie,
1994-1996
Residential proximity to traffic and adverse birth outcomes in Los Angeles County,
California, 1994-1996
Wilhelm M, Ritz B.
Environ Health Perspect 2003;111:207-216
Résumé de l’étude
Analyse commentée par
Objectifs
Aude Kostrzewa1 et Frédéric Mahé2
1
2
Cette étude avait pour objectif d’estimer la relation entre
la proximité du domicile des futures mères durant la
grossesse par rapport au trafic routier et les petits poids
de naissance, ainsi que les naissances prématurées,
dans le comté de Los Angeles pour des naissances
intervenues entre les années 1994 et 1996.
Laboratoire Santé travail environnement, Bordeaux
Airparif, Paris
Contexte
Plusieurs études épidémiologiques se sont intéressées
à l’association entre la pollution atmosphérique (PA) et
le développement fœtal, dans le monde. Ces études
ont montré des associations entre l’exposition à la PA
pendant la grossesse et les petits poids de naissance,
le retard de croissance intra-utérine, les naissances
prématurées et la mortalité périnatale, suggérant que les
polluants issus du trafic routier (CO ou autres composants
associés, notamment les particules) pouvaient intervenir
sur le développement fœtal. Ces études utilisaient des
mesures de l’exposition collective, issues des stations
de mesure, ne tenant pas compte de la pollution de
proximité due au trafic routier.
Pollution atmosphérique n° 189
Matériel et méthodes
Il s’agissait d’une étude cas-témoins. Les auteurs ont
inclus certaines zones de Los Angeles (112 codes
postaux sur 269, soit 42 %). Tous les enfants nés
prématurément et les enfants nés avec un petit poids
de naissance entre 1994 et 1996 pour les codes
postaux sélectionnés, ont été retenus pour l’étude, à
partir des certificats de naissance. Les auteurs ont
réalisé deux études distinctes. Pour la première, les cas
étaient constitués des petits poids de naissance, nés
à terme (poids < 2 500 g et terme ≥ 37 semaines
de grossesse). Pour la seconde, les cas étaient
constitués, d’une part, des enfants nés prématurément
(terme < 37 semaines de grossesse) et, d’autre part,
des petits poids de naissance nés prématurément
(poids < 2 500 g et terme < 37 semaines de grossesse).
Les témoins ont été sélectionnés de manière aléatoire.
Les auteurs ont exclu certains enfants de leur étude :
très petits ou très gros poids de naissance, données
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Extrapol n° 28 - Juin 2006
Analyses commentées
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POL
L’étude concernant les prématurés a concerné
13 464 cas d’enfants prématurés ayant un poids normal,
3 509 cas d’enfants prématurés ayant un petit poids de
naissance et 21 124 témoins.
Les auteurs ont montré une association statistiquement
significative entre l’exposition au trafic et la prématurité,
avec un risque relatif de 1,08 (IC 95 % = 1,01-1,15) pour
une exposition au 5e quintile. Pour les enfants prématurés
ayant un petit poids de naissance, le rapport de côtes
(RC -ou odds-ratio- était de 1,12 (IC 95 % = 0,98-1,28).
Pour ces deux événements de santé, il existait une
relation dose-effet. Pour les petits poids de naissance,
le RC était de 1,17 (IC 95 % = 1,04-1,32) pour le
3e quintile, et il n’existait pas de relation dose-effet.
Les auteurs ont trouvé une interaction selon la saison.
En effet, pour les trois événements de santé, les risques
étaient plus élevés lorsque le troisième trimestre de la
grossesse avait eu lieu en automne-hiver. De même, il
existait une interaction selon les niveaux de polluants de
fond mesurés par les stations de mesure : les risques
étaient plus élevés lorsque les concentrations moyennes
annuelles en CO et en NO2 étaient plus élevées.
Enfin, les auteurs ont trouvé une interaction selon le
niveau socio-économique : les risques d’événements
périnataux liés au trafic étaient plus élevés lorsque le
niveau socio-économique était plus bas.
manquantes ou aberrantes et reconstitution de
l’exposition impossible.
La variable indépendante principale était évaluée à l’aide
d’un indice estimant la densité de trafic pondérée par une
fonction de poids dépendant de la distance au trafic, pour
le domicile de chaque sujet. L’utilisation d’un SIG
(Système d’information géographique) a permis d’évaluer
le volume de trafic au voisinage du domicile des futures
mères (interception dans un rayon de 228,6 m).
L’estimation de l’exposition des personnes a été réalisée
par une fonction de poids appliquée au volume de trafic
intercepté à l’aide d’une relation isotropique avec
décroissance gaussienne (chute de 96 % de l’impact pour
une distance domicile-axes de 152,4 m, relation de
Pearson et al. 2000). De plus, les auteurs ont créé une
variable dichotomique pour tenir compte de l’existence
ou non d’une autoroute dans la zone autour du domicile.
Ils ont également utilisé des données de pollution de fond
issues des stations de mesure les plus proches des
domiciles (CO, PM10, O3 et NO2).
Pour chacune des études, la variable dépendante était
dichotomique (oui/non) : petits poids de naissance,
naissances prématurées, naissances prématurées avec
petits poids de naissance.
Les auteurs ont réalisé un ajustement sur les facteurs de
risque connus de petits poids de naissance et de
prématurité : âge maternel, ethnie de la mère, éducation
maternelle, parité, intervalle depuis la précédente
naissance, niveau de soins prénataux, sexe de l’enfant,
antécédents de petits poids de naissance ou de
prématurité, saison de la naissance. Pour le poids de
naissance, un ajustement a également été réalisé sur l’âge
gestationnel. De plus, les auteurs ont ajusté sur le niveau
socio-économique : revenus médians des ménages,
revenus médians par personne, proportion d’enfants
pauvres, loyers médians, valeurs médianes des
logements (données agrégées à l’échelle d’un quartier).
L’analyse des données a consisté en trois modèles de
régression logistique multivariée (un modèle pour chaque
événement de santé étudié). Les auteurs ont réalisé
différentes analyses de sensibilité : avec et sans les
naissances multiples, avec et sans les accouchements
par césarienne, avec une variable dichotomique
correspondant à la présence d’au moins une autoroute
dans la zone autour du domicile, avec les concentrations
moyennes de différents polluants mesurés par les stations
de fond. Enfin, ils ont réalisé une stratification selon la
saison de naissance, selon les concentrations en
polluants mesurés par les stations de fond et selon le
niveau socio-économique.
Discussion et conclusion des auteurs
Selon les auteurs, cette étude était la première à évaluer
la relation entre la proximité du domicile maternel aux rues
à fort trafic et le risque d’événements indésirables
survenant autour de la grossesse. Les auteurs ont
observé une augmentation de 10 à 20 % environ du
risque de prématurité et de petits poids de naissance
chez les enfants nés à terme dont la mère vivait à
proximité d’une rue fortement fréquentée. Les effets
étaient plus importants dans certaines conditions :
troisième trimestre de la grossesse en automne-hiver,
domicile situé dans une zone avec des niveaux élevés
de pollution de fond, domicile situé dans une zone
défavorisée.
Les auteurs discutent des éléments ayant pu biaiser
leur étude : modèle de dispersion des polluants
simple notamment du point de vue météorologique,
déménagement en cours de grossesse, exposition à la
pollution intérieure (tabagisme passif, utilisation du gaz
pour la cuisine, présence d’un garage attenant à
l’habitation), exposition professionnelle et exposition
pendant les trajets, facteurs nutritionnels et données
manquantes concernant la reconstitution de l’exposition
notamment.
Malgré ces limites, les auteurs considèrent que cette
étude apporte des informations très utiles. L’étude a
porté sur une population large permettant une bonne
puissance statistique. De plus, les résultats vont dans
Résultats
La population de départ était de 65 379 enfants (cas
et témoins). L’étude concernant les petits poids de
naissance a concerné 3 771 cas et 26 351 témoins.
Pollution atmosphérique n° 189
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Extrapol n° 28 - Juin 2006
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le sens d’autres études basées sur des données de
1989-1993 et utilisant des concentrations moyennes
annuelles en polluants pour la mesure de l’exposition. Ces
résultats suggèrent que les polluants issus des pots
d’échappement des véhicules peuvent jouer un rôle
important sur les événements indésirables périnataux. Les
mécanismes d’action des différents polluants sont mal
connus et davantage d’études toxicologiques sont
nécessaires. Les auteurs ont pour projet, dans une future
étude, d’affiner la mesure de l’exposition, en tenant
compte de facteurs météorologiques et du type de trafic
routier notamment, et de recueillir des informations sur
d’éventuels déménagements pendant la grossesse et
l’exposition à d’autres sources de pollution.
Même si les auteurs ont pu recueillir des données à
large échelle, avec une bonne puissance statistique à un
niveau individuel, cette étude présente des limites,
généralement exposées par les auteurs. Tout d’abord,
la procédure de sélection des cas et des témoins n’est
pas très claire. On a des difficultés à comprendre
comment on passe de la population de départ
(65 379 enfants au total) à l’échantillon. Les auteurs
évoquent rapidement que les enfants pour lesquels
l’exposition au trafic n’a pas pu être reconstituée étaient
plus souvent des cas que des témoins. Ils soulignent le
fait que si l’exposition était également différente (plus
importante chez les cas), un biais de sélection existerait,
mais qu’il tendrait vers zéro. Or, n’ayant justement
aucune information sur l’exposition (pas de données de
pollution de fond notamment), il est difficile de prévoir le
sens d’un éventuel biais. Un descriptif de la population
dont les auteurs n’ont pas pu reconstituer l’exposition
aurait été intéressant. De même, les auteurs ont exclu les
césariennes des analyses pour la prématurité et pas
pour les petits poids de naissance, ce qui complique
légèrement la lecture des résultats, mais ils n’en
expliquent pas les raisons. Ils ont également utilisé le
risque relatif au lieu du rapport de cotes pour la
prématurité, mais la justification de ce choix est très
rapide. Enfin, les auteurs évoquent la possibilité de
facteurs de confusion non pris en compte dans l’étude
(tabac, nutrition, exposition professionnelle maternelle
et exposition à la pollution intérieure notamment).
L’explication concernant l’absence de confusion due à
ces variables n’est pas très satisfaisante (lien avec les
facteurs socio-économiques qui, eux, ont été pris en
compte dans l’étude). Les auteurs prévoient d’ailleurs
d’en tenir compte dans une prochaine étude.
En conclusion, cette étude apporte des éléments
intéressants en terme de méthodologie d’évaluation
d’impacts sanitaires de l’exposition à la pollution
atmosphérique. Pour des études ultérieures, la
reconstitution de l’exposition devrait gagner en précision
avec une meilleure description des émissions du trafic
routier et de leur dispersion. L’évaluation des effets
sanitaires devrait gagner à une meilleure quantification
de certains facteurs de confusion, notamment l’exposition
professionnelle maternelle et l’exposition à la pollution
intérieure.
Commentaires et conclusions
des analystes
Dans cette étude, l’exposition individuelle liée aux
émissions du trafic routier a été estimée à partir d’un
indice permettant de tenir compte des différences
d’exposition pour chaque domicile. La méthode de
calcul de cet indice est relativement simple. C’est à la fois
son principal défaut (par exemple, elle ne prend pas en
compte l’effet de la météorologie sur la dispersion des
polluants) et son principal atout. Comme le soulignent
d’ailleurs les auteurs, cette simplicité d’application permet
d’évaluer très facilement une exposition à la pollution de
proximité sur un grand nombre de cas, accroissant ainsi
la robustesse statistique de cette évaluation.
Les auteurs mentionnent qu’il serait possible d’utiliser un
modèle de dispersion gaussienne afin d’affiner les
estimations de concentrations en polluant. Selon eux, les
résultats ne seraient pas très différent, sans qu’ils le
prouvent pour autant. Selon leur argumentation, la
relation simple utilisée donne des approximations aussi
bien pour les cas que pour les témoins. Il aurait été
intéressant par exemple de montrer une rose des vents
de la zone de Los Angeles pour la période 1994-1996 afin
d’évaluer la validité d’utiliser une relation isotrope pour
estimer les zones privilégiées de dispersion des polluants
(pas de direction de dispersion privilégiée sous l’effet du
vent). Pour évaluer la validité de l’indice d’exposition
utilisé, il aurait également été intéressant de comparer
cette approche simple sur quelques situations types ou
l’on dispose de résultats de modélisation plus complexe
ou de résultats de stations de mesure.
Pollution atmosphérique n° 189
Analyses commentées
21
Extrapol n° 28 - Juin 2006
Analyses commentées
e
XTRA
POL
Étude des liens entre les niveaux de pollution atmosphérique et le
nombre de naissances prématurées par une analyse de séries
temporelles, en Pennsylvanie, 1997-2001
A time series analysis of air pollution and preterm birth in Pennsylvania, 1997-2001
Sagiv SK, Mendola P, Loomis D, Herring AH, Neas LM, Savitz D, Poole C.
Environ Health Perspect 2005;113 :602-606.
Résumé de l’étude
Analyse commentée par
Objectifs
Benoit Chardon1 et Patricia Lozano2
1
2
Cette étude a pour objectif d’estimer la relation existant
entre les niveaux de pollution atmosphérique couramment
observés dans quatre comtés de Pennsylvanie et le
nombre de naissances prématurées. La méthode repose
sur l’analyse de séries temporelles qui permettra de
quantifier des effets moyens et aigus de la pollution sur
les risques de naissances prématurées.
Observatoire régional de santé (ORS) Île-de-France, Paris
Airmaraix, Marseille
Contexte
La prévalence de naissances prématurées était de 11,6 %
aux États-Unis en 2000. Les naissances prématurées
peuvent avoir un effet sur la mortalité néonatale ou
la morbidité infantile (problèmes pulmonaire,
neurologiques etc.). Des études antérieures rapportent
des augmentations de risque de naissances prématurées
en relation avec des gradients spatiaux de pollution
atmosphérique, notamment avec l’exposition aux
particules en suspension (PM10) et au dioxyde de soufre
(SO2). Cependant, ces études ne prenaient pas en
compte les facteurs de risque individuel comme le
tabagisme passif de la mère par exemple. L’utilisation des
méthodes d’analyse de séries temporelles, inédites pour
ce genre d’étude, permet non seulement d’évaluer les
effets de la pollution de l’air en intégrant les contrastes
d’exposition, tant spatiaux que temporels, mais permet
également de s’affranchir des facteurs de risque
individuels supposés constants sur une courte période
de temps.
Pollution atmosphérique n° 189
La période d’étude s’étend de 1997 à 2001 et les polluants
considérés sont les particules en suspension d’un diamètre
aérodynamique inférieur à 10 µm (PM10) et le dioxyde de
soufre (SO2). L’effet sanitaire des niveaux de polluants
observés au cours des six semaines précédant la
naissance ainsi que l’effet sanitaire des niveaux observés
quelques jours avant la naissance ont été analysés.
Matériels et méthodes
Les données ont été recueillies dans quatre comtés de
Pennsylvanie. L’indicateur sanitaire utilisé dans cette
étude concerne le nombre journalier de naissances
prématurées (naissances multiples exclues) enregistrées
pour les mères ayant résidé dans ces quatre comtés entre
le 1er janvier 1997 et le 31 décembre 2001. Une naissance
est considérée comme prématurée lorsque celle-ci a
lieu avant la 37ème semaine de gestation. Seules les
naissances survenues entre 20 et 44 semaines ont été
22
Extrapol n° 28 - Juin 2006
e
XTRA
POL
retenues pour l’étude, les naissances avant 20 semaines
étant rarement viables et les accouchements étant
presque toujours déclenchés avant 44 semaines.
Les moyennes journalières sur cinq ans des niveaux de
pollution ont été fournies par l’EPA (Environnemental
Protection Agency). En plus des concentrations en PM10
et en SO2, les niveaux d’ozone (O3), de monoxyde de
carbone (CO) et de dioxyde d’azote (NO2) ont été recueillis
en tant que co-polluant. Les PM10 ont été collectées au
pas de temps horaire pour trois des comtés équipés
d’analyseurs à microbalance à quartz et, tous les six
jours pour le comté utilisant un préleveur haut volume.
Trois comtés possédaient plusieurs stations de mesure
pour chaque polluant. Une moyenne journalière unique
par polluant a été calculée pour chacun de ces comtés.
Des variables météorologiques comme la température et
la température du point de rosée (source : météorologie
nationale) ont également été prises en compte dans
l’analyse en tant que facteurs de confusions potentiels,
notamment par rapport aux effets observés quelques
jours avant la naissance.
Les données ont été régressées selon un modèle de
Poisson qui permet de prendre en compte les éventuels
effets non-linéaires des variables explicatives par
l’utilisation de fonctions de lissage. Plusieurs fonctions de
lissage ont été testées, et celle qui améliorait le plus la
qualité du modèle a été retenue. Afin de rendre compte
de la variabilité existant entre les comtés, un modèle
hiérarchique a été utilisé. Pour estimer l’impact sanitaire
des niveaux de pollution atmosphérique rencontrés au
cours des six semaines précédant le jour d’observation,
la moyenne sur six semaines des niveaux journaliers a été
utilisée. Les effets sanitaires à très court terme des
niveaux de pollution atmosphérique rencontrés chaque
jour avant la naissance (de 1 à 7 jours avant la naissance)
ont également été analysés.
Les risques relatifs et intervalles de confiance ont été
calculés pour l’exposition aux PM10 et au SO2 au cours
des six semaines avant la naissance et pour chacun des
7 jours avant la naissance.
Les polluants ont été modélisés comme des variables
continues et les estimations de risque ont été calculées
pour des augmentations d’exposition de 50 µg/m3 pour
les PM10 et de 40,05 µg/m3 pour le SO2. Ces gradients ont
été choisis car ils correspondent aux gradients déjà
utilisés dans d’autres études. La possibilité d’une relation
dose réponse non linéaire a été envisagée, c’est pourquoi
les polluants ont également été introduit dans le modèle
sous la forme d’une variable qualitative correspondant aux
quantités de la distribution des niveaux observés.
1997 et 2001. Les exclusions n’ont pas changé les
caractéristiques démographiques de l’échantillon. Cela
équivaut à trois naissances prématurées par jour en moyenne
dans chaque comté au cours de la période 1997-2001.
Entre 1997 et 2001, les niveaux journaliers de PM10 et
de SO2 étaient corrélés positivement (coefficient de
corrélation de Pearson de 0,46).
L’étude montre qu’une augmentation moyenne de 50 µg/m3
des niveaux de PM10 au cours des six semaines précédant
la naissance est associée à une augmentation de 7 % du
nombre de naissances prématurées. Ce résultat n’est pas
significatif au seuil de 5 % (RR=1,07 ; IC 95 % :
0,98-1,18). En revanche, une augmentation moyenne de
40,05 µg/m3 des niveaux de SO2 au cours des six dernières
semaines avant la naissance est associée à une
augmentation significative de 15 % du nombre de
naissances prématurées (RR=1,15 ; IC 95 % : 1-1,32).
À très court terme, l’étude montre une augmentation
significative de 10% du risque de naissances prématurées
pour une augmentation de 50 µg/m3 des niveaux de
PM10, deux jours avant la naissance, (RR=1,10 ; IC 95 % :
1-1,21). Pour le SO2, il n’a pas été obtenu de résultat
significatif : la plus forte association avec les niveaux est
rencontrée trois jours avant la naissance (RR=1,07 ;
IC 95 % : 0,99-1,15).
Les auteurs estiment à 1 pour 125 naissances le nombre
de naissances prématurées en excès dû à une
augmentation de 50 µg/m3 des niveaux de PM10 et
à 1 pour 58 naissances le nombre de naissances
prématurées en excès du à une augmentation de
40,05 µg/m3 des niveaux de SO2.
Discussion et conclusions des auteurs
Deux hypothèses peuvent expliquer l’impact sanitaire
de la pollution atmosphérique sur le nombre de
naissances prématurées, à la fin de la grossesse :
• un changement de la viscosité du sang, en lien avec
l'inflammation provoquée par l'exposition à court terme
aux PM10 et au SO2. Cette inflammation, associée à une
mauvaise irrigation placentaire pourrait expliquer l’effet
aigu de la pollution atmosphérique sur les naissances
prématurées ;
• à plus long terme, l'exposition aux polluants pourrait
altérer les fonctions d’immunité, ce qui causerait des
susceptibilités accrues aux infections.
Les résultats observés dans cette étude sont conformes à
un certain nombre d'études antérieures liant exposition à
la pollution atmosphérique et naissances prématurées,
lesquelles ont pris en compte des gradients spatiaux
d’exposition. Les auteurs soulignent que le meilleur contrôle
des facteurs individuels pourrait expliquer les risques plus
faibles observés dans cette étude. Cette étude est basée
sur des données pré-existantes qui concernent une large
population et une longue période d’étude : les risques de
Résultats
187 977 naissances (soit 94 % du nombre total de
naissances) dont 21 450 naissances prématurées (11,4 %)
répondaient aux critères de sélection pour l’étude entre
Pollution atmosphérique n° 189
Analyses commentées
23
Extrapol n° 28 - Juin 2006
Analyses commentées
e
XTRA
POL
biais de sélection sont donc limités et la précision des
résultats est meilleure. Ce type d’étude est limité par le fait
que les mesures des analyseurs in situ (concentrations
ambiantes) ne représentent pas l'exposition individuelle et
entraînent une sous estimation des effets de la pollution.
Cependant, les variations journalières des niveaux ambiants
de pollution sont supposées corrélées aux variations
journalières de l’exposition individuelle, ce qui permet de
conserver la notion de contrastes d’exposition. Cette étude
s’est limitée à deux polluants pour lesquels la littérature était
fournie. Une des voies de recherche consisterait à savoir
si ces polluants sont marqueurs d’autres types de pollution
(particules fines, sulfates, HAP…). Des analyses
préliminaires sur un impact sanitaire possible du CO et du
NO2 ont déjà été réalisées et n’ont pas permis de mettre
en évidence des liens significatifs entre ces polluants et le
nombre de naissances prématurées. L’étude s’est limitée
à l’effet sanitaire de l’exposition à la pollution atmosphérique
à la fin de la grossesse mais d’autres études ont montré
que l’exposition à la pollution atmosphérique en début de
grossesse pouvait également entraîner des naissances
prématurées. Il est plausible, en effet, que la pollution
atmosphérique puisse interférer sur le développement du
placenta ou sur d'autres processus du développement fœtal
précoce. Deux fenêtres d’exposition ont été considérées
dans cette analyse (6 semaines avant la naissance et les
7 derniers jours avant la naissance) ; l’exploitation d’autres
fenêtres d’exposition aurait pu permettre de mieux
comprendre les mécanismes biologiques qui rentrent en
jeu. L'âge de gestation est parfois mal estimé sur l'acte de
naissance. Pour filtrer les erreurs, les analyses se sont
réduites aux naissances avérées entre la 20ème et la 44ème
semaine de gestation. Cependant, il est probable qu'une
marge d’incertitude demeure ayant pour principale
conséquence une sous estimation de l’effet sanitaire de la
pollution atmosphérique. En dépit des limitations portant
sur les données, l’effet sanitaire des PM10 et du SO2
sur les naissances prématurées est indiscutable. Les
augmentations absolues du risque sont faibles, avec 1 ou
2 naissances prématurées excessives pour 100 naissances
suite à une exposition à une augmentation de 50 µg/m3 en
PM10 ou de 40,05 µg/m3 en SO2. Cependant, la majorité
de la population vit dans les centres urbains et est
chroniquement exposée à des niveaux élevés de pollution
atmosphérique ; aussi, si les effets détectés sont
effectivement causals, l'impact en terme de santé publique
pourrait être important.
individuels connus ou inconnus et souvent difficiles à
prendre en compte.
Les données de pollution atmosphérique ont été puisées
dans la base de données de l’EPA. Mais, la qualité des
données et leur limite d’incertitude ne sont pas données.
Notamment pour les PM10, les deux techniques de
prélèvement citées sont différentes, dont une tend
classiquement à sous estimer les teneurs (microbalance
à quartz vs préleveur haut volume).
Concernant la construction des indicateurs d’exposition,
il manque dans cet article des statistiques descriptives
sur les niveaux de pollution atmosphérique rencontrés
dans chaque comté. Ces statistiques descriptives
auraient permis de vérifier d’une part, l’homogénéité
des niveaux de pollution atmosphérique dans un même
comté (validant ainsi l’utilisation d’une valeur moyenne
sur l’ensemble du comté) et, d’autre part, de vérifier
l’hétérogénéité des niveaux entre les comtés.
La période d’étude de 5 ans ainsi que l’approche
multicentrique de l’analyse doivent permettre une
estimation précise du risque. Cependant, le faible nombre
de naissances prématurées par jour (3 en moyenne)
peut faire craindre une faible puissance statistique des
modèles utilisés.
Afin de pouvoir comparer leurs résultats avec ceux d’autres
études, les auteurs ont travaillé sur les mêmes fenêtres de
temps et les mêmes scénarios d’augmentation des niveaux
de pollution. Or l’utilisation de la moyenne journalière des
niveaux de pollution sur six semaines suppose que l’effet
sanitaire est réparti de façon homogène au cours des six
semaines précédant la naissance. L’utilisation de modèles
polynomiaux à retards échelonnés auraient permis de
mettre en évidence la distribution de l’effet sanitaire de la
pollution atmosphérique au cours du temps.
S’ils sont comparables avec d’autres études, les
scénarios d’augmentation des niveaux de pollution ne
sont pas réalistes en termes de communication. Les
auteurs supposent une augmentation moyenne de
50 µg/m3 des niveaux de PM10 sur 6 semaines alors
que la moyenne journalière sur 5 ans est de 26 µg/m3
environ. De même, ils supposent une augmentation
moyenne de 40,05 µg/m3 des niveaux de SO2 au cours
des 6 semaines précédant la naissance alors qu’en
moyenne, sur l’ensemble de la période, les niveaux
moyens de SO2 sont de 21,36 µg/m3.
En conclusion, cette étude des relations entre la pollution
atmosphérique et des naissances prématurées par le biais
de séries temporelles semble inédite du fait de la méthode
employée et de la quantité importante de données utilisées.
Afin qu’elle soit originale, les auteurs auraient pu tester
d’autres scénarios d’augmentation des niveaux de pollution
atmosphérique et d’autres fenêtres de temps au lieu de se
conformer à celles de la littérature existante. La réalisation
d’autres études basées sur des analyses de séries
temporelles devrait permettre de valider les résultats
obtenus et d’approfondir les connaissances sur le sujet.
Commentaires et conclusions
des analystes
Cet article estime l’effet sanitaire de la pollution
atmosphérique sur le nombre de naissances prématurées
par l’utilisation d’analyse de séries temporelles. Cette
approche est tout à fait intéressante dans la mesure où
elle permet de s’affranchir des facteurs de risque
Pollution atmosphérique n° 189
24
Extrapol n° 28 - Juin 2006
e
XTRA
POL
Analyses commentées
Estimation du risque d’altération de la croissance fœtale lié
à l’exposition à de fines particules durant la grossesse :
une étude épidémiologique de cohorte prospective en Pologne
Estimated risk for altered fetal growth resulting from exposure to fine particles
during pregnancy: an epidemiologic prospective cohort study in Poland
Jedrychowski W, Bendkowska I, Flak E, Penar A, Jacek R, Kaim I, Spengler JD, Camann D, Perera FP.
Environ Health Perspect 2004;112:1398-402
Résumé de l’étude
Analyse commentée par
Béatrice Ducot1 et Éléna Nerrière2
1
2
Objectif
INSERM unité 569
Fondation d’entreprise de la Mutuelle générale
de l’éducation nationale (MGEN) pour la santé publique
L’objectif de l‘étude présentée est de chercher s’il existe
une relation entre l’exposition personnelle de femmes
enceintes aux PM2,5, et la taille, le poids et le périmètre
crânien du bébé à la naissance.
Contexte
Matériel et méthodes
Il s’agit d’une étude prospective de cohorte portant sur
362 femmes enceintes recrutées lors de consultations
prénatales en Pologne, ayant accouché entre 34 et
43 semaines de gestation (grossesse simple). Pour être
incluses, les femmes devaient être âgées entre 18 et
35 ans, être non fumeuses, ne pas être atteintes de
diabète ni d’hypertension. Elles répondaient à un
questionnaire portant sur leurs antécédents, leurs
caractéristiques sociodémographiques, professionnelles,
consommation d’alcool, tabagisme passif. Après leur
accouchement, des données sur le bébé ont été
recueillies (taille, poids, périmètre crânien, Apgar), et le
terme a été renseigné.
De nombreuses études ont montré la relation existant
entre, d’une part, la consommation de tabac, le tabagisme
passif des parents, l’exposition aux polluants de l’air et,
d’autre part, le risque de naissance prématurée et de retard
de croissance intra-utérin. On sait que le fœtus et l’enfant
sont plus sensibles que l’adulte aux produits toxiques
présents dans l’environnement. L’exposition aux polluants
(par exemple PM10 -particules de diamètre ≤ 10 µm-, CO
ou SO2) est estimée dans la plupart de ces études par la
concentration ambiante des polluants. Celle-ci est mesurée
au moyen des capteurs de surveillance de la qualité de l’air
et est alors attribuée aux personnes habitant dans ces
zones. Ces études, notamment celles du type écologique,
ne permettent pas en général de tenir compte de facteurs
connus comme ayant un effet sur la croissance intra-utérine
(taille, poids, consommation de tabac de la mère).
L’étude polonaise commentée ici est originale car elle
utilise des estimations personnelles des expositions et
intègre dans son analyse ces différents facteurs confondants.
Pollution atmosphérique n° 189
Mesure de l’exposition
La mesure de l’exposition aux PM2,5 est réalisée au
moyen de capteurs individuels à impacteurs, disposés
dans un sac à dos (laissé de manière continue à proximité
de la participante). Le prélèvement s’effectue pendant
25
Extrapol n° 28 - Juin 2006
Analyses commentées
e
XTRA
POL
48 heures consécutives au cours du 2ème trimestre ;
le débit total est fixé à 4 L/mn et le bon fonctionnement
du dispositif est contrôlé au cours de la participation par
un enquêteur.
Les résultats montrent une forte corrélation entre
tabagisme passif et exposition aux PM2,5. La non relation
entre le tabagisme passif et l’état de l’enfant à la
naissance peut sembler en contradiction avec d’autres
études ; les auteurs l’expliquent par le fait que dans les
autres études l’exposition aux particules fines n’est pas
prise en compte. Le niveau de tabagisme passif est de
plus estimé par le déclaratif de la femme enceinte, il peut
ainsi avoir été sous-estimé.
Méthodes statistiques
Le rôle de l’exposition aux PM2,5 et au tabagisme passif
est étudié avec des modèles de régression unis, puis
multivariés. Les facteurs de confusion pris en compte
dans l’analyse multivariée sont le poids de la mère avant
la grossesse, sa taille, le sexe du bébé, l’âge gestationnel
ainsi que la saison au moment de l’accouchement. En
raison de la distribution non symétrique des niveaux de
PM2,5, une transformation logarithmique est utilisée pour
cette variable. L’exposition au tabagisme passif est
intégrée dans les modèles au moyen d’une variable à
4 classes selon le nombre de cigarettes journalières
auquel est exposée la femme enceinte.
Une bonne corrélation a par ailleurs pu être notée entre
les mesures personnelles des femmes et les mesures de
PM10 par le réseau local de surveillance de l’air. Ces
mesures ambiantes pourraient ainsi servir à une première
estimation des expositions. Pour autant, les auteurs
rappellent leurs limites : en effet, elles sont tributaires de
leur qualité métrologique et ne permettent pas de prendre
en compte les modes de vie et la mobilité des
participantes ainsi que les conditions météorologiques.
Depuis quelques années, plusieurs articles émettent
l’hypothèse d’une relation entre d’une part l’état
du nouveau-né à la naissance et d’autre part son
développement futur ainsi que la survenue de pathologies
à l’âge adulte (diabète, maladies coronariennes), cela
justifiant pleinement que l’on étudie les facteurs de
risque d’altération de la croissance fœtale.
Résultats
L’exposition aux PM2,5 est en moyenne égale à 43 µg/m3.
La taille, le poids de naissance et le périmètre crânien du
nouveau-né sont en moyenne 54,6 cm, 3 439,8 g, et
33,9 cm, respectivement. L’âge gestationnel moyen est
égal à 39,5 semaines. Une relation est mise en évidence
entre l’exposition personnelle aux PM2,5 et les
caractéristiques du nouveau-né. Le périmètre crânien et
le poids de naissance sont inférieurs de 0,3 cm et 128,3 g
respectivement pour les bébés dont les mères présentent
une exposition aux PM2,5 supérieure à la médiane
(36,3 µg/m3). L’analyse quantitative prédictive montre
qu’une augmentation de PM2,5 de 10 µg/m3 à 50 µg/m3
conduit à une diminution de 140,3 g pour le poids de
naissance, de 1 cm pour la taille et de 0,5 cm pour le
périmètre crânien. Enfin, les régressions multiples ne
montrent pas de relation entre le tabagisme passif et les
mesures anthropométriques du nouveau-né.
Il n’est pas noté de lien entre le tabagisme passif,
l’exposition aux particules fines et le terme de la naissance.
Une limite de l’étude présentée vient du fait que la
mesure de PM2,5 n’a été réalisée que pendant 48 heures
durant le 2ème trimestre de la grossesse. Les auteurs
ont réalisé chez 51 femmes des mesures répétées aux
1er et 3ème trimestres et aucune différence significative n’a
été mise en évidence entre ces 3 périodes.
Le mécanisme par lequel agiraient les particules PM2,5
n’est pas clair, ces particules en effet contiennent un
mélange de toxiques divers tels que tabac, composés
organiques, sulfates, métaux, suie, on ne peut
pas identifier le(s) élément(s) en cause. Il existe
des hypothèses qui suspecteraient les composés
génotoxiques véhiculés par les particules.
Commentaires et conclusions
des analystes
Discussion et conclusion des auteurs
Les auteurs insistent sur les éléments qu’apporte leur
étude par rapport à celles précédemment publiées sur
le même sujet (effet de la pollution atmosphérique sur la
reproduction) : dans leur étude, l’exposition aux particules
PM2,5 est mesurée personnellement auprès des femmes,
par opposition aux autres études qui utilisent des niveaux
ambiants atmosphériques. Par ailleurs, les données du
nouveau-né ne concernent pas seulement le poids de
naissance mais également la taille et le périmètre crânien.
Le niveau d’exposition moyen aux PM2,5 des femmes
vivant à Cracovie est bien supérieur à celui existant aux
USA et de même ordre de grandeur qu’en République
tchèque.
Pollution atmosphérique n° 189
Ainsi que l’expliquent les auteurs, il est en effet très
important de disposer de l’exposition personnelle des
femmes et pas uniquement d’une estimation des niveaux
ambiants.
Il semble que la zone de Cracovie soit très exposée par
rapport à d’autres pays notamment occidentaux (USA
par exemple), on peut se demander si les effets
observés persisteraient pour des niveaux d’exposition
moindres.
Les auteurs ne précisent pas le taux de participation à
l’étude, 362 femmes on été incluses mais on ne sait
pas combien avaient été sollicitées.
26
Extrapol n° 28 - Juin 2006
e
XTRA
POL
Il aurait été souhaitable que les auteurs ajoutent à leur
bibliographie une référence portant sur la validation
métrologique du dispositif utilisé. Il n’est en effet renseigné
aucun élément concernant le nom et l’origine du dispositif.
Il semble que le tabagisme passif pris en compte, et
pour lequel aucune relation avec la croissance fœtale n’est
observée, ne concerne que l’exposition à la maison ;
peut-être aurait-il été intéressant de recueillir des données
sur l’exposition dans d’autres lieux, par exemple le lieu
de travail.
Il aurait également pu être intéressant de faire compléter
aux femmes enceintes un carnet budget-espace-temps
pendant leur participation, permettant de mieux détailler
leurs déplacements et leurs éventuelles expositions
particulières : cuisson, ménage, utilisation des transports…
Les méthodes statistiques utilisées sont adaptées.
On peut cependant discuter du choix de la médiane des
niveaux d’exposition (36,3 µg/m3) pour distinguer une
exposition forte d’une exposition faible. Le seuil est ici bien
entendu relatif à la situation de Cracovie où la majorité des
expositions aux PM2,5 serait plutôt qualifiée de forte en
regard d’autres pays occidentaux comme la France par
exemple.
Il semble que le terme ait été calculé à partir de la
date des dernières règles déclarée et de la date de
l’accouchement, sans critère échographique, ce qui peut
entraîner imprécisions ou erreurs.
Il aurait également été intéressant d’introduire, en plus du
poids de la mère, des éléments sur son comportement
alimentaire qui peuvent avoir une influence sur le bon
développement intra-utérin de l’enfant.
L’effet des particules a été étudié sur les mesures du
nouveau-né, mais de façon séparée. On ne peut pas
Pollution atmosphérique n° 189
Analyses commentées
préciser si l’effet sur le périmètre crânien par exemple est
réel ou bien s’il n’est pas lié à l’effet sur le poids de
naissance.
En conclusion, cette étude originale comprenant une
estimation de l’exposition personnelle des femmes
enceintes aux particules fines est de bonne qualité et a
mis en évidence une relation entre les PM2,5 et l’état de
santé de leur enfant à la naissance ; les nouveau-nés de
mères très exposées ayant en effet une taille, un poids
de naissance et un périmètre crânien inférieurs à ceux des
bébés nés de mères moins exposées.
Le domaine des facteurs influençant la croissance intrautérine est important en santé publique, en effet de plus
en plus de cohortes de nouveau-nés voire de femmes
enceintes sont mises en place pour étudier la relation entre
la vie intra-utérine et le développement de l’enfant puis
l’état de santé ultérieur de l’individu. L’étude présentée
ici propose notamment un suivi longitudinal de ces
enfants afin de comparer leur développement.
Ces résultats viennent conforter ceux de nombreuses
autres études épidémiologiques qui mettent en évidence
l’effet des particules fines sur la santé à différents
niveaux (cancérogénicité, affections respiratoires et
cardiovasculaires…). D’un point de vue plus général,
cette étude apporte une nouvelle preuve de l’enjeu
sanitaire de mieux évaluer les risques pour la santé liés
à l’exposition aux particules fines. Il reste cependant,
comme l’évoquent les auteurs, à développer de nouvelles
recherches pour comprendre les mécanismes d’actions
de ces particules sur le développement fœtal. La réponse
proviendra peut-être d’études plus approfondies sur la
nature physico-chimique de ces particules dites fines
voire ultra-fines.
27
Extrapol n° 28 - Juin 2006
Analyses commentées
e
XTRA
POL
Relation entre la pollution atmosphérique et certaines
malformations congénitales, dans sept comtés au Texas, 1997-2000
Estimated Relation between Ambient Air Quality and Selected Birth, Seven County
Study, 1997-2000
Gilboa SM, Mendola P, Olshan AF, Langlois PH, Savitz DA, Loomis D, Herring AH, Fixler DE.
Am J Epidemiol 2005;162:238-252
Résumé de l’étude
Analyse commentée par
L’objectif est ici d’étudier les liens entre les expositions
des mères aux polluants atmosphériques entre la
troisième et la huitième semaine de grossesse et le
risque de certaines malformations cardiaques et
labiopalatines.
Babak Khoshnood1 et Olivier Blanchard2
1
2
Inserm, UMR S149, IFR 69, Villejuif.
Ineris, Verneuil-en-Halatte
Les polluants étudiés sont le monoxyde de carbone
(CO), le dioxyde d’azote (NO2), l’ozone (O3), le dioxyde
de soufre (SO2) et les particules d’un diamètre
aérodynamique inférieur à 10 µm (PM10).
Contexte
Des études antérieures avaient montré l’existence d’effets
néfastes de l’exposition à la pollution atmosphérique
sur la santé. Ces effets concernent la mortalité et les
affections cardiovasculaires et respiratoires, mais aussi
la reproduction : avortements spontanés, retards de
croissance intra-utérins, naissance avant terme et
mortalité infantile. De plus, des études menées chez
l’animal suggèrent que les polluants atmosphériques
pourraient être responsables de mutations génétiques
transmissibles à la descendance, et en particulier de
mutations de l’ADN du fœtus suite à l’exposition à la
pollution atmosphérique pendant la grossesse. Quelques
études épidémiologiques suggèrent également que les
polluants atmosphériques pourraient être tératogènes,
et en particulier être la cause de malformations
cardiaques et de fentes labiopalatines1.
Matériels et méthodes
Population étudiée
La population initiale a été constituée à partir de 7 381
cas de malformations congénitales (enfants nés vivants
et fœtus décédés) enregistrés par le registre texan des
malformations congénitales, survenues entre 1997 et
2000, et dont les mères résidaient dans sept comtés
texans. Après exclusion des cas pour lesquels n’étaient
pas renseignés le statut vital, l’âge gestationnel2,
la présence de diabète chez la mère (qui représente
un facteur de risque important pour les malformations
cardiaques congénitales) ou l’adresse, ainsi que
des cas qui présentaient une persistance du foramen
Fente labiopalatine : terme recouvrant l’ensemble des malformations de la face résultant d’un défaut de soudure des bourgeons maxillaires, communément
appelées “becs de lièvre”.
2 Âge gestationnel : âge d’un nouveau-né, ou d’un fœtus évalué en semaines d’aménorrhée.
1
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ovale3 ou du canal artériel (deux malformations fortement
associées à la prématurité), ou une holoprosencéphalie4
en association avec des fentes labiopalatines (les fentes
labiopalatines sont l’une des conséquences des défauts
de la ligne médiane), 5 338 cas ont pu être inclus dans
l’analyse.
Les cas ont été répartis selon six catégories correspondant
à des malformations cardiaques ou labiopalatines isolées,
et deux catégories correspondant à des malformations
cardiaques multiples. Les malformations isolées
correspondaient à : 1/ anomalies de l’artère ou des valves
pulmonaires (sténose de l’artère pulmonaire, sténose des
valves pulmonaires, retour veineux pulmonaire anormal),
2/ anomalies de l’aorte ou de la valve aortique
(sténose de la valve aortique, coarctation de l’aorte),
3/ communications interventriculaires, 4/ anomalies des
oreillettes, ou communication interauriculaire, 5/ fente
labiale, avec ou sans division palatine, 6/ division palatine
seule. Les deux catégories de malformations multiples
correspondaient à : 1/ anomalies conotroncales, y compris
tétralogie de Fallot5, tronc artériel commun, et transposition
des gros vaisseaux, 2/ anomalies des cloisons
endocardiques et de la valve mitrale, y compris persistance
du canal auriculoventriculaire, sténose mitrale et hypoplasie
du cœur gauche.
Les cas ont été appariés en fréquence à un échantillon
stratifié de 4 580 témoins non atteints de malformations.
L’appariement a été effectué selon le statut vital (naissance
vivante ou mort fœtale), l’année et le comté de résidence
de la mère. Les niveaux d’exposition attribués aux cas et
aux témoins se fondaient sur le lieu de résidence de la
mère, qui a pu être géocodé pour environ 80 % de la
population étudiée. Les cas et les témoins pour lesquels
cela n’a pas été possible ont été exclus des analyses
ultérieures.
Analyses commentées
Analyse statistique
Les facteurs de confusion potentiels qui ont été pris en
compte lors de l’analyse incluent les caractéristiques
sociodémographiques de la mère, la consommation
d’alcool et de tabac pendant la grossesse, le suivi médical
pendant la grossesse et la saison de conception.
La sélection des covariables retenues pour l’analyse se
fondait sur un critère statistique : si la suppression d’une
variable entraînait un changement de plus de 10 % dans
l’estimation de l’effet de l’exposition, alors la variable en
question était incluse dans le modèle. Cette stratégie
de sélection a été conduite de façon indépendante pour
chaque combinaison de polluant et de catégorie de
malformations.
Certaines analyses ont été réalisées au moyen de
régressions logistiques multinomiales, avec une variable
à expliquer pouvant comprendre 7 modalités (6 catégories
de malformations et les témoins). Afin de contrôler l’erreur
de type 1 (alpha), une procédure step down a été
employée. Les analyses ont porté sur les malformations
cardiaques et labiopalatines isolées, sur les malformations
cardiaques considérées type par type (qu’elles soient
isolées, incluses au sein de malformations multiples ou
d’origine chromosomique), et sur les deux groupes de
malformations cardiaques multiples.
Résultats
La majorité des analyses n’a pas mis en évidence de liens
entre l’augmentation de l’exposition à la pollution
atmosphérique et une augmentation, ou une diminution,
du risque de malformations congénitales. Lorsque le
quatrième quartile des expositions est comparé avec le
premier, il existe une association positive entre le CO et
le risque de malformations conotroncales multiples
(OR = 1,46, IC 95 % : 1,03-2,08), entre le SO2 et le risque
de communication interventriculaire isolée (OR = 2,16,
IC 95 % : 1,51-3,09), ainsi qu’entre les PM10 et le risque
de communication interauriculaire. Des associations
inverses ont été trouvées entre le CO et le risque de
communication interauriculaire isolée, l’O3 et le risque de
malformations isolées de la cloison interventriculaire, le
SO2 et le risque de malformations conotroncales multiples,
et les PM10 et le risque d’anomalies des cloisons
endocardiques.
Pour les anomalies considérées type par type (qu’elles
soient isolées ou non), le CO était positivement associé
à une augmentation du risque de tétralogie de Fallot
(OR = 2,04, IC 95 % : 1,26-3,29), le SO2 était associé au
risque de malformations de la cloison interventriculaire
(OR = 1,31, IC 95 % : 1,06-1,61) et l’exposition aux PM10
Évaluation de l’exposition
Les concentrations dans l’air en CO, NO2, SO2, O3 et PM10
ont été mesurées à partir des stations fixes du réseau de
surveillance de l’agence de protection de l’environnement
des États-Unis (US-EPA). Les concentrations moyennes
journalières, sur la période de la troisième à la huitième
semaine de la grossesse, ont été calculées. À chaque
résidence maternelle ont été attribuées les concentrations
en polluants de la station de mesure la plus proche
possible, pour laquelle au moins 70 % des données
étaient disponibles. Les distances moyennes entre la
station de mesure et la résidence maternelle étaient
comprises entre 8,6 et 14,2 kilomètres, avec des distances
minimales de 100 à 600 mètres et des distances
maximales de 35,5 à 54,4 kilomètres.
Foramen ovale : dans le cœur, orifice de la cloison interauriculaire permettant le passage du sang de l’oreillette droite à l’oreillette gauche. Il se ferme
normalement après la naissance.
4 Holoprosencéphalie : anomalie consistant en la non division du cerveau antérieur en deux hémisphères.
5 Tétralogie de Fallot : malformation associant un rétrécissement de la voie artérielle pulmonaire, une communication interventriculaire, une dextroposition
aortique et une hypertrophie ventriculaire droite.
3
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était associée au risque de communication interauriculaire
(OR = 1,26, IC 95 % : 1,03-1,55). Là encore, quelques
associations inverses ont pu être mises en évidence.
de la probabilité d’observer des associations
statistiquement significatives uniquement dues au hasard.
Plus précisément, ils ont utilisé une méthode step-down
afin de contrôler l’erreur de type 1. Cependant, comme
les auteurs le reconnaissent, cette méthode ne résout pas
totalement le problème, compte tenu du très grand
nombre d’associations entre expositions et malformations
qui ont été testées ici. Ainsi, il est vraisemblable que
certaines des associations observées, notamment les
relations inverses inattendues et inexpliquées, sont dues
au hasard.
Discussion et conclusions des auteurs
Les plus fortes associations sont observées entre les
niveaux d’exposition au CO et la tétralogie de Fallot ou les
malformations conotroncales multiples, entre le niveau
d’exposition au SO2 et les malformations de la cloison
interventriculaire, et entre les PM10 et les communications
interauriculaires isolées. Cette étude s’intègre dans un
ensemble croissant d’articles concernant les effets de la
pollution atmosphérique sur la reproduction. Cependant,
cet article ne permet pas de tirer de conclusions
définitives quant au rôle de la pollution atmosphérique en
tant qu’éventuel facteur de risque pour l’apparition de
malformations congénitales cardiaques ou labiopalatines.
L’intervention de facteurs de confusion pourrait
également contribuer à certains des résultats observés
ici, particulièrement dans la mesure où l’ampleur des
effets observés est faible, et où aucune relation dose-effet
n’a pu être mise en évidence.
Pour ce qui concerne la mesure de l’exposition, on ne
dispose d’aucune information sur la typologie des stations
de mesure et sur les méthodes d’échantillonnage des
cinq polluants. La question de la représentativité des
stations de mesure pour quantifier l’exposition des
femmes enceintes n’a pas été abordée et soulève
donc des questions importantes, d’autant que les
distances moyennes entre les stations de mesure et les
résidences maternelles sont de l’ordre d’une dizaine de
kilomètres avec des distances maximales supérieures à
50 kilomètres. Cependant, ces erreurs de caractérisation
de l’exposition peuvent être considérées comme
“neutres” pour ce qui concerne les liens étudiés ici,
dans la mesure où il n’y a pas de raison a priori pour que
l’exposition ait été évaluée différemment entre les cas et
les témoins. Il est donc vraisemblable que ces erreurs de
mesure entraînent un biais qui tend à sous-estimer les
liens entre l’exposition et les malformations.
Commentaires et conclusions
des analystes
Pour les raisons évoquées ci-dessus, les résultats de
cette étude doivent être considérés comme exploratoires,
et les associations observées entre certains polluants et
certains types de malformations devraient être
confirmées. Certains des résultats publiés dans cette
étude sont en outre en contradiction avec ceux d’une
étude précédente (Ritz et al. 2002) sur le même thème.
Qui plus est, les auteurs ne fournissent aucune explication
quant aux associations inverses observées entre
l’exposition à certains polluants et certaines anomalies
congénitales. Ces associations inverses, si elles sont
causales, impliqueraient l’existence d’effets protecteurs
de certains polluants, ce qui semble improbable. Ainsi
ces associations, comme d’autres probablement au
sein de cette étude, sont sans doute dues au hasard, ou
à l’intervention de facteurs de confusion, comme cela est
discuté plus en détail ci-après.
Au-delà des aspects métrologiques, les données
d’expologie, intégrant notamment les budgets espacetemps-activité des femmes enceintes, n’ont pas été
prises en compte ce qui peut constituer une source
d’erreur dans les résultats comme le soulignent d’ailleurs
les auteurs. Ces derniers ont considéré pour les données
d’exposition une présence à 100 % des femmes à leur
domicile, faisant ainsi abstraction de leurs diverses
activités au cours de la journée pouvant conduire, par
exemple sur les lieux de travail ou lors des déplacements,
à des expositions non négligeables. Les données de la
littérature montrent d’ailleurs que les mesures issues
des stations sont généralement peu représentatives des
mesures réalisées à l’intérieur des habitations et encore
moins des mesures d’exposition personnelle. Le choix
des indicateurs a porté sur les polluants suivis dans un
cadre réglementaire de surveillance de la qualité de l’air
extérieur. Ces polluants ont majoritairement leurs sources
à l’extérieur des habitats mais peuvent toutefois présenter
des profils très différents à l’intérieur de l’habitat. C’est
le cas notamment de l’ozone et du SO2 dont les
concentrations mesurées à l’intérieur des habitations
L’article ne permet pas de déterminer clairement si
l’inclusion des cas peut être considérée comme
exhaustive. Cela peut être particulièrement important
pour les malformations telles que les sténoses de la
valve aortique, ou les communications interventriculaires
isolées, qui peuvent ne pas être diagnostiquées (en
particulier lorsqu’elles sont mineures) ou ne pas être
déclarées. Les interruptions volontaires ou médicales de
grossesse n’ont apparemment pas été incluses, alors que
cela peut être un facteur important pour les anomalies
sévères telles que l’hypoplasie du cœur gauche, les
malformations complexes et celles associées à des
anomalies chromosomiques.
Dans leurs analyses statistiques, les auteurs essaient de
remédier aux problèmes liés à la réalisation de tests
multiples, qui peut entraîner une augmentation
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Analyses commentées
la question concernant un éventuel biais résiduel lié
à des facteurs de confusion non pris en compte.
sont généralement plus faibles que celles mesurées à
l’extérieur. A l’inverse les concentrations en NO2, CO et
PM10 à l’intérieur de l’habitat peuvent être influencées par
des sources intérieures (cuisinières, chauffe-eau, fumées
de tabac…) et les concentrations observées sont dans ce
cas plus élevées. En outre, les caractéristiques de l’habitat
et les habitudes des occupants ont aussi une influence
sur les concentrations à l’intérieur du logement, ces
aspects n’ont pas été pris en compte par les auteurs. Dans
ce contexte, les données d’exposition retenues pour les
femmes enceintes semblent très approximatives et
rendent difficile l’interprétation des résultats. Une
modélisation des expositions en prenant en compte les
concentrations des différents micro-environnements,
leur budget espace-temps-activité, le type d’habitat et le
mode de vie des occupants aurait constitué une approche
plus rigoureuse. On peut regretter que les paramètres
biologiques et physiologiques qui peuvent refléter les
expositions aux polluants atmosphériques n’aient pas été
mesurés chez les sujets, ce qui aurait permis de mieux
évaluer l’exposition maternelle et fœtale. Ces analyses
sont cependant compliquées à mettre en œuvre en
pratique.
En ce qui concerne les facteurs non pris en compte dans
l’analyse, et qui pourraient jouer le rôle de facteurs de
confusion, on peut évoquer les autres polluants et toxiques
environnementaux, les expositions professionnelles,
la prise de vitamines et possiblement d’autres
caractéristiques non mesurées. Le critère statistique
d’inclusion des covariables dans le modèle utilisé pour
l’analyse, qui est sans doute la seule approche possible
compte tenu de l’état des connaissances sur le sujet
étudié ici, n’est pas totalement satisfaisant, et ne règle pas
La fenêtre d’exposition prise en compte dans cette étude
semble raisonnable, dans la mesure où elle correspond
à la phase d’organogenèse, pendant laquelle les
anomalies étudiées ici trouvent usuellement leur origine.
Cependant, les effets des polluants pourraient être
cumulatifs, et les niveaux d’exposition moyens de la
troisième à la huitième semaine de gestations pourraient
ne pas être le meilleur paramètre pour évaluer l’exposition.
Des mesures sur une plus longue durée, reflétant
l’exposition maternelle chronique, pourraient être plus
pertinentes. De plus, les analyses présentées ici ne
permettent pas de conclure quant à une éventuelle
addition ou interaction (synergie) des effets des polluants.
Les déterminants génétiques jouent un rôle dans les
anomalies cardiaques. Cependant, la pertinence des
études chez l’animal citées dans l’article et qui suggèrent
que des mutations puissent survenir suite à une exposition
à la pollution atmosphérique n’est pas évidente. Les
auteurs n’indiquent pas si les mutations observées chez
l’animal sont associées à des malformations cardiaques
ou labiopalatines. Par ailleurs, les auteurs proposent un
mécanisme plausible pour les associations observées, qui
impliquent les cellules des crêtes neurales. Dans ce
contexte, il serait profitable d’explorer les associations
pouvant exister entre certaines anomalies et expositions,
y compris celles pour lesquelles l’hypoxie joue le rôle de
médiateur. Il a en effet été proposé que l’hypoxie soit le
mécanisme qui sous-tend les associations entre les
atteintes neurologiques (y compris la paralysie cérébrale)
et les anomalies cardiaques congénitales.
Remerciements:
Les auteurs de ce commentaire remercient le Dr Catherine de Vigan pour sa relecture attentive.
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Analyses commentées
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Pollution de l’air et poids de naissance d’enfants nés à terme
en Californie
Air pollution and birth weight among term infants in California
Parker JD, Woodruff TJ, Basu R, Schoendorf KC.
Pediatrics 2005;115(1):121-128
Résumé de l’étude
Analyse commentée par
Christophe Declercq1 et
Pierre-Yves Ancel2
1
2
Objectifs
L’objectif de ce travail était d’analyser les relations entre
les données de surveillance des concentrations
atmosphériques de PM2,5 et de monoxyde de carbone
et l’issue de la grossesse, en particulier le faible poids
pour l’âge gestationnel, à partir des données des
certificats de naissance de plus de 18 000 enfants nés
en 2000 en Californie. Les indicateurs d’exposition ont
été construits sur plusieurs périodes dans le but
d’identifier une éventuelle période critique d’exposition.
L’analyse a été limitée aux naissances uniques à
40 semaines de grossesse afin d’une part, de calculer
l’exposition de la mère sur des périodes de durée
identique pour toutes les naissances et d’autre part,
d’examiner spécifiquement l’impact des polluants sur la
croissance intra-utérine, en faisant abstraction de l’effet
de la durée de la grossesse sur le poids de naissance.
Observatoire régional de la santé Nord - Pas-de-Calais,
Lille
Inserm U149, Paris
Contexte
Il existe un intérêt croissant concernant le rôle des
facteurs environnementaux sur la grossesse et son issue.
Les résultats de plusieurs travaux épidémiologiques
suggèrent que l’exposition de la mère aux polluants de
l’air pendant la grossesse pourrait avoir un impact sur la
grossesse, en particulier en augmentant le risque de
malformations congénitales, de faible poids de naissance
(< 2 500 g) et de prématurité. Cette étude, réalisée à partir
de l’analyse des certificats de naissance de plus de
18 000 enfants nés à terme en Californie en 2000, a porté
sur l’impact de la pollution urbaine sur la croissance
intra-utérine. Il s’agissait d’analyser l’impact sur le poids
de naissance de l’exposition, moyenne sur l’ensemble
de la grossesse et par trimestre, aux particules fines
(particules de diamètre aérodynamique inférieur à
2,5 microns ou PM2,5) et au monoxyde de carbone (CO).
Pollution atmosphérique n° 189
Méthodes
Cette étude a porté sur la population des enfants uniques
nés à 40 semaines de grossesse en 2000, identifiés à
partir des certificats de naissance de l’état de Californie
(USA). L’analyse a concerné les naissances pour
lesquelles, d’une part l’adresse de résidence de la mère
pouvait être géocodée et était située à moins de 5 miles
(environ 8 km) de stations de mesure des PM2,5 et du CO
et, d’autre part, l’information sur les facteurs potentiels
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Analyses commentées
Cette différence était légèrement plus nette après
ajustement sur les caractéristiques sociodémographiques
de la mère (35 g) et n’était pas modifiée par la prise en
compte simultanée du niveau moyen d’exposition au
CO. L’introduction de l’exposition aux PM2,5 sous forme
d’une variable continue dans les modèles de régression
linéaire montre une baisse moyenne de 38,2 grammes du
poids de naissance (intervalle de confiance à 95 % :
21,6-54,9) pour une augmentation de 10 µg/m3 du niveau
d’exposition aux PM2,5, après ajustement sur l’âge
maternel, le niveau d’études, la parité, la saison, et du
niveau d’exposition au CO. De même, l’effet des PM2,5 sur
la proportion de petits poids de naissance était significatif
après prise en compte des caractéristiques de la mère
et l’exposition au CO (odds-ratio : 1,20 pour une
augmentation de 10 µg/m3, intervalle de confiance à
95 % : 1,07-1,37). Concernant l’effet du niveau moyen
d’exposition au CO, les résultats montrent une réduction
de 20,5 g du poids de naissance pour un niveau supérieur
à 0,93 ppm (quartile supérieur) par rapport aux enfants
dont le niveau moyen d’exposition de la mère était
inférieur à 0,57 ppm (1er quartile). Cette différence disparaît
après prise en compte des caractéristiques sociodémographiques de la mère et du niveau d’exposition aux
PM2,5. Aucune association significative entre l’exposition
au CO et le risque de petit poids pour l’âge n’a été
observée. Les résultats obtenus en remplaçant le niveau
moyen d’exposition durant les neuf mois de la grossesse
par les niveaux moyens d’exposition spécifiques de
chaque trimestre de grossesse étaient très similaires,
c’est-à-dire significatifs pour les PM2,5, mais ne l’étaient
pas pour le CO. Ils ne permettent pas d’isoler une période
critique d’exposition.
de confusion requis pour l’analyse statistique était
disponible, soit 18 247 naissances sur un total de 108 420
naissances uniques à 40 semaines de grossesse en
Californie pendant l’année 2000 (17 %). Les indicateurs
d’issue de la grossesse étudiés étaient le poids de
naissance en grammes, relevé sur le certificat de
naissance et le petit poids pour l’âge gestationnel, défini
par le 10ème percentile de la distribution des poids de
naissances à 40 semaines (2 872 g pour les filles et
2 986 g pour les garçons). Les informations disponibles
sur les caractéristiques sociodémographiques de la mère,
connues pour être liées au poids de naissance, ont été
systématiquement relevées : parité, statut marital, race
et origine, niveau scolaire et âge de la mère.
Le Bureau californien des ressources atmosphériques a
fourni aux auteurs les données des stations californiennes
de mesure des PM2,5 (moyenne journalière mesurée 1 jour
sur 6) et du CO (moyenne journalière quotidienne).
À partir de ces données, les auteurs ont calculé le niveau
moyen d’exposition pour l’ensemble des 9 mois de la
grossesse et pour chaque trimestre de la grossesse. Les
auteurs ont cherché à estimer le niveau moyen
d’exposition de la mère en calculant la moyenne des
stations situées dans le voisinage (moins de 8 km) de la
résidence de la mère au moment de la naissance. Ces
moyennes ont été calculées en excluant pour chaque
station les valeurs extrêmes (5 % supérieurs et 5 %
inférieurs).
Les auteurs ont analysé les variations du poids de
naissance moyen (régression linéaire) et le risque de
petits poids de naissance pour l’âge gestationnel
(régression logistique) selon les quartiles de niveau moyen
d’exposition aux PM2,5 et au CO pendant les neuf mois
de grossesse, et pour chaque trimestre. Pour cela, les
deux polluants ont été introduits séparément, puis
simultanément, dans les modèles de régression, après
ajustement sur les caractéristiques sociodémographiques
de la mère mentionnées plus haut. Ils ont également
étudié la sensibilité de leurs résultats en introduisant
d’une part, les niveaux de polluants en tant que variable
quantitatives et, d’autre part, des termes d’interaction
entre les niveaux de polluants, la race et le niveau scolaire,
enfin, en tenant compte de la similitude de profil des
mères résidant dans le même comté (effet grappe).
La transformation des variables de niveaux d’exposition,
permettant de représenter les relations avec le poids de
naissance de manière non linéaire, ainsi que l’inclusion
dans les modèles de termes d’interaction entre le niveau
d’exposition aux polluants et la race et le niveau scolaire
de la mère ne modifient pas les résultats. De même, le
calcul du niveau d’exposition uniquement à partir du
capteur le plus proche et l’emploi d’une estimation
robuste de la variance des coefficients estimés donnent
des résultats très proches.
Résultats
Discussion et conclusions des auteurs
Le niveau d’exposition estimé pour l’ensemble des neuf
mois de grossesse était en moyenne de 15,4 µg/m3 pour
les PM2,5 (écart-type : 5,1 µg/m3) et de 0,75 ppm pour le
CO (écart-type : 0,23 ppm).
Les résultats montrent un effet faible, mais significatif, de
l’exposition aux fines particules pendant la grossesse sur
le poids de naissance et le risque de petit poids pour l’âge
gestationnel dans la population des femmes californiennes
ayant accouché d’un enfant unique à 40 semaines. Ces
résultats sont à prendre en compte au regard des niveaux
peu élevés d’exposition à ces polluants en Californie par
rapport à d’autres pays où les concentrations rapportées
sont supérieures.
Les enfants dont le niveau moyen d’exposition de la
mère aux PM2,5 pendant les neuf mois de grossesse
était supérieur à 18,4 µg/m3 (quartile supérieur) pesaient
en moyenne 25 g de moins que ceux dont le niveau
d’exposition était inférieur à 11,9 µg/m3 (1er quartile).
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Commentaires et conclusions
des analystes
difficile, dans un même modèle, de séparer l’effet du CO
de celui des fines particules. Le protocole de l’étude est
de type semi-individuel, c’est-à-dire qu’il utilise des
données individuelles pour l’issue de la grossesse et les
caractéristiques sociodémographiques, mais des données
agrégées d’exposition provenant de stations fixes de
mesure de la qualité de l’air ambiant. Les auteurs ont
cherché à affiner la mesure de l’exposition en ne retenant
pour chaque mère que les stations situées au voisinage
(moins de 8 km) du domicile. La même équipe a montré
dans un autre travail que la méthode de calcul de
l’exposition, par exemple moyenne des stations du
voisinage ou moyenne des stations du comté, pouvait avoir
une influence sur l’estimation de l’effet des particules en
suspension sur le poids de naissance. Cet aspect est
d’ailleurs discuté par les auteurs qui rappellent à juste titre
qu’une estimation des niveaux d’exposition limitée à un
voisinage trop étroit du domicile pourrait être inadéquate
car les mères ne passent pas leur journée uniquement à
leur domicile ou dans son environnement immédiat.
Cependant, quand les auteurs ont limité l’analyse aux
mères multipares ou adolescentes dont ils pensaient que
le temps passé au domicile ou à proximité pourrait être plus
important, ils ont obtenu des résultats très similaires.
L’exposition étudiée est bien l’exposition ambiante et
non l’exposition personnelle, mais plusieurs travaux ont
montré que les variations temporelles de l’exposition
ambiante et de l’exposition personnelle aux PM2,5 étaient
fortement corrélées. On peut être déçu de l’absence de
conclusion en ce qui concerne l’impact différentiel de
l’exposition au cours des trois trimestres de la grossesse,
mais cela n’est pas surprenant étant donné la corrélation
des valeurs spécifiques de chaque trimestre avec la valeur
moyenne sur les neuf mois de grossesse. D’autre part, la
tentative des auteurs d’introduire simultanément dans
les modèles les niveaux moyens spécifiques de chaque
trimestre a été infructueuse, la corrélation entre ces valeurs
rendant les modèles très instables.
Les auteurs rapportent une diminution du poids de
naissance de l’ordre de 30 g et un accroissement modéré
de la fréquence des petits poids pour l’âge gestationnel,
pour une augmentation de 10 µg/m3 de la concentration
moyenne en PM2,5 pendant la grossesse. Pour cela, les
auteurs se sont appuyés sur une étude en population
générale portant sur l’ensemble des enfants nés en
Californie en 2000. Bien qu’une faible partie de la
population éligible ait été incluse (18 247 (17 %) sur les
107 731 naissances de l’état de Californie), les auteurs
montrent que les caractéristiques de la population
d’étude sont identiques à celles de la population cible.
Malgré ces exclusions, l’échantillon est de grande taille
et leur a permis de limiter l’étude aux naissances à 40
semaines de grossesse, et donc de s’abstraire des
complications liées au fort lien entre la durée de la
grossesse et le poids de naissance, la durée de la
grossesse pouvant elle-même être éventuellement
influencée par les polluants de l’air. Les auteurs ont
donc pu s’intéresser exclusivement à l’impact des
polluants sur la croissance intra-utérine. Ils donnent une
présentation détaillée des résultats bruts et, après
ajustement, sur les variables de confusion potentielles
dont ils disposaient. Pour conclure, ils s’appuient sur des
analyses de sensibilité pour vérifier la stabilité des
résultats. Enfin, les résultats produits par cette étude
semblent cohérents par rapport à la littérature existante.
Toutefois, certaines limites peuvent être relevées.
Les données utilisées concernant l’issue de la grossesse
et les caractéristiques sociodémographiques sont
de type médico-administratif et ont été recueillies
rétrospectivement. Leur précision et leur fiabilité ne sont
malheureusement pas discutées dans l’article. Mais,
il faut surtout regretter l’absence de données sur
le tabagisme de la mère dont l’effet sur le poids de
naissance et la croissance fœtale est bien connu et
quantitativement important. Bien que les caractéristiques
sociodémographiques prennent en compte partiellement
l’effet du tabagisme de la mère, et que d’autres travaux
aient montré que l’ajustement sur le tabagisme modifiait
peu l’effet estimé des particules en suspension sur le
poids de naissance, on ne peut exclure un effet de
confusion résiduel. D’autre part, la biométrie maternelle,
poids et taille, connue pour être fortement liée au poids
de naissance, n’a pas été considérée dans cette étude.
L’absence de prise en compte de ces déterminants
majeurs du poids de naissance doit conduire à la prudence
concernant l’interprétation des relations observées entre
polluants et issue de la grossesse, d’autant plus que les
effets rapportés sont faibles. Enfin, bien que les relations
brutes avec le CO soient moins marquées qu’avec les
PM2,5, la très forte corrélation entre ces deux polluants rend
l’interprétation des résultats ajustés délicate. En effet, il est
Pollution atmosphérique n° 189
Enfin, l’effet estimé des PM2,5 sur le poids de naissance
est modéré (une baisse d’une trentaine de grammes
pour une augmentation de 10 µg/m3 du niveau de PM2,5)
mais cela dans un contexte où les niveaux d’exposition
aux PM2,5 sont eux-mêmes modérés, et où le gradient
spatial d’exposition paraît assez faible
Cette étude, qui porte sur un effectif important de
naissances, conforte les résultats d’autres travaux
suggérant que l’exposition aux polluants de l’atmosphère
urbaine a un impact significatif sur la croissance intrautérine, même si l’impact respectif des différents
polluants, les mécanismes d’action et l’existence d’une
éventuelle période critique d’exposition restent très
discutés. L’absence de prise en compte de certains
facteurs de risque importants de faible poids de
naissance, ne permet pas de conclure sur la nature
causale de la relation observée. Cela mériterait d’être
étayé par de nouvelles études.
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e
XTRA
POL
Glossaire
Séries temporelles : séries d’observations numériques
(mesures) indicées par le temps. L’analyse de séries
temporelles consiste à étudier l’évolution d’un phénomène
au cours du temps à partir d’une suite de données
recueillies à des instants équidistants.
Naissance prématurée (ou naissance avant terme) :
naissance avant 37 semaines de grossesse (259 jours
après le premier jour des dernières règles, ou 245 jours
après la fécondation).
PM 10 : particules en suspension d’un diamètre
aérodynamique inférieur à 10 µm.
SO2 : dioxyde de soufre. Polluant d’origine principalement
industrielle, issu des combustibles fossiles soufrés.
ppb : parties par billion ou parties par milliard.
µg/m3 : microgrammes par mètre cube d’air.
RR : rapport des risques de maladie chez les individus
exposés et non exposés.
Pollution atmosphérique n° 189
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Extrapol n° 28 - Juin 2006
Manifestations
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XTRA
POL
Pollution atmosphérique et santé environnementale,
de la science à l’action : l’exemple des pollutions particulaires
Tel est le thème de la conférence internationale qui se tiendra à Lille du 5 au 8 septembre 2006.
Elle regroupera la 15ème conférence régionale de l’UIAPPA et la 17ème conférence spécialisée de la Fédération EFCA1.
Ce congrès, organisé par l’APPA (Association pour la prévention de la pollution atmosphérique), souhaite rassembler
à la fois les communautés scientifiques qui se consacrent à la connaissance et à la prévention des pollutions de l’air
et celles qui œuvrent à l’analyse des effets de ces pollutions sur la santé et l’environnement. Il est également ouvert
à la participation de tout organisme, public ou privé, de tout particulier concerné par les problématiques de pollution
atmosphérique et de santé environnementale.
Ce programme ambitionne d’illustrer l’intérêt d’une approche pluridisciplinaire de la connaissance des natures et des
effets des pollutions particulaires, prises comme exemple illustratif de l’interaction entre l’expertise scientifique et
l’élaboration des politiques de contrôle aux différents niveaux.
Pour consulter le programme et pour les modalités d’inscriptions :
http://www.iuappa-lille2006.org/
1
L’UIAPPA (Union internationale des associations pour la prévention de la pollution atmosphérique) rassemble les associations scientifiques qui se
consacrent à la prévention des pollutions atmosphériques et à la protection de l’environnement d’une quarantaine de pays. L’EFCA en est le partenaire
européen.
Les Journées annuelles de santé publique au Québec
Un symposium sur la santé des populations vulnérables
La dixième édition des Journées de santé publique québécoises se tiendra cet automne, du 23 au 27 octobre à Québec.
Pour célébrer cet anniversaire, l’Institut national de santé public québécois souhaite donner à l’événement un
caractère international.
C’est dans le cadre de cette manifestation qu’un symposium est organisé en co partenariat par l’Institut de veille sanitaire
(France), l’Agence de santé publique du Canada et l’Institut national de santé publique du Québec les 23 et 24 octobre,
sur le thème suivant :
La santé des populations vulnérables : des défis scientifiques et éthiques, de la mesure à la diffusion des résultats
Dans leur rôle de vigie, de veille, de surveillance et de recherche sur l’état de santé de la population, les institutions
responsables de ces missions sont confrontées au fait que certaines populations et notamment les populations
vulnérables échappent aux stratégies traditionnelles et aux approches classiques. Les enjeux sont de taille car, tant
aux plans méthodologique, scientifique et éthique qu’au plan des valeurs sociales qui sous-tendent les démarches
épidémiologiques, ces populations sont souvent socialement marginalisées et ne permettent pas d’utiliser les
cadres structurés de santé publique.
Les populations dites vulnérables souffrent souvent d’une santé plus précaire que l’ensemble de la population et sont
davantage exposées à des risques, ce qui pose un défi supplémentaire.
Ces deux jours ont pour objectif de permettre aux participants d’acquérir de nouvelles connaissances pour travailler
sur ces populations, que ce soit sur les méthodologies pour les identifier ou sur de nouvelles approches, de la conception
de la mesure jusqu’à la diffusion des résultats, en tenant compte de la rigueur de la démarche scientifique et des
enjeux éthiques.
La santé environnementale y sera largement représentée.
Le programme du symposium peut être consulté sur le site de l’Institut de veille sanitaire http://www.invs.sante.fr/
Pour plus d’informations pratiques, consulter le site de l’Institut national de santé publique québécois
http://www.inspq.qc.ca/jasp/
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INSTITUT
D E V E I L L E S A N I TA I R E
Département santé environnement
12, rue du Val d’Osne - 94415 Saint-Maurice cedex
Tél. : 33 (0) 1 41 79 67 00 - Fax : 33 (0) 1 41 79 67 67
http://www.invs.sante.fr