( TIC) et Inégalité

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( TIC) et Inégalité
ouvelles technologies de l’information et de la
communication (TIC) et Inégalité
Absence d’inflation, forte croissance et plein emploi, depuis 1996 aux Etats-Unis on
assiste à une campagne médiatique en faveur de ce qui est appelé la nouvelle économie, terme
utilisé pour définir la croissance tirée par les nouvelles technologies. Autant du côté des
médias que du côté des politiques on assiste à l’émergence d’un discours qui met au centre de
toutes les attentions le phénomène de la nouvelle économie. De nombreux journaux comme le
Business week ou encore le Wired font leur « une » sur le sujet. Bill Clinton, le président des
Etats-Unis de l’époque, tout comme le président de la FED de l’époque Alan Greenspan qui
déclarait : « les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) sont à
l’origine de l’ensemble des gains de productivité du travail et de la nouvelle croissance sans
inflation que connaissent les Etats-Unis depuis la moitié des années 1990 », vont être les plus
grands partisans de la nouvelle économie.
En France on commence à parler de la nouvelle économie à la fin de l’année 1999. On estime
que les nouvelles technologies de l’information et de la communication auraient contribué à
5% du produit intérieur brut , soit 3,5% de la richesse nationale et 15% de la croissance
économique en 1998. Dans le dossier des Echos paru le 6/10/99, la Silicon Valley aux EtatsUnis est présentée comme l’archétype du modèle de réussite : un taux d’invention très élevé,
des innovations qui sont suivies d’applications, un rythme de création d’entreprise
spectaculaire réalisant des économies d’échelle et des économies de réseaux.
La nouvelle économie est globale, interconnectée et au sens large renvoie à la mondialisation.
Le marché devient illimité grâce à internet, et on a désormais l’accroissement des perspectives
de travail. À travers le discours tenus par les médias, il est tout de même possible de noter
diverses caractéristiques de la nouvelle économie :
- La nouvelle économie est une économie de forte croissance, et en particulier sans inflation à
l’exception de celle de la bourse qui reflète en ce sens le dynamisme de l’économie.
- Elle repose sur la production et la diffusion des nouvelles technologies de l’information et de
la communication, qui représentent les principaux vecteurs de cette nouvelle croissance.
- Elle exige un très haut niveau de flexibilité de marché du travail pour que les entreprises
puissent s’adapter aux flux d’innovation et au rythme de la demande.
- Le système financier s’adapte aux exigences de la nouvelle économie à travers la
déréglementation du système financier à l’échelle mondiale.
- La nouvelle économie exige un nouveau mode de gestion des entreprises à travers la
corporate gouvernance, dans lequel les actionnaires reprennent le contrôle des entreprises.
- La nouvelle économie est un phénomène mondial.
Il en ressort que la nouvelle économie est polymorphe, mais il est possible de la définir sur
trois plans : sectoriel, structurel et paradigmatique.
Au niveau sectoriel, par nouvelle économie on entend le secteur des NTIC, secteur qui
regroupe trois filières : l’informatique, l’électronique et la communication.
Au niveau structurel, on considère la nouvelle économie comme une nouvelle manière
d’appréhender l’économie dans son ensemble. Il s’agit d’analyser les conséquences du
progrès technique, on entend alors par là toutes les modifications de l’économie dans les
années 90.
Au niveau paradigmatique, on entend toutes les modifications da la société dans son ensemble
et pas seulement que de l’économie.
La croissance des Etats-Unis est souvent attribuée à la diffusion des nouvelles technologies de
l’information et de la communication, par exemple, on estime qu’internet génère directement
un chiffre d’affaires atteignant 4 milliards de dollars en 1994 et 301 milliards en 1998.
Pourtant, si les nouvelles technologies se diffusent et représentent désormais un enjeu pour
les économies, que se soit au niveau de la croissance pour les pays industrialisés ou du
développement pour les pays moins avancés, des inégalités se sont développées et se creusent,
tant au niveau du revenu, qu’au niveau de la formation ou encore au niveau de l’accès à la
technologie. Même la très médiatisée croissance des Etats-Unis prise à témoin des bienfaits de
la nouvelle économie, s’est accompagnée d'une croissance des inégalités sociales, avec
l’apparition de travailleurs pauvres et une polarisation du marché du travail.
On assiste désormais d’une part au renforcement des inégalités traditionnelles surtout en
termes de revenu et de l’emploi et d’autre part à l’apparition de nouvelles inégalités c'est-àdire des inégalités intra catégorielles ou au niveau de la formation ou encore de façon générale
à des inégalités d’accès.
De plus, la nouvelle croissance, tirée par son principal vecteur que sont les nouvelles
technologies de l’information et de la communication, semble creuser encore un peu plus le
fossé préexistant entre les pays du Nord et ceux du Sud qui ont beaucoup de mal à en tirer
avantage à cause de leur retard.
Pourtant, avec ce nouveau souffle de croissance, on aurait pu s’attendre, comme à l’image des
trente glorieuses, à une réduction des inégalités et à la hausse du niveau de vie. Or ce n’est pas
le cas aujourd’hui.
Les nouvelles technologies de l’information et de la communication sont considérées comme
une aubaine pour les économies qui désirent bénéficier de la nouvelle économie, mais
parallèlement à leurs productions et leurs diffusions on observe également la montée
d’inégalités qui non seulement se renforcent mais prennent également de nouvelles formes.
Face à ce constat nous verrons dans quelle mesure les nouvelles technologies de l’information
et de la communication, pourtant potentiel facteur de réduction des inégalités peut dans
certain cas se révéler au contraire un facteur d’aggravation de ces inégalités.
C’est ainsi que dans une première partie il est question des nouvelles technologies de
l’information et de la communication comme un facteur potentiel de la réduction d’inégalités
aussi bien sur le plan national qu’international, puis dans une deuxième partie, on verra le fait
qu’elles sont également facteur d’accroissement de ces inégalités.
1. NTIC facteur de réduction des inégalités
L’arrivée des nouvelles technologies a bouleversé les économies et a permis d’insuffler une
nouvelle ère, intégrer au système économique les nouvelles technologies de l’information et
de la communication (NTIC) représentent un atout considérable notamment en termes de
croissance ou encore de développement. Il est tout d’abord intéressant de comprendre le lien
entre nouvelle technologie de l’information et de la communication et croissance afin de
comprendre les enjeux dont il est question surtout en ce qui s’agit de la réduction d’inégalité,
car, la croissance et la redistribution sont les deux éléments-clé de la réduction des inégalités.
1.1 TIC vecteur de croissance pour l’économie
On peut distinguer à travers les théories de la croissance d’une part ceux qui pensent que la
croissance provient de l’accumulation du capital et ceux pour qui elle provient du progrès
technique. Cependant c’est le rôle primordial du progrès technique qui est mis en valeur, car il
apparaît que sur le long terme, seul le progrès technique est capable de rendre plus productive
une économie, donc produire plus et ainsi avoir de la croissance. Toutefois les théories
expliquent mal d’où provient ce progrès, et en particulier en quoi il est lié au fonctionnement
de l’économie♠1.
« Donnez moi le moulin à vent, je vous donnerai le moyen âge.» Tels sont les propos de Karl
Marx, que l’on peut compléter en le paraphrasant : « Donnez moi la machine à vapeur, je vous
donnerai l’ère industrielle.» Ou
encore en l’appliquant
aujourd’hui à l’époque
contemporaine : « Donnez moi l’ordinateur, je vous donnerai la mondialisation.»♠2
Les technologies de l’information et de la communication ainsi que la révolution numérique
nous font entrer dans une nouvelle ère qui se caractérise par le transport instantané des
données immatérielles et la prolifération des liaisons et des réseaux électroniques. Le progrès
des NTIC date des années 1970, mais c’est en 1995 que l’on observe une nette augmentation
de la productivité globale des facteurs (ou encore productivité multifactorielle c'est-à-dire
l’accroissement relatif de richesse qui n’est pas expliquée par l’accroissement d’un usage des
facteurs de production) avec une forte contribution des technologies de l’information et de la
communication. Les travaux effectués par Robert Gordon suggèrent notamment que la source
de productivité due aux nouvelles technologies serait localisée dans la production des biens et
services liés à ces technologies♠3. Comparer le poids des technologies de l’information et de
la communication de la France et des Etats-Unis dans le système productif viserait ainsi à
montrer le manque à gagner qu’a subi la France face aux Etats-Unis durant les années 1990 en
terme de croissance grâce aux nouvelles technologies.
Les NTIC ne se limitent pas seulement à la question de croissance. On peut en effet, constater
leurs impacts dans différents secteurs tels que la santé avec l’accroissement de l’espérance de
vie et le développement de la recherche dans le domaine médical et biologique ; l’éducation à
♠1
Wikipédia : les théories de la croissance économique.
, Jean-Michel SEVERINO, journal le monde le 5 février 2008.
♠3
Nouvelle Economie rapport Daniel Cohen et Michèle Debonneuil.
♠2
travers, par exemple, la formation à distance utilisant l’internet ou encore l’emploi car la
nouvelle technologie induit de nouveaux besoins de qualification dans le cadre de nouveaux
métiers, on peut citer par exemple des web masters, ou encore d’exigences nouvelles,
relatives à des métiers qui existaient déjà, c'est-à-dire d’être capable d’utiliser la technologie
nouvelle dans le cadre de son métier comme une secrétaire qui désir scanner ou imprimer un
document.
1.2 TIC outil de développement
Développement et technologie entretiennent une relation complexe. Généralement on se méfie
de ceux qui prônent les bienfaits de la technologie, car ils sont parfois partisans de solutions
chères, inadaptées et ne tiennent pas compte des réalités du développement. Mais ignorer
l’explosion de l'innovation technologique dans le domaine de la santé, de l’alimentation et de
l’information reviendrait à refuser des opportunités considérables notamment pour les pays
pauvres, des opportunités qui leurs permettraient de s’engager sur la voie du développement.
Il est courant de penser que les individus accèdent aux innovations technologiques lorsque
leur situation économique s’est améliorée. En effet la création et la diffusion d’innovation
sont facilitées par la croissance économique. Cependant le processus peut fonctionner à
l’envers également : comme pour les investissements consacrés à l’éducation, ceux destinés à
la technologie peuvent procurer des outils de meilleure qualité et rendre les personnes plus
productives et plus prospères. Donc la technologie se trouve être un instrument de la
croissance et du développement, et pas seulement l’une de leurs résultantes.
Ainsi les NTIC, peuvent être pour les pays en voie de développement un outil d’aide au
développement, et de cette façon progresser petit à petit sur des points qui leurs font défaut.
Mais il ne faut pas perdre de vue que s'il se trouve que les NTIC offrent une multitude de
possibilités, l’innovation répond aux pressions du marché, et non aux besoins des pauvres à
cause de la faiblesse de leur pouvoir d’achat♠4. On peut constater que la majorité des activités
de recherche et de développement, le personnel scientifique et les moyens financiers sont
concentrés dans les pays riches. Ceci s’explique par les multinationales qui s’attachent à
répondre à la demande mondiale dominée par les consommateurs à haut revenu.
Il reste donc encore un long chemin à parcourir, toutes les régions ont avancées sur la voie du
développement, mais il est clair que les rythmes ont été différents et les résultats bien
disparates. La zone d’Asie de l’Est et du pacifique a enregistré des progrès rapides et soutenus
dans la plupart des domaines, de la diffusion du savoir à la longévité, en passant par le
relèvement du niveau de vie. L’Asie du Sud et l’Afrique subsaharienne sont à la traîne avec la
pauvreté monétaire et humaine y demeurant considérable. Les différences entre régions et
pays sont particulièrement marquées en termes de croissance économique, pourtant c’est cette
croissance qui est à l’origine des ressources publiques qui seront investies dans l’éducation et
les services de santé. Les NTIC représentent alors un enjeu important, mais pour profiter de
tous les retombés il reste tout de même beaucoup à faire en terme d’efforts à fournir et au
niveau des risques qui émergent. Quoi qu’il en soit, les NTIC permettent donc aussi bien aux
pays développés qu’aux pays en développement de progresser, les progrès réalisés en la
matière au cours des années le confirment. Grâce aux nouvelles technologies de l’information
et de la communication les pays en voie de développement ont la possibilité de réduire les
inégalités très marquées existant vis-à-vis des pays développés, et ainsi amener leur niveau de
développement à un niveau plus proche de ces derniers.
♠4
Rapport mondial du sur le développement humain PNUD (Programme des Nation Unies pour la
Développement) 2001.
1.3 TIC facteur de rattrapage
Les analyses en termes de retard insistent sur le fait que le sous-développement n’est pas une
fatalité. Elles laissent entendre que les schémas qui ont historiquement concerné les pays
industriels devraient inspirer les pays en voie de développement. Il y aurait une certaine
permanence des modèles de croissance, indépendamment des changements d’environnement.
Avec les nouvelles technologies, grâce à l’apport qu’elles effectuent, cela permettrait un
rattrapage dans bien des domaines à l’avenir, pour les pays en voie de développement.
Le sous-développement se dit d’un pays pauvre par opposition aux pays riches. C’est un
concept récent, qui émerge après la Seconde Guerre mondiale lorsque l’on se rend compte de
la misère de plus de deux tiers de l’humanité♠5.
Afin de permettre l’essor des pays en voie de développement (PVD), les nouvelles
technologies se trouvent être comme le considère le PNUD, le moteur indispensable qui leur
permettaient de sortir de la condition de sous-développement qui les caractérise, c'est-à-dire
une espérance de vie faible, un taux d’analphabétisation élevé, un état sanitaire déplorable, de
faible revenu et également un taux de chômage important qui touche souvent la moitié da la
population active. Par exemple, une étude du Forum économique Mondial sur les
technologies de l’information paru dans le septième rapport mondial sur les technologies,
montre que plus un pays développe et utilise les nouvelles technologies plus il est performant
et innovant. On retrouve donc encore une fois l’idée que les pays en voie de développement
ont tout intérêt adopter les nouvelles technologies. En effet les NTIC vont stimuler leur
croissance économique mais aussi des éléments du développement social.
Une économie numérique fleurissante pour les pays en voie de développement, pourrait,
comme le cite Kofi Annan, l’ancien secrétaire générale de l’ONU : « stimuler
♠5
Frédéric Teulon Problème économiques contemporains : Les pays en
développement
considérablement le développement et la croissance économique. Elles peuvent favoriser
l’innovation, accroître la productivité, réduire les frais de transactions et donner accès, en
quelques secondes, à une profusion d’informations. Pour les pays en développement, et en
particulier leurs petites et moyennes entreprises, l’utilisation des NTIC permet d’améliorer
remarquablement l’emploi, l’égalité entre sexes et le niveau de vie… »
Aujourd’hui la plupart des facteurs déterminant la capacité à adopter et utiliser efficacement
les technologies ont beaucoup évolué. La plupart des pays en développement ont amélioré
leur climat d’investissement; en effet, leur climat macroéconomique et politique s’est stabilisé
au cours des 15 dernières années. Le nombre des conflits internationaux a baissé de 50%
depuis les années 1990. L’inflation moyenne a baissé d’environ 20% au début des années
1990 à moins de 5%, et la volatilité des taux de change s’est réduite de plus de 50% dans
toutes les régions en développement. Etant donné le rôle décisif que les nouvelles
technologies de l’information et de la communication peuvent jouer pour faire reculer la
pauvreté et pour permettre à tout un chacun d’avoir les possibilités d’améliorer sa situation
économique et sociale, elles doivent être regardées comme un instrument de première
importance, et ainsi s’inscrire dans les stratégies de lutte contre la pauvreté et de
développement national des pays en développement.
2. NTIC facteur d’accroissement d’inégalités
Malgré l’opportunité qu’elles représentent pour l’économie et le développement des
pays émergents, les nouvelles technologies sont aussi en partie responsables de l’aggravation
des inégalités. Le FMI (fond monétaire international) insiste dans le quatrième chapitre du
World Economic Outlook, intitulé Globalization and Inequality sur le fait que les populations
des pays les moins avancés doivent absolument pouvoir bénéficier des retombées du progrès
technologique et de la globalisation, et ce afin de réduire les inégalités. Car si des dispositions
dans ce sens ne sont pas prises les nouvelles technologies pourraient avoir l’effet contraire.
Remarquons que sur les vingt dernières années les avancées technologies combinées à la
globalisation de l’économie, ont contribué surtout à accentuer le fossé qui sépare les pays
riches des pays pauvres.
2.1 La Fracture numérique
A travers la notion de fracture réside l’idée qu’il existe une séparation entre les personnes qui
ont accès à l’information numérique. La fracture numérique désigne une inégalité, soit entre
personne, soit entre pays, à l’accès aux nouvelles technologies. L’inégalité d’accès aux
nouvelles technologies a un impact sur les personnes et sur les économies. Pour les personnes,
cela va de la nécessité de payer les factures en se déplaçant plutôt que par l’internet, aux
désavantages sur le marché du travail lié au manque de familiarisation avec ces technologies.
Pour les économies, il s’agit de l’insuffisance des infrastructures et de l’utilisation des
nouvelles technologies, qui risque d’aggraver les écarts économiques.
En 2005, selon l’INSEE, 49,1 % de la population française était équipée d’un ordinateur à
domicile et parmi elles plus d’une personne sur trois disposent d’une connexion internet.
Pourtant il y a à peine 10 ans, seulement 18% de la population disposaient chez eux d’un
micro-ordinateur, et internet était encore très peu connu du grand public. C’est également
durant cette période que le téléphone mobile se diffuse ainsi que les produits électroniques
grand public. Encore aujourd’hui, tout le monde n’a pas accès ou ne maîtrise pas les nouvelles
technologies. Beaucoup d’observateurs se demandent si les inégalités d’accès ou de maîtrise
des nouvelles technologies ne sont pas susceptibles de créer de nouvelles exclusions au sein
de la population. Car une nouvelle ligne de partage semble se dessiner entre ceux qui sont
familiarisés avec les nouvelles technologies, et qui profitent pleinement de la société de la
connaissance et ceux qui restent en marge. Le Fossé numérique peut se concevoir à travers le
langage,on parle de fossé linguistique, dû au fait que les pages web sont pour beaucoup écrites
en anglais par exemple, ce qui rend moins attractif l’accès à l’internet pour plus de la moitié
non anglophone de la planète. Il se pose également à cela le problème de l’illettrisme. Une
étude de l’INSEE d’avril 2004 montre que 12% des 18-65 ans éprouvent des difficultés face à
l’écrit. Or l’utilisation d’internet ou d’un ordinateur ou, plus généralement, l’usage d’outils
de nouvelle technologie, nécessite au minimum la maîtrise de la langue outre un minimum de
compétences spécifiques. Finalement, la fracture numérique est un concept polysémique car
on peut entendre parler de double, de triple, et même de quadruple fossé. En fait, ils
expriment différents niveaux d’analyse. Le problème qui se pose est que le succès réside dans
la compétence des employés, et du niveau d’éducation, ce qui fait défaut à ces pays en
développement. Le risque qui plane sur eux, est d’être exclus de l’économie de l’information
qui se développe, et qu’ils restent cantonnés à des secteurs en régression ou en stagnation et
dans ce cas aggraver leur situation déjà difficile. Cela donne une division mondiale avec
d’une part des producteurs de biens immatériels et riche dans les pays du nord et d’autre part
ceux de bien matériel et pauvre dans les pays du sud.
2.2
Evolution du monde du travail
La présence des nouvelles technologies dans l’économie depuis les années 1990 a provoqué
de grands changements dans le monde du travail. Elles ont entraîné des transformations aussi
bien au niveau du mode de fonctionnement des entreprises que de celui des travailleurs. Grâce
à des applications diverses et cela surtout dans l’organisation du travail, elles sont fortement
créatrices d’emplois et participent largement à la croissance économique. Cependant il est
vrai, elles n’ont pas que des effets positifs sur l’organisation du travail. L'évolution récente
laisse percevoir un marché du travail au sein duquel l’individu est de plus en plus relégué en
arrière plan. En effet avec l’arrivée des nouvelles technologies, il y a une tendance qui semble
se diffuser au niveau des entreprises à savoir une situation de sous-travail, c'est-à-dire la mise
en place de systèmes de production de biens ou de services qui nécessitent de moins en moins
de travail humain immédiat; on parle du travail sans homme. Cette situation donne de plus en
plus part au développement de réalités précaires dans le monde du travail.
L’évolution technologique a conduit les sociétés modernes à adopter de nouvelles habitudes
face au travail, en effet les nouvelles machines d’aujourd’hui nécessitent la polyvalence des
employés et il n’est plus question d’une planification autoritaire du travail. .De nouvelles
pratiques désignées par l’OCDE de flexibles. Ce sont diverses innovations organisationnelles
qui cherchent à rompre avec la logique de modèle tayloriste. En fait, les employeurs cherchent
la perfection dans leur domaine et cela dans le souci d’augmenter la productivité. Mais ce
sont des pratiques plus flexibles qui modifient le marché et créent de nouvelles situations de
travail, situation qui tend pourtant vers l’inégalité au niveau des emplois.
On a
une nouvelle organisation du travail qui introduit plus de flexibilité au travail.
Flexibilité constituant d’un côté la solution au problème de la
rigidité du modèle de
croissance fordiste, mais de l'autre, elle engendre l’apparition de nouvelles formes d’emploi,
et produit la segmentation du marché du travail avec un dualisme entre les emplois typiques et
atypiques♠6.
Ces derniers sont souvent précaires et occupés en majorité par des jeunes, des femmes ou des
travailleurs peu qualifiés qui risquent de connaître un chômage récurrent s’ils n’arrivent pas à
s’insérer dans les emplois plus stables.
Selon la publication des résultats du projet de recherche européen FLEXCOT (flexible Work
Practices and Communication Technology) réalisé dans le programme de recherche socioéconomique finalisée du 4ème programme cadre de R&D de la Commission européenne, les
technologies conduisent non seulement à la flexibilité mais directement à une diminution de
l’emploi. Car l'objectif premier des technologies est d’abord de rationaliser les processus de
production et par la suite modifier les produits ou la relation clientèle. Toutes ces mesures
vont engendrer une tendance à des situations précaires.
En effet, la technologie est souvent mise au service de réorganisations qui visent en premier
lieu la réduction des coûts
salariaux. Les réductions sur ces coûts vont engendrer un
fonctionnement à la limite de la saturation dû aux effectifs calculés au plus juste, et des
surcharges de travail pour les salariés, accompagnés d’heures supplémentaires qui ne sont
dans la majorité des cas pas prises en compte. Dans un deuxième temps, ces réorganisations
visent l’adaptation rapide de la production et de l’emploi correspondant aux fluctuations de la
demande.
2.3 L’hypothèse de Kuznets
La relation entre l’évolution des inégalités et la croissance économique a été analysée par
Simon Kuznets. Mais le retour des inégalités constaté aux Etats-Unis dans les années 90
semble contredire cette analyse. Cependant, on peut noter qu’il est possible de réhabiliter cette
♠6
Jean Gadrey : Nouvelle économie, nouveau mythe ? p.278
analyse en interprétant les bouleversements de l’économie américaine de la fin du 20ième
siècle comme une révolution technologique qui de la même manière que les premières
révolutions industrielles, se traduit par une montée initiale mais temporaires des inégalités.
Simon Kuznets en 1951 montre économétriquement que les phases initiales du
développement économique étaient créatrices d’inégalités, tandis que les phases plus tardives,
observées dans les pays les plus industrialisés, s’accompagnaient d’une réduction des
inégalités.
Selon Kuznets, les inégalités au cours du temps augmentent puis finissent par diminuer.
Il explique cela par l’opposition d’un secteur industriel et urbain à un secteur agricole et rural.
Le développement économique entraîne un transfert de main-d’œuvre du secteur traditionnel
vers le secteur tertiaire, et ceci engendre la croissance économique.
La courbe de Kuznets est en forme de U renversé, les inégalités augmentent d'abord avant de
se stabiliser pour enfin diminuer :
Dans les premiers stades de développement, lorsque l’investissement dans le capital
infrastructurel et dans le capital naturel est le principal mécanisme de croissance, les
inégalités encouragent la croissance, les inégalités encouragent la croissance en partageant les
ressources en faveur de ceux qui épargnent et investissement le plus.
Puis à l’inverse, dans les économies plus avancées, l’accroissement du capital humain prend
la place de l’accroissement du capital physique comme source de la croissance. Donc les
inégalités vont ralentir en même temps que la croissance tend à croître.
L'évolution récente contredit cependant de prime abord cette analyse. La courbe a en effet
tendance à s’inverser depuis la fin du 20ième siècle. Autrement dit, les inégalités ont tendance
à augmenter dans le temps et cela durant les années 1980 où certains pays ont vu leurs
inégalités augmenter énormément. Le changement de tendance observé est contraire à la
prévision de Kuznets cependant au regard d’une société en pleine révolution technologique,
on peut se poser la question à savoir si l’analyse de Kuznets n’est pas bien au contraire
observé.
Si durant de nombreuses années on estimait que la répartition des revenus évoluait dans les
pays selon une courbe en U renversé émise par Kuznets, des études plus récentes ont montré
que cette tendance n’était plus respectée. De nombreux pays industrialisés et certains pays en
voie de développement ont vu s’accroître durant ces dernières années l’inégalité entre les
revenus. Il semble que cet accroissement est surtout dû au glissement du secteur secondaire
vers le secteur tertiaire qui est lié aux nouvelles technologies. Mais pourtant si l’on se tient à
l’analyse de Kuznets, une montée des inégalités est normale dans un premier temps pour
pouvoir observer plus tard une réduction des inégalités, et cela par le fait de l’existence du
transfert de la main-d’œuvre traditionnelle vers le secteur moderne, et ceci demeure valable
aujourd’hui. En effet avec les NTIC, on observe que le secteur des services devient le secteur
moderne et le secteur industriel devient traditionnel. Donc la montée des inégalités des
dernière années dans la plupart des pays pourrait être perçue comme étant dans la logique de
la théorie de Kuznets.
COCLUSIO
La croissance impulsée par les nouvelles technologies de l’information et de la
communication peut tout à fait être à un atout de réduction des inégalités. En permettant de
meilleurs revenus, elle accroît le niveau de vie des ménages et par ailleurs, l’accroissement
des richesses va permettre à l’état d’étendre son action sociale et ainsi de réduire
ultérieurement les inégalités; la croissance influe également sur le chômage et contribue ainsi
à réduire les inégalités structurelles induisant une transformation de la société. Ainsi, en étant
un vecteur de croissance, les NTIC favorisent le bien-être global de la société.
Les NTIC représentent également un facteur de réduction des inégalités sur le plan
international. Selon le PNUD, les nouvelles technologies représentent une opportunité qui
permettrait aux pays les moins avancés de s’engager sur la voie du développement. Un
développement qui passe par l’amélioration des conditions structurelles, économiques,
sociales, et politiques et par conséquent permet de lutter contre l’inégalité et la pauvreté
existant dans ces pays.
Les NTIC permettent également à ces pays de pouvoir amorcer plus facilement un rattrapage
et par la même occasion d'intégrer à plein titre l’économie mondiale. En améliorant les
conditions de vie et la croissance, les NTIC contribuent à son propre renforcement et de ce
fait met en marche un cercle vertueux qui permet le rattrapage et donc la réduction des
inégalités internationales, tout en améliorant le bien-être de la population.
Ainsi les NTIC sont un facteur de la réduction des inégalités, elles peuvent contribuer à leur
réduction aussi bien sur le plan national qu’international.
Pourtant si les NTIC constituent un moyen qui pourrait aider à la réduction des inégalités, on
ne peut que par ailleurs constater que dans les faits, la croissance liée à la nouvelle économie
a souvent contribué à la montée des inégalités. Les NTIC contribuent à ne favoriser que ceux
qui peuvent y avoir accès et disposant d’un minimum de compétences pour les utiliser. De
plus, ne disposant pas toujours des éléments nécessaires aux développements et à la diffusion
des NTIC telles que des infrastructures ou des institutions suffisamment développées, les pays
pauvres restent en marge de la nouvelle économie tirée par les nouvelles technologies. Et le
fait de ne pas disposer des opportunités offertes ne fait qu’accentuer le fossé subsistant entre
pays riches et pays pauvres. De plus, les NTIC transforment sensiblement le marché du
travail. C’est désormais l’introduction de plus de flexibilité au travail provoquant
une
polarisation du monde du travail, avec un pôle d’emploi très qualifié mais réduit en nombre et
un pôle d’emploi précaire, peu qualifié, sous payé mais bien plus important. On assiste à
l’émergence d’un monde du travail très inégalitaire avec d’une part, ceux ayant de hauts
niveaux de qualification et bénéficiant d’un emploi stable bien rémunéré et ceux soumis
directement à la conjoncture, peu qualifié et risquant de connaître un chômage récurrent,
situation qui peut, au fur et à mesure, amener cette partie de la société vers une situation de
pauvreté et d’exclusion.
Cependant, si à la nouvelle économie tirée par les NTIC s’accompagne des inégalités, on peut
espérer en suivant l’hypothèse de Kuznets que la situation évolue positivement dans la mesure
où qu’une fois le mécanisme de transfert d’un secteur à l’autre effectué les inégalités tendront
à diminuer.
Ainsi les nouvelles technologies de l’information et de la communication, vecteur de la
nouvelle économie, induisent toute une transformation que ce soit sur le plan économique,
politique et social. Tout en étant un véritable moteur de richesses, elles sont tout aussi bien
d’un autre côté un vecteur d’inégalité. Le défi qui se pose désormais est d’une part, mettre en
œuvre tout les moyens possibles pour tirer profit des nouvelles technologies devenues
aujourd’hui incontournables aussi bien pour les pays développés que pour les pays en voie de
développement, et d’autre part, mettre en place les politiques nécessaires afin de lutter contre
les inégalités qui les accompagnent.
Bibliographie
-Cercle des économistes : espérance et menaces de la nouvelle
économie Descartes&Cie, 2000.
-Cour de master 1 sciences économiques, structure et systèmes
de Mme Sandye Gloria-Palermo, (2007-2008).
Jean
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Flammarion,
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-Jean-michel SEVERINO, Journal Le Monde 05/02/08 : économie du
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-Rapport mondial sur le développement humain 2001 du PNUD
-Rapport sur les perspectives économiques mondiales 2008 : la
diffusion de la technologie dans les pays en développement.
-http://geoconfluences.ens-lsh.fr
-http://wikipédia.org
-http://www.banque mondiale.org
-http://www.inégalités.fr
-http://www.panoramix.univ-paris.fr