Lire un extrait - Livre sur le coming out et le harcèlement scolaire par
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fuir les tenebres coming out en enfer roman manes aegerter 1 fuir les tenebres coming out en enfer manes aegerter roman www.manesaegerter.com © 2016, Manès Aegerter. Tous droits réservés. Photos de couverture : Kwest & Studio Araminta Police du titre : Alien League - www.iconian.com Edition et maquette : encretpixel Av. de Morges 35, 1027 Lonay, Suisse www.encretpixel.com Impression : CreateSpace 4900 LaCross Road, North Charleston, SC 29406, USA www.createspace.com ISBN : 978-2-8399-1835-0 Dépôt légal : mars 2016 1 A Hélène, pour l’étincelle… 2 Chapitre 1 – T’es une fille ou un garçon ? On entend quelques gloussements au loin… C’est le même scénario qui se répète chaque jour pour Marc, un adolescent rondouillet, mal dans ses habits, les cheveux blonds, raides et longs masquant un regard bleu-gris qu’il veut fuyant pour éviter tout contact. Ses parents lui ont appris à être le plus discret possible et, quoi qu’il arrive, à ne pas faire de vagues. Il est inhibé et craintif, ses seuls défouloirs sont la musique et une passion pour les films d’horreur, qui inquiète parfois sa mère. Les écouteurs vissés sur ses oreilles ne parviennent pas à couvrir les moqueries quotidiennes de Fabio et Paul, deux acolytes en recherche constante du meilleur mauvais coup ! Deux silhouettes athlétiques habillées à la dernière mode. Le teint magnifiquement bronzé, les épais cheveux noirs et les yeux incandescents de Fabio contrastent avec le charme nordique de Paul dont on remarque au premier instant le regard bleu-piscine encadré de courtes boucles blondes. Ils ont l’air de deux anges que seuls des rictus narquois profondément marqués sur leurs visages parviennent à trahir. – Alors ? T’es une fille ou un garçon ? Marc s’enfuit, il ne veut pas répondre. C’est bête et méchant. La sonnerie de la fin de la récré retentit. Il n’aura pas besoin d’aller se cacher cette fois. Il remonte en classe 3 en espérant qu’on le laisse tranquille. Il déteste sa maîtresse, Madame Dor, et celle-ci le lui rend bien. Elle donne ses cours comme par obligation, sans enthousiasme. Pourquoi a-t-elle choisi ce métier si elle l’exècre à ce point ? Marc n’écoute pas, perdu dans ses pensées. Il sent que ses lunettes glissent sur son nez. Il grimace pour les faire remonter. Son regard croise celui de Madame Dor. Elle s’écrie d’un ton sec : – Marc ! Va te mettre une pincette rose ! Des rires étouffés filtrent depuis le fond de la classe. Les pincettes, c’est le système de communication de Madame Dor : chaque élève a une carte à son nom, on y accroche les pincettes roses pour les punitions et les pincettes vertes pour les rares récompenses. Elle a tendu une ficelle le long du mur gauche de la salle. Les noms des élèves punis ou récompensés y pendouillent comme de la lessive qui sèche. Marc plaide sa cause. La punition n’est pas juste. Mais la maîtresse ne change jamais d’avis. Sans conviction, il accroche une pincette rose de plus sur sa carte. Le châtiment sera certainement la copie d’une conjugaison interminable. Marc retourne à son pupitre. Il croise le regard de ses deux amies qui tentent de le réconforter de leurs sourires complices. Christine et Kyoko sont indissociables, toujours assises l’une à côté de l’autre. Elles sont une version féminine de Laurel et Hardy : Christine, la fille de l’Est, beaucoup trop grande pour son âge, qu’on envoie toujours au dernier rang pour les photos de classe, et Kyoko, qui est un exemple de finesse et de 4 miniaturisation, une porcelaine venue d’Asie. Il écoute la suite du cours d’une oreille distraite. Il veut rentrer à la maison. À midi la cloche le réveille presque ! Plus que n’importe lequel de ses camarades, Marc a hâte d’être chez lui pour le repas. Il va devoir jouer serré pour éviter les ennuis. Il se rue à l’extérieur, s’habille rapidement et s’enfuit. 5 Chapitre 2 Les plaintes de Marie, sa mère, lui parviennent à peine la porte ouverte : « Je suis tellement fatiguée, j’en ai marre, je suis au bout du rouleau ! » Elle est debout dans la cuisine, entre les plop, plop des casseroles. – Évidemment, Madame Moreno n’a pas dépoussiéré sous les objets. Je l’ai toujours dit, les femmes de ménage italiennes ne valent pas un clou ! Comme à son habitude, elle perd cinq bonnes minutes à passer en revue les moindres défauts du travail de Madame Moreno. Marie est une petite femme aux longs cheveux châtains, souvent peu coiffée ou maquillée, arborant d’éternelles longues robes à fleurs. Marc n’a jamais compris ce contraste si flagrant entre cette apparence plutôt bohème et son comportement. Il tente de la raisonner. – Tu n’es pas obligée de faire le tour de ce qui ne va pas. – Oh ! Mais ce n’est pas normal, je suis tellement stressée ! Je suis au bout du rouleau ! La Moreno s’en fout ! Sans en écouter davantage, Marc se réfugie dans sa chambre. Il voudrait lui parler de ses ennuis à l’école, mais ce n’est jamais le moment. Il ferme sa porte. Marie ne lui a même pas dit bonjour ! Il savoure malgré tout cet instant de répit. Allongé sur son lit, il ferme les yeux. Il entend 6 la porte d’entrée s’ouvrir et se refermer. La famille est au complet : Robert, son père, vient d’arriver. Marie aboie : « À table ! » Une minuscule fraction de seconde semble s’être écoulée depuis son arrivée. Marc ne se lève pas immédiatement. Il fait durer le plaisir d’être seul et à l’abri dans sa chambre. – À table ! Ça va être froid ! Il se lève, pose la main sur la poignée de la porte, frustré. Il n’a pas eu le temps d’écouter une seule chanson. La musique est l’unique chose qui l’emporte ailleurs. À table, le monologue de Marie continue. – J’ai tellement couru pour attraper le bus que je suis arrivée toute transpirante au travail. Monsieur Weiss était de mauvaise humeur, il n’a pas arrêté de ronchonner. Évidemment, un connard est venu me demander un papier au moment où j’allais partir… Robert mange en silence ; l’air absent, il n’écoute pas Marie. Comme à l’accoutumée, il n’a dit bonjour ni à sa femme ni à son fils. Au contraire de son épouse, son image est savamment cohérente : c’est un insipide au teint aussi gris que ses vêtements, arrosé d’eau de toilette bon marché. Sans la moindre trace de fantaisie. Les rires ou les larmes ne troublent jamais son visage rugueux auréolé d’une couronne de cheveux qu’il laisse pousser et étale sur un crâne largement calvitié. Son seul mot d’ordre, c’est d’être le plus invisible possible, il faut paraître respectable et surtout ne jamais sortir du rang. Le discours de Marie n’est qu’une vague nuisance lointaine 7 pour Marc, perdu dans ses pensées. Est-ce que la question qu’on lui pose sans cesse a du sens ? Auraient-ils raison ? Est-il réellement mi-fille, mi-garçon ? Il ne parle qu’avec des filles. Il se sent proche d’elles. Est-ce un signe ? Il n’écoute que des chanteuses : il a laissé de côté les refrains sucrés de Karen Cheryl pour se complaire dans les univers torturés de Jeanne Mas, puis de Mylène Farmer. Comme elles, il voudrait avoir des milliers d’oreilles attentives à qui confier ses tourments. – Marc ! Mange au lieu de rêver ! Il finit sa bouchée et tente de s’exprimer : – Aujourd’hui, à l’école, on m’a demandé si j’étais une fille ou un garçon. – C’est stupide ! Fais comme s’ils n’étaient pas là, comme si tu n’avais rien entendu. Tout ira bien, tu verras, ils finiront par se lasser ! Coupant court à la discussion, Marie se lève avec son assiette à la main. – J’aimerais que vous rangiez vos assiettes dans le lavevaisselle. Je ne suis pas la boniche ! Je suis tellement fatiguée. Je suis au bout du rouleau ! Marc s’est souvent demandé à quel rouleau elle faisait allusion. Il imagine Marie en forme de tube de carton qui se déroule, accrochée au mur des toilettes… Il ne saisit pas l’image, mais comprend qu’il doit se taire. Il retourne dans sa chambre vérifier le contenu de son sac, puisque c’est déjà l’heure de partir. Il déteste ce moment, mais n’a aucune envie d’être en retard. Comme le dirait Mylène 8 Farmer dans Sans Logique : « De ce paradoxe, je ne suis complice… ». Gym cet après-midi : torture assurée ! 9 Chapitre 3 Il ne croise personne sur le chemin. Plus il s’approche de l’école et plus son cœur bat vite. Son estomac se noue. Il a peur. Il pousse la porte des vestiaires. – Tu fous quoi ? C’est le vestiaire des garçons, ici ! Ha ! Ha ! Ha ! Les garçons rient grassement et se tapent dans les mains en signe de victoire. Il entre malgré tout. Il tente de se cacher dans le recoin le plus discret. – Fous le camp ! Va là-bas ! Fabio désigne l’autre extrémité du vestiaire. Ils rient de plus belle. La boule dans le ventre de Marc s’est changée en pierre. Il a envie de pleurer mais se retient de toutes ses forces, surtout ne pas leur donner la satisfaction de le voir en larmes. Il se déplace et se change. Il entre dans la salle de torture à l’heure pile. Suspendu aux lèvres de Madame Dor, il redoute ce qu’elle va dire. – Vous devez vous entraîner pour le tournoi de fin d’année. Les garçons vont jouer au football la première moitié de la leçon et les filles au handball pendant la seconde moitié. Nous allons choisir les équipes. Merde, c’est l’agonie ! Comme d’habitude, il est le dernier sur le banc. Le capitaine qui n’a plus le choix vocifère : 10 – Marc, fais chier ! On va encore perdre ! T’as intérêt à te défoncer sinon je te pète la tronche ! dit-il en fusillant Marc du regard. Marc a le football en horreur. Il finit gardien de but parce qu’il ne vaut rien sur le terrain. Il a peur du ballon, les autres le savent ! Ils le visent le plus fort possible : ce qui a pour effet de le faire partir en courant dans la direction opposée. Il essaie de penser à autre chose. Il se met de côté dès que le ballon s’éloigne. Il discute avec Christine et Kyoko en faisant de grands gestes un peu trop féminins. Autant il peut être introverti lorsqu’il a peur, autant il se lâche lorsqu’il est avec elles pour les faire rire. Madame Dor le regarde du coin de l’œil, consternée. Kyoko regarde par-dessus l’épaule de Marc les yeux écarquillés tandis que Christine agite une main en portant l’autre à sa bouche. Fabio hurle : – Marc, mais qu’est-ce que tu fous ? Marc sursaute et se retourne : un ballon est entré dans le but, il n’y était même pas. – Putain ! Madame, ça compte pas ! – Bien sûr que ça compte, le ballon est entré dans le but, gardien ou pas, c’est la règle ! – Tu fais chier, Marc ! Connasse de passoire ! – Je vous avais prévenus, ça ne sert à rien de me mettre dans les buts. – Sale pédale, t’es nulle partout, de toute façon ! Fabio est enragé. Paul, son comparse, fixe Marc d’un 11 regard acéré. Marc a les jambes en coton. C’est sûr, il va se faire démolir le portrait, la partie est terminée et perdue pour son équipe. Il va s’asseoir sur le banc et prend un coup sur la nuque au passage. Fabio fulmine. Il lui chuchote à l’oreille : – Attends qu’on sorte de là ! Je te casse la gueule ! Marc en est physiquement malade. Ils vont l’attendre à la sortie pour lui administrer la raclée de sa vie. Son ventre lui fait mal, sa tête tourne, il ne pense qu’à ça. Tout s’est effacé autour de lui. Les yeux rougis, il laisse échapper quelques larmes. Paul frappe sur l’épaule de Fabio : – Regarde, Marc est en train de flipper ! – Elle pleurniche déjà ? Tous les garçons le regardent. Ils savent ce qui va se passer. La seule qui ne s’aperçoit de rien, c’est Madame Dor. Marc espère sans trop y croire qu’elle va intervenir. – Marc ! S’est-elle s’est finalement réveillée ? – Ça suffit, Marc ! Qu’est-ce qui te prend ? Arrête de pleurer, tu n’es pas une fillette ! S’expliquer est inutile, elle ne lui en laisse pas le temps. – Je ne veux plus t’entendre ! Arrête de te faire remarquer ! Il se mure dans son angoisse pendant que les filles disputent et concluent leur match. Il ne sait pas qui a gagné et il s’en fout. Madame Dor 12 prend la parole : – Vous pouvez sortir. Mais attention ! Tout le monde doit se doucher, je ne veux pas de cochons en classe ! Tout le monde s’en va. Terrorisé, Marc traîne les pieds. Fabio et Paul complotent en le regardant de loin. La porte du vestiaire refermée, Marc fait aussi vite qu’il peut. Il enlève sa tenue de gym et remet ses habits sans se doucher. Il ne veut pas se retrouver à poil au milieu des autres. Fabio l’apostrophe : – Tu t’habilles déjà, Marc ? La maîtresse a dit qu’il fallait se doucher ! Marc accélère ses gestes, mais c’est trop tard. La panique s’empare de lui. Fabio harangue les garçons : – Vous venez ? On va l’aider à se doucher ! Faut faire ce que la prof a dit, non ? Ils s’approchent tous. Des mains lui saisissent la tête, les bras et les jambes. Marc a l’impression qu’il va mourir. Il veut s’enfuir. Il pleure. Il est impuissant. – Laissez-moi ! Je ne vous ai rien fait ! Il ne voit plus rien. Ses yeux se noient. La morve coule de son nez. Il a honte. Ils arrachent ses habits. Il est nu devant eux. – Vous avez vu sa bite ? Minuscule ! C’est vrai que c’est une fille ! Ils rient ! Marc se fait gifler. Ils le traînent sous la douche. Il est à genoux, ils forment un cercle autour de lui. 13 Impossible de s’enfuir. Étourdi et aveuglé, il essaie de se relever. Ils feignent de le laisser s’enfuir et le rattrapent. Ils jouent et crient tous en même temps. Il ne comprend rien, tout s’emmêle. Roué de coups de pied et de poing, il voudrait mourir pour que tout s’arrête. La sonnerie retentit. – Merde, on va être en retard ! Fabio et les autres s’arrêtent d’un coup. Marc reste seul, nu sous les jets d’eau. Le vestiaire se vide. Il se relève lentement, cherchant son équilibre. La porte s’ouvre. Madame Dor vérifie que tout le monde est parti. – Marc, ce n’est pas vrai, quel cochon ! Tous tes habits sont par terre ! Regarde-moi ça ! Dépêche-toi, si tu ne veux pas que je te colle pour arrivée tardive ! Elle claque la porte. Le vestiaire des profs est à côté de celui des garçons. Marc est certain que cette garce a tout entendu. Il rassemble ses habits éparpillés sur le sol. Ils ont marché dessus, à en juger par leur état. Il n’a pas envie de retourner à l’école, mais ça ferait trop plaisir à Fabio et aux autres de le voir s’enfuir. Il s’habille, attrape son sac et court pour rattraper son retard. Il entre dans la classe, haletant et transpirant. Madame Dor lui lance un regard réprobateur en pointant du doigt la carte portant son nom. – Marc, arrivée tardive ! Pincette rose ! Ton carnet de notes, j’ai une remarque à y écrire pour tes parents. En plus, tu es dégueulasse, où est-ce que tu as traîné ? C’est trop, mais au point où il en est, il s’en fout. Il 14 s’approche de son bureau et lui tend son carnet. Il reste immobile, attendant qu’elle finisse d’écrire. – Eh bien ? Retourne à ta place, je te le rendrai plus tard ! Il croise le regard pleinement satisfait de Fabio et s’assoit. Marc n’écoute strictement rien. Il retient ses larmes tout l’après-midi. Sa dictée est truffée d’erreurs et tous ses calculs sont faux. Madame Dor essaie de ramener son attention sur le cours, mais rien n’y fait. Elle finit par laisser tomber. Trois punitions dans la même journée, ce serait peut-être suspect ? La classe terminée, il se rue à la maison. Il espère de tout son cœur y trouver du réconfort. Marie doit y être. 15 Chapitre 4 Il glisse la clé dans la serrure et ouvre la porte : aucun bruit, Marie n’est pas là. Espérant son retour, il se précipite à la fenêtre, elle est peut-être dans la rue. Personne, il est seul à la maison. Il s’engouffre dans sa chambre et ferme la porte. Il attrape un disque. Toujours le même : chanson numéro 6, à fond. « Mais quel espoir pourrais-je avoir quand tout est noir ? Ainsi soit Je, Ainsi soit Tu, Ainsi soit ma vie, Tant pis. » Comment fait Mylène Farmer pour traduire aussi fidèlement ses sentiments ? C’est comme si elle le comprenait, comme s’il n’était plus seul. Sans elle et ses textes, il se serait certainement déjà jeté par la fenêtre. Elle le réconforte. Il entend la porte d’entrée s’ouvrir. Il se précipite. – Maman, il y a eu quelque chose, à l’école… Mais il s’arrête net. Sa mère est méconnaissable, coiffée, maquillée, et chantonne même sans écouter un traître mot de ce que son fils essaie de lui dire. – Quoi ? Oh… Ecoute, je n’ai pas trop le temps maintenant. Elle s’en va dans le couloir, toute pimpante et joyeuse. Mais d’où peut-elle bien venir ? Ce n’est pas la première fois que Marc la voit dans cet état. Tout espoir s’éteint. Il baisse le regard et retourne dans sa chambre. Il s’allonge 16 sur le sol et attrape un paquet de bonbons caché sous son lit. Il reste un moment à suçoter tout en profitant de la musique. La porte d’entrée claque, Robert doit être de retour. Sa mère, démaquillée et à nouveau mal coiffée, entre en trombe dans la chambre : – Marc ! Viens porter la corbeille à linge ! Et puis baisse ta musique, j’en ai marre de cette chanson ! Qu’est-ce que tu lui trouves, à cette mi-laine, mi-coton ? – Pourquoi est-ce que tu te moques comme ça ? Et puis tu n’es pas obligée de me parler comme à un chien tout le temps ! Tu avais l’air plus heureuse quand tu es rentrée tout à l’heure ! Marc la regarde droit dans les yeux, son ton est défiant et il fait exprès de parler le plus fort possible pour que Robert entende. Le visage de Marie devient féroce. Elle ouvre la bouche…, mais est coupée net par son mari qui passe à côté d’elle. Cramoisie, elle s’en va dans le couloir, attrape la corbeille à linge et file à la buanderie située au sous-sol de l’immeuble. Marc profite de la confusion, peut-être que cette fois-ci, il pourra écouter sa chanson en entier. Tandis que la musique emplit l’air, il sent que la boule de chagrin retenue tout l’après-midi ne peut plus sortir maintenant. Tant pis ! Il a des devoirs à faire. Il prend ses cahiers et travaille sur son lit. Il n’en a aucune envie, mais c’est la seule excuse pour que Marie ne revienne pas à la charge. Il revoit les événements de la journée. Il n’arrive pas à comprendre pourquoi il dérange les autres à ce point. Il 17 a l’habitude qu’on le traite de fille, mais « pédé », c’est la première fois. Comment peuvent-ils en être certains alors que c’est un mystère pour lui ? C’est vrai qu’il préfère la compagnie des filles plutôt que celle des garçons. Il n’a jamais su quoi dire ou faire avec eux, un monde immense les sépare. Il est différent, mais pourquoi tant de moqueries et de violence ? Il a honte. Même Madame Dor est de leur côté. Il ne comprend pas. Les larmes remontent, mouillant un peu son cahier. Il enfouit sa tête dans la couette. Il pleure sans bruit… Enfin ! 18