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LA MÉDITERRANÉE A L BA NIE Tirana : urbanisme en couleurs Magazine RIVAGES DU MONDE / N°3 / 2016 I TA L IE E SC A L E S EN MÉDI T ERR A NÉE – Naples en 6 lieux insolites Carrefour de civilisations GR ÈCE “ Mes pensées dorment si je les assieds. Mon esprit ne va, si les jambes ne l’agitent. Montaigne RDM MAGAZINE / N°3 / 2016 Météores, les monastères suspendus K NO S S O S RDM magazine / n°3 / 2016 – 10 € Mythes et controverses INS TA N TA NÉ GR A ND A NGL E Bouches de Kotor – Monténégro L’église de Notre-Dame du Rocher de Pérast, d’architecture baroque, se situe face à la ville de Kotor. Ce site absolument somptueux a été classé par le célèbre guide Lonely Planet comme destination n°1pour l’année 2016. Entre une nature exceptionnelle faite de montagnes qui plongent dans une eau transparente et des bâtisses en vieilles pierres, c’est une invitation au dépaysement et à la contemplation qui s’offre aux visiteurs dans l’un des fjords monténégrins les plus beaux de la mer Adriatique. INS TA N TA NÉ ZOOM Mer Méditerranée – Corse Le corail de Corse est réputé pour offrir une palette exceptionnellement riche de formes et de couleurs, notamment rouge. Il est aussi un écosystème fragile nécessaire pour la faune marine qui est aujourd’hui menacé de disparition. En cause, son exploitation commerciale à destination de la population locale et des touristes, sous la forme de pendentifs et autres objets bijoux. Outre son prix cher qui en fait un bien très prisé, il est traditionnellement offert pour protéger une personne du mauvais sort. édito “Q u'est-ce que la Méditerranée ? Mille choses à la fois, non pas un paysage, mais d’innombrables paysages, non pas une mer, mais une succession de mers, non pas une civilisation, mais des civilisations entassées les unes sur les autres ”, analysait l’historien Fernand Braudel parlant de ce carrefour de peuples, de cultures, de religions et de langues. Parmi ces mers méditerranéennes, l’Adriatique résume et concentre à elle seule la riche histoire dont nous sommes les héritiers. Tour à tour axe central de l’Antiquité romaine puis frontière entre l’Orient et l’Occident, depuis la rivalité entre Venise et l’Empire ottoman, ou plus récemment durant la guerre froide, l’Adriatique fonctionne comme le théâtre privilégié d’une épopée millénaire. Des ruines légendaires de Knossos à la vitalité de Naples, des monastères orthodoxes des Météores aux édifices staliniens de Tirana, le voyageur d’aujourd’hui, tel un Ulysse des temps modernes, fait l’expérience que nos civilisations ne sont pas « mortelles ». Mais au contraire, faisant mentir Paul Valéry, qu’elles se reconstruisent et se nourrissent des ruines qui les ont précédées. Cette odyssée, historique et méditerranéenne, c’est celle que vous propose ce numéro de RDM magazine. RdM Sébastien Righi 3 sommaire DA NS L A VAGUE DOSSIER Billet d'humeur 006 Philosophie : l'exotisme 007 Questionnaire bateau... Christophe Barbier 008 Tendances économiques 010 Économie en images : l'huile d'olive 012 Tendances politiques 013 Icône : la fontaine de Trevi 014 La chronique théâtre : Romeo Castellucci 016 La chronique danse : Dimitris Papaioannou 018 La chronique musique : la chanson populaire italienne 020 Actualités musicales 022 L’actualité des expositions 024 La chronique livres : Donna Leon 026 L’actualité littéraire 027 La Méditerranée : carrefour de civilisations 028 Les Balkans : point de rencontre historique des civilisations 030 L'Adriatique : théâtre des rivalités vénéto-ottomanes 032 Grèce-Albanie : les identités incertaines 036 Entretien avec Jean-Louis Labarrière, philosophe 040 Regards croisés sur la crise grecque 044 Athènes : le renouveau malgré la crise 045 – 4 – P OR T FOL IO – Mimmo Jodice, les mythes méditerranéens 048 ESC A L ES – Albanie : Tirana 062 Grèce : les Météores 066 Grèce : le palais de Knossos 067 Naples en 6 lieux insolites 070 ours RIVAGES DU MONDE 19 rue du 4 Septembre, 75002 Paris Tél. : +33 (0)1-49-49-15-50 Internet : www.rivagesdumonde.fr EN V R AC – Sport : les clubs de football d'Istanbul 074 Nutrition: le régime crétois 075 Mode : la bagagerie de luxe 076 Le vignoble sicilien de Carole Bouquet 078 Portrait : Gérard Passédat 079 Recette : le tyropitakia 080 Portrait chinois 082 Président-directeur général : ALAIN SOULEILLE Corporate : SÉVERINE MOREAUBERTRAND DELAUNAY SOCRATE ABDOUKADIROV ADELINE SEVEL -MYKOLA PRONIN Directeur de publication : DAVID DIBILIO Coordination éditoriale et photo : FLORIAN CHAVANON – Rédaction F+S ÉDITIONS – 72 bis av. de Flandre, 75019 Paris Tél. : +33 (0)1-46-07-22-67 Mail : [email protected] Rédacteur en chef : SÉBASTIEN RIGHI ([email protected]) Directrice artistique : MATHILDE FORMAGNE Maquettiste : LUCY MAGDO Rédacteur en chef adjoint : FLORIAN CHAVANON ([email protected]) Secrétariat de rédaction : STUDIO LES CORRECTEURS Rédaction : TINA BESSE, MICHEL CHANDEIGNE, FLORIAN DELISLE, DAVID DIBILIO, FLORIAN GAITE, CHARLOTTE LATOUR, CHARLOTTE LIPINSKA, CHRYSTELE MOLLON, MYRTILLE RAMBION, BETTIE SANS, FRANCINE THOMAS, VINCY THOMAS. Ont également participé à ce numéro : MARI-MAI CORBEL, LAURENT DOMBROWICZ, JEAN-ARNAULT DÉRENS, MARIE DOMPER, LAURENT GESLIN, KRISTINA MITALAITÉ, PAUL PARIS, SIMON RICO, COSIMO RAZZI Abonnement : [email protected] Publicité : [email protected] - +33(0)7-877-12-878 – EMBARQUEZ – Toute l’actualité de Rivages du monde 084 Le partenariat Rivages du monde – Deutsche Grammophon 085 Portrait : Mykola Pronin, chef de produit 086 Bateau à la loupe : l’Astoria 088 Le catalogue des croisières 090 Fabrication IMPRIMERIE CENTRALE 15 rue du Commerce L-1351 Luxembourg Tél. : +352-48-00-22-1 Imprimé au Luxembourg. ISBN 979-10-95186-01-4 ISSN : en cours Dépôt légal : mars 2016 © F+S ÉDITIONS La reproduction même partielle, des articles et illustrations publiés dans RDM le magazine Rivages du monde est interdite. F+S ÉDITIONS est une société à responsabilité limitée. R.C.S. Paris 808 354 344 – L’ensemble de la production de ce magazine est certifié PEFC. L’ensemble du processus est garanti par les systèmes internationaux les plus stricts de certification de gestion durable des forêts. – Images de couvertures et suivantes Shutterstock – 1ère : © Paul D Smith 2e : © Sergey Dikarev ; 3e : © frantisekhojdysz Édito : © Giuseppe Parisi 5 RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016 BILLET D´HUMEUR / DANS LA VAGUE L’INS TA N T PHO T O – Amies et amis croisiéristes, envoyez-nous vos photos à [email protected], nous les publierons dans notre prochain numéro. Église dans un petit village, Grèce Véronique Mauduit > > Vue sur le port de Messine, Italie Fabian Ciovani S’ il est un sujet avec lequel on ne plaisante pas en Italie – en dehors évidemment de la mamma –, c’est bien la pizza ! Attention, je ne fais pas référence à celle que l’on sert souvent de ce côté-ci des Alpes, y compris dans les autoproclamés restaurants italiens de la capitale (exception faite pour le sud-est de la France). Non, je parle de la vraie pizza, celle qui est désignée par tout Italien qui se respecte comme LE patrimoine culinaire par excellence et dont la recette (il n’en existe que deux versions officiellement reconnues), qui doit respecter un certain nombre de critères extrêmement précis allant jusqu’à la hauteur des bords, a même été choisie par l’Italie pour être candidate à la liste très select du patrimoine culinaire 6 V I VA L A PI Z Z A ! – Par Marie Domper ¬ immatériel de l’humanité de l’UNESCO. Bref, je parle de la pizza napolitaine, celle qui vous met les larmes aux yeux de bonheur dès la première bouchée. Mine de rien, l’affaire est extrêmement sérieuse en Italie, on ne rigole pas avec ça, même si l’on s’appelle McDonald’s. Le géant du fast-food en a effectivement fait les frais à ses dépens il y a quelques mois. En cause, un spot télévisé dans lequel est attablée une famille en train de consulter le menu d’une pizzeria. Le serveur demande alors au petit garçon quelle pizza il a choisie, et il bambino de répondre : « Un Happy Meal ! » Le spot se termine sur ce slogan : « Ton fils, lui, n’hésite pas. » La bombe était lâchée. Sacrilège ! Les pizzaïolos offusqués crient au scandale, allant jusqu’à parler de véritable blasphème. Une pétition a été lancée pour réclamer au conseil supérieur de l’audiovisuel italien l’interdiction du spot. L’affaire est même remontée jusqu’au Parlement car, ironie du sort, l’un des principaux sponsors de l’Exposition universelle de Milan n’était autre que… McDonald’s. Finalement les pizzaïolos ont préféré jouer la carte de l’humour en diffusant à leur tour un spot, dans lequel un petit garçon déclare à son père qui l’emmène au fast-food : « Que veux-tu que je fasse de ce truc dégueulasse ? (sic) Je veux une pizza ! » Pari réussi, la vidéo a fait le buzz sur Internet et les Napolitains de se sentir plus fiers que jamais de leurs traditions culinaires. Personnellement, nul besoin d’une campagne publicitaire pour faire mon choix, et croyez-moi, vous aussi, si vous mettez un pied dans une pizzeria à Naples, vous n’aurez plus jamais envie d’emmener vos enfants au fast-food. RdM mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine V ICES E T V ERT US DE L’E XOT ISME – Par Adèle Van Reeth, Philosophe et productrice à France Culture des Nouveaux chemins de la connaissance ¬ A ccoudé à la balustrade qui surplombe l’océan, vous admirez les reflets du soleil dans l’eau salée, les paysages de pierres bordées de cyprès et l’élégance avec laquelle le rivage s’émiette dans la mer en petits rochers dentelés. La lumière de fin d’après-midi et la brise qui souffle sur votre joue vous enveloppent d’une douceur inattendue. Cet instant que vous seriez prêt à qualifier de magique est soudain interrompu par les onomatopées de votre voisin : trop de vent, plus assez de soleil, et puis, argument ultime prononcé en haussant les épaules avant de retourner dans sa cabine : « On a déjà vu ça cent fois. » Amusé par un tel décalage, vos lèvres esquissent un sourire, puis se rétractent : et s’il avait raison ? Et si l’intensité de votre expérience ne s’expliquait pas tant par la beauté du paysage (dont le râleur vient de démontrer le caractère non objectif) que par le fait que vous le contemplez pour la première fois ? « Ce qui fait le charme et l’attrait de l’Ailleurs, de ce que nous appelons exotisme, ce n’est tant point que la nature y soit plus belle, mais que tout nous y paraît neuf, nous surprend et se présente à notre œil dans une sorte de virginité », note André Gide dans son Journal en 1935. Il importe peu de savoir si votre voisin a véritablement assisté à ce spectacle une centaine de fois. Ce qu’il exprime par cette phrase, c’est son désintérêt pour ce qui fait le sel de tout périple : l’exotisme. En quoi celui-ci serait-il le secret d’un voyageur satisfait – et donc d’un voyage réussi ? De même que la beauté n’est pas dans le coucher de soleil, mais dans l’œil de celui qui le contemple, aucun objet perçu n’est exotique en soi, ce que remarque l’écrivain Tzvetan Todorov dans son essai Nous et les autres. « L’exotisme valorise non un contenu stable, DANS LA VAGUE / CHRONIQUE PHILOSOPHIQUE mais un pays ou une culture définis exclusivement par le rapport que l’observateur entretient avec eux. » Ce rapport, c’est celui de l’étrangeté, mais, à la différence du racisme, qui procède selon une logique similaire, l’exotisme attribue d’emblée une valeur positive à l’altérité. « Il établit une comparaison entre Nous et les Autres au sein de laquelle les seconds sont jugés meilleurs que les premiers en raison même de leur différence », poursuit Tzvetan Todorov. De ce goût pour l’étrangeté, Victor Segalen, l’auteur du premier Essai sur l’exotisme publié au début du XXe siècle, déduit une pratique qui, bien menée, conduit à la jouissance : « L’exotisme est tout ce qui est autre. Jouir de lui est apprendre à déguster le divers. » Celui qui pratique cet art de jouir porte un nom : c’est l’exote, qui recherche la saveur de la différence comme d’autres goûtent la chair d’un fruit. « Cette différence n’a pas besoin d’être très grande : le vrai exote, tel un collectionneur sachant jouir d’infimes nuances entre les objets de sa collection, apprécie le passage du rouge au rougeâtre encore plus que du rouge au vert. » Mais ce goût est loin d’être universel, en témoigne la moue désapprobatrice de votre compagnon de bord quand vous vous seriez cru au paradis. Et un voyage entrepris sans affinité pour le lointain et sans appétit pour l’étrange ou l’étranger en tant que tel devient une véritable torture. C’est ce qui conduit Claude Levi-Strauss, quinze ans après une longue série d’expéditions menées au Brésil dans des conditions éprouvantes, à ouvrir le récit de ses expériences par cette phrase : « Je hais les voyages et les explorateurs. » – Tristes Tropiques. Pour l’ethnologue, le voyage n’est pas un but en soi, mais l’indispensable moyen pour mener à bien ses travaux. L’exotisme devient alors une posture insupportable qui consiste à qualifier de « beau » un objet ou un paysage pour la seule raison qu’il nous est étranger. Ce n’est pas votre acolyte grincheux qui lui donnerait tort. Ni Nicolas Bouvier, pour qui l’exotisme est une affectation incompatible avec l’essence même du voyage : « On ne voyage pas pour se garnir d’exotisme et d’anecdotes comme un sapin de Noël, mais pour que la route vous plume, vous rince, vous essore, vous rende comme ces serviettes élimées par les lessives qu’on vous tend avec un éclat de savon dans les bordels. » – Le Poisson scorpion. Ingrédient nécessaire au voyage ou écœurante coquetterie des apprentis aventuriers ? Une chose est sûre : mieux vaut fuir, en croisière, la compagnie des explorateurs – et des voisins grognons. RdM 7 RDM Magazine / N°3 /mars– mai 2016 BA Photographie C. Barbier © Florian Chavanon U TIONNAI S R E E Q INTERVIEW / DANS LA VAGUE T E AU … AVEC CHRISTOPHE BARBIER – Il dirige le magazine L’Express depuis maintenant dix ans. Habitué des salles de rédaction et des plateaux de télévision, l’homme à l’écharpe rouge anime aussi des conférences durant des croisières. – Interview Florian Delisle ¬ RDM : Pourquoi avoir choisi de coorganiser des croisières ? Christophe Barbier : La première pour les soixante ans de L’Express a été un tel succès et un tel bonheur à vivre qu’on a voulu recommencer. Le mélange était formidable, entre les visites culturelles, le plaisir de la croisière et la chaleur des rencontres : nous avons voulu transformer cela en tradition annuelle ! RDM : Pour l’historien de formation que vous êtes, la Grèce où vous êtes allé devait être un merveilleux retour aux sources ? C. B. : On a eu la chance d’avoir un conférencier formidable. Quand on est avec un tel érudit à Delphes et à Olympie, qui rend les choses aussi limpides, on a l’impression de vivre en Grèce antique. RDM : L’une des nombreuses conférences portait sur le théâtre grec. Vous êtes d’ailleurs monté sur scène durant cette croisière… C. B. : J’étais ravi qu’on puisse consacrer assez de temps au théâtre grec. C’est plus 8 que du théâtre, c’est une manière de parler « religion ». La démocratie, elle est venue aussi par le théâtre. Cette année, on a fait une sorte de politique-fiction où on a simulé ce que seraient les premiers pas l’an prochain d’un président de gauche ou de droite, ou même d’extrême-droite. RDM : Quelle est la chose qui vous a le plus marqué lors de cette croisière ? C. B. : C’est le souvenir de Delphes à la nuit tombante. Les statues en ruine dressées, les temples qui étaient encore là, au loin des traces de stade ou de voies… C'était vraiment magique. RDM : Qu’est-ce qui vous plaît dans la Méditerranée ? C. B. : Tout l’aspect civilisationnel. Je suis né en Haute-Savoie, je suis un montagnard, la mer ça n’est pas mon truc. Ce qui m’intéresse, c’est ce que les hommes ont fait de la Grèce, et ce que la Grèce a fait des hommes il y a plus de 2 500 ans. En parallèle de cette histoire, il y a celle de la chrétienté, dont le mélange va donner notre Europe. RDM : Les croisiéristes ont-ils la chance de vous croiser de manière plus intime, sans votre fameuse écharpe rouge ? C. B. : Quand je joue sur scène des personnages, je tombe l’écharpe rouge. Sinon je l’ai toujours, du matin jusqu’au soir ! J’ai accueilli tous les passagers au départ à Marseille, et au gré des dîners ou dans les couloirs, j’ai à peu près parlé avec tout le monde, en tout cas avec tous ceux qui le souhaitaient. RDM : L’endroit où vous aimez passer le plus de temps sur le bateau ? C. B. : Je répondrais volontiers : la scène, celle des conférences et des pièces de théâtre ! Après, sur le pont supérieur du bateau, le soleil couchant sur la mer, c’est absolument divin. RDM : Et prendre le large, c’est quelque chose qui vous tente ? C. B. : Non. Au contraire ce qui me tente, c’est d’être à 110 % dans l’action. Ça me rattrapera sans doute un jour, mais à mon avis, pas avant la présidentielle 2017 ! mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine 9 RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016 TENDANCES ÉCONOMIQUES / DANS LA VAGUE GA ZODUC EN MÉDI T ER R A NÉE – Grèce © Shutterstock Le Premier ministre grec Alexis Tsipras a participé fin janvier 2016 au premier sommet tripartite regroupant la Grèce, Chypre et Israël en vue de la construction d’un gazoduc sous-marin reliant les trois pays à l’Europe. Les discussions ont notamment porté sur l’exploitation des réserves de gaz découvertes en Méditerranée ces dernières années dans les eaux nationales des trois pays. Les trois voisins envisagent de coopérer pour exploiter ce potentiel énergétique et l’exporter. La Turquie – qui revendique une partie de Chypre – s’y oppose mais l’Union européenne, qui réduirait ainsi sa dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie, apporte son soutien à ce projet. Par Sébastien Righi ¬ CHÔM AGE R ECOR D CHE Z L ES JEUNES – Croatie Le taux de chômage atteignait les 16,2 % en Croatie fin 2015 dont 43 % chez les jeunes, dans un contexte général difficile où la dette publique frôle les 90 % du PIB. Le pays reste en effet l’un des plus pauvres de l’Union européenne malgré une timide reprise. Alors que ce marasme économique pousse la jeunesse à émigrer, les élections législatives de novembre 2015 ont vu triompher la rhétorique nationaliste en éludant tout débat sur des solutions crédibles pour redresser efficacement l’économie du pays. Par S. R. ¬ 43 % 10 L A SER BIE VA -T- EL L E R ACHE T ER L E P OR T DE B A R ? – Monténégro Le port de Bar devrait être privatisé en 2016. La Serbie, qui n'a plus d'accès à la mer depuis que le Monténégro a obtenu son indépendance en 2006, s'est dite intéressée par son rachat. « Nous avons besoin du port de Bar pour revitaliser notre économie », a déclaré le Premier ministre Aleksandar Vucic. Principal port de marchandises du Monténégro avec un trafic annuel autour du million de tonnes, Bar est relié par le rail à Belgrade et une autoroute est en construction. Avec la future ligne à grande vitesse entre Budapest et la capitale serbe, le port de Bar pourrait devenir stratégique pour approvisionner l'Europe de l'Est depuis la Méditerranée. Par Jean-Arnault Dérens ¬ mars– mai 2016 / N°3 / RDM Magazine DANS LA VAGUE / TENDANCES ÉCONOMIQUES F I AT B AT DES R ECOR DS – Italie Après une année 2014 qui a renoué avec la croissance, le marché automobile européen a confirmé sa vigueur en 2015 en se clôturant par un mois de décembre euphorique. Avec 13,7 millions de voitures vendues, l’association des constructeurs automobiles européens (Acea) annonce une progression de 9,3 % pour le continent cette année. L’Italie affiche un chiffre record avec 15,8 % d’immatriculations supplémentaires. Le groupe Fiat sort gagnant de cette embellie économique. Le nombre de voitures vendues s’élève à 872 000, soit 13,6 % de plus qu’en 2014 avec une part de marché en hausse de 6,1 %. Le groupe dirigé par Sergio Marchionne progresse de 18,3 % en Italie et de 13,9 % en France. Et l’année 2016 s’annonce encore meilleure ! Par S. R. ¬ P ER INI N AV I AUGMEN T E S ON C A P I TA L – Italie PAT R IMOINE T OUR IS T IQUE À V ENDR E – Avec une augmentation de capital de 15 millions d’euros, le constructeur de yachts de luxe installé à Viareggio, Perini Navi, conforte sa croissance avec 59 bateaux actuellement en service dans le monde. 2016 verra la mise à l’eau de 3 nouveaux yachts : un 38, un 60 et un autre de 70 m. Par S. R. ¬ Grèce L’année 2015 s'est achevée par l'officialisation de la cession de 14 aéroports grecs à l'opérateur allemand Fraport pour 1,2 milliard d'euros, et 2016 a commencé par la privatisation d'Astir Palace, un vaste complexe touristique de luxe près d'Athènes. Le fond d'investissement Jermyn Street Real Estate Fund, qui représente des intérêts de Turquie, d'Abou Dhabi, de Dubaï, du Koweït et d'autres émirats, s'est porté acquéreur pour 400 millions d'euros, dont un quart devrait revenir à l'État grec. Depuis 2010, Athènes n'a pourtant levé qu'environ 3,5 milliards d'euros de recettes de privatisations alors que l'objectif était de 50 milliards. Par J.-A. D. ¬ COUP UR ES DE COUR A N T – Albanie © Shutterstock Après l'échec cuisant de la privatisation de l'OSHHE, l'EDF albanais, Tirana doit restructurer en urgence le secteur de l'électricité. Pour renflouer les caisses de l'entreprise, qui a été renationalisée, le gouvernement socialiste a décidé d'augmenter les prix de 30 %, en instaurant un tarif dégressif du kW/h suivant la consommation, et de couper l'électricité pour tout retard de paiement. Des mesures qui pénalisent les précaires. Dans une Albanie où le chômage touche un actif sur trois, des quartiers entiers se sont retrouvés sans électricité. À Kukës, une ville pauvre du nord, moins de 5 % des foyers ont les moyens de payer leurs factures. Par J.-A. D. ¬ 50 M 11 RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016 TENDANCES ÉCONOMIQUES / DANS LA VAGUE HUIL E D’OL I V E : L’OR V ER T DES PAY S MÉDI T ERR A NÉENS – Par Tina Besse ¬ M ÉDI T ER R A NÉE – I TA L IE – GR ÈC E – En pole position Coratina en danger 2 exportateur européen Avec 1,4 million de tonnes en 2015 et malgré de mauvaises récoltes ces deux dernières années, l’Union européenne reste de loin le 1er producteur mondial d’huile d’olive devant la Tunisie – 73 % de la production mondiale. L’UE représente 66 % de la consommation mondiale et l’Italie détient le record en Europe. Cette variété très aromatique cultivée dans les Pouilles est utilisée par tous les producteurs d’huile du continent, véritable charpente des huiles d’olive vierges de haute qualité. Depuis 2014, une bactérie, la xyllela fastidiosa, a infecté près de 30 000 hectares. Seul remède : brûler les arbres contaminés. Avec 300 000 tonnes en 2015, la Grèce est devenue le 2e producteur européen d’huile d’olive supplantant l’Italie et derrière l’Espagne loin devant avec 841 000 tonnes. Avec 20 kg par Grec et par an, la consommation d’huile d’olive, la 3e en volume en Europe, connaît une baisse sensible de 41 % depuis 2007. I TA L IE – C ROAT IE & A L B A NIE – Les outsiders M ÉDI T ER R A NÉE – Année noire pour l’or vert En décembre dernier, le parquet de Turin a ouvert une enquête contre sept marques italiennes accusées d'avoir qualifié d' « extra vierge » des huiles simples, une tromperie confirmée par des analyses menées par la gendarmerie. Même s’il n’existe aucun risque pour la santé, des sanctions sévères sont attendues. Le 28 décembre 2015, le ministre de l’Agriculture albanais déclarait : « Les huiles d’olive made in Albanie connaissent une forte croissance à l’exportation notamment vers l’Asie et la Russie, avec une production de 11 000 tonnes en 2015. » La Croatie, de son côté, a vu sa superficie oléicole doubler en 10 ans. Depuis l’été 2014, les pays méditerranéens subissent les attaques d’une mouche, la bactrocera olea, qui se nourrit de la pulpe d’olive, anéantissant les cultures. En Ombrie, où les oliviers sont multi-centenaires, la production a chuté de 45 % l'année dernière. En conséquence, les prix ont cru de 38 % en un an. Toutes les images : © Shutterstock e Appellation frauduleuse 12 mars– mai 2016 / N°3 / RDM Magazine DANS LA VAGUE / TENDANCES POLITIQUES L E MON T ÉNÉGRO SE R A P P ROCHE DE L’O TA N – © Shutterstock Jusqu’alors dans la sphère d’influence de Moscou, le Monténégro opère un rapprochement inédit avec l’OTAN. Un jeu d’alliances marqué par des enjeux de politique interne. L’A L B A NIE SE V IDE DE SES FORCES V I V ES – Depuis la chute du communisme en 1991, le pays des Aigles a vu sa population chuter de 15 %. La cause : une émigration économique massive. Le gouvernement socialiste d'Edi Rama vient d'annoncer qu'il préparait un projet de loi pour recenser tous les Albanais vivant à l'étranger à partir du 1er janvier 2016. Selon les estimations officielles, plus d'un million de ressortissants albanais seraient aujourd'hui établis hors d'Albanie. « Faute de pouvoir définir avec exactitude le nombre d’Albanais vivant à l’étranger, l’État a du mal Les touristes russes se presseront-ils encore cet été par dizaines de milliers sur les côtes du Monténégro ? Rien n'est moins sûr. Le 2 décembre, les ministres des Affaires étrangères des États membres de l’OTAN ont « invité » ce petit pays de 650 000 habitants à rejoindre l'Alliance, une décision perçue comme une « provocation » par Moscou. Dans les stations balnéaires monténégrines, la baisse de fréquentation des touristes russes est d'ailleurs déjà sensible, provoquant la chute des prix de l'immobilier. Au pouvoir depuis 1991, le Premier ministre Milo Dukanovic a choisi la carte occidentale, après avoir soutenu les guerres de la Serbie en Croatie (1991-1995) et en Bosnie-Herzégovine (1992-1995). Durant le conflit du Kosovo (1999), Milo Dukanovic sent le vent tourner et prend ses distances avec Slobodan Milosevic, le maître de Belgrade, avant d'orienter son pays sur la voie de l'indépendance, devenue effective après le référendum de 2006. Des négociations d'adhésion sont ensuite ouvertes avec l'UE en 2012, malgré la persistance d'une corruption endémique. Les affrontements qui ont éclaté à Podgorica après une manifestation de l'opposition le 24 octobre dernier ont cependant montré que les personnes au pouvoir étaient encore loin d'accepter le développement dans la rue d'une quelconque contestation politique. Et l'arrestation le 17 décembre dernier de Svetozar Marovic, l'ancien Président de la Communauté d'États de Serbieet-Monténégro, véritable « boss » de la ville de Budva, ressemble plus à un règlement de compte interne au parti au pouvoir qu'à une lutte systémique contre la corruption des instances dirigeantes. Reste que dans un contexte de tensions avec Moscou, Milo Dukanovic agite avec succès le spectre de la menace russe pour convaincre les Occidentaux de lui apporter leur soutien et réprimer les courants d'opposition, dont certains sont traditionnellement proches de Moscou. Au nom de la « stabilité » des Balkans, le Premier ministre monténégrin devrait donc, encore une fois, réussir à sauver sa tête. Par J.-A. D. ¬ à offrir des services de qualité à ses citoyens », a justifié le ministre de l’Intérieur, Saimir Tahiri, lors de la présentation du projet de loi. Fin 2011, les résultats du recensement avaient fait l'effet d'une douche froide en Albanie : en dix ans, le pays a vu sa population chuter de près de 7% pour descendre sous le cap des trois millions d'habitants – 2 830 000 très exactement. Depuis la chute de la dictature communiste en 1991, malgré le maintien d’une vigoureuse natalité, l'Albanie aurait même perdu près de 500 000 habitants, soit une baisse de 15 % de sa population. À titre de comparaison, entre 1970 et 1990, la hausse avait dépassé les 30 %, la population albanaise passant de deux à trois millions d'âmes. À l'origine de ce basculement, la très forte émigration, qui a commencé dès 1991. Aujourd'hui encore, l'exil se poursuit, surtout depuis la libéralisation des visas Schengen accordée fin 2010 : en 2014, plus de 16 000 Albanais ont demandé l'asile dans un pays de l'UE et, selon une étude parue l'été dernier, plus des deux tiers des jeunes rêvent de quitter leur pays. Pour le Premier ministre Edi Rama, la nouvelle loi sur les Albanais de la diaspora s'inscrit « dans un processus historique », alors que « depuis 25 ans, l'État est incapable de prendre en compte le capital humain que représentent les Albanais vivant à l’étranger ». Par J.-A. D. ¬ 13 RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016 ICÔNE / DANS LA VAGUE ICÔNE L A FON TA INE DE T RE V I – Par Sébastien Righi ¬ “M arcello, come here ! », invitait Anita Eckberg dans cette scène devenue mythique de La Dolce Vita. Immortalisée par Federico Fellini en 1960, la fontaine de Trevi vient de faire peau neuve. Une inauguration en grande pompe le 3 novembre dernier, après seize mois de travaux financés par la célèbre maison de couture italienne Fendi (groupe LVMH), en présence de Karl Lagerfeld, son directeur artistique. Près de 2 millions d’euros, pour un coup de cœur autant qu’un coup de pub. Pietro Beccari, son directeur général, expliquait ce mécénat en soulignant que Fendi est « une maison italienne, une maison romaine », créée à Rome en 1925. L’emblématique fontaine baroque, en forme d’arc de triomphe adossé au palais Poli, a été commandée par le pape Clément XII en 1732, en lieu et place d’un modeste bassin. Sa construction ne sera achevée qu’en 1762 sous la direction de Niccolo Pannini. Des travaux titanesques, pour un monument de 26 m de haut par 20 de large, alimenté en eau depuis l’extérieur de la ville par un aqueduc. Après 23 ans sans rénovation, les milliers de touristes retrouveront la splendeur de la fontaine de Trevi et viendront alimenter le million d’euros de piécettes qui y sont récupérées chaque année et données à des œuvres caritatives. À défaut de vous y baigner, vous pourrez vous aussi y jeter une pièce comme le veut la tradition, de la main droite, dos à la fontaine, dans l’espoir de revoir un jour la Ville éternelle. RdM 14 © Bernard Coutant – Opéra national de Paris CE PRINTEMPS – RDM magazine part à la rencontre du metteur en scène italien Romeo Castellucci, du chorégraphe grec Dimitris Papaioannou, du guitariste monténégrin Milos et de l’âge d’or de la chanson italienne. RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016 CHRONIQUE THÉÂTRE / CULTURE U n piano à queue qui s’enflamme. Le bruit assourdissant d’un trou noir spatial. Une carcasse de voiture qui tombe des cintres. Les sabots d’un cheval qui claquent sur la scène. Un homme qui escalade dans le silence la façade de la Cour d’honneur du Palais des Papes d’Avignon, un regard troublant de Jésus Christ qui nous fixe... Quand on pense aux spectacles de Romeo Castellucci, on ne sait plus très bien où donner de la tête car on l’a sans doute un peu perdue. A-t-on été bousculé, ému, saisi, ébranlé ? Certainement un peu de tout cela à la fois. Les spectacles du metteur en scène et plasticien italien provoquent beaucoup de choses, à l’exception de l’indifférence. C’est à la fin des années 1990 que Romeo Castellucci se fait connaître en France, notamment grâce au festival d’Avignon qui le programme à plusieurs reprises. Ses spectacles tournent alors sur les plus grandes scènes européennes, provoquant émois et sidération à chaque fois. Pourtant, il n’est pas aisé de parler d’un spectacle de Castellucci. Quand on essaye de le raconter, l’interlocuteur reste perplexe. « Ah oui... Mais il se passe quoi ?! » Et il ne suffit pas non plus de le voir, il faut le vivre pour y croire. Il y a peu de texte, pas de « personnages » avec une psychologie telle qu’elle est convenue au théâtre, mais une succession de tableaux qui empruntent au trivial autant qu’au sacré. Et passant de l’un à l’autre, c’est un cheminement mental plus qu’une narration qui s’opère. Chaque spectateur y pénètre comme il peut, avec plus ou moins d’aisance ou de résistance, forcé d’imaginer la pièce manquante, la charnière qui relie un tableau au suivant. Et c’est là, précisément là, dans cet interstice non dévoilé que réside la force de ses spectacles. Car s’il y a beaucoup de signifiant, de paraboles ou de métaphores, Castellucci prend grand soin d’en laisser l’interprétation libre à chaque spectateur. Il interroge, charge à nous d’y répondre. Ajoutons qu’à la beauté formelle des images, le son est bel et bien partie prenante. Qu’il s’agisse de matière sonore organique (une dissection de cadavre humain dans Inferno, le son nanomoléculaire des bactéries dans Le Sacre du printemps...) ou venant carrément du cosmos (un trou noir enregistré par la Nasa dans The Four Seasons Restaurant), Castellucci parvient à créer une intensité de toutes parts, entière, totale. Comme si l’air de la salle devenait palpable. Il en résulte qu’au-delà des émotions possibles, de véritables sensations physiques sont également en jeu. On peut avoir la chair de poule, le coeur serré ou le ventre noué en assistant à l’un de ses spectacles. Les sens sont en émoi et les nerfs à vif. D’autant que ce à quoi on assiste n’est pas toujours plaisant ou agréable. C’est dur, éprouvant, autant que beau et fascinant. De mémoire de spectatrice, il est le seul à avoir suscité la peur. Oui, j’ai eu peur. C’était pour Hamlet, la véhémente extériorité d’un mollusque en 2004. Et croyez moi, ce n’est pas banal d’avoir peur au théâtre. En 2008, Romeo Castellucci est l’artiste associé du festival d’Avignon. Une consécration pour celui qui bouscule, qui interroge et qui perturbe. D’autant que l’Italien a un net penchant pour mettre en scène des corps singuliers au théâtre. De là naît aussi un sentiment d’étrangeté. Des corps qui ne répondent pas aux normes habituelles (obèses ou anorexiques), des très jeunes enfants (Inferno) et des animaux : chiens déchaînés, chevaux, babouins, ânes, boucs... jusqu’au taureau albinos dans Moses und Aron à l’opéra Bastille en 2015. Sur le concept du visage du fils de Dieu en 2011 a fait couler beaucoup d’encre. Présenté à Avignon, le spectacle fut acclamé par la presse et le public. Mais au Théâtre de la Ville à Paris quelque mois plus tard, plusieurs associations catholiques intégristes ont crié au blasphème, perturbant très violemment toutes les représentations. Cela semblait d’autant plus incompréhensible que la plupart des manifestants n’avaient pas vu le spectacle. Des photos et une rumeur galopante ont suffi à faire éclater un scandale. Pour Castellucci, il s’agit « d’un malentendu épouvantable » (Le Monde, novembre 2011). Lui qui est italien, croyant, féru de théologie, ne comprend pas. Mais à manipuler des images aussi fortes ROMEO CASTELLUCCI OU L A SCÈNE ÉBR A NL ÉE – Présent sur les grandes scènes européennes, Romeo Castellucci signe des spectacles d’une beauté stupéfiante. Qu’il fascine ou perturbe, le metteur en scène italien nous met en émoi. Et ne laisse personne indifférent. – Par Charlotte Lipinska ¬ 16 mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine CULTURE / CHRONIQUE THÉÂTRE I. © SRS 1995 IV. II. IV II 2 © Luca Del Pia III. © Bernd Uhlig I. O restie (une comédie organique ?), 1995. II. Inferno, 2008. III. M oses und Aron, 2015. IV. R omeo Castellucci. V. S ur le concept du visage du fils de Dieu, 2011. © Klaus Lefebvre © Christophe Raynaud de Lage V. (en l’occurrence la reproduction immense d’un portrait du Christ de Antonello da Messina en fond de scène), en associant le trivial et le sacré (un vieillard incontinent en fin de vie sous le regard du Christ), en laissant libre cours aux interprétations de chacun, c’était aussi ouvrir la porte aux interprétations les plus radicales. Dans un sens comme dans l’autre puisqu’il fût également accusé d’être « trop chrétien » ! Tous les perturbateurs parisiens furent condamnés et l’on notera que le spectacle a fait le tour de l’Europe – Pologne, Italie et Espagne compris – sans jamais connaître le tollé qu’il suscita en France... Invité d’honneur du festival d’Automne, Romeo Castellucci n’en finit pas de nous surprendre. Outre son passage par l’opéra (les mises en scène de Parsifal, Orphée et Eurydice, Moses und Aron...), il a remonté son Orestie, créé en 1995. En s’appropriant la trilogie d’Eschyle, Castellucci nous plonge dans un univers apocalyptique (entre chambre de torture géante et monde du silence) prompte à perturber les spectateurs les plus avertis. C’est brut, barbare et l’on pense au théâtre d’Artaud autant qu’aux visions hallucinées d’un Francis Bacon. Ce spectacle n’est pas la meilleure porte d’entrée pour découvrir son univers – il est peu accessible - mais c’est un étalon passionnant pour mesurer à quel point l’auteur s’est apaisé depuis 20 ans. La preuve avec un Sacre du printemps qui fera date. Comment allait t-il réinventer ce ballet mythique, aussi culte aujourd’hui que scandaleux à sa création ? On sait la partition de Stravinsky magistrale et de nombreux chorégraphes – et pas des moindres – ont laissé leurs empruntes sur ces notes. Pour Castellucci, il s’agit donc d’un acte ultime, radical : aucun danseur sur scène pour évoquer la mort et le sacrifice. Mais un ballet de poussières mû par une machinerie complexe qui la déploie dans les airs au rythme de la musique. Pas n’importe quelle poussière : de la poussière d’os d’animaux broyés (30 tonnes), telle qu’on l’utilise comme fertilisant agricole. La mort pour faire renaître la vie. Une fois encore, c’est prodigieux dans la forme, vertigineux dans le fond. À en perdre son latin ! RdM Orestie (une comédie organique ?) du 20 au 22 avril au Maillon (Strasbourg), du 26 au 27 avril au Théâtre d’Arras, du 30 avril au 1er mai au théâtre Alessandra Bonci (Césena, Italie), du 25 au 28 mai au Théâtre national de Toulouse. 17 RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016 © Greg Haji Joanidis DANSE / CULTURE DIMITRIS PAPAIOANNOU DESSINS CHORÉGR A PHIQUES – À l’avant-garde de la danse contemporaine grecque, Dimitris Papaioannou est aussi connu du grand public pour avoir mis en scène les cérémonies d’ouverture et de clôture des Jeux olympiques d’Athènes en 2004. Son succès en France n’est que très récent. – Par Florian Gaité ¬ 18 mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine M algré un passage remarqué à la Biennale de Lyon en 1998 et ses mises en scène des cérémonies des Jeux olympiques d’Athènes et plus récemment des Jeux européens de Bakou, la France ne découvre réellement Dimitris Papaioannou que cet automne au Théâtre de la Ville avec Still Life, la pièce maîtresse qui le consacre à l’international comme chorégraphe de premier rang. Contemplatives et graphiques, ses productions affirment un style résolument plastique qui articule formalisme de la mise en scène et sculpture du corps dansant. Plasticien de formation, Dimitris Papaioannou découvre la danse presque par hasard, peu avant ses vingt ans. Ses premières pièces dans les années 1980 s’inscrivent ainsi dans le sillage de ses peintures figuratives, marquées par la modernité et le réalisme de son professeur Yannis Tsarouchis. Sur scène, des corps masculins, souvent nus, austères et vulnérables, activent leur seule présence ou leur relation aux objets. Dimitris Papaioannou, par ailleurs auteur d’une quarantaine de bandes dessinées, élabore ses dramaturgies comme il compose ses dessins, en déployant une esthétique minimaliste, toute en sobriété. Tableaux cosmiques et en un sens atemporels, ses pièces relèvent d’un dionysisme profond et solennel qui, s’il s’inscrit bien dans une recherche du spectaculaire, emprunte ses éléments premiers à l’arte povera. En 1986, après un séjour à New York, où il rencontre Erick Hawkins et s’initie au butoh (danse japonaise), Dimitris Papaioannou revient à Athènes et fonde l’Edafos Dance Theatre. Durant plus de quinze ans, la compagnie monte dix-sept productions qui lui valent de représenter la Grèce dans différents événements internationaux. La formation connaît un succès définitif en 1993 avec Medea, puis, l’année suivante, avec A Moment's Silence, premier spectacle grec à aborder la question du SIDA, confirmant l’indépendance de ton de ce chorégraphe engagé. La carrière de la compagnie lancée à l’étranger, l’Edafos Dance Theatre tourne à travers l’Europe jusqu’à For Ever, qui lui vaut un ultime prix national. Après les Jeux d’Athènes, Dimitris Papaioannou a plus que jamais les moyens de ses ambitions. 2, pièce évoquant ouvertement l’homosexualité, est un succès critique et public. Celui qui est devenu, en parallèle de sa compagnie, l’assistant de Robert Wilson, appuie désormais plus franchement la dimension théâtrale de son travail. Nowhere, pièce créée en 2009 en hommage à Pina Bausch, porte ainsi la tension dramatique de son œuvre à son apogée. Depuis lors, son élégance formelle se conjugue avec un goût pour CULTURE / DANSE Contemplatives et graphiques, ses productions affirment un style résolument plastique l’expérimentation scénique, à l’image de l’installation théâtrale Inside, pièce de six heures conçue pour une trentaine de danseurs. En 2012, le duo Primal Matter marque le retour de Dimitris Papaioannou au rôle d’interprète. Il y incarne l’individu contemporain engagé dans un dialogue difficile avec un corps statuaire, brut, dénudé, parfois démembré. Sensible à la crise actuelle de l’identité grecque, le chorégraphe revitalise ici la mémoire de la culture antique pour mieux interroger le présent, plaidant pour une vision de l’histoire consciente de ses racines. Sa dernière création, Still Life, interprétation contemporaine du mythe de Sisyphe, fait retour à une esthétique du vestige qui renoue elle aussi avec le passé antique de la Grèce. Reconnu pour son audace poétique, Papaioannou élabore ici une scénographie faite de débris minéraux et d’un mur brisé auxquels se heurtent les danseurs. Fidèle à une économie de moyens qui le caractérise depuis ses débuts dans les squats athéniens, il compose, entre jeux de fumée et lumière diffuse, le tableau sombre d’une humanité en lutte avec son propre héritage, métaphore de l’éternel combat du créateur contre la matière. RdM Still Life, Festival Montpellier Danse, 04-05 juillet 2016 (Montpellier). Primal Matter, 17e Biennale de la Danse, septembre 2016 (Lyon). 19 RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016 MUSIQUE / CULTURE PE T I T E HISTOIRE DE L A chanson italienne – Au pays de la Vespa, de la dolce vita et de l’opéra, on ne plaisante pas avec la chanson populaire. Elle fait partie du patrimoine et tout Italien se doit de pouvoir fredonner le refrain d’une chanson qui évoque l’amour, ses déceptions ou encore l’azzurro du ciel. Vivante, créative, elle parle de la vie quotidienne. – Par David Dibilio ¬ L © DR es raisons qui font de la péninsule la terre le style de vie américain en buvant du whisky-soda, en dansant le de l’excellence musicale sont nombreu- rock n' roll, en jouant au baseball et en fumant des Camel… Mais ses. Il y a tout d’abord une langue qui se qui ne peut s'acheter des cigarettes qu'en puisant l'argent dans le confond avec la poésie. Il y a aussi l’héritage sac à main de sa maman ! Ce titre, léger et moqueur, est un brillant de Verdi, Puccini et Rossini qui exprimaient métissage de napolitain et de swing, à l’image de Little Italy qui avec simplicité la puissance des sentiments. devient l’un des quartiers les plus effervescents de New York. Mais c’est bien dans une Il y a petite ville balnéaire de la enfin la Riviera, quelques années tradition napolitaine et ses auparavant, que se joue un complaintes amoureuses événement capital. 1951 voit la chantées par des voix d’homnaissance de ce qui demeure me. Elle est à la source du encore aujourd’hui une vérenouveau de la chanson nérable institution : le fesitalienne qui se diffuse dans tival de San Remo. Celui-ci toute l’Europe au XIXe siècle. devient à la fois une énorme Un seul exemple illustre à caisse de résonnance et un lui seul l’ampleur du phénobel écrin pour une chanson mène : O Sole Mio (1835) qui se à bout de souffle, lessivée par chante en dialecte puis en itale fascisme. Désormais, c’est lien avec la version d’Eduardo ici que s’allumeront toutes les di Capua de 1898, très vite légendes de la chanson itarepris par Enrico Caruso, le lienne. Avec son lot de scanlégendaire ténor, au tournant Domenico Modugno au festival de San Remo en 1961. dales, de votes contestés, du siècle. Même Elvis Presley, de paillettes et de glamour. Certes, San Remo, malgré quelques en 1960 sous le titre It’s Now or Never, en livrera sa version. Avec l’immigration italienne, massive en direction des États- fulgurances, reste un spectacle grand public qui infuse dans les Unis, ce sont aussi les chansons qui traversent l’Atlantique. En familles de sages mélodies aux paroles tièdes. L’amour y est sug1956, Renato Carosone fait résonner la mélodie de Tu vuo fa’ l’ame- géré et innocent. « Idéal dans un pays où règne sans partage une démoricano dans toutes les radios. L’histoire d'un Italien qui veut imiter cratie-chrétienne qui n’hésite pas à censurer si besoin un texte jugé trop 20 mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine CULTURE / MUSIQUE RdM Festival franco-italien de musique traditionnelle et de culture populaire de Bourgoin-Jallieu et Nord-Isère, 13-15 octobre 2016. Histoire de la chanson en Italie, vol. II, Jean Guichard, éd. de l'INIS, 2013. L A CHANSON POPUL AIRE ITALIENNE EN QUELQUE S TITRE S DOMENICO MODUGNO - VOLARE EDUARDO DI CAPUA - O SOLE MIO RENATO CAROSONE – TU VUO FA’ L’AMERICANO PAOLO CONTE - VIA CON ME LUCIO DALLA – CARUSO MINA – PAROLE, PAROLE EROS RAMAZZOTTI – UNA STORIA IMPORTANTE PATTY PRAVO – LA BAMBOLA LUCIO BATTISTI – ANCORA TU ADRIANO CELENTANO – IL RAGAZZO DELLA VIA GLUCK LUIGI TENCO – VEDRAI, VEDRAI GINO PAOLI – SENZA FINE TONY DALLARA – COME PRIMA RICCHI E POVERI – SARA PERCHE TI AMO indispensables sulfureux », rappelle Jean Guichard, auteur d’une très documentée et passionnante Histoire de la chanson en Italie. Une force politique qui peut compter sur le soutien du Vatican, un poids que l’on ne mesure jamais assez si l’on est hors des frontières italiennes. 1958 : tremblement de terre dans les téléviseurs en noir et blanc qui prennent des couleurs et sur la scène du festival qui ronronne. Une couleur comme un appel à la liberté, à toutes les libertés : le bleu. Domenico Modugno ne gagne pas le concours mais ses mots resteront à jamais gravés dans la mémoire mondiale. « Nel blu dipinto di blu », plus connus sous le titre Volare. Un morceau un peu étrange pour l’époque avec ses paroles abstraites, bien loin de la chanson d’amour qui dominait alors le genre, une invitation à voler et chanter dans le bleu du ciel. Modugno finit sa prestation les bras tendus en l’air à une époque où l’on chantait la main délicatement posée sur le cœur, la larme à l’œil. Modugno incarne parfaitement cette révolution, scénique mais pas uniquement. Pour la première fois, celui qui écrit les paroles est aussi l’interprète. Les auteurs-compositeurs-interprètes prennent le pouvoir, l’âge d’or de la chanson populaire italienne s'affirme. Les années 1960 et 1970 voient naître des mélodies qui résonnent encore aujourd’hui. Luigi Tenco, Gino Paoli ou Sergio Endrigo font monter d’un cran le niveau des compositions, chacun dans leur style. L’industrie du disque est en plein essor, les disques se vendent par millions, les filles s’affolent. Dans une Italie qui sort à peine de la reconstruction boostée au plan Marshall et qui se jette dans la modernité, la chanson accompagne ce grand élan vers la croissance. En 1966, un titre illustre bien cette période un peu folle : Il ragazzo della via Gluck (repris en français par Françoise Hardy sous le titre La maison où j’ai grandi) raconte le bétonnage, les barres d’immeubles et la destruction de sa maison d’enfance. Lui, c’est Adriano Celentano. Il faut se souvenir de l’apparition de Celentano au concours du festival de San Remo de 1961 : il se présente dos au public mais termine tout de même second avec 24 000 baci. Il connaît un énorme succès avec une autre chanson : Azzurro. Véritable mythe vivant, jeune, beau, fort, il devient l’un des personnages emblématiques de la musique populaire italienne. La déflagration suivante a pour nom Lucio Battisti qui marque la décennie avec des hymnes comme Ancore Tu (1976) ou E Penso e Te (1972). Avec son parolier (Mogol), Battisti rompt l’image du latinlover suave. Sa voix est cassée, parfois à la limite de la justesse. Il en fera sa marque de fabrique. Il sera souvent copié, nombreux s’en sont cassé la voix. Battisti est probablement la dernière figure qui incarne l’âge d’or de la chanson populaire italienne. Cette histoire, c’est celle d’une certaine idée de la musique, entre simplicité et exigence, portée par des auteurs. Aussi, il serait injuste de passer sous silence ce que l’on appelle « la variété », un genre extrêmement populaire, plus commercial mais qui a contribué à faire sortir la langue italienne bien au-delà de ses frontières, surtout en France. Comment ne pas citer Eros Ramazzotti, Laura Pausini, Ricardo Cocciante, Ricchi e Poveri, Zucchero, Tiziano Ferro et leurs refrains ? Mais cela, c’est une autre histoire. LA DIVA Une histoire de la chanson italienne sans ses chanteuses, ce serait un peu comme une pizza sans tomates. Impensable. Si les femmes ont toujours été, au contraire de leurs collègues masculins, cantonnées au rôle d’interprètes, elles l’ont fait avec une maestria qui n’a eu d’égal que leur immense popularité. Fiorella Mannoia, Rita Pavone, Gigliola Cinquetti, Loredana Bertè, Milva ou Mia Martini… Elles sont nombreuses à avoir aligné les succès et fait déplacer les foules. Mais arrêtons-nous sur deux cas aussi différents que significatifs du rôle et de la force de la diva : Patty Pravo et Mina. La première sort le 45 tours La Bambola (« poupée ») en 1968 dont elle vendra neuf millions d’exemplaires cette année-là. Dans une Italie catholique, corsetée, où les chanteuses susurrent l’amour et la romance, Patty Pravo incarne l’esprit des sixties, plus moderne, avec des échos de révolution sexuelle. Dans sa chanson, elle réclame, toute en mini-jupe : « Tu mi fai girar, tu mi fai girar, come fossi una bambola » (« Tu me fais tourner, tu me fais tourner, comme si j’étais une poupée »). Belle, libre et culte, Patty Pravo est une diva qui a aussi eu sa propre émission télévisée et dont les chansons sont reprises dans les films de jeunes réalisateurs. Le cas de Mina est différent. Celle qui débute sur scène en 1958 devient la plus grosse vendeuse de disques tout le long des années soixante. En 1972, elle chante Parole, en duo avec l’acteur Alberto Lupo, une chanson qui sera reprise par la célèbre chanteuse italienne devenue française Dalida et Alain Delon. Grâce à un génie musical incontestable, Mina a su passer du statut de chanteuse à voix à celui de diva assoluta. Comme Dalida ou Barbara en France, elle est considérée, avec Patty Pravo comme une véritable « icône » en Italie. En 1978, elle fait ses adieux à la scène et à la télévision au sommet de sa gloire. Malgré les mirifiques propositions qui lui sont faites, elle ne fera plus jamais de scène mais continuera de sortir régulièrement des albums studio, souvent de reprises. 21 RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016 MUSIQUE / CULTURE FA ZIL SAY Un pianiste engagé – C’est une star et un ovni. Fazil Say est le seul pianiste turc à faire une carrière internationale. Portrait et actualité. – F azil Say, 46 ans, est né d’une mère pharmacienne et d’un père musicologue et écrivain engagé. Une enfance entourée d’intellectuels, qui lui semble bien loin d’un pays où le gouvernement est islamo-conservateur et où toujours plus de femmes portent le voile. Très actif sur les réseaux sociaux, ses tweets provocateurs envers la religion lui ont valu dix mois de prison avec sursis en 2013. Mais en octobre dernier la cour suprême turque a annulé la peine, invoquant le droit à la libre expression. Voilà donc un musicien qui dit ce qu’il pense et dont l’expression musicale incarne cette liberté. Car Fazil Say est également compositeur. Ses œuvres aux accents traditionnels et occidentaux 22 © Marco Borggreve Par Charlotte Latour ¬ à la fois, rendent toujours hommage à son pays, qu’il s’agisse d’Istanbul Symphony ou de Gezi Park, inspirés par une jeunesse en mal de démocratie réunie place Taksim en 2013. Il n’hésite pas à insérer dans l’orchestre symphonique des instruments traditionnels comme le oud ou la flûte ney. Et puis il y a le Fazil Say interprète. Sous ses doigts, le Concerto n°2 de Saint-Saëns en sol mineur est jazzifié, incarné, dans une approche animale du clavier, mais sans jamais perdre en virtuosité ni en lyrisme. Fazil Say est finalement le symbole parfait de la Méditerranée. Partagé, entre Orient et Occident. Un confluent géographique et culturel qu’il porte dans son sang et dans son art. Pour autant son prochain album sera entièrement européen, français même, puisqu’il sera consacré à Erik Satie. RdM mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine CULTURE / MUSIQUE LE BARBIER DE SÉ VILLE A 200 ANS – Selon Beaumarchais, Rossini, qui n’a que 24 ans, aurait composé cet opéra en seulement deux semaines ! Jeunesse et vitalité se retrouvent dans la mise en scène de l’Italien Damiano Michieletto. Un tourbillon d’énergie inspiré d’Almodovar. Par C. L. ¬ © Bernard Coutant – Opéra national de Paris Le Barbier de Séville du 2 au 28 février 2016 à l’opéra Bastille. © Marco Borggreve © David Strindberg/mercury Classics Nouveautés MILOS E T LES BE AT LES Milos quitte le répertoire classique le temps d’un album consacré aux Beatles. Dans Blackbird, Something ou encore Let it be avec Gregory Porter, le guitariste monténégrin parfois jugé un peu trop sérieux nous montre l’étendue de son remarquable talent. Un album chaleureux aux arrangements soignés. Par C. L. ¬ MILOS Blackbird, The Beatles Album, chez Universal. VOIX D’ANGE Les castrats étaient les stars du XVIIIe siècle. Farinelli, Caffarelli et autres Carestini déclenchaient l’hystérie du public. À Naples, 4 000 enfants étaient sacrifiés chaque année pour développer leur voix d’ange. Coup de cœur pour l’album du contre-ténor Max-Emanuel Cencic qui interprète des airs rares. En tournée jusqu’à cet été. Par C. L. ¬ Max-Emanuel Cencic, Arie Napoletane 23 RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016 EXPOSITIONS / CULTURE L’ANTIQUITÉ AU FÉMININ AMEDEO MODIGLIANI PORTR AIT D’UN INCL ASSABLE Cette rétrospective, d’une ampleur exceptionnelle, met à l’honneur le fonds Roger Dutilleul du musée lillois – une des collections publiques les plus riches consacrée au peintre et sculpteur italien – en l’augmentant de prêts inédits. Des sculptures aux portraits, l’exposition démontre une technique aussi diversifiée que ses influences (art nègre, oriental ou antique), mettant en miroir son œuvre avec celle de ses contemporains (Picasso, Brancusi, Soutine, Derain…) pour mieux en souligner la singularité. A medeo Modigliani. Une ré trospec tive, L a M (L i l l e ), D u 27 f é v r i e r a u 05 j u i n 2016 © DR C o n f i d e n t i e l - Ê t r e f e mm e d a n s l a G r è c e a n t i q u e M u s é e d´a r c h é o l o g i e m é d i t e r r a n é e n n e (M a r s e i l l e ) J u s q u ’a u 23 m a i 2016 © Luc Choquer © H. Lewando © DR Trop souvent limitée aux figures divines, parées des attributs de beauté, de force ou d’immortalité, l’iconographie de la femme grecque véhicule une image bien peu en prise avec la réalité historique. Une exposition au musée d’archéologie de Marseille corrige cette vision idéalisée en réunissant des représentations moins répandues de la femme athénienne, corinthienne ou spartiate qui témoignent autant de sa condition sociale et politique que domestique et intime. Par Florian Gaité ¬ L’ARTE POVER A À L’HONNEUR Cinquante ans après son émergence en Italie, l’arte povera fait l’objet de deux expositions parisiennes. La galerie Kamel Mennour présente une monographie du sculpteur Pier Paolo Calzolari, figure de proue du mouvement. Au-delà du dépouillement formel de ses œuvres, son vocabulaire plastique se distingue en évoluant vers le minimalisme et l’art conceptuel. Le Centre Pompidou consacre de son côté une manifestation pluridisciplinaire autour de l’utilisation des matériaux pauvres, où l’arte povera occupe une place centrale. P i e r P a o l o C a l zo l a r i . E n s e m bl e , Galerie K a m e l M e n n o u r (P a r i s ), D u 29 U n A r t P a u v r e , C e n t r e P o mp i d o u (P a r i s ), D u 08 j u i n a u 29 a o û t 2016 janvier au 05 mars 2016 ARCHÉOLOGIE DU MY THE L’exposition événement du Louvre interroge la survivance des mythes par-delà les époques et les cultures. Orphée, Hercule ou Icare sont autant d’exemples de héros grecs sur lesquels se sont bâties les civilisations et qui n’ont jamais cessé d’inspirer les artistes. À travers plus de soixante-dix œuvres, le parcours trace des ponts entre les cultures et les âges (de Cocteau à Star Wars en passant par les mangas) pour en montrer l’éternelle actualité. M y t h e s f o n d at e u r s . D’H e rc u l e à D a r k V a d o r , L o u v r e (P a r i s ) J u s q u ’a u 04 j u i l l e t 2016 24 mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine CULTURE / EXPOSITIONS ©Musee du Quai Branly SINGUL ARITÉS DES BALK ANS Miodrag Djuric dit Dado, célèbre peintre monténégrin installé à Paris, est décédé en 2010. Ses compositions fantastiques, juvéniles, souvent inspirées des contes de fées d’Europe centrale, dénoncent avec une violence graphique certaine les atrocités qui jalonnent l’histoire du XXe siècle. Les Abattoirs de Toulouse abritent une collection exceptionnelle d’une centaine d’œuvres, dont certaines sont régulièrement présentées dans ses accrochages. Dado est également présent à la Halle Saint-Pierre, lors d’une exposition croisant art singulier, expressionnisme figuratif et art populaire, au côté du prometteur dessinateur croate Davor Vrankic. © DR © Galerie Kamel Mennour C o l l e c t i o n s p e r m a n e n t e s , L e s A b at t o i r s (T o u l o u s e ) L’E spr it si n gu li er , H a l l e S a i n t -P i e r r e (P a r i s ), D u 30 m a r s a u 26 a o û t 2016 LES INSTANTS FUGACES D’UGO MUL AS © Galleria Lia Rumma Milano Nap © DR L’ÉLÉGANCE DES VESTIGES Trop peu connu en France, le photographe italien a pourtant côtoyé les plus grands artistes, documentant la scène artistique italienne et américaine ou la Biennale de Venise à partir des années 1960. À travers soixante photographies en noir et blanc, cette rétrospective, première du genre en France, présente également ses Vérifications, projet spéculatif auquel il se consacra jusqu’à sa mort. Ugo Mul as. L a Photogr aphie F o n d at i o n H e n r i C a r t i e r -B r e s s o n (P a r i s ) D u 15 j a n v i e r a u 24 av r i l 2016 Présentée dans son intégralité pour la première fois depuis soixante ans, la collection du duc de Luynes regroupe plus d’une centaine de vases grecs en céramique. Leurs décors de vernis noir sur fond d’argile rouge décrivent des scènes mythiques ou de la vie quotidienne, apportant un précieux témoignage sur la civilisation antique. De Rouge e t de N o i r , BNF-R i c h e l i e u J u s q u ’a u 30 av r i l 2016 L A FEMME TURQUE AU-DEL À DU CLICHÉ Lauréat du prix Villa Médicis Hors les murs, le projet photographique Femmes d’Istanbul allie intérêt sociologique et recherche stylistique. Avec l’objectivité d’un photojournaliste, Luc Choquer s’est focalisé sur la condition des femmes stambouliotes tiraillées entre tradition et modernité pour en saisir les contrastes sociaux et culturels. Portrait d’une ville autant que de ses habitantes, le projet se décline également en un webdocumentaire, adapté pour la télévision. L uc C h o q u e r . F e mm e s d'I s ta n bu l C a r r é A m e l o t , L a R o c h e l l e D u 08 av r i l a u 09 j u i l l e t 2016 25 RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016 © Shutterstock DONNA LEON / CULTURE DA NS L ES DÉDA L ES DE L A SÉRÉNISSIME – Un feuilleton annuel Depuis 1992 (1997 en France), les enquêtes du commissaire Brunetti envahissent les librairies une à deux fois par an. Les fidèles se sont élargis grâce à l’adaptation en série télévisée, et les livres de Donna Leon se vendent désormais à plus de 60 000 exemplaires en France. Certains reprocheront les stéréotypes – fonctionnaires paresseux, aristocrates décadents, mafieux impunis, Italiens amateurs de pates – mais ses descriptions précises et ses anecdotes amusantes donnent un caractère singulier à ses polars. Particularité de ce succès littéraire mondial : aucun « Brunetti » n’a été traduit en italien. Donna Leon tient en effet à conserver son anonymat dans cette Venise qu’elle vénère. V Par Vincy Thomas ¬ enise a inspiré les plus grands récits de voyages et invité les héros les plus charismatiques, de James Bond à Corto Maltese. Mais votre meilleur guide sera le commissaire Guido Brunetti, personnage fictif inventé par la romancière américaine Donna Leon. Cela fait plus de trente ans qu’elle s’est installée par amour dans la Cité des doges. Au fil des enquêtes, le lecteur sillonne les canaux, flâne dans les ruelles et découvre les palais de la ville flottante. Mais l’écrivaine explore aussi la face cachée du joyau de l’Adriatique. Quand le soleil se couche, la cité des amoureux devient un théâtre d’ombres et de mystères. Prostitution, corruption et autres crimes se déploient dans les coins les plus secrets du labyrinthe vénitien. Les édifices sont fragiles et un échafaudage peut être meurtrier. La Fenice, si raffinée, ou l’imposant Arsenal du quartier du Castello servent de décors somptueux pour mener des investigations Mais c’est dans le quartier populaire de San Polo, de l’autre côté du Rialto, que Donna Leon invite ses lecteurs à se balader. C’est là que son Venise vibre, en buvant des verres de grapa servis sur des terrasses à l’abri des foules. Un peu plus loin, au nord du Grand Canal, dans le Cannaregio, les Vénitiens y sont entre eux. Loin de San Marco et de ses pizzas hors de prix, les trattorias populaires et les ateliers d’artistes s’animent au son du dialecte local. Dans ce sestiere, on y lézarde au soleil en sirotant un verre de prosecco. Épicurien, Brunetti livre ses bonnes adresses (on les retrouve toutes dans Venise, sur les traces de Brunetti, de Toni Speda), comme la boulangerie Tonolo aux confins de San Polo, où il achète ses brioches du dimanche, où chez Nico, dans le Dorsoduro, où il déguste ses glaces. Avec lui, on succombe à la tentation de Venise, qui révèle ses multiples facettes, tout en restant la plus belle énigme irrésolue du commissaire. RdM Brunetti entre les lignes, 23e épisode de la série, a été publié en février chez Calmann-Levy. 26 mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine CULTURE / LIVRES LIVRES – Par Francine Thomas ¬ I II III On avait laissé Lila au soir de son mariage fastueux avec son mafieux d’époux. On la retrouve quelques semaines plus tard, de retour de voyage de noces, l’œil noir, une lèvre écorchée. La lente narration des événements qui conduiront une cinquantaine d’années plus tard à la disparition de cette singulière héroïne est aussi haletante que dans le premier opus. Surtout quand elle est contée par sa perspicace amie d’enfance, qui porte son regard sans complaisance sur ceux qui l’entourent. Elena Ferrante, dont l’identité reste très mystérieuse, excelle dans l’art de ferrer ses lecteurs à travers une fresque qui a déjà séduit des millions de personnes dans le monde entier. Marcello, Ettore, Sophia et les autres… Aux vaillants héros de l’amer On situe sa naissance en 1958 avec le film Le Pigeon de Mario Monicelli. On lui doit quelques duos mythiques comme celui formé par Sophia Loren et Marcello Mastroianni dans Mariage à l’italienne de Vittorio de Sica. On se souvient aussi de quelques-unes des polémiques qu’elle nous a offertes, par exemple lors de la projection à Cannes de La Grande bouffe de Marco Ferreri qui a déclenché les huées des spectateurs. La comédie à l’italienne constitue un chapitre fondamental de l’histoire du cinéma ; chapitre commenté, illustré et drôlement disséqué dans cette anthologie agréable et indispensable aux amoureux du genre. Le nouveau nom, l’amie La Comédie à l’italienne, Enrico prodigieuse II, Elena Ferrante, Giacovelli, Editions Gremese, Gallimard, 554 pages, 23,50 €. 240 pages, 38 €. C’est une invitation au voyage où rien n’est luxe, calme et volupté. Bienvenue en mer de Marmara, celle des pêcheurs Hassan le boiteux, Ali le Tatar et Agop l’aveugle. Ils n’ont d’exotique que le nom. Ces habitants de Menekse sont les témoins d’un monde disparu, où l’on prenait la mer sur d’antiques barques, où l’on reprisait chaque matin des filets que l’on ramenait pleins de rougets, de bonites et de dorades, et où l’on travaillait à la loyale. Yachar Kemal, l’un des plus grands écrivains turcs est allé à leur rencontre au milieu des années 70, quelque temps avant de recevoir en France la légion d’honneur. De ces conversations, il tira plusieurs longs reportages aux qualités littéraires incomparables, tant il donne à entendre la détresse des pêcheurs du Bosphore Gomorra au féminin dans une langue parfois lyrique. Ces textes méconnus en France sont aujourd’hui réunis, quelques mois après sa mort, et résonnent par leur actualité. L’auteur de Mèmed le Mince entonne une supplique pour d’honnêtes gens vaincus par la surpêche, la pollution et autres catastrophes modernes dont on commence à prendre la mesure. Leur ennemi, fossoyeur d’une profession et d’une époque, a la forme d’un chalutier. Il travaille au radar, piège en pleine nuit les poissons avec des lampes de 1 000 volts qui rendent aveugles les eaux du Bosphore. Parfois même, comme lors d’un sanglant épisode du printemps 1966 qui continue de hanter les riverains, il dynamite les fonds marins, siphonne les vertébrés compressés et broyés dans les filets qui craquent sous le poids du massacre. Même les œufs n’échappent pas à la rafle. Le récit de cette hécatombe s’apparente finalement à un traité d’écologie sur fond de catastrophe sociale. Que restet-il aux vieux pêcheurs réduits à la misère et dont les fils s’éloignent pour rejoindre de grises usines ? Une supplique : « On a vidé la mer », qui parcourt le texte comme un lancinant chant du cygne. On a vidé la mer, Yachar Kemal, Galaade éditions, 200 pages, 16 € 27 © Asaf Eliason / Shutterstock LA MÉDITERRANÉE, carrefour de civilisations – Entretien avec Bernard Lory / Adriatique, théâtre des rivalités vénéto-ottomanes / Albanie et Grèce, les identités incertaines / Entretien avec Jean-Louis Labarrière / Regards croisés / Athènes, le renouveau malgré la crise / RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016 LES BALKANS / DOSSIER MÉDITERRANÉE POINT DE RENCONTRE HISTORIQUE DES CIVILISATIONS – Les Balkans constituent un ensemble complexe où s’entremêlent les nations, les langues, les religions, les alphabets… Cette mosaïque unique est le fruit d’une histoire qui a vu se jouer en ces lieux la formation, l’expansion puis le recul et la disparition des plus grands empires dont l’Adriatique fut tour à tour le centre ou la frontière. L’Empire romain, Byzance, Venise, l’Empire ottoman, la Yougoslavie, l’Union européenne s’y sont retrouvés ou succédés, en se construisant souvent sur les ruines de leurs prédécesseurs. Tentons de décoder cette complexité avec Bernard Lory, professeur de civilisation balkanique, discipline qu’il est le seul à enseigner en France, à l’Institut national des langues et civilisations orientales. – Entretien réalisé par Sébastien Righi ¬ RDM : VOUS ENSEIGNEZ LA CIVILISATION BALKANIQUE, QUELS SONT LES ÉLÉMENTS QUI, SELON VOUS, CARACTÉRISENT CETTE RÉGION ? Bernard Lory : La spécificité des Balkans est d’abord géographique. C’est un coin relégué souvent à l’écart des grands courants qui passent au nord par le Danube ou au sud par la Méditerranée. Il existe un paysage particulier, fait de montagnes, pas très hautes mais très bousculées les unes contre les autres. Ce qui fait que la circulation reste très difficile même de nos jours. Ce n’est que récemment, en perçant des tunnels ou en construisant des viaducs (comme la nouvelle route Egnatia qui traverse toute la Grèce du nord) qu’on maîtrise ce territoire. RDM : EN POURSUIVANT DANS CETTE PERSPECTIVE GÉOGRAPHIQUE, QUEL RÔLE JOUE LA MER ADRIATIQUE QUI BORDE LES BALKANS ? B. L. : En fait les Balkans tournent le dos à l’Adriatique. La bande côtière dalmate, avec ses villes si riches, est étroite. À peine 30 10 km et on entre dans le monde des bergers, un environnement très rude. L’Adriatique borde les Balkans mais n’y pénètre pas. La mer sert aux échanges, à commercer avec le reste du monde. Les ports qui sont en bordure sont finalement un lieu de contact entre un monde montagnard et continental, et un monde méditerranéen plus sophistiqué. RDM : IL Y A LA GÉOGRAPHIE MAIS AUSSI LES GRANDS EMPIRES, À COMMENCER PAR L’EMPIRE ROMAIN, QUI ONT CONTRIBUÉ À FAÇONNER CETTE CIVILISATION BALKANIQUE… B. L. : Aujourd’hui chaque pays des Balkans essaie de faire valoir sa singularité en gommant le substrat commun. Mais l’Empire romain a façonné la région. Il y a eu énormément d’empereurs d’origine balkanique, ce qu’on appelle les empereurs pannoniens, qui étaient souvent des militaires. Et surtout le très grand Dioclétien qui a essayé de réorganiser l’empire radicalement en le partageant en quatre – la Tétrarchie – instituant ainsi une frontière mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine entre un orient et un occident. Dioclétien me fait penser à Tito. C’est assez amusant d’avoir deux personnages à 18 siècles d’intervalle qui ont réorganisé cet ensemble géographique en le partageant avec des pouvoirs locaux équilibrés et un pouvoir central fédérateur. L’Adriatique était alors le centre de l’empire. Dioclétien, qui est dalmate, prendra sa retraite dans son palais de Split, renonçant au pouvoir comme Tito. C’est là l’une des caractéristiques les plus profondes de l’identité balkanique, cette cohabitation entre monde orthodoxe et monde musulman RDM : ON PARLE D’UNITÉ ET CEPENDANT LES BALKANS SE CARACTÉRISENT AUSSI ET SURTOUT PAR LEUR MORCELLEMENT. COMMENT EXPLIQUER CES LIGNES DE FRACTURE ? B. L. : Après l’Empire romain unificateur apparaît une période d’émiettement, avec l’arrivée de nombreux envahisseurs et notamment les Slaves au Ve et VIe siècles qui bouleversent la composition ethnique de la région. Jusque-là coexistaient des peuples autochtones : les Daces, les Thraces, les Macédoniens antiques. Ces populations ont été broyées et ont disparu. Durant la domination byzantine vont se succéder des périodes très fluctuantes d’expansion et de recul face aux musulmans. À certaines époques, les Balkans sont même totalement abandonnés aux barbares. RDM : CATHOLICISME, ORTHODOXIE ET ISLAM SE SONT RENCONTRÉS ET AFFRONTÉS DANS LES BALKANS. PARLERIEZ-VOUS DE FRACTURE RELIGIEUSE ? B. L. : C’est là l’une des caractéristiques les plus profondes de l’identité balkanique, cette cohabitation entre monde orthodoxe et monde musulman. L’Empire ottoman, pendant cinq siècles, va être une nouvelle phase d’unification et va laisser une marque très forte dans la structure des villes, dans la mentalité des gens, dans leur rapport au politique. Voilà une terre d’expérience très DOSSIER MÉDITERRANÉE / LES BALKANS intéressante de cohabitation entre les religions certes pas toujours harmonieuse. Chaque communauté religieuse bénéficie d’une certaine liberté mais l’islam domine dans le cadre public. Les chrétiens s’organisent avec des restrictions : les églises doivent être de petite taille, on ne peut sonner les cloches… Il existe donc une hiérarchisation très nette mais tolérante. La minorité juive était d’ailleurs relativement bien traitée dans cette région en comparaison avec le reste de l’Europe. RDM : PLUS RÉCEMMENT, LA FRONTIÈRE ENTRE LES BLOCS DE L’EST ET DE L’OUEST A-T-ELLE UNE NOUVELLE FOIS REDESSINÉ LA RÉGION ? B. L. : Elle a été particulièrement éclatée dans cette région. Dans les années 1970, on assiste à une situation très curieuse. La Grèce fait partie de l’OTAN, la Bulgarie et la Roumanie du Pacte de Varsovie, la Yougoslavie est un pays non aligné et l’Albanie est pro chinoise. Rarement on a eu un clivage entre les blocs aussi présent et puissant. De voisin à voisin pendant près de 45 ans, on ne s’est pas fréquenté. C’est une tragédie. RDM : COMMENT LES NATIONS MODERNES SE SONTELLES FORMÉES MALGRÉ CET ENCHEVÊTREMENT DE PEUPLES ET DE RELIGIONS ? B. L. : En fait ce sont les Grecs qui les premiers dans la région vont avoir des revendications nationales à la fin du XVIIIe siècle, fondées sur une identité forte, une langue, un alphabet, des ancêtres prestigieux, beaucoup d’éléments qui permettent de construire un sentiment national assez aisément. Les Serbes les imitent avec une génération de décalage. En Albanie, la nécessité de s’organiser apparaît à la fin du XIXe siècle, au moment de l’agonie de l’Empire ottoman. Mais qui dit nations, dit frontières. Or dans une région où les populations sont aussi mélangées, ça a été un drame. Il a fallu tailler dans le vif, en créant des minorités maltraitées, expulsées. Tout le XXe siècle aura été émaillé de conflits pour ajuster un contenu ethnique à des frontières géographiques. Quand le communisme est tombé, on a redécouvert que le voisin qu’on avait fantasmé de l’autre côté de la frontière, était finalement un proche cousin. RDM : CROYEZ-VOUS EN UN AVENIR PACIFIÉ ET UNIFIÉ GRÂCE NOTAMMENT À LA CONSTRUCTION EUROPÉENNE ? B. L. : L’intégration européenne est le programme des élites urbaines. La majorité de la population n’est pas pour, notamment à cause de la liberté de circulation qui en résulterait dans une région où les populations chassées par la force ou par les conflits pourraient décider légitimement de rentrer chez elles. Malgré tout, une fluidité se crée. Très récemment une autoroute a été percée qui relie en 2 heures la côte adriatique au Kosovo, qui était jusquelà inaccessible. L’OTAN qui occupait le pays pendant la crise de 1999 a rencontré d’énormes difficultés logistiques pour parcourir à peine 150 km. Ces nouvelles routes arrivent à résoudre des problèmes millénaires. Reste à voir si on a envie de se fréquenter entre voisins après les guerres fratricides des années 1990. La réconciliation reste difficile à gérer. Mais ce n’est pas une fatalité. RdM 31 THÉÂTRE DES RIVALITÉS VÉNÉTOOT TOM ANES – mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine DOSSIER MÉDITERRANÉE / L´ADRIATIQUE Le Lion de Venise a dominé l’Adriatique durant des siècles, mais à peine l’Empire ottoman avait-il fait main basse sur les Balkans qu’il est venu défier la Sérénissime République sur « sa » mer… Dès la fin du XVe siècle, l’Adriatique est devenue un dangereux champ de bataille. I – Par Jean-Arnault Dérens et Laurent Geslin ¬ l fut un temps où il était nécessaire de s'armer de pointes et de piques pour prendre la mer, où une traversée pouvait se finir sur les bancs de la chiourme, où les moins rapides au combat, et les plus malchanceux, allaient nourrir les poissons de roche. Durant trois siècles une guerre sans merci s’est poursuivie à travers toute la Méditerranée, sur les rivages de l'Afrique du Nord, de l'Espagne, de l'Italie, des Balkans et de la Turquie. Les navires marchands étaient pillés, les populations du littoral trouvant refuge dans des villages fortifiés de l'arrière-pays, car c'est par le large qu'arrivaient le danger et les envahisseurs. L’Adriatique, longtemps dominée par la superpuissance navale vénitienne, a été l’un des théâtres privilégiés de cette confrontation. LA CONQUÊTE OT TOMANE Dès la fin du XVe siècle, l’Empire ottoman paracheva sa conquête des Balkans en établissant de solides positions sur la côte adriatique : il contrôlait les côtes albanaises et monténégrines, multipliant les raids en Dalmatie, et menaça même l’Istrie vénitienne, tout au nord de la mer. La paix de Buda, conclue en 1503 entre la Sublime Porte et la Sérénissime République garantit, en théorie, la liberté de circulation en mer Adriatique, mais le grignotage se poursuivit, Venise perdant l’un après l’autre de précieux comptoirs et points d’appui, comme Butrint, dans le sud de l’Albanie, Ulcinj, ou les îles de Zante et de Céphalonie qui contrôlent l’accès au golfe de Patras. Lors de la bataille de Lépante, en 1571, l’une des plus grandes confrontations navales de l’Histoire, les 212 navires de la coalition chrétienne rassemblée autour de Venise et de la monarchie espagnole écrasèrent la flotte ottomane, conduite par Ali Pacha Moezin. Les lourdes galères turques furent bloquées dans le golfe de Patras, pilonnées par les navires chrétiens, plus légers et plus rapides. Cependant, après cette victoire, les chrétiens ne surent pas pousser leur avantage. Venise, ruinée par la guerre et l'interruption de son commerce avec l'Orient, négocia avec les Turcs et leur reconnut par traité le 7 mars 1573 la possession de Chypre, prise trois ans plus tôt et pourtant objet originel du conflit. « En nous emparant de Chypre, nous vous avons coupé un bras, et à Lépante vous nous avez coupé la barbe. Un bras coupé ne peut pas repousser, tandis que la barbe coupée repousse avec plus de force qu'avant », aurait déclaré à cette occasion le grand vizir Mehmed pacha Sokolovic, un converti issu d’une famille serbe de Bosnie. LA PESTE ET LES PIRATES Un interminable et tragique face-à-face s’instaura pour deux siècles. Venise dominait le nord de la mer, mais la liberté de circulation restait vitale pour son commerce avec l’Orient. Les Ottomans étaient solidement établis sur la côte sud-est, contrôlant ainsi la sortie de l’Adriatique vers la mer Ionienne : ils réussirent même à prendre un temps, au début du siècle, la ville d’Otrante dans les Pouilles, véritable « verrou » de l’Adriatique : à ce niveau, La terreur uscoque Qui se souvient encore des redoubles pirates uscoques, qui pillaient les navires marchands de l'Adriatique ? À la fin du XVe siècle et au début du XVIe siècle, la progression des Ottomans dans les Balkans refoule sur les côtes des populations chrétiennes chassées de Bosnie-Herzégovine et de Croatie. Ces paysans des montagnes qui ne connaissent rien à la pêche prennent les armes pour survivre. Installés autour du château de Klis, en Dalmatie centrale, puis à la chute de celui-ci, en 1537, dans la ville de Senj, sur les marches de l'empire des Habsbourg qui leur offre sa protection, les Uscoques mènent des attaques contre les navires ottomans mais également contre les routes commerciales vénitiennes. En 1540, des bandes uscoques ravagent les îles vénitiennes de Krk, Rab et Pag. Elles attaquent Raguse (Dubrovnik) en 1561. Se déplaçant grâce à de petites barques très maniables, trouvant refuge dans les criques des îles de l'Adriatique, les Uscoques ont constitué durant des décennies une véritable épine dans le pied de la Sérénissime, forçant les doges à financer plusieurs expéditions pour tenter d'en venir à bout. L'intensification des raids des pirates provoquera même une véritable guerre entre Venise et le Saint Empire romain germanique (1615-1617), au terme de laquelle Vienne met un terme aux activités des pirates, les déportant à l'intérieur des terres, en Slovénie. L'histoire de ces pirates a été popularisée au début des années 1980 par une série télévisée germano-suissoyougoslave, Zora la rousse, qui raconte les aventures d'une bande d'orphelins de Senj ayant pris pour nom les Uscoques. Aujourd'hui encore, les habitants de cette petite ville de Dalmatie célèbrent chaque année la mémoire de leurs glorieux ancêtres détrousseurs de marchands. 33 L´ADRIATIQUE / DOSSIER MÉDITERRANÉE une quarantaine de milles nautiques seulement séparent l’Italie des côtes albanaises. Pour sa part, le sud du littoral italien de l’Adriatique dépendait du royaume de Naples, mais celui-ci n’était pas une grande puissance navale et s’intéressait peu à l’Adriatique. La côte italienne, sableuse et paludéenne, largement ouverte sur le large, n’offrait guère de protection aux marins, l’activité maritime se concentrant par ailleurs dans quelques ports comme Ancône, Pescara, Bari ou Monopoli. À l’inverse, sur la rive balkanique, chaque crique bien exposée offrait un mouillage protecteur, où il était souvent facile de dissimuler de petites embarcations. Chaque île dalmate avait ainsi ses marins, ses criques secrètes, mais aussi ses cachettes où se réfugier en cas d’attaque redoutée des gusari, les pirates. Les populations du littoral redoutaient en effet deux grands ennemis : la peste et les raids musulmans. La maladie frappa régulièrement jusqu’à la fin du XVIIe siècle, tandis que les petits ports de la côte albanaise, Ulcinj, Durres ou Vlora étaient de redoutables nids de pirates, qui venaient en renfort de la flotte ottomane lors des guerres et agissaient pour leur propre compte le reste du temps, ravageant les côtes italiennes des Marches et des Pouilles. Au XVIIe siècle, l’Adriatique fut à peu près épargnée par la « grande course » menée par des escadres de pirates algérois, mais la « petite course » locale était tout aussi redoutable. Même la riche cité commerçante de Raguse, l’actuelle Dubrovnik, rivale de Venise et qui payait pourtant tribut à la Porte, ne fut pas épargnée. Les marins grecs des îles ioniennes, passés au service de Venise, menaient aussi des opérations de représailles, mais la course chrétienne resta plus limitée que celle des Musulmans. Un interminable et tragique face-à-face s’instaura pour deux siècles LA CHASSE À L’HOMME Les captifs les plus faibles succombaient rapidement aux mauvais traitements et à la maladie, les plus robustes étaient envoyés aux galères. Les voyageurs et les marchands risquaient donc de finir sur les marchés aux esclaves des ports albanais puis d’être affectés sur les bancs de rame des galiotes, les petites galères rapides et maniables qu’utilisaient les pirates. Ces navires connaissaient toutefois un double mode de propulsion, à la voile et à la rame, les galères pouvant déployer plusieurs centaines de mètres carrés de 34 RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016 voiles latines. Les progrès des techniques de construction et de gréement réduisirent progressivement les besoins en rameurs, dont le rôle pour accroître la vitesse n’était guère requis que pour aller à l’abordage dans les batailles. De plus en plus, la chasse à l’homme visait donc moins à regarnir les rangs de la chiourme qu’à pratiquer le chantage à la rançon. Certains marchands ragusains jouaient les intermédiaires en négociant, auprès des pirates, le rachat des prisonniers chrétiens : c’est ainsi que se sont édifiées de coquettes fortunes. Les « rachetés » passaient un temps au lazaret de Ploce, au nord de Dubrovnik, avant d’être reconduits sur l’autre rive, à Ancône ou Senigallia. Les plus pauvres restaient en dette par rapport à leurs « libérateurs » et devaient donc travailler gratuitement pour leur nouveau maître chrétien. LE DÉCLIN DE VENISE Certaines congrégations religieuses comme l'ordre de la Très Sainte Trinité et des captifs ou l'ordre des Mercédaires se spécialisèrent aussi dans le rachat des captifs, collectant des fonds pour ceux qui ne pouvaient pas compter sur leur famille. Sur les mers, l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem, basé à Malte après avoir été chassé de Rhodes (1523) par la poussée ottomane, menait aussi la guerre de course contre les galères et les navires marchands ottomans. C'est pour réduire cet îlot qui gênait considérablement les opérations de la Porte en Méditerranée que Soliman le Magnifique prit la décision d'attaquer Malte en 1565. Deux cent navires et 30 000 soldats furent engagés dans l'opération, dont le corps d'élite des janissaires, ainsi que des chefs corsaires comme Uluc Ali Pasa, un renégat italien du nom de Giovanni Dionigi Galeni. Après six mois de combats, les Ottomans commençaient à manquer de vivres et de munitions. Leurs lignes de ravitaillement étaient menacées par des corsaires chrétiens, alors ils décidèrent de lever le siège. Affaibli par les guerres, notamment l’interminable guerre de Candie (1645-1699), dont le contrôle de la Crète était l’objet initial, le commerce vénitien déclina rapidement à partir de la fin du XVIIe siècle. De nouvelles puissances faisaient leur entrée en mer Adriatique, notamment l’empire des Habsbourg, depuis le port de Trieste, qui se développa rapidement sous Marie-Thérèse d’Autriche, couronnée en 1740. Durant la seconde moitié du XVIIIe siècle, Raguse connut aussi un nouvel âge d’or, notamment grâce au commerce du sel des salines de Ston, un produit de grande exportation. La cité-État possédait ses relais commerciaux dans l’intérieur de la péninsule balkanique, comme Trebinje, Sarajevo ou Novi Pazar, et tira profit de sa neutralité dans les conflits entre les Habsbourg et Venise. UNE CIVILISATION ADRIATIQUE La splendeur de Venise aurait été inimaginable sans les précieuses ressources de son empire : la « terraferma » italienne, mais aussi l’Istrie, la Dalmatie et les possessions égrenées le long des rives de l’Adriatique. C’est de là que venaient les ressources minières et agricoles, le bois pour construire les bateaux, mais aussi les hommes : les marins, les soldats, les rameurs, libres ou forçats, des galères, et les calfats qui construisaient les navires. Tout près de mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine la place Saint-Marc et non loin de l’Arsenal, la célèbre Riva degli Schiavoni était le quai sur lequel déchargeaient les navires marchands qui arrivaient à Venise : ce « quai des Slaves » rappelle l’importance que les Dalmates ou les Monténégrins, dockers, portefaix ou esclaves, jouèrent dans la fortune de Venise. Une véritable « civilisation » de l’Adriatique a existé durant ces siècles troublés. Malgré la diversité des peuples – italiens, slaves, albanais – le vénitien était la lingua franca, comprise et parlée dans tous les ports. Les techniques de navigation étaient fondamentalement les mêmes, les contraintes du milieu pesaient sur tous. Les mêmes dangers menaçaient tous les marins, notamment la bora, ce redoutable vent catabatique qui descend chaque hiver des hauteurs du Velebit, balayant la mer du nord au sud, rendant toute navigation impossible. Cette civilisation maritime était partagée par les populations des îles et du cordon littoral, toujours très étroit, de la rive orientale, mais il existe toujours un fort contraste, voire une totale incompréhension entre les populations du littoral et celles des montagnes qui surplombent la mer : à quelques kilomètres de distance, ce sont deux univers totalement différents qui se font face, même si les ports du littoral ont toujours eu besoin de leur hinterland montagneux, fournisseur de bois, mais aussi de viande, de cuir et de laine. L’HÉRITAGE DE VENISE C’est probablement dans la Bouche de Kotor, au Monténégro, que le souvenir de la Sérénissime est, aujourd’hui encore, le plus obsédant. Même si la messe n’y est plus célébrée qu’occasionnellement, les dizaines d’églises catholiques gardent mémoire du temps où le littoral était un réduit catholique au pied des montagnes, majoritairement orthodoxes. Le village de Perast fournit des dizaines de capitaines à la flotte vénitienne. Quand le dernier doge déposa les armes de saint Marc face aux armées de Napoléon Ier, le 12 mars 1797, les habitants de Perast furent les derniers à vouloir poursuivre la lutte et ne s’inclinèrent qu’au bout de plusieurs mois. Le 23 août de cette funeste année 1797, ils décidèrent de cacher le gonfalon de la Sérénissime sous l’autel de l’église paroissiale, afin que jamais il ne tombe en des mains ennemies. Le capitaine Giuseppe Viscovich baisa la bannière sacrée, après avoir prononcé un long discours, vibrant cri d’amour au Lion de saint Marc. « Durant trois cent soixante-dix-sept ans, nos vies, notre sang n’ont existé que pour toi, saint Marc ; et nous en avons toujours gardé l’honneur avec grande joie : Toi avec nous, nous avec Toi ! ; et avec Toi sur la mer, toujours nous fûmes illustres et vertueux. Avec Toi, nul ne nous a jamais vu fuir, jamais nous ne connûmes la défaite ou la peur. » Niché dans une ancienne demeure patricienne, le petit musée maritime du village garde encore la trace de ce passé glorieux. Selon la communauté italienne du Monténégro, les 140 habitants autochtones du village seraient à compter parmi les derniers locuteurs du veneto da mar , le vénitien maritime mais, l’été, ce sont surtout les touristes serbes et russes qui se font entendre dans le vieux village. L’ADRIATIQUE, UNE FRONTIÈRE Après la chute de Venise – et de Raguse, également intégrée aux éphémères Provinces illyriennes de l’Empire napoléonien – l’Adriatique cessa d’être une frontière disputée de l’islam et de la DOSSIER MÉDITERRANÉE / L´ADRIATIQUE Monténégro : Ulcinj et ses pirates barbaresques Quand les troupes du roi du Monténégro Nicolas Ier entrent dans Ulcinj en 1880, la cité corsaire n'est plus la place forte qui faisait trembler les navires marchands remontant l'Adriatique en direction de Venise. Tout au plus reste-t-il quelques barques, tirées dans les criques qui entourent la ville, pour des coups de main aisés contre des marchands désarmés. La ville antique, fondée au Ve siècle avant J.-C. par des Grecs de Colchide a pourtant longtemps été un repère de gredins sans pitié. En 1571, Uluc Ali Pasa, un capitaine italien, ancien rameur de la chiourme converti à l'islam, devenu l’un des plus grands maîtres d’esclaves de son temps, s'empare de la ville pour le compte de l'Empire ottoman. À la fin du XVIe siècle, 400 pirates originaires de Malte, de Tunisie ou d'Algérie sont établis à Ulcinj, rançonnant les navires et les villages côtiers à la recherche d'or, d'hommes et de femmes à revendre sur la « place des esclaves » (« Trg robova »). Selon la tradition locale, l’écrivain espagnol Miguel de Cervantès, le père de Don Quichotte, aurait ainsi passé plusieurs années de captivité dans la forteresse pirate, après la bataille de Lépante (1571). La Dulcinée chère au cœur du chevalier errant serait ainsi une fille d’Ulcinj. La ville est aussi connue pour avoir accueilli Sabbataï Tsevi (1629-1676), le messie juif autoproclamé, converti à l'islam et exilé par les autorités ottomanes. Aujourd'hui, Ulcinj s'est endormie en rêvant de son passé guerrier. Les Albanais, qui constituent la majorité de la population de la ville, partent vers l'Europe occidentale dans l'espoir de trouver du travail et reviennent l'été avec les vacanciers du Kosovo. Les vieux murs de la citadelle sont toujours debout. Ils ont résisté au temps et aux tremblements de terre, guettant le retour d'un navire qui permettra, un jour, à la cité de renouer avec la gloire et la fortune. chrétienté. En crise, l’Empire ottoman n’était plus une menace, tandis que de nouveaux États indépendants apparaissaient dans les Balkans. Durant la seconde moitié du XXe siècle, l’Adriatique fut le théâtre d’une autre confrontation, en devenant un élément du rideau de fer qui coupait en deux l’Europe. La Yougoslavie et l’Albanie socialistes étaient prêtes à faire face aux avions et aux marines de l’OTAN, basées en Italie. L’URSS déploya même des sous-marins atomiques dans la base de Pacha Liman, au fond du golfe de Vlora, du moins jusqu’à la rupture de 1961 entre Tirana et Moscou… Aujourd’hui, il reste parfois difficile de surmonter les vieilles méfiances. Malgré la création, en 2006, d’une Eurorégion adriatique et ionienne, réunissant les deux rives de la mer, la coopération demeure trop faible entre les pays riverains, alors que de nouvelles menaces pèsent sur tous, à commencer par celle de la pollution dans une mer semi-fermée. RdM 35 L ES IDEN T I T ÉS INCER TA INES – mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine DOSSIER MÉDITERRANÉE / GRÈCE & ALBANIE De Vlora jusqu’au golfe de Préveza, s’étend l’une des plus belles côtes de la Méditerranée, encore largement préservée. Sur ces rivages de l’Adriatique et de la mer Ionienne, en face de l’île de Corfou, les peuples, les langues et les religions se mêlent, et le tracé de la frontière entre l'Albanie et la Grèce n’a jamais fait consensus. – © Shutterstock Par Jean-Arnault Dérens ¬ “N ous mangeons les mêmes plats, nous dansons les mêmes danses, nous chantons les mêmes chansons, même si les paroles en sont écrites dans deux langues différentes. Et pourtant, de lourdes méfiances n’ont cessé de s’accumuler entre nos deux peuples », soupire Dimitrios Giogkas, un homme d’affaires de Janina, le principal centre urbain de la région grecque de l’Épire. Dimitrios commerce avec l’Albanie voisine depuis que le régime stalinien qui tenait ce pays isolé du reste du monde s’est effondré en 1992. Il se rend chaque semaine de l’autre côté de la frontière, à Gjirokastra, la « ville de pierres » où la langue grecque est toujours comprise et parlée, à côté de l’albanais. Dimitrios se veut pionnier d’une réconciliation qui tarde toujours à venir. Même si les échanges commerciaux – licites ou non, car la contrebande fleurit depuis longtemps dans la région – sont redevenus naturels, l’état de guerre, proclamé en 1940, n’a jamais été formellement aboli entre les deux pays, et les revendications nationalistes et irrédentistes s’entrecroisent toujours. À Gjirokastra en Albanie, la langue grecque est toujours comprise et parlée par la population, à côté de l’albanais. 37 RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016 GRÈCE & ALBANIE / DOSSIER MÉDITERRANÉE D’un côté et de l’autre de la frontière, les peuples s’entremêlent 38 © Shutterstock DES TENSIONS SÉCULAIRES Cette région, tout d’abord, comment l’appeler ? Pour les Grecs, il s’agit de l’Épire, dont la partie septentrionale serait « occupée » depuis un siècle par l’Albanie. Pour les Albanais, au contraire, l’Épire du sud, c’est-à-dire l’actuel département grec de Thesprotie, correspond en fait à la Tchameria, une région historiquement albanaise dont les populations autochtones ont été massivement expulsées par les Grecs après la Seconde Guerre mondiale. D’un côté et de l’autre de la frontière, de toute façon, les peuples s’entremêlent : la minorité grecque d’Albanie réclame les droits dont elle s’estime privée, tandis qu’en Grèce, les Albanais, surtout ceux de confession orthodoxe, sont en voie d’assimilation. Toute l’Épire a fait partie, durant au moins cinq siècles, de l’Empire ottoman. Janina fut la résidence du redoutable Ali Pacha : ce condottiere moderne naquit aux alentours de 1750 dans la petite ville albanaise de Tepelen. Gouverneur ottoman de Janina et de Trikala, il anéantit les grandes familles féodales du sud de l’Albanie et ne cessa de combattre les Souliotes, des insurgés orthodoxes qui faisaient le coup de feu contre les caravanes marchandes et les représentants de l’Empire depuis leurs réduits montagnards. Vers 1800, Ali Pacha contrôlait un quasi-État s’étendant de l’Épire à la Macédoine – pas loin de la moitié des Balkans. Pour mieux asseoir son indépendance face à Istanbul, il caressa un temps l’idée d’une alliance avec Napoléon, dont les Provinces illyriennes s’étendaient sur toute la Dalmatie, jusqu’aux confins du Monténégro. Ce projet n’aboutit pas, mais Ali Pacha continua de rêver d’indépendance jusqu’à ce que, lâché par une partie de ses troupes, il ne tombe, en 1822, aux mains de ses adversaires ottomans « loyalistes ». Ali Pacha a profondément impressionné ses interlocuteurs occidentaux, notamment Lord Byron, le poète anglais, qui séjourna à sa cour, et l’épopée de ce noble albanais a inspiré Alexandre Dumas, qui l’évoque à plusieurs reprises, tant dans ses nouvelles que dans Le Comte de Monte-Cristo. Dans la région, la mémoire d’Ali Pacha est fortement contrastée : certains Albanais y voient le précurseur de l’indépendance nationale, tandis que les Grecs gardent surtout le souvenir de la cruauté de ses impitoyables soldats. DES FRONTIÈRES IMPARFAITES L’indépendance de l’Albanie a été proclamée le 28 novembre 1912, depuis le petit bâtiment de la douane du port de Vlora, aujourd’hui transformé en musée, mais les frontières du nouvel État n’ont été fixées qu’au sortir de la Première Guerre mondiale. Des régions où les Albanais vivaient nombreux, comme le Kosovo, sont restées en-dehors du nouvel État, tandis qu’entre Albanie et Grèce, la démarcation est venue couper au travers de populations qui avaient toujours vécu côte à côte, et les Albanais musulmans du sud de l’Épire, les Tchams, sont devenus citoyens grecs, tandis que de nombreux Grecs se sont retrouvés du côté albanais de la frontière. L’Italie de Mussolini a annexé l’Albanie en 1939 puis, l’année suivante, s’est lancée, depuis ce pays, à la conquête de la Grèce, en s’appuyant sur des auxiliaires albanais. mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine DOSSIER MÉDITERRANÉE / GRÈCE & ALBANIE grecque, grecque orthodoxe ! » Mais elle le dit… en albanais ! En effet, l’appartenance confessionnelle est plus importante que l’identité linguistique et, en Grèce, tous ceux qui pratiquent l’orthodoxie sont réputés grecs, même la vieille Kata qui, à 80 ans, ne parle pas la langue grecque. Sur les murs des villes d’Albanie, la guerre se poursuit en graffitis. Certains appellent à la « libération » de la Tchameria, tandis que d’autres réclament plus de droits pour la minorité grecque. Les tensions se concentrent dans la petite ville côtière d’Himara, une sorte de Saint-Tropez ionien, avant le développement du tourisme de luxe. Le maire de la ville est issu de la minorité grecque et se bat notamment pour la reconnaissance du bilinguisme, s’attirant les foudres des nationalistes albanais. NATIONALITÉS INDISCERNABLES D’après le dernier recensement de population organisé en 2011, moins de 1 % des citoyens d’Albanie ont déclaré appartenir à la minorité grecque – un chiffre aussitôt dénoncé par celle-ci, qui parle de sous-évaluation délibérée et rappelle que les Grecs auraient représenté près de 10 % de la population albanaise à la chute du communisme. Lors des recensements, chacun déclare librement sa nationalité : une même personne peut donc se prétendre grecque, puis albanaise, ou vice-versa, et cette déclaration répond souvent à des objectifs très pratiques. Au début des années 1990, les Albanais du sud du pays ont massivement émigré vers la Grèce, et tous ceux de confession orthodoxe prétendaient appartenir à la minorité grecque, gage d’une meilleure intégration dans leur nouveau pays, dont ils pouvaient même demander la citoyenneté. Aujourd’hui encore, tous les habitants de Saranda, le port qui fait face à l’île grecque de Corfou, maîtrisent les deux langues et sont plus souvent de confession orthodoxe que musulmane. Bien malin qui pourrait dire qui est albanais et qui est grec, malgré les drapeaux qui claquent au vent sur les chantiers des nombreuses maisons en construction. RdM À la libération, les Tchams ont été collectivement accusés de collaboration avec les occupants fascistes et systématiquement expulsés de Grèce, leurs biens saisis. Aujourd’hui encore, la question du retour des propriétaires spoliés oppose les deux pays devant la Cour européenne des droits de l’homme. IDENTITÉS CROISÉES Plus rien ne permet de distinguer les anciens villages tchams, repeuplés par de nouveaux venus. Les mosquées ont été détruites et le souvenir de cette communauté éradiqué des mémoires grecques. Pourtant beaucoup d’albanophones vivent toujours en Grèce – des immigrés venus d’Albanie et qui ressentent aujourd’hui durement les conséquences de l’interminable crise économique, mais aussi des Albanais orthodoxes, ou « Arvanites », qui ont toujours vécu sur ces terres accrochées entre terre et mer. Dans le village de Parapotamos, qui surplombe Igoumenitsa et la mer Ionienne, la vieille Kata s’exclame : « Je suis L’appartenance confessionnelle est plus importante que l’identité linguistique 39 , ENTRETIEN AVEC JEAN-LOUIS L ABARRIÈRE, PHILOSOPHE – mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine DOSSIER MÉDITERRANÉE / GRÈCE & ATHÈNES On pourrait dire qu’Alexis Tsipras n’a pas fait le trop mauvais choix : respecter les intérêts généraux tout en respectant ceux du peuple. C’est, somme toute, assez aristotélicien : refonder, voire réformer, plutôt que rompre radicalement, ce qui serait une position plutôt platonicienne. – Réalisé par Kristina Matalaité et Florian Chavanon ¬ L’ héritage de la philosophie antique est considérable et les philosophes de l’âge d’or de la Grèce continuent d’influencer la pensée occidentale, et notamment la pensée politique européenne. Ce sont Platon et Aristote qui, les premiers, ont réfléchi la politique et le politique, ainsi que la démocratie athénienne. Avec des réponses bien différentes. Nous avons demandé à Jean-Louis Labarrière, agrégé de philosophie mais surtout l’un des meilleurs spécialistes, internationalement reconnu, de la philosophie d’Artistote et de la période antique, de nous en dire un peu plus sur ces deux grands philosophes grecs et de tenter de les confronter à l’époque contemporaine. Exercice périlleux. RDM : IL EST TOUJOURS DIFFICILE DE TROUVER LA MEILLEURE PORTE D’ENTRÉE DANS L’ŒUVRE DE CES DEUX IMMENSES PHILOSOPHES, NOTAMMENT POUR ABORDER LA POLITIQUE. POURRIEZ-VOUS COMMENCER PAR DÉFINIR LA NOTION D’ANIMAL POLITIQUE CHEZ ARISTOTE ? Jean-Louis Labarrière : La notion d’animal politique, zôon politikon en grec, renvoie en premier lieu au fait que l’homme est par nature un animal social ou communautaire, soit un être destiné à vivre dans cette cité-État qu’est la polis. C’est d’ailleurs ce qu’en retiendra Marx dans sa croisade contre les robinsonnades : l’homme ne peut s’épanouir qu’en vivant en société. Autrement dit selon Aristote, puis pour Hegel et Marx, l’homme ne se définit pas d’abord comme individu, ce qui sera la position de la philosophie politique moderne des XVIIe et XVIIIe siècles. Il est important de souligner, avant de poursuivre, que, selon Aristote, et déjà même pour Platon (voir Le Phédon), l’homme n’est pas le seul animal politique au monde : les abeilles, les guêpes, les fourmis et les grues sont aussi désignées ainsi par Aristote dans son traité L’Histoire des animaux. Qu’il faille comprendre cela en un sens métaphorique ou non est une question qui divise les interprètes. Pour ma part, je préfère ici retenir de cette distinction la chose suivante : ce qui distingue les animaux grégaires (agelaia), ceux qui vivent simplement ensemble comme les bovins, des animaux politiques, c’est que ces derniers ont ensemble une « œuvre commune » qui les tend vers un même but. Il suffit, pour comprendre cela, de penser à la ruche, modèle de cité pour Platon. Maintenant, quand Aristote dit que l’homme est un « animal politique par nature », c’est en fait une déduction du fait que c’est la cité elle-même qui existe par nature, où il faut comprendre qu’elle n’existe pas par convention entre des individus pensés comme séparés au départ. En effet, dès le début de son traité les Politiques, Aristote nous fournit une genèse historico-biologique de la cité en trois étapes : famille, village, cité. La famille provient de la « loi de nature » qui, comme chez les autres animaux, conduit à laisser après soi un autre pareil qu’à soi-même. Le village est le regroupement des familles « pour des besoins qui dépassent ceux de la vie quotidienne ». C’est la naissance des échanges économiques, mais aussi des royautés patriarcales. La cité est le terme ultime de ce développement. Elle est auto-suffisante, ce qui revient à dire qu’elle est parfaite, achevée. Donc le regroupement ne peut que s’arrêter là, à une cité-État de taille humaine. Aristote a, à ce sujet, une très jolie expression : « Qui sera son héraut, s’il n’a la voix de Stentor ? » Mais alors se produit ce qu’Hegel appellera plus tard un saut qualitatif : formée en vue du seul survivre, voire du seul vivre ensemble (su zên), la cité existe en réalité 41 GRÈCE & ATHÈNES / DOSSIER MÉDITERRANÉE en vue du bien-vivre (eu zên), du bonheur. C’est le point fondamental de la philosophie politique d’Aristote. Voilà qui pourrait surprendre nombre de nos contemporains, mais cette idée, à savoir que la cité existe en vue du bonheur, était partagée par la très grande majorité des philosophes grecs, à l’exception sans doute des cyniques, qui préféraient l’état de « sauvagerie » à l’état « civil » et des épicuriens, qui préféraient leur « jardin » à la cité afin de gagner la paix de l’âme (la fameuse ataraxie). Plus fondamentalement, tous les philosophes grecs sont des eudoménistes, c’est-à-dire que leur objectif premier aura été la quête du bonheur par l’acquisition de la vertu. Platon et Aristote se singularisent un peu en cela en soulignant très fortement que cette quête ne peut être satisfaite que dans le cadre de la cité. Cette idée sera reprise par Cicéron. RDM : ARISTOTE ÉTAIT-IL IMPLIQUÉ DANS LA POLITIQUE DE SON TEMPS ET QUELLE A ÉTÉ SON INFLUENCE RÉELLE SUR SES CONTEMPORAINS ? J.-L. L. : Il faut tout d’abord rappeler qu’Aristote, né à Stagire, dans le nord de la Grèce, était un Macédonien. Autrement dit, à Athènes, au sens originel et le plus strict du terme, c’était un métèque, c’est-à-dire un habitant d’Athènes, mais un étranger n’ayant aucun des droits relevant de la citoyenneté athénienne. Pas même le droit d’acheter un terrain et il s’en plaignit ! De ce point de vue, Aristote ne pouvait exercer aucune inf luence politique réelle sur les citoyens athéniens, meurtris, de surcroît, par la mise sous tutelle d’Athènes durant le règne de Philippe II de Macédoine, un ami d’enfance d’Aristote. Puis par son fils Alexandre le Grand. Finalement, la seule inf luence réelle qu’Aristote aurait pu exercer sur ses contemporains serait celle qu’il aurait pu avoir sur son élève, le futur Alexandre le Grand, dont il fut le précepteur alors que celui-ci n’était encore qu’un jeune adolescent. L’histoire mérite d’être contée. Aristote fut contacté par Philippe II de Macédoine, afin de devenir le précepteur de son fils, qui, sous l’inf luence de sa mère, le détestait profondément. Le philosophe avait alors quitté Athènes depuis plusieurs années après avoir été dépossédé par Platon lui-même de l’héritage de l’Académie dont il se pensait le plus digne des héritiers, même s’il n’en partageait pas les doctrines principales. Le Stagirite répondit alors à Philippe : « Oui, mais reconstruis d’abord ma ville, Stagire, que tu as détruite ! » Philippe s’exécuta et c’est ainsi qu’Aristote devint le précepteur d’Alexandre. Il faut toutefois remarquer que même si Alexandre respecta son vieux maître jusqu’à la fin de ses jours, ou à peu près (il paraît qu’il lui envoyait des exemples d’espèces animales inconnues de lui), les choses s’envenimèrent nettement entre eux après l’exécution du neveu d’Aristote, l’historien Callisthène, dans une obscure histoire de complot. Ajoutons à cela qu’Aristote ne pouvait être qu’opposé à ce projet de grande fusion entre la Grèce et la Perse ! Du fait même, je vous l’ai dit, que, selon lui, la cité est un horizon indépassable. Enfin, le fait qu’il soit d’origine macédonienne a fini par se 42 RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016 retourner contre lui après la mort d’Alexandre le Grand. En effet, le parti anti-macédonien, dont un des plus notables représentants était Démosthène, reprit du poil de la bête et s’en prit à lui. Une accusation d’impiété fut même alors lancée contre lui. Aristote en tira les conséquences et s’exila en ayant eu, paraît-il, ce mot : « Je ne laisserai pas assassiner la philosophie une seconde fois ! » Il mourut un an plus tard. Avouez qu’en matière d’inf luence, il y a mieux, non ? RDM : PAS D’INFLUENCE DIRECTE DONC, MAIS ARISTOTE A TOUT DE MÊME FORTEMENT CRITIQUÉ LE MODÈLE DE LA CITÉ PROPOSÉ PAR PLATON ET L’UTOPIE POLITIQUE DE CE DERNIER ? J.-L. L. : La réponse sera assez simple : même si Aristote n’est pas un tenant de la « démocratie extrême », c’est-à-dire celle où le (bas-) peuple (majoritaire) participe à tout, un peu et n’importe comment, principalement à son profit, il n’en reconnaît pas moins que ce régime est devenu « inévitable de nos jours » car « tous aspirent justement à l’égalité ». C’est pourquoi il critique radicalement Platon. En effet, selon Aristote, ce dont il s’agit le plus souvent, ce n’est pas de créer à partir de rien une cité la plus une possible, comme une ruche, et fondée sur le « noble mensonge » du mythe des races (l’or devant évidemment gouverner, d’où les philosophes-rois), mais tout au contraire, de refonder ou d’améliorer des cités déjà existantes. Voilà qui implique de respecter ces quelques principes fondamentaux : tous les citoyens doivent avoir accès au bonheur. Or Platon l’interdit à ses gardiens en raison de la communauté des femmes et des enfants : c’est le thème, bien connu, du « communisme » de Platon. Tous sont égaux, semblables (homoioi), donc interchangeables, et cela implique, comme c’était le cas dans la démocratie athénienne, démocratie directe, il ne faut jamais l’oublier, qu’il y ait une réelle alternance aux postes de responsabilité. Bref, il faut qu’on soit tour à tour gouvernant et gouverné, mais il faut aussi que les gouvernants gouvernent les gouvernés en tant qu’hommes libres et non pas en maîtres d’esclaves (despotês). Où l’on trouvera, sans grande difficulté, une profession de foi « démocratique » d’Aristote contre Platon le « totalitaire ». C’est sans doute vrai, mais il faut cependant se méfier de ces raccourcis saisissants. RDM : QUEL EST L’IMPACT DE CES DEUX PHILOSOPHES SUR LES PLUS GRANDS THÉORICIENS DE LA POLITIQUE COMME MACHIAVEL, L’HOMME DE LA RENAISSANCE ET L’ÉPOQUE DES PREMIÈRES ÉDITIONS CRITIQUES DE PLATON, THOMAS MORE, HOBBES OU ENCORE ROUSSEAU ? J.-L. L. : Il fut considérable ! Afin d’être juste, il faut ajouter à cette liste l’historien, général grec et homme d'État, Polybe, défait pas les Romains, devenu leur prisonnier, mais ayant joui d’une grande liberté parmi eux puisque, devenu ami de PaulÉmile, il devint le mentor de Scipion-Émilien, dit le Second Africain (fils biologique de Paul-Émile et fils adoptif de Scipion le Premier Africain), et participa, à ce titre à la destruction to- mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine DOSSIER MÉDITERRANÉE / GRÈCE & ATHÈNES tale de Carthage. Tite-Live, l’historien romain, est tout aussi important, comme en témoignent aussi bien Machiavel que Montesquieu. La notion de vertu du citoyen, voire de l’homme d’État, est sans nul doute celle qui prédomine, mais ne nous y trompons pas : dans la très grande majorité des cas, c’est Sparte qui brille comme un phare, aussi bien chez Rousseau que chez Robespierre ! Périclès reste un modèle, comme chez Aristote, opposé à Platon sur ce point, mais il devient plutôt, par exemple chez Machiavel, le modèle du Prince même : celui qui sait saisir sa chance, quitte à bousculer les choses, alors que chez Aristote c’était le modèle même du grand homme d’État en raison de sa sagesse pratique. Bref, un homme tempéré. Le second grand héritage, c’est celui de la classification des constitutions selon un double critère : celui du nombre (un, plusieurs, tous), mais aussi, surtout pour Aristote, celui de la différence entre les constitutions dites droites et celles dites déviées. Notons, ce qui pourra étonner, que le nombre de riches et de pauvres est considéré comme un critère accidentel aussi bien par Platon que par Aristote. En un mot, les constitutions droites sont celles dans lesquelles les gouvernants gouvernent en vue de l’intérêt général, tandis que les constitutions déviées sont celles dans lesquelles les gouvernants gouvernent en vue de leurs propres intérêts. Voici un petit tableau, qui dit en fait que toutes les formes de constitutions droites sont finalement des formes de républiques et que toutes les formes de constitutions déviées ne sont en réalité que des formes de tyrannie ou de despotisme car on y confond, comme Platon, l’autorité politique des gouvernants sur les gouvernés, qui exercent leur autorité en gouvernant des hommes libres en tant qu’hommes libres, avec celle, au propre sens du terme, que l’on qualifie, en grec, de « despotique », à savoir celle du maître sur ses esclaves. Constitutions droites Constitutions déviées Royauté (basileia) = un seul (monarque) Aristocratie = petit nombre (les meilleurs) Politeia = la multitude (plêthos) Tyrannie = un seul (monarque/despote) Oligarchie = les riches (peu) Démocratie = les pauvres (nombreux) Montesquieu récupérera cela dans ce que l’on appelle sa seconde typologie des constitutions, à savoir celle qui n’est pas fondée sur le nombre des gouvernants, mais sur l’opposition entre régimes modérés et régimes despotiques. D’un autre côté, comme le soutenait déjà Aristote, suivi par Rousseau sur cela : les monarchies droites ne sont jamais que des formes de républiques, ainsi qu’en témoignent suffisamment les monarchies constitutionnelles européennes. Ce qu’il faut finalement constater, c’est à quel point les bases de la philosophie politique des Anciens et des Modernes sont à ce point différentes. Comme l’avait à juste titre souligné Léo Strauss, ce grand spécialiste de la philosophie politique, il ne serait pas faux de dire que le point d’arrivée de la philosophie politique moderne est le point de départ de la philosophie politique ancienne, soit le vivre ensemble, comme l’on dit aujourd’hui ! Or, l’ambition des Anciens était de bien-vivre, pas seulement de vivre ensemble, un minimal vital ! RDM : CETTE TYPOLOGIE DES CONSTITUTIONS D’ARTISTOTE AURAIT-ELLE QUELQUE CHOSE À NOUS DIRE DE LA CRISE GRECQUE ? ET QUE RESTE-T-IL DE CES DEUX PHILOSOPHES GRECS ANTIQUES DANS LA POLITIQUE EUROPÉENNE CONTEMPORAINE? J.-L. L. : Il est toujours difficile de faire de telles projections. D’Aristote, je retiens cette différence entre intérêt général et intérêt privé. De ce point de vue, on pourrait dire qu’Alexis Tsipras n’a pas fait le trop mauvais choix, dans les circonstances où il a dû le faire : respecter les intérêts généraux du pays tout en respectant ceux du peuple, lesquels se confondent finalement. C’est, somme toute, assez aristotélicien : refonder, voire réformer, plutôt que rompre radicalement, ce qui serait une position plutôt platonicienne. Il me semble, au sujet de la politique européenne, mais aussi des nations qui la composent, que les deux grandes questions sur lesquelles Platon et Aristote auraient encore des choses à nous dire sont respectivement celles du degré d’union que nous voulons et du mode de gouvernance que nous souhaitons. Souhaitons-nous, permettez-moi l’expression, une union « toujours plus une et plus unie », ce qui pourrait être la position d’un Platon, mais avec cette terrible conséquence qu’il faudrait alors, pour que le bon ordre soit assuré, l’essentiel selon lui, remettre le pouvoir à ceux qui savent, les fameux philosophes-rois, bref à ceux que nous appelons aujourd’hui des technocrates, expression que Platon n’aurait pas reniée tant il est vrai que chez lui technê (l’art comme savoir) et epistêmê (la connaissance comme science) sont des termes bien souvent synonymes. À l’inverse, ne pourrions-nous pas préférer le point de vue d’un Aristote, qui n’avait pour sa part jamais cru en la possibilité d’une science politique sur le modèle des sciences mathématiques, le politique relevant à ses yeux du domaine indépassable de l’opinion, ce qui ne signifie bien évidemment pas que toutes les opinions se valent, même si toutes sont respectables, mais qu’il en est de meilleures que d’autres et qu’il faut donc argumenter ? D’où ce constant appel chez lui à la nécessité de la délibération mais aussi ce thème que la cité constituée en corps, voire en « corps constitués », comme aurait aimé à dire un Montesquieu, peut être plus compétente que les technocrates. D’où aussi, finalement, ce mot attribué à Churchill, plutôt ici inspiré par Aristote que par Platon : « La démocratie est peut-être le pire des régimes, mais il n’y en a pas d’autres ! » Pour conclure, j’aimerais une fois encore citer, en substance, le Philosophe, comme l’on désignait Aristote au Moyen-Âge : « La cité ne saurait se réduire à une simple alliance militaro-économique et n’a pas pour fin la seule sécurité des personnes et des biens. Elle existe en vue du bien-vivre. Voilà pourquoi les législateurs doivent avant tout se soucier de rendre les citoyens vertueux et voilà aussi pourquoi ils doivent avant tout se soucier de leur éducation. » (Politiques, III, 9). La leçon ne serait-elle pas toujours à méditer ? RdM 43 RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016 REGARDS CROISÉS / DOSSIER MÉDITERRANÉE REGA RDS CROISÉS Zoé Konstantopoulou et Christophe Barbier – Elle a été durant huit mois la charismatique Présidente du Parlement grec, élue en tant que membre de Syriza en février 2015. Il dirige la rédaction de L’Express depuis 10 ans. RDM est allé à leur rencontre pour confronter leur regard sur l’état démocratique et social de la Grèce en 2016. – Entretiens réalisés par Florian Delisle ¬ « LA GRÈCE, CE N’EST PAS SEULEMENT UN PAYS, C’EST UN PEUPLE, UNE HISTOIRE, Zoé C’EST Konstantopoulou » C’EST UNE PERSPECTIVE _ ZOÉ KONSTANTOPOULOU L a Grèce, le berceau de la démocratie, est en ce moment sous attaque. On est au point où le « non » massif des Grecs l’été dernier – 62 % de la population a voté contre les nouvelles mesures d’austérité – a été transformé en « oui » par le gouvernement. La population grecque vit une crise économique, sociale, mais aussi une crise de la démocratie, depuis cinq ans et demi. En sauvant la Grèce, et en ne permettant pas que la peur et le chantage l’emportent sur l’espoir et la création, on pourra dire qu’on sauvera la démocratie. À mon avis, la Grèce, en tant que membre ancien, devrait revendiquer que l’Union européenne honore et respecte ses principes fondateurs, c’est-à-dire la démocratie, la paix sociale, la prospérité des peuples et des sociétés. Ce qui rend très optimiste, c’est que beaucoup d’artistes et d’intellectuels contribuent à leur manière au soutien du moral des citoyens. Mais il faut savoir que cela s’effectue par des initiatives individuelles. Une véritable résistance culturelle. La Grèce n’abandonne jamais. Et le peuple grec a une histoire de lutte démocratique et culturelle qui constitue un patrimoine universel : une âme vivante, vibrante et « luttante ». Ce pays est une série de sentiments, de paysages, d’hommes et de femmes. 44 « LA GRÈCE, UNE CHANCE POUR L’EUROPE » _ CHRISTOPHE BARBIER J e pense qu’il faut à tout prix sauver la Grèce et la maintenir dans l’euro et l’Europe, pas seulement parce que c’est l’héritage, et que c’est évidemment la filialité aux racines de notre démocratie, mais parce que si on commence à retirer la Grèce, alors tout va se débobiner. Le pays qui doit sortir, c’est la Grande-Bretagne. Évidemment, il faut que le Brexit ait lieu, parce qu’on est dans des logiques géopolitiques qui ne sont pas les nôtres. La Grèce est totalement intraeuropéenne parce qu’elle est au cœur des problèmes que l’on rencontre : des problèmes économiques – la crise grecque en est la preuve –, les problèmes de migrants, le front méditerranéen, mais aussi tout ce chaudron balkanique qui se réveillerait très vite et qui donnerait de graves guerres s’il n’y avait pas l’Europe. Et donc, garder la Grèce dans l’Europe, faire les efforts qu’il faut et lui demander les efforts qu’il faut pour que l’Europe puisse continuer avec la Grèce, c’est fondamental. mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine DOSSIER MÉDITERRANÉE / ATHÈNES AUJOURD'HUI LE RENOUVE AU M ALGRÉ L A CRISE – “ Ici, dans ce quartier, dans la prochaine ruelle, une petite perdrix créa son nid... ” La chanson de la ruelle (chanson traditionnelle de Corfou) Si la crise et l’austérité ont sensiblement appauvri la Grèce, Athènes connaît depuis ces dernières années un véritable renouveau, un nouvel élan fait d’initiatives culturelles, sociales et économiques souvent alternatives. – Par Mari-Mai Corbel ¬ A thènes. Cité massée autour de l'Acropole et de ses jardins romantiques parsemés de vestiges antiques. Ville se déployant en rhizome entre montagne et mer, qui donnent aux rues leur perspective. Tant de strates de civilisations y ont sédimenté qu'elle résiste malgré tout aux politiques d'austérité infligées par l'Union européenne. Les magasins, boutiques, ateliers et petites usines fermés, les panneaux publicitaires vides, les façades défraîchies ou les innombrables affichettes jaunes et rouges annonçant à vendre ou à louer, forment autant de jachères qui lancent leurs appels à d'autres possibles. Les Grecs, philosophes dans l'âme, confirmant la légende à leur sujet, vivent au jour le jour avec un sang-froid rare, beaucoup d'humour et un civisme exemplaire. Eux, dont l'Histoire est marquée de maintes défaites, ne s'abandonnent jamais. UNE MÉDECINE SOLIDAIRE L'urgence, ce fut de soigner les milliers de patients soudain privés de couverture sociale. Une quarataine de cliniques solidaires ont vu le jour en 2011 lors du « mouvement des places ». Plus de deux cents médecins généralistes ou spécialistes et pharmaciens, prenant sur leur temps de travail ou pendant leur chômage, animent ces cliniques, avec l’aide d’autant de bénévoles pour l'accueil, la logistique et le tri des médicaments qui arrivent massivement de réseaux solidaires européens et grecs. Par principe, l'argent est exclu. Tout est donné. Et, ironie du sort, ce sont maintenant les hôpitaux publics, de plus en plus démunis, qui leur demandent des médicaments. Ces cliniques deviennent des laboratoires de gestion participative où, de l'habitant de quartier au médecin, chacun a sa voix, sa place. 45 ATHÈNES AUJOURD'HUI / DOSSIER MÉDITERRANÉE RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016 DE NOUVEAUX ACTEURS MÉDIATIQUES Seconde urgence : se tenir informé dans un paysage médiatique de moins en moins pluraliste. En 2011, le principal organe de presse de gauche faisait faillite. La centaine de journalistes licenciés s’est regroupée pour investir dans une coopérative. L'Ephemerida Ton Syntakton (le journal des rédacteurs) était né, soutenant les luttes de Syriza, avant d’élargir son audience depuis l'élection de Tsipras. Dans le domaine de l’audiovisuel, la résistance contre la fermeture de l'ERT (les chaînes publiques de radio-télévision) a engendré l'ERT Open, au fonctionnement autogéré. En 2012, le mensuel Unfollow, proche de Zoé Konstantopoulou et du comité sur la vérité de la dette publique grecque, s’est illustré par des investigations très pointues. Le site Thepressproject.gr visité quotidiennement par près de 400 000 internautes, a donné naissance en novembre 2015 à l'initiative de 1101.gr (ayant reçu le soutien de mille cent une personnalités), un réseau de journalistes d'investigation collaborant avec WikiLeaks ainsi qu'un projet d'école de journalisme. FRATERNITÉ Il a fallu surtout ne pas rester seul. Les kafénio autogérés se multiplient à Athènes. Dans le quartier de Nea Smyrni (nouvelle Smyrne) par exemple, le Saitès (les avions de papier) est fréquenté par des étudiants, des personnes âgées, des familles avec enfants. On y joue au tavli (jeu de backgammon), on y partage des mézés maison à des prix modiques. Le soir, des projections documentaires suivies de discussions, ou des concerts, chassent les ombres et permettent de trouver de la compagnie. C'est aussi une épicerie dont les produits proviennent de réseaux de producteurs solidaires et biologiques grecs et zapatistes tels que le Locanda, héritier du Sporos (la graine) né en 2006. Dans Koukaki, près de l'Acropole, To sygrouomeno (les auto-tamponneuses) propose des fromages de la coopérative Mantamadou de Mytilène, ou encore des vins blancs de Rhodes. Dans Exarchia, quartier d'anarchistes, d'intellectuels et d'artistes, célèbre depuis l'insurrection de l'école Polytechnique en 1973 qui fit tomber la Junte et permit le retour de la démocratie, se trouve l'un des pionniers, le Nosotros, qui donne depuis 2005 des cours de grec aux réfugiés, invite aux discussions, informe des luttes et des mouvements associatifs, autour de verres à 1 euro et d'assiettes à 3 euros. Dans Kolonos, le Café de l'Acadamie de Platon héberge une association (European Village) qui milite pour la transition économique, sociale, écologique. PRENDRE EN CHARGE LES ENFANTS La crise affecte aussi les enfants. Des collectifs de parents et d’enseignants gèrent des crèches, des maternelles et des écoles de quartier. Dans Pétralona, au rez-de-chaussée d'une imprimerie fermée, un ancien marin a fondé en 2015 le Cado Paradiso (la benne du paradis), une aire de jeu inspirée d'un pédagogue espagnol révolutionnaire du XIXe siècle, Francisco Ferrer. Les enfants viennent fabriquer des jouets à partir d'objets de récupération et s’instruire (ateliers de musique, école gratuite pour les petits). 46 Les Grecs, philosophes dans l’âme, vivent au jour le jour avec un sang-froid rare UNE VITALITÉ CULTURELLE INTACTE Cette énergie va de pair avec la persistance, malgré les années consuméristes, de la spécificité culturelle grecque. Ici, cultures élitistes et populaires ne s'opposent pas. Du concert de rebétiko (musique populaire née dans les années 1920) dans un café à la salle de théâtre, le plaisir de se retrouver et de communier reste intact. Le public afflue et les initiatives artistiques bouillonnent. Des théâtres autogérés (comme le théâtre Embros derrière Monastiraki) ou des lieux de création alternatifs (comme le Centre de contrôle des télévisions dans Kipseli) permettent aux artistes de travailler autrement. Dans Koukaki, le Cinemarian, une cinémathèque alternative, organise la transmission des œuvres autour de rétrospectives et des séminaires critiques ou des formations (par exemple apprendre à tourner un film en numérique). mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine DOSSIER MÉDITERRANÉE / ATHÈNES AUJOURD'HUI I. Photographies par Mari-Mai Corbel II. III. I. L´opéra de la fondation Niarchos II. L a Benne du paradis III.Petit théâtre à la Benne du paradis IV. L e cardiologue Giorgios Vichas, responsable des cliniques solidaires IV. Ces exemples ne constituent qu'une carte postale éclectique qui n'évoque ni les terrains occupés contre des projets immobiliers et reconvertis en potagers et parcs, ni l'accueil largement spontané des réfugiés, ni les maisons d'édition, ni les cantines nomades… Il faut en retenir une culture de l'autonomie. C'est la vocation du réseau « Nouvelle Guinée » qui enseigne comment être autonome dans la production d'énergie, l'agriculture, la médecine ou même l'habillement. Sur les décombres de l'État social, ces initiatives entre luttes sociales, zones à défendre, associations de producteurs et projets politiques, façonnent un autre avenir. L'espace public se recrée ailleurs et l'entreprise privée se réinvente dans l'autogestion. Ce sont des milliers d’Athéniens qui se retrouvent pour s'occuper d'eux-mêmes et des autres. RdM À LIRE Les Grecs contre l’austérité, ouvrage collectif dirigé par Marie-Laure Coulmin Koutsaftis (édition Le Temps des Cerises, 2015). À VOIR Un nouveau centre culturel : la fondation Stavros Niarchos Malgré les restrictions budgétaires dues à la crise, Athènes va se doter d’un nouveau centre culturel : la fondation Stavros Niarchos. La future bibliothèque nationale de Grèce ainsi que l’opéra national seront abrités dans cet immense édifice conçu par l’architecte italien Renzo Piano. En juin dernier, le parc a ouvert ses portes pour quatre jours et quatre nuits d’événements, avant une ouverture définitive prévue en avril 2016. Le montant des travaux est évalué à 566 millions d’euros pour une construction originale que définissait ainsi Renzo Piano sur Euronews : « Nous avons construit le bâtiment sous le parc, explique-t-il. Il y a deux points à noter : nous pouvons monter pour profiter de la vue sur la mer et d’autre part, le bâtiment est bien protégé du rayonnement solaire, ce qui permet d‘économiser de l’énergie. L’autre point, c’est qu’il y a un toit amovible, un élément volant qui crée de l’ombre et stocke aussi l’énergie. » S. R. ¬ Je lutte donc je suis, de Yannis Youlountas en accès libre sur YouTube. 47 RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016 48 mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine MIMMO JODICE Les mythes méditerranéens – Je suis né dans un quartier très pauvre mais riche en architectures et œuvres d’art. Ici j’ai exploré les racines profondes de notre culture. Naples est une ville grecque, puis romaine, moyenâgeuse et baroque. Une ville si riche qu’après cinquante ans de travail, je suis encore fasciné par de nouvelles découvertes et visions. Puis il y a la mer, éternelle et changeante, que je ne me lasse jamais de photographier et qui rassemble tant de peuples et de cultures. J’utilise encore l’argentique et j’imprime mes photos. Mes temps sont longs et contemplatifs, je suis les ombres et le parcours de la lumière. – Mimmo Jodice pour RDM magazine. 49 © Mimmo Jodice / Courtesy Galerie Karsten Greve Cologne, Paris, St Moritz. Par Florian Chavanon ¬ RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016 © Mimmo Jodice / Courtesy Galerie Karsten Greve Cologne, Paris, St Moritz. MIMMO JODICE / PORTFOLIO Ci-dessus : Alba Fucens 2008 Page précédente : Acitrezza, Opera II 1992 50 mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine M immo Jodice a déclaré à plusieurs reprises son amour pour la Méditerranée, cet espace qui occupe une place centrale dans toute son œuvre. À 82 ans, il a en effet ausculté avec son appareil photo les paysages méditerranéens sous tous les angles. Et plus particulièrement Naples, sa ville d’origine mais aussi la ville où il a choisi de vivre, aime-t-il souligner, malgré les projets qui l’ont amené à parcourir le monde. Mimmo Jodice est né en 1934. Après avoir été sculpteur et peintre, il découvre la photographie sur le tard, dans les années 1960, lorsqu’un ami lui offre son premier appareil, un agrandisseur. À cette époque, la photo n’était pas encore célébrée ni même considérée comme un langage artistique autonome. Mais l’Italie comme le reste du monde voyaient émerger de nouveaux courants dans le cinéma, la poésie, la musique et la photo. Jodice est rapidement repéré par le Guggenheim de New York qui l’intègre à son catalogue d’exposition The Italian Metamorphosis (1943-1968) et le consacre à cette occasion comme l’un des représentants de l’avant-garde. Débute alors une longue carrière qui va l’amener à côtoyer les plus grands artistes de son époque, dont Warhol, Rauschenberg, Jasper Johns, Sol LeWit, Jannis Kounellis ou encore Joseph Beuys. Pour lui, « l’ambition d’un artiste est de dire la réalité sans déformer la vérité ». Mimmo Jodice se considère comme un révélateur, celui du temps et de ses empreintes ainsi que de l’âme de Naples qui le passionnent depuis son enfance. À l’inverse de certains photographes qui ont la côte, la critique de la modernité et de la société de consommation de masse l’intéresse peu. Dans les années 1960 et 70, il s’engage vers l’expérimentation et la photographie sociale adoptant une démarche qui se différencie toutefois du photo-reportage. Il intervient dans des hôpitaux psychiatriques (Ospedale psichiatrico, 1985), dans des prisons mais aussi dans les quartiers défavorisés de Naples où ses travaux le mènent à réfléchir aux conditions sociales de la pauvreté et à questionner les processus d'exclusion, en collaboration avec des historiens et des sociologues. À partir du milieu des années 1980, il approfondit ses recherches sur la notion de culture de la Méditerranée : Mémoires de l’origine (1987), Arles (1988), Vue du pont (1990). Plus tard, il part photographier les plus grandes villes du monde : Paris, New York ou encore Buenos Aires. Mais c’est à Naples qu’il revient, toujours. Cette ville lui a donné ses élans créatifs les plus intéressants et les plus prodigieux. Dès la fin des années 1980, il travaille sur les mythes et la mémoire. La Méditerranée est en effet cette région du monde surreprésentée, traversée par une infinité d’images qui précèdent quiconque pose son regard sur elle et qui lui reviennent en mémoire in situ. Elle est le berceau de nombreux mythes et ce que Bertrand Westphal qualifie même « d’espace mythique des mythes ». Jodice se confronte à la mémoire, perceptible dans son œuvre par la présence de vestiges antiques qui deviennent des méta- PORTFOLIO / MIMMO JODICE phores nourrissant son écriture photographique. Dans certaines photos se composent ainsi le récit d’une histoire passée, parfois avec une chaise vide ou bien avec les ruines de Pompéi, signalant une présence passée et la disparition des corps dans certains lieux ; un dialogue mémoriel qui s’instaure pour tenter de comprendre les processus qui conduisent à cette défection et poser la question de notre devenir. Le récit, mais aussi les paysages. Ils sont une autre expression d’un mythe proprement méditerranéen, qui s’exprime autant dans la lumière des façades blanches d’immeubles napolitains, que dans les vêtements d’un noir profond et les ombres. Jodice joue constamment avec les contrastes, avec les surexpositions et les temps de pose, comme pour amplifier les représentations que chacun peut avoir du sud de l’Italie. Sur une autre photographie de la mer Méditerranée, on remarque au premier plan la présence d’un rocher qui pourrait évoquer une silhouette humaine. Comment ne pas songer au mythe de Méduse, elle-même mythe fondateur du geste créateur : elle pétrifie l’homme quand la photographie, elle, fige le monde. Mais finalement, ce que révèle admirablement le travail de ce photographe italien parmi les plus marquants de sa génération, c’est cette démarche qui s’apparente à la figure du flâneur au sens de Walter Benjamin : « La rue conduit celui qui flâne vers un temps révolu. Pour lui, chaque rue est en pente, et mène, sinon vers les Mères, du moins dans un passé qui peut être d’autant plus envoûtant qu’il n’est pas son propre passé, son passé privé. Pourtant, ce passé demeure toujours le temps d’une enfance. » Une posture qui ne manquera pas de résonner chez le voyageur qui s'aventure sur les chemins de la découverte de nos origines et de notre culture. RdM Les œuvres de Mimmo Jodice ont été exposées dans les grands musées du monde, dont en France à la Maison européenne de la photographie de Paris (2010), au Louvre (2011) et ont fait l’objet d’une grande exposition aux Rencontres photographiques d’Arles en 2008. Le Museo d'arte di Donnaregina de Naples présente actuellement une restrospective consacrée au photographe rassemblant une centaine d’œuvres, des premières expérimentations sur le langage photographique des années 1960 et 70 jusqu'à une nouvelle série, Attese, réalisée pour l'occasion. À l’automne 2016, la galerie Karsten Greve de Paris organisera également une exposition consacrée au travail de l’artiste. Mimmo Jodice est représenté par la galerie Karsten Greve Paris, Cologne et St. Moritz. 51 © Mimmo Jodice / Courtesy Galerie Karsten Greve Cologne, Paris, St Moritz. MIMMO JODICE / PORTFOLIO 52 RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016 mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine © Mimmo Jodice / Courtesy Galerie Karsten Greve Cologne, Paris, St Moritz. © Mimmo Jodice / Courtesy Galerie Karsten Greve Cologne, Paris, St Moritz. PORTFOLIO / MIMMO JODICE Page de gauche : Volto con frammento, Demetra 1990 Page de droite en haut : Chiostro di San Gregorio Armeno 1990 Page de droite en bas : San Paolo Maggiore, Napoli 1985 53 MIMMO JODICE / PORTFOLIO Ospedale psichiatrico, Napoli 1985 54 RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016 55 © Mimmo Jodice / Courtesy Galerie Karsten Greve Cologne, Paris, St Moritz. mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine PORTFOLIO / MIMMO JODICE RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016 © Mimmo Jodice / Courtesy Galerie Karsten Greve Cologne, Paris, St Moritz. MIMMO JODICE / PORTFOLIO Il Mare di Ulisse 2004 56 mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine © Mimmo Jodice / Courtesy Galerie Karsten Greve Cologne, Paris, St Moritz. PORTFOLIO / MIMMO JODICE Sperlonga Opera 3 1995 57 RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016 Page de gauche en haut : Pompéi 1982 Page de gauche en bas : Pompéi 1987 Page de droite : Anfiteatro Opera II, Capua 1993 58 © Mimmo Jodice / Courtesy Galerie Karsten Greve Cologne, Paris, St Moritz. © Mimmo Jodice / Courtesy Galerie Karsten Greve Cologne, Paris, St Moritz. MIMMO JODICE / PORTFOLIO © Mimmo Jodice / Courtesy Galerie Karsten Greve Cologne, Paris, St Moritz. mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine PORTFOLIO / MIMMO JODICE 59 RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016 60 mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine ODYSSÉE – Du patrimoine architectural de Tirana aux ruines légendaires de Knossos, en passant par les monastères orthodoxes des Météores et quelques adresses inédites à Naples, RDM magazine a sélectionné les plus belles escales du pourtour méditerranéen. 61 RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016 TIRANA/ ESCALES TIRANA, urbanisme en couleurs Promue capitale en 1920, Tirana a été marquée par l'affrontement des idéologies du XXe siècle, fascisme, stalinisme, libéralisme. Après avoir tenté d'oublier son passé communiste, la ville redécouvre ce patrimoine. - Par Simon Rico Transformer une ville où la fatalité vous condamne à vivre, en une ville où vous choisissez de vivre 62 Voilà l'ambitieux programme qu'annonçait en 2001 l'actuel Premier ministre albanais, Edi Rama, alors qu'il venait d'être élu maire de Tirana. Dix ans après la chute de la dictature communiste la plus dure d'Europe, la capitale albanaise regardait avec peine son passé récent. De 1946 à 1991, l'Albanie a vécu dans l'isolement le plus total. Enver Hodja appliquait la thèse stalinienne du socialisme dans un seul pays et toutes les frontières de l'État étaient fermées. La paranoïa était telle que plus de 700 000 bunkers furent bâtis aux quatre coins du territoire pour le défendre en cas d'attaque étrangère. À Tirana, les traces de cette période restent encore bien visibles. ESCALES / TIRANA n © Zolta a Katon te / Shut rstock .com © Shut ters tock.com mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine MONTÉNÉGRO KOSOVO TIR ANA MACÉDOINE ALBANIE INFLUENCES CROISÉES Fondée en 1614 par les Ottomans, la ville ne compte que 17 000 habitants lorsqu'elle est promue capitale en 1920 après la reconnaissance internationale de l'Albanie comme Etat indépendant. Sous l'impulsion du roi Zog, une première phase de modernisation à l'occidentale se produit dans les années 1930. C'est le moment où apparaissent le boulevard des Martyrs de la nation et la place Skanderbeg, les éléments centraux de la ville. Pendant l'occupation italienne (1939-1943), de nombreux bâtiments sont construits suivant les principes rationalistes de l’architecture fasciste, comme l’actuelle université. Avenues et places sont élargies pour les parades. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, quand les communistes prennent le pouvoir, la population de Tirana atteint 60 000 âmes. GRÈCE MER ADRIATIQUE 63 TIRANA/ ESCALES RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016 ters © Shut tock ctio © digitalcolle ns nypl FAIRE TABLE RASE « Tirana en tant que capitale de l'Albanie, doit être un exemple pour les autres villes. Tirana doit devenir la ville préférée du peuple », lance Enver Hodja en 1948. Les nouvelles autorités vont dès lors effacer le Tirana ancien, « bourgeois » et capitaliste, pour édifier une ville qui incarne au plus près les valeurs de « l'homme nouveau », selon les préceptes du réalisme socialiste. Cependant, la plupart des édifices fascistes furent conservés. De nombreux quartiers de Tirana sont rasés. Dans une Albanie où la religion est fermement interdite, les édifices religieux sont sacrifiés. Le bazar ottoman est également détruit en 1960 pour construire le Palais de la culture dont la première pierre fut posée par Khrouchtchev, juste avant la rupture de l’Albanie avec l'URSS. 64 ESCALES / TIRANA BÂTIR SOCIALISTE La place Skanderbeg est entièrement remaniée dans les années 1970 : la mairie art déco est remplacée par l'imposant musée historique, avec en surplomb de la façade l’immense mosaïque représentant « l'élan du peuple albanais vers son indépendance et son identité », tandis que la vieille cathédrale laissait place à l’hôtel Tirana et ses 15 étages, qui est longtemps resté le plus haut bâtiment de la ville. Le régime communiste transforma également en profondeur les abords du boulevard des Martyrs de la nation. Il y installe le palais présidentiel, le siège du Comité central du parti, le palais des congrès et la Galerie nationale. Dans les années 1980, il y fait construire une pyramide dessinée par la fille et le gendre d'Enver Hodja qui devait accueillir le mausolée du dictateur - mais l'Histoire en décida autrement. © Shuttersto ck mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine REDONNER DES COULEURS En 1991, la statue d'Enver Hodja est renversée par la foule. Les monuments communistes, symboles de l'oppression, font les frais de la transition démocratique, période de chaos pendant laquelle Tirana voit sa population exploser pour atteindre 700 à 800 000 habitants et les constructions illégales se multiplier. Longtemps négligé et rejeté, ce patrimoine est aujourd'hui redécouvert. Le Bloc, le quartier autrefois réservé à la nomenklatura, est ainsi devenu le plus branché de la capitale, avec ses nombreux cafés, clubs et restaurants. Quant à la pyramide, un temps menacée de destruction, elle est désormais l'un des symboles de Tirana. Il ne faut pas non plus manquer les chefs-d'œuvre du réalisme socialiste albanais exposés à la Galerie nationale, sans oublier le monument au Partisan inconnu… Quant aux façades des immeubles communistes, elles ont été repeintes, l'une des mesures phares d'Edi Rama. Finalement, l'ancien maire-artiste, resté aux commandes de la capitale durant une décennie (2000-2011), a réussi son pari : grâce à lui, Tirana a retrouvé des couleurs. C’est le moins que l’on puisse dire. © DR RdM 65 RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016 MÉTÉORES / ESCALES MÉTÉORES, Les monastères suspendus Des monastères plantés au sommet de pitons de grès presque inaccessibles, tel est le paysage féerique des Météores. Construits au XVe siècle au prix d’incroyables difficultés, seuls six édifices restent intacts. Leurs fresques constituent des chefs-d’œuvre de la peinture post-byzantine. - rst © Shut te ock Par Bettie Sans 66 ESCALES / MÉTÉORES CAVERNE DES ERMITES © Shutterstock Au fil des siècles, la plupart des monastères ont été abandonnés. Les ravages des troupes d’Ali Pacha au XIXe siècle ont fait le reste. Certains, qui avaient servi de refuge aux résistants grecs, ont été détruits ou abîmés pendant la Seconde Guerre mondiale par les troupes allemandes. Aujourd’hui, seuls six d’entre eux restent intacts et trois seulement sont habités. Mais rien ne pourra détruire la beauté mystique de ce paysage grandiose. GRAND MÉTÉORE VARLAAM HERMITAGE Toutes les photographies © Shutterstock Suspendus dans les airs, au milieu d’un chaos minéral en bordure de la plaine de Thessalie, les Météores invitent à la réflexion métaphysique. Comme des doigts tendus vers Dieu, la légende raconte que ces pitons rocheux seraient descendus du ciel – d’où leur nom – afin de donner un lieu de prière et de retraite aux ascètes. C’est dans des grottes, au sommet de ces monts célestes que se sont installés les premiers moines dès le XIe siècle, jusqu’à former une importante communauté d’ermites. La construction des monastères est plus tardive et visait à se protéger des invasions turques et albanaises. Au total, vingt-six sont édifiés entre le XIVe et le XVIe siècle à l’aide d’échelles articulées et de monte-charges démontables. Les matériaux étaient transportés dans des paniers actionnés par des cordages depuis les sommets. Un travail titanesque ! La vie monacale y était rude. Les escaliers creusés dans la roche à partir des années 1920 n’existaient pas encore et les moines utilisaient des échafaudages fixés dans les rochers. Vertige garanti ! Argent, vêtements, travail, nourriture étaient mis en commun suivant la règle cénobitique, sous la direction d’un higoumène, le supérieur spirituel des monastères orthodoxes. rst © Shut te ock © Shutterstock mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine 67 RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016 MÉTÉORES / ESCALES Le Grand Météore Également appelé monastère de la Transfiguration du Christ, le Grand Météore culmine à près de 600 m d’altitude. Connu pour être le plus ancien et le plus imposant des monastères, il est aussi le seul à avoir été habité en continu depuis sa construction. L’accès facile s’effectue par des escaliers creusés dans la roche. On doit sa fondation à Athanase. Né en 1302, touché très jeune par la grâce, celui qui deviendra saint, commence sa vie monacale au Mont Athos que les attaques turques le contraignent à quitter. Il découvre dans les Météores un paysage idéal pour fonder une vie ascétique. Et c’est au sommet du plus haut des rochers qu’il installe une première église dédiée à la Transfiguration du Christ vers 1340. Son successeur, le moine saint Joseph, y adjoint des cellules, un hôpital, une citerne durant les quarante années de sa vie monastique. Les édifices actuels sont construits entre 1545 et 1582 en conservant la chapelle primitive qui est intégrée comme sanctuaire de la grande église. Les fresques du XVe siècle méritent une attention particulière, notamment le Christ Pantocrator et la Vierge en gloire, typiques de l’école macédonienne. Deux icônes peintes sur bois à tempera (voir encadré) entre 1367 et 1384, L’Icône de saint Thomas et La Vierge et l’Enfant, présentent un état de conservation remarquable. RdM TECHNIQUE DE LA TEMPERA de la tempera est Tiré du latin délayer, la technique s souvent à du jaune d’œuf. une peinture à l’eau mélangée le plu nc, insoluble dans l’eau, Le jaune permet l’émulsion et le bla tout la stabilité de la peinture ravive les couleurs. Mais c’est sur ange qui durcit avec le temps. et sa préservation que permet ce mél que peu de liant ce qui ajoute Une fois l’eau évaporée, il ne reste lisée depuis l’Antiquité, e en profondeur et en intensité.Uti ce jusqu’en Europe du VI la tempera s’est répandue de Byzan supports : fresques, statues, bois, au XVe siècle sur toutes formes de des icônes peintes parchemins, ainsi que la plupart ent utilisée jusqu’à la fin sur panneaux de bois, Majoritairem à peu cédé la place du XVIe siècle, cette technique a peu à la peinture à l’huile. 68 mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine ESCALES / KNOSSOS KNOSSOS, mythes et controverses Situé à 5 km au sud de la ville crétoise d’Héraklion, le palais de Knossos constitue l’ensemble archéologique le plus important de Crête. Les fouilles conduites à partir de 1900 ont soulevé de nombreuses controverses. - C’est un antiquaire crétois qui le premier découvrit le site en 1878. Suivant les intuitions de Schliemann, le célèbre découvreur de Troie, Sir Arthur Evans, un archéologue britannique, poursuivit les fouilles après avoir acheté le terrain en 1900. Il était persuadé d’avoir sous ses yeux le mythique palais du roi Minos décrit par Homère comme la plus fastueuse résidence crétoise. Knossos était selon les spécialistes la capitale de la Crète à l’époque minoenne (de 3000 à 1450 av. J.-C.). Enthousiasmé, Arthur Evans mit à jour en quelques mois seulement une partie importante de l’ensemble du site. Peut être trop vite aux dires de certains. Mais ce sont surtout les reconstitutions en béton qu’il entreprit qui furent controversées : étages ou escaliers restaurés ainsi que quelques fresques. Evans voulut reconstituer une partie de l’ensemble architectural pour donner une idée aux visiteurs de l’architecture minoenne. Un sacrilège pour les archéologues qui l’ont succédé mais une plongée dans le réel pour ceux qui veulent retrouver les décors de cette glorieuse époque de l’âge de bronze. En réalité Knossos n’a jamais été le palais du roi Minos mais un ensemble palatial immense et complexe comptant près de 1 300 chambres sur 5 étages, regroupées autour d’une cour centrale. Des couloirs multiples, une absence apparente de plan, donnent au palais des allures de labyrinthe qui ajoutent à son mystère en faisant écho une nouvelle fois à Homère et au Minotaure. La destination de cet ensemble est multiple : centre administratif et religieux, entrepôt, résidence royale. © Scorpp / Shutterstock Par Bettie Sans Le palais de Knossos, d’une superficie totale de 20 000 m2, a été construit vers 1900 avant notre ère. La résidence royale proprement dite se trouve au sous-sol et au rez-de-chaussée de l’aile est, à côté du gynécée et des appartements de la reine. Des fresques représentant des dauphins et autres motifs marins sont encore visibles. L’aile ouest servait de magasins, distribués en épi. On y trouve les fameux pithoi, ces immenses jarres de terre cuite pouvant contenir près de 78 000 litres de vin ou d’huile. Malheureusement Sir Arthur qui voulait en étudier le contenu, détruisit de nombreux sceaux. La cour de 1200 m2 accueillait des tauromachies peintes sur les murs. Les étages abritaient les bureaux de l’administration ainsi que les pièces de réception. Tous les palais crétois de l’époque minoenne ont été détruits vers 1450 avant notre ère, selon certaines hypothèses à cause d'un tsunami. Le palais de Knossos semble avoir été épargné mais la civilisation flamboyante s’est, elle, éteinte. Sa taille et son importance historique en font l’un des lieux incontournables de l’époque archaïque, dont l’influence atteignait l’Égypte et même la Syrie. Le site accueille un demi-million de visiteurs par an. RdM 3 Naples en A FFA E L L O UE LE EMAN E CORSO VITTORIO EL Lorenzo Maggiore © Complesso San ER PZA. VANVITELLI U RIO E MAN VI A C RI VIE RO D I C H I AI A © Shutterstock . AL VIA LUCA GIORDANO C O R S O VI T TO 2 70 VIA M. PESSINA L'AUTEUR Italien installé à Paris depuis plus de 10 ans, Cosimo Razzi connaît la ville comme sa poche. Il collabore à plusieurs publications italiennes en qualité de correspondant en France. LES CATACOMBES ET LA NÉCROPOLE La moitié de la ville de Naples repose sur un gruyère, véritable trésor archéologique. Fondée par les Grecs au VIIe siècle avant J.-C., Neapolis est aujourd’hui visible depuis les sous-sols de San Lorenzo. Là, les dernières caves ouvertes au public dévoilent les vestiges de la ville grecque – avec ses marchés, ses boucheries, ses tavernes – puis romaine, ainsi que les fondations de l’église paléochrétienne. La nécropole de la via Nicotera, a été découverte par hasard en 1949, pendant la reconstruction d’un bâtiment détruit par la guerre. LA CHAPELLE SANSEVERO ET L’INVENTEUR MAÇONNIQUE Naples regorge de symboles maçonniques. Derrière la sobre PZA.façade MED. de la chapelle Sansevero, D'ORO que l’alchimiste Raimondo di Sangro transforma en temple maçonnique, on peut apercevoir ses Machines anatomiques, deux corps humains dont seuls les os et VI le système cardio-vasculaire sont conservés. Le Christ voilé de Giuseppe Sanmartino mérite à lui seul le détour. .D A Texte de Cosimo Razzi ¬ 1 D V. A GR D U E S ALU T 6insolites lieux RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016 Massimo Vel o © Archiv io Museo Ca ppella San severo NAPLES / ESCALES PZA. DEI MARTIRI LE PLUS BEAU MÉTRO D’EUROPE Les stations des lignes 1 et 6 du métro de Naples abritent plus de 200 œuvres d’art réalisées par 90 artistes et architectes internationaux et napolitains de renom. Art figuratif, photo, art conceptuel, arte povera, trans-avant-garde sont ainsi représentés. À ne pas manquer : les stations Materdei et Toledo, que la presse anglo-saxonne désigne parmi les plus belles d’Europe. HI AI A VIN O mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine ESCALES / NAPLES 4 V. P. C O LL DO V IA TO LE E TT A UOMO E E Z ZO E C ROC N ALI VI A M VI A B T TO NEDE RI BU C ANN CO RS OU ONE VI A N U E MB R TO 5 CORSO GARIBALD I VI A D VI A T « NAPOLI MUSEO APERTO » : 200 JEUNES OUVRENT LES ÉGLISES Trente églises et monuments habituellement fermés ou à l’abandon, sont ouverts depuis février par 200 jeunes de 18 à 29 ans, grâce à un projet municipal. L’occasion de découvrir des lieux insolites comme Santa Chiara, San Paolo Maggiore, San Pietro ad Aram, qui conserverait l’Ara Petri – l’autel sur lequel pria saint Pierre – et la collection Farnese du musée archéologique de Naples. Voir le parcours Napoli Museo aperto sur www.museoapertonapoli.it I OVO M ARI NA V I A A . D I AZ VI A D FE R INA ND PORTO S. LUCIA O 6 BACINO DEL PILIERO LE PLUS GRAND TRÉSOR… La couronne d’Angleterre ? Fausse route… Le plus grand trésor du monde est, selon les chercheurs qui l’ont étudié, celui de saint Janvier, saint patron de Naples, dont le sang fait encore jaser les curés et les labos,par sa capacité à se dissoudre et se resolidifier à des dates imprévisibles. Un ensemble de pièces exceptionnelles, d'un raffinement et d'un luxe uniques, dont la mitre en argent sertie de 3 326 diamants, 164 rubis, 198 émeraudes et 2 grenats, créée par Matteo Treglia en 1713 a une valeur inestimable. © Museo del tesoro di San Gennaro PZA. MUNICIPIO © Shutterstock LE BABA AU RHUM NAPOLITAIN C'est l'escapade gourmande incontournable de Naples, au même titre que la pizza... Si beaucoup répètent à l'envi que le baba au rhum a été inventé à Naples, son origine plus probable viendrait de Pologne. On raconte qu'un kouglof aurait atterri presque par accident dans du rhum, la recette aurait ensuite été perfectionnée en France, pour arriver enfin dans la cité italienne. Quelle qu'en soit l'authenticité, cette pâtisserie a acquis depuis ses lettres de noblesse dans la gastronomie napolitaine au point d'être considérée comme une institution. De nos jours, Il babà napoletano se décline sous toutes les formes, de la recette la plus simple aux élaborations plus vertigineuses. Pour des babas vraiment locaux, pas chers et bons, rendez-vous à la Pasticceria S. Capparelli. Un poil plus touristique mais avec un large choix de desserts à se pâmer, un détour par la Pasticceria Giovanni Scaturchio s'impose. Buon appetito! LES INDISPENSABLES DE... COSIMO RAZZI ◆ Caves archéologiques : 316 via dei Tribunali ◆ Nécropole : 10 via Nicotera ◆ Musée archéologique : 19 piazza Museo ◆ Chapelle Sansevero : 19/21 via F. de Sanctis ◆ Trésor de saint Janvier : 149 via Duomo ◆ Pasticceria Capparelli Via dei Tribunali 325 ◆ Pasticceria Scaturchio Piazza S. Domenico Maggiore, 19 71 Un régime et des recettes à base d’huile d’olive, un vignoble au large de la Sicile, un chef marseillais amoureux des cuisines du sud, voilà en quelques traits les saveurs et le goût de la Méditerranée. RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016 SPORT / EN VRAC L es Stambouliotes ont le football qui coule dans les veines au moins aussi fort que le Bosphore. Il suffit de parcourir un plan de la ville : Galatasaray, Fenerbahçe, Besiktas… Autant de lieux, de quartiers, qui ramènent illico à un club de football-phare du championnat turc. Galatasaray et Fenerbahçe, surtout. Entités aussi liées que contraires, qui engendrent des derbys animés. Ces deux équipes les plus titrées de la Süper Lig, dans un pays où le ballon rond tourne à l’obsession, génèrent en effet une ferveur à nulle autre pareille. Les jours qui précèdent et suivent ces matches, les journaux augmentent leur tirage de 50 % ! Et, forcément, nul ne saurait soutenir les deux clubs : on naît supporter des « lions » (Galatasaray) ou des « canaris jaunes » (Fenerbahçe) et on le reste toute sa vie. D’un côté du détroit, l’Europe : c’est là que le club de Galatasaray a vu le jour en 1905, au sein du lycée français du même nom. À une époque où le championnat national, né sous influence anglaise à la fin du XIXe siècle, était encore interdit aux Turcs. De par sa géographie même, le club est historiquement considéré comme celui des classes bourgeoises. En témoigne la liste de ses dirigeants, à 70 % diplômés du lycée Galatasaray. De l’autre côté du détroit, l’Asie. C’est là, dans l’arrondissement de Kadiköy que le Fenerbahçe SK, plus populaire, a été créé en 1907. Officiellement le 3 mai, jour de la visite de Mustafa Kemal Atatürk à l’équipe. Là encore, les membres fondateurs avaient décidé de braver l’interdiction imposée aux Turcs. Au départ, les deux clubs étaient donc tournés vers une même idée : lutter par le ballon contre les puissances occupantes. C’est même devenu un enjeu national au lendemain de la chute de l’Empire ottoman. Et ce n’est qu’en 1934, quinze ans après le tout premier derby, que les deux clubs sont devenus rivaux au terme d’un match qui a tourné au pugilat. Le début d’une longue série. Dans ce paysage sportif stambouliote binaire, une troisième entité émerge. Besiktas, situé dans le quartier du même nom sur la rive européenne de la ville, à quelques centaines de mètres de la place Taksim, et qui dispute régulièrement la tête du championnat aux deux grands. Il est le plus vieux club sportif de l’ancienne Constantinople, fondé en 1903. Mais dès l’automne 1902, une vingtaine de jeunes Turcs issus de l’aristocratie s’étaient déjà regroupés pour pratiquer la gym. Qu’importe si la section football n’a, elle, vu le jour qu’en 1911… Il est également le seul club de la ville à avoir le drapeau turc dans son écusson, une distinction cadeau de la fédération depuis les années 1950, quand l’équipe a remplacé au pied levé la sélection nationale pour un match contre la À Istanbul, chaque quartier défend ses couleurs autour Grèce. Plus turcs que stambouliotes, telle est effectivement l’image renvoyée du ballon rond où les rivalités, historiquement très ancrées, par « les aigles noirs » (le surnom de s’expriment avec passion dans les stades. Besiktas). Il n’est d’ailleurs pas anodin le plus grand rival du club ne se Sociologie d’une ville, vue par le prisme de ses clubs de football. que situe pas à Istanbul, mais à Bursa, dans la région de Marmara. Comprendre le football pour comprendre un peu mieux Par Myrtille Rambion ¬ Istanbul et la Turquie ? Et pourquoi pas. IS TA NBUL , UN CLUB, UN QUA R T IER – – RdM 74 mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine EN VRAC / NUTRITION P OUR V I V RE PLUS LONG T E MP S, M A NGEONS CRÉ TOIS – Vanté par tous les diététiciens, le régime crétois, en prévenant les maladies cardiovasculaires, symbolise la longévité et la bonne santé. Nous avons demandé l’avis d’un diététicien. – Par Chrystèle Mollon ¬ L’ engouement pour le régime crétois, ou méditerranéen, débute dans les années 1950 à la suite d’une enquête alimentaire réalisée en Crète par le scientifique américain Ancel Keys. Il y découvre une population en bonne santé et à la longévité remarquable. De nombreuses études ont depuis montré les bienfaits de ces habitudes alimentaires assez proches d’ailleurs du régime des habitants de l’île japonaise d’Okinawa, réputée abriter le plus fort taux de centenaires au monde ! Le régime crétois est particulièrement riche en fruits et légumes frais ou secs et en céréales. Pauvre en graisses animales (viandes rouges, beurre), l’huile d’olive constitue la principale source de lipides. Poissons, viande blanche et œufs sont consommés modérément, deux à trois fois par semaine. Fromage blanc de chèvre et de brebis sont les produits laitiers les plus présents. Enfin le vin rouge en faible quantité apporte un antioxydant présent dans le raisin. Pour Arnaud Cocaul, médecin nutritionniste, « on peut recommander ce régime à tout le monde. Même si on ne vit pas sur les rivages de la Méditerranée, il s’agit de manger modérément, équilibré et varié ». À la base de cette alimentation : l’huile d’olive. « Elle contient des acides gras mono-insaturés qui améliorent le taux du bon cholestérol et réduisent les risques de maladies cardiovasculaires. » Cette diète peut se révéler bénéfique même si on y adhère après la cinquantaine : dans les années 1980, les recherches du professeur Serge Renaud publiées dans la très respectée revue scientifique The Lancet ont révélé que les victimes d’un premier infarctus qui adoptaient une alimentation de type crétois présentaient un taux de récidive réduit de 75 %. La seule mise en garde concerne l’éventuelle carence en vitamine D : en effet, les Méditerranéens profitent d'un fort ensoleillement qui leur fournit une dose régulière de vitamine D. Mais pour les habitants des pays nordiques, c'est le lait de vache qui en constitue le principal apport. « Comme ce lait ne fait pas partie du régime, explique Arnaud Cocaul. Il faut privilégier les poissons gras et les yaourts enrichis en vitamine D, ou, à la limite, les suppléments. Sinon, une déficience est possible. » En croisière ou à la maison, ce régime propose donc de miser sur les produits de saison pour s’alimenter de manière saine et gourmande. Mais il permet aussi aux personnes en surpoids d’avoir une alimentation équilibrée et de maigrir de façon naturelle. RdM 75 RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016 MODE BAGAGERIE/ EN VRAC M A L L ES À PA R T IR – Signe distinctif autant qu’objet pratique, la malle reprend des couleurs chez les maroquiniers. Un luxe qui se décline en se jouant d’un certain charme désuet. Tour d’horizon des dernières tendances. – O Par Laurent Dombrowicz ¬ n l’a longtemps crue réservée aux rétrospectives poussiéreuses, aux collectionneurs acharnés et aux greniers d'antan, mais il faut bien admettre que la malle fait un retour fulgurant dans les tendances maroquinières. Car la relative désuétude de son charme et son volume pachydermique n’ont pas réussi à occulter son pouvoir de séduction et sa capacité forcément XXL. C’est une fois de plus par la porte de luxe que cette aïeule réussit son facelift. Il sera vain de la chercher dans les soutes d’un moyen courrier low cost ou à l’arrière d’une voiture compacte. Le pont supérieur des croisières du bout du monde, les jets privés des happy fews et les plus belles suites des palaces sont davantage à leur goût. Les fameuses malles cabine de l’âge d’or transatlantique, véritables vestiaires portatifs, ont finalement peu évolué, à ceci près que les stars du R’n’B ont remplacé l’aristocratie européenne dans les carnets de commande. On prête au grand réalisateur italien Lucchino Visconti une admiration pas tout à fait platonique pour Alain Delon à qui il offrit plusieurs de ses plus grands rôles dans les années 1960. Parmi les cadeaux somptuaires déposés en offrande aux pieds du jeune premier à peine dégrossi de son service militaire, la gamme complète de la bagagerie Louis Vuitton ornée des fameuses initiales baptisées Monogramme. Touché mais quelque peu décontenancé, l’acteur se serait alors écrié « C’est gentil Lucchino, mais pourquoi astu fais mettre tes initiales et pas les miennes ? » Incontournable du genre, Louis Vuitton fait perdurer le mythe à grand renfort de communication – une exposition à la scénographie grandiose au Grand Palais à Paris – sans prendre le risque de moderniser l’exercice. Si les sacs Monogramme LV ou estampés du motif damier représentent encore aujourd’hui un véritable jackpot pour LVMH, notam- 76 ment grâce à une logomania revue, encouragée et corrigée par les nouvelles équipes en place, les bagages dit « rigides » maintiennent un niveau de vente très appréciable. Le pouvoir du fameux storytelling est aussi de mise chez Moynat, malletier français depuis 1849. Des bagages aussi précieux qu’ergonomiques inspirés par le monde automobile. La forme si spécifique de certains modèles est inchangée depuis le temps des Bugatti Royale et autres Delahaye aux courbes sexy. On doit aussi à Moynat l’utilisation du bois de camphrier, destiné à protéger les fourrures de ces dames contre les insectes et la vermine. Ramesh Nair, directeur créatif de la marque, a réussi à garder un caractère très exclusif à ses nouveaux modèles, tout en les inscrivant dans une dynamique plus contemporaine. Sensiblement plus « bling » et encore plus internationale, la griffe parisienne Goyard propose des bagages sur mesure depuis 1792. Son crédo ? La toile peinte déclinée en plusieurs teintes devenue véritable signature. Dans un proche voisinage, on citera aussi Fauré Le Page, maroquinier et arquebusier depuis 1717 et qui décline aujourd’hui son savoir-faire dans de très beaux sacs de loisirs, malles à pique-nique, porte bottes et autres sièges de pêche. Pour des tentations plus modernistes, rendez-vous est pris avec Pinel&Pinel, qui réalise les fantasmes les plus fous avec des malles frigo, écrins à bijoux ou sonothèques portatives. Tout ici est laissé au choix du client (forcément difficile et fortuné) et réalisé à la main par des artisans hors pair. Les marques de mode, plus habituées aux it bags et aux effets de podium n’ont pas laissé tomber l’affaire pour autant. Prada propose depuis quelques mois un service de personnalisation sur sa ligne de bagages dont les couleurs et imprimés échappent souvent à la ronronnante bienséance du noir et du marron. Pour les irréductibles aficionados des tapis roulants et terminaux cosmopolites, la solidité et l’ergonomie de la fameuse valise trolley ont elles aussi cédé à la tentation de la mode. Le fabricant allemand Rimowa, célèbre pour son utilisation du polycarbonate et de l’aluminium, a rhabillé Inside out, son modèle le plus connu, avec une doudoune Moncler. Encore plus chic, Chanel enrichit sa proposition saisonnière de trolleys siglés, bien conscient qu’une femme qui voyage n’est pas forcément une trekkeuse en tenue confort. Au-delà de ce fashion coup, l’ensemble des marques de luxe dont la santé dépend du succès de leur maroquinerie, ont renommé leurs modèles grands formats. Le 48Hrs devenu Weekender s’appelle aujourd’hui Cabin ou Cruise. L’embarquement ne saurait tarder. RdM mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine EN VRAC / MODE BAGAGERIE II. I. III. V. IV. VI. VII. X. VIII. IX. I. Set de valises toile sérigraphiée, cuir et renforts bois, GOYARD II. Coffret à bijoux réalisé par MOYNAT pour la maison CHOPARD III. Fauteuil de pêche pliable, FAURE LE PAGE IV. Mini-malle gamme Ricky, RALPH LAUREN V. Trolley toile sérigraphiée et cuir, GOYARD VI. Mini-trolley plexiglass et cuir matelassé CHANEL VII. Sac Weekender en toile sérigraphiée et cuir, GOYARD VIII. Valise rétro en cuir et toile personnalisable, PRADA IX. Mallette à documents en cuir clouté, MOYNAT X. Sac à bottes en toile, FAURE LE PAGE 77 RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016 CONVERSATION VITICOLE / EN VRAC S a toute première gorgée de vin, Carole Bouquet s'en souvient. Elle a vingt et un ans lorsqu'elle boit un verre de château Haut-Brion. Celle qui a été découverte trois ans plus tôt par Luis Buñuel dans Cet obscur objet du désir se trouve alors avec des amis à l'Ami Louis, un restaurant parisien très célèbre à l’époque. Et c'est un monde entier qui s'ouvre d'un seul coup à elle, comme un choc, une révélation. Cet amour du vin ne l’a plus jamais quittée et a même mûri au fil du temps, des dégustations et des rencontres. 30 ans après cette première émotion avec ce grand cru de bordeaux, cette icône du cinéma français se retrouve à la tête d'un vignoble en Italie, pays qu'elle affectionne particulièrement. La comédienne est la propriétaire d'un domaine situé sur l’île de Pantelleria, « l’île du vent », où elle cultive également des olives et des câpres. Tout débute en 1996, lorsqu'une autre comédienne, son amie Isabella Rossellini, lui parle de ce petit bout de terre d'un peu plus de 80 km2 surplombé par un volcan, situé au large de la Sicile. Aussitôt, l’actrice tombe sous le charme de ce coin de paradis. Elle commence par y venir pour les vacances, en louant des villas, puis elle acquiert un demi-hectare sans eau, ni électricité, avant de réunir plusieurs parcelles. Elle doit racheter pour cela des terrains à Elle n’a pas que la comédie dans la vie, loin de là. pas moins de soixante-dix propriétaires et Le vin lui prend aussi énormément de son temps faire construire un chai. Si la remise en état de l’exploitation lui a pris mais elle affirme aimer ça. C’est sur une île parsemée des années, un véritable tour de force, aud’oliviers au sud de la Sicile que la comédienne a choisi jourd’hui son domaine compte une quinzaine hectares de terres volcaniques dont il y a quelques années de se lancer dans la production huit consacrées aux vignes, cultivées en de son propre nectar, le Sangue d’Oro. Un succès. terrasses protégées du vent par des murets en pierre. 14 000 bouteilles de son Sangue d’Oro en sortent chaque année. Par Paul Paris ¬ Du muscat d'Alexandrie, un cépage très résistant aux arômes intenses de fruits blancs, cultivé en bio, nécessitant forcément beaucoup de travail. Toute la récolte est réalisée à la main selon une pratique agricole ancestrale : la « vite ad alberello », comprendre la taille de la vigne en gobelet – le plan de vigne est planté dans un trou constamment entretenu afin de créer un microclimat favorable. Cette tradition, transmise depuis des générations dans les familles de viticulteurs et de fermiers de l'île, a même été inscrite il y a deux ans sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l'UNESCO. Carole Bouquet n’y est d’ailleurs pas pour rien. Elle s'est en effet battue pour ce rituel qui s'effectue sur un terrain très accidenté, balayé presque toute l’année par les souffles chauds venus du Sahara. Une fois récoltés et triés, les raisins sont séchés naturellement au soleil à même le sol pendant deux à trois semaines afin de libérer de l’eau et d’augmenter la teneur en sucre : c’est le passerillage. Il en résulte des notes de quinquina, de bergamote et d’abricot sec. À déguster très frais ! L E S A NGUE D’ORO DE C A ROL E BOUQUE T – © André Rau – 78 RdM mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine EN VRAC / PORTRAIT RESTAURATEUR © Agence Shortcut RP © Shuterstock L a villa Corinthe à Marseille, c’est cette bâtisse juchée sur les rochers du bord de mer face au château d'If et aux îles du Frioul, que Germain, le grand-père de Gérald Passédat, a achetée en 1917 pour créer le restaurant Le Petit Nice. Son père, Jean-Paul, y a accroché deux étoiles au Michelin. Gérald en a obtenu une troisième en 2008, avant d’ouvrir, cinq ans plus tard, le Môle Passédat au sein du MuCEM, toujours dans la cité phocéenne. Mais la villa Corinthe, c’est sa maison, celle où il est né en 1960, c’est aussi ses racines, sa vitrine, sa fierté et son énergie. C’est là qu’il a magnifié son territoire, créé la quintessence d’une cuisine qui a sorti la Méditerranée de l’oubli, et ses poissons avec. Parce qu’il est avant tout passionné par cette mer, celle où tout petit, il a appris à plonger et à pêcher. Révolté par les ravages de la pêche au chalut, il a créé au fil des années son réseau de pêcheurs raisonnés. Ils lui rapportent chaque matin de la girelle, du saran, de la liche, de la mostelle, de la canthe ou du rouget. Et aussi des anémones de mer et des crustacés. 65 espèces pêchées à di- “ Son cap culinaire, c’est la Méditerranée ” verses profondeurs, qu’il sait sublimer dans ses plats conçus par paliers, accompagnés de quelques légumes mûris en bordure de la Grande bleue. Son cap culinaire, c’est la Méditerranée. Et les cuisines du Petit Nice, où tout petit déjà, il passe son temps entre son père et les femmes de la famille. À 12 ans, c’est le déclic, grâce à Alain Chapel : non seulement il deviendra cuisinier, mais ce sont les étoiles qu’il vise, comme son modèle. Commence alors une aride formation classique : école hôtelière de Nice, Coq Hardi à Bougival, Bristol et Crillon à Paris, les Frères Troisgros à Roanne, Les Prés d’Eugénie de Michel Guérard à Eugénie-les-Bains. Jusqu’à ce qu’il intègre en 1985 comme apprenti Le Petit Nice, dont il prendra la direction des cuisines en 1987. Les rencontres sont l’autre muse de sa cuisine. Celles qui ont émaillé sa formation. Et toutes celles que rendent possible ces événements annuels qu’il orchestre : les Rencontres gourmandes de la Méditerranée, le salon de la restauration méditerranéenne Food’in sud, ou l’association marseillaise Gourméditerranée. Leur ligne directrice : découvrir d’autres savoirs, d’autres façons de penser, de cuisiner, de ressentir des émotions autour de leurs points communs culinaires : l’huile d’olive et certaines céréales et épices. Et toujours, proposer une cuisine de partage, Gérald Passédat célébrera l’an prochain le centenaire valoriser le territoire grâce à l’amour de la culture, du de la villa Corinthe, maison familiale qui abrite son célèbre produit et de la gastronomie des régions méditerrarestaurant étoilé Le Petit Nice. Un projet qui lui tient néennes. GÉR A L D PA SSÉDAT, la Méditerranée au cœur – RdM particulièrement à cœur parmi d’autres initiatives mettant à l’honneur la cuisine méditerranéenne. – Par Chrystèle Mollon ¬ LE PETIT NICE 17 Rue des Braves, 13007 Marseille Tél. : 04 91 59 25 92 79 © Florian Chavanon mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine EN VRAC / RECETTE T Y ROPI TA K I A , des chaussons à la feta et à la menthe – Spécialité grecque par excellence, la féta – qui fait l’objet d’une appellation d’origine protégée depuis le 14 octobre 2002 – est l’ingrédient phare de nombreux plats au côté de l’huile d’olive et de l’oignon. Le tyropitakia marie les trois avec une légère touche de menthe. Ces chaussons se dégustent aussi bien en entrée qu’en plat principal accompagnés d’une salade. – Par la rédaction ¬ INGRÉDIENTS (pour 12 chaussons) POUR LA PÂTE 200 g de farine 2 cuillères à soupe d’huile olive 1 cuillère à soupe de beurre fondu 85 g de yaourt nature sel POUR LA FARCE 150 g de feta 150 g de yaourt à la grecque 5 feuilles de laurier 1 œuf 1 cuillère à soupe de menthe hachée 1 oignon émincé 1 cuillère à soupe de miel sel, poivre POUR LA DORURE 2 jaunes d’œufs des graines de sésame Niveau de difficulté : Temps de préparation : 40 min Temps de cuisson : 20 min Fourchette de prix : PRÉPARATION Dans un saladier, mélangez tous les ingrédients de la pâte. Ajoutez un peu de farine si le mélange est trop liquide. Travaillez avec les mains jusqu’à former une boule et laissez reposer environ 15 minutes au réfrigérateur. Préchauffez votre four à 180°C. Mélangez tous les ingrédients de la farce en émiettant la féta. Réservez 15 minutes au réfrigérateur. Sur une surface légèrement farinée, étalez la pâte, pas trop finement, puis découpez des ronds de 8 cm de diamètre. Au centre de chaque cercle, déposez un peu de farce, puis rabattez la pâte pour former un demi-cercle. Mouillez les contours pour que la pâte adhère mieux et appuyez avec une fourchette. Badigeonnez de jaune d’œuf pour la dorure et parsemez de graines de sésame. Faîtes cuire sur du papier cuisson pendant 20 à 25 minutes à 200°C. Servez chaud ou froid, à votre convenance. 81 RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016 PORTRAIT CHINOIS / EN VRAC P OR T R A I T CHINOIS Si la Corse était... – Réponses de Françoise Rocafort, Retraitée, Paris (75) Croisiériste Rivages du monde ¬ Un trait de caractère L’indépendance d’un peuple fier de sa culture et son unicité Un sentiment La convivialité et le sens de la famille Une couleur L’azur de son ciel et de la Grande bleue Une odeur Le pin chauffé par le soleil qui se mêle à l’iode de la mer Une musique Ces voix d’hommes que les polyphonies corses rendent si émouvantes 82 Un animal Le sanglier qu’on imagine roi des maquis Un personnage historique Napoléon évidemment à qui l’on doit la construction de l’État moderne Un écrivain Jérôme Ferrari, prix Goncourt pour son Sermon sur la chute de Rome, l’histoire d’une famille corse et d’un petit village Un objet Un couteau corse en bois d’olivier Une pierre précieuse Le vert d’Orezza, une pierre semiprécieuse que l’on ne trouve qu’en HauteCorse Un plat Un saucisson d’âne, pour l’apéro ! Un monument Les falaises de Bonifacio Une devise « Souvent conquise, jamais soumise », qui résume bien la volonté d’indépendance de ses habitants CHÈRES LECTRICES, CHERS LECTEURS – Alain Souleille Président-directeur général Rivages du monde Avec l’arrivée dans notre flotte du M/S Astoria, une nouvelle aventure s’offre à nous. Fidèles à notre passion de la culture et de la découverte, nous partirons avec ce magnifique bateau convivial au charme d’antan, vers le grand Nord et la Méditerranée. De nombreuses croisières thématiques vous attendent : musique, histoire, géopolitique, autant de bonnes raisons d’accéder à cette nouvelle offre pour 2016 ! Rivages du monde plus que jamais s’engage dans la voie de la découverte par la mer des trésors de la terre. Syracuse, Ravenne, Saranda, Chios, Mytilène : autant de destinations insolites et souvent inconnues s’ajoutant à la découverte des grands pôles civilisationnels de la Méditerranée, notre mare nostrum. De bonnes raisons de nous rejoindre, sur « les routes maritimes des civilisations ». RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016 ACTUALITÉS RDM / EMBARQUEZ L’AC TUALITÉ DE RIVAGES DU MONDE L A CROI X E T PÈLERIN M AGA ZINE CHOISISSEN T NOS CROISIÈR ES – – La Croix et l’hebdomadaire Pèlerin ont sélectionné ensemble une croisière d’exception organisée par Rivages du monde de la Grèce au sud de l’Italie en passant par l’Albanie et la Croatie du 20 au 30 octobre 2016. Enrico Letta, le directeur actuel de l’École des affaires internationales de Sciences-Po Paris et ancien Premier ministre italien en 2013-2014, interviendra à bord lors d’une conférence sur le thème : l’Europe va-t-elle tourner le dos à la Méditerranée ? Ce chrétien, engagé depuis plus de 25 ans dans la vie politique, vient de démissionner de son mandat de député pour embrasser la vie professorale. Il sera accompagné d’Anne Ponce, la directrice de Pèlerin, et de Guillaume Goubert, le directeur de La Croix. L A GR ÈCE AV EC L’E X PRESS E T CHR IS T OP HE B A R BIER – © Wunigard / Shutterstock Du 12 au 20 octobre 2016, L’Express, en collaboration avec Rivages du monde, emmène ses lecteurs à la découverte des îles grecques. Rhodes, Naxos, la Crête, Chios mais aussi les monastères des Météores ou Thessalonique sont au programme. Pendant la croisière, Christophe Barbier, qui dirige le magazine, animera des conférences pour mieux comprendre les enjeux de la Grèce contemporaine. L E DA NUBE EN MUSIQUE – Que serait le Danube sans la musique ? Rivages du monde met cette évidence en pratique en organisant cette année pas moins de 6 croisières musicales sur le Danube à bord du M/S Amadeus Royal. Trois croisières en juin suivies de trois autres en septembre 2016 relieront Munich à Budapest pendant 8 jours exceptionnels et riches en concerts prestigieux. Mozart, Strauss, Liszt ou Bartok accompagneront vos soirées dans des temples de la musique classique tels que le palais Mirabell, l’abbaye de Melk ou de Gottweig, l’opéra de Vienne ou encore le palais Moyzes. Des récitals de piano seront également donnés à bord. 84 S T ÉP H A NE BER N E MB A RQUE AV EC R I VAGES DU MONDE – Du 24 septembre au 3 octobre 2016, Rivages du monde organise en partenariat avec le magazine Notre Temps une croisière exceptionnelle en mer Égée. Stéphane Bern, invité d’honneur à bord du M/S Astoria, donnera deux conférences inédites consacrées à l’histoire de la Grèce contemporaine et aux coulisses de ses émissions télévisées. Embarqueront également avec lui, le directeur de la rédaction de Notre Temps, Maxime de Jenlis et Carole Renucci, la rédactrice en chef. Cette croisière propose un itinéraire très complet avec la découverte des plus beaux sites grecs : Olympie, la cité Byzantine de Mystra, les Météores, la Crête ou Thessalonique... © Shutterstock mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine L’ACCORD PARFAIT Rivages du monde et Deutsche Grammophon – Rivages du monde organise une croisière musicale inédite autour de l'Italie du 4 au 15 septembre 2016. Trois concerts prestigieux en partenariat avec Deutsche Grammophon dans des lieux exceptionnels rythmeront la croisière « Tutta Italia » à bord de l'Astoria. L es mélomanes n'attendaient que ça ! Deutsche Grammophon organise une croisière autour de l'Italie avec Rivages du monde. Le légendaire label au cartouche jaune, le plus ancien éditeur de musique classique au monde, est depuis 1898 synonyme de qualité. Pendant 12 jours, Rivages du monde vous propose de partager sa vision de l’excellence et de la musique italienne. Tout au long de cette croisière, les formations de musiciens et les conférenciers à bord sauront transmettre leur passion pour offrir aux croisiéristes un panorama des plus complets des chefs d’œuvre de la musique classique italienne. L’Astoria, au départ de Marseille, fera escale à Gênes, Livourne, Civitavecchia, Naples, Messine, Syracuse, Brindisi-Bari, Ancône, Ravenne, puis Trieste et Venise. Plusieurs excursions optionnelles sont proposées à chaque escale. À bord de ce petit paquebot à taille humaine pouvant accueillir 500 passagers, embarqueront trois conférenciers de renom : Ute Fesquet, journaliste de formation, musi- cologue et violoncelliste, qui dirige le département artistique de Deutsche Grammophon depuis 1997, Sid McLauchlan, producteur depuis 1995 au contact des plus grands artistes, et JeanMichel Dhuez, journaliste à France Musique et RTL, spécialiste de la musique classique. Trois représentations exceptionnelles, en plus des concerts proposés à bord chaque soir, ajouteront au caractère inédit de ce voyage. Première escale au théâtre antique de Taormine en Sicile pour un concert privé du tenor Piotr Beczala, puis à Ravenne dans la célèbre basilique byzantine Sant’ Appolinare pour profiter du génial violoniste Nemanja Radulovic et enfin à la Fenice de Venise où sera représentée Norma de Bellini. Grâce à une programmation artistique exigeante et à l’implication des dirigeants de Deutsche Grammophon à bord, les voyageurs plongeront dans les coulisses de ce grand label classique, pour partager son expérience centenaire. Ne rêvez plus : embarquez avec ce duo mélodieux ! 85 RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016 INTERVIEW / EMBARQUEZ MY KOL A PRONIN, CHEF DE PRODUI T CROISIÈRES M A RI–T IMES Il participe à la conception des croisières mais surtout à leur mise en œuvre pratique. Entretien avec Mykola pour mieux connaître ceux qui vous font voyager. RDM : QUEL EST VOTRE PARCOURS ? M. P. : Je suis arrivé chez Rivages du monde en 2010, comme agent de réservation. À l’époque on était trois dans ce service ! Depuis, notre clientèle ayant beaucoup augmenté, le service réservation est composé de plus de 10 personnes ! J’ai ensuite travaillé à la production des croisières en Russie et au Canada/ États-Unis. J’ai même été directeur de croisière sur le Gange. J’occupe mon poste actuel depuis que nous avons initié les croisières maritimes en 2013. Pour cette première année, nous 86 © Florian Chavanon RDM : VOUS TRAVAILLEZ AU SIÈGE DE RIVAGES DU MONDE, QUEL POSTE OCCUPEZ-VOUS ? Mykola Pronin : Je suis chef de produit pour les croisières maritimes, ce qui signifie que je suis en charge des croisières, de leur conception à leur réalisation. Plus concrètement, je m’occupe des relations avec tous les prestataires : en premier lieu, il s’agit des relations avec l’armateur, le propriétaire et exploitant du navire, car c’est évidemment le premier prestataire avec lequel nous devons élaborer notre programme. Je m’occupe ensuite de la mise au point de toutes les excursions qui seront proposées pendant les croisières en définissant leur contenu et leur programme en fonction des escales prévues. Enfin, je m’occupe également de toutes les solutions d’acheminement de nos passagers jusqu’au port d’embarquement. D’une manière générale, je participe à toutes les étapes de la création d’une croisière, de l’itinéraire, aux excursions, au recrutement des équipes à bord (les directeurs de croisières, les conférenciers, les animateurs et accompagnateurs), et à la coordination de tous nos prestataires pour que le déroulement de la croisière corresponde exactement à notre cahier des charges. mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine Nous naviguons dans une ambiance quasi familiale EMBARQUEZ / INTERVIEW n’avions proposé que deux croisières. En 2015, nous avons proposé un total de 12 croisières, tandis qu’actuellement nous prévoyons d’organiser 19 croisières maritimes ! On peut parler d’une véritable explosion de notre programmation ! Auparavant je travaillais pour une société qui organisait des croisières en Russie. Je suis arrivé en France à 18 ans pour étudier l’économie et j’ai obtenu un master en management des activités touristiques et culturelles. RDM : REVENONS AUX CROISIÈRES MARITIMES, COMMENT SE CONSTRUIT UN ITINÉRAIRE ? M. P. : Il y a naturellement de nombreux facteurs qui interviennent dans l’élaboration d’un itinéraire. Les destinations sont choisies en fonction de plusieurs critères, mais je dois dire que le plus important est directement lié aux messages que nous font parvenir nos clients. Nous construisons aussi des itinéraires spécifiques pour répondre aux demandes de certains de nos partenaires : par exemple certains de nos itinéraires sont de véritables croisières thématiques en partenariat avec les différents médias. Il s’agit souvent d’opérations ponctuelles. Pour le choix des excursions, nous travaillons en collaboration avec ce qu’on appelle un agent réceptif sur place. C’est lui qui nous propose un choix de visites pour chaque escale suivant nos demandes. On garde les excursions phares, les indispensables, auxquelles on ajoute des visites plus originales. Enfin nous sommes attentifs aux retours des croisiéristes via des questionnaires de satisfaction ou directement auprès de notre équipe à bord. C’est un véritable travail de conception en équipe. RDM : ÊTES-VOUS PARFOIS EN CONTACT AVEC LES CROISIÉRISTES ? M. P. : Bien sûr et à chaque fois que cela est possible. C’est notamment le cas lorsque certains passagers souhaitent des prestations spécifiques, « à la carte ». Je me souviens cette année d’un couple qui a voulu visiter la ville de Kronstadt pendant notre escale à Saint-Pétersbourg. Nous avons également des clients très fidèles que je croise régulièrement à bord, l’une de nos croisiéristes a enchaîné 4 croisières en 2014 ! C’est la vie à bord et les rencontres qui l’intéressent avant tout. RDM : QUELLE A ÉTÉ VOTRE CROISIÈRE PRÉFÉRÉE ? M. P. : Pour moi la plus belle croisière, ça restera le Mékong. Mais la plus riche en terme de découverte, c’est la Russie. Quant aux croisières maritimes, elles permettent de visiter plus de pays avec un choix de visites inégalable. RDM : COMMENT DÉFINIRIEZ-VOUS LA SPÉCIFICITÉ DE RIVAGES DU MONDE ? M. P. : C’est la découverte et la culture. C'est-à-dire que nous privilégions avant tout les escales où nous consacrons un temps relativement long aux visites aussi riches que variées. La différence fondamentale c’est que nous naviguons sur un bateau de petite taille dans une ambiance quasi familiale. 87 RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016 M/S ASTORIA / EMBARQUEZ Le M/S ASTORIA Élégant paquebot à taille humaine – Le M/S Astoria accueille 500 passagers pour des croisières exceptionnelles du Groenland au Grand Nord russe et en Méditerranée. La priorité est donnée à la découverte des patrimoines et des cultures ainsi qu’à la convivialité. L e M/S Astoria a été rénové 2013, mais il conserve néanmoins le charme des paquebots anciens : marbreries et dorures dans les parties communes, boiseries et fresques qui évoquent des paysages antiques dans les chambres. Ses nombreux espaces participent à l’atmosphère chaleureuse et intimiste du lieu : bibliothèque, salon cosy, salle de jeux, bar, sauna, chapelle sont répartis sur les sept ponts desservis par deux ascenseurs. Parfaitement adapté à la navigation côtière, il accoste dans les ports avec facilité pour que les croisiéristes soient au plus proche des sites. 7 8 5 4 88 1 3 2 mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine EMBARQUEZ / M/S ASTORIA L 6 e M/S Astoria possède une salle de spectacle (1) à l’acoustique exceptionnelle. D’inspiration art déco, la décoration et le mobilier de bois clair et de cuivre composent un cadre soigné et confortable. Un plateau artistique animé par des professionnels de talent agrémentera chaque soirée : chanson française, music-hall, magie… Profitez d’une cuisine soignée et variée au restaurant Olissipo (2) dont le cadre évoque la tradition des grandes brasseries. Le petitdéjeuner y est servi sous forme d’un riche buffet dont vous pourrez aussi profiter sur le pont extérieur. Le déjeuner est proposé soit en buffet au pont Calypso (3), soit à la carte au restaurant. L’après-midi, le thé est offert accompagné de pâtisseries. À chaque dîner, un menu à la carte est servi au restaurant comprenant un large choix de mets et de vins. Les ponts Promenade, Calypso, Navigators et Observation sont équipés de chaises longues aux tons clairs, d’une petite piscine (4) et d’un bar en terrasse. Tout y invite à la détente et à la sérénité. Les 262 cabines d’une superficie de 12 à 18 m2 sont réparties en 9 catégories sur 5 ponts. Chacune est équipée d’un lit double ou jumeaux (possibilité de 4 couchages sur demande), d'une climatisation, d’une salle de bain avec baignoire et toilettes privées. Une armoire, une télévision, un sèche-cheveux et un coffre-fort complètent l’espace privé. Les Juniors suites (18 m2) et les Suites de luxe avec balcon (30 m2) (5) sont également dotées d’un bain à remous et d’une partie salon. Un personnel attentionné répond à toutes les demandes à la réception. Moyens de paiement : euros, espèces et cartes bancaires. Vous trouverez également sur le pont Calypso une bibliothèque (6) avec des ordinateurs connectés à Internet (service payant), une salle de jeux avec table de bridge et une boutique proposant des produits détaxés. Sur le pont Observation enfin, un sauna, une salle de sport (7) et un salon de beauté (8) (service payant) feront de votre voyage un vrai moment de plaisir et de détente. Caractéristiques - techniques Longueur : 160 m Largeur : 21 m Tirant d’eau : 7,60 m Vitesse de croisière : 15 nœuds Nombre de passagers : 500 Membres d’équipage : 280 Classification : Bureau Veritas Stabilisateur : Oui 89 RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016 CARTOGRAPHIE / EMBARQUEZ NI T NI S -E AT U S- A LE NA D S ur en t- AG AR A La TO RO N L CA DU ST ON S ES ÉA N E-Î NG EC UT KI AY TO TR RE CH ILL È VI M N B UÉ I -R O CL Q IS O TR M Sa i nt - TO ESS INVERN CAN N NIA EDO AL N NA IN NF GLE ND U SO L UL M OF NA IO E SS CO -E CAL NESS nds igl a Les H LOCH EE R RT PO E AL D A M SALAMANCA PINHAO L - E S PA GNE GO L AME ALPE NDU RAD A - PO RTU GA POR TO IM AR AE S AG A u ro CASTELO RODRIGO 90 GU LE TOUR DU MONDE DES CROISIÈRES RIVAGES DU MONDE Do BR AR EMBARQUEZ / CARTOGRAPHIE l Vo S PE AIN TE T RS M BO AN UR LA DR G C O O G A N EG A mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine JI ga KI -S Y TS RI O vi G r- RU C LA NC A BL SS IE ITC L UG O H U SCO MO QU E Été 2016 TC HÈ PRAGUE QU E KUTNA HO RA PODEB B LI RADY -R ÉPU NYM Mo ld au MEL NIK et TRE BEN El be LIT OM DR BURK ICE ER ES DE ICE N ) n1 sio ten (ex ) BE n2 NU sio ten DA (ex DU IE LTA AN LV DE SY AN TR ST RE CA BU SÉ US RO E AD GR BEL ST APE BUD R OVA VUK R - EU Da nube OPE L AVA BRATIS VIENNE LINZ MUNICH 91 RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016 © Shutterstock CROISIÈRES / EMBARQUEZ CROISIÈRE EN RUSSIE La voie des tsars – Moments forts • Moscou • Saint-Pétersbourg • La Galerie Tretiakov • Le monastère Novodiévitchi • Le musée de l’Ermitage • Kiji 92 Entre Moscou et Saint-Pétersbourg 11 jours / 10 nuits T raversez toutes les Russie de Moscou à Saint-Pétersbourg en passant des paysages sauvages de Carélie aux petits villages traditionnels. Pierre le Grand, en visionnaire, avait eu le projet de relier ces deux capitales par voie fluviale. Ce n’est qu’en 1937, sous Staline, que le canal de la Volga, long de 360 km, vit le jour. Vous naviguerez de la Neva à la Volga à bord du M/S Kandinsky Prestige, un bâteau entièrement reconstruit avec des équipements modernes, des parties communes agrandies, une capacité réduite à 196 passagers et des décors qui évoquent les tons vifs des toiles de Kandinsky. La croisière vous emmène à Kiji, la perle de la Carélie (voir RDM magazine n°2), baignée par une lumière diaphane. Cette petite île possède l’une des églises les plus extraordinaires de Russie, coiffée de 22 bulbes et construite en bois. Vous visiterez également les deux grandes villes qui furent tour à tour capitales. Saint-Pétersbourg, ville classique, fut édifiée au XVIIIe siècle selon un plan orthonormé. Ses rues, ses canaux, qu’enjambent d’innombrables ponts et ses palais restaurés forment une unité architecturale à la beauté impressionnante. Moscou au contraire est toute en rondeurs. Construite autour des gigantesques murailles rouges et des 19 tours de son kremlin, elle exerce sur le voyageur une tout autre fascination. mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine EMBARQUEZ / CROISIÈRES CROISIÈRE SUR LE SAINT-L AURENT De Québec aux chutes du Niagara – © Shutterstock Québec – Trois-Rivières – Montréal – Toronto – Chutes du Niagara 11 jours / 10 nuits L aissez-vous surprendre par la beauté pure et sauvage des paysages aux couleurs flamboyantes qu’offrent le SaintLaurent et le lac Ontario. Vous embarquerez à bord du M/V Saint Laurent prestige, un bateau haut de gamme et spacieux à l’élégance classique, d’une capacité de 216 passagers. La navigation vous emmènera dans la splendide région des Mille-Îles, véritable jardin lacustre de plus de 1 800 îles. Une autre merveille vous attend : les chutes du Niagara. Frissons garantis ! Sur les rives du lac Ontario se détache la skyline de Toronto. Ses quartiers pitto- resques aux façades de couleurs, ses boutiques à la mode et sa tour CN qui culmine à plus de 550 m vous convaincront de la vitalité toute américaine de la ville. Gratte-ciels et petites maisons aux escaliers en fer forgé, parcs immenses où bondissent des écureuils, le charme de Montréal vous séduira. Québec enfin, seule ville fortifiée d’Amérique du Nord, a fière allure, avec son monumental château Frontenac. Véritable coup de cœur pour celle qui fut la capitale de la Nouvelle-France (voir RDM magazine n°2), à la rencontre de l’éclatante joie de vivre de nos cousins francophones. Moments forts • Montréal • Les Mille-Îles • Les chutes du Niagara • La côté Beaupré (en option) • Ottawa (en option) • Québec 93 RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016 CROISIÈRES / EMBARQUEZ E S C A PA DE Balade dans le delta du Danube CROISIÈRES SUR LE DANUBE En option avant ou après votre croisière sur le Danube 3 jours Inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1991, le delta du Danube est une réserve naturelle à la végétation luxuriante unique en Europe et à la faune exceptionnelle : plus de 3 400 espèces d’animaux, plus de 300 espèces d’oiseaux (pélicans, cormorans, cygnes, aigrettes, hérons), plus de 150 espèces de poissons, dont le célèbre esturgeon. Cette extension vous conduira au cœur d’une nature encore préservée. L Moments forts • Budapest • Bratislava • Salzbourg (en option) • Sofia (en option) e Danube est l’un des fleuves les plus fascinants du monde, traversant sur près de 3 000 km pas moins de dix pays avant de se jeter, par un vaste delta, dans la mer Noire. Cette formidable traversée de l’Europe centrale est aussi une traversée de l’Histoire dans laquelle se mêlent une cohorte de peuples, d’influences, d’art et de cultures différentes. Ce fleuve a fécondé un art de vivre incomparable dont Vienne et Budapest, en cités impériales et royales, représentent les plus beaux exemples. Remontant le fleuve de- Un fleuve impérial – Vienne – Budapest – Bratislava– Belgrade – Sofia – Bucarest 12 jours / 11 nuits 94 puis les Balkans, vous commencerez votre croisière en abordant Bucarest, Belgrade et Bratislava. Ces capitales conservent un charme romanesque et de nombreux trésors. Comme une plaque tectonique mue par tous les peuples qui s’y rencontrèrent et s’y affrontèrent, la Serbie, et Belgrade en particulier, n’a pas fini d’épuiser ses histoires d’espions, de vieilles rancunes et de passage stratégique. C’est aussi l’un des endroits les plus attachants pour comprendre tous les enjeux de l’Europe contemporaine. Vous naviguerez à bord du M/S Amadeus Brilliant ou du M/S Amadeus Elegant, deux bateaux parfaitement identiques, parmi les plus confortables et les plus raffinés. Très largement ouverts sur le fleuve avec leurs grandes baies vitrées, ils permettent à leurs hôtes de profiter des paysages romantiques de la vallée du Danube et du patrimoine exceptionnel que l’on découvre tout au long de ses rives. EMBARQUEZ / CROISIÈRES Partez à la découverte des châteaux des Carpates, sur les traces du prince Dracula. Vous visiterez l’église fortifiée de Prejmer, Sighisoara, une vieille ville saxonne fortifiée, le château de Bran, connu pour être le château de Dracula. Vous traverserez ensuite les Carpates vers Sinaia, station climatique surnommée la « perle des Carpates » et son fabuleux château Peles, ancienne résidence d’été de la famille royale. E S C A PA DE En option avant ou après votre croisière sur le Danube 3 jours Rendez- vous en Transylvanie mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine Moments forts • 4 concerts privatisés • 3 récitals de piano à bord • Vienne • Salzbourg • Budapest • Soirée à l’opéra de Vienne (en option) Le Danube musical Q – © Toutes les images © Shutterstock ue serait le Danube sans la musique ? Si on l’associe aussitôt à une valse de Strauss, le fleuve porte dans son cours toute la richesse de la musique occidentale. De Beethoven à Strauss, en De Munich à Budapest passant par Haydn, Mozart, Schubert, Bruckner, Liszt, Mahler… Tous composèrent dans cet espace 8 jours / 7 nuits danubien dominé par l’Empire. Princes de sang et familles nobles entretenaient un lien très étroit avec la musique, cherchant à posséder leur orchestre, leur théâtre et leur bal. Rien n'était trop beau pour exprimer, par le biais de la musique, le faste de la dynastie des Habsbourg. Cette croisière d’exception a été conçue pour que vous puissiez assister à des concerts privatisés donnés dans des lieux historiques prestigieux. À Salzbourg, un concert sera donné par le Quatuor Leskowitz au palais Mirabell, magnifique édifice baroque reconstruit au XVIIIe siècle pour les princes-évêques. À l’abbaye de Melk, dans le cadre grandiose de la salle Kolomani, ou à l’abbaye de Gottweig, le Quatuor Symphonique Slovaque interprètera Mozart. À Bratislava, les Solistes Pressbourgeois interprèteront Mozart et Dvorak au palais Moyzes, sublime palais baroque de l’ancienne Presbourg. À Budapest enfin, récital de piano par Agnès Kovecs au palais Duna. En option, vous pourrez également assister à une soirée à l’opéra de Vienne. 95 RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016 CROISIÈRES / EMBARQUEZ CROISIÈRE SUR L’ELBE ET L A MOLDAU De la Bohême à la Saxe – © Shutterstock Prague – Dresde – Villes de Bohême 9 jours / 8 nuits C ette croisière de la Moldau à l’Elbe vous entraîne vers l’une des plus fortes concentrations d’art de toute l’Europe ! Avec Charles IV, Prague attira à sa cour de nombreux savants, artistes, architectes et alchimistes. Sous son règne furent entrepris l’édification de la cathédrale Saint-Guy, joyau de l’art gothique, mais aussi la construction du célèbre pont Charles ainsi que l’agrandissement du château Hradcany, véritable ville dominant Prague. La légende de cette dernière était née, il ne manquait plus que la vague du baroque pour accomplir la beauté parfaite et magique de la ville. Dresde connut sa magnificence au début du XVIIIe siècle. De cette 96 époque datent les merveilles baroques que sont le Zwinger, le palais japonais et l’église de la cour, ainsi que les superbes collections de peintures hollandaises et italiennes et la fameuse collection des porcelaines. Vous naviguerez à bord du M/S Florentina, rénové en 2013, un petit bateau confortable de 47 cabines, toutes extérieures. Cette croisière offre la particularité d’allier les magnifiques paysages de la Suisse saxonne et des Portes de Bohême à deux villes d’art qui demeurent incontournables en Europe : Dresde et Prague. Entre Moyen Âge et folies baroques, c’est à une véritable promenade dans l’Histoire à laquelle vous êtes conviés. Moments forts • Dresde • Les Portes de Bohême • La ville médiévale de Kutná Hora • Le haras de Kladruby • Le pont Charles • Prague mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine EMBARQUEZ / CROISIÈRES ©W L’OR DU DOURO aku / S hu tters to ck Le cœur historique du Portugal – Porto – Braga - Salamanque 8 jours / 7 nuits © Shutterstock Après un arrêt à Coimbra et son imposante bibliothèque de style baroque, vous découvrirez Lisbonne, capitale élégante et populaire. La ville chevauche sept collines, offrant une multitude de panoramas superbes. Les bords du Tage rappellent encore son glorieux passé maritime. Entre modernisme et tradition, Lisbonne conserve des quartiers pittoresques mais aussi de nouvelles boutiques branchées, des restaurants et des cafés aux terrasses délicieuses. L Moments forts • Porto • Salamanque • Solar de Mateus • Les vignobles en terrasses • Lamego • Braga e Douro, né en Espagne, dévale la Meseta sur plus de 500 km, avant d’atteindre les montagnes du Portugal. Fleuve impétueux, il serpente et découpe une vallée aux versants abrupts et granitiques formant un cadre grandiose et sauvage. En trois siècles, le travail et la persévérance des hommes ont façonné des terrasses fertiles qui s’étagent sur ses pentes. Couverte de vignes, la région produit ce qui fait la richesse de la ville qui porte son nom : le porto et le vinho verde. E S C A PA DE à Lisbonne En option après votre croisière sur le Douro Le paysage fluvial est demeuré inchangé grâce à l’impossible mécanisation de ce vignoble incomparable. Le M/S Douro Cruiser, très ouvert sur le fleuve, offre à ses 130 passagers une splendide navigation à travers ces vallées saisissantes. Cet écrin unique, inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO, recèle de nombreux villages perchés, des quintas, propriétés viticoles magnifiques, des vergers et une grande quantité d’églises et de couvents. Autant de merveilles médiévales et baroques qui font la richesse de l’ancien royaume du Portugal. Au gré de votre croisière, vous ferez une excursion en Espagne pour découvrir Salamanque qui abrite la plus ancienne université d’Europe, créée en 1218. Ses innombrables monuments civils et religieux, ses deux cathédrales, sa plaza Mayor d’une très belle unité architecturale, en font un précieux joyau. 97 RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016 CROISIÈRES / EMBARQUEZ CROISIÈRE DANS LES HIGHL ANDS D’ÉCOSSE Entre mythes et légendes – © Shutterstock Inverness - Loch Ness - Glenfinnan - Iona - Tobermory - Eigg - Armadale - Skye 8 jours / 7 nuits L es Highlands sont l’une des dernières terres sauvages d’Europe où les jardins exotiques aux fougères géantes ne s’expliquent que par la grâce du Gulf Stream. Autre miracle de la nature, les montagnes aux roches déchiquetées, aiguilles, vallées profondes, escarpements abrupts… Rien ici ne saurait être commun. Selon la légende, c’est au VIe siècle que Nessie, le monstre, fit sa première apparition avant de se laisser prendre en photo dans les années 1930. À ce jour, le Loch continue à être exploré. Le mystère reste entier, mais l’histoire est très sérieuse ! Partout la fascinante silhouette des châteaux, les ponts-levis et les tourelles vous conduiront sur les traces de Bonnie 98 Prince Charlie, le dernier des Stuart. Cette croisière offre la particularité de traverser un pays de montagnes, âpre et mystérieux, de naviguer sur des lochs d’eau douce et de glisser, au gré d’une écluse, dans l’eau salée des fjords. Une traversée unique tout comme ce pays qui garde ses traditions avec tartans, kilts et cornemuses ! Vous naviguerez à bord du M/V Lord of the Glens, un véritable petit yacht au raffinement très british. Il a été reconstruit pour répondre aux exigences d’une navigation combinant le passage des écluses étroites du canal calédonien et le cabotage côtier, le long du littoral marin de l’Écosse. Il est à présent le seul navire à pouvoir entreprendre cette croisière mixte. Moments forts • Glenfinnan • Duart Castle • L’abbaye d’Iona • Traversée du Loch Ness • Les paysages fabuleux des montagnes Cuillins mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine EMBARQUEZ / CROISIÈRES LES CROISIÈRES M ARITIMES 2016 – De mai à novembre 2016, Rivages du monde propose 15 croisières maritimes : 9 du Groenland au Grand Nord russe et 6 en Méditerranée. A vec le M/S Astoria, c’est à une toute nouvelle aventure maritime que vous êtes conviés. Accueillant 500 passagers, ce paquebot à taille humaine offre une grande salle de spectacle, un auditorium, un vaste restaurant, des espaces extérieurs bien équipés, plusieurs salons et bars intimistes... Les croisières maritimes se succèdent sans se répéter : de l’Atlantique nord à l’océan Arctique et en Méditerranée, 15 itinéraires uniques vous entraînent le long de côtes et d’îles, pour certaines célèbres et réputées et pour d’autres méconnues et sauvages. Vous retrouverez les grands classiques de la Norvège, de la Grèce ou de l’Italie toujours agrémentés d’une touche d’originalité, d’une escale inédite dont vous rêviez depuis longtemps, au milieu d’une nature grandiose. Vous pourrez choisir d’approfondir un seul pays ou enchaîner deux croisières et découvrir ainsi plusieurs facettes d’une région. Le vaste choix d’excursions proposées, la qualité des conférenciers francophones et des invités qui ne manqueront pas de vous passionner, la créativité des spectacles conçus par des artistes renommés, sont autant de façons de partager l’expérience d’un voyage inoubliable. Rivages du monde, fidèle à sa vocation culturelle, a conçu ses croisières maritimes en traçant des itinéraires permettant d’appréhender une culture dans sa globalité, pour mieux comprendre les liens historiques ou encore les glissements d’une civilisation à l’autre. Ce choix permet à chacun d’enrichir sa croisière par des sites incontournables ou des escales hors des sentiers battus. 99 RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016 CROISIÈRES / EMBARQUEZ NORD EUROPE TOUR D’IRLANDE Du 11 au 19 mai 2016 : 9 jours / 8 nuits Landes sillonnées de murets de pierres, falaises, côtes déchiquetées, pâturages et montagnes, l’Irlande fait briller tous les verts de sa nature sauvage et préservée. L’Irlande c’est aussi de nombreux châteaux forts, des vestiges d’abbayes, des tours et des croix celtiques. Elle recèle une architecture des plus intéressantes, notamment de beaux édifices victoriens que vous pourrez admirer à Cork, Belfast ou encore Dublin, qui, par ses espaces verts, ses rues animées, ses pubs et ses quais a su préserver un charme fou. Points forts • Départ et retour de Honfleur sans avion • Le tour complet de l’Irlande • Des escales à Jersey, Dublin et Belfast LES ÎLES BRITANNIQUES Du 19 au 29 mai 2016 : 11 jours / 10 nuits De l’Irlande à l’Ulster, de l’Écosse à l’Angleterre, ce merveilleux itinéraire aborde des univers si différents ! Des landes romantiques de l’Irlande aux côtes déchiquetées de l’Écosse, de l’aristocratique Édimbourg à l’art nouveau de Glasgow, des jardins fleuris de Belfast aux mystérieuses pierres levées de Stonehenge ou de Callanish… Même si vous pensez connaître le Royaume-Uni, vous serez surpris et ébloui par tant de contrastes. Une croisière dépaysante rythmée par les villes fascinantes de Dublin, Glasgow, Belfast, Édimbourg, Oxford ou encore Londres. Points forts • Les plus belles villes du Royaume-Uni • Une nature grandiose au cœur du printemps • Les trésors du monde celte © Toutes les images : Shutterstock LES FJORDS DE NORVÈGE Du 29 mai au 5 juin 2016 : 8 jours / 7 nuits 100 Cette croisière au sud de la Norvège vous réserve une éblouissante découverte qui vous mènera vers des paysages légendaires. Bergen, la plus jolie ville du pays, concentre de magnifiques maisons colorées, témoignage unique de cette capitale de la Hanse. Stavanger, ville chaleureuse avec ses vieilles maisons de bois, est devenue capitale du pétrole depuis 1969. Entre ces deux capitales régionales, vous irez à la rencontre des fjords et votre croisière se transformera en une véritable féerie ! Points forts • Les plus beaux fjords • Les plus belles villes de la Norvège méridionale • Un itinéraire sans avion mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine EMBARQUEZ / CROISIÈRES DES FJORDS AU CAP NORD Du 28 juin au 7 juillet 2016 : 10 jours / 9 nuits Cette croisière côtière est un aller simple pour le cap Nord ! Des îles typiques, de vastes forêts denses, un littoral découpé qui dévoile des parois vertigineuses parsemées de cascades et coiffées de glaciers bleutés, et bien sûr, des fjords parmi les plus longs et les plus grandioses du monde, dont le célèbre Geiranger. Une navigation exceptionnelle qui vous emmènera au cœur des villages de pêcheurs des îles Lofoten, pour admirer ensuite le soleil de minuit du cap Nord à Tromso, porte d’entrée de l’océan Arctique réputée pour son architecture art nouveau… La magie du grand Nord est incomparable ! Points forts • Croisière côtière jusqu’au cap Nord • Le soleil de minuit • Le fascinant archipel des Lofoten SPITZBERG ET GRAND NORD RUSSE Du 7 au 15 juillet 2016 : 9 jours / 8 nuits Entre les eaux glaciales de la mer de Barents, une navigation exceptionnelle vous attend le long de ces vastes étendues de toundra parcourues par les eaux des rivières et des lacs et peuplées d’éleveurs de rennes. Par le fjord de Mourmansk, vous pénétrerez au coeur de cette Russie qui fut longtemps interdite à tout étranger. Au-delà, vous mettrez le cap sur le Spitzberg : glaciers grandioses, stations arctiques où se retrouvent les scientifiques du monde entier, le Spitzberg est un monde magique et un trésor de la planète… Points forts • Le Spitzberg • Le Grand Nord russe et norvégien • La baie de la Madeleine SPITZBERG ET ÎLES LOFOTEN Du 15 au 25 juillet 2016 : 11 jours / 10 nuits À mi-chemin du cap Nord et du pôle Nord, le jour, en cette saison, ne se couche plus. C’est là, sur un archipel encore peuplé par les ours blancs, que votre bateau met le cap : le Spitzberg. Glaciers grandioses, toundra, stations arctiques habitées par des scientifiques venus du monde entier… Vers le sud, en longeant les côtes en dentelles des fjords de la Norvège, vous mesurerez, au regard des villages et des villes, que vous avez touché le bout du monde : une véritable expédition vers les terres les plus inhabitées de la planète. Points forts • Le Spitzberg et îles Lofoten • Des paysages grandioses • Bergen, la ville hanséatique 101 CROISIÈRES / EMBARQUEZ RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016 CAP SUR L’ISLANDE Du 25 juillet au 3 août 2016 : 10 jours / 9 nuits Paysage minéral battu par les vagues, plages de sable blanc, eaux turquoise ou d’émeraude comme autant d’ambiances tropicales trompeuses ; de glace et de feu, de vapeur et de givre… Si l’Islande possède une nature incomparable, c’est loin d’être son seul attrait ! En refaisant le voyage des premiers colons, vous vous glisserez dans la légende et l’épopée médiévale que sont Les Sagas islandaises. Entre histoire et réalité, fantaisie et poèmes épiques, Les Sagas font partie de l’identité islandaise. Points forts • La découverte des Shetland • Les îles Féroé • L’Islande par monts et par fjords ISLANDE ET GROENLAND Du 3 au 15 août : 13 jours / 12 nuits L’Islande et le Groenland ont toujours suscité la plus vive curiosité. Ces terres qui ont symbolisé l’audace des Vikings figurent aussi comme les plus forts paroxysmes de la nature entre glaciers et volcans. Il reste peu de régions sur terre pour éveiller autant l’attrait de l’inconnu. Cette croisière vous révèlera la féerie des paysages islandais, les plus renversants de la planète, avant d’aborder le Groenland qui voit sa calotte glaciaire diminuer et son territoire devenir peut-être le prochain eldorado. Points forts • Une découverte approfondie de l’Islande • 4 escales impressionnantes au Groenland • L’approche de territoires inaccessibles et fabuleux Longer et aborder le Groenland est une aventure hors du commun, où la nature a tous ses droits. Imaginez un territoire grand comme quatre fois la France avec seulement 5 6 370 habitants. L’Islande n’est pas en reste pour se donner en spectacle avec effets spéciaux, puisque le feu court sous la robe froide de cette île mystérieuse. L’Irlande à côté de ces extrêmes, serait presque atypique, si elle n’avait le charme et la douceur de son climat, les légendes et l’esprit festif de son peuple. Points forts • 4 escales au Groenland dont la baie de Disko et le fjord glacé d’Ilulissat • Navigation dans le détroit du prince Christian Sund • Paysages somptueux d’Islande et d’Irlande 102 © Toutes les images : Shutterstock GROENLAND, ISLANDE, IRLANDE Du 15 au 28 août : 14 jours / 13 nuits mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine EMBARQUEZ / CROISIÈRES SUD EUROPE TUTTA ITALIA Du 4 au 15 septembre 2016 : 12 jours / 11 nuits Cette croisière d’exception est une véritable tarentelle, une danse maritime qui vous fera faire le tour des côtes italiennes. De la Rome antique aux sites de Pompéi et de Taormine, de belles promenades vous initieront à l’un des plus spectaculaires berceaux de notre civilisation. Ces musées à ciel ouvert sont d’autant plus émouvants qu’ils se dressent au coeur des cités où la vie s’est perpétuée, où l’art s’est poursuivi avec la chrétienté. De la Toscane aux Pouilles, de la Sicile aux îles Lipari, une poésie ineffable se mêle aux paysages les plus somptueux… avant d’aborder Venise, la tête comblée de trésors. En option, un très riche programme musical viendra enrichir la croisière avec des concerts et représentations que nous avons choisis avec les plus grands spécialistes (voir page 85). Points forts • Un itinéraire exclusif tout autour de l’Italie • Rome, Florence, Syracuse, Venise • En option, des concerts dans des lieux prestigieux ESCALES EN CROATIE Du 15 au 24 septembre 2016 : 10 jours / 9 nuits Depuis Venise, aborder la Croatie par la mer, c’est faire le plus beau des voyages tant ce pays, ourlé par sa côte découpée et sa dentelle d’îles, se caractérise par cette façade maritime extraordinaire ! Comme sa géographie, l’histoire de la Croatie, au frottement de la Méditerranée et des Balkans, se façonna par la mer, depuis la Rome antique jusqu’aux puissants Vénitiens qui marquèrent profondément la Dalmatie. Dubrovnik, ville-forte, en est le symbole le plus éblouissant. Concentré de trésors, la Méditerranée vous réserve encore bien des surprises comme cet étrange fjord que sont les Bouches de Kotor au Monténégro ou encore les péripéties malheureuses du peuple albanais qui redouble de créativité pour oublier ses décennies de dictature et d’isolement. Points forts • Des paysages époustouflants • Des villes d’art : Venise, Split, Dubrovnik • Des églises paléochrétiennes et byzantines rares 103 CROISIÈRES / EMBARQUEZ RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016 ODYSSÉE GRECQUE Du 24 septembre au 3 octobre 2016 : 10 jours / 9 nuits Comme le dit Lawrence Durrell, « quelque part entre la Calabre et Corfou, commence le vrai bleu ». C’est cette couleur bleu-outremer qui domine votre croisière homérique et vous accompagne dans cette myriade d'îles aussi belles que riches en histoire. Cette couleur que connurent sans doute Ulysse et Jason… D’Olympie à Épidaure, d’Athènes à la Crète, les plus beaux monuments de la période antique vous donnent rendez-vous. Il y aura aussi les petits ports de pêche, les maisons cubiques, les moulins, les petites églises et les pavés soulignés de blanc, tout le charme de la Grèce avant d’aborder la Crète et ses paysages grandioses qui ont vu éclore l'une des plus brillantes civilisations. Points forts • Les plus beaux sites antiques • Un grand choix d’excursions • De l’Adriatique à la mer Égée et à la Crète © Toutes les images : Shutterstock MER EGÉE, TRÉSORS DE LA GRÈCE ANTIQUE Du 3 au 12 octobre 2016 : 10 jours / 9 nuits 104 Dans la mythologie, les dieux furent particulièrement généreux avec les hommes. Poséidon leur donna le cheval, Athéna l’olivier et Zeus le feu. Ainsi la vie, dès l’origine, reposait-elle sur le don, l’agapé, disent les Grecs, l’amour désintéressé, celui qui accueille et qui reçoit. Au cours de cette croisière exceptionnelle, sur les traces de Phidias, d’Eschyle, Euripide, Sophocle et des dieux mythologiques, vous découvrirez à votre tour ce que la Grèce nous apporte encore aujourd’hui. Diogène au XXIe siècle applaudirait encore, tant la Grèce possède toujours la grâce de sa lumière, la beauté simple de ses îles, son bleu marin, ses prières et ses offrandes aux parfums d’encens, sa dignité… Points forts • Quatre millénaires d’histoire • Athènes • Les monastères suspendus des Météores mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine EMBARQUEZ / CROISIÈRES AUX SOURCES DE LA CIVILISATION Du 20 au 30 octobre 2016 : 11 jours / 10 nuits Il faut parfois faire un retour aux sources pour apprécier le mélange de croyances, d’influences, d’échanges et d’art nécessaires à cette voie majeure de progrès et de vie que l’on appelle civilisation. La Méditerranée en est le reflet. Toutes ses côtes témoignent et dessinent ce monde qui fut sous domination grecque, romaine, byzantine, ottomane, angevine, souabe, vénitienne. Cette croisière d’exception vous entraîne vers une multitude de facettes, une véritable mosaïque qui, de la Grèce à l’Albanie, de la Croatie à l’Italie, fait se croiser et vibrer les cultes, les langues, les légendes, et se répondre les architectures parmi les plus splendides et les mieux préservées de la Mare Nostrum. Points forts • 3 000 ans d’histoire • De la mer Égée à l’Adriatique • Athènes, Dubrovnik, Split, Taormine • Des sites méconnus ÎLE DE BEAUTE ET CÔTES ITALIENNES Du 30 octobre au 5 novembre 2016 : 7 jours / 6 nuits Seule une croisière peut concentrer autant d’ambiances et de richesses différentes ! Des plus prestigieux vestiges de Rome au précieux patrimoine de la Renaissance toscane, de l’art baroque au souvenir émouvant de l’enfance de Napoléon, l’histoire de notre civilisation défile dans une succession de paysages et de sites grandioses. En Corse, en Sardaigne, vous pourrez aussi aller à la rencontre d’un artisanat qui a su préserver ses traditions séculaires et ses produits gourmands. Autour de Florence et de Rome, une large palette d’excursions vous entraînera vers les chefs-d’œuvre tels que la basilique Saint-Pierre de Rome, le Camposanto de Pise, le coeur historique de Sienne et la merveilleuse petite ville de Lucques et sa place en forme de théâtre à l’italienne. Points forts • Des villes d’art et des sites grandioses • Florence et Rome • Un grand choix d’excursions hors des sentiers battus 105 RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016 DESTINATIONS FLUVIALES 2016 : AU FIL DU SAINT-LAURENT À BORD DU M/V SAINT LAURENT PRESTIGE Du 11 au 21 juin 2016 Du 20 au 30 juin 2016 Du 29 juin au 09 juillet 2016 Du 31 août au 10 septembre 2016 Du 09 au 19 septembre 2016 Du 18 au 28 septembre 2016 Du 27 septembre au 07 octobre 2016 Du 06 au 16 octobre 2016 LE DANUBE IMPÉRIAL À BORD DU M/S AMADEUS BRILLIANT OU ELEGANT SENS BUCAREST-MUNICH du 19 au 30 mai 2016 du 24 mai au 04 juin 2016 du 10 au 21 juin 2016 du 15 au 26 juin 2016 du 19 au 30 septembre 2016 du 25 septembre au 06 octobre 2016 SENS MUNICH-BUCAREST du 08 au 19 mai 2016 du 13 au 24 mai 2016 du 30 mai au 10 juin 2016 du 04 au 15 juin 2016 du 08 au 19 septembre 2016 du 14 au 25 septembre 2016 LE DANUBE MUSICAL À BORD DU M/S AMADEUS ROYAL SENS MUNICH-BUDAPEST du 31 mai au 07 juin 2016 du 14 au 21 juin 2016 du 08 au 15 septembre 2016 du 22 au 29 septembre 2016 SENS BUDAPEST-MUNICH du 07 au 14 juin 2016 du 21 au 28 juin 2016 du 15 au 22 septembre 2016 du 29 septembre au 06 octobre 2016 JOYAUX DE RUSSIE À BORD DU M/S KANDINSKY PRESTIGE SENS MOSCOU-ST PETERSBOURG Du 18 au 28 mai 2016 Du 07 au 17 juin 2016 Du 27 juin au 07 juillet 2016 Du 17 au 27 juillet 2016 Du 06 au 16 août 2016 Du 26 août au 05 septembre 2016 Du 15 au 25 septembre 2016 106 SENS ST PETERSBOURGMOSCOU Du 28 mai au 07 juin 2016 Du 17 au 27 juin 2016 Du 07 au 17 juillet 2016 Du 27 juillet au 06 août 2016 Du 16 au 26 aout 2016 Du 05 au 15 septembre 2016 CROISIÈRE EN CHINE SUR LE YANG TSÉ À BORD DU M/S YANGZI EXPLORER Du 26 mars au 09 avril 2016 ENTRE MYTHES & LEGENDES CROISIÈRES DANS LES HIGHLANDS D’ÉCOSSE À BORD DU M/V LORD OF THE GLENS SENS INVERNESS-KYLE OF LOCHALSH Du 16 au 23 mai 2016 Du 19 au 26 septembre 2016 SENS INVERNESS-KYLE OF LOCHALSH Du 06 au 13 juin 2016 L’OR DU DOURO À BORD DU M/S DOURO CRUISER Du 10 au 17 juillet 2016 DE LA BOHÈME À LA SAXE À BORD DU M/S FLORENTINA Du 08 au 16 juin 2016 Du 14 au 22 septembre 2016 SANTIAGO, BUENOS AIRES ET CROISIÈRE EN PATAGONIE À BORD DU M/N VIA AUSTRALIS du 22 mars au 04 avril 2016 CROISIÈRE AU FIL DU MÉKONG À BORD DU R/V MEKONG PRESTIGE DE SAÏGON AUX TEMPLES D’ANGKOR Du 15 au 27 mars 2016 Du 29 mars au 10 avril 2016 DES TEMPLES D’ANGKOR À SAÏGON Du 21 mars au 02 avril 2016 Du 04 au 16 avril 2016 DESTINATIONS MARITIMES 2016 : Du 11 au 19 mai 2016 Tour d’Irlande 9 jours/8 nuits Du 15 au 28 août 2016 Groenland-Islande-Irlande 14 jours/13 nuits Du 19 au 29 mai 2016 Îles britanniques 11 jours/10 nuits Du 04 au 15 septembre 2016 Tutta Italia 12 jours/11 nuits Du 29 mai au 05 juin 2016 Fjords de Norvège 8 jours/7 nuits Du 15 au 24 septembre 2016 Escales en Croatie 10 jours/9 nuits Du 28 juin au 07 juillet 2016 Des fjords au cap Nord 10 jours/9 nuits Du 24 septembre au 03 octobre 2016 Odyssée grecque 10 jours/9 nuits Du 07 au 15 juillet 2016 Spitzberg et Grand Nord russe 9 jours/8 nuits Du 03 au 12 octobre 2016 Mer Égée, trésors de la Grèce antique 10 jours/9 nuits Du 15 au 25 juillet 2016 Spitzberg et îles Lofoten 11 jours/10 nuits Du 20 au 30 octobre 2016 Aux sources de la civilisation 11 jours/10 nuits Du 25 juillet au 03 août 2016 Cap sur l’Islande 10 jours/9 nuits Du 30 octobre au 05 novembre 2016 Île de Beauté et côtes italiennes 7 jours/6 nuits Du 03 au 15 août 2016 Groenland-Islande 13 jours/12 nuits POUR NOS CONTACTS www.rivagesdumonde.fr/contact NOUS CONTACTER Rivages du monde Siège social 19 rue du 4-septembre 75002 PARIS Rivages du monde Accueil clients 1er étage 19 rue du 4-Septembre 75002 PARIS VENEZ RENCONTRER NOS CONSEILLERS CLIENTS du lundi au vendredi de 9h à 18h. Vous pouvez également nous joindre au +33 (0)1.58.36.08.36 POUR UNE DEMANDE DE DEVIS OU UNE RÉSERVATION [email protected] POUR TOUT AUTRE RENSEIGNEMENT [email protected] NOS PRODUITS EN VENTE AU DÉPART DE LA BELGIQUE Bureau de représentation à Bruxelles Rue de la Montagne, 60 1000 BRUXELLES BELGIQUE Tél : +32 (0)2.502.1881 Fax : +32 (0)2.777.0102 INS TA N TA NÉ GR A ND A NGL E Bouches de Kotor – Monténégro L’église de Notre-Dame du Rocher de Pérast, d’architecture baroque, se situe face à la ville de Kotor. Ce site absolument somptueux a été classé par le célèbre guide Lonely Planet comme destination n°1pour l’année 2016. Entre une nature exceptionnelle faite de montagnes qui plongent dans une eau transparente et des bâtisses en vieilles pierres, c’est une invitation au dépaysement et à la contemplation qui s’offre aux visiteurs dans l’un des fjords monténégrins les plus beaux de la mer Adriatique. INS TA N TA NÉ ZOOM Mer Méditerranée – Corse Le corail de Corse est réputé pour offrir une palette exceptionnellement riche de formes et de couleurs, notamment rouge. Il est aussi un écosystème fragile nécessaire pour la faune marine qui est aujourd’hui menacé de disparition. En cause, son exploitation commerciale à destination de la population locale et des touristes, sous la forme de pendentifs et autres objets bijoux. Outre son prix cher qui en fait un bien très prisé, il est traditionnellement offert pour protéger une personne du mauvais sort. LA MÉDITERRANÉE A L BA NIE Tirana : urbanisme en couleurs Magazine RIVAGES DU MONDE / N°3 / 2016 I TA L IE E SC A L E S EN MÉDI T ERR A NÉE – Naples en 6 lieux insolites Carrefour de civilisations GR ÈCE “ Mes pensées dorment si je les assieds. Mon esprit ne va, si les jambes ne l’agitent. Montaigne RDM MAGAZINE / N°3 / 2016 Météores, les monastères suspendus K NO S S O S RDM magazine / n°3 / 2016 – 10 € Mythes et controverses