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LA MÉDITERRANÉE
A L BA NIE
Tirana :
urbanisme en couleurs
Magazine RIVAGES DU MONDE / N°3 / 2016
I TA L IE
E SC A L E S EN
MÉDI T ERR A NÉE
–
Naples en 6 lieux insolites
Carrefour
de civilisations
GR ÈCE
“
Mes pensées dorment
si je les assieds.
Mon esprit ne va,
si les jambes ne l’agitent.
Montaigne
RDM MAGAZINE / N°3 / 2016
Météores, les monastères
suspendus
K NO S S O S
RDM magazine / n°3 / 2016 – 10 €
Mythes et controverses
INS TA N TA NÉ GR A ND A NGL E
Bouches de Kotor – Monténégro
L’église de Notre-Dame du Rocher de Pérast, d’architecture baroque, se situe face à la ville
de Kotor. Ce site absolument somptueux a été classé par le célèbre guide Lonely Planet
comme destination n°1pour l’année 2016. Entre une nature exceptionnelle faite de montagnes qui plongent dans une eau transparente et des bâtisses en vieilles pierres, c’est une
invitation au dépaysement et à la contemplation qui s’offre aux visiteurs dans l’un des fjords
monténégrins les plus beaux de la mer Adriatique.
INS TA N TA NÉ ZOOM
Mer Méditerranée – Corse
Le corail de Corse est réputé pour offrir une palette exceptionnellement riche
de formes et de couleurs, notamment rouge. Il est aussi un écosystème fragile
nécessaire pour la faune marine qui est aujourd’hui menacé de disparition.
En cause, son exploitation commerciale à destination de la population locale
et des touristes, sous la forme de pendentifs et autres objets bijoux. Outre
son prix cher qui en fait un bien très prisé, il est traditionnellement offert pour
protéger une personne du mauvais sort.
édito
“Q
u'est-ce que la Méditerranée ? Mille choses à la fois, non pas un paysage, mais d’innombrables
paysages, non pas une mer, mais une succession de mers, non pas une civilisation, mais des
civilisations entassées les unes sur les autres ”, analysait l’historien Fernand Braudel
parlant de ce carrefour de peuples, de cultures, de religions et de langues. Parmi
ces mers méditerranéennes, l’Adriatique résume et concentre à elle seule la riche
histoire dont nous sommes les héritiers. Tour à tour axe central de l’Antiquité
romaine puis frontière entre l’Orient et l’Occident, depuis la rivalité entre Venise et l’Empire ottoman,
ou plus récemment durant la guerre froide, l’Adriatique fonctionne comme le théâtre privilégié d’une
épopée millénaire. Des ruines légendaires de Knossos à la vitalité de Naples, des monastères orthodoxes
des Météores aux édifices staliniens de Tirana, le voyageur d’aujourd’hui, tel un Ulysse des temps
modernes, fait l’expérience que nos civilisations ne sont pas « mortelles ». Mais au contraire, faisant
mentir Paul Valéry, qu’elles se reconstruisent et se nourrissent des ruines qui les ont précédées. Cette
odyssée, historique et méditerranéenne, c’est celle que vous propose ce numéro de RDM magazine. RdM
Sébastien Righi
3
sommaire
DA NS L A VAGUE
DOSSIER
Billet d'humeur
006
Philosophie : l'exotisme
007
Questionnaire bateau...
Christophe Barbier
008
Tendances économiques
010
Économie en images :
l'huile d'olive
012
Tendances politiques
013
Icône : la fontaine de Trevi
014
La chronique théâtre :
Romeo Castellucci
016
La chronique danse :
Dimitris Papaioannou
018
La chronique musique :
la chanson populaire italienne
020
Actualités musicales
022
L’actualité des expositions
024
La chronique livres :
Donna Leon
026
L’actualité littéraire
027
La Méditerranée :
carrefour de civilisations
028
Les Balkans : point de rencontre
historique des civilisations
030
L'Adriatique : théâtre des rivalités
vénéto-ottomanes
032
Grèce-Albanie :
les identités incertaines
036
Entretien avec
Jean-Louis Labarrière, philosophe
040
Regards croisés sur la crise grecque
044
Athènes : le renouveau
malgré la crise
045
–
4
–
P OR T FOL IO
–
Mimmo Jodice,
les mythes méditerranéens
048
ESC A L ES
–
Albanie : Tirana
062
Grèce : les Météores
066
Grèce : le palais de Knossos
067
Naples en 6 lieux insolites
070
ours
RIVAGES DU MONDE
19 rue du 4 Septembre, 75002 Paris
Tél. : +33 (0)1-49-49-15-50
Internet : www.rivagesdumonde.fr
EN V R AC
–
Sport : les clubs de football d'Istanbul
074
Nutrition: le régime crétois
075
Mode : la bagagerie de luxe
076
Le vignoble sicilien
de Carole Bouquet
078
Portrait : Gérard Passédat
079
Recette : le tyropitakia
080
Portrait chinois
082
Président-directeur général :
ALAIN SOULEILLE
Corporate : SÉVERINE MOREAUBERTRAND DELAUNAY
SOCRATE ABDOUKADIROV ADELINE SEVEL -MYKOLA PRONIN
Directeur de publication : DAVID DIBILIO
Coordination éditoriale et photo :
FLORIAN CHAVANON
–
Rédaction
F+S ÉDITIONS – 72 bis av. de Flandre, 75019 Paris
Tél. : +33 (0)1-46-07-22-67
Mail : [email protected]
Rédacteur en chef : SÉBASTIEN RIGHI
([email protected])
Directrice artistique : MATHILDE FORMAGNE
Maquettiste : LUCY MAGDO
Rédacteur en chef adjoint : FLORIAN CHAVANON
([email protected])
Secrétariat de rédaction :
STUDIO LES CORRECTEURS
Rédaction : TINA BESSE,
MICHEL CHANDEIGNE, FLORIAN
DELISLE, DAVID DIBILIO, FLORIAN GAITE,
CHARLOTTE LATOUR, CHARLOTTE
LIPINSKA, CHRYSTELE MOLLON,
MYRTILLE RAMBION, BETTIE SANS,
FRANCINE THOMAS, VINCY THOMAS.
Ont également participé à ce numéro :
MARI-MAI CORBEL, LAURENT
DOMBROWICZ, JEAN-ARNAULT DÉRENS,
MARIE DOMPER, LAURENT GESLIN,
KRISTINA MITALAITÉ, PAUL PARIS,
SIMON RICO, COSIMO RAZZI
Abonnement : [email protected]
Publicité : [email protected] - +33(0)7-877-12-878
–
EMBARQUEZ
–
Toute l’actualité de Rivages du monde
084
Le partenariat Rivages du monde –
Deutsche Grammophon
085
Portrait : Mykola Pronin,
chef de produit
086
Bateau à la loupe : l’Astoria
088
Le catalogue des croisières
090
Fabrication IMPRIMERIE CENTRALE
15 rue du Commerce L-1351 Luxembourg
Tél. : +352-48-00-22-1
Imprimé au Luxembourg.
ISBN 979-10-95186-01-4
ISSN : en cours
Dépôt légal : mars 2016
© F+S ÉDITIONS
La reproduction même partielle, des articles
et illustrations publiés dans RDM le magazine
Rivages du monde est interdite.
F+S ÉDITIONS est une société
à responsabilité limitée.
R.C.S. Paris 808 354 344
–
L’ensemble de la production de ce magazine
est certifié PEFC. L’ensemble du processus est
garanti par les systèmes internationaux les plus
stricts de certification de gestion durable des forêts.
–
Images de couvertures et suivantes Shutterstock – 1ère : © Paul D Smith
2e : © Sergey Dikarev ; 3e : © frantisekhojdysz
Édito : © Giuseppe Parisi
5
RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016
BILLET D´HUMEUR / DANS LA VAGUE
L’INS TA N T PHO T O
–
Amies et amis croisiéristes, envoyez-nous vos photos à [email protected],
nous les publierons dans notre prochain numéro.
Église dans
un petit village,
Grèce
Véronique Mauduit
>
>
Vue sur le port de Messine,
Italie
Fabian Ciovani
S’
il est un sujet avec
lequel on ne plaisante
pas en Italie – en dehors
évidemment de la
mamma –, c’est bien la pizza ! Attention,
je ne fais pas référence à celle que l’on
sert souvent de ce côté-ci des Alpes,
y compris dans les autoproclamés
restaurants italiens de la capitale
(exception faite pour le sud-est de
la France). Non, je parle de la vraie pizza,
celle qui est désignée par tout Italien
qui se respecte comme LE patrimoine
culinaire par excellence et dont
la recette (il n’en existe que deux versions
officiellement reconnues), qui doit
respecter un certain nombre de critères
extrêmement précis allant jusqu’à
la hauteur des bords, a même été choisie
par l’Italie pour être candidate à la
liste très select du patrimoine culinaire
6
V I VA L A PI Z Z A !
–
Par Marie Domper ¬
immatériel de l’humanité de l’UNESCO.
Bref, je parle de la pizza napolitaine,
celle qui vous met les larmes aux yeux
de bonheur dès la première bouchée.
Mine de rien, l’affaire est extrêmement
sérieuse en Italie, on ne rigole pas avec
ça, même si l’on s’appelle McDonald’s.
Le géant du fast-food en a effectivement
fait les frais à ses dépens il y a quelques
mois. En cause, un spot télévisé dans
lequel est attablée une famille en train
de consulter le menu d’une pizzeria.
Le serveur demande alors au petit
garçon quelle pizza il a choisie, et il
bambino de répondre : « Un Happy Meal ! »
Le spot se termine sur ce slogan : « Ton
fils, lui, n’hésite pas. » La bombe était lâchée.
Sacrilège ! Les pizzaïolos offusqués crient
au scandale, allant jusqu’à parler de
véritable blasphème. Une pétition a été
lancée pour réclamer au conseil supérieur
de l’audiovisuel italien l’interdiction
du spot. L’affaire est même remontée
jusqu’au Parlement car, ironie du sort, l’un
des principaux sponsors de l’Exposition
universelle de Milan n’était autre que…
McDonald’s. Finalement les pizzaïolos
ont préféré jouer la carte de l’humour en
diffusant à leur tour un spot, dans lequel
un petit garçon déclare à son père qui
l’emmène au fast-food : « Que veux-tu que
je fasse de ce truc dégueulasse ? (sic) Je veux
une pizza ! » Pari réussi, la vidéo a fait le
buzz sur Internet et les Napolitains de
se sentir plus fiers que jamais de leurs
traditions culinaires. Personnellement,
nul besoin d’une campagne publicitaire
pour faire mon choix, et croyez-moi,
vous aussi, si vous mettez un pied dans
une pizzeria à Naples, vous n’aurez plus
jamais envie d’emmener vos enfants au
fast-food.
RdM
mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine
V ICES E T
V ERT US DE
L’E XOT
ISME
–
Par Adèle Van Reeth,
Philosophe et productrice
à France Culture des Nouveaux chemins
de la connaissance ¬
A
ccoudé à la balustrade qui surplombe l’océan,
vous admirez les reflets du soleil dans l’eau salée, les paysages de pierres bordées de cyprès et
l’élégance avec laquelle le rivage s’émiette dans
la mer en petits rochers dentelés. La lumière de
fin d’après-midi et la brise qui souffle sur votre joue vous enveloppent d’une douceur inattendue. Cet instant que vous seriez
prêt à qualifier de magique est soudain interrompu par les onomatopées de votre voisin : trop de vent, plus assez de soleil, et
puis, argument ultime prononcé en haussant les épaules avant
de retourner dans sa cabine : « On a déjà vu ça cent fois. » Amusé
par un tel décalage, vos lèvres esquissent un sourire, puis se rétractent : et s’il avait raison ? Et si l’intensité de votre expérience
ne s’expliquait pas tant par la beauté du paysage (dont le râleur
vient de démontrer le caractère non objectif) que par le fait que
vous le contemplez pour la première fois ?
« Ce qui fait le charme et l’attrait de l’Ailleurs, de ce que nous appelons
exotisme, ce n’est tant point que la nature y soit plus belle, mais que tout
nous y paraît neuf, nous surprend et se présente à notre œil dans une sorte
de virginité », note André Gide dans son Journal en 1935. Il importe
peu de savoir si votre voisin a véritablement assisté à ce spectacle
une centaine de fois. Ce qu’il exprime par cette phrase, c’est son
désintérêt pour ce qui fait le sel de tout périple : l’exotisme. En
quoi celui-ci serait-il le secret d’un voyageur satisfait – et donc
d’un voyage réussi ?
De même que la beauté n’est pas dans le coucher de soleil, mais
dans l’œil de celui qui le contemple, aucun objet perçu n’est exotique en soi, ce que remarque l’écrivain Tzvetan Todorov dans
son essai Nous et les autres. « L’exotisme valorise non un contenu stable,
DANS LA VAGUE / CHRONIQUE PHILOSOPHIQUE
mais un pays ou une culture définis exclusivement par le rapport que
l’observateur entretient avec eux. » Ce rapport, c’est celui de l’étrangeté, mais, à la différence du racisme, qui procède selon une logique similaire, l’exotisme attribue d’emblée une valeur positive
à l’altérité. « Il établit une comparaison entre Nous et les Autres au sein
de laquelle les seconds sont jugés meilleurs que les premiers en raison
même de leur différence », poursuit Tzvetan Todorov. De ce goût
pour l’étrangeté, Victor Segalen, l’auteur du premier Essai sur
l’exotisme publié au début du XXe siècle, déduit une pratique qui,
bien menée, conduit à la jouissance : « L’exotisme est tout ce qui est
autre. Jouir de lui est apprendre à déguster le divers. » Celui qui pratique cet art de jouir porte un nom : c’est l’exote, qui recherche
la saveur de la différence comme d’autres goûtent la chair d’un
fruit. « Cette différence n’a pas besoin d’être très grande : le vrai exote,
tel un collectionneur sachant jouir d’infimes nuances entre les objets de
sa collection, apprécie le passage du rouge au rougeâtre encore plus que
du rouge au vert. »
Mais ce goût est loin d’être universel, en témoigne la moue désapprobatrice de votre compagnon de bord quand vous vous
seriez cru au paradis. Et un voyage entrepris sans affinité pour le
lointain et sans appétit pour l’étrange ou l’étranger en tant que
tel devient une véritable torture. C’est ce qui conduit Claude Levi-Strauss, quinze ans après une longue série d’expéditions menées au Brésil dans des conditions éprouvantes, à ouvrir le récit
de ses expériences par cette phrase : « Je hais les voyages et les explorateurs. » – Tristes Tropiques. Pour l’ethnologue, le voyage n’est
pas un but en soi, mais l’indispensable moyen pour mener à bien
ses travaux. L’exotisme devient alors une posture insupportable
qui consiste à qualifier de « beau » un objet ou un paysage pour
la seule raison qu’il nous est étranger. Ce n’est pas votre acolyte
grincheux qui lui donnerait tort. Ni Nicolas Bouvier, pour qui
l’exotisme est une affectation incompatible avec l’essence même
du voyage : « On ne voyage pas pour se garnir d’exotisme et d’anecdotes
comme un sapin de Noël, mais pour que la route vous plume, vous rince,
vous essore, vous rende comme ces serviettes élimées par les lessives qu’on
vous tend avec un éclat de savon dans les bordels. » – Le Poisson scorpion.
Ingrédient nécessaire au voyage ou écœurante coquetterie
des apprentis aventuriers ? Une chose est sûre : mieux vaut
fuir, en croisière, la compagnie des explorateurs – et des voisins grognons.
RdM
7
RDM Magazine / N°3 /mars– mai 2016
BA
Photographie C. Barbier © Florian Chavanon
U
TIONNAI
S
R
E
E
Q
INTERVIEW / DANS LA VAGUE
T E AU …
AVEC CHRISTOPHE BARBIER
–
Il dirige le magazine L’Express depuis maintenant dix ans. Habitué des salles de rédaction et des plateaux de
télévision, l’homme à l’écharpe rouge anime aussi des conférences durant des croisières.
–
Interview Florian Delisle ¬
RDM : Pourquoi avoir choisi de coorganiser des croisières ?
Christophe Barbier : La première
pour les soixante ans de L’Express a été un
tel succès et un tel bonheur à vivre qu’on
a voulu recommencer. Le mélange était
formidable, entre les visites culturelles,
le plaisir de la croisière et la chaleur
des rencontres : nous avons voulu
transformer cela en tradition annuelle !
RDM : Pour l’historien de
formation que vous êtes, la Grèce
où vous êtes allé devait être un
merveilleux retour aux sources ?
C. B. : On a eu la chance d’avoir un
conférencier formidable. Quand on est
avec un tel érudit à Delphes et à Olympie,
qui rend les choses aussi limpides, on a
l’impression de vivre en Grèce antique.
RDM : L’une des nombreuses
conférences portait sur le théâtre
grec. Vous êtes d’ailleurs monté sur
scène durant cette croisière…
C. B. : J’étais ravi qu’on puisse consacrer
assez de temps au théâtre grec. C’est plus
8
que du théâtre, c’est une manière de parler
« religion ». La démocratie, elle est venue
aussi par le théâtre. Cette année, on a
fait une sorte de politique-fiction où on
a simulé ce que seraient les premiers pas
l’an prochain d’un président de gauche ou
de droite, ou même d’extrême-droite.
RDM : Quelle est la chose qui vous a le
plus marqué lors de cette croisière ?
C. B. : C’est le souvenir de Delphes à
la nuit tombante. Les statues en ruine
dressées, les temples qui étaient encore
là, au loin des traces de stade ou de
voies… C'était vraiment magique.
RDM : Qu’est-ce qui vous plaît dans
la Méditerranée ?
C. B. : Tout l’aspect civilisationnel.
Je suis né en Haute-Savoie, je suis un
montagnard, la mer ça n’est pas mon
truc. Ce qui m’intéresse, c’est ce que les
hommes ont fait de la Grèce, et ce que
la Grèce a fait des hommes il y a plus de
2 500 ans. En parallèle de cette histoire, il
y a celle de la chrétienté, dont le mélange
va donner notre Europe.
RDM : Les croisiéristes ont-ils la
chance de vous croiser de manière
plus intime, sans votre fameuse
écharpe rouge ?
C. B. : Quand je joue sur scène des
personnages, je tombe l’écharpe rouge.
Sinon je l’ai toujours, du matin jusqu’au
soir ! J’ai accueilli tous les passagers au
départ à Marseille, et au gré des dîners ou
dans les couloirs, j’ai à peu près parlé avec
tout le monde, en tout cas avec tous ceux
qui le souhaitaient.
RDM : L’endroit où vous aimez passer
le plus de temps sur le bateau ?
C. B. : Je répondrais volontiers : la scène,
celle des conférences et des pièces de
théâtre ! Après, sur le pont supérieur du
bateau, le soleil couchant sur la mer, c’est
absolument divin.
RDM : Et prendre le large, c’est
quelque chose qui vous tente ?
C. B. : Non. Au contraire ce qui me tente,
c’est d’être à 110 % dans l’action. Ça me
rattrapera sans doute un jour, mais à mon
avis, pas avant la présidentielle 2017 !
mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine
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RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016
TENDANCES ÉCONOMIQUES / DANS LA VAGUE
GA ZODUC EN MÉDI T ER R A NÉE
–
Grèce
© Shutterstock
Le Premier ministre grec Alexis Tsipras a participé fin janvier 2016 au premier sommet
tripartite regroupant la Grèce, Chypre et Israël en vue de la construction d’un gazoduc
sous-marin reliant les trois pays à l’Europe. Les discussions ont notamment porté sur
l’exploitation des réserves de gaz découvertes en Méditerranée ces dernières années
dans les eaux nationales des trois pays. Les trois voisins envisagent de coopérer pour
exploiter ce potentiel énergétique et l’exporter.
La Turquie – qui revendique une partie de Chypre – s’y oppose mais l’Union
européenne, qui réduirait ainsi sa dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie,
apporte son soutien à ce projet.
Par Sébastien Righi ¬
CHÔM AGE R ECOR D
CHE Z L ES JEUNES
–
Croatie
Le taux de chômage atteignait les 16,2 %
en Croatie fin 2015 dont 43 % chez
les jeunes, dans un contexte général
difficile où la dette publique frôle
les 90 % du PIB. Le pays reste en effet
l’un des plus pauvres de l’Union
européenne malgré une timide reprise.
Alors que ce marasme économique
pousse la jeunesse à émigrer,
les élections législatives de novembre
2015 ont vu triompher la rhétorique
nationaliste en éludant tout débat sur
des solutions crédibles pour redresser
efficacement
l’économie
du pays.
Par S. R. ¬
43 %
10
L A SER BIE VA -T- EL L E R ACHE T ER
L E P OR T DE B A R ?
–
Monténégro
Le port de Bar devrait être privatisé en 2016. La Serbie, qui n'a
plus d'accès à la mer depuis que le Monténégro a obtenu son
indépendance en 2006, s'est dite intéressée par son rachat.
« Nous avons besoin du port de Bar pour revitaliser notre économie »,
a déclaré le Premier ministre Aleksandar Vucic. Principal port
de marchandises du Monténégro avec un trafic annuel autour
du million de tonnes, Bar est relié par le rail à Belgrade et une
autoroute est en construction. Avec la future ligne à grande vitesse
entre Budapest et la capitale serbe, le port de Bar pourrait devenir
stratégique pour approvisionner l'Europe de l'Est depuis
la Méditerranée.
Par Jean-Arnault Dérens ¬
mars– mai 2016 / N°3 / RDM Magazine
DANS LA VAGUE / TENDANCES ÉCONOMIQUES
F I AT B AT DES R ECOR DS
–
Italie
Après une année 2014 qui a renoué avec la croissance, le marché
automobile européen a confirmé sa vigueur en 2015 en se
clôturant par un mois de décembre euphorique. Avec 13,7 millions
de voitures vendues, l’association des constructeurs automobiles
européens (Acea) annonce une progression de 9,3 % pour
le continent cette année. L’Italie affiche un chiffre record avec
15,8 % d’immatriculations supplémentaires. Le groupe Fiat sort
gagnant de cette embellie économique. Le nombre de voitures
vendues s’élève à 872 000, soit 13,6 % de plus qu’en 2014 avec
une part de marché en hausse de 6,1 %. Le groupe dirigé par Sergio
Marchionne progresse de 18,3 % en Italie et de 13,9 % en France.
Et l’année 2016 s’annonce encore meilleure !
Par S. R. ¬
P ER INI N AV I
AUGMEN T E
S ON C A P I TA L
–
Italie
PAT R IMOINE
T OUR IS T IQUE
À V ENDR E
–
Avec une augmentation de capital
de 15 millions d’euros, le constructeur de
yachts de luxe installé à Viareggio, Perini
Navi, conforte sa croissance avec
59 bateaux actuellement en service dans
le monde. 2016 verra la mise à l’eau de
3 nouveaux yachts : un 38, un 60 et un
autre de 70 m.
Par S. R. ¬
Grèce
L’année 2015 s'est achevée par
l'officialisation de la cession de
14 aéroports grecs à l'opérateur allemand
Fraport pour 1,2 milliard d'euros,
et 2016 a commencé par la privatisation
d'Astir Palace, un vaste complexe
touristique de luxe près d'Athènes.
Le fond d'investissement Jermyn Street
Real Estate Fund, qui représente
des intérêts de Turquie, d'Abou Dhabi,
de Dubaï, du Koweït et d'autres émirats,
s'est porté acquéreur pour 400 millions
d'euros, dont un quart devrait revenir
à l'État grec. Depuis 2010, Athènes n'a
pourtant levé qu'environ 3,5 milliards
d'euros de recettes de privatisations alors
que l'objectif était de 50 milliards.
Par J.-A. D. ¬
COUP UR ES DE COUR A N T
–
Albanie
© Shutterstock
Après l'échec cuisant de la privatisation de l'OSHHE, l'EDF albanais, Tirana doit
restructurer en urgence le secteur de l'électricité. Pour renflouer les caisses de l'entreprise, qui a été renationalisée, le gouvernement socialiste a décidé d'augmenter les prix
de 30 %, en instaurant un tarif dégressif du kW/h suivant la consommation, et de couper l'électricité pour tout retard de paiement. Des mesures qui pénalisent les précaires.
Dans une Albanie où le chômage touche un actif sur trois, des quartiers entiers se sont
retrouvés sans électricité. À Kukës, une ville pauvre du nord, moins de 5 % des foyers
ont les moyens de payer leurs factures.
Par J.-A. D. ¬
50 M
11
RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016
TENDANCES ÉCONOMIQUES / DANS LA VAGUE
HUIL E D’OL I V E :
L’OR V ER T DES PAY S MÉDI T ERR A NÉENS
–
Par Tina Besse ¬
M ÉDI T ER R A NÉE
–
I TA L IE
–
GR ÈC E
–
En pole position
Coratina en danger
2 exportateur européen
Avec 1,4 million de tonnes en 2015 et
malgré de mauvaises récoltes ces deux
dernières années, l’Union européenne
reste de loin le 1er producteur mondial
d’huile d’olive devant la Tunisie – 73 % de
la production mondiale. L’UE représente
66 % de la consommation mondiale et
l’Italie détient le record
en Europe.
Cette variété très aromatique cultivée
dans les Pouilles est utilisée par tous
les producteurs d’huile du continent,
véritable charpente des huiles d’olive
vierges de haute qualité. Depuis 2014,
une bactérie, la xyllela fastidiosa,
a infecté près de 30 000 hectares.
Seul remède : brûler les arbres
contaminés.
Avec 300 000 tonnes en 2015, la Grèce
est devenue le 2e producteur européen
d’huile d’olive supplantant l’Italie
et derrière l’Espagne loin devant avec
841 000 tonnes. Avec 20 kg par Grec et
par an, la consommation d’huile d’olive,
la 3e en volume en Europe, connaît une
baisse sensible de 41 % depuis 2007.
I TA L IE
–
C ROAT IE & A L B A NIE
–
Les outsiders
M ÉDI T ER R A NÉE
–
Année noire pour l’or vert
En décembre dernier, le parquet
de Turin a ouvert une enquête contre
sept marques italiennes accusées d'avoir
qualifié d' « extra vierge » des huiles
simples, une tromperie confirmée par
des analyses menées par la gendarmerie.
Même s’il n’existe aucun risque
pour la santé, des sanctions sévères
sont attendues.
Le 28 décembre 2015, le ministre
de l’Agriculture albanais déclarait :
« Les huiles d’olive made in Albanie
connaissent une forte croissance à
l’exportation notamment vers l’Asie et
la Russie, avec une production de
11 000 tonnes en 2015. » La Croatie, de son
côté, a vu sa superficie oléicole doubler
en 10 ans.
Depuis l’été 2014, les pays
méditerranéens subissent les attaques
d’une mouche, la bactrocera olea,
qui se nourrit de la pulpe d’olive,
anéantissant les cultures. En Ombrie,
où les oliviers sont multi-centenaires,
la production a chuté de 45 % l'année
dernière. En conséquence, les prix ont
cru de 38 % en un an.
Toutes les images : © Shutterstock
e
Appellation frauduleuse
12
mars– mai 2016 / N°3 / RDM Magazine
DANS LA VAGUE / TENDANCES POLITIQUES
L E MON T ÉNÉGRO SE R A P P ROCHE DE L’O TA N
–
© Shutterstock
Jusqu’alors dans la sphère d’influence de Moscou,
le Monténégro opère un rapprochement inédit avec l’OTAN.
Un jeu d’alliances marqué par des enjeux de politique interne.
L’A L B A NIE SE V IDE
DE SES FORCES
V I V ES
–
Depuis la chute du communisme
en 1991, le pays des Aigles a vu
sa population chuter de 15 %.
La cause : une émigration
économique massive.
Le gouvernement socialiste d'Edi Rama
vient d'annoncer qu'il préparait un projet
de loi pour recenser tous les Albanais vivant à l'étranger à partir du 1er janvier 2016.
Selon les estimations officielles, plus d'un
million de ressortissants albanais seraient
aujourd'hui établis hors d'Albanie. « Faute
de pouvoir définir avec exactitude le nombre
d’Albanais vivant à l’étranger, l’État a du mal
Les touristes russes se presseront-ils
encore cet été par dizaines de milliers
sur les côtes du Monténégro ? Rien n'est
moins sûr. Le 2 décembre, les ministres
des Affaires étrangères des États membres
de l’OTAN ont « invité » ce petit pays de
650 000 habitants à rejoindre l'Alliance,
une décision perçue comme une « provocation » par Moscou. Dans les stations
balnéaires monténégrines, la baisse de
fréquentation des touristes russes est
d'ailleurs déjà sensible, provoquant la
chute des prix de l'immobilier.
Au pouvoir depuis 1991, le Premier ministre
Milo Dukanovic a choisi la carte occidentale, après avoir soutenu les guerres
de la Serbie en Croatie (1991-1995) et en
Bosnie-Herzégovine (1992-1995).
Durant le conflit du Kosovo (1999), Milo
Dukanovic sent le vent tourner et prend
ses distances avec Slobodan Milosevic,
le maître de Belgrade, avant d'orienter
son pays sur la voie de l'indépendance,
devenue effective après le référendum
de 2006. Des négociations d'adhésion sont
ensuite ouvertes avec l'UE en 2012, malgré
la persistance d'une corruption endémique.
Les affrontements qui ont éclaté
à Podgorica après une manifestation
de l'opposition le 24 octobre dernier ont
cependant montré que les personnes
au pouvoir étaient encore loin d'accepter
le développement dans la rue d'une
quelconque contestation politique.
Et l'arrestation le 17 décembre dernier
de Svetozar Marovic, l'ancien Président
de la Communauté d'États de Serbieet-Monténégro, véritable « boss » de la ville
de Budva, ressemble plus à un règlement
de compte interne au parti au pouvoir qu'à
une lutte systémique contre la corruption
des instances dirigeantes.
Reste que dans un contexte de tensions
avec Moscou, Milo Dukanovic agite avec
succès le spectre de la menace russe pour
convaincre les Occidentaux de lui apporter
leur soutien et réprimer les courants d'opposition, dont certains sont traditionnellement proches de Moscou. Au nom de la
« stabilité » des Balkans, le Premier ministre
monténégrin devrait donc, encore une fois,
réussir à sauver sa tête. Par J.-A. D. ¬
à offrir des services de qualité à ses citoyens »,
a justifié le ministre de l’Intérieur, Saimir
Tahiri, lors de la présentation du projet de
loi. Fin 2011, les résultats du recensement
avaient fait l'effet d'une douche froide en
Albanie : en dix ans, le pays a vu sa population chuter de près de 7% pour descendre
sous le cap des trois millions d'habitants
– 2 830 000 très exactement. Depuis la
chute de la dictature communiste en 1991,
malgré le maintien d’une vigoureuse natalité, l'Albanie aurait même perdu près de
500 000 habitants, soit une baisse de 15 %
de sa population. À titre de comparaison,
entre 1970 et 1990, la hausse avait dépassé
les 30 %, la population albanaise passant
de deux à trois millions d'âmes.
À l'origine de ce basculement, la très forte
émigration, qui a commencé dès 1991.
Aujourd'hui encore, l'exil se poursuit,
surtout depuis la libéralisation des visas
Schengen accordée fin 2010 : en 2014, plus
de 16 000 Albanais ont demandé l'asile
dans un pays de l'UE et, selon une étude
parue l'été dernier, plus des deux tiers
des jeunes rêvent de quitter leur pays.
Pour le Premier ministre Edi Rama, la
nouvelle loi sur les Albanais de la diaspora
s'inscrit « dans un processus historique »,
alors que « depuis 25 ans, l'État est incapable
de prendre en compte le capital humain que
représentent les Albanais vivant à l’étranger ».
Par J.-A. D. ¬
13
RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016
ICÔNE / DANS LA VAGUE
ICÔNE
L A FON TA INE
DE
T
RE
V
I
–
Par Sébastien Righi ¬
“M
arcello, come here ! », invitait Anita Eckberg dans cette scène devenue mythique
de La Dolce Vita. Immortalisée par Federico Fellini en 1960, la fontaine de Trevi vient de faire peau neuve. Une inauguration en grande pompe le 3 novembre
dernier, après seize mois de travaux financés par la célèbre maison de couture
italienne Fendi (groupe LVMH), en présence de Karl Lagerfeld, son directeur artistique. Près
de 2 millions d’euros, pour un coup de cœur autant qu’un coup de pub. Pietro Beccari, son
directeur général, expliquait ce mécénat en soulignant que Fendi est « une maison italienne, une
maison romaine », créée à Rome en 1925.
L’emblématique fontaine baroque, en forme d’arc de triomphe adossé au palais Poli, a été commandée par le pape Clément XII en 1732, en lieu et place d’un modeste bassin. Sa construction
ne sera achevée qu’en 1762 sous la direction de Niccolo Pannini. Des travaux titanesques, pour
un monument de 26 m de haut par 20 de large, alimenté en eau depuis l’extérieur de la ville par
un aqueduc.
Après 23 ans sans rénovation, les milliers de touristes retrouveront la splendeur de la fontaine de
Trevi et viendront alimenter le million d’euros de piécettes qui y sont récupérées chaque année
et données à des œuvres caritatives. À défaut de vous y baigner, vous pourrez vous aussi y jeter
une pièce comme le veut la tradition, de la main droite, dos à la fontaine, dans l’espoir de revoir
un jour la Ville éternelle.
RdM
14
© Bernard Coutant – Opéra national de Paris
CE PRINTEMPS
–
RDM magazine
part à la rencontre
du metteur en scène italien
Romeo Castellucci,
du chorégraphe grec
Dimitris Papaioannou,
du guitariste monténégrin Milos
et de l’âge d’or de la chanson italienne.
RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016
CHRONIQUE THÉÂTRE / CULTURE
U
n piano à queue qui s’enflamme. Le
bruit assourdissant d’un trou noir
spatial. Une carcasse de voiture qui
tombe des cintres. Les sabots d’un
cheval qui claquent sur la scène. Un
homme qui escalade dans le silence
la façade de la Cour d’honneur du
Palais des Papes d’Avignon, un regard troublant de Jésus Christ qui nous fixe... Quand on pense
aux spectacles de Romeo Castellucci, on ne sait plus très bien où
donner de la tête car on l’a sans doute un peu perdue. A-t-on été
bousculé, ému, saisi, ébranlé ? Certainement un peu de tout cela
à la fois. Les spectacles du metteur en scène et plasticien italien
provoquent beaucoup de choses, à l’exception de l’indifférence.
C’est à la fin des années 1990 que Romeo Castellucci se fait
connaître en France, notamment grâce au festival d’Avignon qui
le programme à plusieurs reprises. Ses spectacles tournent alors
sur les plus grandes scènes européennes, provoquant émois et
sidération à chaque fois. Pourtant, il n’est pas aisé de parler d’un
spectacle de Castellucci. Quand on essaye de le raconter, l’interlocuteur reste perplexe. « Ah oui... Mais il se passe quoi ?! » Et il ne suffit
pas non plus de le voir, il faut le vivre pour y croire. Il y a peu de
texte, pas de « personnages » avec une psychologie telle qu’elle est
convenue au théâtre, mais une succession de tableaux qui empruntent au trivial autant qu’au sacré. Et passant de l’un à l’autre,
c’est un cheminement mental plus qu’une narration qui s’opère.
Chaque spectateur y pénètre comme il peut, avec plus ou moins
d’aisance ou de résistance, forcé d’imaginer la pièce manquante,
la charnière qui relie un tableau au suivant. Et c’est là, précisément là, dans cet interstice non dévoilé que réside la force de ses
spectacles. Car s’il y a beaucoup de signifiant, de paraboles ou de
métaphores, Castellucci prend grand soin d’en laisser l’interprétation libre à chaque spectateur. Il interroge, charge à nous d’y répondre. Ajoutons qu’à la beauté formelle des images, le son est bel
et bien partie prenante. Qu’il s’agisse de matière sonore organique
(une dissection de cadavre humain dans Inferno, le son nanomoléculaire des bactéries dans Le Sacre du printemps...) ou venant
carrément du cosmos (un trou noir enregistré par la Nasa dans
The Four Seasons Restaurant), Castellucci parvient à créer une intensité de toutes parts, entière, totale. Comme si l’air de la salle
devenait palpable. Il en résulte qu’au-delà des émotions possibles,
de véritables sensations physiques sont également en jeu. On peut
avoir la chair de poule, le coeur serré ou le ventre noué en assistant
à l’un de ses spectacles. Les sens sont en émoi et les nerfs à vif. D’autant que ce à quoi on assiste n’est pas toujours plaisant ou agréable.
C’est dur, éprouvant, autant que beau et fascinant. De mémoire
de spectatrice, il est le seul à avoir suscité la peur. Oui, j’ai eu peur.
C’était pour Hamlet, la véhémente extériorité d’un mollusque en 2004.
Et croyez moi, ce n’est pas banal d’avoir peur au théâtre.
En 2008, Romeo Castellucci est l’artiste associé du festival d’Avignon. Une consécration pour celui qui bouscule, qui interroge et
qui perturbe. D’autant que l’Italien a un net penchant pour mettre
en scène des corps singuliers au théâtre. De là naît aussi un sentiment d’étrangeté. Des corps qui ne répondent pas aux normes habituelles (obèses ou anorexiques),
des très jeunes enfants (Inferno)
et des animaux : chiens déchaînés, chevaux, babouins, ânes,
boucs... jusqu’au taureau albinos
dans Moses und Aron à l’opéra Bastille en 2015. Sur le concept du visage
du fils de Dieu en 2011 a fait couler
beaucoup d’encre. Présenté à
Avignon, le spectacle fut acclamé
par la presse et le public. Mais au
Théâtre de la Ville à Paris quelque
mois plus tard, plusieurs associations catholiques intégristes
ont crié au blasphème, perturbant très violemment toutes les
représentations. Cela semblait
d’autant plus incompréhensible
que la plupart des manifestants
n’avaient pas vu le spectacle. Des
photos et une rumeur galopante
ont suffi à faire éclater un scandale. Pour Castellucci, il s’agit
« d’un malentendu épouvantable »
(Le Monde, novembre 2011). Lui qui
est italien, croyant, féru de théologie, ne comprend pas. Mais à
manipuler des images aussi fortes
ROMEO
CASTELLUCCI
OU L A SCÈNE ÉBR A NL ÉE
–
Présent sur les grandes scènes européennes,
Romeo Castellucci signe des spectacles d’une beauté
stupéfiante. Qu’il fascine ou perturbe,
le metteur en scène italien nous met en émoi.
Et ne laisse personne indifférent.
–
Par Charlotte Lipinska ¬
16
mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine
CULTURE / CHRONIQUE THÉÂTRE
I.
© SRS 1995
IV.
II.
IV
II
2
© Luca Del Pia
III.
© Bernd Uhlig
I. O
restie (une comédie
organique ?), 1995.
II. Inferno, 2008.
III. M
oses und Aron, 2015.
IV. R
omeo Castellucci.
V. S
ur le concept du visage du
fils de Dieu, 2011.
© Klaus Lefebvre
© Christophe Raynaud de Lage
V.
(en l’occurrence la reproduction immense d’un portrait du Christ
de Antonello da Messina en fond de scène), en associant le trivial
et le sacré (un vieillard incontinent en fin de vie sous le regard
du Christ), en laissant libre cours aux interprétations de chacun,
c’était aussi ouvrir la porte aux interprétations les plus radicales.
Dans un sens comme dans l’autre puisqu’il fût également accusé d’être « trop chrétien » ! Tous les perturbateurs parisiens furent
condamnés et l’on notera que le spectacle a fait le tour de l’Europe
– Pologne, Italie et Espagne compris – sans jamais connaître le tollé qu’il suscita en France...
Invité d’honneur du festival d’Automne, Romeo Castellucci n’en
finit pas de nous surprendre. Outre son passage par l’opéra (les
mises en scène de Parsifal, Orphée et Eurydice, Moses und Aron...),
il a remonté son Orestie, créé en 1995. En s’appropriant la trilogie
d’Eschyle, Castellucci nous plonge dans un univers apocalyptique
(entre chambre de torture géante et monde du silence) prompte à
perturber les spectateurs les plus avertis. C’est brut, barbare et l’on
pense au théâtre d’Artaud autant qu’aux visions hallucinées d’un
Francis Bacon. Ce spectacle n’est pas la meilleure porte d’entrée
pour découvrir son univers – il est peu accessible - mais c’est un
étalon passionnant pour mesurer à quel point l’auteur s’est apaisé
depuis 20 ans. La preuve avec un Sacre du printemps qui fera date.
Comment allait t-il réinventer ce ballet mythique, aussi culte aujourd’hui que scandaleux à sa création ? On sait la partition de
Stravinsky magistrale et de nombreux chorégraphes – et pas des
moindres – ont laissé leurs empruntes sur ces notes. Pour Castellucci, il s’agit donc d’un acte ultime, radical : aucun danseur
sur scène pour évoquer la mort et le sacrifice. Mais un ballet de
poussières mû par une machinerie complexe qui la déploie dans
les airs au rythme de la musique. Pas n’importe quelle poussière :
de la poussière d’os d’animaux broyés (30 tonnes), telle qu’on l’utilise comme fertilisant agricole. La mort pour faire renaître la vie.
Une fois encore, c’est prodigieux dans la forme, vertigineux dans
le fond. À en perdre son latin !
RdM
Orestie (une comédie organique ?)
du 20 au 22 avril au Maillon (Strasbourg), du 26 au 27 avril au
Théâtre d’Arras, du 30 avril au 1er mai au théâtre Alessandra Bonci
(Césena, Italie), du 25 au 28 mai au Théâtre national de Toulouse.
17
RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016
© Greg Haji Joanidis
DANSE / CULTURE
DIMITRIS
PAPAIOANNOU
DESSINS CHORÉGR A PHIQUES
–
À l’avant-garde de la danse contemporaine grecque, Dimitris Papaioannou
est aussi connu du grand public pour avoir mis en scène les cérémonies
d’ouverture et de clôture des Jeux olympiques d’Athènes en 2004.
Son succès en France n’est que très récent.
–
Par Florian Gaité ¬
18
mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine
M
algré un passage remarqué à la
Biennale de Lyon en 1998 et ses
mises en scène des cérémonies
des Jeux olympiques d’Athènes
et plus récemment des Jeux
européens de Bakou, la France
ne découvre réellement Dimitris Papaioannou que cet
automne au Théâtre de la Ville avec Still Life, la pièce maîtresse
qui le consacre à l’international comme chorégraphe de premier
rang. Contemplatives et graphiques, ses productions affirment
un style résolument plastique qui articule formalisme de la mise
en scène et sculpture du corps dansant.
Plasticien de formation, Dimitris Papaioannou découvre la danse
presque par hasard, peu avant ses vingt ans. Ses premières pièces
dans les années 1980 s’inscrivent ainsi dans le sillage de ses peintures figuratives, marquées par la modernité et le réalisme de son
professeur Yannis Tsarouchis. Sur scène, des corps masculins,
souvent nus, austères et vulnérables, activent leur seule présence
ou leur relation aux objets. Dimitris Papaioannou, par ailleurs
auteur d’une quarantaine de bandes dessinées, élabore ses dramaturgies comme il compose ses dessins, en déployant une esthétique minimaliste, toute en sobriété. Tableaux cosmiques et en
un sens atemporels, ses pièces relèvent d’un dionysisme profond
et solennel qui, s’il s’inscrit bien dans une recherche du spectaculaire, emprunte ses éléments premiers à l’arte povera.
En 1986, après un séjour à New York, où il rencontre Erick Hawkins
et s’initie au butoh (danse japonaise), Dimitris Papaioannou revient à Athènes et fonde l’Edafos Dance Theatre. Durant plus
de quinze ans, la compagnie monte dix-sept productions qui lui
valent de représenter la Grèce dans différents événements internationaux. La formation connaît un succès définitif en 1993 avec
Medea, puis, l’année suivante, avec A Moment's Silence, premier
spectacle grec à aborder la question du SIDA, confirmant l’indépendance de ton de ce chorégraphe engagé. La carrière de la compagnie lancée à l’étranger, l’Edafos Dance Theatre tourne à travers
l’Europe jusqu’à For Ever, qui lui vaut un ultime prix national.
Après les Jeux d’Athènes, Dimitris Papaioannou a plus que jamais
les moyens de ses ambitions. 2, pièce évoquant ouvertement l’homosexualité, est un succès critique et public. Celui qui est devenu,
en parallèle de sa compagnie, l’assistant de Robert Wilson, appuie désormais plus franchement la dimension théâtrale de son
travail. Nowhere, pièce créée en 2009 en hommage à Pina Bausch,
porte ainsi la tension dramatique de son œuvre à son apogée. Depuis lors, son élégance formelle se conjugue avec un goût pour
CULTURE / DANSE
Contemplatives
et graphiques,
ses productions
affirment un
style résolument
plastique
l’expérimentation scénique, à l’image de l’installation théâtrale
Inside, pièce de six heures conçue pour une trentaine de danseurs.
En 2012, le duo Primal Matter marque le retour de Dimitris
Papaioannou au rôle d’interprète. Il y incarne l’individu contemporain engagé dans un dialogue difficile avec un corps statuaire,
brut, dénudé, parfois démembré. Sensible à la crise actuelle de
l’identité grecque, le chorégraphe revitalise ici la mémoire de la
culture antique pour mieux interroger le présent, plaidant pour
une vision de l’histoire consciente de ses racines. Sa dernière création, Still Life, interprétation contemporaine du mythe de Sisyphe,
fait retour à une esthétique du vestige qui renoue elle aussi avec
le passé antique de la Grèce. Reconnu pour son audace poétique,
Papaioannou élabore ici une scénographie faite de débris minéraux et d’un mur brisé auxquels se heurtent les danseurs. Fidèle
à une économie de moyens qui le caractérise depuis ses débuts
dans les squats athéniens, il compose, entre jeux de fumée et lumière diffuse, le tableau sombre d’une humanité en lutte avec son
propre héritage, métaphore de l’éternel combat du créateur contre
la matière.
RdM
Still Life, Festival Montpellier Danse, 04-05 juillet 2016 (Montpellier).
Primal Matter, 17e Biennale de la Danse, septembre 2016 (Lyon).
19
RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016
MUSIQUE / CULTURE
PE T I T E HISTOIRE DE L A
chanson italienne
–
Au pays de la Vespa, de la dolce vita et de l’opéra, on ne plaisante pas
avec la chanson populaire. Elle fait partie du patrimoine et tout Italien se doit
de pouvoir fredonner le refrain d’une chanson qui évoque l’amour,
ses déceptions ou encore l’azzurro du ciel. Vivante, créative, elle parle
de la vie quotidienne.
–
Par David Dibilio ¬
L
© DR
es raisons qui font de la péninsule la terre le style de vie américain en buvant du whisky-soda, en dansant le
de l’excellence musicale sont nombreu- rock n' roll, en jouant au baseball et en fumant des Camel… Mais
ses. Il y a tout d’abord une langue qui se qui ne peut s'acheter des cigarettes qu'en puisant l'argent dans le
confond avec la poésie. Il y a aussi l’héritage sac à main de sa maman ! Ce titre, léger et moqueur, est un brillant
de Verdi, Puccini et Rossini qui exprimaient métissage de napolitain et de swing, à l’image de Little Italy qui
avec simplicité la puissance des sentiments. devient l’un des quartiers les plus effervescents de New York.
Mais c’est bien dans une
Il y a
petite ville balnéaire de la
enfin la
Riviera, quelques années
tradition napolitaine et ses
auparavant, que se joue un
complaintes
amoureuses
événement capital. 1951 voit la
chantées par des voix d’homnaissance de ce qui demeure
me. Elle est à la source du
encore aujourd’hui une vérenouveau de la chanson
nérable institution : le fesitalienne qui se diffuse dans
tival de San Remo. Celui-ci
toute l’Europe au XIXe siècle.
devient à la fois une énorme
Un seul exemple illustre à
caisse de résonnance et un
lui seul l’ampleur du phénobel écrin pour une chanson
mène : O Sole Mio (1835) qui se
à bout de souffle, lessivée par
chante en dialecte puis en itale fascisme. Désormais, c’est
lien avec la version d’Eduardo
ici que s’allumeront toutes les
di Capua de 1898, très vite
légendes de la chanson itarepris par Enrico Caruso, le
lienne. Avec son lot de scanlégendaire ténor, au tournant
Domenico Modugno au festival de San Remo en 1961.
dales, de votes contestés,
du siècle. Même Elvis Presley,
de paillettes et de glamour. Certes, San Remo, malgré quelques
en 1960 sous le titre It’s Now or Never, en livrera sa version.
Avec l’immigration italienne, massive en direction des États- fulgurances, reste un spectacle grand public qui infuse dans les
Unis, ce sont aussi les chansons qui traversent l’Atlantique. En familles de sages mélodies aux paroles tièdes. L’amour y est sug1956, Renato Carosone fait résonner la mélodie de Tu vuo fa’ l’ame- géré et innocent. « Idéal dans un pays où règne sans partage une démoricano dans toutes les radios. L’histoire d'un Italien qui veut imiter cratie-chrétienne qui n’hésite pas à censurer si besoin un texte jugé trop
20
mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine
CULTURE / MUSIQUE
RdM
Festival franco-italien de musique traditionnelle et de culture populaire de
Bourgoin-Jallieu et Nord-Isère, 13-15 octobre 2016.
Histoire de la chanson en Italie, vol. II, Jean Guichard, éd. de l'INIS, 2013.
L A CHANSON POPUL AIRE ITALIENNE
EN QUELQUE S TITRE S
DOMENICO MODUGNO - VOLARE
EDUARDO DI CAPUA - O SOLE MIO
RENATO CAROSONE – TU VUO FA’ L’AMERICANO
PAOLO CONTE - VIA CON ME
LUCIO DALLA – CARUSO
MINA – PAROLE, PAROLE
EROS RAMAZZOTTI – UNA STORIA IMPORTANTE
PATTY PRAVO – LA BAMBOLA
LUCIO BATTISTI – ANCORA TU
ADRIANO CELENTANO – IL RAGAZZO DELLA VIA GLUCK
LUIGI TENCO – VEDRAI, VEDRAI
GINO PAOLI – SENZA FINE
TONY DALLARA – COME PRIMA
RICCHI E POVERI – SARA PERCHE TI AMO
indispensables
sulfureux », rappelle Jean Guichard, auteur d’une très documentée
et passionnante Histoire de la chanson en Italie. Une force politique
qui peut compter sur le soutien du Vatican, un poids que l’on ne
mesure jamais assez si l’on est hors des frontières italiennes.
1958 : tremblement de terre dans les téléviseurs en noir et blanc qui
prennent des couleurs et sur la scène du festival qui ronronne. Une
couleur comme un appel à la liberté, à toutes les libertés : le bleu.
Domenico Modugno ne gagne pas le concours mais ses mots resteront à jamais gravés dans la mémoire mondiale. « Nel blu dipinto
di blu », plus connus sous le titre Volare. Un morceau un peu étrange
pour l’époque avec ses paroles abstraites, bien loin de la chanson
d’amour qui dominait alors le genre, une invitation à voler et chanter dans le bleu du ciel. Modugno finit sa prestation les bras tendus
en l’air à une époque où l’on chantait la main délicatement posée
sur le cœur, la larme à l’œil. Modugno incarne parfaitement cette
révolution, scénique mais pas uniquement. Pour la première fois,
celui qui écrit les paroles est aussi l’interprète. Les auteurs-compositeurs-interprètes prennent le pouvoir, l’âge d’or de la chanson
populaire italienne s'affirme.
Les années 1960 et 1970 voient naître des mélodies qui résonnent
encore aujourd’hui. Luigi Tenco, Gino Paoli ou Sergio Endrigo
font monter d’un cran le niveau des compositions, chacun dans
leur style. L’industrie du disque est en plein essor, les disques se
vendent par millions, les filles s’affolent. Dans une Italie qui sort
à peine de la reconstruction boostée au plan Marshall et qui se
jette dans la modernité, la chanson accompagne ce grand élan
vers la croissance. En 1966, un titre illustre bien cette période un
peu folle : Il ragazzo della via Gluck (repris en français par Françoise
Hardy sous le titre La maison où j’ai grandi) raconte le bétonnage, les
barres d’immeubles et la destruction de sa maison d’enfance. Lui,
c’est Adriano Celentano. Il faut se souvenir de l’apparition de Celentano au concours du festival de San Remo de 1961 : il se présente
dos au public mais termine tout de même second avec 24 000 baci.
Il connaît un énorme succès avec une autre chanson : Azzurro. Véritable mythe vivant, jeune, beau, fort, il devient l’un des personnages emblématiques de la musique populaire italienne.
La déflagration suivante a pour nom Lucio Battisti qui marque la
décennie avec des hymnes comme Ancore Tu (1976) ou E Penso e Te
(1972). Avec son parolier (Mogol), Battisti rompt l’image du latinlover suave. Sa voix est cassée, parfois à la limite de la justesse. Il
en fera sa marque de fabrique. Il sera souvent copié, nombreux
s’en sont cassé la voix. Battisti est probablement la dernière figure
qui incarne l’âge d’or de la chanson populaire italienne. Cette histoire, c’est celle d’une certaine idée de la musique, entre simplicité
et exigence, portée par des auteurs. Aussi, il serait injuste de passer sous silence ce que l’on appelle « la variété », un genre extrêmement populaire, plus commercial mais qui a contribué à faire
sortir la langue italienne bien au-delà de ses frontières, surtout en
France. Comment ne pas citer Eros Ramazzotti, Laura Pausini,
Ricardo Cocciante, Ricchi e Poveri, Zucchero, Tiziano Ferro et
leurs refrains ? Mais cela, c’est une autre histoire.
LA DIVA
Une histoire de la chanson italienne sans ses
chanteuses, ce serait un peu comme une pizza sans
tomates. Impensable. Si les femmes ont toujours été,
au contraire de leurs collègues masculins, cantonnées
au rôle d’interprètes, elles l’ont fait avec une maestria
qui n’a eu d’égal que leur immense popularité. Fiorella
Mannoia, Rita Pavone, Gigliola Cinquetti, Loredana
Bertè, Milva ou Mia Martini… Elles sont nombreuses à
avoir aligné les succès et fait déplacer les foules. Mais
arrêtons-nous sur deux cas aussi différents que significatifs
du rôle et de la force de la diva : Patty Pravo et Mina.
La première sort le 45 tours La Bambola (« poupée »)
en 1968 dont elle vendra neuf millions d’exemplaires
cette année-là. Dans une Italie catholique, corsetée,
où les chanteuses susurrent l’amour et la romance, Patty
Pravo incarne l’esprit des sixties, plus moderne, avec des
échos de révolution sexuelle. Dans sa chanson,
elle réclame, toute en mini-jupe : « Tu mi fai girar, tu mi fai
girar, come fossi una bambola » (« Tu me fais tourner,
tu me fais tourner, comme si j’étais une poupée »).
Belle, libre et culte, Patty Pravo est une diva qui a aussi
eu sa propre émission télévisée et dont les chansons
sont reprises dans les films de jeunes réalisateurs.
Le cas de Mina est différent. Celle qui débute sur scène
en 1958 devient la plus grosse vendeuse de disques tout
le long des années soixante. En 1972, elle chante Parole,
en duo avec l’acteur Alberto Lupo, une chanson qui
sera reprise par la célèbre chanteuse italienne devenue
française Dalida et Alain Delon. Grâce à un génie
musical incontestable, Mina a su passer du statut de
chanteuse à voix à celui de diva assoluta. Comme Dalida
ou Barbara en France, elle est considérée, avec Patty
Pravo comme une véritable « icône » en Italie.
En 1978, elle fait ses adieux à la scène et à la télévision
au sommet de sa gloire. Malgré les mirifiques
propositions qui lui sont faites, elle ne fera plus jamais
de scène mais continuera de sortir régulièrement
des albums studio, souvent de reprises.
21
RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016
MUSIQUE / CULTURE
FA ZIL SAY
Un pianiste engagé
–
C’est une star et un ovni. Fazil Say est le seul pianiste turc à faire une carrière
internationale. Portrait et actualité.
–
F
azil Say, 46 ans, est né d’une mère pharmacienne
et d’un père musicologue et écrivain engagé.
Une enfance entourée d’intellectuels, qui lui
semble bien loin d’un pays où le gouvernement
est islamo-conservateur et où toujours plus de
femmes portent le voile. Très actif sur les réseaux
sociaux, ses tweets provocateurs envers la religion lui ont valu
dix mois de prison avec sursis en 2013. Mais en octobre dernier
la cour suprême turque a annulé la peine, invoquant le droit à la
libre expression.
Voilà donc un musicien qui dit ce qu’il pense et dont l’expression
musicale incarne cette liberté. Car Fazil Say est également compositeur. Ses œuvres aux accents traditionnels et occidentaux
22
© Marco Borggreve
Par Charlotte Latour ¬
à la fois, rendent toujours hommage à son pays, qu’il s’agisse
d’Istanbul Symphony ou de Gezi Park, inspirés par une jeunesse en
mal de démocratie réunie place Taksim en 2013. Il n’hésite pas
à insérer dans l’orchestre symphonique des instruments traditionnels comme le oud ou la flûte ney. Et puis il y a le Fazil Say
interprète. Sous ses doigts, le Concerto n°2 de Saint-Saëns en sol
mineur est jazzifié, incarné, dans une approche animale du clavier, mais sans jamais perdre en virtuosité ni en lyrisme.
Fazil Say est finalement le symbole parfait de la Méditerranée.
Partagé, entre Orient et Occident. Un confluent géographique et
culturel qu’il porte dans son sang et dans son art. Pour autant
son prochain album sera entièrement européen, français même,
puisqu’il sera consacré à Erik Satie.
RdM
mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine
CULTURE / MUSIQUE
LE BARBIER DE
SÉ VILLE A 200 ANS
–
Selon Beaumarchais, Rossini, qui n’a que 24 ans, aurait composé
cet opéra en seulement deux semaines ! Jeunesse et vitalité se retrouvent dans la mise en scène de l’Italien Damiano Michieletto. Un
tourbillon d’énergie inspiré d’Almodovar. Par C. L. ¬
© Bernard Coutant – Opéra national de Paris
Le Barbier de Séville du 2 au 28 février 2016 à l’opéra Bastille.
© Marco Borggreve
© David Strindberg/mercury Classics
Nouveautés
MILOS E T LES BE AT LES
Milos quitte le répertoire classique le temps d’un album consacré
aux Beatles. Dans Blackbird, Something ou encore Let it be avec
Gregory Porter, le guitariste monténégrin parfois jugé un peu trop
sérieux nous montre l’étendue de son remarquable talent. Un album
chaleureux aux arrangements soignés. Par C. L. ¬
MILOS Blackbird, The Beatles Album, chez Universal.
VOIX D’ANGE
Les castrats étaient les stars du XVIIIe siècle. Farinelli, Caffarelli et autres
Carestini déclenchaient l’hystérie du public. À Naples, 4 000 enfants
étaient sacrifiés chaque année pour développer leur voix d’ange.
Coup de cœur pour l’album du contre-ténor Max-Emanuel Cencic qui
interprète des airs rares. En tournée jusqu’à cet été. Par C. L. ¬
Max-Emanuel Cencic, Arie Napoletane
23
RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016
EXPOSITIONS / CULTURE
L’ANTIQUITÉ
AU FÉMININ
AMEDEO MODIGLIANI
PORTR AIT
D’UN INCL ASSABLE
Cette rétrospective, d’une ampleur exceptionnelle,
met à l’honneur le fonds Roger Dutilleul du musée lillois – une des collections publiques les plus
riches consacrée au peintre et sculpteur italien – en
l’augmentant de prêts inédits. Des sculptures aux
portraits, l’exposition démontre une technique aussi
diversifiée que ses influences (art nègre, oriental ou
antique), mettant en miroir son œuvre avec celle
de ses contemporains (Picasso, Brancusi, Soutine,
Derain…) pour mieux en souligner la singularité.
A medeo Modigliani. Une ré trospec tive,
L a M (L i l l e ), D u 27 f é v r i e r a u 05 j u i n 2016
© DR
C o n f i d e n t i e l - Ê t r e f e mm e d a n s l a G r è c e a n t i q u e
M u s é e d´a r c h é o l o g i e m é d i t e r r a n é e n n e (M a r s e i l l e )
J u s q u ’a u 23 m a i 2016
© Luc Choquer
© H. Lewando
© DR
Trop souvent limitée aux figures divines, parées
des attributs de beauté, de force ou d’immortalité,
l’iconographie de la femme grecque véhicule une
image bien peu en prise avec la réalité historique.
Une exposition au musée d’archéologie de Marseille
corrige cette vision idéalisée en réunissant des représentations moins répandues de la femme athénienne,
corinthienne ou spartiate qui témoignent autant
de sa condition sociale et politique que domestique
et intime.
Par Florian Gaité ¬
L’ARTE POVER A À L’HONNEUR
Cinquante ans après son émergence en Italie, l’arte povera fait l’objet de
deux expositions parisiennes. La galerie Kamel Mennour présente une
monographie du sculpteur Pier Paolo Calzolari, figure de proue du mouvement. Au-delà du dépouillement formel de ses œuvres, son vocabulaire
plastique se distingue en évoluant vers le minimalisme et l’art conceptuel.
Le Centre Pompidou consacre de son côté une manifestation pluridisciplinaire autour de l’utilisation des matériaux pauvres, où l’arte povera
occupe une place centrale.
P i e r P a o l o C a l zo l a r i . E n s e m bl e , Galerie K a m e l M e n n o u r (P a r i s ), D u 29
U n A r t P a u v r e , C e n t r e P o mp i d o u (P a r i s ), D u 08 j u i n a u 29 a o û t 2016
janvier au
05
mars
2016
ARCHÉOLOGIE DU MY THE
L’exposition événement du Louvre interroge la survivance des mythes par-delà les époques et les cultures. Orphée, Hercule ou Icare
sont autant d’exemples de héros grecs sur lesquels se sont bâties les civilisations et qui n’ont jamais cessé d’inspirer les artistes.
À travers plus de soixante-dix œuvres, le parcours trace des ponts entre les cultures et les âges (de Cocteau à Star Wars en passant
par les mangas) pour en montrer l’éternelle actualité. M y t h e s f o n d at e u r s . D’H e rc u l e à D a r k V a d o r , L o u v r e (P a r i s ) J u s q u ’a u 04 j u i l l e t 2016
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mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine
CULTURE / EXPOSITIONS
©Musee du Quai Branly
SINGUL ARITÉS
DES BALK ANS
Miodrag Djuric dit Dado, célèbre peintre monténégrin installé à Paris,
est décédé en 2010. Ses compositions fantastiques, juvéniles, souvent
inspirées des contes de fées d’Europe centrale, dénoncent avec une
violence graphique certaine les atrocités qui jalonnent l’histoire
du XXe siècle. Les Abattoirs de Toulouse abritent une collection
exceptionnelle d’une centaine d’œuvres, dont certaines sont
régulièrement présentées dans ses accrochages. Dado est également
présent à la Halle Saint-Pierre, lors d’une exposition croisant art
singulier, expressionnisme figuratif et art populaire,
au côté du prometteur dessinateur croate Davor Vrankic.
© DR
© Galerie Kamel Mennour
C o l l e c t i o n s p e r m a n e n t e s , L e s A b at t o i r s (T o u l o u s e )
L’E spr it si n gu li er , H a l l e S a i n t -P i e r r e (P a r i s ),
D u 30 m a r s a u 26 a o û t 2016
LES INSTANTS
FUGACES
D’UGO MUL AS
© Galleria Lia Rumma Milano Nap
© DR
L’ÉLÉGANCE DES VESTIGES
Trop peu connu en France, le photographe
italien a pourtant côtoyé les plus grands
artistes, documentant la scène artistique
italienne et américaine ou la Biennale de
Venise à partir des années 1960. À travers
soixante photographies en noir et blanc,
cette rétrospective, première du genre en
France, présente également ses Vérifications,
projet spéculatif auquel il se consacra jusqu’à
sa mort.
Ugo Mul as. L a Photogr aphie
F o n d at i o n H e n r i C a r t i e r -B r e s s o n (P a r i s )
D u 15 j a n v i e r a u 24 av r i l 2016
Présentée dans son intégralité pour la première fois depuis
soixante ans, la collection du duc de Luynes regroupe plus d’une
centaine de vases grecs en céramique. Leurs décors de vernis
noir sur fond d’argile rouge décrivent des scènes mythiques ou
de la vie quotidienne, apportant un précieux témoignage sur
la civilisation antique.
De Rouge
e t de
N o i r , BNF-R i c h e l i e u J u s q u ’a u 30
av r i l
2016
L A FEMME TURQUE
AU-DEL À DU CLICHÉ
Lauréat du prix Villa Médicis Hors les murs, le projet photographique
Femmes d’Istanbul allie intérêt sociologique et recherche stylistique. Avec
l’objectivité d’un photojournaliste, Luc Choquer s’est focalisé sur la condition des femmes stambouliotes tiraillées entre tradition et modernité pour
en saisir les contrastes sociaux et culturels. Portrait d’une ville autant que
de ses habitantes, le projet se décline également en un webdocumentaire,
adapté pour la télévision.
L uc C h o q u e r . F e mm e s d'I s ta n bu l C a r r é A m e l o t , L a R o c h e l l e
D u 08 av r i l a u 09 j u i l l e t 2016
25
RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016
© Shutterstock
DONNA LEON / CULTURE
DA NS L ES DÉDA L ES DE L A SÉRÉNISSIME
–
Un feuilleton annuel
Depuis 1992 (1997 en
France), les enquêtes
du commissaire Brunetti
envahissent les librairies
une à deux fois par an.
Les fidèles se sont élargis
grâce à l’adaptation
en série télévisée, et les
livres de Donna Leon se
vendent désormais à plus
de 60 000 exemplaires
en France. Certains
reprocheront les stéréotypes
– fonctionnaires paresseux,
aristocrates décadents,
mafieux impunis, Italiens
amateurs de pates – mais
ses descriptions précises et
ses anecdotes amusantes
donnent un caractère
singulier à ses polars.
Particularité de ce succès
littéraire mondial : aucun «
Brunetti » n’a été traduit en
italien. Donna Leon tient
en effet à conserver son
anonymat dans cette Venise
qu’elle vénère.
V
Par Vincy Thomas ¬
enise a inspiré les plus grands récits de voyages et invité les héros les plus charismatiques, de James Bond à Corto Maltese.
Mais votre meilleur guide sera le commissaire Guido Brunetti,
personnage fictif inventé par la romancière américaine Donna
Leon. Cela fait plus de trente ans qu’elle s’est installée par amour dans la Cité
des doges. Au fil des enquêtes, le lecteur sillonne les canaux, flâne dans les
ruelles et découvre les palais de la ville flottante. Mais l’écrivaine explore aussi
la face cachée du joyau de l’Adriatique. Quand le soleil se couche, la cité des
amoureux devient un théâtre d’ombres et de mystères. Prostitution, corruption et autres crimes se déploient dans les coins les plus secrets du labyrinthe
vénitien. Les édifices sont fragiles et un échafaudage peut être meurtrier. La
Fenice, si raffinée, ou l’imposant Arsenal du quartier du Castello servent de
décors somptueux pour mener des investigations
Mais c’est dans le quartier populaire de San Polo, de l’autre côté du Rialto, que
Donna Leon invite ses lecteurs à se balader. C’est là que son Venise vibre, en
buvant des verres de grapa servis sur des terrasses à l’abri des foules. Un peu
plus loin, au nord du Grand Canal, dans le Cannaregio, les Vénitiens y sont
entre eux. Loin de San Marco et de ses pizzas hors de prix, les trattorias populaires et les ateliers d’artistes s’animent au son du dialecte local. Dans ce
sestiere, on y lézarde au soleil en sirotant un verre de prosecco.
Épicurien, Brunetti livre ses bonnes adresses (on les retrouve toutes dans
Venise, sur les traces de Brunetti, de Toni Speda), comme la boulangerie Tonolo
aux confins de San Polo, où il achète ses brioches du dimanche, où chez Nico,
dans le Dorsoduro, où il déguste ses glaces. Avec lui, on succombe à la tentation de Venise, qui révèle ses multiples facettes, tout en restant la plus belle
énigme irrésolue du commissaire.
RdM
Brunetti entre les lignes, 23e épisode de la série, a été publié en février chez Calmann-Levy.
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mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine
CULTURE / LIVRES
LIVRES
–
Par Francine Thomas ¬
I
II
III
On avait laissé Lila au soir
de son mariage fastueux
avec son mafieux d’époux.
On la retrouve quelques
semaines plus tard, de retour
de voyage de noces, l’œil noir,
une lèvre écorchée. La lente
narration des événements qui
conduiront une cinquantaine
d’années plus tard à la
disparition de cette singulière
héroïne est aussi haletante que
dans le premier opus. Surtout
quand elle est contée par sa
perspicace amie d’enfance,
qui porte son regard sans
complaisance sur ceux qui
l’entourent. Elena Ferrante,
dont l’identité reste très
mystérieuse, excelle dans l’art
de ferrer ses lecteurs à travers
une fresque qui a déjà séduit
des millions de personnes
dans le monde entier.
Marcello, Ettore, Sophia
et les autres…
Aux vaillants héros
de l’amer
On situe sa naissance en 1958
avec le film Le Pigeon de Mario
Monicelli. On lui doit quelques
duos mythiques comme celui
formé par Sophia Loren et
Marcello Mastroianni dans
Mariage à l’italienne de Vittorio
de Sica. On se souvient aussi
de quelques-unes des
polémiques qu’elle nous
a offertes, par exemple lors
de la projection à Cannes
de La Grande bouffe de Marco
Ferreri qui a déclenché les
huées des spectateurs. La
comédie à l’italienne constitue
un chapitre fondamental
de l’histoire du cinéma ;
chapitre commenté, illustré
et drôlement disséqué dans
cette anthologie agréable et
indispensable aux amoureux
du genre.
Le nouveau nom, l’amie
La Comédie à l’italienne, Enrico
prodigieuse II, Elena Ferrante,
Giacovelli, Editions Gremese,
Gallimard, 554 pages, 23,50 €.
240 pages, 38 €.
C’est une invitation au voyage
où rien n’est luxe, calme et
volupté. Bienvenue en mer de
Marmara, celle des pêcheurs
Hassan le boiteux, Ali le Tatar
et Agop l’aveugle. Ils n’ont
d’exotique que le nom. Ces
habitants de Menekse sont
les témoins d’un monde
disparu, où l’on prenait la mer
sur d’antiques barques, où
l’on reprisait chaque matin
des filets que l’on ramenait
pleins de rougets, de bonites
et de dorades, et où l’on
travaillait à la loyale.
Yachar Kemal, l’un des plus
grands écrivains turcs est allé
à leur rencontre au milieu
des années 70, quelque temps
avant de recevoir en France
la légion d’honneur. De ces
conversations, il tira plusieurs
longs reportages aux qualités
littéraires incomparables, tant
il donne à entendre la détresse
des pêcheurs du Bosphore
Gomorra au féminin
dans une langue parfois
lyrique. Ces textes méconnus
en France sont aujourd’hui
réunis, quelques mois après
sa mort, et résonnent par leur
actualité. L’auteur de Mèmed le
Mince entonne une supplique
pour d’honnêtes gens vaincus
par la surpêche, la pollution et
autres catastrophes modernes
dont on commence à prendre
la mesure.
Leur ennemi, fossoyeur d’une
profession et d’une époque,
a la forme d’un chalutier. Il
travaille au radar, piège en
pleine nuit les poissons avec
des lampes de 1 000 volts qui
rendent aveugles les eaux du
Bosphore. Parfois même,
comme lors d’un sanglant
épisode du printemps 1966
qui continue de hanter les
riverains, il dynamite les fonds
marins, siphonne les vertébrés
compressés et broyés dans
les filets qui craquent sous le
poids du massacre. Même les
œufs n’échappent pas à la rafle.
Le récit de cette hécatombe
s’apparente finalement à un
traité d’écologie sur fond de
catastrophe sociale. Que restet-il aux vieux pêcheurs réduits
à la misère et dont les fils
s’éloignent pour rejoindre de
grises usines ? Une supplique :
« On a vidé la mer », qui parcourt
le texte comme un lancinant
chant du cygne.
On a vidé la mer, Yachar Kemal,
Galaade éditions, 200 pages,
16 €
27
© Asaf Eliason / Shutterstock
LA MÉDITERRANÉE,
carrefour
de civilisations
–
Entretien avec Bernard Lory /
Adriatique, théâtre des rivalités
vénéto-ottomanes /
Albanie et Grèce, les identités incertaines /
Entretien avec Jean-Louis Labarrière /
Regards croisés /
Athènes, le renouveau malgré la crise /
RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016
LES BALKANS / DOSSIER MÉDITERRANÉE
POINT DE RENCONTRE
HISTORIQUE
DES CIVILISATIONS
–
Les Balkans constituent un ensemble complexe où s’entremêlent les nations, les langues,
les religions, les alphabets… Cette mosaïque unique est le fruit d’une histoire qui a vu se jouer en ces lieux
la formation, l’expansion puis le recul et la disparition des plus grands empires
dont l’Adriatique fut tour à tour le centre ou la frontière. L’Empire romain, Byzance, Venise,
l’Empire ottoman, la Yougoslavie, l’Union européenne s’y sont retrouvés ou succédés,
en se construisant souvent sur les ruines de leurs prédécesseurs. Tentons de décoder cette complexité
avec Bernard Lory, professeur de civilisation balkanique, discipline qu’il est le seul à enseigner en France,
à l’Institut national des langues et civilisations orientales.
–
Entretien réalisé par Sébastien Righi ¬
RDM : VOUS ENSEIGNEZ LA CIVILISATION
BALKANIQUE, QUELS SONT LES ÉLÉMENTS QUI,
SELON VOUS, CARACTÉRISENT CETTE RÉGION ?
Bernard Lory : La spécificité des Balkans est d’abord géographique. C’est un coin relégué souvent à l’écart des grands courants qui passent au nord par le Danube ou au sud par la Méditerranée. Il existe un paysage particulier, fait de montagnes, pas très
hautes mais très bousculées les unes contre les autres. Ce qui fait
que la circulation reste très difficile même de nos jours. Ce n’est
que récemment, en perçant des tunnels ou en construisant des
viaducs (comme la nouvelle route Egnatia qui traverse toute la
Grèce du nord) qu’on maîtrise ce territoire.
RDM : EN POURSUIVANT DANS CETTE PERSPECTIVE
GÉOGRAPHIQUE, QUEL RÔLE JOUE LA MER
ADRIATIQUE QUI BORDE LES BALKANS ?
B. L. : En fait les Balkans tournent le dos à l’Adriatique. La bande
côtière dalmate, avec ses villes si riches, est étroite. À peine
30
10 km et on entre dans le monde des bergers, un environnement
très rude. L’Adriatique borde les Balkans mais n’y pénètre pas.
La mer sert aux échanges, à commercer avec le reste du monde.
Les ports qui sont en bordure sont finalement un lieu de contact
entre un monde montagnard et continental, et un monde méditerranéen plus sophistiqué.
RDM : IL Y A LA GÉOGRAPHIE MAIS AUSSI
LES GRANDS EMPIRES, À COMMENCER PAR
L’EMPIRE ROMAIN, QUI ONT CONTRIBUÉ
À FAÇONNER CETTE CIVILISATION BALKANIQUE…
B. L. : Aujourd’hui chaque pays des Balkans essaie de faire valoir
sa singularité en gommant le substrat commun. Mais l’Empire
romain a façonné la région. Il y a eu énormément d’empereurs
d’origine balkanique, ce qu’on appelle les empereurs pannoniens,
qui étaient souvent des militaires. Et surtout le très grand Dioclétien qui a essayé de réorganiser l’empire radicalement en le partageant en quatre – la Tétrarchie – instituant ainsi une frontière
mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine
entre un orient et un occident. Dioclétien me fait penser à Tito.
C’est assez amusant d’avoir deux personnages à 18 siècles d’intervalle qui ont réorganisé cet ensemble géographique en le partageant avec des pouvoirs locaux équilibrés et un pouvoir central
fédérateur. L’Adriatique était alors le centre de l’empire. Dioclétien, qui est dalmate, prendra sa retraite dans son palais de Split,
renonçant au pouvoir comme Tito.
C’est là l’une des
caractéristiques les plus
profondes de l’identité
balkanique, cette
cohabitation entre
monde orthodoxe et
monde musulman
RDM : ON PARLE D’UNITÉ ET CEPENDANT
LES BALKANS SE CARACTÉRISENT AUSSI ET
SURTOUT PAR LEUR MORCELLEMENT.
COMMENT EXPLIQUER CES LIGNES DE FRACTURE ?
B. L. : Après l’Empire romain unificateur apparaît une période
d’émiettement, avec l’arrivée de nombreux envahisseurs et
notamment les Slaves au Ve et VIe siècles qui bouleversent la
composition ethnique de la région. Jusque-là coexistaient des
peuples autochtones : les Daces, les Thraces, les Macédoniens
antiques. Ces populations ont été broyées et ont disparu. Durant
la domination byzantine vont se succéder des périodes très fluctuantes d’expansion et de recul face aux musulmans. À certaines
époques, les Balkans sont même totalement abandonnés aux
barbares.
RDM : CATHOLICISME, ORTHODOXIE ET ISLAM
SE SONT RENCONTRÉS ET AFFRONTÉS DANS
LES BALKANS. PARLERIEZ-VOUS DE FRACTURE
RELIGIEUSE ?
B. L. : C’est là l’une des caractéristiques les plus profondes de
l’identité balkanique, cette cohabitation entre monde orthodoxe
et monde musulman. L’Empire ottoman, pendant cinq siècles,
va être une nouvelle phase d’unification et va laisser une marque
très forte dans la structure des villes, dans la mentalité des gens,
dans leur rapport au politique. Voilà une terre d’expérience très
DOSSIER MÉDITERRANÉE / LES BALKANS
intéressante de cohabitation entre les religions certes pas toujours harmonieuse. Chaque communauté religieuse bénéficie
d’une certaine liberté mais l’islam domine dans le cadre public. Les chrétiens s’organisent avec des restrictions : les églises
doivent être de petite taille, on ne peut sonner les cloches… Il
existe donc une hiérarchisation très nette mais tolérante. La minorité juive était d’ailleurs relativement bien traitée dans cette
région en comparaison avec le reste de l’Europe.
RDM : PLUS RÉCEMMENT, LA FRONTIÈRE ENTRE
LES BLOCS DE L’EST ET DE L’OUEST A-T-ELLE UNE
NOUVELLE FOIS REDESSINÉ LA RÉGION ?
B. L. : Elle a été particulièrement éclatée dans cette région. Dans
les années 1970, on assiste à une situation très curieuse. La Grèce
fait partie de l’OTAN, la Bulgarie et la Roumanie du Pacte de Varsovie, la Yougoslavie est un pays non aligné et l’Albanie est pro
chinoise. Rarement on a eu un clivage entre les blocs aussi présent et puissant. De voisin à voisin pendant près de 45 ans, on ne
s’est pas fréquenté. C’est une tragédie.
RDM : COMMENT LES NATIONS MODERNES SE SONTELLES FORMÉES MALGRÉ CET ENCHEVÊTREMENT
DE PEUPLES ET DE RELIGIONS ?
B. L. : En fait ce sont les Grecs qui les premiers dans la région
vont avoir des revendications nationales à la fin du XVIIIe siècle,
fondées sur une identité forte, une langue, un alphabet, des
ancêtres prestigieux, beaucoup d’éléments qui permettent de
construire un sentiment national assez aisément.
Les Serbes les imitent avec une génération de décalage. En Albanie, la nécessité de s’organiser apparaît à la fin du XIXe siècle, au
moment de l’agonie de l’Empire ottoman. Mais qui dit nations,
dit frontières. Or dans une région où les populations sont aussi mélangées, ça a été un drame. Il a fallu tailler dans le vif, en
créant des minorités maltraitées, expulsées. Tout le XXe siècle
aura été émaillé de conflits pour ajuster un contenu ethnique à
des frontières géographiques. Quand le communisme est tombé, on a redécouvert que le voisin qu’on avait fantasmé de l’autre
côté de la frontière, était finalement un proche cousin.
RDM : CROYEZ-VOUS EN UN AVENIR PACIFIÉ ET
UNIFIÉ GRÂCE NOTAMMENT À LA CONSTRUCTION
EUROPÉENNE ?
B. L. : L’intégration européenne est le programme des élites urbaines. La majorité de la population n’est pas pour, notamment à
cause de la liberté de circulation qui en résulterait dans une région
où les populations chassées par la force ou par les conflits pourraient décider légitimement de rentrer chez elles. Malgré tout,
une fluidité se crée. Très récemment une autoroute a été percée
qui relie en 2 heures la côte adriatique au Kosovo, qui était jusquelà inaccessible. L’OTAN qui occupait le pays pendant la crise de
1999 a rencontré d’énormes difficultés logistiques pour parcourir
à peine 150 km. Ces nouvelles routes arrivent à résoudre des problèmes millénaires. Reste à voir si on a envie de se fréquenter entre
voisins après les guerres fratricides des années 1990. La réconciliation reste difficile à gérer. Mais ce n’est pas une fatalité.
RdM
31
THÉÂTRE
DES
RIVALITÉS
VÉNÉTOOT TO­M ANES
–
mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine
DOSSIER MÉDITERRANÉE / L´ADRIATIQUE
Le Lion de Venise a dominé l’Adriatique durant des siècles,
mais à peine l’Empire ottoman avait-il fait main basse sur les Balkans
qu’il est venu défier la Sérénissime République sur « sa » mer…
Dès la fin du XVe siècle, l’Adriatique est devenue un dangereux champ de bataille.
I
–
Par Jean-Arnault Dérens et Laurent Geslin ¬
l fut un temps où il était nécessaire de s'armer
de pointes et de piques pour prendre la mer, où
une traversée pouvait se finir sur les bancs de la
chiourme, où les moins rapides au combat, et les
plus malchanceux, allaient nourrir les poissons
de roche. Durant trois siècles une guerre sans
merci s’est poursuivie à travers toute la Méditerranée, sur les rivages de l'Afrique du Nord,
de l'Espagne, de l'Italie, des Balkans et de la Turquie. Les navires
marchands étaient pillés, les populations du littoral trouvant refuge dans des villages fortifiés de l'arrière-pays, car c'est par le
large qu'arrivaient le danger et les envahisseurs. L’Adriatique,
longtemps dominée par la superpuissance navale vénitienne, a été
l’un des théâtres privilégiés de cette confrontation.
LA CONQUÊTE OT TOMANE
Dès la fin du XVe siècle, l’Empire ottoman paracheva sa conquête
des Balkans en établissant de solides positions sur la côte adriatique : il contrôlait les côtes albanaises et monténégrines, multipliant les raids en Dalmatie, et menaça même l’Istrie vénitienne,
tout au nord de la mer. La paix de Buda, conclue en 1503 entre la
Sublime Porte et la Sérénissime République garantit, en théorie,
la liberté de circulation en mer Adriatique, mais le grignotage se
poursuivit, Venise perdant l’un après l’autre de précieux comptoirs
et points d’appui, comme Butrint, dans le sud de l’Albanie, Ulcinj,
ou les îles de Zante et de Céphalonie qui contrôlent l’accès au golfe
de Patras.
Lors de la bataille de Lépante, en 1571, l’une des plus grandes
confrontations navales de l’Histoire, les 212 navires de la coalition chrétienne rassemblée autour de Venise et de la monarchie
espagnole écrasèrent la flotte ottomane, conduite par Ali Pacha
Moezin. Les lourdes galères turques furent bloquées dans le golfe
de Patras, pilonnées par les navires chrétiens, plus légers et plus rapides. Cependant, après cette victoire, les chrétiens ne surent pas
pousser leur avantage. Venise, ruinée par la guerre et l'interruption
de son commerce avec l'Orient, négocia avec les Turcs et leur reconnut par traité le 7 mars 1573 la possession de Chypre, prise trois
ans plus tôt et pourtant objet originel du conflit. « En nous emparant
de Chypre, nous vous avons coupé un bras, et à Lépante vous nous avez
coupé la barbe. Un bras coupé ne peut pas repousser, tandis que la barbe
coupée repousse avec plus de force qu'avant », aurait déclaré à cette occasion le grand vizir Mehmed pacha Sokolovic, un converti issu
d’une famille serbe de Bosnie.
LA PESTE ET LES PIRATES
Un interminable et tragique face-à-face s’instaura pour deux
siècles. Venise dominait le nord de la mer, mais la liberté de circulation restait vitale pour son commerce avec l’Orient. Les Ottomans étaient solidement établis sur la côte sud-est, contrôlant
ainsi la sortie de l’Adriatique vers la mer Ionienne : ils réussirent
même à prendre un temps, au début du siècle, la ville d’Otrante
dans les Pouilles, véritable « verrou » de l’Adriatique : à ce niveau,
La terreur uscoque
Qui se souvient encore des redoubles pirates uscoques,
qui pillaient les navires marchands de l'Adriatique ? À la
fin du XVe siècle et au début du XVIe siècle, la progression
des Ottomans dans les Balkans refoule sur les côtes des
populations chrétiennes chassées de Bosnie-Herzégovine et
de Croatie. Ces paysans des montagnes qui ne connaissent
rien à la pêche prennent les armes pour survivre. Installés
autour du château de Klis, en Dalmatie centrale, puis
à la chute de celui-ci, en 1537, dans la ville de Senj, sur
les marches de l'empire des Habsbourg qui leur offre
sa protection, les Uscoques mènent des attaques contre
les navires ottomans mais également contre les routes
commerciales vénitiennes.
En 1540, des bandes uscoques ravagent les îles
vénitiennes de Krk, Rab et Pag. Elles attaquent Raguse
(Dubrovnik) en 1561. Se déplaçant grâce à de petites
barques très maniables, trouvant refuge dans les criques
des îles de l'Adriatique, les Uscoques ont constitué
durant des décennies une véritable épine dans le pied
de la Sérénissime, forçant les doges à financer plusieurs
expéditions pour tenter d'en venir à bout. L'intensification
des raids des pirates provoquera même une véritable
guerre entre Venise et le Saint Empire romain germanique
(1615-1617), au terme de laquelle Vienne met un terme aux
activités des pirates, les déportant à l'intérieur des terres,
en Slovénie.
L'histoire de ces pirates a été popularisée au début
des années 1980 par une série télévisée germano-suissoyougoslave, Zora la rousse, qui raconte les aventures
d'une bande d'orphelins de Senj ayant pris pour nom
les Uscoques. Aujourd'hui encore, les habitants de cette
petite ville de Dalmatie célèbrent chaque année la mémoire
de leurs glorieux ancêtres détrousseurs de marchands.
33
L´ADRIATIQUE / DOSSIER MÉDITERRANÉE
une quarantaine de milles nautiques seulement séparent l’Italie des côtes albanaises. Pour sa part, le sud du littoral italien de
l’Adriatique dépendait du royaume de Naples, mais celui-ci n’était
pas une grande puissance navale et s’intéressait peu à l’Adriatique.
La côte italienne, sableuse et paludéenne, largement ouverte sur le
large, n’offrait guère de protection aux marins, l’activité maritime
se concentrant par ailleurs dans quelques ports comme Ancône,
Pescara, Bari ou Monopoli. À l’inverse, sur la rive balkanique,
chaque crique bien exposée offrait un mouillage protecteur, où il
était souvent facile de dissimuler de petites embarcations. Chaque
île dalmate avait ainsi ses marins, ses criques secrètes, mais aussi
ses cachettes où se réfugier en cas d’attaque redoutée des gusari,
les pirates.
Les populations du littoral redoutaient en effet deux grands ennemis : la peste et les raids musulmans. La maladie frappa régulièrement jusqu’à la fin du XVIIe siècle, tandis que les petits ports de la
côte albanaise, Ulcinj, Durres ou Vlora étaient de redoutables nids
de pirates, qui venaient en renfort de la flotte ottomane lors des
guerres et agissaient pour leur propre compte le reste du temps,
ravageant les côtes italiennes des Marches et des Pouilles. Au
XVIIe siècle, l’Adriatique fut à peu près épargnée par la « grande
course » menée par des escadres de pirates algérois, mais la « petite course » locale était tout aussi redoutable. Même la riche cité
commerçante de Raguse, l’actuelle Dubrovnik, rivale de Venise et
qui payait pourtant tribut à la Porte, ne fut pas épargnée. Les marins grecs des îles ioniennes, passés au service de Venise, menaient
aussi des opérations de représailles, mais la course chrétienne resta plus limitée que celle des Musulmans.
Un interminable
et tragique
face-à-face
s’instaura pour
deux siècles
LA CHASSE À L’HOMME
Les captifs les plus faibles succombaient rapidement aux mauvais
traitements et à la maladie, les plus robustes étaient envoyés aux
galères. Les voyageurs et les marchands risquaient donc de finir
sur les marchés aux esclaves des ports albanais puis d’être affectés sur les bancs de rame des galiotes, les petites galères rapides
et maniables qu’utilisaient les pirates. Ces navires connaissaient
toutefois un double mode de propulsion, à la voile et à la rame, les
galères pouvant déployer plusieurs centaines de mètres carrés de
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RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016
voiles latines. Les progrès des techniques de construction et de
gréement réduisirent progressivement les besoins en rameurs,
dont le rôle pour accroître la vitesse n’était guère requis que pour
aller à l’abordage dans les batailles.
De plus en plus, la chasse à l’homme visait donc moins à regarnir les rangs de la chiourme qu’à pratiquer le chantage à la rançon. Certains marchands ragusains jouaient les intermédiaires
en négociant, auprès des pirates, le rachat des prisonniers chrétiens : c’est ainsi que se sont édifiées de coquettes fortunes. Les
« rachetés » passaient un temps au lazaret de Ploce, au nord de
Dubrovnik, avant d’être reconduits sur l’autre rive, à Ancône ou
Senigallia. Les plus pauvres restaient en dette par rapport à leurs
« libérateurs » et devaient donc travailler gratuitement pour leur
nouveau maître chrétien.
LE DÉCLIN DE VENISE
Certaines congrégations religieuses comme l'ordre de la Très
Sainte Trinité et des captifs ou l'ordre des Mercédaires se spécialisèrent aussi dans le rachat des captifs, collectant des fonds pour
ceux qui ne pouvaient pas compter sur leur famille. Sur les mers,
l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem, basé à Malte après avoir été
chassé de Rhodes (1523) par la poussée ottomane, menait aussi la
guerre de course contre les galères et les navires marchands ottomans. C'est pour réduire cet îlot qui gênait considérablement
les opérations de la Porte en Méditerranée que Soliman le Magnifique prit la décision d'attaquer Malte en 1565. Deux cent navires
et 30 000 soldats furent engagés dans l'opération, dont le corps
d'élite des janissaires, ainsi que des chefs corsaires comme Uluc
Ali Pasa, un renégat italien du nom de Giovanni Dionigi Galeni.
Après six mois de combats, les Ottomans commençaient à manquer de vivres et de munitions. Leurs lignes de ravitaillement
étaient menacées par des corsaires chrétiens, alors ils décidèrent
de lever le siège.
Affaibli par les guerres, notamment l’interminable guerre de
Candie (1645-1699), dont le contrôle de la Crète était l’objet initial, le commerce vénitien déclina rapidement à partir de la fin du
XVIIe siècle. De nouvelles puissances faisaient leur entrée en mer
Adriatique, notamment l’empire des Habsbourg, depuis le port de
Trieste, qui se développa rapidement sous Marie-Thérèse d’Autriche, couronnée en 1740. Durant la seconde moitié du XVIIIe
siècle, Raguse connut aussi un nouvel âge d’or, notamment grâce
au commerce du sel des salines de Ston, un produit de grande
exportation. La cité-État possédait ses relais commerciaux dans
l’intérieur de la péninsule balkanique, comme Trebinje, Sarajevo
ou Novi Pazar, et tira profit de sa neutralité dans les conflits entre
les Habsbourg et Venise.
UNE CIVILISATION ADRIATIQUE
La splendeur de Venise aurait été inimaginable sans les précieuses
ressources de son empire : la « terraferma » italienne, mais aussi
l’Istrie, la Dalmatie et les possessions égrenées le long des rives
de l’Adriatique. C’est de là que venaient les ressources minières
et agricoles, le bois pour construire les bateaux, mais aussi les
hommes : les marins, les soldats, les rameurs, libres ou forçats, des
galères, et les calfats qui construisaient les navires. Tout près de
mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine
la place Saint-Marc et non loin de l’Arsenal, la célèbre Riva degli
Schiavoni était le quai sur lequel déchargeaient les navires marchands qui arrivaient à Venise : ce « quai des Slaves » rappelle l’importance que les Dalmates ou les Monténégrins, dockers, portefaix ou esclaves, jouèrent dans la fortune de Venise.
Une véritable « civilisation » de l’Adriatique a existé durant ces
siècles troublés. Malgré la diversité des peuples – italiens, slaves,
albanais – le vénitien était la lingua franca, comprise et parlée dans
tous les ports. Les techniques de navigation étaient fondamentalement les mêmes, les contraintes du milieu pesaient sur tous.
Les mêmes dangers menaçaient tous les marins, notamment la
bora, ce redoutable vent catabatique qui descend chaque hiver des
hauteurs du Velebit, balayant la mer du nord au sud, rendant toute
navigation impossible. Cette civilisation maritime était partagée par les populations des îles et du cordon littoral, toujours très
étroit, de la rive orientale, mais il existe toujours un fort contraste,
voire une totale incompréhension entre les populations du littoral
et celles des montagnes qui surplombent la mer : à quelques kilomètres de distance, ce sont deux univers totalement différents qui
se font face, même si les ports du littoral ont toujours eu besoin
de leur hinterland montagneux, fournisseur de bois, mais aussi de
viande, de cuir et de laine.
L’HÉRITAGE DE VENISE
C’est probablement dans la Bouche de Kotor, au Monténégro,
que le souvenir de la Sérénissime est, aujourd’hui encore, le plus
obsédant. Même si la messe n’y est plus célébrée qu’occasionnellement, les dizaines d’églises catholiques gardent mémoire du
temps où le littoral était un réduit catholique au pied des montagnes, majoritairement orthodoxes. Le village de Perast fournit
des dizaines de capitaines à la flotte vénitienne. Quand le dernier
doge déposa les armes de saint Marc face aux armées de Napoléon Ier, le 12 mars 1797, les habitants de Perast furent les derniers
à vouloir poursuivre la lutte et ne s’inclinèrent qu’au bout de plusieurs mois. Le 23 août de cette funeste année 1797, ils décidèrent
de cacher le gonfalon de la Sérénissime sous l’autel de l’église paroissiale, afin que jamais il ne tombe en des mains ennemies. Le
capitaine Giuseppe Viscovich baisa la bannière sacrée, après avoir
prononcé un long discours, vibrant cri d’amour au Lion de saint
Marc. « Durant trois cent soixante-dix-sept ans, nos vies, notre sang n’ont
existé que pour toi, saint Marc ; et nous en avons toujours gardé l’honneur
avec grande joie : Toi avec nous, nous avec Toi ! ; et avec Toi sur la mer,
toujours nous fûmes illustres et vertueux. Avec Toi, nul ne nous a jamais
vu fuir, jamais nous ne connûmes la défaite ou la peur. » Niché dans une
ancienne demeure patricienne, le petit musée maritime du village
garde encore la trace de ce passé glorieux. Selon la communauté
italienne du Monténégro, les 140 habitants autochtones du village
seraient à compter parmi les derniers locuteurs du veneto da mar ,
le vénitien maritime mais, l’été, ce sont surtout les touristes serbes
et russes qui se font entendre dans le vieux village.
L’ADRIATIQUE, UNE FRONTIÈRE
Après la chute de Venise – et de Raguse, également intégrée aux
éphémères Provinces illyriennes de l’Empire napoléonien –
l’Adriatique cessa d’être une frontière disputée de l’islam et de la
DOSSIER MÉDITERRANÉE / L´ADRIATIQUE
Monténégro :
Ulcinj et ses pirates barbaresques
Quand les troupes du roi du Monténégro Nicolas Ier entrent
dans Ulcinj en 1880, la cité corsaire n'est plus la place
forte qui faisait trembler les navires marchands remontant
l'Adriatique en direction de Venise. Tout au plus reste-t-il
quelques barques, tirées dans les criques qui entourent
la ville, pour des coups de main aisés contre des marchands
désarmés. La ville antique, fondée au Ve siècle avant J.-C.
par des Grecs de Colchide a pourtant longtemps été
un repère de gredins sans pitié.
En 1571, Uluc Ali Pasa, un capitaine italien, ancien rameur
de la chiourme converti à l'islam, devenu l’un des plus grands
maîtres d’esclaves de son temps, s'empare de la ville pour
le compte de l'Empire ottoman. À la fin du XVIe siècle, 400
pirates originaires de Malte, de Tunisie ou d'Algérie sont
établis à Ulcinj, rançonnant les navires et les villages côtiers
à la recherche d'or, d'hommes et de femmes à revendre sur
la « place des esclaves » (« Trg robova »). Selon la tradition
locale, l’écrivain espagnol Miguel de Cervantès, le père
de Don Quichotte, aurait ainsi passé plusieurs années de
captivité dans la forteresse pirate, après la bataille de
Lépante (1571).
La Dulcinée chère au cœur du chevalier errant serait ainsi
une fille d’Ulcinj. La ville est aussi connue pour avoir accueilli
Sabbataï Tsevi (1629-1676), le messie juif autoproclamé,
converti à l'islam et exilé par les autorités ottomanes.
Aujourd'hui, Ulcinj s'est endormie en rêvant de son passé
guerrier. Les Albanais, qui constituent la majorité de la
population de la ville, partent vers l'Europe occidentale
dans l'espoir de trouver du travail et reviennent l'été avec
les vacanciers du Kosovo. Les vieux murs de la citadelle sont
toujours debout. Ils ont résisté au temps et aux tremblements
de terre, guettant le retour d'un navire qui permettra, un jour,
à la cité de renouer avec la gloire et la fortune.
chrétienté. En crise, l’Empire ottoman n’était plus une menace,
tandis que de nouveaux États indépendants apparaissaient dans
les Balkans. Durant la seconde moitié du XXe siècle, l’Adriatique
fut le théâtre d’une autre confrontation, en devenant un élément
du rideau de fer qui coupait en deux l’Europe. La Yougoslavie et
l’Albanie socialistes étaient prêtes à faire face aux avions et aux
marines de l’OTAN, basées en Italie. L’URSS déploya même des
sous-marins atomiques dans la base de Pacha Liman, au fond du
golfe de Vlora, du moins jusqu’à la rupture de 1961 entre Tirana et
Moscou… Aujourd’hui, il reste parfois difficile de surmonter les
vieilles méfiances. Malgré la création, en 2006, d’une Eurorégion
adriatique et ionienne, réunissant les deux rives de la mer, la coopération demeure trop faible entre les pays riverains, alors que de
nouvelles menaces pèsent sur tous, à commencer par celle de la
pollution dans une mer semi-fermée.
RdM
35
L ES IDEN T I T ÉS
INCER TA INES
–
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DOSSIER MÉDITERRANÉE / GRÈCE & ALBANIE
De Vlora jusqu’au golfe de Préveza, s’étend l’une des plus belles côtes
de la Méditerranée, encore largement préservée. Sur ces rivages de l’Adriatique
et de la mer Ionienne, en face de l’île de Corfou, les peuples, les langues
et les religions se mêlent, et le tracé de la frontière entre l'Albanie et la Grèce
n’a jamais fait consensus.
–
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Par Jean-Arnault Dérens ¬
“N
ous mangeons les mêmes plats,
nous dansons les mêmes danses,
nous chantons les mêmes chansons, même si les paroles en sont
écrites dans deux langues différentes. Et pourtant, de lourdes
méfiances n’ont cessé de s’accumuler entre nos deux peuples »,
soupire Dimitrios Giogkas, un homme d’affaires de Janina, le
principal centre urbain de la région grecque de l’Épire. Dimitrios
commerce avec l’Albanie voisine depuis que le régime stalinien qui tenait ce pays isolé du reste du monde s’est effondré en
1992. Il se rend chaque semaine de l’autre côté de la frontière, à
Gjirokastra, la « ville de pierres » où la langue grecque est toujours comprise et parlée, à côté de l’albanais. Dimitrios se veut
pionnier d’une réconciliation qui tarde toujours à venir. Même
si les échanges commerciaux – licites ou non, car la contrebande
fleurit depuis longtemps dans la région – sont redevenus naturels, l’état de guerre, proclamé en 1940, n’a jamais été formellement aboli entre les deux pays, et les revendications nationalistes
et irrédentistes s’entrecroisent toujours.
À Gjirokastra en Albanie, la langue grecque est toujours comprise et parlée
par la population, à côté de l’albanais.
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GRÈCE & ALBANIE / DOSSIER MÉDITERRANÉE
D’un côté
et de l’autre
de la frontière,
les peuples
s’entremêlent
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DES TENSIONS SÉCULAIRES
Cette région, tout d’abord, comment l’appeler ? Pour les Grecs, il
s’agit de l’Épire, dont la partie septentrionale serait « occupée »
depuis un siècle par l’Albanie. Pour les Albanais, au contraire,
l’Épire du sud, c’est-à-dire l’actuel département grec de Thesprotie,
correspond en fait à la Tchameria, une région historiquement
albanaise dont les populations autochtones ont été massivement expulsées par les Grecs après la Seconde Guerre mondiale.
D’un côté et de l’autre de la frontière, de toute façon, les peuples
s’entremêlent : la minorité grecque d’Albanie réclame les droits
dont elle s’estime privée, tandis qu’en Grèce, les Albanais, surtout ceux de confession orthodoxe, sont en voie d’assimilation.
Toute l’Épire a fait partie, durant au moins cinq siècles, de l’Empire ottoman. Janina fut la résidence du redoutable Ali Pacha :
ce condottiere moderne naquit aux alentours de 1750 dans la petite ville albanaise de Tepelen. Gouverneur ottoman de Janina
et de Trikala, il anéantit les grandes familles féodales du sud
de l’Albanie et ne cessa de combattre les Souliotes, des insurgés orthodoxes qui faisaient le coup de feu contre les caravanes
marchandes et les représentants de l’Empire depuis leurs réduits
montagnards. Vers 1800, Ali Pacha contrôlait un quasi-État
s’étendant de l’Épire à la Macédoine – pas loin de la moitié des
Balkans. Pour mieux asseoir son indépendance face à Istanbul,
il caressa un temps l’idée d’une alliance avec Napoléon, dont
les Provinces illyriennes s’étendaient sur toute la Dalmatie,
jusqu’aux confins du Monténégro. Ce projet n’aboutit pas, mais
Ali Pacha continua de rêver d’indépendance jusqu’à ce que, lâché par une partie de ses troupes, il ne tombe, en 1822, aux mains
de ses adversaires ottomans « loyalistes ». Ali Pacha a profondément impressionné ses interlocuteurs occidentaux, notamment
Lord Byron, le poète anglais, qui séjourna à sa cour, et l’épopée
de ce noble albanais a inspiré Alexandre Dumas, qui l’évoque
à plusieurs reprises, tant dans ses nouvelles que dans Le Comte
de Monte-Cristo. Dans la région, la mémoire d’Ali Pacha est fortement contrastée : certains Albanais y voient le précurseur de
l’indépendance nationale, tandis que les Grecs gardent surtout
le souvenir de la cruauté de ses impitoyables soldats.
DES FRONTIÈRES IMPARFAITES
L’indépendance de l’Albanie a été proclamée le 28 novembre
1912, depuis le petit bâtiment de la douane du port de Vlora, aujourd’hui transformé en musée, mais les frontières du nouvel
État n’ont été fixées qu’au sortir de la Première Guerre mondiale.
Des régions où les Albanais vivaient nombreux, comme le Kosovo, sont restées en-dehors du nouvel État, tandis qu’entre Albanie et Grèce, la démarcation est venue couper au travers de
populations qui avaient toujours vécu côte à côte, et les Albanais
musulmans du sud de l’Épire, les Tchams, sont devenus citoyens
grecs, tandis que de nombreux Grecs se sont retrouvés du côté
albanais de la frontière. L’Italie de Mussolini a annexé l’Albanie
en 1939 puis, l’année suivante, s’est lancée, depuis ce pays, à la
conquête de la Grèce, en s’appuyant sur des auxiliaires albanais.
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DOSSIER MÉDITERRANÉE / GRÈCE & ALBANIE
grecque, grecque orthodoxe ! » Mais elle le dit… en albanais ! En effet,
l’appartenance confessionnelle est plus importante que l’identité linguistique et, en Grèce, tous ceux qui pratiquent l’orthodoxie sont réputés grecs, même la vieille Kata qui, à 80 ans, ne
parle pas la langue grecque.
Sur les murs des villes d’Albanie, la guerre se poursuit en graffitis.
Certains appellent à la « libération » de la Tchameria, tandis que
d’autres réclament plus de droits pour la minorité grecque. Les
tensions se concentrent dans la petite ville côtière d’Himara, une
sorte de Saint-Tropez ionien, avant le développement du tourisme de luxe. Le maire de la ville est issu de la minorité grecque
et se bat notamment pour la reconnaissance du bilinguisme,
s’attirant les foudres des nationalistes albanais.
NATIONALITÉS INDISCERNABLES
D’après le dernier recensement de population organisé en 2011,
moins de 1 % des citoyens d’Albanie ont déclaré appartenir à
la minorité grecque – un chiffre aussitôt dénoncé par celle-ci,
qui parle de sous-évaluation délibérée et rappelle que les Grecs
auraient représenté près de 10 % de la population albanaise à la
chute du communisme. Lors des recensements, chacun déclare librement sa nationalité : une même personne peut donc
se prétendre grecque, puis albanaise, ou vice-versa, et cette déclaration répond souvent à des objectifs très pratiques. Au début
des années 1990, les Albanais du sud du pays ont massivement
émigré vers la Grèce, et tous ceux de confession orthodoxe prétendaient appartenir à la minorité grecque, gage d’une meilleure
intégration dans leur nouveau pays, dont ils pouvaient même demander la citoyenneté. Aujourd’hui encore, tous les habitants de
Saranda, le port qui fait face à l’île grecque de Corfou, maîtrisent
les deux langues et sont plus souvent de confession orthodoxe
que musulmane. Bien malin qui pourrait dire qui est albanais
et qui est grec, malgré les drapeaux qui claquent au vent sur les
chantiers des nombreuses maisons en construction.
RdM
À la libération, les Tchams ont été collectivement accusés
de collaboration avec les occupants fascistes et systématiquement expulsés de Grèce, leurs biens saisis. Aujourd’hui encore, la question du retour des propriétaires
spoliés oppose les deux pays devant la Cour européenne
des droits de l’homme.
IDENTITÉS CROISÉES
Plus rien ne permet de distinguer les anciens villages
tchams, repeuplés par de nouveaux venus. Les mosquées
ont été détruites et le souvenir de cette communauté éradiqué des mémoires grecques. Pourtant beaucoup d’albanophones vivent toujours en Grèce – des immigrés venus d’Albanie et qui ressentent aujourd’hui durement les
conséquences de l’interminable crise économique, mais
aussi des Albanais orthodoxes, ou « Arvanites », qui ont
toujours vécu sur ces terres accrochées entre terre et mer.
Dans le village de Parapotamos, qui surplombe Igoumenitsa et la mer Ionienne, la vieille Kata s’exclame : « Je suis
L’appartenance
confessionnelle
est plus
importante
que l’identité
linguistique
39
,
ENTRETIEN
AVEC
JEAN-LOUIS
L ABARRIÈRE,
PHILOSOPHE
–
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DOSSIER MÉDITERRANÉE / GRÈCE & ATHÈNES
On pourrait dire qu’Alexis Tsipras n’a pas fait le trop mauvais choix :
respecter les intérêts généraux tout en respectant ceux
du peuple. C’est, somme toute, assez aristotélicien : refonder,
voire réformer, plutôt que rompre radicalement,
ce qui serait une position plutôt platonicienne.
–
Réalisé par Kristina Matalaité et Florian Chavanon ¬
L’
héritage de la philosophie antique
est considérable et les philosophes
de l’âge d’or de la Grèce continuent
d’influencer la pensée occidentale,
et notamment la pensée politique
européenne. Ce sont Platon et Aristote qui, les premiers, ont réfléchi la
politique et le politique, ainsi que la
démocratie athénienne. Avec des réponses bien différentes.
Nous avons demandé à Jean-Louis Labarrière, agrégé de philosophie mais surtout l’un des meilleurs spécialistes, internationalement reconnu, de la philosophie d’Artistote et de la période antique, de nous en dire un peu plus sur ces deux grands
philosophes grecs et de tenter de les confronter à l’époque
contemporaine. Exercice périlleux.
RDM : IL EST TOUJOURS DIFFICILE DE TROUVER
LA MEILLEURE PORTE D’ENTRÉE DANS L’ŒUVRE
DE CES DEUX IMMENSES PHILOSOPHES,
NOTAMMENT POUR ABORDER LA POLITIQUE.
POURRIEZ-VOUS COMMENCER PAR DÉFINIR
LA NOTION D’ANIMAL POLITIQUE CHEZ
ARISTOTE ?
Jean-Louis Labarrière : La notion d’animal politique, zôon
politikon en grec, renvoie en premier lieu au fait que l’homme
est par nature un animal social ou communautaire, soit un
être destiné à vivre dans cette cité-État qu’est la polis. C’est
d’ailleurs ce qu’en retiendra Marx dans sa croisade contre
les robinsonnades : l’homme ne peut s’épanouir qu’en vivant
en société. Autrement dit selon Aristote, puis pour Hegel et
Marx, l’homme ne se définit pas d’abord comme individu, ce
qui sera la position de la philosophie politique moderne des
XVIIe et XVIIIe siècles. Il est important de souligner, avant
de poursuivre, que, selon Aristote, et déjà même pour Platon
(voir Le Phédon), l’homme n’est pas le seul animal politique au
monde : les abeilles, les guêpes, les fourmis et les grues sont
aussi désignées ainsi par Aristote dans son traité L’Histoire des
animaux. Qu’il faille comprendre cela en un sens métaphorique ou non est une question qui divise les interprètes. Pour
ma part, je préfère ici retenir de cette distinction la chose
suivante : ce qui distingue les animaux grégaires (agelaia),
ceux qui vivent simplement ensemble comme les bovins, des
animaux politiques, c’est que ces derniers ont ensemble une
« œuvre commune » qui les tend vers un même but. Il suffit,
pour comprendre cela, de penser à la ruche, modèle de cité
pour Platon.
Maintenant, quand Aristote dit que l’homme est un « animal
politique par nature », c’est en fait une déduction du fait que
c’est la cité elle-même qui existe par nature, où il faut comprendre qu’elle n’existe pas par convention entre des individus pensés comme séparés au départ. En effet, dès le début
de son traité les Politiques, Aristote nous fournit une genèse
historico-biologique de la cité en trois étapes : famille, village,
cité. La famille provient de la « loi de nature » qui, comme
chez les autres animaux, conduit à laisser après soi un autre
pareil qu’à soi-même. Le village est le regroupement des familles « pour des besoins qui dépassent ceux de la vie quotidienne ».
C’est la naissance des échanges économiques, mais aussi des
royautés patriarcales. La cité est le terme ultime de ce développement. Elle est auto-suffisante, ce qui revient à dire
qu’elle est parfaite, achevée. Donc le regroupement ne peut
que s’arrêter là, à une cité-État de taille humaine. Aristote a, à
ce sujet, une très jolie expression : « Qui sera son héraut, s’il n’a
la voix de Stentor ? » Mais alors se produit ce qu’Hegel appellera
plus tard un saut qualitatif : formée en vue du seul survivre,
voire du seul vivre ensemble (su zên), la cité existe en réalité
41
GRÈCE & ATHÈNES / DOSSIER MÉDITERRANÉE
en vue du bien-vivre (eu zên), du bonheur. C’est le point fondamental de la philosophie politique d’Aristote.
Voilà qui pourrait surprendre nombre de nos contemporains,
mais cette idée, à savoir que la cité existe en vue du bonheur,
était partagée par la très grande majorité des philosophes
grecs, à l’exception sans doute des cyniques, qui préféraient
l’état de « sauvagerie » à l’état « civil » et des épicuriens, qui
préféraient leur « jardin » à la cité afin de gagner la paix de
l’âme (la fameuse ataraxie). Plus fondamentalement, tous les
philosophes grecs sont des eudoménistes, c’est-à-dire que
leur objectif premier aura été la quête du bonheur par l’acquisition de la vertu. Platon et Aristote se singularisent un peu en
cela en soulignant très fortement que cette quête ne peut être
satisfaite que dans le cadre de la cité. Cette idée sera reprise
par Cicéron.
RDM : ARISTOTE ÉTAIT-IL IMPLIQUÉ DANS
LA POLITIQUE DE SON TEMPS ET QUELLE A ÉTÉ
SON INFLUENCE RÉELLE SUR SES
CONTEMPORAINS ?
J.-L. L. : Il faut tout d’abord rappeler qu’Aristote, né à Stagire,
dans le nord de la Grèce, était un Macédonien. Autrement dit,
à Athènes, au sens originel et le plus strict du terme, c’était un
métèque, c’est-à-dire un habitant d’Athènes, mais un étranger n’ayant aucun des droits relevant de la citoyenneté athénienne. Pas même le droit d’acheter un terrain et il s’en plaignit ! De ce point de vue, Aristote ne pouvait exercer aucune
inf luence politique réelle sur les citoyens athéniens, meurtris,
de surcroît, par la mise sous tutelle d’Athènes durant le règne
de Philippe II de Macédoine, un ami d’enfance d’Aristote.
Puis par son fils Alexandre le Grand.
Finalement, la seule inf luence réelle qu’Aristote aurait pu
exercer sur ses contemporains serait celle qu’il aurait pu avoir
sur son élève, le futur Alexandre le Grand, dont il fut le précepteur alors que celui-ci n’était encore qu’un jeune adolescent.
L’histoire mérite d’être contée. Aristote fut contacté par Philippe II de Macédoine, afin de devenir le précepteur de son fils,
qui, sous l’inf luence de sa mère, le détestait profondément.
Le philosophe avait alors quitté Athènes depuis plusieurs années après avoir été dépossédé par Platon lui-même de l’héritage de l’Académie dont il se pensait le plus digne des héritiers, même s’il n’en partageait pas les doctrines principales.
Le Stagirite répondit alors à Philippe : « Oui, mais reconstruis
d’abord ma ville, Stagire, que tu as détruite ! » Philippe s’exécuta
et c’est ainsi qu’Aristote devint le précepteur d’Alexandre. Il
faut toutefois remarquer que même si Alexandre respecta son
vieux maître jusqu’à la fin de ses jours, ou à peu près (il paraît
qu’il lui envoyait des exemples d’espèces animales inconnues
de lui), les choses s’envenimèrent nettement entre eux après
l’exécution du neveu d’Aristote, l’historien Callisthène, dans
une obscure histoire de complot. Ajoutons à cela qu’Aristote
ne pouvait être qu’opposé à ce projet de grande fusion entre la
Grèce et la Perse ! Du fait même, je vous l’ai dit, que, selon lui,
la cité est un horizon indépassable.
Enfin, le fait qu’il soit d’origine macédonienne a fini par se
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RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016
retourner contre lui après la mort d’Alexandre le Grand. En
effet, le parti anti-macédonien, dont un des plus notables
représentants était Démosthène, reprit du poil de la bête et
s’en prit à lui. Une accusation d’impiété fut même alors lancée
contre lui. Aristote en tira les conséquences et s’exila en ayant
eu, paraît-il, ce mot : « Je ne laisserai pas assassiner la philosophie
une seconde fois ! » Il mourut un an plus tard. Avouez qu’en matière d’inf luence, il y a mieux, non ?
RDM : PAS D’INFLUENCE DIRECTE DONC,
MAIS ARISTOTE A TOUT DE MÊME FORTEMENT
CRITIQUÉ LE MODÈLE DE LA CITÉ PROPOSÉ PAR
PLATON ET L’UTOPIE POLITIQUE DE CE DERNIER ?
J.-L. L. : La réponse sera assez simple : même si Aristote n’est
pas un tenant de la « démocratie extrême », c’est-à-dire celle où
le (bas-) peuple (majoritaire) participe à tout, un peu et n’importe comment, principalement à son profit, il n’en reconnaît
pas moins que ce régime est devenu « inévitable de nos jours »
car « tous aspirent justement à l’égalité ». C’est pourquoi il critique
radicalement Platon. En effet, selon Aristote, ce dont il s’agit
le plus souvent, ce n’est pas de créer à partir de rien une cité la
plus une possible, comme une ruche, et fondée sur le « noble
mensonge » du mythe des races (l’or devant évidemment gouverner, d’où les philosophes-rois), mais tout au contraire, de
refonder ou d’améliorer des cités déjà existantes. Voilà qui
implique de respecter ces quelques principes fondamentaux :
tous les citoyens doivent avoir accès au bonheur. Or Platon
l’interdit à ses gardiens en raison de la communauté des
femmes et des enfants : c’est le thème, bien connu, du « communisme » de Platon. Tous sont égaux, semblables (homoioi),
donc interchangeables, et cela implique, comme c’était le cas
dans la démocratie athénienne, démocratie directe, il ne faut
jamais l’oublier, qu’il y ait une réelle alternance aux postes de
responsabilité. Bref, il faut qu’on soit tour à tour gouvernant et
gouverné, mais il faut aussi que les gouvernants gouvernent
les gouvernés en tant qu’hommes libres et non pas en maîtres
d’esclaves (despotês). Où l’on trouvera, sans grande difficulté,
une profession de foi « démocratique » d’Aristote contre Platon le « totalitaire ». C’est sans doute vrai, mais il faut cependant se méfier de ces raccourcis saisissants.
RDM : QUEL EST L’IMPACT DE CES DEUX
PHILOSOPHES SUR LES PLUS GRANDS
THÉORICIENS DE LA POLITIQUE COMME
MACHIAVEL, L’HOMME DE LA RENAISSANCE ET
L’ÉPOQUE DES PREMIÈRES ÉDITIONS CRITIQUES
DE PLATON, THOMAS MORE, HOBBES OU ENCORE
ROUSSEAU ?
J.-L. L. : Il fut considérable ! Afin d’être juste, il faut ajouter à
cette liste l’historien, général grec et homme d'État, Polybe,
défait pas les Romains, devenu leur prisonnier, mais ayant joui
d’une grande liberté parmi eux puisque, devenu ami de PaulÉmile, il devint le mentor de Scipion-Émilien, dit le Second
Africain (fils biologique de Paul-Émile et fils adoptif de Scipion
le Premier Africain), et participa, à ce titre à la destruction to-
mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine
DOSSIER MÉDITERRANÉE / GRÈCE & ATHÈNES
tale de Carthage. Tite-Live, l’historien romain, est tout aussi
important, comme en témoignent aussi bien Machiavel que
Montesquieu. La notion de vertu du citoyen, voire de l’homme
d’État, est sans nul doute celle qui prédomine, mais ne nous y
trompons pas : dans la très grande majorité des cas, c’est Sparte
qui brille comme un phare, aussi bien chez Rousseau que chez
Robespierre ! Périclès reste un modèle, comme chez Aristote,
opposé à Platon sur ce point, mais il devient plutôt, par exemple
chez Machiavel, le modèle du Prince même : celui qui sait saisir
sa chance, quitte à bousculer les choses, alors que chez Aristote c’était le modèle même du grand homme d’État en raison
de sa sagesse pratique. Bref, un homme tempéré.
Le second grand héritage, c’est celui de la classification des
constitutions selon un double critère : celui du nombre (un,
plusieurs, tous), mais aussi, surtout pour Aristote, celui de la
différence entre les constitutions dites droites et celles dites
déviées. Notons, ce qui pourra étonner, que le nombre de riches
et de pauvres est considéré comme un critère accidentel aussi
bien par Platon que par Aristote. En un mot, les constitutions
droites sont celles dans lesquelles les gouvernants gouvernent
en vue de l’intérêt général, tandis que les constitutions déviées
sont celles dans lesquelles les gouvernants gouvernent en vue
de leurs propres intérêts. Voici un petit tableau, qui dit en fait
que toutes les formes de constitutions droites sont finalement
des formes de républiques et que toutes les formes de constitutions déviées ne sont en réalité que des formes de tyrannie
ou de despotisme car on y confond, comme Platon, l’autorité
politique des gouvernants sur les gouvernés, qui exercent leur
autorité en gouvernant des hommes libres en tant qu’hommes
libres, avec celle, au propre sens du terme, que l’on qualifie, en
grec, de « despotique », à savoir celle du maître sur ses esclaves.
Constitutions droites
Constitutions déviées
Royauté (basileia) = un seul (monarque)
Aristocratie = petit nombre (les meilleurs)
Politeia = la multitude (plêthos)
Tyrannie = un seul (monarque/despote)
Oligarchie = les riches (peu)
Démocratie = les pauvres (nombreux)
Montesquieu récupérera cela dans ce que l’on appelle sa seconde typologie des constitutions, à savoir celle qui n’est pas
fondée sur le nombre des gouvernants, mais sur l’opposition
entre régimes modérés et régimes despotiques. D’un autre
côté, comme le soutenait déjà Aristote, suivi par Rousseau sur
cela : les monarchies droites ne sont jamais que des formes de
républiques, ainsi qu’en témoignent suffisamment les monarchies constitutionnelles européennes.
Ce qu’il faut finalement constater, c’est à quel point les bases
de la philosophie politique des Anciens et des Modernes sont
à ce point différentes. Comme l’avait à juste titre souligné Léo
Strauss, ce grand spécialiste de la philosophie politique, il ne
serait pas faux de dire que le point d’arrivée de la philosophie
politique moderne est le point de départ de la philosophie
politique ancienne, soit le vivre ensemble, comme l’on dit aujourd’hui ! Or, l’ambition des Anciens était de bien-vivre, pas
seulement de vivre ensemble, un minimal vital !
RDM : CETTE TYPOLOGIE DES CONSTITUTIONS
D’ARTISTOTE AURAIT-ELLE QUELQUE CHOSE
À NOUS DIRE DE LA CRISE GRECQUE ?
ET QUE RESTE-T-IL DE CES DEUX PHILOSOPHES
GRECS ANTIQUES DANS LA POLITIQUE
EUROPÉENNE CONTEMPORAINE?
J.-L. L. : Il est toujours difficile de faire de telles projections.
D’Aristote, je retiens cette différence entre intérêt général et
intérêt privé. De ce point de vue, on pourrait dire qu’Alexis Tsipras n’a pas fait le trop mauvais choix, dans les circonstances
où il a dû le faire : respecter les intérêts généraux du pays tout
en respectant ceux du peuple, lesquels se confondent finalement. C’est, somme toute, assez aristotélicien : refonder,
voire réformer, plutôt que rompre radicalement, ce qui serait
une position plutôt platonicienne.
Il me semble, au sujet de la politique européenne, mais aussi
des nations qui la composent, que les deux grandes questions
sur lesquelles Platon et Aristote auraient encore des choses
à nous dire sont respectivement celles du degré d’union que
nous voulons et du mode de gouvernance que nous souhaitons. Souhaitons-nous, permettez-moi l’expression, une
union « toujours plus une et plus unie », ce qui pourrait être
la position d’un Platon, mais avec cette terrible conséquence
qu’il faudrait alors, pour que le bon ordre soit assuré, l’essentiel selon lui, remettre le pouvoir à ceux qui savent, les fameux
philosophes-rois, bref à ceux que nous appelons aujourd’hui
des technocrates, expression que Platon n’aurait pas reniée
tant il est vrai que chez lui technê (l’art comme savoir) et epistêmê (la connaissance comme science) sont des termes bien
souvent synonymes. À l’inverse, ne pourrions-nous pas préférer le point de vue d’un Aristote, qui n’avait pour sa part jamais cru en la possibilité d’une science politique sur le modèle
des sciences mathématiques, le politique relevant à ses yeux
du domaine indépassable de l’opinion, ce qui ne signifie bien
évidemment pas que toutes les opinions se valent, même si
toutes sont respectables, mais qu’il en est de meilleures que
d’autres et qu’il faut donc argumenter ? D’où ce constant
appel chez lui à la nécessité de la délibération mais aussi ce
thème que la cité constituée en corps, voire en « corps constitués », comme aurait aimé à dire un Montesquieu, peut être
plus compétente que les technocrates. D’où aussi, finalement,
ce mot attribué à Churchill, plutôt ici inspiré par Aristote que
par Platon : « La démocratie est peut-être le pire des régimes, mais il
n’y en a pas d’autres ! »
Pour conclure, j’aimerais une fois encore citer, en substance,
le Philosophe, comme l’on désignait Aristote au Moyen-Âge :
« La cité ne saurait se réduire à une simple alliance militaro-économique et n’a pas pour fin la seule sécurité des personnes et des biens.
Elle existe en vue du bien-vivre. Voilà pourquoi les législateurs doivent
avant tout se soucier de rendre les citoyens vertueux et voilà aussi
pourquoi ils doivent avant tout se soucier de leur éducation. » (Politiques, III, 9). La leçon ne serait-elle pas toujours à méditer ?
RdM
43
RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016
REGARDS CROISÉS / DOSSIER MÉDITERRANÉE
REGA RDS CROISÉS
Zoé Konstantopoulou et Christophe Barbier
–
Elle a été durant huit mois la charismatique Présidente du Parlement grec, élue en tant que
membre de Syriza en février 2015. Il dirige la rédaction de L’Express depuis 10 ans. RDM est allé
à leur rencontre pour confronter leur regard sur l’état démocratique et social de la Grèce en 2016.
–
Entretiens réalisés par Florian Delisle ¬
« LA GRÈCE, CE N’EST PAS SEULEMENT
UN PAYS, C’EST UN PEUPLE,
UNE HISTOIRE,
Zoé C’EST
Konstantopoulou
»
C’EST UNE PERSPECTIVE
_
ZOÉ KONSTANTOPOULOU
L
a Grèce, le berceau de la démocratie,
est en ce moment sous attaque. On
est au point où le « non » massif des
Grecs l’été dernier – 62 % de la population a voté
contre les nouvelles mesures d’austérité – a été
transformé en « oui » par le gouvernement. La
population grecque vit une crise économique,
sociale, mais aussi une crise de la démocratie,
depuis cinq ans et demi. En sauvant la Grèce, et
en ne permettant pas que la peur et le chantage
l’emportent sur l’espoir et la création, on pourra
dire qu’on sauvera la démocratie.
À mon avis, la Grèce, en tant que membre ancien, devrait revendiquer que l’Union européenne honore et respecte ses principes fondateurs, c’est-à-dire la démocratie, la paix sociale,
la prospérité des peuples et des sociétés.
Ce qui rend très optimiste, c’est que beaucoup
d’artistes et d’intellectuels contribuent à leur
manière au soutien du moral des citoyens. Mais
il faut savoir que cela s’effectue par des initiatives individuelles. Une véritable résistance
culturelle. La Grèce n’abandonne jamais. Et le
peuple grec a une histoire de lutte démocratique
et culturelle qui constitue un patrimoine universel : une âme vivante, vibrante et « luttante ».
Ce pays est une série de sentiments, de paysages,
d’hommes et de femmes.
44
« LA GRÈCE, UNE CHANCE POUR L’EUROPE »
_
CHRISTOPHE BARBIER
J
e pense qu’il faut à tout prix sauver la Grèce et la maintenir dans l’euro et l’Europe, pas
seulement parce que c’est l’héritage, et que c’est évidemment la filialité aux racines de notre
démocratie, mais parce que si on commence à retirer la Grèce, alors tout va se débobiner.
Le pays qui doit sortir, c’est la Grande-Bretagne. Évidemment, il faut que le Brexit ait lieu, parce
qu’on est dans des logiques géopolitiques qui ne sont pas les nôtres. La Grèce est totalement intraeuropéenne parce qu’elle est au cœur des problèmes que l’on rencontre : des problèmes économiques –
la crise grecque en est la preuve –, les problèmes de migrants, le front méditerranéen, mais aussi tout
ce chaudron balkanique qui se réveillerait très vite et qui donnerait de graves guerres s’il n’y avait pas
l’Europe. Et donc, garder la Grèce dans l’Europe, faire les efforts qu’il faut et lui demander les efforts
qu’il faut pour que l’Europe puisse continuer avec la Grèce, c’est fondamental.
mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine
DOSSIER MÉDITERRANÉE / ATHÈNES AUJOURD'HUI
LE
RENOUVE AU
M ALGRÉ
L A CRISE
–
“ Ici, dans ce quartier,
dans la prochaine ruelle,
une petite perdrix
créa son nid... ”
La chanson de la ruelle
(chanson traditionnelle
de Corfou)
Si la crise et l’austérité ont sensiblement appauvri la Grèce, Athènes connaît depuis
ces dernières années un véritable renouveau, un nouvel élan fait d’initiatives culturelles,
sociales et économiques souvent alternatives.
–
Par Mari-Mai Corbel ¬
A
thènes. Cité massée autour de l'Acropole et de
ses jardins romantiques parsemés de vestiges
antiques. Ville se déployant en rhizome entre
montagne et mer, qui donnent aux rues leur perspective. Tant de strates de civilisations y ont sédimenté qu'elle résiste malgré tout aux politiques d'austérité infligées
par l'Union européenne. Les magasins, boutiques, ateliers et petites
usines fermés, les panneaux publicitaires vides, les façades défraîchies ou les innombrables affichettes jaunes et rouges annonçant à
vendre ou à louer, forment autant de jachères qui lancent leurs appels
à d'autres possibles. Les Grecs, philosophes dans l'âme, confirmant
la légende à leur sujet, vivent au jour le jour avec un sang-froid rare,
beaucoup d'humour et un civisme exemplaire. Eux, dont l'Histoire
est marquée de maintes défaites, ne s'abandonnent jamais.
UNE MÉDECINE SOLIDAIRE
L'urgence, ce fut de soigner les milliers de patients soudain privés
de couverture sociale. Une quarataine de cliniques solidaires ont
vu le jour en 2011 lors du « mouvement des places ». Plus de deux
cents médecins généralistes ou spécialistes et pharmaciens, prenant sur leur temps de travail ou pendant leur chômage, animent
ces cliniques, avec l’aide d’autant de bénévoles pour l'accueil, la
logistique et le tri des médicaments qui arrivent massivement de
réseaux solidaires européens et grecs. Par principe, l'argent est
exclu. Tout est donné. Et, ironie du sort, ce sont maintenant les
hôpitaux publics, de plus en plus démunis, qui leur demandent
des médicaments. Ces cliniques deviennent des laboratoires de
gestion participative où, de l'habitant de quartier au médecin,
chacun a sa voix, sa place.
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ATHÈNES AUJOURD'HUI / DOSSIER MÉDITERRANÉE
RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016
DE NOUVEAUX ACTEURS MÉDIATIQUES
Seconde urgence : se tenir informé dans un paysage médiatique de moins en moins pluraliste. En 2011, le principal organe
de presse de gauche faisait faillite. La centaine de journalistes
licenciés s’est regroupée pour investir dans une coopérative.
L'Ephemerida Ton Syntakton (le journal des rédacteurs) était né,
soutenant les luttes de Syriza, avant d’élargir son audience depuis l'élection de Tsipras. Dans le domaine de l’audiovisuel, la
résistance contre la fermeture de l'ERT (les chaînes publiques de
radio-télévision) a engendré l'ERT Open, au fonctionnement autogéré. En 2012, le mensuel Unfollow, proche de Zoé Konstantopoulou et du comité sur la vérité de la dette publique grecque, s’est
illustré par des investigations très pointues. Le site Thepressproject.gr visité quotidiennement par près de 400 000 internautes,
a donné naissance en novembre 2015 à l'initiative de 1101.gr
(ayant reçu le soutien de mille cent une personnalités), un réseau
de journalistes d'investigation collaborant avec WikiLeaks ainsi
qu'un projet d'école de journalisme.
FRATERNITÉ
Il a fallu surtout ne pas rester seul. Les kafénio autogérés se multiplient à Athènes. Dans le quartier de Nea Smyrni (nouvelle
Smyrne) par exemple, le Saitès (les avions de papier) est fréquenté par des étudiants, des personnes âgées, des familles avec enfants. On y joue au tavli (jeu de backgammon), on y partage des
mézés maison à des prix modiques. Le soir, des projections documentaires suivies de discussions, ou des concerts, chassent
les ombres et permettent de trouver de la compagnie. C'est aussi
une épicerie dont les produits proviennent de réseaux de producteurs solidaires et biologiques grecs et zapatistes tels que le
Locanda, héritier du Sporos (la graine) né en 2006.
Dans Koukaki, près de l'Acropole, To sygrouomeno (les auto-tamponneuses) propose des fromages de la coopérative
Mantamadou de Mytilène, ou encore des vins blancs de Rhodes.
Dans Exarchia, quartier d'anarchistes, d'intellectuels et d'artistes, célèbre depuis l'insurrection de l'école Polytechnique en
1973 qui fit tomber la Junte et permit le retour de la démocratie, se
trouve l'un des pionniers, le Nosotros, qui donne depuis 2005 des
cours de grec aux réfugiés, invite aux discussions, informe des
luttes et des mouvements associatifs, autour de verres à 1 euro et
d'assiettes à 3 euros.
Dans Kolonos, le Café de l'Acadamie de Platon héberge une association (European Village) qui milite pour la transition économique, sociale, écologique.
PRENDRE EN CHARGE LES ENFANTS
La crise affecte aussi les enfants. Des collectifs de parents et
d’enseignants gèrent des crèches, des maternelles et des écoles
de quartier. Dans Pétralona, au rez-de-chaussée d'une imprimerie fermée, un ancien marin a fondé en 2015 le Cado Paradiso
(la benne du paradis), une aire de jeu inspirée d'un pédagogue
espagnol révolutionnaire du XIXe siècle, Francisco Ferrer. Les
enfants viennent fabriquer des jouets à partir d'objets de récupération et s’instruire (ateliers de musique, école gratuite pour
les petits).
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Les Grecs,
philosophes
dans l’âme,
vivent au jour
le jour avec
un sang-froid
rare
UNE VITALITÉ CULTURELLE INTACTE
Cette énergie va de pair avec la persistance, malgré les années
consuméristes, de la spécificité culturelle grecque. Ici, cultures
élitistes et populaires ne s'opposent pas. Du concert de rebétiko (musique populaire née dans les années 1920) dans un café
à la salle de théâtre, le plaisir de se retrouver et de communier
reste intact. Le public afflue et les initiatives artistiques bouillonnent. Des théâtres autogérés (comme le théâtre Embros derrière Monastiraki) ou des lieux de création alternatifs (comme
le Centre de contrôle des télévisions dans Kipseli) permettent
aux artistes de travailler autrement. Dans Koukaki, le Cinemarian, une cinémathèque alternative, organise la transmission
des œuvres autour de rétrospectives et des séminaires critiques
ou des formations (par exemple apprendre à tourner un film en
numérique).
mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine
DOSSIER MÉDITERRANÉE / ATHÈNES AUJOURD'HUI
I.
Photographies par Mari-Mai Corbel
II.
III.
I. L´opéra de la fondation Niarchos
II. L a Benne du paradis
III.Petit théâtre à la Benne du paradis
IV. L e cardiologue Giorgios Vichas,
responsable des cliniques solidaires
IV.
Ces exemples ne constituent qu'une carte postale éclectique
qui n'évoque ni les terrains occupés contre des projets immobiliers et reconvertis en potagers et parcs, ni l'accueil largement
spontané des réfugiés, ni les maisons d'édition, ni les cantines
nomades… Il faut en retenir une culture de l'autonomie. C'est la
vocation du réseau « Nouvelle Guinée » qui enseigne comment
être autonome dans la production d'énergie, l'agriculture, la médecine ou même l'habillement. Sur les décombres de l'État social, ces initiatives entre luttes sociales, zones à défendre, associations de producteurs et projets politiques, façonnent un autre
avenir. L'espace public se recrée ailleurs et l'entreprise privée se
réinvente dans l'autogestion. Ce sont des milliers d’Athéniens
qui se retrouvent pour s'occuper d'eux-mêmes et des autres.
RdM
À LIRE
Les Grecs contre l’austérité,
ouvrage collectif dirigé par Marie-Laure Coulmin Koutsaftis
(édition Le Temps des Cerises, 2015).
À VOIR
Un nouveau centre culturel :
la fondation Stavros Niarchos
Malgré les restrictions budgétaires dues à la crise, Athènes
va se doter d’un nouveau centre culturel : la fondation
Stavros Niarchos. La future bibliothèque nationale de
Grèce ainsi que l’opéra national seront abrités dans cet
immense édifice conçu par l’architecte italien Renzo Piano.
En juin dernier, le parc a ouvert ses portes pour quatre jours
et quatre nuits d’événements, avant une ouverture définitive
prévue en avril 2016. Le montant des travaux est évalué
à 566 millions d’euros pour une construction originale que
définissait ainsi Renzo Piano sur Euronews : « Nous avons
construit le bâtiment sous le parc, explique-t-il. Il y a deux
points à noter : nous pouvons monter pour profiter de la vue
sur la mer et d’autre part, le bâtiment est bien protégé du
rayonnement solaire, ce qui permet d‘économiser de l’énergie. L’autre point, c’est qu’il y a un toit amovible, un élément
volant qui crée de l’ombre et stocke aussi l’énergie. »
S. R. ¬
Je lutte donc je suis, de Yannis Youlountas en accès libre sur YouTube.
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RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016
48
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MIMMO JODICE
Les mythes
méditerranéens
–
Je suis né dans un quartier très pauvre mais riche en architectures
et œuvres d’art. Ici j’ai exploré les racines profondes de notre culture. Naples est
une ville grecque, puis romaine, moyenâgeuse et baroque. Une ville si riche qu’après
cinquante ans de travail, je suis encore fasciné par de nouvelles découvertes
et visions. Puis il y a la mer, éternelle et changeante, que je ne me lasse jamais
de photographier et qui rassemble tant de peuples et de cultures.
J’utilise encore l’argentique et j’imprime mes photos.
Mes temps sont longs et contemplatifs, je suis les ombres et le parcours
de la lumière.
– Mimmo Jodice pour RDM magazine.
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© Mimmo Jodice / Courtesy Galerie Karsten Greve Cologne, Paris, St Moritz.
Par Florian Chavanon ¬
RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016
© Mimmo Jodice / Courtesy Galerie Karsten Greve Cologne, Paris, St Moritz.
MIMMO JODICE / PORTFOLIO
Ci-dessus : Alba Fucens
2008
Page précédente : Acitrezza, Opera II
1992
50
mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine
M
immo Jodice a déclaré
à plusieurs reprises son
amour pour la Méditerranée, cet espace qui occupe
une place centrale dans
toute son œuvre. À 82 ans, il
a en effet ausculté avec son
appareil photo les paysages
méditerranéens sous tous
les angles. Et plus particulièrement Naples, sa ville d’origine mais
aussi la ville où il a choisi de vivre, aime-t-il souligner, malgré les
projets qui l’ont amené à parcourir le monde.
Mimmo Jodice est né en 1934. Après avoir été sculpteur et
peintre, il découvre la photographie sur le tard, dans les années
1960, lorsqu’un ami lui offre son premier appareil, un agrandisseur. À cette époque, la photo n’était pas encore célébrée ni
même considérée comme un langage artistique autonome. Mais
l’Italie comme le reste du monde voyaient émerger de nouveaux
courants dans le cinéma, la poésie, la musique et la photo.
Jodice est rapidement repéré par le Guggenheim de New York qui
l’intègre à son catalogue d’exposition The Italian Metamorphosis
(1943-1968) et le consacre à cette occasion comme l’un des représentants de l’avant-garde. Débute alors une longue carrière qui
va l’amener à côtoyer les plus grands artistes de son époque, dont
Warhol, Rauschenberg, Jasper Johns, Sol LeWit, Jannis Kounellis
ou encore Joseph Beuys.
Pour lui, « l’ambition d’un artiste est de dire la réalité sans déformer la
vérité ». Mimmo Jodice se considère comme un révélateur, celui
du temps et de ses empreintes ainsi que de l’âme de Naples qui le
passionnent depuis son enfance. À l’inverse de certains photographes qui ont la côte, la critique de la modernité et de la société
de consommation de masse l’intéresse peu. Dans les années
1960 et 70, il s’engage vers l’expérimentation et la photographie
sociale adoptant une démarche qui se différencie toutefois du
photo-reportage. Il intervient dans des hôpitaux psychiatriques
(Ospedale psichiatrico, 1985), dans des prisons mais aussi dans les
quartiers défavorisés de Naples où ses travaux le mènent à réfléchir aux conditions sociales de la pauvreté et à questionner les
processus d'exclusion, en collaboration avec des historiens et des
sociologues.
À partir du milieu des années 1980, il approfondit ses recherches
sur la notion de culture de la Méditerranée : Mémoires de l’origine
(1987), Arles (1988), Vue du pont (1990). Plus tard, il part photographier les plus grandes villes du monde : Paris, New York ou
encore Buenos Aires.
Mais c’est à Naples qu’il revient, toujours. Cette ville lui a donné
ses élans créatifs les plus intéressants et les plus prodigieux. Dès
la fin des années 1980, il travaille sur les mythes et la mémoire.
La Méditerranée est en effet cette région du monde surreprésentée, traversée par une infinité d’images qui précèdent quiconque
pose son regard sur elle et qui lui reviennent en mémoire in situ.
Elle est le berceau de nombreux mythes et ce que Bertrand Westphal qualifie même « d’espace mythique des mythes ».
Jodice se confronte à la mémoire, perceptible dans son œuvre
par la présence de vestiges antiques qui deviennent des méta-
PORTFOLIO / MIMMO JODICE
phores nourrissant son écriture photographique. Dans certaines photos se composent ainsi le récit d’une histoire passée,
parfois avec une chaise vide ou bien avec les ruines de Pompéi,
signalant une présence passée et la disparition des corps dans
certains lieux ; un dialogue mémoriel qui s’instaure pour tenter
de comprendre les processus qui conduisent à cette défection et
poser la question de notre devenir.
Le récit, mais aussi les paysages. Ils sont une autre expression
d’un mythe proprement méditerranéen, qui s’exprime autant
dans la lumière des façades blanches d’immeubles napolitains,
que dans les vêtements d’un noir profond et les ombres. Jodice
joue constamment avec les contrastes, avec les surexpositions et
les temps de pose, comme pour amplifier les représentations que
chacun peut avoir du sud de l’Italie.
Sur une autre photographie de la mer Méditerranée, on remarque
au premier plan la présence d’un rocher qui pourrait évoquer
une silhouette humaine. Comment ne pas songer au mythe de
Méduse, elle-même mythe fondateur du geste créateur : elle
pétrifie l’homme quand la photographie, elle, fige le monde.
Mais finalement, ce que révèle admirablement le travail de ce
photographe italien parmi les plus marquants de sa génération,
c’est cette démarche qui s’apparente à la figure du flâneur au sens
de Walter Benjamin : « La rue conduit celui qui flâne vers un temps
révolu. Pour lui, chaque rue est en pente, et mène, sinon vers les Mères, du
moins dans un passé qui peut être d’autant plus envoûtant qu’il n’est pas
son propre passé, son passé privé. Pourtant, ce passé demeure toujours le
temps d’une enfance. » Une posture qui ne manquera pas de résonner chez le voyageur qui s'aventure sur les chemins de la découverte de nos origines et de notre culture.
RdM
Les œuvres de Mimmo Jodice ont été exposées dans les grands musées du monde,
dont en France à la Maison européenne de la photographie de Paris (2010), au
Louvre (2011) et ont fait l’objet d’une grande exposition aux Rencontres photographiques d’Arles en 2008. Le Museo d'arte di Donnaregina de Naples présente
actuellement une restrospective consacrée au photographe rassemblant une centaine d’œuvres, des premières expérimentations sur le langage photographique
des années 1960 et 70 jusqu'à une nouvelle série, Attese, réalisée pour l'occasion.
À l’automne 2016, la galerie Karsten Greve de Paris organisera également une
exposition consacrée au travail de l’artiste. Mimmo Jodice est représenté par la
galerie Karsten Greve Paris, Cologne et St. Moritz.
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© Mimmo Jodice / Courtesy Galerie Karsten Greve Cologne, Paris, St Moritz.
MIMMO JODICE / PORTFOLIO
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RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016
mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine
© Mimmo Jodice / Courtesy Galerie Karsten Greve Cologne, Paris, St Moritz.
© Mimmo Jodice / Courtesy Galerie Karsten Greve Cologne, Paris, St Moritz.
PORTFOLIO / MIMMO JODICE
Page de gauche :
Volto con frammento, Demetra
1990
Page de droite en haut :
Chiostro di San Gregorio Armeno
1990
Page de droite en bas :
San Paolo Maggiore, Napoli
1985
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MIMMO JODICE / PORTFOLIO
Ospedale psichiatrico, Napoli
1985
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© Mimmo Jodice / Courtesy Galerie Karsten Greve Cologne, Paris, St Moritz.
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PORTFOLIO / MIMMO JODICE
RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016
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Il Mare di Ulisse
2004
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PORTFOLIO / MIMMO JODICE
Sperlonga Opera 3
1995
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RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016
Page de gauche en haut :
Pompéi
1982
Page de gauche en bas :
Pompéi
1987
Page de droite :
Anfiteatro Opera II, Capua
1993
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© Mimmo Jodice / Courtesy Galerie Karsten Greve Cologne, Paris, St Moritz.
© Mimmo Jodice / Courtesy Galerie Karsten Greve Cologne, Paris, St Moritz.
MIMMO JODICE / PORTFOLIO
© Mimmo Jodice / Courtesy Galerie Karsten Greve Cologne, Paris, St Moritz.
mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine
PORTFOLIO / MIMMO JODICE
59
RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016
60
mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine
ODYSSÉE
–
Du patrimoine architectural de Tirana aux ruines
légendaires de Knossos, en passant par les monastères
orthodoxes des Météores et quelques adresses inédites à Naples,
RDM magazine a sélectionné les plus belles escales
du pourtour méditerranéen.
61
RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016
TIRANA/ ESCALES
TIRANA,
urbanisme en couleurs
Promue capitale en 1920, Tirana a été marquée par l'affrontement des idéologies
du XXe siècle, fascisme, stalinisme, libéralisme. Après avoir tenté d'oublier
son passé communiste, la ville redécouvre ce patrimoine.
-
Par Simon Rico
Transformer
une ville où la fatalité
vous condamne
à vivre, en une ville
où vous choisissez
de vivre
62
Voilà l'ambitieux programme qu'annonçait en 2001
l'actuel Premier ministre albanais, Edi Rama, alors qu'il
venait d'être élu maire de Tirana. Dix ans après la chute
de la dictature communiste la plus dure d'Europe, la capitale albanaise regardait avec peine son passé récent.
De 1946 à 1991, l'Albanie a vécu dans l'isolement le plus
total. Enver Hodja appliquait la thèse stalinienne du
socialisme dans un seul pays et toutes les frontières de
l'État étaient fermées. La paranoïa était telle que plus
de 700 000 bunkers furent bâtis aux quatre coins du
territoire pour le défendre en cas d'attaque étrangère.
À Tirana, les traces de cette période restent encore bien
visibles.
ESCALES / TIRANA
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mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine
MONTÉNÉGRO
KOSOVO
TIR ANA
MACÉDOINE
ALBANIE
INFLUENCES CROISÉES
Fondée en 1614 par les Ottomans,
la ville ne compte que 17 000
habitants lorsqu'elle est promue
capitale en 1920 après la reconnaissance internationale de l'Albanie comme Etat indépendant.
Sous l'impulsion du roi Zog, une
première phase de modernisation
à l'occidentale se produit dans les
années 1930. C'est le moment où
apparaissent le boulevard des
Martyrs de la nation et la place
Skanderbeg, les éléments centraux
de la ville. Pendant l'occupation
italienne (1939-1943), de nombreux bâtiments sont construits
suivant les principes rationalistes
de l’architecture fasciste, comme
l’actuelle université. Avenues et
places sont élargies pour les
parades. À la fin de la Seconde
Guerre mondiale, quand les communistes prennent le pouvoir,
la population de Tirana atteint
60 000 âmes.
GRÈCE
MER
ADRIATIQUE
63
TIRANA/ ESCALES
RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016
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FAIRE TABLE RASE
« Tirana en tant que capitale de l'Albanie, doit
être un exemple pour les autres villes. Tirana doit
devenir la ville préférée du peuple », lance Enver
Hodja en 1948. Les nouvelles autorités vont dès
lors effacer le Tirana ancien, « bourgeois » et
capitaliste, pour édifier une ville qui incarne
au plus près les valeurs de « l'homme nouveau »,
selon les préceptes du réalisme socialiste.
Cependant, la plupart des édifices fascistes furent
conservés. De nombreux quartiers de Tirana
sont rasés. Dans une Albanie où la religion
est fermement interdite, les édifices religieux
sont sacrifiés. Le bazar ottoman est également
détruit en 1960 pour construire le Palais
de la culture dont la première pierre fut posée
par Khrouchtchev, juste avant la rupture
de l’Albanie avec l'URSS.
64
ESCALES / TIRANA
BÂTIR SOCIALISTE
La place Skanderbeg est entièrement remaniée dans
les années 1970 : la mairie art déco est remplacée par l'imposant musée historique, avec en surplomb de la façade l’immense mosaïque représentant « l'élan du peuple albanais
vers son indépendance et son identité », tandis que
la vieille cathédrale laissait place à l’hôtel Tirana et ses
15 étages, qui est longtemps resté le plus haut bâtiment
de la ville.
Le régime communiste transforma également en profondeur les abords du boulevard des Martyrs de la nation. Il y
installe le palais présidentiel, le siège du Comité central du
parti, le palais des congrès et la Galerie nationale. Dans les
années 1980, il y fait construire une pyramide dessinée par
la fille et le gendre d'Enver Hodja qui devait accueillir le mausolée du dictateur - mais l'Histoire en décida autrement.
© Shuttersto
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mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine
REDONNER DES COULEURS
En 1991, la statue d'Enver Hodja est renversée par la foule.
Les monuments communistes, symboles de l'oppression,
font les frais de la transition démocratique, période de chaos
pendant laquelle Tirana voit sa population exploser pour
atteindre 700 à 800 000 habitants et les constructions
illégales se multiplier. Longtemps négligé et rejeté, ce
patrimoine est aujourd'hui redécouvert.
Le Bloc, le quartier autrefois réservé à la nomenklatura,
est ainsi devenu le plus branché de la capitale, avec ses nombreux cafés, clubs et restaurants. Quant à la pyramide,
un temps menacée de destruction, elle est désormais l'un
des symboles de Tirana. Il ne faut pas non plus manquer
les chefs-d'œuvre du réalisme socialiste albanais exposés à
la Galerie nationale, sans oublier le monument au Partisan
inconnu… Quant aux façades des immeubles communistes, elles ont été repeintes, l'une des mesures phares
d'Edi Rama. Finalement, l'ancien maire-artiste, resté aux
commandes de la capitale durant une décennie (2000-2011),
a réussi son pari : grâce à lui, Tirana a retrouvé des couleurs.
C’est le moins que l’on puisse dire.
© DR
RdM
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RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016
MÉTÉORES / ESCALES
MÉTÉORES,
Les monastères suspendus
Des monastères plantés au sommet de pitons de grès
presque inaccessibles, tel est le paysage féerique des
Météores. Construits au XVe siècle au prix d’incroyables
difficultés, seuls six édifices restent intacts. Leurs
fresques constituent des chefs-d’œuvre de la peinture
post-byzantine.
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© Shut te
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Par Bettie Sans
66
ESCALES / MÉTÉORES
CAVERNE
DES ERMITES
© Shutterstock
Au fil des siècles, la plupart
des monastères ont été abandonnés. Les ravages des troupes d’Ali
Pacha au XIXe siècle ont fait
le reste. Certains, qui avaient servi
de refuge aux résistants grecs, ont
été détruits ou abîmés pendant
la Seconde Guerre mondiale par
les troupes allemandes.
Aujourd’hui, seuls six d’entre eux
restent intacts et trois seulement
sont habités. Mais rien ne pourra
détruire la beauté mystique de ce
paysage grandiose.
GRAND MÉTÉORE
VARLAAM
HERMITAGE
Toutes les photographies © Shutterstock
Suspendus dans les airs, au milieu
d’un chaos minéral en bordure
de la plaine de Thessalie,
les Météores invitent à la réflexion
métaphysique. Comme des doigts
tendus vers Dieu, la légende
raconte que ces pitons rocheux
seraient descendus du ciel – d’où
leur nom – afin de donner un lieu
de prière et de retraite aux ascètes.
C’est dans des grottes, au sommet
de ces monts célestes que se sont
installés les premiers moines
dès le XIe siècle, jusqu’à former
une importante communauté
d’ermites. La construction des monastères est plus tardive et visait
à se protéger des invasions turques
et albanaises. Au total, vingt-six
sont édifiés entre le XIVe et le XVIe
siècle à l’aide d’échelles articulées
et de monte-charges démontables.
Les matériaux étaient transportés
dans des paniers actionnés par des
cordages depuis les sommets. Un
travail titanesque !
La vie monacale y était rude.
Les escaliers creusés dans la roche
à partir des années 1920 n’existaient pas encore et les moines
utilisaient des échafaudages fixés
dans les rochers. Vertige garanti !
Argent, vêtements, travail, nourriture étaient mis en commun
suivant la règle cénobitique,
sous la direction d’un higoumène,
le supérieur spirituel des monastères orthodoxes.
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© Shut te
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© Shutterstock
mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine
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RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016
MÉTÉORES / ESCALES
Le Grand Météore
Également appelé monastère
de la Transfiguration du Christ,
le Grand Météore culmine à près
de 600 m d’altitude. Connu pour
être le plus ancien et le plus
imposant des monastères, il est
aussi le seul à avoir été habité
en continu depuis sa construction.
L’accès facile s’effectue par des
escaliers creusés dans la roche.
On doit sa fondation à Athanase.
Né en 1302, touché très jeune
par la grâce, celui qui deviendra
saint, commence sa vie monacale
au Mont Athos que les attaques
turques le contraignent à quitter.
Il découvre dans les Météores
un paysage idéal pour fonder
une vie ascétique. Et c’est au sommet du plus haut des rochers qu’il
installe une première église dédiée
à la Transfiguration du Christ vers
1340. Son successeur, le moine
saint Joseph, y adjoint des cellules,
un hôpital, une citerne durant
les quarante années de sa vie monastique. Les édifices actuels sont
construits entre 1545 et 1582 en
conservant la chapelle primitive
qui est intégrée comme sanctuaire
de la grande église.
Les fresques du XVe siècle méritent une attention particulière,
notamment le Christ Pantocrator
et la Vierge en gloire, typiques
de l’école macédonienne. Deux
icônes peintes sur bois à tempera
(voir encadré) entre 1367 et 1384,
L’Icône de saint Thomas
et La Vierge et l’Enfant, présentent
un état de conservation
remarquable.
RdM
TECHNIQUE DE LA TEMPERA
de la tempera est
Tiré du latin délayer, la technique
s souvent à du jaune d’œuf.
une peinture à l’eau mélangée le plu
nc, insoluble dans l’eau,
Le jaune permet l’émulsion et le bla
tout la stabilité de la peinture
ravive les couleurs. Mais c’est sur
ange qui durcit avec le temps.
et sa préservation que permet ce mél
que peu de liant ce qui ajoute
Une fois l’eau évaporée, il ne reste
lisée depuis l’Antiquité, e
en profondeur et en intensité.Uti
ce jusqu’en Europe du VI
la tempera s’est répandue de Byzan
supports : fresques, statues, bois,
au XVe siècle sur toutes formes de
des icônes peintes
parchemins, ainsi que la plupart
ent utilisée jusqu’à la fin
sur panneaux de bois, Majoritairem
à peu cédé la place
du XVIe siècle, cette technique a peu
à la peinture à l’huile.
68
mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine
ESCALES / KNOSSOS
KNOSSOS,
mythes et controverses
Situé à 5 km au sud de la ville crétoise
d’Héraklion, le palais de Knossos
constitue l’ensemble archéologique
le plus important de Crête. Les fouilles
conduites à partir de 1900 ont soulevé
de nombreuses controverses.
-
C’est un antiquaire crétois qui le premier découvrit
le site en 1878. Suivant les intuitions de Schliemann,
le célèbre découvreur de Troie, Sir Arthur Evans, un
archéologue britannique, poursuivit les fouilles après
avoir acheté le terrain en 1900. Il était persuadé d’avoir
sous ses yeux le mythique palais du roi Minos décrit par
Homère comme la plus fastueuse résidence crétoise.
Knossos était selon les spécialistes la capitale de la Crète
à l’époque minoenne (de 3000 à 1450 av. J.-C.). Enthousiasmé, Arthur Evans mit à jour en quelques mois seulement une partie importante de l’ensemble du site. Peut
être trop vite aux dires de certains.
Mais ce sont surtout les reconstitutions en béton qu’il
entreprit qui furent controversées : étages ou escaliers
restaurés ainsi que quelques fresques. Evans voulut
reconstituer une partie de l’ensemble architectural
pour donner une idée aux visiteurs de l’architecture
minoenne. Un sacrilège pour les archéologues qui l’ont
succédé mais une plongée dans le réel pour ceux qui
veulent retrouver les décors de cette glorieuse époque
de l’âge de bronze.
En réalité Knossos n’a jamais été le palais du roi Minos
mais un ensemble palatial immense et complexe comptant près de 1 300 chambres sur 5 étages, regroupées
autour d’une cour centrale. Des couloirs multiples,
une absence apparente de plan, donnent au palais des
allures de labyrinthe qui ajoutent à son mystère en faisant écho une nouvelle fois à Homère et au Minotaure.
La destination de cet ensemble est multiple : centre administratif et religieux, entrepôt, résidence royale.
© Scorpp / Shutterstock
Par Bettie Sans
Le palais de Knossos, d’une superficie totale de 20 000 m2,
a été construit vers 1900 avant notre ère. La résidence
royale proprement dite se trouve au sous-sol
et au rez-de-chaussée de l’aile est, à côté du gynécée
et des appartements de la reine. Des fresques représentant des dauphins et autres motifs marins sont encore
visibles. L’aile ouest servait de magasins, distribués en
épi. On y trouve les fameux pithoi, ces immenses jarres
de terre cuite pouvant contenir près de 78 000 litres de
vin ou d’huile. Malheureusement Sir Arthur qui voulait
en étudier le contenu, détruisit de nombreux sceaux. La
cour de 1200 m2 accueillait des tauromachies peintes
sur les murs. Les étages abritaient les bureaux de l’administration ainsi que les pièces de réception.
Tous les palais crétois de l’époque minoenne ont été
détruits vers 1450 avant notre ère, selon certaines hypothèses à cause d'un tsunami. Le palais de Knossos semble
avoir été épargné mais la civilisation flamboyante s’est,
elle, éteinte. Sa taille et son importance historique en font
l’un des lieux incontournables de l’époque archaïque,
dont l’influence atteignait l’Égypte et même la Syrie. Le
site accueille un demi-million de visiteurs par an.
RdM
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Naples en
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VIA LUCA GIORDANO
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VIA M. PESSINA
L'AUTEUR
Italien installé à Paris depuis plus de 10 ans, Cosimo Razzi connaît
la ville comme sa poche. Il collabore à plusieurs publications
italiennes en qualité de correspondant en France.
LES
CATACOMBES
ET LA
NÉCROPOLE
La moitié de la
ville de Naples
repose sur
un gruyère,
véritable trésor archéologique.
Fondée par les Grecs au VIIe siècle
avant J.-C., Neapolis est aujourd’hui
visible depuis les sous-sols de San
Lorenzo. Là, les dernières caves
ouvertes au public dévoilent
les vestiges de la ville grecque –
avec ses marchés, ses boucheries,
ses tavernes – puis romaine, ainsi
que les fondations de l’église
paléochrétienne. La nécropole
de la via Nicotera, a été découverte
par hasard en 1949, pendant
la reconstruction d’un bâtiment
détruit par la guerre.
LA CHAPELLE SANSEVERO
ET L’INVENTEUR
MAÇONNIQUE
Naples regorge de symboles
maçonniques. Derrière la sobre
PZA.façade
MED. de la chapelle Sansevero,
D'ORO
que l’alchimiste Raimondo
di Sangro transforma en
temple maçonnique, on peut
apercevoir ses Machines
anatomiques, deux corps
humains dont seuls
les os et
VI
le système cardio-vasculaire
sont conservés. Le Christ
voilé de Giuseppe Sanmartino
mérite à lui seul le détour.
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Texte de Cosimo Razzi ¬
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6insolites
lieux
RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016
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NAPLES / ESCALES
PZA. DEI
MARTIRI
LE PLUS BEAU MÉTRO
D’EUROPE
Les stations des lignes 1 et 6
du métro de Naples abritent plus
de 200 œuvres d’art réalisées
par 90 artistes et architectes
internationaux et napolitains
de renom. Art figuratif, photo,
art conceptuel, arte povera,
trans-avant-garde sont ainsi
représentés. À ne pas manquer :
les stations Materdei et Toledo, que
la presse anglo-saxonne désigne
parmi les plus belles d’Europe.
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mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine
ESCALES / NAPLES
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CORSO GARIBALD I
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« NAPOLI MUSEO APERTO » :
200 JEUNES OUVRENT
LES ÉGLISES
Trente églises et monuments
habituellement fermés ou à
l’abandon, sont ouverts depuis
février par 200 jeunes de 18 à
29 ans, grâce à un projet
municipal. L’occasion de
découvrir des lieux insolites
comme Santa Chiara, San Paolo
Maggiore, San Pietro ad Aram,
qui conserverait l’Ara Petri –
l’autel sur lequel pria saint
Pierre – et la collection Farnese
du musée archéologique de
Naples. Voir le parcours Napoli
Museo aperto sur
www.museoapertonapoli.it
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PORTO S. LUCIA
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BACINO DEL PILIERO
LE PLUS GRAND
TRÉSOR…
La couronne d’Angleterre ?
Fausse route… Le plus grand
trésor du monde est, selon
les chercheurs qui l’ont
étudié, celui de saint Janvier,
saint patron de Naples, dont
le sang fait encore jaser
les curés et les labos,par sa
capacité à se dissoudre et
se resolidifier à des dates
imprévisibles. Un ensemble de pièces
exceptionnelles, d'un raffinement et
d'un luxe uniques, dont la mitre en argent
sertie de 3 326 diamants, 164 rubis, 198
émeraudes et 2 grenats, créée par Matteo
Treglia en 1713 a une valeur inestimable.
© Museo del tesoro di San Gennaro
PZA.
MUNICIPIO
© Shutterstock
LE BABA AU RHUM NAPOLITAIN
C'est l'escapade gourmande incontournable de Naples,
au même titre que la pizza... Si beaucoup répètent à l'envi
que le baba au rhum a été inventé à Naples, son origine
plus probable viendrait de Pologne. On raconte qu'un
kouglof aurait atterri presque par accident dans du rhum,
la recette aurait ensuite été perfectionnée en France,
pour arriver enfin dans la cité italienne. Quelle qu'en soit
l'authenticité, cette pâtisserie a acquis depuis ses lettres
de noblesse dans la gastronomie napolitaine au point
d'être considérée comme une institution. De nos jours,
Il babà napoletano se décline sous toutes les formes,
de la recette la plus simple aux élaborations plus
vertigineuses. Pour des babas vraiment locaux, pas
chers et bons, rendez-vous à la Pasticceria S. Capparelli.
Un poil plus touristique mais avec un large choix de
desserts à se pâmer, un détour par la Pasticceria
Giovanni Scaturchio s'impose. Buon appetito!
LES INDISPENSABLES DE...
COSIMO RAZZI
◆ Caves archéologiques :
316 via dei Tribunali
◆ Nécropole : 10 via Nicotera
◆ Musée archéologique :
19 piazza Museo
◆ Chapelle Sansevero :
19/21 via F. de Sanctis
◆ Trésor de saint Janvier :
149 via Duomo
◆ Pasticceria Capparelli
Via dei Tribunali 325
◆ Pasticceria Scaturchio
Piazza S. Domenico Maggiore, 19
71
Un régime et des recettes à base d’huile d’olive,
un vignoble au large de la Sicile,
un chef marseillais amoureux des cuisines du sud,
voilà en quelques traits les saveurs et le goût
de la Méditerranée.
RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016
SPORT / EN VRAC
L
es Stambouliotes ont le football qui coule dans les
veines au moins aussi fort que le Bosphore. Il suffit de
parcourir un plan de la ville : Galatasaray, Fenerbahçe,
Besiktas… Autant de lieux, de quartiers, qui ramènent
illico à un club de football-phare du championnat turc.
Galatasaray et Fenerbahçe, surtout. Entités aussi liées que
contraires, qui engendrent des derbys animés. Ces deux équipes
les plus titrées de la Süper Lig, dans un pays où le ballon rond
tourne à l’obsession, génèrent en effet une ferveur à nulle autre
pareille. Les jours qui précèdent et suivent ces matches, les
journaux augmentent leur tirage de 50 % ! Et, forcément, nul ne
saurait soutenir les deux clubs : on naît supporter des « lions »
(Galatasaray) ou des « canaris jaunes » (Fenerbahçe) et on le reste
toute sa vie.
D’un côté du détroit, l’Europe : c’est là que le club de Galatasaray a vu le jour en 1905, au sein du lycée français du même nom.
À une époque où le championnat national, né sous influence
anglaise à la fin du XIXe siècle, était encore interdit aux Turcs. De
par sa géographie même, le club est historiquement considéré
comme celui des classes bourgeoises. En témoigne la liste de ses
dirigeants, à 70 % diplômés du lycée Galatasaray.
De l’autre côté du détroit, l’Asie. C’est là, dans l’arrondissement
de Kadiköy que le Fenerbahçe SK, plus populaire, a été créé en
1907. Officiellement le 3 mai, jour de la visite de Mustafa Kemal
Atatürk à l’équipe. Là encore, les membres fondateurs avaient
décidé de braver l’interdiction imposée aux Turcs. Au départ, les
deux clubs étaient donc tournés vers une même idée : lutter par
le ballon contre les puissances occupantes. C’est même devenu
un enjeu national au lendemain de la chute de l’Empire ottoman.
Et ce n’est qu’en 1934, quinze ans après le tout premier derby, que
les deux clubs sont devenus rivaux au terme d’un match qui a
tourné au pugilat. Le début d’une longue série.
Dans ce paysage sportif stambouliote binaire, une troisième
entité émerge. Besiktas, situé dans le quartier du même nom sur
la rive européenne de la ville, à quelques centaines de mètres de
la place Taksim, et qui dispute régulièrement la tête du championnat aux deux grands. Il est le plus vieux club sportif de l’ancienne Constantinople, fondé en 1903. Mais dès l’automne 1902,
une vingtaine de jeunes Turcs issus de
l’aristocratie s’étaient déjà regroupés
pour pratiquer la gym. Qu’importe si la
section football n’a, elle, vu le jour qu’en
1911… Il est également le seul club de la
ville à avoir le drapeau turc dans son
écusson, une distinction cadeau de la
fédération depuis les années 1950, quand
l’équipe a remplacé au pied levé la sélection nationale pour un match contre la
À Istanbul, chaque quartier défend ses couleurs autour
Grèce. Plus turcs que stambouliotes,
telle est effectivement l’image renvoyée
du ballon rond où les rivalités, historiquement très ancrées,
par « les aigles noirs » (le surnom de
s’expriment avec passion dans les stades.
Besiktas). Il n’est d’ailleurs pas anodin
le plus grand rival du club ne se
Sociologie d’une ville, vue par le prisme de ses clubs de football. que
situe pas à Istanbul, mais à Bursa, dans
la région de Marmara. Comprendre le
football pour comprendre un peu mieux
Par Myrtille Rambion ¬
Istanbul et la Turquie ? Et pourquoi pas.
IS TA NBUL , UN CLUB,
UN QUA R T IER
–
–
RdM
74
mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine
EN VRAC / NUTRITION
P OUR V I V RE PLUS LONG T E MP S,
M A NGEONS CRÉ TOIS
–
Vanté par tous les diététiciens, le régime crétois, en prévenant les maladies cardiovasculaires,
symbolise la longévité et la bonne santé. Nous avons demandé l’avis d’un diététicien.
–
Par Chrystèle Mollon ¬
L’
engouement pour le régime crétois, ou méditerranéen,
débute dans les années 1950 à la suite d’une enquête alimentaire réalisée en Crète par le scientifique américain
Ancel Keys. Il y découvre une population en bonne santé et à la longévité remarquable. De nombreuses études ont depuis
montré les bienfaits de ces habitudes alimentaires assez proches
d’ailleurs du régime des habitants de l’île japonaise d’Okinawa, réputée abriter le plus fort taux de centenaires au monde !
Le régime crétois est particulièrement riche en fruits et
légumes frais ou secs et en céréales. Pauvre en graisses animales (viandes rouges, beurre), l’huile d’olive constitue la
principale source de lipides. Poissons, viande blanche et œufs
sont consommés modérément, deux à trois fois par semaine.
Fromage blanc de chèvre et de brebis sont les produits laitiers les plus présents. Enfin le vin rouge en faible
quantité apporte un antioxydant présent dans le raisin.
Pour Arnaud Cocaul, médecin nutritionniste, « on peut recommander ce régime à tout le monde. Même si on ne vit pas sur les rivages de la
Méditerranée, il s’agit de manger modérément, équilibré et varié ».
À la base de cette alimentation : l’huile d’olive. « Elle contient
des acides gras mono-insaturés qui améliorent le taux du bon cholestérol et
réduisent les risques de maladies cardiovasculaires. »
Cette diète peut se révéler bénéfique même si on y adhère après la
cinquantaine : dans les années 1980, les recherches du professeur
Serge Renaud publiées dans la très respectée revue scientifique
The Lancet ont révélé que les victimes d’un premier infarctus qui
adoptaient une alimentation de type crétois présentaient un taux
de récidive réduit de 75 %.
La seule mise en garde concerne l’éventuelle carence en vitamine D : en effet, les Méditerranéens profitent d'un fort ensoleillement qui leur fournit une dose régulière de vitamine D. Mais pour
les habitants des pays nordiques, c'est le lait de vache qui en constitue le principal apport. « Comme ce lait ne fait pas partie du régime, explique Arnaud Cocaul. Il faut privilégier les poissons gras et les
yaourts enrichis en vitamine D, ou, à la limite, les suppléments. Sinon,
une déficience est possible. »
En croisière ou à la maison, ce régime propose donc de miser sur
les produits de saison pour s’alimenter de manière saine et gourmande. Mais il permet aussi aux personnes en surpoids d’avoir
une alimentation équilibrée et de maigrir de façon naturelle.
RdM
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RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016
MODE BAGAGERIE/ EN VRAC
M A L L ES À PA R T IR
–
Signe distinctif autant qu’objet pratique, la malle reprend des couleurs
chez les maroquiniers. Un luxe qui se décline en se jouant d’un certain charme désuet.
Tour d’horizon des dernières tendances.
–
O
Par Laurent Dombrowicz ¬
n l’a longtemps crue réservée aux rétrospectives
poussiéreuses, aux collectionneurs acharnés et aux
greniers d'antan, mais il faut bien admettre que la
malle fait un retour fulgurant dans les tendances
maroquinières. Car la relative désuétude de son charme et son
volume pachydermique n’ont pas réussi à occulter son pouvoir
de séduction et sa capacité forcément XXL. C’est une fois de plus
par la porte de luxe que cette aïeule réussit son facelift. Il sera vain
de la chercher dans les soutes d’un moyen courrier low cost ou à
l’arrière d’une voiture compacte. Le pont supérieur des croisières
du bout du monde, les jets privés des happy fews et les plus belles
suites des palaces sont davantage à leur goût. Les fameuses malles
cabine de l’âge d’or transatlantique, véritables vestiaires portatifs, ont finalement peu évolué, à ceci près que les stars du R’n’B
ont remplacé l’aristocratie européenne dans les carnets de commande. On prête au grand réalisateur italien Lucchino Visconti
une admiration pas tout à fait platonique pour Alain Delon à qui il
offrit plusieurs de ses plus grands
rôles dans les années 1960. Parmi
les cadeaux somptuaires déposés
en offrande aux pieds du jeune
premier à peine dégrossi de son
service militaire, la gamme complète de la bagagerie Louis Vuitton ornée des fameuses initiales
baptisées Monogramme. Touché
mais quelque peu décontenancé,
l’acteur se serait alors écrié « C’est
gentil Lucchino, mais pourquoi astu fais mettre tes initiales et pas les
miennes ? » Incontournable du
genre, Louis Vuitton fait perdurer le mythe à grand renfort de
communication – une exposition à la scénographie grandiose
au Grand Palais à Paris – sans
prendre le risque de moderniser
l’exercice. Si les sacs Monogramme
LV ou estampés du motif damier représentent encore aujourd’hui un
véritable jackpot pour LVMH, notam-
76
ment grâce à une logomania revue, encouragée et corrigée par les
nouvelles équipes en place, les bagages dit « rigides » maintiennent
un niveau de vente très appréciable. Le pouvoir du fameux storytelling est aussi de mise chez Moynat, malletier français depuis
1849. Des bagages aussi précieux qu’ergonomiques inspirés par le
monde automobile. La forme si spécifique de certains modèles est
inchangée depuis le temps des Bugatti Royale et autres Delahaye
aux courbes sexy. On doit aussi à Moynat l’utilisation du bois de
camphrier, destiné à protéger les fourrures de ces dames contre
les insectes et la vermine. Ramesh Nair, directeur créatif de la
marque, a réussi à garder un caractère très exclusif à ses nouveaux
modèles, tout en les inscrivant dans une dynamique plus contemporaine. Sensiblement plus « bling » et encore plus internationale,
la griffe parisienne Goyard propose des bagages sur mesure depuis 1792. Son crédo ? La toile peinte déclinée en plusieurs teintes
devenue véritable signature. Dans un proche voisinage, on citera
aussi Fauré Le Page, maroquinier et arquebusier depuis 1717 et
qui décline aujourd’hui son savoir-faire dans de très beaux sacs
de loisirs, malles à pique-nique, porte bottes et autres sièges de
pêche. Pour des tentations plus modernistes, rendez-vous est pris
avec Pinel&Pinel, qui réalise les fantasmes les plus fous avec des
malles frigo, écrins à bijoux ou sonothèques portatives. Tout ici est
laissé au choix du client (forcément difficile et fortuné) et réalisé
à la main par des artisans hors pair. Les marques de mode, plus
habituées aux it bags et aux effets de podium n’ont pas laissé tomber l’affaire pour autant. Prada propose depuis quelques mois un
service de personnalisation sur sa ligne de bagages dont les couleurs et imprimés échappent souvent à la ronronnante bienséance
du noir et du marron. Pour les irréductibles aficionados des tapis
roulants et terminaux cosmopolites, la solidité et l’ergonomie de
la fameuse valise trolley ont elles aussi cédé à la tentation de la
mode. Le fabricant allemand Rimowa, célèbre pour son utilisation du polycarbonate et de l’aluminium, a rhabillé Inside out, son
modèle le plus connu, avec une doudoune Moncler. Encore plus
chic, Chanel enrichit sa proposition saisonnière de trolleys siglés,
bien conscient qu’une femme qui voyage n’est pas forcément une
trekkeuse en tenue confort. Au-delà de ce fashion coup, l’ensemble
des marques de luxe dont la santé dépend du succès de leur maroquinerie, ont renommé leurs modèles grands formats. Le 48Hrs
devenu Weekender s’appelle aujourd’hui Cabin ou Cruise. L’embarquement ne saurait tarder.
RdM
mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine
EN VRAC / MODE BAGAGERIE
II.
I.
III.
V.
IV.
VI.
VII.
X.
VIII.
IX.
I. Set de valises toile sérigraphiée, cuir et renforts bois, GOYARD II. Coffret à bijoux réalisé par MOYNAT pour la maison CHOPARD
III. Fauteuil de pêche pliable, FAURE LE PAGE IV. Mini-malle gamme Ricky, RALPH LAUREN V. Trolley toile sérigraphiée et cuir, GOYARD
VI. Mini-trolley plexiglass et cuir matelassé CHANEL VII. Sac Weekender en toile sérigraphiée et cuir, GOYARD
VIII. Valise rétro en cuir et toile personnalisable, PRADA IX. Mallette à documents en cuir clouté, MOYNAT X. Sac à bottes en toile, FAURE LE PAGE
77
RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016
CONVERSATION VITICOLE / EN VRAC
S
a toute première gorgée de vin, Carole Bouquet s'en
souvient. Elle a vingt et un ans lorsqu'elle boit un verre
de château Haut-Brion. Celle qui a été découverte trois
ans plus tôt par Luis Buñuel dans Cet obscur objet du désir
se trouve alors avec des amis à l'Ami Louis, un restaurant parisien très célèbre à l’époque. Et c'est un monde entier qui s'ouvre
d'un seul coup à elle, comme un choc, une révélation.
Cet amour du vin ne l’a plus jamais quittée et a même mûri au fil
du temps, des dégustations et des rencontres. 30 ans après cette
première émotion avec ce grand cru de bordeaux, cette icône
du cinéma français se retrouve à la tête d'un vignoble en Italie,
pays qu'elle affectionne particulièrement. La comédienne est la
propriétaire d'un domaine situé sur l’île de Pantelleria, « l’île du
vent », où elle cultive également des olives et des câpres.
Tout débute en 1996, lorsqu'une autre comédienne, son amie Isabella Rossellini,
lui parle de ce petit bout de terre d'un peu
plus de 80 km2 surplombé par un volcan,
situé au large de la Sicile. Aussitôt, l’actrice tombe sous le charme de ce coin de
paradis. Elle commence par y venir pour
les vacances, en louant des villas, puis elle
acquiert un demi-hectare sans eau, ni électricité, avant de réunir plusieurs parcelles.
Elle doit racheter pour cela des terrains à
Elle n’a pas que la comédie dans la vie, loin de là.
pas moins de soixante-dix propriétaires et
Le vin lui prend aussi énormément de son temps
faire construire un chai.
Si la remise en état de l’exploitation lui a pris
mais elle affirme aimer ça. C’est sur une île parsemée
des années, un véritable tour de force, aud’oliviers au sud de la Sicile que la comédienne a choisi
jourd’hui son domaine compte une quinzaine hectares de terres volcaniques dont
il y a quelques années de se lancer dans la production
huit consacrées aux vignes, cultivées en
de son propre nectar, le Sangue d’Oro. Un succès.
terrasses protégées du vent par des murets
en pierre. 14 000 bouteilles de son Sangue
d’Oro en sortent chaque année.
Par Paul Paris ¬
Du muscat d'Alexandrie, un cépage très
résistant aux arômes intenses de fruits
blancs, cultivé en bio, nécessitant forcément beaucoup de travail. Toute la récolte
est réalisée à la main selon une pratique
agricole ancestrale : la « vite ad alberello »,
comprendre la taille de la vigne en gobelet
– le plan de vigne est planté dans un trou
constamment entretenu afin de créer un
microclimat favorable. Cette tradition,
transmise depuis des générations dans les
familles de viticulteurs et de fermiers de
l'île, a même été inscrite il y a deux ans sur
la liste du patrimoine culturel immatériel
de l’humanité de l'UNESCO.
Carole Bouquet n’y est d’ailleurs pas pour
rien. Elle s'est en effet battue pour ce rituel
qui s'effectue sur un terrain très accidenté,
balayé presque toute l’année par les souffles
chauds venus du Sahara. Une fois récoltés
et triés, les raisins sont séchés naturellement au soleil à même le sol pendant deux
à trois semaines afin de libérer de l’eau
et d’augmenter la teneur en sucre : c’est
le passerillage. Il en résulte des notes de
quinquina, de bergamote et d’abricot sec.
À déguster très frais !
L E S A NGUE D’ORO
DE C A ROL E BOUQUE T
–
© André Rau
–
78
RdM
mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine
EN VRAC / PORTRAIT RESTAURATEUR
© Agence Shortcut RP
© Shuterstock
L
a villa Corinthe à
Marseille, c’est cette
bâtisse juchée sur les
rochers du bord de
mer face au château d'If et aux
îles du Frioul, que Germain, le
grand-père de Gérald Passédat, a
achetée en 1917 pour créer le restaurant Le Petit Nice. Son père,
Jean-Paul, y a accroché deux
étoiles au Michelin. Gérald en a
obtenu une troisième en 2008,
avant d’ouvrir, cinq ans plus tard,
le Môle Passédat au sein du MuCEM, toujours dans la cité phocéenne. Mais la villa Corinthe, c’est sa maison, celle où il est né
en 1960, c’est aussi ses racines, sa vitrine, sa fierté et son énergie.
C’est là qu’il a magnifié son territoire, créé la quintessence d’une
cuisine qui a sorti la Méditerranée de l’oubli, et ses poissons
avec. Parce qu’il est avant tout passionné par cette mer, celle où
tout petit, il a appris à plonger et à pêcher. Révolté par les ravages
de la pêche au chalut, il a créé au fil des années son réseau de pêcheurs raisonnés. Ils lui rapportent chaque matin de la girelle, du
saran, de la liche, de la mostelle, de la canthe ou du rouget. Et aussi
des anémones de mer et des crustacés. 65 espèces pêchées à di-
“ Son cap
culinaire, c’est
la Méditerranée ”
verses profondeurs, qu’il sait sublimer dans ses plats conçus par
paliers, accompagnés de quelques légumes mûris en bordure de
la Grande bleue.
Son cap culinaire, c’est la Méditerranée. Et les cuisines du Petit
Nice, où tout petit déjà, il passe son temps entre son père et les
femmes de la famille. À 12 ans, c’est le déclic, grâce à Alain Chapel :
non seulement il deviendra cuisinier, mais ce sont les étoiles qu’il
vise, comme son modèle. Commence alors une aride formation
classique : école hôtelière de Nice, Coq Hardi à Bougival, Bristol et
Crillon à Paris, les Frères Troisgros à Roanne, Les Prés d’Eugénie
de Michel Guérard à Eugénie-les-Bains. Jusqu’à ce qu’il intègre en
1985 comme apprenti Le Petit Nice, dont il prendra la
direction des cuisines en 1987.
Les rencontres sont l’autre muse de sa cuisine. Celles
qui ont émaillé sa formation. Et toutes celles que
rendent possible ces événements annuels qu’il orchestre : les Rencontres gourmandes de la Méditerranée, le salon de la restauration méditerranéenne
Food’in sud, ou l’association marseillaise Gourméditerranée. Leur ligne directrice : découvrir d’autres
savoirs, d’autres façons de penser, de cuisiner, de ressentir des émotions autour de leurs points communs
culinaires : l’huile d’olive et certaines céréales et
épices. Et toujours, proposer une cuisine de partage,
Gérald Passédat célébrera l’an prochain le centenaire
valoriser le territoire grâce à l’amour de la culture, du
de la villa Corinthe, maison familiale qui abrite son célèbre
produit et de la gastronomie des régions méditerrarestaurant étoilé Le Petit Nice. Un projet qui lui tient
néennes.
GÉR A L D PA SSÉDAT,
la Méditerranée
au cœur
–
RdM
particulièrement à cœur parmi d’autres initiatives mettant
à l’honneur la cuisine méditerranéenne.
–
Par Chrystèle Mollon ¬
LE PETIT NICE
17 Rue des Braves, 13007 Marseille
Tél. : 04 91 59 25 92
79
© Florian Chavanon
mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine
EN VRAC / RECETTE
T Y ROPI TA K I A ,
des chaussons à la feta
et à la menthe
–
Spécialité grecque par excellence, la féta – qui fait l’objet d’une appellation
d’origine protégée depuis le 14 octobre 2002 – est l’ingrédient phare
de nombreux plats au côté de l’huile d’olive et de l’oignon. Le tyropitakia marie les trois
avec une légère touche de menthe. Ces chaussons se dégustent aussi bien en entrée
qu’en plat principal accompagnés d’une salade.
–
Par la rédaction ¬
INGRÉDIENTS
(pour 12 chaussons)
POUR LA PÂTE
 200 g de farine
 2 cuillères à soupe
d’huile olive
 1 cuillère à soupe
de beurre fondu
 85 g de yaourt nature
 sel
POUR LA FARCE
150 g de feta
 150 g de yaourt à la grecque
 5 feuilles de laurier
 1 œuf
 1 cuillère à soupe
de menthe hachée
 1 oignon émincé
 1 cuillère à soupe de miel
 sel, poivre

POUR LA DORURE
2 jaunes d’œufs
 des graines de sésame

Niveau de difficulté :
Temps de préparation : 40 min
Temps de cuisson : 20 min
Fourchette de prix :
PRÉPARATION
Œ Dans un saladier, mélangez tous les ingrédients de la pâte. Ajoutez un peu de farine si
le mélange est trop liquide. Travaillez avec les mains jusqu’à former une boule et laissez reposer
environ 15 minutes au réfrigérateur.
 Préchauffez votre four à 180°C.
Ž Mélangez tous les ingrédients de la farce en émiettant la féta. Réservez 15 minutes
au réfrigérateur.
 Sur une surface légèrement farinée, étalez la pâte, pas trop finement, puis découpez
des ronds de 8 cm de diamètre. Au centre de chaque cercle, déposez un peu de farce, puis
rabattez la pâte pour former un demi-cercle. Mouillez les contours pour que la pâte adhère
mieux et appuyez avec une fourchette.
 Badigeonnez de jaune d’œuf pour la dorure et parsemez de graines de sésame.
‘ Faîtes cuire sur du papier cuisson pendant 20 à 25 minutes à 200°C.
 Servez chaud ou froid, à votre convenance.
81
RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016
PORTRAIT CHINOIS / EN VRAC
P OR T R A I T CHINOIS
Si la Corse
était...
–
Réponses de Françoise Rocafort,
Retraitée, Paris (75)
Croisiériste Rivages du monde ¬
Un trait de caractère
L’indépendance d’un peuple fier de sa
culture et son unicité
Un sentiment La convivialité et le sens de la famille
Une couleur
L’azur de son ciel et de la Grande bleue
Une odeur
Le pin chauffé par le soleil qui se mêle
à l’iode de la mer
Une musique Ces voix d’hommes que les polyphonies
corses rendent si émouvantes
82
Un animal
Le sanglier qu’on imagine roi des maquis
Un personnage historique
Napoléon évidemment à qui l’on doit
la construction de l’État moderne
Un écrivain
Jérôme Ferrari, prix Goncourt pour son
Sermon sur la chute de Rome, l’histoire
d’une famille corse et d’un petit village
Un objet
Un couteau corse en bois d’olivier
Une pierre précieuse
Le vert d’Orezza, une pierre semiprécieuse que l’on ne trouve qu’en HauteCorse
Un plat
Un saucisson d’âne, pour l’apéro !
Un monument
Les falaises de Bonifacio
Une devise
« Souvent conquise, jamais soumise », qui
résume bien la volonté d’indépendance
de ses habitants
CHÈRES LECTRICES,
CHERS LECTEURS
–
Alain Souleille
Président-directeur général
Rivages du monde
Avec l’arrivée dans notre flotte du M/S Astoria, une nouvelle
aventure s’offre à nous. Fidèles à notre passion de la culture
et de la découverte, nous partirons avec ce magnifique
bateau convivial au charme d’antan, vers le grand Nord et la
Méditerranée. De nombreuses croisières thématiques vous
attendent : musique, histoire, géopolitique, autant de bonnes raisons d’accéder à cette nouvelle offre pour 2016 !
Rivages du monde plus que jamais s’engage dans la voie de
la découverte par la mer des trésors de la terre. Syracuse,
Ravenne, Saranda, Chios, Mytilène : autant de destinations
insolites et souvent inconnues s’ajoutant à la découverte
des grands pôles civilisationnels de la Méditerranée, notre
mare nostrum. De bonnes raisons de nous rejoindre, sur
« les routes maritimes des civilisations ».
RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016
ACTUALITÉS RDM / EMBARQUEZ
L’AC TUALITÉ DE RIVAGES DU MONDE
L A CROI X E T PÈLERIN
M AGA ZINE CHOISISSEN T
NOS CROISIÈR ES
–
–
La Croix et l’hebdomadaire Pèlerin ont sélectionné ensemble
une croisière d’exception organisée par Rivages du monde
de la Grèce au sud de l’Italie en passant par l’Albanie et la
Croatie du 20 au 30 octobre 2016. Enrico Letta, le directeur
actuel de l’École des affaires internationales de Sciences-Po
Paris et ancien Premier ministre italien en 2013-2014, interviendra à bord lors d’une conférence sur le thème : l’Europe
va-t-elle tourner le dos à la Méditerranée ? Ce chrétien,
engagé depuis plus de 25 ans dans la vie politique, vient de
démissionner de son mandat de député pour embrasser
la vie professorale. Il sera accompagné d’Anne Ponce, la
directrice de Pèlerin, et de Guillaume Goubert,
le directeur de La Croix.
L A GR ÈCE AV EC L’E X PRESS
E T CHR IS T OP HE B A R BIER
–
© Wunigard / Shutterstock
Du 12 au 20 octobre 2016, L’Express, en collaboration avec
Rivages du monde, emmène ses lecteurs à la découverte
des îles grecques. Rhodes, Naxos, la Crête, Chios mais
aussi les monastères des Météores ou Thessalonique sont
au programme. Pendant la croisière, Christophe Barbier,
qui dirige le magazine, animera des conférences pour
mieux comprendre les enjeux de la Grèce contemporaine.
L E DA NUBE EN MUSIQUE
–
Que serait le Danube sans la musique ? Rivages du monde met
cette évidence en pratique en organisant cette année pas moins
de 6 croisières musicales sur le Danube à bord du M/S Amadeus
Royal. Trois croisières en juin suivies de trois autres en septembre
2016 relieront Munich à Budapest pendant 8 jours exceptionnels
et riches en concerts prestigieux. Mozart, Strauss, Liszt ou Bartok
accompagneront vos soirées dans des temples de la musique classique tels que le palais Mirabell, l’abbaye de Melk ou de Gottweig,
l’opéra de Vienne ou encore le palais Moyzes. Des récitals de
piano seront également donnés à bord. 84
S T ÉP H A NE BER N
E MB A RQUE
AV EC R I VAGES
DU MONDE
–
Du 24 septembre au 3 octobre 2016,
Rivages du monde organise en partenariat avec le magazine Notre Temps
une croisière exceptionnelle en mer Égée.
Stéphane Bern, invité d’honneur à bord
du M/S Astoria, donnera deux conférences inédites consacrées à l’histoire
de la Grèce contemporaine et aux coulisses de ses émissions télévisées. Embarqueront également avec lui, le directeur
de la rédaction de Notre Temps, Maxime
de Jenlis et Carole Renucci, la rédactrice
en chef. Cette croisière propose un itinéraire très complet avec la découverte
des plus beaux sites grecs : Olympie,
la cité Byzantine de Mystra, les Météores,
la Crête ou Thessalonique...
© Shutterstock
mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine
L’ACCORD PARFAIT
Rivages du monde
et Deutsche Grammophon
–
Rivages du monde
organise une
croisière musicale
inédite autour de
l'Italie du 4 au 15
septembre 2016.
Trois concerts
prestigieux en
partenariat avec
Deutsche
Grammophon dans
des lieux exceptionnels rythmeront la
croisière « Tutta
Italia » à bord
de l'Astoria.
L
es mélomanes n'attendaient que ça !
Deutsche Grammophon organise
une croisière autour de l'Italie
avec Rivages du monde. Le légendaire label au cartouche jaune, le plus ancien
éditeur de musique classique au monde, est
depuis 1898 synonyme de qualité. Pendant
12 jours, Rivages du monde vous propose de
partager sa vision de l’excellence et de la musique italienne.
Tout au long de cette croisière, les formations
de musiciens et les conférenciers à bord sauront transmettre leur passion pour offrir aux
croisiéristes un panorama des plus complets
des chefs d’œuvre de la musique classique italienne. L’Astoria, au départ de Marseille, fera escale à Gênes, Livourne, Civitavecchia, Naples,
Messine, Syracuse, Brindisi-Bari, Ancône,
Ravenne, puis Trieste et Venise. Plusieurs excursions optionnelles sont proposées à chaque
escale. À bord de ce petit paquebot à taille
humaine pouvant accueillir 500 passagers,
embarqueront trois conférenciers de renom :
Ute Fesquet, journaliste de formation, musi-
cologue et violoncelliste, qui dirige le département artistique de Deutsche Grammophon depuis 1997, Sid McLauchlan, producteur depuis
1995 au contact des plus grands artistes, et JeanMichel Dhuez, journaliste à France Musique et
RTL, spécialiste de la musique classique.
Trois représentations exceptionnelles, en plus
des concerts proposés à bord chaque soir, ajouteront au caractère inédit de ce voyage. Première
escale au théâtre antique de Taormine en Sicile
pour un concert privé du tenor Piotr Beczala,
puis à Ravenne dans la célèbre basilique byzantine Sant’ Appolinare pour profiter du génial violoniste Nemanja Radulovic et enfin à la Fenice de
Venise où sera représentée Norma de Bellini.
Grâce à une programmation artistique exigeante et à l’implication des dirigeants de
Deutsche Grammophon à bord, les voyageurs
plongeront dans les coulisses de ce grand label
classique, pour partager son expérience centenaire. Ne rêvez plus : embarquez avec ce duo
mélodieux !
85
RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016
INTERVIEW / EMBARQUEZ
MY KOL A PRONIN,
CHEF DE PRODUI T
CROISIÈRES
M A RI–T IMES
Il participe à la conception des croisières mais surtout à leur
mise en œuvre pratique. Entretien avec Mykola pour mieux
connaître ceux qui vous font voyager.
RDM : QUEL EST VOTRE PARCOURS ?
M. P. : Je suis arrivé chez Rivages du monde en 2010, comme
agent de réservation. À l’époque on était trois dans ce service !
Depuis, notre clientèle ayant beaucoup augmenté, le service
réservation est composé de plus de 10 personnes ! J’ai ensuite
travaillé à la production des croisières en Russie et au Canada/
États-Unis. J’ai même été directeur de croisière sur le Gange.
J’occupe mon poste actuel depuis que nous avons initié les
croisières maritimes en 2013. Pour cette première année, nous
86
© Florian Chavanon
RDM : VOUS TRAVAILLEZ AU SIÈGE DE RIVAGES
DU MONDE, QUEL POSTE OCCUPEZ-VOUS ?
Mykola Pronin : Je suis chef de produit pour les croisières maritimes, ce qui signifie que je suis en charge des croisières, de leur
conception à leur réalisation. Plus concrètement, je m’occupe
des relations avec tous les prestataires : en premier lieu, il s’agit
des relations avec l’armateur, le propriétaire et exploitant du
navire, car c’est évidemment le premier prestataire avec lequel
nous devons élaborer notre programme. Je m’occupe ensuite
de la mise au point de toutes les excursions qui seront proposées pendant les croisières en définissant leur contenu et leur
programme en fonction des escales prévues. Enfin, je m’occupe
également de toutes les solutions d’acheminement de nos passagers jusqu’au port d’embarquement. D’une manière générale,
je participe à toutes les étapes de la création d’une croisière, de
l’itinéraire, aux excursions, au recrutement des équipes à bord
(les directeurs de croisières, les conférenciers, les animateurs et
accompagnateurs), et à la coordination de tous nos prestataires
pour que le déroulement de la croisière corresponde exactement
à notre cahier des charges.
mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine
Nous
naviguons
dans une
ambiance
quasi
familiale
EMBARQUEZ / INTERVIEW
n’avions proposé que deux croisières. En 2015, nous avons proposé un total de 12 croisières, tandis qu’actuellement nous prévoyons d’organiser 19 croisières maritimes ! On peut parler d’une
véritable explosion de notre programmation !
Auparavant je travaillais pour une société qui organisait des
croisières en Russie. Je suis arrivé en France à 18 ans pour étudier
l’économie et j’ai obtenu un master en management des activités touristiques et culturelles.
RDM : REVENONS AUX CROISIÈRES MARITIMES,
COMMENT SE CONSTRUIT UN ITINÉRAIRE ?
M. P. : Il y a naturellement de nombreux facteurs qui interviennent dans l’élaboration d’un itinéraire. Les destinations
sont choisies en fonction de plusieurs critères, mais je dois dire
que le plus important est directement lié aux messages que nous
font parvenir nos clients. Nous construisons aussi des itinéraires
spécifiques pour répondre aux demandes de certains de nos
partenaires : par exemple certains de nos itinéraires sont de véritables croisières thématiques en partenariat avec les différents
médias. Il s’agit souvent d’opérations ponctuelles. Pour le choix
des excursions, nous travaillons en collaboration avec ce qu’on
appelle un agent réceptif sur place. C’est lui qui nous propose un
choix de visites pour chaque escale suivant nos demandes. On
garde les excursions phares, les indispensables, auxquelles on
ajoute des visites plus originales. Enfin nous sommes attentifs
aux retours des croisiéristes via des questionnaires de satisfaction ou directement auprès de notre équipe à bord. C’est un véritable travail de conception en équipe.
RDM : ÊTES-VOUS PARFOIS EN CONTACT AVEC LES
CROISIÉRISTES ?
M. P. : Bien sûr et à chaque fois que cela est possible. C’est notamment le cas lorsque certains passagers souhaitent des prestations spécifiques, « à la carte ». Je me souviens cette année d’un
couple qui a voulu visiter la ville de Kronstadt pendant notre escale à Saint-Pétersbourg. Nous avons également des clients très
fidèles que je croise régulièrement à bord, l’une de nos croisiéristes a enchaîné 4 croisières en 2014 ! C’est la vie à bord et les
rencontres qui l’intéressent avant tout.
RDM : QUELLE A ÉTÉ VOTRE CROISIÈRE PRÉFÉRÉE ?
M. P. : Pour moi la plus belle croisière, ça restera le Mékong. Mais
la plus riche en terme de découverte, c’est la Russie. Quant aux
croisières maritimes, elles permettent de visiter plus de pays
avec un choix de visites inégalable.
RDM : COMMENT DÉFINIRIEZ-VOUS LA SPÉCIFICITÉ DE RIVAGES DU MONDE ?
M. P. : C’est la découverte et la culture. C'est-à-dire que nous privilégions avant tout les escales où nous consacrons un temps relativement long aux visites aussi riches que variées. La différence
fondamentale c’est que nous naviguons sur un bateau de petite
taille dans une ambiance quasi familiale.
87
RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016
M/S ASTORIA / EMBARQUEZ
Le M/S ASTORIA
Élégant paquebot à taille humaine
–
Le M/S Astoria accueille 500 passagers pour des croisières exceptionnelles du Groenland
au Grand Nord russe et en Méditerranée. La priorité est donnée à la découverte
des patrimoines et des cultures ainsi qu’à la convivialité.
L
e M/S Astoria a été rénové 2013, mais il conserve
néanmoins le charme des paquebots anciens :
marbreries et dorures dans les parties communes,
boiseries et fresques qui évoquent des paysages
antiques dans les chambres. Ses nombreux espaces participent
à l’atmosphère chaleureuse et intimiste du lieu : bibliothèque,
salon cosy, salle de jeux, bar, sauna, chapelle sont répartis sur les
sept ponts desservis par deux ascenseurs. Parfaitement adapté à
la navigation côtière, il accoste dans les ports avec facilité pour
que les croisiéristes soient au plus proche des sites.
7
8
5
4
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1
3
2
mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine
EMBARQUEZ / M/S ASTORIA
L
6
e M/S Astoria possède une salle de spectacle (1) à
l’acoustique exceptionnelle. D’inspiration art déco,
la décoration et le mobilier de bois clair et de cuivre
composent un cadre soigné et confortable. Un plateau
artistique animé par des professionnels de talent agrémentera
chaque soirée : chanson française, music-hall, magie…
Profitez d’une cuisine soignée et variée au restaurant Olissipo (2)
dont le cadre évoque la tradition des grandes brasseries. Le petitdéjeuner y est servi sous forme d’un riche buffet dont vous pourrez aussi profiter sur le pont extérieur. Le déjeuner est proposé
soit en buffet au pont Calypso (3), soit à la carte au restaurant.
L’après-midi, le thé est offert accompagné de pâtisseries. À
chaque dîner, un menu à la carte est servi au restaurant comprenant un large choix de mets et de vins.
Les ponts Promenade, Calypso, Navigators et Observation sont
équipés de chaises longues aux tons clairs, d’une petite piscine (4)
et d’un bar en terrasse. Tout y invite à la détente et à la sérénité.
Les 262 cabines d’une superficie de 12 à 18 m2 sont réparties en
9 catégories sur 5 ponts. Chacune est équipée d’un lit double ou
jumeaux (possibilité de 4 couchages sur demande), d'une climatisation, d’une salle de bain avec baignoire et toilettes privées.
Une armoire, une télévision, un sèche-cheveux et un coffre-fort
complètent l’espace privé. Les Juniors suites (18 m2) et les Suites
de luxe avec balcon (30 m2) (5) sont également dotées d’un bain à
remous et d’une partie salon.
Un personnel attentionné répond à toutes les demandes à la réception. Moyens de paiement : euros, espèces et cartes bancaires.
Vous trouverez également sur le pont Calypso une bibliothèque (6)
avec des ordinateurs connectés à Internet (service payant), une
salle de jeux avec table de bridge et une boutique proposant des
produits détaxés.
Sur le pont Observation enfin, un sauna, une salle de sport (7) et un
salon de beauté (8) (service payant) feront de votre voyage un vrai
moment de plaisir et de détente.
Caractéristiques
-
techniques
Longueur : 160 m
Largeur : 21 m
Tirant d’eau : 7,60 m
Vitesse de croisière : 15 nœuds
Nombre de passagers : 500
Membres d’équipage : 280
Classification : Bureau Veritas
Stabilisateur : Oui
89
RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016
CARTOGRAPHIE / EMBARQUEZ
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LE TOUR DU MONDE
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RIVAGES DU MONDE
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EMBARQUEZ / CARTOGRAPHIE
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mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine
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RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016
© Shutterstock
CROISIÈRES / EMBARQUEZ
CROISIÈRE EN RUSSIE
La voie des tsars
–
Moments forts
• Moscou
• Saint-Pétersbourg
• La Galerie Tretiakov
• Le monastère Novodiévitchi
• Le musée de l’Ermitage
• Kiji
92
Entre Moscou et Saint-Pétersbourg
11 jours / 10 nuits
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raversez toutes les Russie de Moscou à Saint-Pétersbourg en passant
des paysages sauvages de Carélie aux petits villages traditionnels. Pierre le Grand,
en visionnaire, avait eu le projet de relier
ces deux capitales par voie fluviale. Ce
n’est qu’en 1937, sous Staline, que le canal
de la Volga, long de 360 km, vit le jour.
Vous naviguerez de la Neva à la Volga à
bord du M/S Kandinsky Prestige, un bâteau
entièrement reconstruit avec des équipements modernes, des parties communes
agrandies, une capacité réduite à 196 passagers et des décors qui évoquent les tons
vifs des toiles de Kandinsky.
La croisière vous emmène à Kiji, la perle
de la Carélie (voir RDM magazine n°2),
baignée par une lumière diaphane. Cette
petite île possède l’une des églises les
plus extraordinaires de Russie, coiffée de
22 bulbes et construite en bois.
Vous visiterez également les deux
grandes villes qui furent tour à tour capitales. Saint-Pétersbourg, ville classique,
fut édifiée au XVIIIe siècle selon un plan
orthonormé. Ses rues, ses canaux, qu’enjambent d’innombrables ponts et ses palais restaurés forment une unité architecturale à la beauté impressionnante.
Moscou au contraire est toute en rondeurs. Construite autour des gigantesques murailles rouges et des 19 tours
de son kremlin, elle exerce sur le voyageur
une tout autre fascination.
mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine
EMBARQUEZ / CROISIÈRES
CROISIÈRE SUR LE SAINT-L AURENT
De Québec aux chutes du Niagara
–
© Shutterstock
Québec – Trois-Rivières – Montréal – Toronto – Chutes du Niagara
11 jours / 10 nuits
L
aissez-vous surprendre par la beauté pure et sauvage des paysages aux
couleurs flamboyantes qu’offrent le SaintLaurent et le lac Ontario.
Vous embarquerez à bord du M/V Saint
Laurent prestige, un bateau haut de gamme
et spacieux à l’élégance classique, d’une
capacité de 216 passagers. La navigation
vous emmènera dans la splendide région
des Mille-Îles, véritable jardin lacustre
de plus de 1 800 îles. Une autre merveille
vous attend : les chutes du Niagara. Frissons garantis !
Sur les rives du lac Ontario se détache la
skyline de Toronto. Ses quartiers pitto-
resques aux façades de couleurs, ses boutiques à la mode et sa tour CN qui culmine
à plus de 550 m vous convaincront de la vitalité toute américaine de la ville.
Gratte-ciels et petites maisons aux escaliers en fer forgé, parcs immenses où
bondissent des écureuils, le charme de
Montréal vous séduira. Québec enfin,
seule ville fortifiée d’Amérique du Nord,
a fière allure, avec son monumental château Frontenac. Véritable coup de cœur
pour celle qui fut la capitale de la Nouvelle-France (voir RDM magazine n°2), à la
rencontre de l’éclatante joie de vivre de
nos cousins francophones.
Moments forts
• Montréal
• Les Mille-Îles
• Les chutes du Niagara
• La côté Beaupré (en option)
• Ottawa (en option)
• Québec
93
RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016
CROISIÈRES / EMBARQUEZ
E S C A PA DE
Balade dans le delta du Danube
CROISIÈRES SUR
LE DANUBE
En option avant ou
après votre croisière
sur le Danube
3 jours
Inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO
depuis 1991, le delta du Danube est une
réserve naturelle à la végétation luxuriante
unique en Europe et à la faune exceptionnelle : plus de 3 400 espèces d’animaux,
plus de 300 espèces d’oiseaux (pélicans,
cormorans, cygnes, aigrettes, hérons),
plus de 150 espèces de poissons, dont le
célèbre esturgeon. Cette extension vous
conduira au cœur d’une nature encore préservée.
L
Moments forts
• Budapest
• Bratislava
• Salzbourg (en option)
• Sofia (en option)
e Danube est l’un des fleuves les plus
fascinants du monde, traversant sur
près de 3 000 km pas moins de dix pays
avant de se jeter, par un vaste delta, dans
la mer Noire. Cette formidable traversée
de l’Europe centrale est aussi une traversée de l’Histoire dans laquelle se mêlent
une cohorte de peuples, d’influences,
d’art et de cultures différentes.
Ce fleuve a fécondé un art de vivre incomparable dont Vienne et Budapest, en cités
impériales et royales, représentent les plus
beaux exemples. Remontant le fleuve de-
Un fleuve impérial
–
Vienne – Budapest – Bratislava– Belgrade – Sofia – Bucarest
12 jours / 11 nuits
94
puis les Balkans, vous commencerez votre
croisière en abordant Bucarest, Belgrade
et Bratislava. Ces capitales conservent un
charme romanesque et de nombreux trésors. Comme une plaque tectonique mue
par tous les peuples qui s’y rencontrèrent
et s’y affrontèrent, la Serbie, et Belgrade en
particulier, n’a pas fini d’épuiser ses histoires d’espions, de vieilles rancunes et de
passage stratégique. C’est aussi l’un des endroits les plus attachants pour comprendre
tous les enjeux de l’Europe contemporaine.
Vous naviguerez à bord du M/S Amadeus
Brilliant ou du M/S Amadeus Elegant, deux
bateaux parfaitement identiques, parmi les
plus confortables et les plus raffinés. Très
largement ouverts sur le fleuve avec leurs
grandes baies vitrées, ils permettent à leurs
hôtes de profiter des paysages romantiques
de la vallée du Danube et du patrimoine exceptionnel que l’on découvre tout au long
de ses rives.
EMBARQUEZ / CROISIÈRES
Partez à la découverte des châteaux
des Carpates, sur les traces du prince
Dracula. Vous visiterez l’église fortifiée
de Prejmer, Sighisoara, une vieille ville
saxonne fortifiée, le château de Bran,
connu pour être le château de Dracula.
Vous traverserez ensuite les Carpates
vers Sinaia, station climatique surnommée la « perle des Carpates » et son
fabuleux château Peles, ancienne résidence d’été de la famille royale.
E S C A PA DE
En option avant
ou après votre
croisière sur
le Danube
3 jours
Rendez- vous en Transylvanie
mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine
Moments forts
• 4 concerts privatisés
• 3 récitals de piano à bord
• Vienne
• Salzbourg
• Budapest
• Soirée à l’opéra de Vienne (en option)
Le Danube musical Q
–
© Toutes les images © Shutterstock
ue serait le Danube sans la musique ? Si on
l’associe aussitôt à une valse de Strauss, le
fleuve porte dans son cours toute la richesse de la
musique occidentale. De Beethoven à Strauss, en
De Munich à Budapest
passant par Haydn, Mozart, Schubert, Bruckner,
Liszt, Mahler… Tous composèrent dans cet espace
8 jours / 7 nuits
danubien dominé par l’Empire. Princes de sang et
familles nobles entretenaient un lien très étroit avec la musique, cherchant à posséder
leur orchestre, leur théâtre et leur bal. Rien n'était trop beau pour exprimer, par le biais
de la musique, le faste de la dynastie des Habsbourg.
Cette croisière d’exception a été conçue pour que vous puissiez assister à des concerts
privatisés donnés dans des lieux historiques prestigieux. À Salzbourg, un concert sera
donné par le Quatuor Leskowitz au palais Mirabell, magnifique édifice baroque reconstruit au XVIIIe siècle pour les princes-évêques. À l’abbaye de Melk, dans le cadre
grandiose de la salle Kolomani, ou à l’abbaye de Gottweig, le Quatuor Symphonique
Slovaque interprètera Mozart. À Bratislava, les Solistes Pressbourgeois interprèteront
Mozart et Dvorak au palais Moyzes, sublime palais baroque de l’ancienne Presbourg.
À Budapest enfin, récital de piano par Agnès Kovecs au palais Duna. En option, vous
pourrez également assister à une soirée à l’opéra de Vienne.
95
RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016
CROISIÈRES / EMBARQUEZ
CROISIÈRE SUR L’ELBE ET L A MOLDAU
De la Bohême à la Saxe
–
© Shutterstock
Prague – Dresde – Villes de Bohême
9 jours / 8 nuits
C
ette croisière de la Moldau à l’Elbe
vous entraîne vers l’une des plus
fortes concentrations d’art de toute l’Europe ! Avec Charles IV, Prague attira à sa
cour de nombreux savants, artistes, architectes et alchimistes. Sous son règne furent
entrepris l’édification de la cathédrale
Saint-Guy, joyau de l’art gothique, mais aussi la construction du célèbre pont Charles
ainsi que l’agrandissement du château
Hradcany, véritable ville dominant Prague.
La légende de cette dernière était née, il ne
manquait plus que la vague du baroque
pour accomplir la beauté parfaite et magique de la ville. Dresde connut sa magnificence au début du XVIIIe siècle. De cette
96
époque datent les merveilles baroques que
sont le Zwinger, le palais japonais et l’église
de la cour, ainsi que les superbes collections
de peintures hollandaises et italiennes et la
fameuse collection des porcelaines.
Vous naviguerez à bord du M/S Florentina,
rénové en 2013, un petit bateau confortable
de 47 cabines, toutes extérieures.
Cette croisière offre la particularité d’allier les magnifiques paysages de la Suisse
saxonne et des Portes de Bohême à deux
villes d’art qui demeurent incontournables
en Europe : Dresde et Prague. Entre Moyen
Âge et folies baroques, c’est à une véritable
promenade dans l’Histoire à laquelle vous
êtes conviés.
Moments forts
• Dresde
• Les Portes de Bohême
• La ville médiévale de Kutná Hora
• Le haras de Kladruby
• Le pont Charles
• Prague
mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine
EMBARQUEZ / CROISIÈRES
©W
L’OR DU DOURO
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Le cœur historique
du Portugal
–
Porto – Braga - Salamanque
8 jours / 7 nuits
© Shutterstock
Après un arrêt à Coimbra et son
imposante bibliothèque de style baroque, vous découvrirez Lisbonne,
capitale élégante et populaire. La
ville chevauche sept collines, offrant
une multitude de panoramas superbes. Les bords du Tage rappellent
encore son glorieux passé maritime.
Entre modernisme et tradition, Lisbonne conserve des quartiers pittoresques mais aussi de nouvelles boutiques branchées, des restaurants et
des cafés aux terrasses délicieuses.
L
Moments forts
• Porto
• Salamanque
• Solar de Mateus
• Les vignobles en terrasses
• Lamego
• Braga
e Douro, né en Espagne, dévale la
Meseta sur plus de 500 km, avant
d’atteindre les montagnes du Portugal.
Fleuve impétueux, il serpente et découpe
une vallée aux versants abrupts et granitiques formant un cadre grandiose et
sauvage. En trois siècles, le travail et la
persévérance des hommes ont façonné
des terrasses fertiles qui s’étagent sur
ses pentes. Couverte de vignes, la région
produit ce qui fait la richesse de la ville qui
porte son nom : le porto et le vinho verde.
E S C A PA DE à Lisbonne
En option après
votre croisière
sur le Douro
Le paysage fluvial est demeuré inchangé
grâce à l’impossible mécanisation de ce
vignoble incomparable. Le M/S Douro
Cruiser, très ouvert sur le fleuve, offre à ses
130 passagers une splendide navigation à
travers ces vallées saisissantes.
Cet écrin unique, inscrit au patrimoine
mondial de l’UNESCO, recèle de nombreux villages perchés, des quintas, propriétés viticoles magnifiques, des vergers
et une grande quantité d’églises et de
couvents. Autant de merveilles médiévales et baroques qui font la richesse de
l’ancien royaume du Portugal.
Au gré de votre croisière, vous ferez une
excursion en Espagne pour découvrir
Salamanque qui abrite la plus ancienne
université d’Europe, créée en 1218. Ses
innombrables monuments civils et religieux, ses deux cathédrales, sa plaza
Mayor d’une très belle unité architecturale, en font un précieux joyau.
97
RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016
CROISIÈRES / EMBARQUEZ
CROISIÈRE DANS LES HIGHL ANDS D’ÉCOSSE
Entre mythes et légendes
–
© Shutterstock
Inverness - Loch Ness - Glenfinnan - Iona - Tobermory - Eigg - Armadale - Skye
8 jours / 7 nuits
L
es Highlands sont l’une des dernières terres sauvages d’Europe où
les jardins exotiques aux fougères géantes
ne s’expliquent que par la grâce du Gulf
Stream. Autre miracle de la nature, les
montagnes aux roches déchiquetées, aiguilles, vallées profondes, escarpements
abrupts…
Rien ici ne saurait être commun. Selon la
légende, c’est au VIe siècle que Nessie, le
monstre, fit sa première apparition avant
de se laisser prendre en photo dans les
années 1930. À ce jour, le Loch continue à
être exploré. Le mystère reste entier, mais
l’histoire est très sérieuse !
Partout la fascinante silhouette des
châteaux, les ponts-levis et les tourelles
vous conduiront sur les traces de Bonnie
98
Prince Charlie, le dernier des Stuart.
Cette croisière offre la particularité de
traverser un pays de montagnes, âpre et
mystérieux, de naviguer sur des lochs
d’eau douce et de glisser, au gré d’une
écluse, dans l’eau salée des fjords. Une
traversée unique tout comme ce pays qui
garde ses traditions avec tartans, kilts et
cornemuses !
Vous naviguerez à bord du M/V Lord of the
Glens, un véritable petit yacht au raffinement très british. Il a été reconstruit pour
répondre aux exigences d’une navigation
combinant le passage des écluses étroites
du canal calédonien et le cabotage côtier,
le long du littoral marin de l’Écosse. Il est
à présent le seul navire à pouvoir entreprendre cette croisière mixte.
Moments forts
• Glenfinnan
• Duart Castle
• L’abbaye d’Iona
• Traversée du Loch Ness
• Les paysages fabuleux
des montagnes Cuillins
mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine
EMBARQUEZ / CROISIÈRES
LES CROISIÈRES M ARITIMES 2016
–
De mai à novembre 2016, Rivages du monde propose 15 croisières maritimes :
9 du Groenland au Grand Nord russe et 6 en Méditerranée.
A
vec le M/S Astoria, c’est à une toute nouvelle aventure maritime que vous êtes conviés. Accueillant
500 passagers, ce paquebot à taille humaine offre
une grande salle de spectacle, un auditorium, un
vaste restaurant, des espaces extérieurs bien équipés, plusieurs
salons et bars intimistes...
Les croisières maritimes se succèdent sans se répéter : de l’Atlantique nord à l’océan Arctique et en Méditerranée, 15 itinéraires uniques vous entraînent le long de côtes et d’îles, pour
certaines célèbres et réputées et pour d’autres méconnues et
sauvages. Vous retrouverez les grands classiques de la Norvège,
de la Grèce ou de l’Italie toujours agrémentés d’une touche d’originalité, d’une escale inédite dont vous rêviez depuis longtemps,
au milieu d’une nature grandiose. Vous pourrez choisir d’approfondir un seul pays ou enchaîner deux croisières et découvrir
ainsi plusieurs facettes d’une région. Le vaste choix d’excursions
proposées, la qualité des conférenciers francophones et des invités qui ne manqueront pas de vous passionner, la créativité des
spectacles conçus par des artistes renommés, sont autant de façons de partager l’expérience d’un voyage inoubliable.
Rivages du monde, fidèle à sa vocation culturelle, a conçu ses
croisières maritimes en traçant des itinéraires permettant d’appréhender une culture dans sa globalité, pour mieux comprendre
les liens historiques ou encore les glissements d’une civilisation
à l’autre. Ce choix permet à chacun d’enrichir sa croisière par des
sites incontournables ou des escales hors des sentiers battus.
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RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016
CROISIÈRES / EMBARQUEZ
NORD EUROPE
TOUR D’IRLANDE
Du 11 au 19 mai 2016 : 9 jours / 8 nuits
Landes sillonnées de murets de pierres, falaises, côtes déchiquetées, pâturages et montagnes, l’Irlande fait briller tous les verts de
sa nature sauvage et préservée. L’Irlande c’est aussi de nombreux
châteaux forts, des vestiges d’abbayes, des tours et des croix celtiques. Elle recèle une architecture des plus intéressantes, notamment de beaux édifices victoriens que vous pourrez admirer à
Cork, Belfast ou encore Dublin, qui, par ses espaces verts, ses rues
animées, ses pubs et ses quais a su préserver un charme fou.
Points forts
• Départ et retour de Honfleur sans avion
• Le tour complet de l’Irlande
• Des escales à Jersey, Dublin et Belfast
LES ÎLES BRITANNIQUES
Du 19 au 29 mai 2016 : 11 jours / 10 nuits
De l’Irlande à l’Ulster, de l’Écosse à l’Angleterre, ce merveilleux itinéraire aborde des univers si différents ! Des landes romantiques
de l’Irlande aux côtes déchiquetées de l’Écosse, de l’aristocratique
Édimbourg à l’art nouveau de Glasgow, des jardins fleuris de
Belfast aux mystérieuses pierres levées de Stonehenge ou de
Callanish… Même si vous pensez connaître le Royaume-Uni,
vous serez surpris et ébloui par tant de contrastes. Une croisière
dépaysante rythmée par les villes fascinantes de Dublin, Glasgow,
Belfast, Édimbourg, Oxford ou encore Londres.
Points forts
• Les plus belles villes du Royaume-Uni
• Une nature grandiose au cœur du printemps
• Les trésors du monde celte
© Toutes les images : Shutterstock
LES FJORDS DE NORVÈGE
Du 29 mai au 5 juin 2016 : 8 jours / 7 nuits
100
Cette croisière au sud de la Norvège vous réserve une éblouissante découverte qui vous mènera vers des paysages légendaires.
Bergen, la plus jolie ville du pays, concentre de magnifiques maisons colorées, témoignage unique de cette capitale de la Hanse.
Stavanger, ville chaleureuse avec ses vieilles maisons de bois, est
devenue capitale du pétrole depuis 1969. Entre ces deux capitales
régionales, vous irez à la rencontre des fjords et votre croisière se
transformera en une véritable féerie !
Points forts
• Les plus beaux fjords
• Les plus belles villes de la Norvège méridionale
• Un itinéraire sans avion
mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine
EMBARQUEZ / CROISIÈRES
DES FJORDS AU CAP NORD
Du 28 juin au 7 juillet 2016 : 10 jours / 9 nuits
Cette croisière côtière est un aller simple pour le cap Nord ! Des îles
typiques, de vastes forêts denses, un littoral découpé qui dévoile des
parois vertigineuses parsemées de cascades et coiffées de glaciers
bleutés, et bien sûr, des fjords parmi les plus longs et les plus grandioses du monde, dont le célèbre Geiranger. Une navigation exceptionnelle qui vous emmènera au cœur des villages de pêcheurs des
îles Lofoten, pour admirer ensuite le soleil de minuit du cap Nord à
Tromso, porte d’entrée de l’océan Arctique réputée pour son architecture art nouveau… La magie du grand Nord est incomparable !
Points forts
• Croisière côtière jusqu’au cap Nord
• Le soleil de minuit
• Le fascinant archipel des Lofoten
SPITZBERG ET GRAND NORD RUSSE
Du 7 au 15 juillet 2016 : 9 jours / 8 nuits
Entre les eaux glaciales de la mer de Barents, une navigation exceptionnelle vous attend le long de ces vastes étendues de toundra parcourues par les eaux des rivières et des lacs et peuplées d’éleveurs
de rennes. Par le fjord de Mourmansk, vous pénétrerez au coeur de
cette Russie qui fut longtemps interdite à tout étranger. Au-delà,
vous mettrez le cap sur le Spitzberg : glaciers grandioses, stations
arctiques où se retrouvent les scientifiques du monde entier, le
Spitzberg est un monde magique et un trésor de la planète…
Points forts
• Le Spitzberg
• Le Grand Nord russe et norvégien
• La baie de la Madeleine
SPITZBERG ET ÎLES LOFOTEN
Du 15 au 25 juillet 2016 : 11 jours / 10 nuits
À mi-chemin du cap Nord et du pôle Nord, le jour, en cette saison,
ne se couche plus. C’est là, sur un archipel encore peuplé par les
ours blancs, que votre bateau met le cap : le Spitzberg. Glaciers
grandioses, toundra, stations arctiques habitées par des scientifiques venus du monde entier… Vers le sud, en longeant les côtes
en dentelles des fjords de la Norvège, vous mesurerez, au regard
des villages et des villes, que vous avez touché le bout du monde :
une véritable expédition vers les terres les plus inhabitées de la
planète.
Points forts
• Le Spitzberg et îles Lofoten
• Des paysages grandioses
• Bergen, la ville hanséatique
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CROISIÈRES / EMBARQUEZ
RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016
CAP SUR L’ISLANDE
Du 25 juillet au 3 août 2016 : 10 jours / 9 nuits
Paysage minéral battu par les vagues, plages de sable blanc, eaux
turquoise ou d’émeraude comme autant d’ambiances tropicales
trompeuses ; de glace et de feu, de vapeur et de givre… Si l’Islande
possède une nature incomparable, c’est loin d’être son seul attrait ! En refaisant le voyage des premiers colons, vous vous glisserez dans la légende et l’épopée médiévale que sont Les Sagas
islandaises. Entre histoire et réalité, fantaisie et poèmes épiques,
Les Sagas font partie de l’identité islandaise.
Points forts
• La découverte des Shetland
• Les îles Féroé
• L’Islande par monts et par fjords
ISLANDE ET GROENLAND
Du 3 au 15 août : 13 jours / 12 nuits
L’Islande et le Groenland ont toujours suscité la plus vive curiosité. Ces terres qui ont symbolisé l’audace des Vikings figurent aussi
comme les plus forts paroxysmes de la nature entre glaciers et volcans. Il reste peu de régions sur terre pour éveiller autant l’attrait
de l’inconnu. Cette croisière vous révèlera la féerie des paysages
islandais, les plus renversants de la planète, avant d’aborder le
Groenland qui voit sa calotte glaciaire diminuer et son territoire
devenir peut-être le prochain eldorado.
Points forts
• Une découverte approfondie de l’Islande
• 4 escales impressionnantes au Groenland
• L’approche de territoires inaccessibles et fabuleux
Longer et aborder le Groenland est une aventure hors du commun, où la nature a tous ses droits. Imaginez un territoire grand
comme quatre fois la France avec seulement 5 6 370 habitants.
L’Islande n’est pas en reste pour se donner en spectacle avec effets
spéciaux, puisque le feu court sous la robe froide de cette île mystérieuse. L’Irlande à côté de ces extrêmes, serait presque atypique,
si elle n’avait le charme et la douceur de son climat, les légendes et
l’esprit festif de son peuple.
Points forts
• 4 escales au Groenland dont la baie de Disko et le fjord glacé
d’Ilulissat
• Navigation dans le détroit du prince Christian Sund
• Paysages somptueux d’Islande et d’Irlande
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© Toutes les images : Shutterstock
GROENLAND, ISLANDE, IRLANDE
Du 15 au 28 août : 14 jours / 13 nuits
mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine
EMBARQUEZ / CROISIÈRES
SUD EUROPE
TUTTA ITALIA
Du 4 au 15 septembre 2016 :
12 jours / 11 nuits
Cette croisière d’exception est une véritable tarentelle, une danse maritime qui vous fera faire le tour
des côtes italiennes. De la Rome antique aux sites de
Pompéi et de Taormine, de belles promenades vous
initieront à l’un des plus spectaculaires berceaux de
notre civilisation. Ces musées à ciel ouvert sont d’autant plus émouvants qu’ils se dressent au coeur des
cités où la vie s’est perpétuée, où l’art s’est poursuivi
avec la chrétienté. De la Toscane aux Pouilles, de la
Sicile aux îles Lipari, une poésie ineffable se mêle aux
paysages les plus somptueux… avant d’aborder Venise,
la tête comblée de trésors. En option, un très riche programme musical viendra enrichir la croisière avec des
concerts et représentations que nous avons choisis
avec les plus grands spécialistes (voir page 85).
Points forts
• Un itinéraire exclusif tout autour de l’Italie
• Rome, Florence, Syracuse, Venise
• En option, des concerts dans des lieux prestigieux
ESCALES EN CROATIE
Du 15 au 24 septembre 2016 :
10 jours / 9 nuits
Depuis Venise, aborder la Croatie par la mer, c’est
faire le plus beau des voyages tant ce pays, ourlé
par sa côte découpée et sa dentelle d’îles, se caractérise par cette façade maritime extraordinaire !
Comme sa géographie, l’histoire de la Croatie,
au frottement de la Méditerranée et des Balkans,
se façonna par la mer, depuis la Rome antique
jusqu’aux puissants Vénitiens qui marquèrent profondément la Dalmatie. Dubrovnik, ville-forte, en
est le symbole le plus éblouissant. Concentré de
trésors, la Méditerranée vous réserve encore bien
des surprises comme cet étrange fjord que sont
les Bouches de Kotor au Monténégro ou encore les
péripéties malheureuses du peuple albanais qui
redouble de créativité pour oublier ses décennies
de dictature et d’isolement.
Points forts
• Des paysages époustouflants
• Des villes d’art : Venise, Split, Dubrovnik
• Des églises paléochrétiennes et byzantines rares
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CROISIÈRES / EMBARQUEZ
RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016
ODYSSÉE GRECQUE
Du 24 septembre au 3 octobre 2016 :
10 jours / 9 nuits
Comme le dit Lawrence Durrell, « quelque part entre
la Calabre et Corfou, commence le vrai bleu ». C’est cette
couleur bleu-outremer qui domine votre croisière
homérique et vous accompagne dans cette myriade
d'îles aussi belles que riches en histoire. Cette couleur
que connurent sans doute Ulysse et Jason… D’Olympie à Épidaure, d’Athènes à la Crète, les plus beaux
monuments de la période antique vous donnent rendez-vous. Il y aura aussi les petits ports de pêche, les
maisons cubiques, les moulins, les petites églises et les
pavés soulignés de blanc, tout le charme de la Grèce
avant d’aborder la Crète et ses paysages grandioses qui
ont vu éclore l'une des plus brillantes civilisations.
Points forts
• Les plus beaux sites antiques
• Un grand choix d’excursions
• De l’Adriatique à la mer Égée et à la Crète
© Toutes les images : Shutterstock
MER EGÉE, TRÉSORS
DE LA GRÈCE ANTIQUE
Du 3 au 12 octobre 2016 :
10 jours / 9 nuits
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Dans la mythologie, les dieux furent particulièrement généreux avec les hommes. Poséidon leur donna le cheval, Athéna l’olivier
et Zeus le feu. Ainsi la vie, dès l’origine, reposait-elle sur le don, l’agapé, disent les Grecs,
l’amour désintéressé, celui qui accueille et
qui reçoit. Au cours de cette croisière exceptionnelle, sur les traces de Phidias, d’Eschyle,
Euripide, Sophocle et des dieux mythologiques, vous découvrirez à votre tour ce que
la Grèce nous apporte encore aujourd’hui.
Diogène au XXIe siècle applaudirait encore,
tant la Grèce possède toujours la grâce de sa
lumière, la beauté simple de ses îles, son bleu
marin, ses prières et ses offrandes aux parfums d’encens, sa dignité…
Points forts
• Quatre millénaires d’histoire
• Athènes
• Les monastères suspendus des Météores
mars – mai 2016 / N°3 / RDM Magazine
EMBARQUEZ / CROISIÈRES
AUX SOURCES DE LA CIVILISATION
Du 20 au 30 octobre 2016 :
11 jours / 10 nuits
Il faut parfois faire un retour aux sources
pour apprécier le mélange de croyances,
d’influences, d’échanges et d’art nécessaires
à cette voie majeure de progrès et de vie que
l’on appelle civilisation. La Méditerranée en
est le reflet. Toutes ses côtes témoignent et
dessinent ce monde qui fut sous domination
grecque, romaine, byzantine, ottomane, angevine, souabe, vénitienne. Cette croisière
d’exception vous entraîne vers une multitude de facettes, une véritable mosaïque qui,
de la Grèce à l’Albanie, de la Croatie à l’Italie,
fait se croiser et vibrer les cultes, les langues,
les légendes, et se répondre les architectures
parmi les plus splendides et les mieux préservées de la Mare Nostrum.
Points forts
• 3 000 ans d’histoire
• De la mer Égée à l’Adriatique
• Athènes, Dubrovnik, Split, Taormine
• Des sites méconnus
ÎLE DE BEAUTE ET CÔTES ITALIENNES
Du 30 octobre au 5 novembre 2016 :
7 jours / 6 nuits
Seule une croisière peut concentrer autant d’ambiances et de richesses différentes ! Des plus prestigieux vestiges de Rome au précieux patrimoine de
la Renaissance toscane, de l’art baroque au souvenir émouvant de l’enfance de Napoléon, l’histoire
de notre civilisation défile dans une succession de
paysages et de sites grandioses. En Corse, en Sardaigne, vous pourrez aussi aller à la rencontre d’un
artisanat qui a su préserver ses traditions séculaires
et ses produits gourmands. Autour de Florence et
de Rome, une large palette d’excursions vous entraînera vers les chefs-d’œuvre tels que la basilique
Saint-Pierre de Rome, le Camposanto de Pise, le
coeur historique de Sienne et la merveilleuse petite
ville de Lucques et sa place en forme de théâtre à
l’italienne.
Points forts
• Des villes d’art et des sites grandioses
• Florence et Rome
• Un grand choix d’excursions hors des sentiers battus
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RDM Magazine / N°3 / mars – mai 2016
DESTINATIONS FLUVIALES 2016 :
AU FIL DU SAINT-LAURENT
À BORD DU M/V SAINT
LAURENT PRESTIGE
Du 11 au 21 juin 2016
Du 20 au 30 juin 2016
Du 29 juin au 09 juillet 2016
Du 31 août au 10 septembre 2016
Du 09 au 19 septembre 2016
Du 18 au 28 septembre 2016
Du 27 septembre au 07 octobre 2016
Du 06 au 16 octobre 2016
LE DANUBE IMPÉRIAL
À BORD DU M/S AMADEUS
BRILLIANT OU ELEGANT
SENS BUCAREST-MUNICH
du 19 au 30 mai 2016
du 24 mai au 04 juin 2016
du 10 au 21 juin 2016
du 15 au 26 juin 2016
du 19 au 30 septembre 2016
du 25 septembre au 06 octobre 2016
SENS MUNICH-BUCAREST
du 08 au 19 mai 2016
du 13 au 24 mai 2016
du 30 mai au 10 juin 2016
du 04 au 15 juin 2016
du 08 au 19 septembre 2016
du 14 au 25 septembre 2016
LE DANUBE MUSICAL
À BORD DU M/S AMADEUS
ROYAL
SENS MUNICH-BUDAPEST
du 31 mai au 07 juin 2016
du 14 au 21 juin 2016
du 08 au 15 septembre 2016
du 22 au 29 septembre 2016
SENS BUDAPEST-MUNICH
du 07 au 14 juin 2016
du 21 au 28 juin 2016
du 15 au 22 septembre 2016
du 29 septembre au 06 octobre 2016
JOYAUX DE RUSSIE
À BORD DU M/S KANDINSKY
PRESTIGE
SENS MOSCOU-ST
PETERSBOURG
Du 18 au 28 mai 2016
Du 07 au 17 juin 2016
Du 27 juin au 07 juillet 2016
Du 17 au 27 juillet 2016
Du 06 au 16 août 2016
Du 26 août au 05 septembre 2016
Du 15 au 25 septembre 2016
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SENS ST PETERSBOURGMOSCOU
Du 28 mai au 07 juin 2016
Du 17 au 27 juin 2016
Du 07 au 17 juillet 2016
Du 27 juillet au 06 août 2016
Du 16 au 26 aout 2016
Du 05 au 15 septembre 2016
CROISIÈRE EN CHINE
SUR LE YANG TSÉ
À BORD DU M/S YANGZI
EXPLORER
Du 26 mars au 09 avril 2016
ENTRE MYTHES & LEGENDES
CROISIÈRES DANS LES
HIGHLANDS D’ÉCOSSE
À BORD DU M/V LORD OF THE
GLENS
SENS INVERNESS-KYLE OF
LOCHALSH
Du 16 au 23 mai 2016
Du 19 au 26 septembre 2016
SENS INVERNESS-KYLE OF
LOCHALSH
Du 06 au 13 juin 2016
L’OR DU DOURO
À BORD DU M/S DOURO
CRUISER
Du 10 au 17 juillet 2016
DE LA BOHÈME À LA SAXE
À BORD DU M/S FLORENTINA
Du 08 au 16 juin 2016
Du 14 au 22 septembre 2016
SANTIAGO, BUENOS AIRES
ET CROISIÈRE EN PATAGONIE
À BORD DU M/N VIA AUSTRALIS
du 22 mars au 04 avril 2016
CROISIÈRE AU FIL
DU MÉKONG
À BORD DU R/V MEKONG
PRESTIGE
DE SAÏGON AUX TEMPLES
D’ANGKOR
Du 15 au 27 mars 2016
Du 29 mars au 10 avril 2016
DES TEMPLES D’ANGKOR À
SAÏGON
Du 21 mars au 02 avril 2016
Du 04 au 16 avril 2016
DESTINATIONS MARITIMES 2016 :
Du 11 au 19 mai 2016
Tour d’Irlande
9 jours/8 nuits
Du 15 au 28 août 2016
Groenland-Islande-Irlande
14 jours/13 nuits
Du 19 au 29 mai 2016
Îles britanniques
11 jours/10 nuits
Du 04 au 15 septembre 2016
Tutta Italia
12 jours/11 nuits
Du 29 mai au 05 juin 2016
Fjords de Norvège
8 jours/7 nuits
Du 15 au 24 septembre 2016
Escales en Croatie
10 jours/9 nuits
Du 28 juin au 07 juillet 2016
Des fjords au cap Nord
10 jours/9 nuits
Du 24 septembre au 03 octobre 2016
Odyssée grecque
10 jours/9 nuits
Du 07 au 15 juillet 2016
Spitzberg et Grand Nord russe
9 jours/8 nuits
Du 03 au 12 octobre 2016
Mer Égée, trésors de la Grèce antique
10 jours/9 nuits
Du 15 au 25 juillet 2016
Spitzberg et îles Lofoten
11 jours/10 nuits
Du 20 au 30 octobre 2016
Aux sources de la civilisation
11 jours/10 nuits
Du 25 juillet au 03 août 2016
Cap sur l’Islande
10 jours/9 nuits
Du 30 octobre au 05 novembre 2016
Île de Beauté et côtes italiennes
7 jours/6 nuits
Du 03 au 15 août 2016
Groenland-Islande
13 jours/12 nuits
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INS TA N TA NÉ GR A ND A NGL E
Bouches de Kotor – Monténégro
L’église de Notre-Dame du Rocher de Pérast, d’architecture baroque, se situe face à la ville
de Kotor. Ce site absolument somptueux a été classé par le célèbre guide Lonely Planet
comme destination n°1pour l’année 2016. Entre une nature exceptionnelle faite de montagnes qui plongent dans une eau transparente et des bâtisses en vieilles pierres, c’est une
invitation au dépaysement et à la contemplation qui s’offre aux visiteurs dans l’un des fjords
monténégrins les plus beaux de la mer Adriatique.
INS TA N TA NÉ ZOOM
Mer Méditerranée – Corse
Le corail de Corse est réputé pour offrir une palette exceptionnellement riche
de formes et de couleurs, notamment rouge. Il est aussi un écosystème fragile
nécessaire pour la faune marine qui est aujourd’hui menacé de disparition.
En cause, son exploitation commerciale à destination de la population locale
et des touristes, sous la forme de pendentifs et autres objets bijoux. Outre
son prix cher qui en fait un bien très prisé, il est traditionnellement offert pour
protéger une personne du mauvais sort.
LA MÉDITERRANÉE
A L BA NIE
Tirana :
urbanisme en couleurs
Magazine RIVAGES DU MONDE / N°3 / 2016
I TA L IE
E SC A L E S EN
MÉDI T ERR A NÉE
–
Naples en 6 lieux insolites
Carrefour
de civilisations
GR ÈCE
“
Mes pensées dorment
si je les assieds.
Mon esprit ne va,
si les jambes ne l’agitent.
Montaigne
RDM MAGAZINE / N°3 / 2016
Météores, les monastères
suspendus
K NO S S O S
RDM magazine / n°3 / 2016 – 10 €
Mythes et controverses