de l`identité sexuelle à l`identité de genre: une révolution
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de l`identité sexuelle à l`identité de genre: une révolution
DE L'IDENTITÉ SEXUELLE À L'IDENTITÉ DE GENRE: UNE RÉVOLUTION KÉPLERIENNE ? Damien Trapin érès | Psychologie clinique et projective 2005/1 - n° 11 pages 9 à 33 ISSN 1265-5449 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-psychologie-clinique-et-projective-2005-1-page-9.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 78.237.177.89 - 25/01/2012 09h20. © érès Trapin Damien , « De l'identité sexuelle à l'identité de genre: une révolution képlerienne ? » , Psychologie clinique et projective, 2005/1 n° 11, p. 9-33. -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour érès. © érès. 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Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 78.237.177.89 - 25/01/2012 09h20. © érès Résumé – Avec Freud, la bisexualité psychique ne semble pas avoir atteint le statut d’autonomie épistémologique face à la bisexualité biologique. Tenter de s’extraire du fourvoiement biologisant freudien (Laplanche, 1999a) en abordant le masculin sous l’angle du genre, telle est l’ambition de cet article. Ce dernier, axé autour de la contribution majeure de Jean Laplanche (2003) introduite par Christophe Dejours (2003), et tout en identifiant l’écart pris avec Freud, met en perspective la pensée novatrice de ces auteurs avec celle de Stoller et de Greenson, puis avec celle des féministes et des théoricien(ne)s Queer qui visent à contourner le monisme sexuel phallique. Il tente de démontrer que le déplacement de l’identité sexuelle à l’identité de genre, opéré par Laplanche, révolutionne la théorie psychanalytique de la différence des sexes et s’écarte de la perspective sociologique. Car si la théorie de la séduction généralisée de Laplanche (1987) convoque le primat de l’autre dans la simultanéité, il n’en demeure pas moins que la traduction des messages ambigus d’assignation de genre de l’environnement adulte proximal ressortit in fine à l’enfant herméneute. Mots-clés : Identification – Genre – Assignation – Situation anthropologique fondamentale – Séduction – Queer. Abstract in English at the end of the text Resumen en español al final del texto 1. Psychologue clinicien. Centre hospitalier international Jean Rostand, Service de gynécologie obstétrique et reproduction humaine, Sèvres (92). Doctorant, Université Paris Descartes (Paris-5). Psychologie clinique et projective, volume 11 – 2005, pp. 9-33. – 1265-5449/02/08 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 78.237.177.89 - 25/01/2012 09h20. © érès Damien Trupin1 D. Trupin Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 78.237.177.89 - 25/01/2012 09h20. © érès Dans Le moi et le ça (1923) et dans Quelques conséquences psychiques de la différence anatomique entre les sexes (1925), Freud nous montre comment la scène primitive et le complexe de castration, l’œdipe dans sa forme positive et négative, les identifications masculines et féminines qui en résultent, installent des liens fonctionnels interactifs continus avec la bisexualité psychique, et participent avec elle de la construction de l’identité sexuelle de l’individu. Mais les derniers développements de la théorie freudienne de l’identification, d’ailleurs inachevée (Donnet et Pinel, 1968), s’ouvrent sur l’énigme de l’identité sexuelle, véritable butée conceptuelle. En effet l’apophtegme célèbre : « L’anatomie, c’est le destin » mérite d’être sérieusement approfondi. Cet aphorisme emprunté à Napoléon invite à se questionner sur ce qui décide de l’identification sexuelle d’un individu au sein d’un groupe culturel donné, ce qui oriente l’analyste vers les champs de la sociologie et de l’ethnologie, et réclame de revenir sur les affirmations et présupposés freudiens relatifs à la bisexualité. Freud (1920b) conclut d’ailleurs ainsi son article Sur la psychogenèse d’un cas d’homosexualité féminine : « Quant à l’essence de ce que, au sens conventionnel ou au sens biologique, on nomme “masculin” et “féminin”, la psychanalyse ne peut l’élucider ; elle reprend à son compte les deux concepts et les met à la base de ses travaux. Si l’on tente de les ramener à des principes plus originaires, la masculinité se volatilise en activité, et la féminité en passivité, ce qui est trop peu » (p. 270). Or justement, l’introduction récente du concept de genre par Jean Laplanche (2003) révolutionne la théorie psychanalytique de la différence des sexes. Tout d’abord, j’examinerai comment Laplanche (2003) se positionne face à la pensée de Stoller et de Greenson qui critiquent Freud, puis face aux 2. Platon, Le Banquet, Présentation et traduction inédite par Luc Brisson, Paris, GF Flammarion (1ère édition, 1998, 3ème éd. 2004) 189d, e, 190d, 191a. D’après la Note 15 p. 107 de Freud (1920a). 10 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 78.237.177.89 - 25/01/2012 09h20. © érès « …Mais il [l’Atman, le soi ou le moi] n’éprouvait pas de joie ; il n’éprouvait pas de joie parce qu’il était seul. Il désira qu’il y ait un second. Et il était aussi grand qu’une femme et un homme quand ils se tiennent enlacés. Ce soi qui était sien, il le fit se diviser en deux : de là sortirent époux et épouse. C’est pourquoi le corps du soi est semblable à la moitié d’une coquille, voilà ce qu’a dit Yâjnavalkya. Et c’est pourquoi cet espace vide ici est rempli par la femme » Upanishad Brihad-Aranyaka I, 4, 3, An 800 av. J.-C. environ. Conception indienne à l’origine du mythe d’Aristophane2 De l’identité sexuelle à l’identité de genre tentatives de contournement (féministes et Queer) de la logique freudienne opposant le phallique au castré. Dans un second temps, je préciserai comment Laplanche parvient à sortir de l’aporie freudienne relative à la question des origines, et à transcender le conflit entre la société et l’individu tout en s’écartant de la perspective sociologique. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 78.237.177.89 - 25/01/2012 09h20. © érès La notion de genre a été introduite en 1955 par John Money, psychologue ayant travaillé dans le premier service d’endocrinologie pédiatrique, celui de Wilkins au Johns Hopkins Hospital à Baltimore. Joan et John Hampson, endocrinologues, et Money montrent (Money, Hampson et Hampson, 1957) qu’en cas de conflit entre les données biologiques et le sexe d’assignation, le sujet se sent appartenir, 100 fois sur 105, au sexe dans lequel il a été élevé avec conviction, cohérence et continuité. Stoller reprend avec succès cette notion et, en 1964, forge le terme de « noyau de l’identité de genre » (p. 223) autour duquel se constituent peu à peu la masculinité et la féminité. Trois facteurs participent de cette « core gender identity » : l’ancrage biologique, c’est-à-dire l’équipement à la naissance, l’assignation du sexe par les proches, et enfin la force biologique : un effet induit pendant la vie fœtale, généralement d’origine génétique, issu de l’organisation neurophysiologique du cerveau du fœtus. Dans les Nouvelles Conférences d’Introduction à la Psychanalyse, Freud (1933, p. 159) souligne : « La petite fille doit, avec le temps, échanger zone érogène et objet, deux choses que le garçon, lui, conserve ». L’« échange de zone érogène directrice » (Freud, 1905) du clitoris vers le vagin, le renoncement à la mère comme objet d’amour primaire et la rencontre du père et des hommes constituent, chez la fille, deux moments conflictuels essentiels dont le garçon est exempt. Pour Freud, la vie psychique féminine commence par un sentiment de castration, comme si ce qui s’était passé avant – c’est-à-dire pendant la première année de la vie – ne contribuait pas au développement de la masculinité et de la féminité. En effet, Freud (1931, p.145) évoque qu’« Un jour ou l’autre3 la petite fille fait la découverte de son infériorité organique » ; ce qui amène Stoller (1979, p. 58) à affirmer que « Les premiers mois de la vie ne sont pas pris en compte dans la chronologie du développement de la petite fille ». Stoller (ibid, p. 55) tente de résumer la 3. C’est moi qui souligne. 11 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 78.237.177.89 - 25/01/2012 09h20. © érès GREENSON ET STOLLER VERSUS FREUD : FRAGILITÉ DE L’IDENTITÉ DE GENRE MASCULINE Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 78.237.177.89 - 25/01/2012 09h20. © érès position freudienne : « La psychologie propre à la femme est la somme des efforts déployés pour s’adapter au fait de ne pas être un homme. Parce qu’elle ne possède pas de pénis, la femme sait qu’elle est condamnée à l’infériorité ». Sur la même tonalité, Cournut (1998) résume la pensée freudienne, « sur un mode très schématique »: « La théorie sexuelle infantile du pénis universel partage les humains en deux catégories : ceux qui ont “normalement” un pénis, et ceux (celles) à qui on l’a coupé. » Pour Cournut, « le masculin est l’aboutissement de la série : actif, sadique, phallique, alors que le féminin est l’aboutissement de la série : passif, masochiste, châtré(e).» (p. 397). Ainsi, selon Freud, pour la fille, ses organes génitaux inférieurs et son choix d’objet homosexuel l’amènent soit à fournir un très grand effort dans l’enfance pour s’orienter vers une voie nouvelle, soit à subir des conséquences négatives irréparables, alors que pour le garçon, ses organes génitaux supérieurs et le fait qu’il se situe d’emblée dans une relation hétérosexuelle le positionnent directement sur la voie d’accès à la masculinité et à l’hétérosexualité adulte. Stoller (1979) critique cette position freudienne : « La psychanalyse doit adopter une perspective quelque peu nouvelle […] ce changement devrait aboutir à des conclusions différentes, à une vision neuve et plus juste des origines et de la nature de la psychologie féminine : la psychologie d’une femme est autre chose que sa conviction d’être un homme castré » (p. 59). En opposition à la pensée freudienne, Greenson (1968) étudie le développement de l’identité de genre dans les années préœdipiennes. Selon lui, pour parvenir à l’identité masculine, le petit garçon doit remplacer l’objet initial de son identification – sa mère – et à la place s’identifier au père. La fille doit aussi se dés-identifier de sa mère, mais cette dernière identification l’aide à établir sa féminité. La conséquence est l’inverse de celle de la théorie du « monisme sexuel phallique » pour reprendre l’expression de Janine Chasseguet-Smirgel (1988) : l’identité de genre de la fille possède de meilleures assises que celle du garçon empreinte d’insécurité et d’incertitude. Greenson (1968) reprend alors les trois facteurs de Stoller (1964) qui interagissent pour développer l’identité de genre et y ajoute la série complémentaire : « dés-identification à la mère, contreidentification au père ». Greenson (1968) illustre son point de vue en citant l’exemple (Greenson, 1966) d’un enfant de cinq ans et demi, Lance, qui serait devenu, « s’il n’avait pas été soigné, transsexuel ou travesti. » Lance, dont la mère prolonge l’état de symbiose, est resté dans l’indifférenciation 12 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 78.237.177.89 - 25/01/2012 09h20. © érès D. Trupin Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 78.237.177.89 - 25/01/2012 09h20. © érès entre la représentation de Soi et la représentation d’objets. S’inspirant de la théorie de Mahler (1957), de Greenacre (1958) et de Jacobson (1964), Greenson (1968, p. 372) souligne que « différencier le semblable du différent permet de distinguer l’intérieur de l’extérieur et plus tard le Soi et le non Soi ». Greenson (1968) conçoit alors l’identité comme le résultat de la synthèse et de l’intégration de représentations de soi isolées et différentes. Encore faut-il, pour qu’advienne le processus de séparation-individuation du petit garçon, que la personnalité et le comportement des parents soient facilitants. En effet, la difficulté pour le garçon est de trouver une compensation dans la série interdépendante suivante : renoncer au plaisir et à la sécurité que lui procure l’identification à sa mère et créer une identification au père moins accessible. Cela suppose que la mère puisse admirer et éprouver de manière authentique les caractéristiques et l’habileté de son garçon tout en respectant son époux. Le père, quant à lui, doit autoriser l’identification. La mère de Lance est opposante : elle est « extrêmement possessive », le gratifie par « des contacts exclusivement tactiles et visuels », et « éprouve haine et irrespect non seulement envers son mari mais envers les hommes en général ». Quant au père de Lance, il est « froid », « sans joie », « il a peur de sa femme », et « sa vie professionnelle est un échec », aussi « s’absente-t-il souvent du domicile » (1968, p. 372). Ce défaut de présence du père comme une des origines des signes féminins chez le garçon se retrouve chez James Henderson (1982). Le rôle préœdipien du père pour les garçons comprend, selon lui, en référence à Abelin (1975, 1980), « la triangulation précoce ». Dans la lignée de Forrest (1967), Henderson souligne que l’absence de tiers ne fait qu’accroître les tensions et l’angoisse de la dyade, la symbiose se vit alors « sous l’humiliation, le désespoir et la défiance » (p. 287), entraînant « sentiments de confusion sur sa masculinité et sentiment d’impuissance » (Henderson, 1982, p. 238). Pour un homme, se sentir ou être reconnu par les autres comme un peu féminin pose la question de l’homosexualité selon Jean Cournut (1998). Le texte de Freud de 1922, qui précise l’étiologie de l’homosexualité en détaillant les explications apportées sur Léonard de Vinci, reprend d’ailleurs nombre de points évoqués ici : intense fixation à la mère sur le mode de l’identification, penchant au choix d’objet narcissique, surestimation du pénis et incapacité à renoncer à sa présence chez l’objet d’amour, mépris, aversion et dégoût pour le sexe de la femme puisqu’elle ne possède pas de pénis, la recherche d’objets d’amour dans lesquels le sujet puisse se 13 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 78.237.177.89 - 25/01/2012 09h20. © érès De l’identité sexuelle à l’identité de genre D. Trupin retrouver et qu’il puisse aimer comme sa mère l’a aimé, la séduction précoce par un adulte et la rivalité avec des frères (jalousie). Mais de quelle Unheimlich4 l’homme se sent-il soudain saisi à l’évocation de son féminin ? De quel féminin parle-t-on, lorsqu’on évoque le féminin chez l’homme ? S’agit-il principalement du féminin lié à l’identification primaire au féminin maternel, comme l’ont souligné notamment Greenson (1968) et Stoller (1976) ? Relève-t-il plus du « féminin primaire », décrit par Mélanie Klein (1932) sous le nom de « phase féminine primaire », ou du « maternel primaire » selon la classification opérée par Florence Bégoin-Guignard (1987, 1988) ? Ou bien estce de cette partie d’élément « féminin pur », décrite par Winnicott (1973) ou « féminin mélancolique » proposée récemment par Catherine Chabert (2003) ? Ou bien encore de cette part d’identification – primaire et secondaire – à ce que l’on peut supposer être du ressort d’un féminin paternel ? Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 78.237.177.89 - 25/01/2012 09h20. © érès • « le féminin chez le garçon, comme la sexualité chez la fille, est soumis à un changement d’objet » (p.1586), • « les relations conflictuelles que l’homme entretient à l’égard de son féminin – et au féminin – peuvent être partiellement éclairées si l’on considère que le féminin affecte le garçon selon des modalités éminemment plus traumatiques que chez la fille, • c’est, par ailleurs, le masochisme, dit “féminin” chez l’homme, qui lui permet, en le liant, de rendre ce traumatique tolérable. » (p. 1587). Alors que, pour Freud (1924, p. 290), féminin signifie passif, masochiste, châtré, subissant le coït et l’accouchement, qu’est-ce que, dans le vécu des hommes, ce pourrait être d’autre ? L’ex-président de la Cour d’Appel de Saxe y répond. En deçà de toute castration, ce que le Docteur en droit Daniel-Paul Schreber souhaite, c’est être une femme, mère coïtée, enceinte, accouchant, mais aussi passive, offerte, pénétrée, humiliée, le tout dans une jouissance ininterrompue (Freud, 1911). Rappelons ce délire de grossesse tel qu’il le décrit lui-même dans ses Mémoires (1903, p. 21) : « À deux reprises différentes déjà […], j’ai possédé des organes génitaux féminins, […], et j’ai ressenti dans le corps des tressautements comme ceux qui correspondent aux premières manifestations vitales de l’embryon humain : des nerfs de Dieu correspondant à la semence masculine avaient été projetés dans mon corps par un miracle divin ; 4. Inquiétante étrangeté. 14 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 78.237.177.89 - 25/01/2012 09h20. © érès L’une des difficultés à rendre compte du féminin chez l’homme, remarque Thierry Bokanowski (1993), est liée au fait que : De l’identité sexuelle à l’identité de genre une fécondation s’était ainsi produite. » L’extrême avatar de l’échec de la désidentification se retrouve dans le phénomène du transsexualisme où le sujet anatomiquement parfait est convaincu d’appartenir à l’autre genre. Christophe Dejours (2005, p. 41) précise : « Le transsexuel homme —> femme ne croit pas qu’il soit du sexe féminin. Il sait que son sexe anatomique est mâle. Mais il est convaincu qu’il est du genre féminin et il pense secondairement que son sexe anatomique est une erreur de la nature. Le genre est donc d’abord défini socialement par un ensemble de conduites typiques. Mais il est ensuite vécu comme un caractère naturel ». La fragilité des assises de l’Identité de Genre de l’homme expliquerait que près de deux tiers à trois quarts des transsexuels soient des hommes ayant souhaité devenir des femmes (Greenson, 1968). Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 78.237.177.89 - 25/01/2012 09h20. © érès Dépassant la position essentialiste – l’existence de deux sexes, masculin et féminin, donnés par la nature, reconnus comme tels ou désavoués5 – et s’écartant de la « représentation »6 (au sens freudien du terme) de la différence des sexes, Laplanche (2003) introduit le terme de genre dans Le genre, le sexe, le sexual. Selon Dejours (2003, p. 57), ce texte peut « être lu comme un document propre à renouveler la théorie sociale ». En effet, sans ôter au concept de genre sa spécificité sociologique (référence explicite non seulement aux travaux de Stoller mais aussi aux études des féministes et des Gender Studies), Laplanche aborde ce concept à partir de l’enfant, par le biais de l’ « assignation-message » et introduit ainsi le sexuel dans la reproduction sociale. Laplanche (2003, p. 70) se questionne sur le sens du déplacement de la question de l’identité sexuelle à la question de l’identité de genre : « Ce déplacement cache peut-être que la découverte freudienne fondamentale n’est pas là mais que, à côté du genre et à côté du sexe ou du sexué, elle recèle la question du sexual ou du sexuel. ». Puis Laplanche (2003) critique vivement la pensée de Stoller et, s’appuyant notamment sur Martin Dornes (2002)7 pour contester la théorie 5. D’après Dejours (2003), p. 56. 6. « Le terme de “représentation” renvoie nécessairement à une problématique sujet-objet, qui est – peutêtre – celle d’une “théorie de la connaissance”. Celle-ci se situe dans une perspective que je nomme ptoléméique », Laplanche (1999b), note 40, p. 286. 7. Le nourrisson dispose dès la naissance de capacités différenciées de perception et d’interaction (Stern, 1985 et Dornes, 1993) : il ne peut être qualifié d’autistique si bien que « Le concept de symbiose de Malher est intenable » p. 149-150. Il doit bien plutôt être « un concept purement clinique […] une mythologie qui permet que nous nous y entendions concernant notre passé » (p. 152). Puis l’auteur propose (p. 156-164) la réhabilitation partielle de la symbiose du point de vue de la psychologie du développement selon une double révision : « moments symbiotiques » et non « phases », individualisation de façon interactionnelle et « relativisation » de ces moments. (Dornes M., 2002). 15 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 78.237.177.89 - 25/01/2012 09h20. © érès LAPLANCHE CRITIQUE STOLLER D. Trupin Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 78.237.177.89 - 25/01/2012 09h20. © érès Face à la question ci-dessus de Laplanche relative au clivage et, compte tenu de la parenté du concept de « subversion libidinale » de Christophe Dejours (1986) avec celui de la « séduction généralisée » de Jean Laplanche (1987), j’émets ici l’hypothèse selon laquelle « La troisième topique » (Dejours, 2001) entrerait en résonance avec l'article de Winnicott (1973). Pour certains hommes, ceux dont les impasses de la subversion libidinale se sont traduites par une vulnérabilité psychique, je postule que ses « éléments féminins à l'état pur » relèveraient de l'« Inconscient amential »9, alors que ses « éléments masculins non contaminés » participeraient de l'« Inconscient refoulé ». Les interprétations de Winnicott (1973, p. 302 à 305) délivrées à l'« homme d'âge mur », illustreraient la « zone de sensibilité de l'Inconscient » : l'effraction du déni aurait été initiée par les propos interprétatifs de l'analyste ouvrant alors la voie à une analyse enfin « terminable ». Laplanche (2003, pp. 88-95), non sans malice (lien avec la théorie de la séduction généralisée), clôt sa diatribe en reprenant l’idée d’assignation. L’étiologie supposée par Stoller à l’origine de l’identité de genre s’est enrichie de 1964 à 1976 pour se résumer en six facteurs avec Sexual Excitement en 1979 : la force biologique, l’attribution du sexe à la naissance, les attitudes systématiques signifiant à l’enfant l’appartenance à son sexe biologique, les phénomènes biopsychiques, le développement du moi corporel, le développement intrapsychique. Avec Stoller, la notion de genre devient synonyme d’un ensemble de « convictions », « une masse de croyances », celle d’appartenir à un des deux groupes sociaux définis comme 8. À l’instar de D. Lagache, J. Laplanche s’oppose depuis longtemps à la « monade primitive » mahlerienne (cf. Vie et mort en psychanalyse, 1970). 9. La « troisième topique » de C. Dejours (2001) in Le corps d’abord, fend (ligne de clivage) l’inconscient en inconscient refoulé (sexuel) et inconscient non refoulé ou amential (sans pensée : a privatif et mens, mentis : esprit). 16 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 78.237.177.89 - 25/01/2012 09h20. © érès de Margaret Mahler (1957, l’existence de la phase primitive de symbiose8), affirme (p. 94) que « toute l’étiologie stollérienne s’effondre. L’idée selon laquelle symbiose = identification est, de plus, tout à fait contestable. […] À supposer qu’il y ait une identification primaire à la mère (par symbiose ou non), pourquoi serait-ce une identification primaire à la femme ? Et encore plus à la féminité, laquelle est un trait fort élaboré ? Pourquoi y aurait-il une « désidentification » (terme de Greenson), ou une séparation-individuation (termes de Mahler) qui réussirait sur tous les plans sauf sur le plan du genre ? Comment concevoir un tel clivage ? ». De l’identité sexuelle à l’identité de genre masculin ou féminin. Laplanche (2003, p. 73), tout en passant en revue de manière très critique une partie de l’œuvre de Stoller (Sexual Excitement n’est notamment pas cité), porte son attention sur « l’apparition de ce nouveau couple sexe/genre ou sex/gender dans le binarisme anglo-saxon. “Sex” étant entendu surtout comme biologique et “gender” comme socioculturel, et aussi comme subjectif. D’où le problème d’une politique de la traduction dans les langues qui n’avaient pas l’usage courant du mot de “genre” ». La porte est dès lors entrouverte pour qu’advienne la subversion de la notion de sexe par le genre. Et ce sont les féministes qui, dans un premier mouvement, anéantissent le sexe « dans une pure rétroaction par le genre ». Pour, s’apercevoir, peu après, « du besoin de poser malgré tout quelque chose à la base, ne serait-ce que, justement, pour pouvoir le subvertir et l’anéantir » (Laplanche 2003, p. 75). COMMENT CONTOURNER PHALLIQUE ? LE MONISME SEXUEL Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 78.237.177.89 - 25/01/2012 09h20. © érès Dans son article, Nicole-Claude Mathieu (1991, p. 69) précise : « Dans la pensée commune de nos sociétés, il y a un recouvrement prescrit entre la notion de sexe et la notion de genre. L’intérêt d’un certain nombre de sociétés autres qu’occidentales (et de phénomènes marginaux de nos sociétés) est que ni les définitions du sexe et du genre, ni les frontières entre sexe et genre, ou entre sexes et genres, n’y sont aussi claires. Aussi l’ethnologie permet-elle d’illustrer non seulement la variabilité du contenu des caractéristiques de genre, mais aussi la variabilité des agencements cognitifs de la catégorie de sexe selon les sociétés, et la fragilité des frontières établies entre les sexes (en même temps que les multiples moyens de répression qu’implique leur maintien) ». Il y aurait donc, pour reprendre le terme de Laplanche (2003), « usurpation »10 par la « différenciation sociale des sexes »11 qui prescrit le recouvrement monolithique entre sexe mâle (« genre comportemental “masculin” ») et sexe femelle (« genre comportemental “féminin” »)12. Or, en linguistique, la notion de genre n’implique aucunement la différenciation par le sexe : « Comme le rappelle Christophe Dejours, le nombre de genre (L) peut aller de 2 à 20 ou davantage, parmi lesquels la distinction sexuée est possible, mais pas 10. p. 103 de « Hors texte 2 : le genre linguistique », in Laplanche (2003). 11. « Le genre a trait non à la différence, mais à la différenciation sociale des sexes », (p. 69 in N.-C. Mathieu, 1991). 12. Ibid., p. 70. 17 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 78.237.177.89 - 25/01/2012 09h20. © érès DU GENRE LINGUISTIQUE À LA PERFORMATIVITÉ DU QUEER D. Trupin Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 78.237.177.89 - 25/01/2012 09h20. © érès Cette notion de performativité pour le Queer a été pensée par Judith Butler (1990, 1991) à partir de celle de John Langshaw Austin (1962) où dire égale faire. Selon Brett Levinson (1999, p. 101) « La Queer Theory14 ne relève pas de l’invention ou de l’imperfection de Judith Butler (1990), mais de sa responsabilité ». Enseignant la rhétorique et la littérature comparée à l’Université de Californie à Berkeley, Butler (1991/2001, p. 148) positionne l’action positive Queer comme résistance à la pensée hétéronormative générative du binarisme de genre et de hiérarchisation des sexes : « Ces zones de turbulence, d’erreur, de confusion et de désordre pourraient bien servir de points de ralliement pour une certaine résistance à la classification comme à l’identité ». Une identité sexuelle Queer, selon Judith Butler, est celle qui se « théâtralise » ; elle reprend le terme foucaldien de « stylisation de soi » (self fashioning). Son travail vise, entre autres, à démontrer que le genre ne dérive pas du sexe. Elle pousse jusqu’à affirmer que le sexe est déjà, lui-même, marqué par le genre et soutient (1990, p. 10) que si « l’on considère […] le caractère construit du genre comme étant radicalement indépendant du sexe, le genre devient lui-même un artifice librement flottant (free floating artifice), ce qui entraîne que homme et masculin puissent signifier aussi bien un corps femelle qu’un corps mâle, et femme, féminin, un corps mâle aussi bien qu’un corps femelle ». Le mouvement Queer a émergé aux Etats-Unis dans un contexte bien particulier : c’est l’époque de l’éclatement du féminisme séparatiste qui a provoqué la « guerre des sexes », c’est l’émergence des lesbian/gay/gender studies dans les universités, c’est aussi l’affirmation du mouvement militant Act-up (créé en 1987 par Larry Kramer à New York) pour la lutte contre l’épidémie SIDA. Quatre axes post-positivistes apparaissent pertinents à la 13. note 75 p. 98 in Laplanche (2003). 14. L’origine de l’expression « théorie Queer » revient à Teresa de Lauretis dans un numéro de la revue Différence (revue féministe/postféministe et culturaliste américaine) paru en 1991. 18 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 78.237.177.89 - 25/01/2012 09h20. © érès toujours présente […] “arbre” est un genre, comme peuvent l’être “insecte”, “nourriture non carnée”, etc. »13. Pour contrecarrer la prescription de genre qui repose sur « la bicatégorisation et la bipartition », pour reprendre les termes de Watremez (2002), l’imaginaire peut se nourrir de systèmes différents, choisir d’autres langues et cultures permettant de contourner stratégiquement l’enfermement linguistico-culturel et mieux s’en détacher : liberté de choix, liberté de genre, parodie consciente du genre composent alors la vision de la performativité du Queer. De l’identité sexuelle à l’identité de genre Queer culture pour lutter contre l’hétéronormativité hégémonique : tirer profit de l’émancipation (emancipatory interests15), poursuivre l’affirmation identitaire (identity politics) pour la résurgence des groupes minoritaires dans la lignée foucaldienne (Sampson, 1993), renforcer la prise en compte de l’éthique au sein des sciences humaines (social ethics) à l’aide de stratégies théoriques et politiques (Sedgwick, 1993 ; Halperin, 1995), et enfin démocratiser les méthodes de recherche participative (participatory research ; Sampson, 1991). Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 78.237.177.89 - 25/01/2012 09h20. © érès Queer est un instrument de revendication. Il veut dire excentrique, bizarre, étrange, unheimlich, louche, anormal ; c’est un antonyme (ludique) pour droit, respectable. Les personnes qui se disent Queer refusent toute forme de catégorisation dans la société hétéronormée. Et comme le genre ne peut se penser au-delà du binaire hétéronormatif que si la langue d’expression et la structure linguistique le permettent, il faut au minimum un genre (linguistique) indépendant des deux autres. Cependant, Nicole-Claude Matthieu (1991, p. 71) souligne que « le troisième sexe/genre ne servirait à rien » si ce n’est, pour Brigitte Lhomond (1991, p. 113), « confirmer la différence ». Véronique Perry (2003) souligne que c’est justement ce que les Queer reprochent à partir des années 1990 aux précédents mouvements féministes gays et lesbiennes : s’être centrés sur les questions d’identités collectives constituées, voire essentialistes. Ainsi « “Penser le genre” pour la théorie post-moderne Queer consiste à étudier les processus/procédés de domination en séparant genre prescrit16 et préférences/pratiques sexuelles ». « Le Queer, dans son aspect théorique et militant, pourrait donc se définir 15. « Concept introduit par Habermas en 1971 au sein de son approche à la théorie critique », p. 347 in Didi Khayatt (2002). 16. Le genre prescrit est, selon Perry, le genre « social/culturel contraint par le système hétérosocial » (p. 24). 19 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 78.237.177.89 - 25/01/2012 09h20. © érès Au sens large, le Queer se pose en résistance au modèle de stabilité qui prétend que l’hétérosexualité est à son origine alors qu’elle en est plus précisément son résultat. Par delà les questions gays et lesbiennes, son cadre d’analyse comprend le travestissement, l’hermaphrodisme, l’ambiguïté de genre et la chirurgie corrective de genre. « De l’action performative du travestissement à la déconstruction des théories (académiques), le Queer signale et exploite les incohérences autour des termes sexe/genre/désir qui maintiennent et réaffirment l’hétérosexualité. Démontrant l’impossibilité d’une sexualité naturelle, le Queer remet en cause les termes apparemment si évidents d’homme et de femme » (Jagose, 1996). D. Trupin comme étant un refus des catégories homme/femme, des catégories homo/hétéro, un refus de la stratégie oppositionnelle binaire génératrice de sens et un refus du replis identitaire générateur d’exclusion. » (Perry, 2003, p. 27 et 28). Pour le Queer, les identités sont ainsi vues comme étant diluées, mouvantes et multiples : contextuelles. Or Jean Laplanche (1973-1974, p. 48 ; 2003, p. 86) se pose la question de savoir si l’universalité du complexe de castration dans son opposition rigide et logique « phallique/castré » est incontournable, « s’il n’y a pas des modèles de symbolisation plus souples, plus multiples, plus ambivalents ». Le Queer y participerait-il ? Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 78.237.177.89 - 25/01/2012 09h20. © érès Comment se positionne le Queer face à la psychanalyse ? Marie-Hélène Bourcier (2000, p. 55) souligne : « Nombre de gays, comme Leo Bersani, mais aussi des féministes lesbiennes, se sont demandés quelles étaient les attitudes à adopter par rapport au primat de la psychologie et comment “queeriser” la psychanalyse ». Il en ressort des postures critiques qui visent à relativiser la position hégémonique de la psychanalyse dans le champ du désir et de la sexualité et son mode de production du savoir. Dejours (2003, p. 65) souligne que tous « ces auteurs [Butler, Rubin, Bersani, De Lauretis, Silverman, Hart, Califia] se rapportent à des conceptualisations de la théorie de la sexualité (Lacan, Deleuze et Guattari, Derrida, etc.) qui ne pensent jamais la situation anthropologique fondamentale17 de l’inégalité enfant/adulte, et semblent avoir même rayé de leur vocabulaire conceptuel le terme de séduction ». Et c’est là le génie de Laplanche (2003) que d’avoir introduit le terme de genre dans la pensée psychanalytique freudienne en le pensant nullement comme un rapport de force entre la société et l’individu, mais comme un travail psychique spécifique et actif de l’enfant18. Ce travail consiste à traduire les messages d’assignation du genre des socii19, messages 17. Concept introduit par J. Laplanche (1987) in Fondements : Vers la théorie de la séduction généralisée, p. 101. Cf. aussi Laplanche (2000a) : C’« est la relation, bel et bien universelle, entre un enfant qui n’a pas d’inconscient génétiquement programmé (« innocent génétiquement ») et un adulte (et pas nécessairement la mère) dont nous savons depuis la psychanalyse qu’il est habité d’un inconscient » p. 79-80. 18. D’après Dejours (2003), p. 53. 19. « ses parents [… ] ses frères et sœurs, […] son objet d’amour, […] son professeur et son médecin » in S. Freud (1921), p. 123. 20 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 78.237.177.89 - 25/01/2012 09h20. © érès LAPLANCHE RÉVOLUTIONNE LES THÉORIES PSYCHANALYTIQUES ET SOCIALES : INCIDENCE D’UNE TRANSPOSITION VECTORIELLE De l’identité sexuelle à l’identité de genre porteurs de « signifiants énigmatiques » (Laplanche, 1987). « C’est donc le sexué et aussi surtout le sexual20 des parents qui vient faire bruit dans l’assignation » (Laplanche, 2003, p. 83). Qui plus est, cette idée d’assignation modifie complètement le vecteur de l’identification. A « l’identification à »21 viendrait se substituer « l’identification primitive par le socius de la préhistoire personnelle »22. Ce qui permettrait de sortir de l’aporie freudienne relative à la question des origines. RETOUR SUR LE CONCEPT D’IDENTIFICATION PRIMAIRE CHEZ FREUD Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 78.237.177.89 - 25/01/2012 09h20. © érès Dans Pour introduire le narcissisme, Freud (1914, p. 84) précise : « Il est nécessaire d’admettre qu’il n’existe pas dès le début, dans l’individu, une unité comparable au moi ; le moi doit subir un développement. Mais les pulsions autoérotiques existent dès l’origine ; quelque chose, une nouvelle action psychique, doit donc venir s’ajouter à l’auto-érotisme pour donner forme au narcissisme. » Cette « nouvelle action psychique » est le refoulement primaire qui vient promouvoir le narcissisme du moi ou narcissisme secondaire, en séparant le moi du ça-moi primitif (Freud, 1923). L’agent du refoulement serait le moi assisté du « père de la préhistoire personnel ». Cette figure apparaît au troisième chapitre de Le moi et le ça et rappelle l’ « identification au père » décrite au premier paragraphe du septième chapitre de Psychologie des foules et analyse du moi. Père à la fois réel et libidinal, reconnu d’emblée comme un idéal que le petit garçon veut être. Père dont il s’empare, précisait Freud (1923, p. 243-244), en le captant directement par le processus d’identification primaire : « C’est une identification directe, ou immédiate, plus précoce que tout investissement d’objet ». L’identification première pose un problème, car Freud ajoute en note (p. 243) qu’il serait plus prudent de parler d’ « “identification aux parents”, car avant la connaissance certaine de la différence des sexes, du 20. « Le sexual est le résidu inconscient du refoulement-symbolisation du genre par le sexe », Laplanche (2003), p. 69. 21. Pierre Chauvel (2002) présente « L’identification dans l’œuvre de Freud », pp. 25-45. 22. Laplanche (2003) p. 82. 21 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 78.237.177.89 - 25/01/2012 09h20. © érès En effet, parmi les difficultés jaillies de la construction freudienne de l’instance idéale figurent l’origine du moi et, dans cette genèse, la place et la fonction de l’idéal. D. Trupin Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 78.237.177.89 - 25/01/2012 09h20. © érès Les concepts de refoulement et d’identification primaire désignent donc deux versants de ce processus de dégagement du moi de sa collusion avec le ça. Ils désignent cet acte de naissance dont le concept de refoulement accentue le côté énergétique ou dynamique, et le concept d’identification l’aspect « personnologique » (Lagache, 1961, p. 223)25 de façonnement d’une identité, d’un moi. François Villa (2004, p. 134), discutant la logique presque incompatible des deux textes (Chap. 7 de Psychologie des foules et chap. 3 de Le moi et le ça), de même que l’ambiguïté de la note (« identification aux parents » au lieu de l’ « identification au père »), pointe chez Freud la nécessaire simultanéité de l’existence du père et de la mère du point de vue de la naissance du psychique : « On ne peut penser l’identification qu’à partir du choix d’objet qui, lui-même, ne peut se concevoir que depuis l’identification ». Cet auteur (Villa, 2004, p. 137) convoque alors la scène de la conception : « Penser le “et”26 conjonctif contraint à envisager 23. Cf. commentaire de cette note par J. Laplanche (1972-1973), p. 336, in Problématique I. L’angoisse, 1980. 24. Cf. Laplanche et Pontalis (1964). Fantasme originaire, fantasme des origines, origine des fantasmes. 25. Le « modèle personnologique » de Lagache (1961) fait correspondre le surmoi à l’autorité et l’idéal du moi à la façon dont le sujet doit se comporter pour répondre à l’attente de l’autorité. Le moi doit obéir au surmoi en se conformant à l’idéal du moi. Bref, « l’idéal du moi représente la façon dont la personne doit se comporter pour que le moi-sujet, identifié à l’autorité parentale, puisse accorder son approbation au moi-objet ». 26. Cf. la conjonction de coordination dans la phrase précédente : « La nécessaire simultanéité de l’existence du père et de la mère… » 22 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 78.237.177.89 - 25/01/2012 09h20. © érès manque du pénis, père et mère ne se voient pas accorder une valeur différente. » Cette note symptomatique23 soulèverait le problème de la différence sexuelle, du manque de pénis, de la castration. Freud en appelle donc à un « fantasme d’origine »24 pour distinguer investissement d’objet et identification. Selon lui, la naissance de l’idéal du moi, du surmoi, s’inscrit dans la voie ouverte par l’identification primaire que viennent renforcer des identifications secondaires. Ces dernières succèdent à des investissements d’objet (père et mère) que la crise œdipienne contraint à métamorphoser en identifications. Les multiples refoulements secondaires que le moi sera amené à effectuer pour des motifs narcissiques appelleront, pour être réussis, l’abandon de l’objet et la conservation de la libido, soit comme libido narcissique, soit comme libido d’objet (substitution de l’objet), grâce à une identification avec l’objet « abandonné ». La question de l’origine du refoulement coïncide avec celle de l’origine – pulsionnelle et/ou réelle – du surmoi. De l’identité sexuelle à l’identité de genre Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 78.237.177.89 - 25/01/2012 09h20. © érès Le contenu énigmatique de cette identification primaire, « idée particulièrement abstruse » selon Dejours (2005, p. 44), et qui est proprement le contenu du refoulement primaire, le refoulé originaire, constitue pour l’enfant la préhistoire personnelle, en deçà de laquelle il n’y a « personne ». Avec Laplanche (2003), l’agent du refoulement primaire qui viendrait promouvoir le narcissisme du moi ou narcissisme secondaire, en séparant le moi du ça-moi primitif (Freud, Chap. 1 de Le moi et le ça), serait le moi assisté du « socius de la préhistoire personnel ». Toutefois, l’identité de genre ne relève pas d’un déterminisme social (Dejours, 2005, p. 46). DÉPASSEMENT DU CONFLIT ENTRE LA SOCIÉTÉ ET L’INDIVIDU Laplanche s’écarte de la perspective sociologique pour deux raisons majeures : D’une part, l’assignation de genre est ambiguë. C’est un « ensemble complexe d’actes », initié par la déclaration d’état civil à la naissance, « qui se prolonge dans le langage et dans les comportements significatifs de 27. « Le père est celui qui possède sexuellement la mère (et les enfants en tant que propriété) ». S. Freud, C.G. Jung, Correspondance, 1910-1914, Tome II, lettre du 14 mai 1912, p. 634. 28. François Villa (2004), p. 139-140. 23 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 78.237.177.89 - 25/01/2012 09h20. © érès l’impensable scène primitive et à admettre l’existence et la possibilité du coït entre les parents ». D’ailleurs, notons que Freud (1927, p. 24) dans L’avenir d’une illusion, après avoir évoqué « les dangers indéterminés qui menacent l’enfant dans le monde extérieur », avait ouvert une piste : « Le père était luimême un danger, qui remonte peut-être au rapport antérieur à la mère ». La proposition que Freud oppose à Jung27 ne laisse-t-elle pas entendre toute la dimension incestueuse : « Cet homme, qui est notre père, en possédant sexuellement notre mère, n’est-il pas pris dans son désir de posséder sa mère – dont la femme qui est notre mère n’est après tout qu’un substitut ? »28. Ce père est aussi redouté que désiré, aussi angoissant par la menace de castration qu’il fait peser que par la violence du désir dont il est l’objet. Jacques André, dans la préface de L’avenir d’une illusion, souligne que « Le père (modèle) protège d’abord contre le père (libidinal). Comme il arrive sous la plume de Freud, la mère à peine introduite s’efface. La logique de son propre raisonnement impose cependant de ne pas l’oublier : elle n’est la première protection contre “les dangers indéterminés”, le premier pareangoisse que parce qu’elle est aussi celle par qui la libido s’introduit dans la satisfaction des “besoins narcissiques” ». Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 78.237.177.89 - 25/01/2012 09h20. © érès l’entourage » (Laplanche, 2003, p. 81). Par exemple, à l’école maternelle, il est encore fréquent que les garçons soient exclus du « coin poupée » sous prétexte de chahut. La discrimination se poursuit au-delà de l’enseignement obligatoire. Malgré le slogan « C’est technique, c’est pour elle » des années 1990, les filières techniques industrielles restent peu fréquentées par les filles. Le cas de Florence évoqué par Nicole Mosconi (2003) en témoigne. Par ailleurs, dans une thèse en cours, Valérie Ganem, citée par Pascale Molinier (2005, p. 17), en étudiant les conduites de résistance et de désobéissance en Guadeloupe dans les milieux de travail salarié, postule que « quelque chose de l’héritage subjectif de l’esclavage passerait par la famille d’une manière consciente ou inconsciente » conformément à la théorie de Laplanche (2003). « Il existerait un processus d’assignation au sein des familles en fonction de la couleur de peau, du même type que l’assignation pour le genre féminin ou masculin. La couleur de peau de l’enfant impliquant de la part des adultes une assignation au statut d’héritier d’esclave ou au statut d’héritier du maître dans les familles guadeloupéennes ». De plus, comment les parents eux-mêmes se définissentils face à la masculinité et à la féminité ? Etre homme ou femme n’est-il pas déjà énigmatique pour l’adulte-émetteur lui-même ? Qu’est-ce qu’être père ou être mère ? Quid de l’identité de genre de l’enfant réel dont le sexe anatomique de naissance se révèle différent de l’« enfant imaginaire »29 ? D’autre part, ce qui était ambigu, contaminé dans le message lui-même, est ouvert à l’arbitraire par la traduction30 : « Il n’y a pas de transmission directe de l’inconscient de l’adulte à l’inconscient de l’enfant. Entre les deux s’interpose toute l’épaisseur du fonctionnement psychique de l’enfant » (Dejours, 2003, p. 62). L’enfant est tenu d’effectuer ses propres opérations pour métaboliser le message compromis. De part la dissymétrie essentielle en termes de message entre l’adulte et l’enfant (Ferenczi, 1932), il demeure toujours des restes non-traduits, des résidus « objets-sources de la pulsion ». « Le message est partiellement traduit et partiellement refoulé »31. L’inconscient structurel et dynamique de l’enfant résulte du « refoulement originaire » conçu comme « défaut de traduction »32. Ainsi l’indéterminisme ressortit-il au génie propre de l’enfant. 29. Selon l’acception de Soulé M. (1983). « L’enfant dans la tête, l’enfant imaginaire ». 30. En référence à la théorie de la séduction généralisée (Laplanche, 1987), l’enfant, herméneute, traduit les messages du socius (l’environnement adulte proximal), messages d’assignation du genre. 31. Le modèle de « la substitution signifiante » ou de « la métabole », tel qu’il fut exposé au Congrès de Bonneval par Jean Laplanche en 1959, est repris dans le chapitre II du « Court traité de l’inconscient, Le modèle traductif du refoulement », pp. 80-88. In Entre séduction et inspiration : l’homme, 1999b. 32. À l’instar de ce que décrivait S. Freud à W. Fliess dans la « lettre 52 » du 06 Décembre 1896. 24 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 78.237.177.89 - 25/01/2012 09h20. © érès D. Trupin De l’identité sexuelle à l’identité de genre Cette précession du genre sur le sexe est d’ailleurs confirmée par les travaux des docteurs Herman Roiphe et Eleanor Galenson (1981) ou encore par les docteurs Ethel Person et Lionel Ovesey (1983). Selon ces derniers, le genre se stabiliserait vers la fin de la première année (p. 220) et deviendrait immuable vers la fin de la troisième année. Lors de la seconde année, au cours de la « phase génitale précoce »33 que Laplanche (2003, p. 85) qualifie de « réaction par le complexe de castration », le sexe vient organiser, fixer le genre. Et non l’inverse comme le défendait Person et Ovesey (1983, p. 221). Dans son dialogue avec Widlöcher, Laplanche (2000a, p. 75) précise, à propos de la sexualité de l’homme, que « l’acquis pulsionnel précède chez lui l’inné instinctuel ; de telle sorte que la sexualité instinctuelle, adaptative, au moment où elle surgit, trouve – pour ainsi dire – “la place occupée” par le pulsionnel infantile, déjà et toujours présent dans l’inconscient. ». Aussi Laplanche (2003, p. 82) synthétise-t-il sa pensée en la formule : « Le genre précède le sexe mais c’est le sexe qui organise le genre » Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 78.237.177.89 - 25/01/2012 09h20. © érès Dans « Analyse avec fin et analyse sans fin » Freud (1937) nous laisse sur une butée conceptuelle : « On a souvent l’impression, avec le désir de pénis et la protestation virile, de s’être frayé un passage à travers toute la stratification psychologique jusqu’au “roc d’origine” et d’en avoir ainsi fini avec son travail. Il ne peut pas en être autrement, car pour le psychisme le biologique joue véritablement le rôle du roc d’origine sous-jacent. Le refus de la féminité ne peut évidemment rien être d’autre qu’un fait biologique, une part de cette grande énigme de la sexualité. » Deux courants de pensée semblent coexister dans l’œuvre de Freud. Le premier tend obstinément à concéder à la psyché une légitimité psychanalytique distincte du soma, le second qui n’a de cesse de la capter dans les rets du biologique la considère comme le plus simple prolongement psychique de racines bio-anatomophysiologiques inéluctables. L’articulation psyché-soma ne peut donc se déployer si ce n’est « à la limite », par le concept de pulsion. De « l’anatomie c’est le destin », nous voici confronté au « roc » du biologique, affectant ce destin en quelque sorte d’une portée biologique. Or, l’anatomie, qui est un destin selon Freud – à savoir l’existence de deux sexes, séparés – se résume en une « anatomie perceptive »34 pour Laplanche, qui ressortit au code de la 33. La phase génitale précoce, pp. 31-45. In Roiphe et Galenson (1981). 34. p. 84 in Laplanche (2003). En effet, par la station verticale, l’homme ne peut plus voir les organes génitaux externes féminins, c’est-à-dire qu’il ne perçoit qu’un seul sexe. « La différence des sexes devient “différence de sexe” ». 25 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 78.237.177.89 - 25/01/2012 09h20. © érès CONCLUSION D. Trupin Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 78.237.177.89 - 25/01/2012 09h20. © érès Au sein d’un mouvement de pensée hélicoïdal, mouvement orbital autour d’un centre décentré, les circonvolutions freudiennes ont tenté d’intégrer les deux courants – masculin et féminin – constitutifs de la bisexualité psychique en un « processus vivant, créatif, et fécond » selon Kamel (1997). Enigme, mouvement de pensée héliocentrique : l’association avec la conception ptolémaïque et copernicienne de Laplanche (1992, 1997) jaillit à nouveau. L’intégration du genre dans la théorie psychanalytique de la différence des sexes réouvre la coque narcissique ipsocentriste : Laplanche pointe que dans la formule homosexuelle princeps de Freud – « Moi (un garçon) je l’aime, lui (un garçon) »35 –, il fait varier tous les termes sauf le premier, « moi un garçon ». Car l’énigmatique se conçoit dans la « simultanéité » – l’enfant en présence de l’adulte –, et s’il émane de l’autre, il n’en demeure pas moins énigmatique également pour cet autre. Nous pourrions alors positionner le décentrement novateur du texte de Laplanche (2003) au sein d’une révolution képlerienne, car les orbites elliptiques possèdent deux foyers : le soleil et un second, à jamais mystérieux. 35. À propos de l’homosexualité et de la paranoïa chez Schreber. 26 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 78.237.177.89 - 25/01/2012 09h20. © érès logique binaire : phallique/châtré(e). Freud (1933) l’illustre d’ailleurs très bien : « Masculin ou féminin est la première différence que vous faites quand vous rencontrez une autre créature humaine et vous êtes habitués à effectuer cette différence avec une assurance dénuée d’hésitation ». Le signifiant « différence perceptible de sexe » se distingue presque complètement de « la différence biologique et physiologique mâle/femelle » (Laplanche 2003, p. 85). Selon, Laplanche, Freud confond donc « anatomie et biologie ». Notons que, par une conquête active (Dejours, 2005, p. 57-61), la Queer Theory témoigne de la tentative de contournement de la logique présence/absence, c’est-à-dire du complexe de castration. Ce dernier, pour Laplanche (2000a, 2000b, 2003 p. 86), s’efforce de refouler le sexuel pulsionnel (et non instinctuel), infantile, pré ou paragénital ou génital infantile, se déployant dans l’attachement. De l’identité sexuelle à l’identité de genre RÉFÉRENCES Abelin E.L. (1975). Some further observations and comments on the earliest role of the father. Int. J. Psychoanal., 56 (3), 293-302. Abelin E.L. (1980). Triangulation, the role of the father and the origins of core gender identity during the rapprochement subphase. In Rapprochement : The Critical Subphase of Separation-individuation, R.F. Lax et al., eds., pp. 151-69. New York : Jason Aronson. Austin J.L. (1962). How to Do Things with Words. Oxford : Oxford University Press. Begoin-Guignard F. (1987). A l’aube du maternel et du féminin. Essai sur deux concepts aussi évidents qu’inconcevables. Revue Française de Psychanalyse, 51 (2), 1491-1503. Begoin-Guignard F. (1988). 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Damien Trupin Laboratoire de Psychologie clinique et de psychopathologie Institut de Psychologie Centre Henri Piéron 71, Avenue Edouard Vaillant 92100 Boulogne-Billancourt e-mail : [email protected] Abstract – From sexual identity to gender identity : A keplerian revolution? For Freud, psychic bisexuality doesn't seem to have attained the status of epistemological autonomy when compared with biological bisexuality. Trying to get away from Freud's « biological drift » (Laplanche, 1999a) by addressing the masculine from the gender perspective is the ambition of this article. It is based on the major contribution of Jean Laplanche (2003), introduced by Christophe Dejours 32 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 78.237.177.89 - 25/01/2012 09h20. © érès Villa F. (2004). L’oubli du père : un désir de rester éternellement fils, pp. 121-146. In L’oubli du père. Sous la dir. de J. André et C. Chabert. Paris : PUF, 176 p. 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Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 78.237.177.89 - 25/01/2012 09h20. © érès Resumen – De la identidad sexual a la identidad de género: una revolución kepleriana? Con Freud, la bisexualidad psíquica no parece haber alcanzado el estatuto de autonomía epistemológica frente a la bisexualidad biológica. Intentar extraerse de la equivocación biologizante freudiana (Laplanche, 1999a) abordando el masculino desde el punto de vista del género, tal es la ambición de este artículo. Este último, orientado en torno a la contribución principal de Jean Laplanche (2003) introducida por Christophe Dejours (2003), y definiendo al mismo tiempo la divergencia tomada con Freud, pone. En perspectiva el pensamiento innovador de estos autores con aquélla de Stoller y Greenson, luego con aquélla de las feministas y teorizantes Queer que pretender deformar el monisme sexual fálico. Intenta demostrar que el desplazamiento de la identidad sexual a la identidad de género, operada por Laplanche, revoluciona la teoría psicoanalítica de la diferencia de los sexos y se aleja de la perspectiva sociológica. Ya que, si la teoría de la seducción generalizada de Laplanche (1987) convoca la primacía del otro en la simultaneidad, no significa menos que la traducción de los mensajes ambiguos de asignación de género del medio ambiente adulto proximal, haga resurjir « in fine » al niño hermeneuta.. Palabras-clave : Definición – Généro – Asignación – Situación antropológica fundamental – Seducción – Queer. 33 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 78.237.177.89 - 25/01/2012 09h20. © érès Key words: Identification – Gender – Assignation – Fundamental anthropological situation – Seduction – Queer.