the rake`s progress
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IGOR STRAVINSKY THE RAKE’S PROGRESS SAISON 16-17 Fiche pédagogique Opéra IGOR STRAVINSKY THE RAKE’S PROGRESS SAISON 16-17 Fiche pédagogique THE RAKE’S PROGRESS INFORMATIONS GÉNÉRALES Bienvenue à l’Opéra de Rouen Normandie ! Cette fiche pédagogique a été rédigée afin de vous accompagner au mieux lors de votre venue pour The Rake’s Progress de Igor Stravinsky. Vous trouverez dans ce dossier des pistes vous permettant d’approfondir le travail en classe et d’échanger avec vos élèves avant votre venue à l’opéra. N’hésitez pas à nous faire part de vos remarques et des réactions des élèves. Un spectacle se prépare, se vit et se prolonge ensemble ! Informations générales • N’oubliez pas de nous prévenir en amont si vous avez besoin de places supplémentaires. • Les élèves sont sous la responsabilité des enseignants et des accompagnateurs. Nous vous remercions de rester près d’eux afin de veiller à la bonne écoute du spectacle et au respect de tous. Recommandations • Le spectacle commence à l’heure indiquée. Nous vous remercions d’arriver 30 minutes avant le début du spectacle afin d’avoir le temps de vous installer en salle. • Sont interdits dans la salle : les boissons et nourritures, les photographies et tout type d’enregistrement. • N’oubliez pas d’éteindre vos portables lors de la représentation. • N’hésitez pas à échanger vos avis et impressions à la sortie mais pas pendant le spectacle Nous vous souhaitons une bonne représentation ! Contact Enza Hiesse Chargée des actions pédagogiques [email protected] Opéra en 3 actes Livret Wystan Hugh Auden et Chester Kallman Création à La Fenice de Venise le 11 septembre 1951, sous la direction d’Igor Stravinsky Livret en anglais, spectacle surtitré en français Direction musicale Leo Hussain assisté d’Antoine Glatard Mise en scène et scénographie David Bobée assisté de Corinne Meyniel Conseil à la scénographie Marc Lainé Costumes Stéphane Barucci Lumières Stéphane Babi-Aubert Vidéo José Gherrak, Wojtek Doroszuk Tom Rakewell Benjamin Hulett Anne Trulove Marie Arnet Baba The Turk Isabelle Druet Nick Shadow Kevin Short Sellem Colin Judson Mother Goose Kathleen Wilkinson Father Trulove Stephan Loges Orchestre de l’Opéra de Rouen Normandie Chœur accentus / Opéra de Rouen Normandie Production Coproduction Théâtre de Caen, Opéra de Limoges, Théâtres de la Ville du Luxembourg, Opéra de Reims, Opéra de Rouen Normandie Rouen, Théâtre des Arts Durée : 2h30 entracte compris Représentations : Dimanche 11 décembre 2016, 16h Mardi 13 décembre 2016, 20h Vendredi 16 décembre 2016, 20h L’Opéra de Rouen Normandie est subventionné par la Région Normandie, la Ville de Rouen, le Ministère de la Culture et de la Communication DRAC Normandie, le Département de l’Eure et la Métropole Rouen Normandie. Coordination de la fiche pédagogique Florence De Meyer Rédaction Enza Hiesse Mise en page Romane Charpentier Photo de couverture Emmanuelle Brisson Présidente Catherine Morin-Desailly Vice Président Yvon Robert Directeur artistique et général Frédéric Roels Chef principal Leo Hussain Fiche pédagogique2 Opéra de Rouen Normandie THE RAKE’S PROGRESS LE COMPOSITEUR Igor Stravinsky ( 1882-1971 ) Igor Feodorovitch Stravinsky est un compositeur et chef d’orchestre russe. À 9 ans, il commence le piano. En 1901, son père, un chanteur d’opéra, l’inscrit à l’université de droit de Saint-Pétersbourg en parallèle de ses leçons d’harmonie et de contrepoint. Stravinsky délaisse peu à peu l’université pour assister à des concerts. En 1902 il rencontre Rimski-Korsakov, point marquant dans sa carrière. Le compositeur lui donne des leçons notamment sur l’art de l’orchestration et les formes classiques. Il lui fait jouer une de ses premières compositions Symphonie en mi bémol. En 1909, Serge de Diaghilev qui dirige les Ballets Russes assiste à la représentation de Feu d’artifice. Il rencontre Stravinsky et lui commande un ballet. Celui-ci compose en 1910 L’Oiseau de feu, qui rencontre un immense succès. S’en suit Petrouchka en 1911, qui marque une rupture avec la tradition post-romantique grâce à l’utilisation de la polytonalité. En 1913, Stravinsky crée Le Sacre du Printemps qui marque une révolution musicale. La représentation du 29 mai au Théâtre des Champs-Elysée déclenche un scandale. Si cette œuvre est approuvée par Debussy, Ravel ou Roland-Manuel, Camille Saint-Saëns quant à lui, quitte la salle avant la fin de la représentation. Puis Stravinsky tombe malade et part en maison de santé. À sa sortie, il compose des chansons et se remet à son opéra, Le Rossignol, commencé quelques années plus tôt. Entre 1914 et 1917, il compose Les Noces qui parle d’un mariage paysan russe. En 1917, il part à Rome avec ses amis Diaghilev, Massine, Bakst, Cocteau, Ansermet et Picasso. À son retour en 1918, manquant d’argent, il imagine avec Ramuz et Ansermet un spectacle au format plus court, L’Histoire du soldat. Stravinsky s’attaque alors à sa période néoclassique qui se termine en 1951 avec The Rake’s Progress. Après The Rake’s Progress, Stravinsky adopte un sérialisme proche de Webern. Ses dernières œuvres sont très religieuses, dépouillées. Stravinsky décède d’un œdème pulmonaire le 6 avril 1971 à New York. Il est enterré à Venise, dans le cimetière de l’Ile de San Michele. Stravinsky en 5 œuvres L’Oiseau de feu, 1910 - Ballet Le Sacre du Printemps, 1913 - Ballet L’Histoire du soldat, 1918 - Opéra de chambre Dumbarton Oaks, 1938 - Concerto The Rake’s Progress, 1951 - Opéra Fiche pédagogique3 Opéra de Rouen Normandie THE RAKE’S PROGRESS LES LIBRETTISTES Wystan Hugh Auden ( 1907-1973 ) Chester Kallaman ( 1921-1975 ) Wystan Hugh Auden est d’abord connu en tant que poète. Il a vécu la première partie de sa vie au Royaume-Uni, puis a émigré aux ÉtatsUnis en 1939 et est devenu citoyen américain en 1946. Chester Kallman est un poète américain qui a publié plusieurs recueils ( Storm at Castelfranco en 1956, Absent and Present en 1963, The Sense of Occasion en 1971 ). Les deux hommes se rencontrent en 1939 aux Etats-Unis, et écrivent ensemble plusieurs livrets d’opéras : The Rake’s Progress de Stravinsky en 1951, mais également Elégie pour jeunes amants ( Elegy for young Lovers ) de Hans Werner Henze en 1961, et Peines d’amour perdues ( Love’s Labour’s Lost ) de Nicolas Nabokov en 1973. Wystan Hugh Auden et Chester Kallman étaient également très proches d’un point de vue personnel, entretenant une relation intime. Chester Kallman (à gauche) et Wystan Hugh Auden (à droite) Fiche pédagogique4 Opéra de Rouen Normandie THE RAKE’S PROGRESS LES GRAVURES DE WILLIAM HOGARTH En 1939, Stravinsky fuit l’Europe et s’installe aux Etats-Unis. En 1947, il visite le Art Institute de Chicago qui présente une exposition de gravures et de peintures de William Hogarth. Son regard se porte sur une série de 8 gravures intitulée A Rake’s Progress ( 1733-1735 ), dont le texte permet de suivre les aventures représentées. S’inspirant de ces gravures, Stravinsky élabore le scénario de l’opéra avec Auden. Celui-ci rédige le livret avec Kallman. L’Héritage On découvre Tom Rakewell, au centre, qui se fait confectionner un habit de deuil. Il vient en effet de recevoir l’héritage de son père, marchand. Sur le pas de la porte se trouvent deux femmes. Il s’agit de la mère et de la fiancée de Tom Rakewell, Sarah Young, qui est enceinte. Après lui avoir promis un mariage, le héros lui propose désormais de l’argent pour qu’elle parte. Le Lever du Roué On retrouve Tom Rakewell en robe de chambre, dans une demeure richement décorée. Il est entouré d’artistes vivant à ses dépens : un jockey, un homme de main, un joueur de cor de chasse, un maître de danse, un architecte, deux maîtres d’armes, un musicien jouant du clavecin. Dans la pièce au fond, on aperçoit une modiste et un tailleur, ainsi qu’un poète. On peut donc voir la manière dont Tom Rakewell dépense son héritage. L’Orgie Dans cette gravure au titre très évocateur, Tom Rakewell, un verre à la main, est visiblement à son aise. C’est une scène d’ivresse, où l’on voit de la vaisselle cassée. En ce qui concerne les personnages, on découvre une fille qui caresse Tom Rakewell tout en lui dérobant sa montre, une autre qui se déshabille, ainsi qu’une chanteuse accompagnée d’une harpe et d’une trompette. Le mur est décoré avec des portraits de différents empereurs romains, qui ont tous perdu la tête, sauf Néron, le plus dépravé de tous. Fiche pédagogique5 Opéra de Rouen Normandie THE RAKE’S PROGRESS LES GRAVURES DE WILLIAM HOGARTH L’Arrestation pour dettes On retrouve ici Tom Rakewell dans une chaise à porteurs. Son habit onéreux dénote avec la réalité. En effet, il est criblé de dettes. Afin d’échapper à ses créanciers, il a fermé les rideaux de sa chaise à porteurs. Mais deux personnes viennent l’extraire, dont un qui lui présente un mandat d’arrêt. On retrouve alors Sarah Young, la fiancée délaissée de Tom Rakewell, devenue couturière. Elle intervient en offrant ses économies pour empêcher cette arrestation. Le Mariage Les économies de Sarah Young et son geste généreux n’ont pas fait changer Tom Rakewell qui est toujours sans argent, sans gratitude et sans moral. Dans cette gravure, il se marie avec une femme vieille, borgne, mais surtout riche héritière. Le mariage est célébré à l’église de Mary-le-Borne, située dans la périphérie de Londres, qui était connue pour les mariages clandestins. On remarque que pendant que Tom Rakewell enfile l’anneau nuptial à son épouse, il regarde surtout la servante qui ajuste la robe de mariée. Au niveau de la porte du fond, le concierge empêche Sarah Young et son enfant d’entrer. La Maison de jeu On retrouve Tom Rakewell agenouillé, sans perruque, le poing levé, maudissant le Ciel. Il vient en effet de perdre toute sa fortune au jeu. Les autres joueurs quant à eux sont plongés dans leur activité, et ne prêtent attention au veilleur de nuit présent dans la salle, ni au plafond qui commence à prendre feu. Fiche pédagogique6 Opéra de Rouen Normandie THE RAKE’S PROGRESS DES GRAVURES À L’OPÉRA La Prison L’Asile de fous Tom Rakewell est à présent en prison pour dettes. Assis à droite, il se fait sermonner par sa femme. Le geôlier et le garçon qui lui sert à boire lui demandent de l’argent. À gauche, on retrouve Sarah Young, venue le soutenir, qui s’évanouit à la vue de cette situation. Son enfant est également présent, s’accrochant à sa jupe. Cette série de gravures se termine dans un asile de fous, Bedlam. Tom Rakewell apparait au premier plan, à demi-nu alors qu’un gardien l’attache aux chevilles et aux poignets. Il est entouré d’autres personnages internés, mais également de Sarah Young, qui aura toujours été fidèle. Enfin, on remarque deux femmes apprêtées qui observent les détenus. En effet, l’asile de Bedlam était visité par charité, mais également par voyeurisme. Cette scène illustre la déchéance du libertin Tom Rakewell. Fiche pédagogique7 Opéra de Rouen Normandie THE RAKE’S PROGRESS DES GRAVURES À L’OPÉRA William Hogarth ( 1697-1764 ) D’origine modeste, le londonien William Hogarth devient le peintre officiel de la Cour sous les rois George II et George III. Sa peinture satirique met ainsi en scène des gens du peuple, voire des personnes dépravées. Il crée beaucoup de séries comprenant de nombreux détails et personnages, ainsi que du texte. Il s’agit donc de véritables scénarii. D’ailleurs, l’argument de l’opéra The Rake’s Progress reprend quasiment la même histoire que celle des gravures. Son engagement « politique » aboutira à la création d’une loi par le Parlement qui peut être considérée comme l’ancêtre des droits d’auteur. L’opéra respecte l’époque, le lieu, le parcours général du personnage de William Hogarth. Auden et Stravinsky souhaitent raconter une fable « morale » comme le sont les mythes de Dom Juan et de Faust. Des changements sont malgré tout effectués. Sont inventés : • Le personnage de Nick Shadow, qui conduit la carrière libertine de Tom Rakewell et mène le jeu théâtral en s’adressant aux spectateurs et en tirant la moral de l’histoire. • Les 3 vœux réalisés et les péripéties qui en découlent : la richesse (équivalent du pacte de Faust), le bonheur (le mariage avec Baba la Turque), sauver l’humanité (la machine à changer les pierres en pain). Sont modifiés : •Sarah Young, la villageoise séduite par Tom Rakewell devient Anne Truelove, figure du véritable amour. • L’héritage reçu au début de l’intrigue ne vient pas de son père, mais d’un oncle inconnu, ce qui rend cet événement totalement imprévu pour lui. • Le mariage se déroule avec Baba la Turque, la femme à barbe. Ici le mariage n’est pas pour refaire fortune, c’est un acte gratuit et absurde. Auden et Stravinsky souhaitent raconter une fable « morale » comme le sont les mythes de Dom Juan et de Faust. Autoportrait, 1745 Fiche pédagogique8 Opéra de Rouen Normandie THE RAKE’S PROGRESS L’ARGUMENT Acte I Scène 1 Printemps. Le jardin de la maison de Trulove, à la campagne. Duo d’amour entre Anne Trulove et son fiancé Tom Rakewell. Trulove, le père d’Anne, est inquiet : son futur gendre n’a pas de situation et refuse celle qu’il lui propose. Se basant sur la doctrine de la prédestination, Tom s’en remet à la Fortune et rêve d’être riche. Paraît alors un inconnu, Nick Shadow qui annonce à Tom qu’il vient d’hériter d’un oncle et qu’il est riche. Shadow se met au service de Tom, lui proposant de n’être payé qu’un an plus tard. Les deux hommes partent pour Londres afin de régler au plus vite la succession. On se sépare. Trulove est un peu inquiet, Anne n’est pas complètement heureuse... « La carrière d’un libertin commence », annonce Nick au public. Scène 2 Le bordel de Mother Goose à Londres. Prostituées et mauvais garçons chantent et boivent à Vénus et à Mars. Nick et Tom sont là, le premier fait passer au second son examen de passage dans une nouvelle vie : faire son devoir envers soi-même, suivre la nature, la beauté, les plaisirs. Quant à l’amour, Tom ne peut le définir et veut quitter la place. Mais Nick fait retarder l’horloge d’une heure : « Voyez. Le temps est vôtre. Les heures vous obéissent. Ne craignez point. Jouissez. Assez tôt vous pleurerez. » Tom reste et chante l’amour trahi, l’amour blessé, l’amour saint ; mais il va finir la nuit avec Mother Goose qui se l’est réservé. Scène 3 Automne. Le jardin des Trulove, nuit de pleine lune. Sans nouvelles de Tom, Anne s’inquiète et pressent qu’il a oublié ses promesses et son amour. Malgré l’amour qu’elle porte à son père, elle décide de le quitter, d’aller chercher Tom, si faible à ses yeux. Acte II Scène 1 Dans le salon de sa maison de Londres. Tom médite tristement sur sa nouvelle vie, sur le vide qui l’habite, sur le trop plein de la ville : « Je voudrais être heureux », soupire-t-il. Nick surgit alors et lui conseille d’épouser Baba La Turque, la femme à barbe, la nouvelle star de la cité ; par ce mariage publicitaire, Tom deviendra célèbre, montrera sa liberté avec éclat, en ignorant son désir et son devoir. Scène 2 Automne. Une rue au crépuscule devant la résidence de Tom à Londres. Anne est là, anxieuse, hésitant à frapper à la porte. Un cortège arrive, avec flambeaux et chaise à porteurs. En sort Tom. Troublé et gêné de trouver Anne, il lui enjoint de l’accuser, de le dénoncer, de partir et de l’oublier. Mais il est touché par la constance de son ancienne fiancée. Baba La Turque passe la tête entre les rideaux de la chaise à porteurs, Anne apprend alors la vérité et s’en va rapidement. Sous les acclamations de la foule, Baba rejoint la maison, laissant voir aux Londoniens ravis sa splendide barbe. Scène 3 Dans le même salon qu’à l’acte II, scène 1,mais encombré du bric-à-brac des objets appartenant à Baba. Tom et sa femme prennent le petit déjeuner. Baba bavarde sans arrêt, détaillant ses collections, racontant ses souvenirs de voyages... Tom est de mauvaise humeur, Tom se tait, Tom repousse violemment la tendresse de sa femme. Du coup, Baba s’énerve, casse les objets qui lui tombent sous la main. Tom interrompt les récriminations de sa femme au milieu d’une phrase, lui couvrant le visage de sa perruque. Elle reste muette et immobile. Tom se réfugie dans le sommeil. Pendant qu’il dort, Nick arrive dans la pièce avec une machine soi-disant destinée à changer les pierres en pain dont il montre au public le mécanisme trompeur.Tom s’éveille et raconte qu’il vient de rêver, justement, d’une machine miraculeuse à transformer les pierres en pain. Nick lui montre son invention. Tom, ravi, se voit déjà, grâce à sa machine, comme le sauveur du monde ; Nick lui propose de lui faire rencontrer des investisseurs et des souscripteurs pour fabriquer la machine en série. Acte III Scène 1 Printemps. Dans le grand salon de Tom et Baba. Tout est couvert de poussière et de toiles d’araignées. Baba est assise, immobile, la perruque retournée sur la tête. L’escroquerie de la machine à pain a éclaté au grand jour ; c’est la ruine des petits actionnaires, le scandale pour Tom qui est en fuite. Le commissaire-priseur Sellem est venu vendre les biens et il mène ses enchères avec virtuosité : y passent les objets hétéroclites de la collection de Baba. Et finalement, c’est Baba elle-même, encore couverte de sa perruque, qu’il met à prix et adjuge, dévoilant son visage devant la foule ébahie. Impassible, elle achève la phrase interrompue par Tom à la scène 2 de l’acte précédent ! Dans la rue, on entend alors Nick et Tom, braillant et se moquant de Baba. Anna arrive, elle a reconnu la voix de Tom. Baba la prend sous sa protection, lui affirme que Tom l’aime toujours et l’encourage à la sauver. Puis, superbe, elle prend congé de la foule : « La prochaine fois, vous paierez pour voir Baba ! ». Scène 2 Printemps. Un cimetière. Tombeaux. Au centre, une tombe fraîchement creusée. Un an a passé depuis la rencontre de Tom Rakewell et de Nick Shadow. C’est le moment de régler les comptes : Nick réclame son salaire, l’âme de Tom. Mais il lui laisse une chance : s’i parvient à identifier trois cartes choisies par Nick, Tom aura la vie sauve. Malgré sa peur, Tom joue. Pensant à Anne, il choisit la dame de cœur : gagné. Voyant les piques de la bêche du fossoyeur, il annonce le deux de pique : encore gagné. Contre toute attente, invoquant l’amour, Tom choisit encore la dame de cœur et gagne la partie. Nick vaincu, furieux, condamne toutefois Tom à devenir fou avant de s’enfoncer dans une tombe. Scène 3 A l’asile de Bedlam. Tom, se prenant pour Adonis, attend la visite de Vénus, entouré d’un triste chœur de fous. Vénus vient voir Adonis : c’est Anne. Adonis/tom demande à sa déesse de pardonner son inconstance et sa folie. Anne le berce et chante pour lui, il s’endort. Trulove vient chercher sa fille, l’histoire est terminée, seule la la mort délivrera le héros. Epilogue Devant le rideau, la salle étant éclairée, les cinq protagonistes, sans perruque et sans barbe, viennent exposer leur morale de l’histoire, saluent le public, et s’en vont. Fiche pédagogique9 Opéra de Rouen Normandie THE RAKE’S PROGRESS LA MUSIQUE Direction musicale Leo Hussain Chef d’orchestre Anglais Orchestre de l’Opéra de Rouen Normandie La composition de l’orchestre 2 flûtes traversières, 2 hautbois, 2 clarinettes, 2 bassons, 2 cors, 2 trompettes, timbales, 1 clavecin, 12 violons, 4 altos, 4 violoncelles, 3 contrebasses. La musique Stravinsky s’inspire de Bach, Gluck, Donizetti, Bellini, Gounod, Verdi, et Rossini. Mais l’orchestration choisie par Stravinsky s’apparente à celle de Mozart par son petit effectif. La signature du compositeur se trouve dans le traitement du rythme et la mise en musique du texte. The Rake’s Progress est un opéra tonal, mais il présente une « tonalité de fausses notes », comportant plusieurs notes qui ne cadrent pas avec l’ensemble. La forme Cet opéra propose une suite d’airs avec reprise, d’ensembles (duos, trios, …), de chœurs, d’interludes et de récitatifs tout comme les opéras de la fin du XVIIIe siècle. La dramaturgie photo : Marco Borggreve Cet opéra met en scène peu de personnages, une scène dans un cimetière ( comme dans Don Giovanni), et l’on retrouve la thématique du libertinage. photo : David Morganti Fiche pédagogique10 Opéra de Rouen Normandie THE RAKE’S PROGRESS LA DISTRIBUTION Tom Rakewell Anne Trulove Benjamin Hulett Ténor Marie Arnet Soprano Anglais Suédoise _ _ photo Arye Oron photo Mats Bäcker Baba the Turk Nick Shadow Isabelle Druet Mezzo-soprano Kevin Short Baryton Française Américain _ photo Perier Stefanovitch _ photo DR Sellem Mother Goose Colin Jusdon Ténor Kathleen Wilkinson Mezzo-soprano Anglais Irlandaise _ photo Baxter Bradford _ photo DR Father Truelove _ Stephan Loges Basse Anglais photo C. Megnan Fiche pédagogique11 Opéra de Rouen Normandie THE RAKE’S PROGRESS NOTE D’INTENTION DE DAVID BOBÉE antihéros qui par candeur, par faiblesse ou par paresse, est si peu acteur de son propre destin et se laisse manipuler par des forces supérieures obscures, qui est agi bien plus qu’il n’agit pour finalement, non seulement accepter le monde comme il ne va pas mais encore s’en rendre complice. photo : Pascal Monet Biographie Né en 1978 à Mont-Saint-Aignan, David Bobée grandit à Yvetot. Il mène des études de cinéma à Rouen, puis à Caen, souhaitant devenir réalisateur. C’est en allant voir des pièces de théâtre dans le cadre de ses études qu’il a le déclic : il souhaite devenir un homme de théâtre. Depuis septembre 2014, il dirige le Centre Dramatique National de Normandie-Rouen, premier CDN à vocation transdisciplinaire. Engagé dans une recherche théâtrale originale, il met en œuvre conjointement scénographie, écriture dramaturgique, travail du son, de l’image et du corps. Ses créations mêlent le théâtre, la danse, le cirque, la musique, la vidéo, la lumière et se jouent partout en France et à l’étranger. The Rake’s Progress, en création au Théâtre de Caen, est son premier opéra. Note d’intention « Pour la première fois, je mets en scène un opéra. J’en expérimente les usages, les codes, les conventions. Mon travail a toujours été marqué par la production de grandes images spectaculaires, aussi l’opéra est-il pour moi un terrain de jeu attirant. L’origine du Rake’s Progress, inspiré d’une série de gravures de Hogarth, induit une construction par tableau et de fait, correspond à ma manière d’appréhender le plateau. Mais l’homme de théâtre que je suis redoutait de s’affronter à cette matière dramatique qu’est le livret d’opéra, une action construite pour susciter et accompagner la musique et non pour faire sens en elle-même. Comment sortir des conventions et retrouver une authentique nécessité pour le passage à la scène ? Comment faire résonner cette fable morale dans notre temps ? Comment poser avec ce conte picaresque un geste qui dise quelque chose de notre époque, qui dise quelque chose à notre époque, au-delà des seuls plaisirs spectaculaires et musicaux ? The Rake’s Progress m’a d’abord intéressé par son rapport avec le mythe de Faust : que signifierait aujourd’hui signer un pacte avec le diable ? Il me plaît assez de montrer qu’une certaine forme d’ascension sociale peut être assimilée à une descente aux enfers. Il me plaît aussi de travailler sur ce personnage de Tom Rakewell, Ma porte d’entrée dans l’œuvre s’est ouverte lorsqu’à l’acte I Tom s’exclame « Je voudrais être riche » après avoir expliqué qu’il ne veut pas travailler. Ce retranchement de la valeur travail des processus d’enrichissement, cet abandon de l’entreprenariat au profit de la spéculation dit quelque chose à notre temps. Et lorsque Nick Shadow proclame « ici commence la carrière d’un libertin », je veux lire « Ici commence la carrière d’un libéral ». Ainsi, quand Tom quitte le jardin de Trulove comme on s’expulse du jardin d’Eden, il s’échappe d’un monde déjà mort : celui du travail industrieux dans des circuits courts, qui maintiennent au contact des matériaux et connectent à l’environnement, celui du cercle familial traditionaliste comme refuge stable et première structure de la société, celui d’un rapport direct et évident à la nature. Nick Shadow entraînera Tom Rakewell dans un monde, faut-il dire moderne ? – où tout est monnayable, où les corps se consomment, où le mariage est une stratégie d’ascension sociale. Il lui apprend l’amour en l’emmenant au bordel, il luit fait épouser une starlette, il luit fait miroiter la fortune en lui fournissant le mode d’emploi de l’escroquerie. Nick fait chuter Tom dans une spirale de vacuité et de dévitalisation de son existence : il sera riche sans mérite, marié sans amour et finalement, vivant sans conscience. Alors le jeu stylistique de l’œuvre qui reprend les codes du conte fantastique pour glisser d’un réalisme pastoral au gothique permet de voir l’évolution historique de l’organisation économique pour ce qu’elle est : un marché de dupes, un enfer grotesque dont on souhaiterait qu’il ne soit qu’au mauvais rêve et qu’ensemble nous nous réveillions. J’ai fait le choix de transpositions transparentes et engagées : la machine à pain qui prétend produire de la richesse à partir de rien et sans effort sera ici la dérive d’une financiarisation de l’économie, qui s’est emballée au point qu’on l’oppose à une « économie réelle ». Les succès forains de Baba la Turque seront ici la notoriété creuse et indue d’une people sans talent connu. Celui que Hogarth et Stravinsky ont appelé « débauché » parce qu’il fréquente les maisons closes sera ici un libertin parce que trader et amateur de hit-girls. Ainsi ce Rake’s Progress pour notre début de siècle souhaite dépasser la morale du conte qui condamnait la concupiscence et la cupidité. Il ne s’agit pas de juger Tom parce qu’il veut être riche mais d’observer que Nick lui propose un rapport intéressé à toute composante de la vie, en supprime toute obligation, toute gratuité, toute spontanéité. Un rapport au monde que l’on pourrait dire cynique mais aussi libéral, entendu comme marchandisation de tous biens. Tom délaisse Trulove pour Shadow… il lâche la proie pour l’ombre. Old Nick, ainsi les Anglais appelaient-ils autrefois le fois le diable… Le diable, c’est le cynisme ? » Le 12 mars 2016 David Bobée, metteur en scène Corinne Meyniel, assistante à la mise en scène Fiche pédagogique12 Opéra de Rouen Normandie THE RAKE’S PROGRESS SCÉNOGRAPHIE Note sur la scénographie La scénographique pensée pour ce Rake’s Progress se déploie en tableaux mouvants à l’intérieur d’un cadre fixe de marbre noir. Les images vidéo, filmées par l’artiste polonais Wojtek Doroszuk, et celles réalisées par José Gherrak, quelques objets-symboles et les variations des lumières offriront à cet espace, fixe et monumental, des bouleversements rapides nous faisant passer sans interruption d’un jardin à une maison close, d’une rue de Londres à une salle des marchés, d’un appartement luxueux à un cimetière. Ce cadre fixe de marbre noir et réfléchissant la lumière et les vidéos représente alternativement la boîte noire d’une maison d’opéra, un intérieur luxueux à Londres, le marbre glacé et impersonnel d’une banque ou encore l’intérieur du caveau de Tom Rakewell. À la manière de Dante décrivant sa lente descente aux enfers en cercles concentriques, le spectateur glisse d’un univers à l’autre, d’un espace lumineux et extérieur à des espaces de plus en plus clos, de plus en plus sombres, de plus en plus abstraits. David Bobée, le 12 mars 2016 Maquettes des décors L’appartement L’asile Le jardin La machine Pour aller plus loin Afin d’en savoir plus sur cet opéra, nous vous invitions à consulter les deux vidéos suivantes : David Bobée dit tout sur The Rake’s Progress https://www.youtube.com/watch?v=la5zAomhLwo Les clés du chef-d’œuvre de Stravinsky par Jean Deroyer https://www.youtube.com/watch?v=v-9c1siiVvI Fiche pédagogique13 Opéra de Rouen Normandie THE RAKE’S PROGRESS PHOTOGRAPHIE DE LA MISE EN SCÈNE Fiche pédagogique14 Opéra de Rouen Normandie