Série V n° 3 La cour constitutionnelle n

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Série V n° 3 La cour constitutionnelle n
Pauvres, mais honnêtes, nous paraissons quand nous pouvons, et notamment le mardi 19 avril 2016
Elections Africaines, Série V, n° 3
Sommaire
Introduction … page 1
Makalamizdat … page 3
La cour constitutionnelle n'a pas la compétence de prolonger le mandat du président de la république…
page 5
« Kikunda, Yangambi et Olanga, victimes d’un déni de justice en RDC » … page 7
PUB ! (culturelle et gratuite) … page 12
La RTNC, une église au «coin» du village… page 13
Humour…. Page 16
Introduction
En ce milieu du mois d'avril 2016, des députés congolais
croient avoir eu le coup de génie du siècle : Réussir le maintien de
leur mentor à la tête de la RD Congo au-delà de la fin de son
deuxième et dernier mandat.
Comment ?
Ils veulent obtenir de la cour constitutionnelle une lecture
permettant à monsieur Joseph Kabila de rester à la tête de la RD
Congo au-delà du 20 décembre 2016 !
Depuis des mois, Joseph Kabila n'a qu'une inquiétude :
l'après-19 décembre 2016 !
Comment se maintenir au pouvoir au-delà de cette date sans
enfreindre la constitution ?
À ce jour, toutes les tentatives du clan Kabila pour résoudre
cette équation ont lamentablement échoué. Et le temps presse !
Et oui, à part dans les républiques bananières, il est généralement laborieux de se
maintenir à la tête d'un pays n'importe comment !
Pour Joseph Kabila, voici comment il a pu rester à la tête du pays depuis bientôt quinze
ans :
- En 2001, le pouvoir lui était tombé dessus et ce jusqu'en 2003.
- De 2003 à 2006, il avait tiré sa légitimité du dialogue inter-congolais de Sun City.
- De 2006 à 2011, puis de 2011 à 2016, la présence de Joseph Kabila à la tête de la RD
Congo était issue des urnes, quoique les deux processus électoraux furent chahutés1.
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Il faut rappeler que les élections de novembre-décembre 2011 ont donné des résultats qu'une personne avisée,
réfléchie, d’esprit libre et critique devrait considérer comme nuls, donc sans gagnant. La suite aurait dû être
l'annulation pure et simple, des enquêtes sérieuses pour déterminer les causes et origines des irrégularités, qu’on
punisse les responsables, qu’on les écarte définitivement de toute responsabilité électorale et qu’on en tire les
conséquences quant aux futures élections. Il aurait dû y avoir une protestation générale des démocrates de tous
les partis, car un démocrate ne saurait accepter que son candidat gagne par la fraude, la corruption et le mensonge.
Au lieu de quoi on n’a assisté qu’à des élucubrations pour défendre la victoire « officielle » de JKK, et à d’autres
élucubrations pour défendre celle, tout aussi hypothétique, de Tshisekedi.
Les élections de 2011 avaient été organisées, tout comme celles de 2006, en faisant voter un « corps électoral
inconnu », faute de recensement préalable de la population. Ce fait à lui seul suffirait à en « plomber » gravement
la crédibilité. Elles ont, par-dessus le marché, été entachées de fraudes et de manipulations à un point tel qu’elles
ont donné des résultats qui, en réalité, sont encore inconnus. Les fraudes les plus importantes ayant eu lieu au
niveau des centres de compilation, on ne pourrait se rapprocher de la « vérité des urnes » qu’en se référant aux PV
des bureaux de vote, dernière opération publique et vérifiée par des témoins. Les chiffres de la CENI ne
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Et maintenant ?
Aveuglés par l'appât du gain, sous-estimant le niveau de la grogne populaire face à toute
manœuvre politicienne, les députés pro-Kabila veulent innover ! Ils veulent appliquer une drôle
de formule pour imposer aux Congolais leur mentor au-delà des délais constitutionnels … Sans
élections !
Veulent-ils inventer la roue ? Apparemment oui ! Courage et bonne chance alors.
Seulement, oublient-ils que pour un régime, organiser les élections dans les délais n'est
pas facultatif, mais impératif, obligatoire ?
Perdent-ils de vue que ne pas organiser les élections c'est, de la part des gouvernants,
soit de l' incompétence, soit de la mauvaise foi ? Dans les deux cas, il n'y a pas d'excuses. Dans
les deux cas, le pouvoir doit démissionner. S'il ne démissionne pas de lui-même, il peut aisément
se faire démettre.
Par qui et comment ?
Dès qu'il sera établi que le pouvoir ne peut ni ne veut organiser les élections dans les
délais, le grondement du Peuple va commencer en s'intensifiant. Il n'y a pas meilleur déclic
pour inciter le peuple à la révolte et à l'occupation de la rue.
Oui, l'acte que voudraient poser ces parlementaires pro-Kabila de chercher à obtenir une
interprétation de la constitution par la cour constitutionnelle pour une éventuelle présence de
Kabila à la tête de la RD Congo au-delà du 20 décembre 2016 n'est plus ni moins qu'un appel
à la révolte et à la désobéissance civile.
Cet acte s'apparente à une volonté de confisquer le droit du peuple à se choisir à
échéance régulière ses dirigeants.
Même le chien le plus idiot ne peut accepter qu'on lui marche sur la queue.
Après avoir méprisé le Peuple Souverain durant des années, les chantres du régime
finissant de monsieur Kabila serait mal inspirés de s'entêter à polluer l'environnement politique
congolais avec une démarche si nauséabonde : transformer un Chef d’État en Chef de Clan.
s’accompagnaient pas de ces PV, les chiffres publiés par l’UDPS, non plus. L’Eglise n’a jamais publié les résultats
partiels constatés par ses observateurs malgré cette déclaration du Cardinal Laurent Monsengwo, archevêque de
Kinshasa : « Les résultats publiés ne sont conformes ni à la justice ni à la vérité “. On n’a donc que des résultats
dont la crédibilité est nulle. Les législatives ont été dignes de la présidentielle, sinon pires. Mais la CSJ a entériné
les résultats de la présidentielle et des législatives. Le temps s’est écoulé, les résultats des élections demeureront à
jamais inconnus. C’est d’autant plus certain que la CENI a fait incinérer tous les documents relatifs aux élections
de 2006 et 2013 en octobre 2014, soit, en ce qui concerne les plus récents, après un délai de trois ans seulement,
anormalement court pour ce genre d’affaires. Toute autorité prétendue ne relève plus que de la force, de
l’intimidation, d’un coup d’état de fait. Le principal ressort de ce coup d’état consiste à progresser, comme si de
rien n’était, dans les tâches qui suivent normalement une élection et à mettre le pays et le monde devant le fait
accompli. En d’autres termes, il y a en RDC un Président, des ministres, des autorités DE FAIT. Il n’y en a plus
aucune qui puisse légitimement se dire « autorité de droit ». Le fait que Malumalu, aujourd’hui démissionnaire,
principal responsable de cette absurdité d’élections sans recensement préalable de la population, ait été remis un
temps à la Présidence de la CENI, était une promesse de beaux jours pour les fraudeurs !
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RDCongo
Makalamizdat
« — Oui, mais quelle espèce de science ? demanda sarcastiquement Mustapha Menier. — Vous n’avez
pas reçu de culture scientifique. de sorte que vous ne pouvez en juger. Moi, j’étais assez bon physicien,
de mon temps. Trop bon. — suffisamment bon pour me rendre compte que toute notre science est tout
simplement un livre de cuisine, avec une orthodoxie de l’art culinaire que personne n’a le droit dc
mettre en doute. et une liste de recettes auxquelles il ne faut rien ajouter, sauf par permission spéciale
du premier Chef. C’est moi le premier Chef, à présent. Mais il fut un temps où j’étais un jeune marmiton
plein de curiosité. Je me mis à faire un peu de cuisine à ma manière. De la cuisine hétérodoxe, de la
cuisine illicite. Un peu de science véritable, en somme.
— Il se tut.
— Qu’arriva-t-il ? demanda Helmholtz Watson.
L’Administrateur soupira.
— A peu de chose près ce qui va vous arriver, à vous autres jeunes gens. J’ai été sur le point d’être
envoyé dans une île.
… s’il avait le moindre bon sens, ii comprendrait que sa punition est en réalité une récompense : on
l’envoie dans une île. C’est- à-dire qu’on l’envoie dans un lieu oû il frayera avec la société la plus
intéressante d’hommes et de femmes se puisse trouver nulle part au monde. Tous les gens qui, pour une
raison ou une autre, ont trop individuellement pris conscience de leur moi pour pouvoir s’adapter à la
vie en commun, tous les gens que ne satisfait pas l’orthodoxie, qui ont des idées indépendantes bien à
eux, tous ceux, en un mot, qui sont quelqu’un, C’est tout juste si je ne vous envie pas, … »
(Aldous HUXLEY Brave new world )
Au temps où l’on parlait beaucoup des « dissidents » soviétiques, le mot « samizdat »
était très à la mode. Ce néologisme russe voulait dire « édité tout seul », bien entendu dans des
conditions plus ou moins clandestines. Ayant l’intention de publier des textes venus des prisons,
en particulier du célèbre CPRK de Makala, il nous a semblé que le nom de « Makalizdat » (soit
« édité à Makala »), bien qu’issu d’un étrange métissage slavo-bantou, conviendrait tout à fait
pour désigner cette rubrique.
Et, si cette rubrique s’ouvre sur une citation d’un ouvrage de science-fiction qui ne date
pas d’hier, ce n’est pas non plus l’effet du hasard. C’est pour rappeler une vérité maintes fois
constatée. Dans un régime totalitaire imposant une « pensée unique », les prisons deviennent
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naturellement les derniers refuges de la liberté de penser. Puisque l’on enferme en un même
lieu tous les gens que ne satisfait pas l’orthodoxie, qui ont des idées indépendantes bien à eux,
tous ceux, en un mot, qui sont quelqu’un, cette situation ne peut manquer faire de la prison un
lieu extrêmement intéressant à fréquenter, très instructif, en quelque sorte une Université d’un
nouveau genre.
L' «Université de Makala » ? Pourquoi ? Parce que Makala est devenu un haut-lieu de
résistance à l'arbitraire ! Parce qu'on y découvre une grande concentration d'esprits forts,
courageux et déterminés ! Parce que s'y retrouvent, tôt ou tard, tous ceux qui résistent à
l'arbitraire et s'opposent à la dictature des sorciers, des « services » et des crapuleux ! Parce
que ces résistants sont aussi des citoyens qui réfléchissent à l'avenir du pays ! Et, sans doute
aussi, parce que Makala est un des seuls lieux publics de la République où on puisse encore
penser librement sans courir le risque d'être embastillé ! Me Firmin Yangambi, auteur du texte
qui suit, ne craint pas d’être mis en prison. Il y est déjà !
Voici donc une analyse juridique de Me Firmin Yangambi, prisonnier politique depuis
plus de 6 ans, éligible à la loi d’amnistie votée par le parlement (promulguée en date du 11
février 2014) et, jusqu’à ce jour, maintenu arbitrairement en détention à Makala,
La cour constitutionnelle n'a pas la compétence de prolonger le mandat du
président de la république
Des personnages de la majorité présidentielle sont à la manoeuvre pour demander à la
cour constitutionnelle d'interpréter l’alinéa 2 de l’article 70 de la constitution qui stipule : « à la
fin de son mandat, le président de la République reste en fonction jusqu’ à l’installation effective
du nouveau président ».
Les dispositions pertinentes de la constitution reconnaissent évidemment à divers types
de personnes le droit de saisir la cour constitutionnelle. La question fondamentale est à propos
celle de l'intérêt des requérants par rapport à la cause de leur demande.
Les requérants de la majorité présidentielle voulant saisir la cour constitutionnelle
doivent justifier d'un motif légitime à agir en vertu du principe " il n'y a pas d'action sans
intérêt."
La légitimité de l'intérêt de la requête est objectivement appréciée par la cour
principalement au regard des éléments des faits de la cause et du but véritablement poursuivi
par les demandeurs.
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Il s'agit en effet, en sus des faits, de scruter l'élément psychologique qui détermine
véritablement la démarche des requérants.
Ainsi, la cour doit vérifier en fait et en droit si les demandeurs agissent de bonne foi.
Aussi, elle doit s'assurer que la demande n'est ni une manœuvre dilatoire ni un stratagème
tendant à soustraire malicieusement de la cour un avis dont les requérants useraient à temps
opportun pour des actions politiciennes en fraude de la constitution même.
A ce propos, il convient de rappeler que le devoir constitutionnel et légal de fournir à la
commission électorale nationale indépendante tous les moyens de réalisation de sa mission
d'organiser les élections à tous les niveaux incombe à l'assemblée nationale, au président de la
république et au gouvernement.
Évidemment, les institutions politiques en charge de cette tâche sont toutes contrôlées
depuis dix ans, soit la durée de deux législatures et de deux mandats présidentiels, par la
majorité présidentielle.
La non mise à jour du fichier électoral et son opacité, le déni délibéré de publier un
calendrier électoral global pour les élections générales à temps opportun, le défaut de
financement des différentes phases du processus électoral, les cafouillages officiellement
entretenus au sein de la commission électorale nationale indépendante, les atermoiements des
acteurs politiques qui paraissent un handicap à d'organisation des différents scrutins et
principalement la présidentielle dans le délai constitutionnel engagent les responsabilités
juridique, politique, civique et morale de la majorité au pouvoir.
Que le régime de la majorité présidentielle proclame des bilans toujours mirobolants
de gouvernance économique à forte croissance, de défense militaire du territoire et de la
sécurité des personnes et des biens, du réveil du géant et de progrès social et qu'il annonce en
même temps que les comptes du trésor public ne sont pas suffisamment garnis pour financer
les élections est une fourberie inadmissible.
Cette impossibilité de financer des élections pour lesquelles le gouvernement a disposé
pendant cinq ans au moins des lois annuelles de finance contenant un poste budgétaire justement
consacré à l'organisation des élections frise la faillite de l'État pour mal gouvernance.
L'intérêt de la majorité présidentielle à saisir en interprétation la cour constitutionnelle
sur la vacance de fonction du président de la république au terme du deuxième et dernier mandat
du président en fin de parcours n'est évidemment pas légitime.
La cause de cette demande dévoile une démarche politiquement incorrecte.
En réalité, la mauvaise foi de la majorité présidentielle doit être sanctionnée.
Sa manœuvre judiciaire a pour véritable cause d'obtenir une fraude à la constitution et porter
un arrêt préjudiciable à l'État de droit et à la démocratie.
La probité intellectuelle et le sens du devoir de l'État appellent le premier ministre à
présenter la démission de son gouvernement pour inaptitude à faire fonctionner régulièrement
le processus électoral, régulateur attitré de la marche de l'État de Droit et de la démocratie.
Organiser de manière délibérée les conditions du blocage du processus électoral et
entretenir un climat prohibitif d'exercice des droits civiques et des libertés publiques pour
s'assurer un glissement ad vitam et aeternam est un complot contre le peuple.
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Et que ces mêmes individus se tournent du côté de la cour constitutionnelle pour faire
avaliser leur coup d'État constitutionnel est carrément contraire aux objectifs officiellement
poursuivis par le dialogue politique inclusif qu'ils semblent appeler eux-mêmes par tous les
moyens en vue d'un apaisement social et politique.
Qui veut à la fois une chose et son contraire n'est ni crédible vis-à-vis des autres ni
sérieux avec lui-même.
La majorité présidentielle fait juridiquement fausse route avec cette requête en
interprétation.
La cour constitutionnelle n'a pas la compétence de créer le droit! La cour dit plutôt le
droit positif.
Or aux termes des articles pertinents de la constitution que doit dire la cour, la vacance
est évidente à la fin du deuxième mandat de tout président de la république.
Tout président de la république ayant épuisé successivement deux mandats est
constitutionnellement en situation d'empêchement définitif juridique car nul ne peut exercer la
fonction du président de la république au delà de dix ans. Il ne peut donc demeurer président de
la république pendant plus de dix ans.
La disposition de la constitution limitant le mandat présidentiel total à deux fois cinq
ans est impérative et il n'existe aucune exception à cette règle.
Dès lors, d'où le juge constitutionnel tirera-t-il le fondement constitutionnel d'une
décision de prolongation du mandat du président actuel?
L'alinéa 2 de l'article 70 qui dispose « à la fin de son mandat, le président de la
République reste en fonction jusqu’ à l’installation effective du nouveau président » ne sert pas
de siège de la matière pour la prolongation du mandat présidentiel. Erreur!
Dans sa lettre, il ne le prétend pas et son esprit renvoie au temps d'expédition des affaires
courantes avant la remise et reprise entre le président sortant et le président déjà élu
effectivement.
Il ne s'agit pas d'attendre l'élection hors délai constitutionnel du nouveau président mais
de permettre une passation de pouvoir régulière entre le sortant et le déjà élu dans le délai
constitutionnel.
La rédaction du texte est d'ailleurs claire: ".... à la fin de son mandat, ( donc le mandat
est fini. Le sortant n'est plus président ) ... le président de la République reste en fonction ( le
sortant qui n'est plus président procède simplement à de l'expédition des affaires courantes )
.... jusqu’ à l’installation effective du nouveau président ( il n'est pas écrit jusqu'à l'élection du
nouveau président car la condition pour rester en fonction expédier les affaires courantes est
l'installation effective et non l'élection ).
Par l'absurde, si un président en fin mandat doit rester au pouvoir jusqu'à l'organisation
d'une nouvelle élection présidentielle, la disposition qui impérativement limite le mandat
présidentiel à cinq ans est vidée de toute valeur juridique.
Au fait, dans le cas d'école d'une élection présidentielle nouvelle qui ne peut être
organisée que dans vingt ans pour diverses raisons, un président fin mandat de cinq ans peut
encore rester en fonction tous les vingt ans! S'agirait-il toujours de la même constitution?
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La cour constitutionnelle ne peut sous le prétexte d'une interprétation faire à la
constitution ce qu'elle n'a pas prévu. Ce serait une menace évidente au Droit. En effet, la cour
constitutionnelle ne peut créer son propre " droit constitutionnel". Elle n'en a pas la compétence.
La cour constitutionnelle n'a donc pas la prérogative de prolonger le mandat du président
de la république élu au suffrage universel direct par la seule et unique autorité compétente, à
savoir le souverain primaire.
En vertu du parallélisme des formes et des compétences, seul le peuple peut prolonger
le mandat du président de la république encore qu'il ne le peut que dans les cas, selon la forme
et d'après la procédure prévues par la constitution en vigueur, le cas échéant.
Une constitution est adoptée comme loi fondamentale pour être scrupuleusement
respectée coûte que coûte, sauf à considérer le cas de force majeure.
Or, il n'y a incontestablement pas force majeure!
Me Firmin Yangambi Libote
Avocat
Inscrit sur la Liste des Conseils à la Cour Pénale Internationale
Kinshasa, le 17 avril 2016.
*
Mais peut-être pensez-vous – et vous en auriez parfaitement le droit
– « Minute, papillon ! Qui nous dit que ces gens sont innocents ? A les
entendre, les prisons ne seraient peuplées que de victime d’erreurs
judiciaires… ».
Objection acceptée.
Aussi, voici ce qu’une trentaine de personnes, de toutes
nationalités et de tous horizons, écrivaient, il y a trois ans déjà, au
sujet d’un certain nombre de ces « Etudiants de l’Université de Makala »,
parmi lesquels, notamment, Firmin Yangambi Libote
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MM. Kikunda, Yangambi et Olanga
« Kikunda, Yangambi et Olanga, victimes d’un déni de justice en
RDC »
Lettre ouverte à Monsieur Didier Reynders, Ministre des Affaires étrangères
Monsieur le Ministre,
Nous connaissons la charge symbolique que représentent les liens historiques entre la
République démocratique du Congo (RDC) et la Belgique comme l’illustrent, à suffisance, non
seulement la présence du Roi des Belges aux cérémonies marquant, en juin 2010, le
Cinquantenaire de l’indépendance du Congo, mais également les multiples voyages des
autorités belges, toutes institutions et tous niveaux de pouvoir confondus, vers cette ancienne
colonie. A la veille de votre première visite en RDC, du 26 au 28 mars 2012, en qualité de
ministre des Affaires étrangères, vous avez déclaré : « Moi, j’y vais avant tout pour défendre
les droits de l’homme, pour faire valoir un certain nombre de principes auxquels nous
croyons ».
Nous partageons cette manière de concevoir les relations internationales, car la défense
des droits humains demeure une cause et un combat nobles. Leur violation, sous n’importe
quels cieux et quels que soient les enjeux géopolitiques ou les pesanteurs de la realpolitik, doit
être dénoncée et condamnée avec la même vigueur. Voilà pourquoi nous prenons la liberté
d’attirer votre attention sur un cas, parmi tant d’autres, qui constitue un concassage de la
Déclaration universelle des droits de l’homme à laquelle la Belgique et la RDC souscrivent. Il
s’agit de l’ « affaire Yangambi ».
Depuis septembre 2009, trois personnes croupissent injustement et illégalement en
prison à la suite d’une véritable cabale ourdie par les services de sécurité : Eric Kikunda, citoyen
belge d’origine congolaise, gestionnaire des biens immobiliers ; Firmin Yangambi, avocat à
Kisangani ; Benjamin Olangi, étudiant et neveu de ce dernier. Au cœur de ce déni de justice qui
dure, voilà bientôt 4 ans, se trouve un homme agissant impunément en marge de la loi : le
général Mukuntu Kiyana, auditeur général et co-président de la Commission mixte sécuritaire.
La lecture des PV d’audition, des comptes rendus d’audience et, surtout, de son propre
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réquisitoire ne laisse planer aucun doute quant à son acharnement à maintenir arbitrairement en
prison Kikunda, Yangambi et Olangi.
Le 26 septembre 2009, Eric Kikunda – accompagné de Benjamin Olangi et d’un enfant
de 2 ans et demi, fils d’une voisine qu’Olangi emmenait souvent en promenade – avait rendezvous pour réceptionner un document concernant des contrats miniers douteux adressé à Firmin
Yangambi. Il conviendrait de noter que Me Yangambi est connu pour ses activités d’appui au
processus de paix et de démocratisation en RDC. Hélas ! Ayant une autre lecture des activités
relatives à la défense des droits de l’homme et à la lutte contre la corruption, les services de
sécurité l’accusèrent de vouloir mettre sur pied un mouvement insurrectionnel. Aussi, tous ses
contacts, manifestement sous surveillance, ne pouvaient plus être considérés que comme des
complices appartenant à un groupe visant à la déstabilisation des institutions de la République.
C’est ainsi que, dès leur descente du véhicule, Kikunda et Olangi furent arrêtés par des
policiers qui les attendaient. Le 27 septembre 2009, Yangambi fut, à son tour, arrêté à Kisangani
par le major Ngoy Kenga Kenga sur base d’un mandat d’arrêt émis par le général Mukuntu
Kiyana. Yangambi fut ramené à Kinshasa dans l’avion personnel du général John Numbi, alors
le plus haut gradé de la Police nationale congolaise. Les trois compagnons furent victimes des
brutalités et actes de torture physique et morale commis à leur endroit par l’inspecteur principal
Daniel Mukalay et le major Ngoy Kenga Kenga devenus tristement célèbres - tout comme le
général Numbi - par leur implication dans l’assassinat du militant des droits de l’homme
Floribert Chebeya en juin 2010.
En dehors de ces traitements inhumains et dégradants (reconnus par la Haute Cour
militaire elle-même), les trois compagnons restent en prison alors que les accusations
mensongères et, parfois, grotesques ou délirantes portées contre eux (exemple, transporter des
armes - alors qu’ils étaient accompagnés d’un enfant de 2 ans et demi dans le véhicule) n’ont
jamais été étayées : tentative d’assassinat du chef de l’Etat, projet de recourir à un groupe
expéditionnaire togolais, trafic d’armes, etc. Au contraire ! Depuis le début, cette « affaire » –
puisque montée de toutes pièces dans l’intention de nuire - reste entachée d’irrégularités et
manquements aux principes juridiques qui fondent un Etat de droit : arrestation et détention
arbitraires, mise au secret sans ordonnance motivée, renvoi des civils (par une entourloupe
procédurale consistant à citer un membre de l’armée) devant une juridiction militaire, absence
de procès-verbaux de constat (inventaire d’armes de guerre saisies, de documents préparatoires
d’un coup d’Etat, des membres composant le groupe insurrectionnel…), refus des juges de faire
comparaître des renseignants cités par les prévenus pour leur défense, récusation du témoignage
d’un colonel qui évoquait la possibilité d’un « montage policier » destiné à piéger Firmin
Yangambi avec des armes afin de pouvoir l’inculper de « complot contre la sécurité de l’Etat
», etc.
En première instance, devant la Cour militaire, Yangambi fut condamné à mort, tandis
que Kikunda et Olangi écopaient de 20 ans de prison. En appel, devant la Haute Cour militaire,
les peines prononcées étaient de 20 ans de prison pour Yangambi et 10 ans pour Kikunda et
Olangi. Convaincus de leur innocence, les trois condamnés sont allés en cassation devant la
Cour suprême de justice (CSJ). Celle-ci devait normalement rendre un arrêt le 03 octobre 2012.
Tel ne fut pas le cas, car le dossier de pourvoi en cassation introduit par les prévenus aurait «
disparu » et serait devenu…« introuvable » !
Depuis lors, le général Mukuntu Kiyana menace de sanctions les magistrats qui ne
suivraient pas ses injonctions ; il s’oppose régulièrement - par des manœuvres dilatoires, des
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pressions sur magistrats et greffiers, des faux et usages de faux, des soustractions de pièces du
dossier, des menaces téléphoniques et filatures envers l’avocat de la défense, etc. – à ce que la
Cour suprême de justice puisse prononcer un arrêt de cassation qui mettrait fin à ce procès
inique et permettrait aux trois prévenus de retrouver la liberté. C’est ainsi que, le 22 mars 2013,
la CSJ ayant de nouveau postposé son arrêt, Eric Kikunda – se prévalant de sa nationalité belge
– a fait appel à Me Henri Beauthier pour déposer plainte devant le Parquet fédéral du Royaume
de Belgique en vertu de la loi sur la compétence universelle. C’était, en désespoir de cause, le
seul moyen d’attirer l’attention – notamment de l’ambassade de Belgique à Kinshasa - sur son
calvaire et celui de ses amis.
De remise en remise, la nouvelle audience devant la CSJ fut finalement fixée au 08
juillet 2013 avant d’être reportée, une nouvelle fois, au 15 juillet 2013. Entre-temps, dans la
journée du mercredi 03 juillet 2013, les militaires de la DEMIAP (Détection militaire des
activités anti-patrie) sont venus, sur ordre du général Mukutu Kiyana, soustraire Eric Kikunda
du centre pénitentiaire de Makala pour le transférer à la prison militaire de Ndolo avant de le
ramener de nouveau à la prison de Makala deux semaines plus tard. Ce genre de manège vise à
saper le moral et à entamer la résistance d’Eric Kikunda. D’autant plus que cette audience s’est
tenue, plutôt, le 12 juillet 2013, dans l’après-midi, sous la présidence du magistrat Bikoma, sans
que les bâtonniers Ntoto et Mukendi - représentants des demandeurs en cassation – n’aient été
prévenus de ce changement de date. Par voie de conséquence, les trois pourvois en cassation
ont été rejetés en l’absence des intéressés. Cette opacité fait obstruction à la manifestation de la
vérité alors que la justice a pour vocation d’être transparente. Et ce rejet enferme davantage
Yangambi, Kikunda et Olangi dans le cercle vicieux et l’imbroglio juridico-politiques dont ils
sont victimes depuis le début.
Voilà pourquoi, Monsieur le ministre, nous tenions à vous interpeller à l’approche de
votre prochain voyage en RDC. Non pas pour vous demander de vous immiscer dans les affaires
judiciaires d’un Etat souverain. Mais, plutôt, au nom de l’importance et pour la clarté des
relations belgo-congolaises, d’inscrire ce sujet à votre agenda de discussions.
Estimant que la condamnation de l’opposante Ioulia Timochenko à 7 ans
d’emprisonnement était un abus de pouvoir, vous aviez décidé, en juin 2012, de boycotter le
championnat d’Europe de football en Ukraine. Comme il n’existe pas de « bons » et de «
mauvais » abus de pouvoir selon les pays, nous sommes convaincus, dès lors, que le simple fait
d’évoquer le respect des droits humains dans l’ « affaire Yangambi » ne pourrait être
incompatible avec la poursuite de bonnes relations entre partenaires historiques ni porter
préjudice aux intérêts et enjeux de la coopération belge en RDC. C’est le silence qui sacrifierait
– au-delà du sort de Yangambi, Kikunda et Olangi – la population congolaise sur l’autel
bienveillant de la non-ingérence
Fait à Bruxelles, le 18 juillet 2013
Pour les signataires,
Polydor-Edgar M.M. KABEYA
Les signataires de cette lettre, de toutes nationalités et de tous horizons, ont en commun
d’être tous attachés à la défense des droits de l'homme et à la promotion d'un Etat de droit en
Belgique et en République démocratique du Congo et/ou d'avoir tous des attaches profondes
avec la Belgique et la République démocratique du Congo :
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Polydor-Edgar M. M. Kabeya (juriste, consultant en médias et communication,
rédacteur en chef de la revue « Palabres », Editions L'Harmattan)
Guy De Boeck (« Congoforum »)
Emongo Lomomba (écrivain, analyste politique, professeur d'université)
Bogumil Koss (professeur émérite, Université Laval)
Didier de Lannoy
Bénédicte Meiers (doctorante, Université de Liège)
Nadine Plateau (enseignante)
Muepu Muamba (poète)
Daniel Derrien (galeriste)
Maurice Mbiye-Beya (fonctionnaire)
Paul Van Ackere (écrivain)
Joël Tournemenne (fonctionnaire)
Jean Moorhead (expert en aide humanitaire)
Pascale de Villers (poète)
Claude Fandre (économiste)
Michel Kalenda (fonctionnaire)
Nico Dekker (Congo-Nederland)
Nelly Koetsier (Congo-Nederland)
Filip De Boeck (professeur, Katholieke Universiteit Leuven)
Françoise Lambinet
Christine Iyofe Isasi
Justin Kankwenda Mbaya (Fondateur et Directeur Général de l'Institut Congolais de
Recherche en Développement et Etudes Stratégiques ICREDES)
Mirko Popovitch (Président des jurys COCOF « La Culture a de la classe », Président
asbl Ti Suka, réalisateur TV)
Nicole Gérard
Marc Clausse
Nicole Legrand
Claude Jourdan (journaliste)
Jean-Pierre Bolefa
PUB !
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(culturelle et gratuite)
La ville de Kinshasa va accueillir du 14 au 21 mai 2016, la 3ème édition du Festival
KIN-GRAFF. Pendant 10 jours, la capitale congolaise sera au cœur du graffiti mondial, avec la
présence de 12 pays, 35 artistes dont 15 internationaux et 20 nationaux.
Selon le communiqué de presse transmis par Yann Kwete, coordonnateur de ce projet,
KIN-GRAFF 2016 va garder toute sa dimension internationale avec la participation certaine
d’artistes venus de l’Arabie Saoudite, du Togo, du Maroc, de Belgique, de France, de Suisse,
d’Allemagne, du Benin, des USA, du Sénégal…
Ayant pour thème : « Lumumba : héritage pour la jeunesse africaine », cette année, le
festival KIN-GRAFF va développer un programme élargi qui va mettre l’accent sur l’échange
et la diversité artistique. C’est ici où l’importance sera accordée aux ateliers-workshops, d’une
exposition collective, de fresques murales, de conférence, panel, des projections de films
documentaires sur le street- art, une soirée et d’un grand concert de musique.
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La RTNC, une église au «coin» du village2
Dès le premier numéro de la série I de nos commentaires sur les
élections africaines, nous soulignions l’importance du rôle qu’y jouent la
désinformation et les « guerres des médias », l’inexistence ou la
partialité de l’Autorité des Médias (supposée « neutre », mais en fait « à
la botte »…. ). Dans notre dernier numéro , encore, nous écrivions :
« Pourtant, en général, il n’y a pas en Afrique de monopole au profit d’une
chaîne nationale et il y a une profusion de chaînes privées, dont certaines
appartiennent à l’opposition (plus exactement, à la partie de l’opposition
qui a de quoi se payer de telles dépenses !). Cela ne sert qu’à déclencher
périodiquement des « guerres des médias », locales ou générales ».
A en juger par l’article que voici, nous n’avion s pas tort !
De média public, traditionnellement considéré comme clé de voûte de la démocratie, la
RTNC est devenue depuis un instrument au service des intérêts partisans du régime en place et
de la désinformation. Pire, la majorité au pouvoir utilise la RTNC pour asseoir sa propagande
contre les adversaires politiques de son autorité morale dans la perspective de la présidentielle
de 2016. C’est une régression de 30 ans qui vide la mission de la RTNC de toute sa substance
en devenant « une église dans un coin du village ».
La démocratie c’est avant tout un Etat de droit. A quoi sert un droit si on ne peut pas en
jouir véritablement? La Constitution de la République démocratique du Congo consacre le droit
à l’information pour tous les citoyens Congolais. « Toute personne a droit à l’information »,
note l’article 54 de la Constitution dans son premier alinéa. Cette information à donner aux
Congolais est censée être objective, impartiale, vraie et refléter le pluralisme d’opinions. Car,
un peuple mieux informé et éduqué peut participer pleinement au développement de son pays.
La Radiotélévision nationale congolaise (RTNC) est pourtant loin de remplir pareille
mission. L’ingérence politique a atteint son paroxysme dans cette chaîne publique qui ploie
sous l’emprise du pouvoir politique. Au lieu d’être au service de toutes les tendances politiques
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Extrait du journal Le Potentiel du lundi 18 avril 2016
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qui représentent le souverain primaire dans sa diversité, ce média public passe depuis pour le
porte-voix de seuls hommes du pouvoir.
Le fonctionnement de la RTNC au mépris du professionnalisme et de la déontologie.
Elle est devenue un instrument de propagande du régime, instaurant la pensée unique et
cultivant le culte de la personnalité. Conséquence : au lieu d’informer, la RTNC désinforme la
population. Pire, elle enlève toute dignité à son personnel qui se trouve dans l’obligation de dire
des contre-vérités là où la vérité est connue de tous.
Les faits ne sont pas sacrés à la RTNC
Un des exemples le plus éloquent de la désinformation sur la chaîne nationale est son
rendu de la journée « ville-morte » organisée le 16 février dernier par l’Opposition politique
pour réclamer la démocratie et le respect de la Constitution que les caciques de la Majorité
présidentielle (MP) entendent confisquer pour imposer une présidence à vie à leur autorité
morale.
Pour la RTNC, la journée du 16 février 2016 était une journée ordinaire où tous les
services de l’Etat ont fonctionné normalement. Mensonge public ou de l’Etat. Faux reportages
à l’appui, la RTNC a tenté de faire croire à ses téléspectateurs que les acteurs politiques de
l’Opposition ont échoué dans leur opération.
Quid ? Pour réussir son coup, la Majorité présidentielle s’est arrangée pour accorder la
parole sur la RTNC exclusivement à ses fameux communicateurs qui n’avaient pas en face
d’eux des contradicteurs de l’Opposition. De la sorte, le pouvoir a montré qu’elle veut bien
contrôler l’opinion nationale. Mais c’est à ses dépens, car la population n’est pas toujours dupe.
Aujourd’hui, tous savent que les Congolais se moquent de la chaîne publique sur les
réseaux sociaux. Pour ne prendre que le dossier « ville-morte », les images ont circulé sur
Internet pour montrer des marchés publics quasi vides, des écoles totalement fermées. Il en est
de même des témoignages vécus, notamment des bus Transco qui circulaient sans passagers ou
transportaient des militants de la MP pour tromper l’opinion.
A son grand dam et celui de sa parraine, la RTNC s’est rendu à l’évidence que c’est en
vain que l’on s’acharne à violer un des principes sacrosaints du journalisme, à savoir : « les
faits sont sacrés ».
Instrument de propagande du régime
Cet épisode de la journée « ville-morte » et sa relation par les médias publics est une
illustration parfaite que la RTNC fonctionne en violation de la Constitution de la République
qui dispose en son article 24 : « Les médias audiovisuels et écrits d’Etat sont des services
publics dont l’accès est garanti de manière équitable à tous les courants politiques et sociaux.
Le statut des médias d’Etat est établi par la loi qui garantit l’objectivité, l’impartialité et le
pluralisme d’opinions dans le traitement et la diffusion de l’information ».
Au regard de cette disposition, l’on voit bien que le Parlement qui contrôle l’Exécutif et
les entreprises publiques devraient en principe sanctionner ceux qui cautionnent de telles
dérives. Cependant, suite au copinage entre le Parlement et l’Exécutif, toutes ces violations de
droits fondamentaux des Congolais, en l’occurrence, le droit de l’information restent impunies.
En réalité, les médias publics congolais sont embrigadés par le PPRD et ses partis
satellites. Les JT de la RTNC sont exclusivement aux couleurs du parti présidentiel, sinon à
celles de ses alliés. Alors que les acteurs politiques et même ceux de la Société civile, hostile
au glissement du mandat présidentiel ou à la violation de la Constitution, ne sont jamais invités
dans les JT. Exception faite de l’émission « Deux sons de cloche ». Encore que l’émission n’est
jamais en direct, une façon douce de contrôler les invités. Le reste des tranches horaires des
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programmes sont généralement à la gloire de la mouvance présidentielle, à tort ou à raison.
Une triste réalité pour un média qui fonctionne avec l’argent du contribuable congolais mais
qui est placé au service d’un groupe d’individus.
L’UNESCO définit la radiotélévision de service public comme « conçue, financée et
contrôlée par le public, pour le public. Elle n’est ni commerciale ni étatique, libre de toute
ingérence politique et de toute pression de la part de forces commerciales. Grâce à la
radiotélévision de service public, les citoyens sont informés, éduqués et divertis. Quand elle est
garantie par le pluralisme, la diversité des programmes, l’indépendance éditoriale, un
financement approprié, l’honnêteté des comptes rendus et la transparence, la radiotélévision de
service public peut servir de clé de voûte de la démocratie ».
Obstruction à la démocratie
C’est clair que l’existence des médias publics forts et indépendants est un facteur clé
pour la liberté de la presse et la démocratie dans un pays comme la RDC. La RTNC devrait être
un moyen d’expression essentiel pour la formation de l’opinion publique. C’est elle qui devrait
placer les grands débats d’actualité sur le devant de la scène pour édifier l’opinion nationale sur
les enjeux de l’heure. Hélas, la RTNC occulte souvent ces débats dans l’essentiel de ses
émissions en « Prime time » pour ne pas mettre en mal le pouvoir.
Même les valeurs républicaines ont cédé la place aux calomnies, injures et autres
diffamations à l’endroit, notamment des adversaires politiques. Surtout ceux qui ont exprimé
des ambitions à la présidentielle de 2016. Et dire que tout ceci se fait sous la barbe du Conseil
supérieur de l’audiovisuel au Congo (CSAC). Malgré son statut d’institution d’appui à la
démocratie, donne l’impression d’être elle aussi inféodée. Preuve : elle laisse faire la RTNC et
feint de voir tout le tort causé aux acteurs politiques de l’Opposition. Bref, le CSAC manque à
sa mission de garantir l’égalité d’accès, le pluralisme de l’information, la neutralité de
l’information de ce média public dans le respect de la liberté d’opinion.
Magasins fermés mardi 16 février 2016 à Kinshasa © DR
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