l`histoire et les traditions
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l`histoire et les traditions
L’HISTOIRE ET LES TRADITIONS L’HISTOIRE ET LES TRADITIONS L’HISTOIRE LES PREMIERS HABITANTS LES HOMMES VIVENT DANS LA RÉGION connue à présent sous le nom d’Émirats Arabes Unis (E.A.U.) depuis la fin de l’âge de pierre (5500 av. J.-C.), époque où le climat était plus humide et moins aride qu’aujourd’hui. Le gibier, notamment les gazelles et les oryx arabes, était abondant dans la savane et dans les prairies avoisinantes ; et même dans les régions très sablonneuses, les hommes trouvaient de quoi subsister. Aussi, loin d’être désertique et inhospitalière, cette contrée possédait des sols et des cours d’eau qui offraient à ses premiers habitants une énorme variété de ressources exploitables et propices à un développement économique. À cette époque, le niveau des eaux du Golfe dépassait d’environ 50 centimètres le niveau actuel. Les premiers habitants connus des Émirats sont probablement des éleveurs expérimentés qui disposent sans doute d’outils de pierre perfectionnés. En hiver, ils vivent vraisemblablement le long des côtes et dans les îles, la pêche et le ramassage des coquillages (dont les coquillages perliers) étant leur principale activité. En été, ils se déplacent vers l’intérieur des terres où ils gardent leurs troupeaux et où, plus tard, ils pratiquent la culture. Cette utilisation saisonnière des ressources subsistera tout au long de l’histoire de la région. Ces premiers habitants ne vivent pas isolés et laissent de nombreuses traces de leur contact avec le monde extérieur, notamment avec des civilisations habitant plus au nord, comme en Mésopotamie (Irak du sud) ; en effet, on a retrouvé dans les Émirats des poteries peintes (de type Ubaid) venant de ces régions. Si l’on découvre les outils de pierre de ces premiers habitants des Émirats dans des douzaines de sites situés entre Ghagha’ à l’ouest et Khatt au nord, peu de villages, par contre, ont encore été mis au jour. Mais parmi eux, un village de l’île de Marawah, où les fouilles ne sont pas encore achevées, est sans conteste le plus impressionnant. LES TOMBES HAFIT À la fin du 4e millénaire (vers 3100–3000 av. J.-C. ), les plus anciennes structures archéologiques, sous forme de tombes construites en pierre brute au-dessus du sol (les tombes Hafit) apparaissent dans deux sites des Émirats, Djebel Hafit (dont Mazyad) près d’Al Ain et Djebel al-Emalah au sud de Dhaid. Ces sépultures communes contiennent des poteries (de type Jamdat Nasr) qui proviennent de la partie centrale et méridionale de l’Irak. La découverte d’autres objets importés prouve l’existence de liens commerciaux avec d’autres régions ; il semble que le commerce du cuivre extrait des Monts Hajar 33 34 REVUE ANNUELLE DES ÉMIRATS ARABES UNIS 2004 motive ces échanges avec le monde extérieur. Ce qui est certain, c’est que les premiers ‘textes archaïques’ (3400–3000 av. J.-C.) d’Uruk en Mésopotamie méridionale mentionnent déjà le cuivre de Dilmun, appelé plus tard Bahreïn ; or, étant donné qu’il n’y a pas de cuivre dans cette région, il faut supposer que ce précieux métal venait de plus loin, c’est-à-dire des gisements qui s’étendaient de Fujaïrah au nord, au bas Oman au sud. À ce jour, les villages de ces peuples qui enterraient leurs morts dans les tombes Hafit trouvées en Arabie du sud-est restent encore à découvrir. UMM AL-NAR Vers 3000 av. J.-C., le climat aride qui règne aujourd’hui sur la région s’installe. L’ère suivante, connue sous le nom de période Umm al-Nar (2500–2000 av. J.-C.), se caractérise par l’apparition de nombreuses villes oasis (par exemple à Hili, Tell Abraq, Bidiya, Kalba) gardées par de massives forteresses circulaires. Ces colonies essentiellement agricoles vivent de la culture du dattier (Phoenix dactylifera). Cet arbre sacré donne en effet l’ombre nécessaire à la culture de plantes moins résistantes, notamment les céréales, les légumes et les arbres fruitiers. Les nombreux puits sont alimentés par l’eau douce de nappes peu profondes et relativement abondantes présentes dans la plus grande partie des Émirats. Pendant cette période, les morts sont enterrés dans des tombes communes rondes faites de blocs de pierre finement assemblés (il en existe une particulièrement bonne reconstruction à Hili). Les objets trouvés dans ces tombes témoignent de contacts très développés avec la Mésopotamie, l’Iran, la vallée de l’Indus, le Baloutchistan et la Bactriane (aujourd’hui l’Afghanistan). De manière significative, dans les textes mésopotamiens de cette époque, la région est appelée Magan et il se peut que les tours de la période Umm al-Nar aient été les bastions des ‘seigneurs de Magan’ avec lesquels plusieurs empereurs akkadiens (de Mésopotamie méridionale) entrent en guerre au cours du XXIIIe siècle av. J.-C. De ce moment, il reste de nombreuses traces de la première utilisation intensive du cuivre des Monts Hajar. Ce qui est certain, c’est qu’après 2300 av. J.-C., le bronze (alliage de cuivre et d’étain) est employé de plus en plus couramment dans la fabrication des outils. À la fin du troisième millénaire, une industrie bien particulière se développe : il s’agit de la fabrication de vaisselle en pierre tendre – généralement des jattes, des vases à bec et des boîtes compartimentées – le tout décoré de volutes pointillées esquissées au foret. L’HISTOIRE ET LES TRADITIONS longues épées, des arcs et des flèches ainsi que des centaines de pointes de flèches lancéolées, en bronze coulé, présentant une nervure dorsale aplatie ; ceci indique une évolution de la technologie guerrière pendant ces périodes. D’autres objets, comme des plaques d’or et d’électrum montrant deux animaux dos à dos, la queue souvent recourbée en spirale, témoignent de la prospérité de cette période, prospérité probablement due en partie au cuivre qui transite par Dilmun (Bahreïn) avant d’être exporté vers des pays plus lointains. En même temps, la quantité de vaisselle de pierre tendre déposée dans les tombes augmente considérablement ; de nouvelles formes et de nouveaux motifs de décoration apparaissent. L’ÂGE DE FER La domestication du chameau, pendant la fin du second millénaire av. J.-C., révolutionne l’économie de l’Arabie sud-orientale, créant un nouveau moyen de transport. En même temps, la découverte des principes d’irrigation reposant sur l’utilisation de réseaux souterrains d’adduction d’eau entre les aquifères montagneux et les jardins en contrebas (irrigation par falaj), permet un développement agricole qui entraîne une véritable explosion démographique dans toute la péninsule d’Oman. Cette période (1300–300 av. J.-C.) est appelée âge de fer, bien que le fer ne soit pas très employé dans la région. Le poisson et les crustacés continuent à constituer le régime de base des habitants de l’âge de fer, mais ceux-ci élèvent aussi des moutons, des chèvres et des bovins et chassent la gazelle, l’oryx, le dugong, les tortues et les cormorans. Ils cultivent le blé et l’orge mais le dattier demeure prééminent. Il semble qu’une sorte de gouvernement centralisé se mette en place pendant cette période. Une inscription cunéiforme de Nineveh en Assyrie (Mésopotamie du nord) fait état d’au moins un ‘roi’ dans la région à cette époque, un personnage nommé Pade, roi de Qade, installé à Is-ki-e (aujourd’hui Izki en Oman) et qui paie un tribut à l’empereur assyrien Assurbanipal aux alentours de cette période. De plus, on se met à fabriquer des sceaux à grande échelle, ce qui suppose un certain pouvoir politique et économique exercé par un organisme central. Il existe également les preuves d’un commerce avec l’étranger ; un pendentif trouvé à Tell Abraq représentant une embarcation munie d’une voile latine – la plus ancienne image de ce type à ce jour – en témoigne. WADI SUQ ET LA FIN DE L’ÂGE DE BRONZE LA PÉRIODE MLEIHA La période Wadi Suq et la fin de l’âge de bronze (2000–1300 av. J.-C.) se distinguent par des villes moins nombreuses, mais celles qui continuent d’être peuplées en permanence (comme Tell Abraq) ne montrent aucun signe de déclin culturel. Il semble cependant que les ressources de la mer (poissons et crustacés) occupent une place plus importante qu’à la fin du troisième millénaire. En outre, les rites mortuaires changent : les tombes communes se font plus longues et généralement plus étroites (comme à Shimal, Ghalilah et Dhayah). Les centaines d’armes trouvées dans ces tombes sont particulièrement intéressantes. Au lieu des dagues et lances de la période Umm al-Nar, ces sépultures contiennent de Nous savons qu’à la fin du VIe siècle av. J.-C., l’empire persan, sous la férule de Darius le Grand, étend son influence jusqu’à la région alors nommée Maka. Cependant, au IIIe siècle av. J.-C., l’Arabie du sud-est se libère de toute domination étrangère. Alexandre le Grand ne parvient pas jusqu’à la partie arabe du Golfe et aucun de ses successeurs appartenant aux Séleucides n’arrivera à imposer une hégémonie grecque dans la région. Cette époque est désignée sous le nom de période Mleiha (300 av. J.-C.– 0) en l’honneur de la ville prospère de Mleiha, située dans la plaine caillouteuse du sud de Dahir, dans l’arrière-pays de Sharjah. À ce jour, aucun autre signe de peuplement connu, susceptible de remonter à cette période n’a été découvert dans la 35 36 REVUE ANNUELLE DES ÉMIRATS ARABES UNIS 2004 région. À Mleiha, le premier village datant de la fin de l’âge de pierre était probablement constitué de ‘arish, maisons en feuilles de palme, parfaites pour le climat chaud d’Arabie sud-orientale. Les habitants cueillent les dattes et moissonnent le blé. Mleiha enterre ses morts dans des coffres sépulcraux en briques crues, coffres eux-mêmes surmontés de tours pleines, chapeautées par des créneaux de pierre ; ces édifices ressemblent aux tours funéraires de Palmyre (Syrie) et aux monuments les plus anciens de Petra (Jordanie). Les vestiges de cette période sont nombreux ; parmi les plus intéressants, citons les articles importés de Grèce (poteries noires émaillées et amphores de Rhodes) et d’Arabie du Sud (pots à onguents en albâtre). Plusieurs objets (stèles de pierres, coupes de bronze) portent des inscriptions en caractères sudarabiques ; diverses pièces de monnaie trouvées à Mleiha témoignent de la même origine, ce qui prouve l’existence de liens culturels entre les deux régions. Ces objets constituent des découvertes capitales qui tendent à confirmer l’hypothèse d’une migration des Azd du Yémen vers la région. La période Mleiha voit également l’apparition du fer et son utilisation intensive pour la première fois dans l’histoire de cette région. LA PÉRIODE ED-DUR Dès le premier siècle après J.-C. commence une période (0-250 apr. J.-C.) que l’on peut beaucoup mieux connaître grâce aux écrits. En 77 apr. J.-C., l’écrivain romain Pline le Jeune (23/24–79 apr. J.-C.) termine son Histoire Naturelle. Si l’on en croit ses descriptions des lieux et des habitants de l’Arabie sud-orientale et si l’on se fie aux informations données par la carte de Ptolémée (deuxième siècle apr. J.-C.), la région occupée à présent par les Émirats était riche en villages, tribus et signes d’occupation. La ville d’Omana, qui était à cette époque le port le plus important du bas Golfe, a été liée au site ancien d’ed-Dur en Umm al-Qaiwain, une vaste région contenant des habitations, des tombes, une forteresse et un temple (construit avec des rochers de la côte), ainsi que des maisons ‘arish. Au lieu de descendre la mer Rouge, comme les Romains, les caravanes empruntent une piste entre la Syrie et les villes du sud de l’Irak, puis arrivent par bateaux jusqu’à Omana avant de faire route vers l’Inde ; des objets de verre et de laiton, ainsi que des pièces de monnaie d’origine romaine trouvés lors des fouilles attestent de cette présence. Bien qu’ed-Dur soit la localité principale de cette période, d’autres sites de moindre importance s’établissent dans les îles d’Abu Dhabi tandis que, plus à l’intérieur, la ville de Mleiha continue à prospérer. Un chef connu sous le nom de Abi’el, qui semble être un personnage capital dans la région pendant cette période, fait frapper de la monnaie locale en grande quantité. À cette époque, les populations de Mleiha et d’ed-Dur parlent l’aramaïque, ce que confirment les pièces de monnaie et les autres objets gravés qui ont été retrouvés. Le Périple de la Mer Érythrée, rédigé vers 60–75 apr. J.-C., nous révèle que les perles, la pourpre, les vêtements, le vin, les dattes à profusion, l’or et les esclaves arrivent à Omana pour être exportés. Les perles, déjà utilisées pendant la préhistoire, font l’objet d’un commerce très lucratif durant l’antiquité romaine. Ed-Dur est certainement un grand centre de pêche 38 REVUE ANNUELLE DES ÉMIRATS ARABES UNIS 2004 perlière comme en témoigne la découverte d’un plomb de plongeur ; en forme de cloche, il est muni d’un anneau de fer où le pêcheur passait sa corde. De même, des monceaux de coquilles d’huîtres ont été trouvés à l’entrée de l’un des monuments funéraires. LA PÉRIODE PRÉ-ISLAMIQUE En 240 apr. J.-C., l’arrivée au pouvoir de la dynastie sassanide en Iran du sud-ouest contribue à répandre l’influence perse dans la plupart des pays d’Arabie orientale, dont les Émirats, comme le prouvent les pièces de monnaie et les poteries découvertes à Kush (Ra’s al-Khaimah), Umm al-Qaiwain et Fujaïrah. Pendant toute cette période, le commerce se poursuit dans l’océan Indien ainsi que les échanges avec le ProcheOrient. Les contacts avec le monde extérieur se manifestent par la diversité des influences religieuses qui coexistent à cette époque, du paganisme arabe au zoroastrisme sassanide, en passant par le christianisme nestorien. Au IVe ou au Ve siècle apr. J.-C., au moins un monastère nestorien, orné de sculpture en stuc, dont plusieurs croix, s’élevait à Sir Bani Yas – une île située au large d’Abu Dhabi. Pendant toute cette période, le transport maritime et le commerce demeurent les deux activités principales de ces zones côtières. Ibn Habib, dans son compte rendu Kitab al-Muhabbar, fait état d’une ‘foire’ à Dibba, grand port aujourd’hui situé sur la Côte Est des E.A.U. Ibn Habib indique que Dibba est ‘l’un des deux ports arabes [l’autre étant Sohar] utilisés par les marchands du Sind et de Chine, ainsi que par les voyageurs venus d’Orient et d’Occident. Cette foire a lieu le dernier jour de Tagab. Les marchands y négocient leurs affaires par marchandage.’ L’ARRIVÉE DE L’ISLAM En 630 apr. J.-C., l’arrivée des disciples du prophète Mohammed signale la conversion des habitants de la région à l’Islam. La mort du Saint Prophète en 632 apr. J.-C. est suivie par une grande révolte mais les insurgés sont écrasés par les soldats du premier calife, Abu Bakr. À la même époque, la bataille de Dibba, sur la Côte Est des Émirats, aurait fait plus de 10 000 victimes parmi les rebelles. On voit encore leurs tombes à la sortie de la ville. Dès 637 apr. J.-C., les armées islamiques se servent de Julfar (Ra’s al-Khaimah) comme avant-poste dans leur conquête de l’Iran ; en fait des sources locales et des historiens bien connus des premiers temps de l’Islam, comme al-Tabari, notent que cette région présentait un intérêt considérable pour les souverains abbasides et omeyyades successifs. En 892 apr. J.-C., la ville de Julfar fait à nouveau parler d’elle, car c’est là que débarquent les envahisseurs abbasides lancés à la conquête d’Oman. Au Xe siècle, la région occupée aujourd’hui par Oman et par les Émirats tombe sous la tutelle de la dynastie des buyides (comme en témoignent les pièces buyides découvertes à Ra’s al-Khaimah en 1965). Julfar demeure un grand port et un centre perlier de première importance, mentionné par al-Maqdisi au Xe siècle, par al-Idrisi au XIIe siècle et par Yaqut au XIIIe siècle. De Julfar, perpétuant une tradition vieille de 5000 ans, de grands vaisseaux de bois sillonnent l’océan Indien et s’aventurent même jusqu’à Mombasa au Kenya, jusqu’au Sri Lanka, au Vietnam et en Chine. L’HISTOIRE ET LES TRADITIONS L’essor de Sohar, important comptoir marchand de la côte Batinah d’Oman, entraîne une véritable prolifération de routes commerciales convergeant sur Julfar au nord et Tu’am (Al Aïn/Buraimi) à l’ouest. Dès le XIVe et le XVe siècles, les Émirats ont noué de solides liens commerciaux avec le royaume d’Ormuz établi sur l’île de Jarun dans le détroit d’Ormuz. Mais ces relations sont rompues en 1498 quand le Portugais Vasco de Gama double le cap de Bonne Espérance en utilisant les connaissances arabes en navigation. IBN MAJID Ibn Majid, le ‘Lion de la Mer’, personnage légendaire dans l’histoire des Émirats est l’un de ces navigateurs dont les compétences sont utilisées par les Portugais pour atteindre l’Inde. Né à Julfar vers 1432–1437, tout près de la ville actuelle de Ra’s al Khaimah, Ibn Majid descend d’une longue lignée de marins intrépides. Sa réputation de grand navigateur lui vient de ses ouvrages, dont 39, parmi les 40 qui nous sont parvenus, sont écrits en vers. Certains sont de courts récits, d’autres sont très longs : l’al-Sofaliya, par exemple, comporte 805 vers et relate un périple entre les Indes et Sofala, sur la côte du Mozambique. Un traité (le Fawa’id) est une longue œuvre qui non seulement récapitule toutes les connaissances acquises par Ibn Majid lors de ses voyages au long cours mais aussi s’inspire largement des travaux des premiers astronomes arabes. Son dernier poème connu a été composé en 1500 apr. J.-C. Son auteur se serait éteint peu de temps après, à l’âge de 70 ans. LA PRÉSENCE PORTUGAISE L’arrivée des Portugais dans le Golfe a des conséquences désastreuses pour les populations arabes de Julfar et des ports de la Côte Est comme Dibba, Bidiya, Khor Fakkan et Kalba. Les forts construits dans ces villes ont été attribués à tort aux Portugais, ayant en fait été construits par des cheikhs arabes locaux alliés des Portugais. L’auteur portugais Duarte Barbosa, dans un compte rendu datant de 1517, note que les habitants de Julfar sont ‘des hommes de bien, de grands navigateurs et de grands négociants. La pêche des grosses perles et des semences est très développée’. L’explorateur portugais Pedro Teixeira indique qu’une flotte de 50 embarcations quitte Julfar tous les ans pour se rendre sur les bancs d’huîtres perlières. La ville de Julfar donne même son nom à un certain type de perle. Devant l’engouement croissant des Européens pour les ‘perles du Golfe’, le grand joaillier vénitien, Gasparo Balbi, se rend à Julfar en 1580. Il est intéressant de constater que son inventaire de la côte des Émirats, de Qatar à Ra’s al-Khaimah, est le premier ouvrage européen à mentionner l’existence de la tribu Bani Yas d’Abu Dhabi. BANI YAS Les ancêtres des Bédouins, qui s’étaient établis dans les sables du désert d’Abu Dhabi et de Dubaï, avaient planté des vergers de dattiers et avaient construit des maisons en feuilles de palmier, au pied des dunes, là où ils trouvaient des réserves d’eau. Ces habitations ‘arish finissent par former 40 hameaux, dont certains sont occupés toute l’année. Disposés en un demi-cercle à Liwa, ces villages constituent 39 40 REVUE ANNUELLE DES ÉMIRATS ARABES UNIS 2004 un centre de vie sociale et d’activité économique pour les Bani Yas, au moins depuis le XVIe siècle. Mais à partir de 1790, la ville d’Abu Dhabi devient si importante que le chef politique de tous les groupes Bani Yas quitte Liwa pour s’y installer. Au début du XIXe siècle, les membres de la tribu Al Bu Falasah, branche des Bani Yas, s’établissent dans la crique de Dubaï et instaurent un royaume Maktoum dans cet émirat. QAWASIM Tandis que de grandes puissances européennes comme le Portugal, la Hollande et plus tard l’Angleterre se disputent la souveraineté de la région, le pouvoir d’une famille locale importante, les Qawasim, continue à croître et, au début du XIXe siècle, cette famille possède une flotte de plus de 60 gros navires capables de transporter près de 20 000 marins. Cette flotte constitue une menace pour les Britanniques désireux de s’imposer comme les maîtres de l’océan Indien. Dans les deux premières décennies du XIXe siècle, il se produit une série d’affrontements entre les deux camps ; cette lutte se termine par la destruction de la flotte Qasimi et le renforcement de l’emprise britannique dans le Golfe. Comme les Anglais accusent les navires Qasimi de se livrer à la piraterie, la région prend le nom de ‘Côte des Pirates’. Cependant, dans son livre intitulé Le Mythe de la Piraterie arabe dans le Golfe, Dr Cheikh Sultan bin Mohammed Al Qasimi, maître de Sharjah, démontre que l’offensive anglaise est motivée par le seul désir de contrôler tous les échanges maritimes entre le Golfe et l’Inde. LES ÉTATS DE LA TRÊVE Après la victoire d’une expédition navale britannique sur les Qawasim, les Britanniques signent une série d’accords avec les cheikhs de chaque émirat ; plus tard, quand des traités visant à préserver la trêve maritime sont ajoutés, ces États prennent le nom d’‘États de la Trêve’. Les traités conclus avec la Grande-Bretagne interdisent aux cheikhs d’entretenir des relations indépendantes avec des puissances étrangères et les contraignent à accepter les conseils de la Grande-Bretagne dans certains domaines bien définis. Cependant, la paix en mer facilite l’exploitation ininterrompue des anciennes pêcheries perlières du Golfe inférieur ; les Émirats recommencent donc à exporter des perles fines, non seulement vers l’Inde mais aussi vers l’Europe. L’industrie perlière prospère au XIXe siècle et au début du XXe, faisant vivre les populations de la côte du golfe Arabique. Sur terre, libérés des effets néfastes de la guerre en mer mais manquant de vraies ressources économiques, les Émirats se développent lentement. Cheikh Zayed bin Khalifa d’Abu Dhabi est l’un des personnages les plus notables de cette période. Connu sous le nom de ‘Zayed le Grand’, il gouverne l’émirat pendant plus de 50 ans, de 1855 à 1909. LES TEMPS DIFFICILES La Première Guerre mondiale avait déjà durement frappé l’industrie perlière, mais c’est la crise économique de la fin des années 20 et du début des années 30, crise aggravée par l’apparition des perles de culture japonaises, qui lui donne le coup de grâce. C’est une catastrophe pour la région. 42 REVUE ANNUELLE DES ÉMIRATS ARABES UNIS 2004 Bien que la population soit courageuse et entreprenante, les difficultés qu’elle affronte sont énormes. L’éducation se trouve généralement limitée à l’apprentissage de la lecture et de l’écriture ainsi qu’à l’enseignement de l’Islam dispensé par un prédicateur local. Les infrastructures modernes comme les routes et les moyens de communications, tout comme la protection médicale, sont absents. Le transport continue à se faire par chameau ou par bateau ; l’aridité du climat rend souvent la survie difficile. Le fils de Zayed le Grand, Cheikh Sultan, père du présent dirigeant Cheikh Zayed, reste au pouvoir à Abu Dhabi de 1922 à 1926. Puis après le règne bref d’un de ses frères, c’est un des fils de Cheikh Sultan, Cheikh Shakhbut qui monte sur le trône en 1928. LA DÉCOUVERTE DU PÉTROLE Au début des années 30, les premiers prospecteurs arrivent pour effectuer les études géologiques préliminaires ; la première cargaison de pétrole brut quitte Abu Dhabi en 1962. Comme les revenus augmentent d’année en année avec la production, Cheikh Zayed, choisi comme gouverneur d’Abu Dhabi le 6 août 1966, en profite pour lancer immédiatement un gigantesque programme de construction d’écoles, de logements, d’hôpitaux et de routes. Une de ses premières mesures est d’augmenter les contributions du pays au Fonds de Développement des États de la Trêve, créé quelques années auparavant par les Anglais. Abu Dhabi en devient rapidement le donateur principal. Pendant ce temps, Cheikh Rashid bin Saeed Al Maktoum, maître effectif de Dubaï depuis 1939, développe les installations portuaires le long de la crique pour essayer de remplacer les revenus découlant des perles. Lorsque les exportations de pétrole commencent à Dubaï en 1966, Cheikh Rashid utilise lui aussi les recettes pétrolières pour améliorer la qualité de vie de son peuple. LA FÉDÉRATION Au début de 1968, quand les Anglais annoncent leur intention de se retirer du Golfe à la fin de 1971, Cheikh Zayed décide immédiatement de nouer des liens plus étroits avec les autres Emirats. Avec Cheikh Rashid, qui devait devenir vice-président et Premier ministre du nouvel état, Cheikh Zayed demande la création d’une fédération qui rassemblerait non seulement les sept Émirats formant les États de la Trêve, mais aussi Qatar et Bahreïn. Après une période de négociations, un accord intervient entre les leaders de six des Émirats (Abu Dhabi, Dubaï, Sharjah, Umm alQaiwain, Fujaïrah et Ajman). La Fédération, qui prend le nom d’Émirats Arabes Unis (E.A.U.), voit officiellement le jour le 2 décembre 1971. Le 7e émirat, Ra’s al-Khaimah, rejoint les autres le 10 février 1972. LES TRADITIONS La vie, pour les habitants des E.A.U. a radicalement changé depuis que le pétrole, supplantant les perles, est devenu la ressource économique principale. Pour la plupart des habitants du pays, le mode de vie traditionnel n’est plus qu’un lointain souvenir. L’HISTOIRE ET LES TRADITIONS Néanmoins, malgré les transformations sociales qui se sont produites dans les Émirats, et tous leurs effets positifs et négatifs, l’essence même de la société traditionnelle, de la religion, de la langue, de la famille et des affiliations tribales demeure inchangée. De plus, les traditions sont valorisées et cultivées aujourd’hui par des groupes et des institutions chargés de la conservation du patrimoine. Ainsi, les jeunes générations d’Emiriens peuvent apprécier la valeur et l’ingéniosité de leurs ancêtres et s’en inspirer. LE CHAMEAU Parfaitement adapté à la vie dans le désert, le chameau était le pilier de la vie seminomadique menée par un grand nombre d’Emiriens. La plus grande tribu des E.A.U., celle des Bani Yas, parcourait les vastes étendues sableuses qui constituent presque tout le territoire des Émirats d’Abu Dhabi et de Dubaï. D’autres tribus, comme celles des Awamir et des Manasir, ont partagé cet environnement difficile pendant de nombreuses générations, se fiant à leur précieuse connaissance des points d’eau pour survivre dans cet environnement inhospitalier. Le chameau était à la fois la raison et le moyen de ces longues expéditions. Ces tribus passaient de longues périodes à errer à la recherche des pâturages d’hiver qui apparaissaient lorsque la végétation dormante était ramenée à la vie par des pluies intermittentes. À l’approche de l’été et au retour de l’aridité, presque toutes les familles Bani Yas, à l’exception des clans de pêcheurs comme les Al Rumaithat, revenaient dans leur oasis pour soigner leur verger et récolter les dattes. Les propriétaires de chameaux qui possédaient des prairies d’été suffisantes près de leurs plantations de dattiers étaient particulièrement favorisés car ils pouvaient faire leur récolte tout en abreuvant leur bétail avec l’eau des puits communautaires. Le chameau ne servait pas uniquement à transporter des personnes et des biens sur les longues pistes à travers le désert ; on utilisait aussi sa chair, son lait, son cuir et son poil. Il était une inestimable source de richesse. Dans bien des cas, le lait de chamelle et ses produits dérivés étaient les seules protéines consommées par les familles bedi pendant de longs mois. Les chameaux étaient également capables de survivre sans boire pendant de longues périodes mais leur lait désaltérait leurs bergers. Les jeunes mâles étaient élevés pour la viande qui étaient consommée dans les grandes occasions. Des courses de chameaux étaient organisées de manière impromptue lors des fêtes. Le cuir du chameau était utilisé pour faire des sacs et d’autres articles ménagers ; les poils étaient tissés et servaient à fabriquer des tentes, des tapis et de fines houppelandes (bisht). Aujourd’hui, bien que tout le pays soit sillonné par un réseau de routes goudronnées et bien que de puissants véhicules 4x4 soient utilisés pour parcourir le désert, le chameau reste une précieuse possession. Beaucoup d’entre eux, ayant un pedigree, sont utilisés pour les courses et sont élevés avec des moyens ultra modernes. Beaucoup d’argent et d’efforts ont été investis dans l’organisation de courses de chameaux officielles et dans la construction de pistes spéciales (voir Sports et Loisirs). 43 44 REVUE ANNUELLE DES ÉMIRATS ARABES UNIS 2004 LE DATTIER Tout comme le chameau, le dattier (Phoenix dactylifera), capable de survivre dans les dunes les plus arides, a su s’adapter et supporter des conditions particulièrement difficiles. Il occupe une place spéciale dans le cœur des Emiriens. Traditionnellement, les familles bedu qui avaient passé l’hiver à la recherche de pâturages pour leurs chameaux, revenaient dans leur oasis pendant les mois d’été pour s’occuper de leurs vergers de dattiers. Ces vergers sont encore cultivés autour des villages situés dans le creux des énormes dunes de Liwa, les arbres se nourrissant de l’eau piégée sous terre par les sables absorbants. Dans l’oasis de Al Aïn, les vergers luxuriants étaient alimentés par un système d’irrigation traditionnel très efficace (falaj), qui apportait l’eau des aquifères de la montagne. Ce système est encore utilisé de nos jours. Dans ces conditions favorables, d’autres arbres que le dattier peuvent pousser ; les figues, les mangues, les oranges, les grenades, le raisin, les bananes et surtout les citrons verts sont récoltés en abondance. De grands vergers de dattiers, alimentés par les nappes d’eau qui se trouvent sous les plaines de gravier, sont encore cultivés par les habitants – traditionnellement plus sédentaires – de la bande côtière de Ra’s al-Khaimah, et sur les plaines de la Côte Est. Le dattier était traditionnellement propagé à partir des pousses latérales qui sortent à la base du tronc de l’arbre adulte. Aujourd’hui, des méthodes scientifiques modernes, comme la culture tissulaire, sont lancées par les universités émiriennes. Dans les deux cas, les jeunes arbres nouvellement plantés ont besoin d’être arrosés régulièrement. Dans le désert, l’eau était prise au puits et transportée jusqu’à l’arbre dans des sacoches de cuir. Après des mois et parfois des années, les racines du jeune arbuste finissaient par atteindre la nappe d’eau souterraine et la plante était alors autonome. Cependant, le rythme de croissance du dattier et sa productivité annuelle dépendent en grande partie de la quantité et de la qualité de l’eau dont il dispose. Bien évidemment, les arbres poussent beaucoup mieux dans les vergers dotés de canaux aflaj ou de systèmes d’irrigation modernes. La culture du dattier, art perfectionné au fil des siècles et aussi efficace aujourd’hui qu’à ses origines, est une activité qui dure toute l’année car elle ne se borne pas à irriguer. Les branches qui sortent au niveau du sol doivent être rabattues tous les ans ; elles sont ensuite coupées de plus en plus haut et quand l’arbre atteint sa taille adulte, le tronc est formé. Au bout de trois ans (ou davantage selon la quantité d’eau dont il dispose), l’arbre fait sa première floraison au printemps ; les fleurs de l’arbre femelle doivent alors être pollinisées à la main ; le pollen vient des panicules des quelques arbres mâles de la plantation. La cueillette a lieu pendant la période la plus chaude de l’année, entre la fin juin et le début octobre selon les espèces – il existe plus de 50 variétés de dattiers rien que dans les Émirats. Il n’y a pas si longtemps, les dattes étaient essentielles à la survie. Les dattes mûres étaient bouillies, puis comprimées dans une substance gélatineuse appelée tamr qui, en raison de sa haute teneur en sucre, permettait de conserver les fruits presque indéfiniment. Les feuilles du dattier étaient séchées et tressées pour faire des boîtes dans lesquelles ces fruits nourrissants et riches en vitamines pouvaient 46 REVUE ANNUELLE DES ÉMIRATS ARABES UNIS 2004 être transportés dans le désert, dans les montagnes ou en mer. Les dattes étaient également entassées dans de petits locaux dont le sol était équipé pour recueillir le précieux sirop qui s’écoulait des fruits. Comme avec le chameau, tous les produits dérivés du dattier étaient utilisés. Les feuilles étaient utilisées pour faire les murs et le toit des maisons ‘arish ou le tapis protecteur dans les greniers des bâtisses plus solides construites en blocs de corail. Le tronc servait de charpente dans les forts et les tours en briques argileuses et en pierre. Aujourd’hui, on continue à tisser les feuilles du dattier pour en faire des paniers, des sacs, des bols, des couvercles, des tapis et des balais. Avec la nervure centrale des palmes, on a même fabriqué des bateaux (les shashah, sorte de canoës) dont on trouve encore certains exemplaires à Fujaïrah et Kalba, sur la Côte Est. Le tronc du dattier était souvent évidé pour former un mortier servant à écraser le blé. Le pilon était façonné dans une souche. Le pays étant maintenant plus prospère, ses habitants dépendent moins des dattes pour leur survie. Malgré tout, la technologie moderne et les plantations intensives ont transformé cette culture de subsistance en une grande industrie agricole qui fournit les marchés nationaux et exporte dans le monde entier (voir Agriculture et Pêche). On recense aujourd’hui plus de 40 millions de dattiers dans les Émirats. LES PERLES La pêche aux perles, sur cette côte des Émirats riche en coquillages, est une activité économique qui existe depuis très longtemps (voir Histoire). Pour les habitants, c’est une des manières traditionnelles d’exploiter les ressources naturelles dont ils disposent. Le commerce de ce précieux produit a connu des hauts et des bas au fil des siècles. À la fin du XIXe siècle, cette activité était florissante et la plupart des hommes valides s’engageaient comme plongeurs (ghaus) pendant les quatre mois d’été ; en hiver, les membres des clans Bani Yas basés à Liwa quittaient la côte et revenaient chez eux pour s’occuper de leurs plantations de dattiers. On a calculé qu’au début du XXe siècle, plus de 1200 bateaux perliers opéraient dans la région, chacun avec un équipage de 18 personnes en moyenne. Cette flotte quittant le port devait être un spectacle fantastique. Mais pendant l’été plus de 22 000 hommes travaillaient sur les bancs de perles. Ces longues absences de leur époux obligeaient les femmes à assumer d’énormes responsabilités au sein de leur famille, tant sur le plan social qu’économique. Pour les hommes, les conditions à bord étaient rudes et le travail pénible mais les bénéfices réalisés après une bonne pêche justifiaient cette vie. Mais si la récolte était médiocre, les hommes se retrouvaient criblés de dettes. Bon nombre des tribus Bani Yas formèrent des coopératives, ce qui leur permettait d’acheter en commun un bateau perlier ; ils partageaient alors les recettes selon un barème bien établi : la part du lion revenait au capitaine (nakhuda) et les plongeurs recevaient une quote-part plus importante que les équipiers restant à bord ; enfin, une fraction était réservée au financement de l’expédition suivante. Sur plusieurs générations, certaines tribus de pêcheurs se fixèrent dans des endroits précis et firent la prospérité de villes côtières L’HISTOIRE ET LES TRADITIONS comme Abu Dhabi, Dubaï et Ra’s al-Khaimah. Mais ces villes furent gravement touchées par l’effondrement du marché des perles dans les années 40. La pêche aux perles ne figure plus parmi les activités économiques des Émirats mais la tradition est soigneusement conservée ; beaucoup de temps et d’efforts sont consacrés à la préservation, pour les générations futures, de cette coutume ancestrale. LA PÊCHE Dans un pays offrant des ressources limitées, les habitants ont exploité au maximum tout ce qu’avaient à offrir les plages, les bancs de sable, les criques et les îles de cette côte de 600 kilomètres bordant le golfe Arabique. À la recherche de quoi se nourrir, les hommes ont même peuplé de nombreuses îles plus éloignées. Bien qu’aujourd’hui on emploie des méthodes modernes (voir Agriculture et Pêche), les techniques traditionnelles restent populaires auprès des artisans pêcheurs. Découverts à marée basse, les grands bancs de sable qui caractérisent une grande partie de la côte du Golfe se prêtent parfaitement à la pose de filets et de nasses. Les casiers à poissons sont de deux types – le hadra, casier fixe en forme de V dans lequel le poisson est guidé le long d’une barrière de filet tendue sur des piquets et arrive dans un petit enclos où il est ramassé à marée basse ; il y a aussi le garghour, petit piège mobile en feuilles de dattier tissées, lesté par des pierres et garni d’appâts qui attirent le poisson dans un goulot étroit. Outre le poisson, les tortues et les dugongs – aujourd’hui protégés – apportaient autrefois les protéines nécessaires à l’alimentation. Les dugongs étaient traqués au canoë dans les hauts fonds, mais le succès de la chasse dépendait de l’habilité du pêcheur qui devait se mettre à l’eau et se battre avec sa proie. Sur certaines plages à l’époque de la ponte, on récoltait aussi des œufs de tortues et d’oiseaux de mer. Sur la Côte Est moins abritée, là où les pêcheries sont remplies par les mouvements de l’océan Indien, la pêche aux sardines était et reste l’activité la plus profitable. Des bateaux en bois, avec 20 hommes à bord, étaient autrefois utilisés pour tendre un filet lesté d’environ 100 mètres parallèlement au littoral. Pour les poissons plus gros, tels que le thon ou le requin, on avait recours à des filets et à des lignes plus robustes. Les pêcheurs de la Côte Est se servaient aussi d’une barque spéciale, sorte de canoë (shashah) faite de feuilles de dattiers. Les poissons qui n’étaient pas consommés immédiatement étaient étalés sur la plage ou suspendus au soleil pour sécher ; ou encore, on les salait avant de les transporter dans les villages de l’intérieur où ils étaient une source de protéines très appréciée. Une partie du menu fretin était donnée aux chameaux. La pêche constitue toujours une activité importante aux E.A.U. (voir section sur les sociétés de pêches dans le chapitre sur le Développement Economique), mais les méthodes ancestrales font place à des techniques plus sophistiquées et les bateaux traditionnels à des navires modernes et à haut rendement. LA CONSTRUCTION NAVALE La région qui forme aujourd’hui les Émirats, particulièrement autour de Ra’s al-Khaimah et la Côte Est, était célèbre pour les prouesses de ses marins et la beauté de ses 47 48 REVUE ANNUELLE DES ÉMIRATS ARABES UNIS 2004 vaisseaux marchands, ces élégants boutres (dhows) de bois qui partaient des ports des E.A.U. pour sillonner l’océan Indien, établissant des liens commerciaux avec des pays lointains. Les pêcheurs de perles utilisaient également ces boutres mais ceuxci étaient équipés de plateformes de plongée et devaient servir d’habitation aux pêcheurs pendant de longs mois. Le plus souvent, les gros navires étaient construits en Inde, mais à l’apogée de la pêche aux perles, une industrie navale indigène, utilisant le bois importé, s’est développée, surtout pendant l’âge d’or de la pêche aux perles. Heureusement, bien que d’énormes navires modernes soient aujourd’hui utilisés pour le transport, la construction de boutres demeure une tradition bien vivante dans les Émirats : on construit aujourd’hui au moins autant de boutres qu’au début du siècle dernier. À cette époque Umm al-Qaiwain était un centre très dynamique dans ce domaine. Aujourd’hui Ajman possède le plus important chantier naval de la côte, mais la plupart des autres États pratiquent aussi cette activité. Ces endroits sont fascinants à visiter à cause de l’atmosphère qui y règne. Des boutres à moteur continuent à être utilisés pour le transport régional des marchandises et la pêche mais ce sont les course de voiles et d’aviron, extrêmement populaires aux Émirats, qui continuent à faire vivre cette activité traditionnelle. Les méthodes de construction de ces élégants bateaux ont peu changé au cours des siècles. Le bordé est formé en installant d’abord les planches, puis les membrures, à l’inverse des méthodes européennes. Il est à franc-bord, c’est-à-dire que les planches sont posées bord à bord. Des centaines et parfois des milliers de trous sont percés à la main pour éviter que le bois ne se fende ; de longs clous fins, enveloppés dans de la fibre huilée fixent les planches à la carcasse. Le travail est réalisé sans plans ni croquis, les dimensions sont déterminées d’un simple coup d’œil et leur exactitude est le fruit de l’expérience. Des gabarits sont cependant utilisés pour donner sa forme à la coque. Il semble que les ouvriers travaillent d’instinct mais, en fait, un maître artisan chevronné (ustadh) surveille les travaux. Les outils sont simples : marteaux, scies, herminettes, forets, ciseaux, rabots et ciseaux de calfat. La construction d’un gros bateau peut nécessiter jusqu’à dix mois ; les plus petits, par exemple les shu’i, prennent de un à quatre mois. LA FAUCONNERIE La fauconnerie, ancienne méthode de chasse des habitants du désert est devenue aujourd’hui une activité sportive traditionnelle. Les rapaces les plus couramment utilisés demeurent le faucon sacre et le faucon pèlerin. Ceux-ci étaient jadis attrapés le long de la côte pendant la migration d’automne, puis dressés à la chasse avant d’être libérés au printemps. Une fois que le fauconnier avait réussi à prendre un de ces oiseaux très recherchés, il disposait de deux ou trois semaines pour le préparer à la chasse aux outardes houbara qui arrivaient en migration. Les dresseurs procédaient en développant un sentiment de confiance chez le rapace, ce qui demandait beaucoup de savoir-faire et explique que ces personnages étaient très respectés par les fauconniers du monde 50 REVUE ANNUELLE DES ÉMIRATS ARABES UNIS 2004 entier. Il fallait que le dressage soit terminé dès l’arrivée des premières outardes et la chasse durait pendant tout l’hiver. Bien que les outardes soient la proie préférée des bédouins, ceux-ci se servaient également des faucons pour attraper des courlis de terre et des lièvres. De concert avec des lévriers persans, ils chassaient aussi parfois la gazelle. Aujourd’hui, beaucoup de ces oiseaux sont importés. En fait, actuellement, la fauconnerie se pratique surtout hors des frontières ; les Émirats consacrant en outre des efforts très importants dans la recherche pour la préservation des faucons. Un programme de reproduction en captivité a été lancé afin de réduire le nombre d’oiseaux pris dans la nature ; par ailleurs, l’Agence pour la recherche sur l’environnement et le développement de la faune et de la flore (ERWDA) surveille par satellite la migration des faucons afin d’évaluer leur taux de survie après la période de chasse. Les Émirats sont également les pionniers de l’élevage des outardes qui, elles aussi, sont suivies par satellite pendant leur voyage aller-retour entre Abu Dhabi et la Chine. Les faucons de chasse des Émirats sont choyés par leurs propriétaires et des hôpitaux vétérinaires ont été créés spécifiquement pour ces rapaces. LE CHEVAL Ancêtre du cheval de course d’aujourd’hui, le cheval arabe a joué un rôle noble tout au long de l’histoire de cette région. Des fouilles exécutées à Mleiha, dans l’émirat de Sharjah, ont montré qu’il y a plus de 2000 ans, des étalons caparaçonnés d’or étaient enterrés auprès de leur maître afin de bien souligner le rang social de ce dernier. L’endurance de ce cheval vaillant, loyal et doux a inspiré de merveilleux poèmes arabes. Aujourd’hui, les E.A.U. se spécialisent dans l’élevage de cette race et jouent un rôle de premier plan dans sa conservation. Les Émirats parrainent également des courses réservées aux chevaux arabes dans de nombreux pays, notamment en Grande-Bretagne, en Allemagne et en Australie. Même s’il n’a pas la rapidité d’un pur-sang, le cheval arabe est apprécié pour sa résistance et sa capacité à parcourir de longues distances. Les courses d’endurance couvrent parfois plus de 100 kilomètres. Les cavaliers des Émirats comptent parmi les meilleurs professionnels de ce sport qui met à l’épreuve aussi bien la résistance de l’homme que celle de sa monture (voir Sports et Loisirs). L’USAGE TRADITIONNEL DES PLANTES Entièrement adaptés à la vie dans le désert, les bédouins des E.A.U. connaissaient parfaitement les vertus médicinales de sa flore. Encore aujourd’hui, les habitants de ces régions utilisent avec profit les plantes médicinales. Les graines de Cassia italica, ou séné, sont utilisées comme laxatif et sont supposées soulager les douleurs d’estomac. Les graines de la coloquinte, Citrulus colocynthis, sont censées guérir le diabète. La sève amère de l’arbre à soie, Calotropis procera, était séchée et utilisée pour plomber les dents creuses ; les parties fibreuses de la plante étaient brûlées pour fabriquer le charbon de bois qui entrait autrefois dans la fabrication de la poudre à canon. Ses feuilles servaient à la confection de cataplasmes qui étaient appliqués sur les articulations L’HISTOIRE ET LES TRADITIONS pour soulager les rhumatismes. Ces feuilles servaient aussi d’engrais ; travaillées dans la terre autour des racines d’un palmier chétif, elles lui redonnaient santé et vitalité. La Salsola imbricata et plusieurs espèces de Suaeda étaient séchées et réduites en poudre à priser, capable de dégager les sinus. Tout le monde connaît le henné, plante dont on se sert pour teindre les cheveux et se décorer les mains et les pieds à l’occasion d’un mariage ou des fêtes de l’Id alAdha et de l’Id al-Fitr. Pour faire une pâte de henné, des feuilles et des baies séchées sont écrasées et mélangées avec des herbes médicinales, dont une en particulier contient un pigment bleu. La pâte est alors appliquée sur la peau pour réaliser des motifs compliqués. Les cataplasmes de feuilles de henné sont également utilisés pour soulager les maux de tête. La plante vénéneuse Rhazya stricta est utilisée en quantités infimes pour venir à bout des embarras gastriques. Le Teucrium stocksianum, une herbe très odorante qui ressemble à la sauge, est utilisée pour combattre la fièvre. Les graines d’acacia nilotique, Acacia nilotica, sont réduites en poudre pour dessécher les brûlures au second degré. Aujourd’hui, ce savoir ancestral sur la flore locale et ses propriétés biochimiques fait l’objet d’une étude scientifique. Le Complexe Zayed pour la phyto-recherche et les médecines douces, qui a été fondé à Mafraq, utilise une technologie moderne dans le but d’établir une industrie phytopharmaceutique de pointe, reposant entièrement sur les remèdes naturels. MUSIQUE, DANSE ET POÉSIE Les Émirats ont une longue tradition de musique et de danse, ces deux formes d’art ayant joué un rôle capital dans la vie de leurs habitants. Des chansons étaient composées pour accompagner différentes tâches, pour remonter l’eau d’un puits ou plonger sur les bancs d’huîtres perlières du Golfe. Sur les bateaux, un chanteur professionnel (naha’an) entamait son chant et tous les plongeurs et matelots se joignaient à lui en travaillant en cadence. Chaque chant avait un rythme bien particulier, adapté à une tâche précise ; tout comme les chansons des matelots occidentaux, cette musique avait pour but de stimuler et de coordonner les efforts de l’équipage. Dans le désert, le soir autour des feux de camps, les hommes se rassemblaient pour parler et échanger les dernières nouvelles. C’était également l’occasion de raconter des histoires et de réciter des poèmes, le plus souvent en dialecte, ou nabati. La parole a toujours été la forme artistique privilégiée par ces tribus qui manquaient des matériaux nécessaires à des formes plus tangibles d’expression artistique. Aujourd’hui, bien que la vie ait complètement changé dans les Émirats, la poésie nabati reste un mode d’expression populaire et le diseur est un personnage très respecté. Pendant les festivals, les chansons et les danses jouaient un grand rôle ; beaucoup ont survécu depuis ces temps anciens et sont parvenues jusqu’à nous. Les jeunes filles se balançaient au rythme de la musique en faisant ondoyer leurs longs cheveux noirs. Les hommes se livraient à des simulacres de batailles ou d’expéditions de chasse, 51 52 REVUE ANNUELLE DES ÉMIRATS ARABES UNIS 2004 en utilisant des bâtons, des épées ou des fusils. Aujourd’hui, des groupes folkloriques perpétuent cette tradition pendant les festivités émiriennes et vont même présenter ces spectacles, toujours très acclamés, à l’étranger. L’ARCHÉOLOGIE Encore une fois, au cours de l’année 2003, d’importantes découvertes archéologiques et paléontologiques (fossiles) ont été faites dans les Émirats Arabes Unis ; l’année a vu également la publication de deux ouvrages consacrés au patrimoine archéologique du pays. La plupart de ces découvertes ont été présentées lors d’un séminaire qui a eu lieu en avril à Al Ain. Ce séminaire était organisé par le Centre Zayed de l’histoire et du patrimoine, une division du Club du patrimoine des Émirats. Les travaux paléontologiques ont été menés par le Centre d’études archéologiques des îles d’Abu Dhabi, ou ADIAS, (www.adias-uae.com). Après la découverte en 2002 à Ruwais, à l’ouest d’Abu Dhabi, d’une défense d’éléphant de 2,54 mètres datant de la fin du miocène, c’est-à-dire il y a 5 ou 6 millions d’années, ADIAS a continué ses recherches dans la même zone avec l’aide de l’Abu Dhabi Oil Refining Company, Takreer. Une seconde défense, de 1,9 mètre de long, ainsi que plusieurs côtes, ont été découvertes au début de l’année, avec une paire presque complète de mandibules (maxillaires inférieurs) appartenant à un troisième éléphant. D’autres découvertes, dont deux dents d’éléphant, ont été faites en novembre. Le site de Ruwais, de toute évidence, se classe parmi les sites fossiles du miocène les plus riches d’Arabie. À plusieurs kilomètres vers l’est, ADIAS a repéré deux sites qui semblent recéler des empreintes fossilisées de pieds d’éléphant, datant elles aussi de la fin du miocène ; ce sont les seules empreintes de ce type et de cette période connues en Arabie. Dans le domaine de l’archéologie, des travaux ont été entrepris au cours de l’année passée à travers tous les Émirats sur des périodes allant de la fin de l’âge de pierre, de 5500 à 3500 av. J.-C. à la basse période islamique. À Abu Dhabi, les fouilles menées par ADIAS sur un site de l’île de Marawah ont mis à jour trois bâtisses ayant des murs de près d’un mètre de hauteur. Dans un premier temps, ces vestiges ont été jugés comme appartenant à la fin de la période pré-islamique ; on sait maintenant que le site date de la fin de l’âge de pierre, une datation de cendres au carbone 14 donnant le début du 5e millénaire av. J.-C. (environ 4750 av. J.-C.). Ces bâtiments sont les vestiges les mieux conservés de cette époque jamais trouvés en Arabie sud-orientale. D’autres travaux d’excavation devraient commencer au printemps 2004. Dans la région Al Ain de l’émirat d’Abu Dhabi, d’autres fouilles ont été effectuées par une équipe franco-écossaise sur le site mortuaire N de Hili, site datant du troisième millénaire av. J.-C. Travaillant avec le Département des antiquités et du tourisme de la région est d’Abu Dhabi, l’équipe a jusqu’ici identifié les vestiges de 700 sépultures. Les études des ossements révèlent que les gens de cette époque avaient une espérance de vie de 30 à 40 ans. La plus grande partie de la poterie trouvée sur le 54 REVUE ANNUELLE DES ÉMIRATS ARABES UNIS 2004 site est locale mais certains articles viennent de la vallée de l’Indus et du sud-est de l’Iran ; des bijoux viennent de mines d’Inde et d’Afghanistan. À Dubaï, pendant l’année 2002 et jusqu’au début de 2003, un programme d’étude couvrant deux saisons et portant sur les zones désertiques des Émirats, a été mené par une équipe du Musée de Dubaï, musée qui fait désormais partie du Département du marketing touristique et commercial. Vingt-cinq sites datant de la fin de l’âge de pierre ont été identifiés à Tawi al-Ashush, Hafeer et Saruq al-Hadeed. Un autre site à Tawi al-Ashush a révélé un village du troisième millénaire av. J.-C. avec des poteries et des foyers typiques ; un monticule d’une surface de 150 mètres carrés reste encore à excaver. Sept sites de l’âge de fer ont été trouvés, un dans la région de Souq et six à Saruq al-Hadeed ; des poteries, des fragments de vaisselle en pierre tendre et des outils de métal y étaient dispersés sur une vaste zone. Les excavations au Site 8 de Saruq alHadeed ont montré que le village se trouvait à environ 220 centimètres en dessous du niveau actuel des sables, ce qui montre à quel point le paysage a changé au cours des 2000 à 3000 ans passés. Plusieurs sites de surface datant de la basse période islamique ont également été trouvés, dont celui de Tawi al-Ashush qui pourrait avoir été un campement le long d’une voie qui traversait le désert et reliait Al Ain à Dubaï. Ailleurs, une équipe allemande de l’université de Munich a entrepris d’autres travaux à Al Sufouh-2, juste derrière l’Internet City de Dubaï et à environ 1,5 kilomètre de la côte actuelle. Ce site se caractérise par la présence de nombreux foyers et ossements de chameaux. Les os sont étagés sur deux couches et dans la couche inférieure, ils sont accompagnés de poteries de la période Wadi Suq (début et milieu du second millénaire av. J.-C.). Ce fait donne au site une importance particulière pour ceux qui étudient la domestication du chameau qui, pense-t-on, se serait produite vers cette époque. Une nouvelle saison de travaux avait commencé sur ce site à la fin de 2003. À Sharjah, une équipe rassemblant des membres de la Direction archéologique et des étudiants de l’université allemande de Tubingen, a commencé sa 8e saison de fouilles sur un site mortuaire datant de la fin de l’âge de pierre à Jebel Buhais, au sud de Dhaid. Ce site contiendrait plus de 500 sépultures et un certain nombre de foyers qui fournissent des indications sur le régime alimentaire de ses occupants. La présence de coquilles de mollusques marins indique que les habitants de Jebel Buhais faisaient des échanges avec la côte, distante de 60 ou 70 kilomètres. Une découverte importante a été faite sur ce site : il s’agit d’une ancienne source, dont la datation à l’uranium-thorium indique qu’elle se serait tarie vers l’époque où le cimetière a été abandonné. Les bouleversements climatiques dans les Émirats ont eu un impact majeur sur le mode de vie de leurs habitants. On sait que ces changements se sont produits pendant le troisième et second millénaire av. J.-C. ; le site de Jebel Buhais confirme qu’un autre changement s’est produit au 4e millénaire av. J.-C. Les fouilles menées à Umm al-Qaiwain au cours de 2003 se sont concentrées sur un site de la fin de l’âge de pierre, sur l’île d’Akab, près de la ville de Umm al-Qaiwain. L’HISTOIRE ET LES TRADITIONS Cet endroit avait déjà été étudié au début des années 90 par une équipe française du Centre national des recherches scientifiques et s’était révélé être un grand site de dépeçage des dugongs. Bien qu’encore présents en nombre considérable à l’ouest de la ville d’Abu Dhabi, le dugong a pratiquement disparu des eaux des Émirats du nord ; seuls un ou deux y ont été repérés au cours des vingt dernières années ; le site d’Akab donne la preuve de la présence de cette espèce dans l’ensemble de la région et montre les effets d’une chasse qui a duré plusieurs milliers d’années. Le Département du patrimoine d’Umm al-Qaiwain et une équipe du Musée municipal de Paris se sont livrés à des études stratigraphiques de l’île qui ont permis d’identifier d’autres zones habitées. Akab semble avoir été, depuis le début du 5e millénaire av. J.-C. et jusqu’à la fin du 4e millénaire av. J.-C., une base saisonnière pour la chasse et la pêche. Dans l’Émirat le plus au nord, Ra’s al-Khaimah, les archéologues ont découvert, au cours d’études réalisées en février, une énorme muraille. À l’origine, on pensait que ce mur, appelé ‘Wadi Sur’ par la population locale, était un barrage servant à protéger la région des crues du Wadi Bih ; mais une étude plus poussée a révélé qu’il s’agissait d’une fortification, constituée à l’origine d’une digue en gravier surmontée d’un mur de briques crues. Cette structure longue de 7 kilomètres va de la région de Nakheel au lieu dit ‘Palais de la Reine de Sheba,’ près de Shimal et elle est préservée jusqu’à une hauteur de 2 mètres. Le mur de fortification montre clairement les vestiges de tours rondes qui s’élevaient au-dessus. Il y avait près de 50 tours, espacées de 150 mètres, mais très peu subsistent encore. Un fossé d’au moins 2 mètres de profondeur longeait la muraille à l’extérieur, rendant les assauts encore plus difficiles et doublant presque la hauteur de cet édifice défensif. Aucune autre structure de ce type n’est connue en Arabie du sud-est et l’on pense que ce mur a été construit pour défendre les vergers de palmiers de Shimal et de Nakheel. Cette région fertile approvisionnait la ville marchande de Julfar qui connut une grande prospérité entre le XIIIe et XVIe siècle de notre ère. Sur la Côte Est des Émirats, une équipe de Français du CNRS a effectué des fouilles pour la seconde année consécutive près de Bithna, dans le Wadi Ham. Les travaux, réalisés sous l’égide du Département du patrimoine et des antiquités de Fujaïrah ont porté sur un complexe datant de l’âge de fer, en particulier sur une petite vallée d’environ 80 mètres par 100 qui avait été complètement entourée de fortifications ; un autre site tout proche possède ce qui semblerait être un temple. La ville de Bithna est située à un emplacement qui permettait à ses habitants d’exercer un contrôle sur le passage à travers le Wadi Ham, une des voies principales entre la Côte Est des Émirats et le golfe Arabique ; la ville elle-même est bien connue aujourd’hui pour son impressionnante forteresse datant de la basse période islamique. La découverte d’un village datant de l’âge de fer indique que la valeur stratégique de ce site n’avait pas échappé à ses habitants d’il y a 3000 ans. Également à Fujaïrah, une étude détaillée a été menée sur un complexe contenant plus de 120 tombes pré-islamiques, à Wadi Saqamqam, au nord de la capitale. Ce 55 56 REVUE ANNUELLE DES ÉMIRATS ARABES UNIS 2004 complexe, qui n’a été découvert qu’en 2001, est l’un des plus importants de ce type jamais identifié sur la Côte Est des Émirats. Les travaux, réalisés par une équipe de ADIAS en association avec le Département du patrimoine et des antiquités de Fujaïrah ont été parrainés par Dolphin Energy, la grande compagnie gazière d’Abu Dhabi dont les pipelines reliant Al Ain à la ville côtière de Qidfa passent tout près du site. Le Département du patrimoine et des antiquités de Fujaïrah s’est employé, au cours de l’année passée, à terminer la restauration du Fort de Fujaïrah, aux abords de la ville actuelle ; il a également commencé à restaurer un fort datant de la basse période islamique à Awhalla, fort lui-même construit au-dessus d’une forteresse plus ancienne (et bien plus grande) datant de l’âge de fer. Les études sur les dernières années de la basse période islamique dans les Émirats sont relativement rares, probablement parce que cette période, qui ne s’est achevée qu’avec la découverte du pétrole, est très récente, mais aussi parce que de nombreux archéologues travaillant dans le pays ont préféré se consacrer à des périodes plus anciennes. Une étude importante a toutefois été réalisée, au cours de l’année 2003, sur un village fortifié à Fara dans le Wadi Farfar, où se situait la résidence d’un membre de la famille Al Sharqi qui règne sur Fujaïrah. Bien que ce village ne soit vieux que d’un demi-siècle, il est intéressant car c’est un exemple de ces groupements fortifiés que l’on trouve à travers toute l’Arabie du sud-est ; il illustre une tradition architecturale qui remonte au moins au XVIe et XVIIe siècle. Des renseignements ethnographiques ont été recueillis auprès des anciens habitants de la maison principale ; le style architectural, les détails de construction, les objets et les poteries ont également été étudiés. Les recherches qui ont également porté sur les maisons plus modestes des alentours, sur les jardins et les cimetières, ont donné un aperçu très utile des aspects peu documentés de la vie dans un village émirien traditionnel. Enfin, deux nouveaux livres importants sur l’archéologie du pays ont été publiés pendant l’année. L’un, sous le titre Archaeology of the United Arab Emirates, rédigé par le professeur Dan Potts, de l’université de Sydney, le Dr Hassan Naboodah, du Centre Zayed du patrimoine et de l’histoire, et Peter Hellyer, directeur exécutif du Centre d’études archéologiques des îles d’Abu Dhabi, comporte 25 chapitres consacré à l’archéologie. Il a été présenté lors d’une conférence sur l’archéologie des Émirats, organisée par le Centre Zayed en avril 2001. La plupart des auteurs qui ont contribué à cet ouvrage, publié en arabe et en anglais, sont des archéologues qui travaillent aux Émirats depuis les trente dernières années. Le second ouvrage est une étude des mines de souffre datant de la basse période islamique à Jebel Dhanna, dans l’ouest d’Abu Dhabi ; ce sont les seules mines de ce type dans toute l’Arabie du sud-est. Découvertes puis étudiées par ADIAS, ces mines fournissent des renseignements précieux sur une partie jusque là peu connue de l’histoire industrielle des Émirats. Cet ouvrage, intitulé Sulphur, Camels and Gunpowder – The Sulphur Mines at Jebel Dhanna, Abu Dhabi, United Arab Emirates – An L’HISTOIRE ET LES TRADITIONS archaeological site of the late Islamic period, (Soufre, chameaux et poudre à canon – Les mines de soufre de Jebel Dhanna, Abu Dhabi, Émirats Arabes Unis – Un site archéologique de la basse période islamique), est rédigé par le directeur académique d’ADIAS, le Dr Geoffrey King, de la Faculté des études orientales et africaines de l’Université de Londres. Cet ouvrage est publié par ADIAS avec l’aide de l’Abu Dhabi Company for Onshore Oil Operations (ADCO) qui a également financé l’étude du site. SOMMAIRE 57