l`histoire et les traditions

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l`histoire et les traditions
L’HISTOIRE ET LES TRADITIONS
L’HISTOIRE ET LES TRADITIONS
L’HISTOIRE
LES PREMIERS HABITANTS
LES HOMMES VIVENT DANS LA RÉGION connue à présent sous le nom d’Émirats Arabes Unis
(E.A.U.) depuis la fin de l’âge de pierre (5500 av. J.-C.), époque où le climat était plus
humide et moins aride qu’aujourd’hui. Le gibier, notamment les gazelles et les oryx
arabes, était abondant dans la savane et dans les prairies avoisinantes ; et même dans
les régions très sablonneuses, les hommes trouvaient de quoi subsister. Aussi, loin d’être
désertique et inhospitalière, cette contrée possédait des sols et des cours d’eau qui
offraient à ses premiers habitants une énorme variété de ressources exploitables et
propices à un développement économique. À cette époque, le niveau des eaux du Golfe
dépassait d’environ 50 centimètres le niveau actuel.
Les premiers habitants connus des Émirats sont probablement des éleveurs
expérimentés qui disposent sans doute d’outils de pierre perfectionnés. En hiver, ils
vivent vraisemblablement le long des côtes et dans les îles, la pêche et le ramassage
des coquillages (dont les coquillages perliers) étant leur principale activité. En été,
ils se déplacent vers l’intérieur des terres où ils gardent leurs troupeaux et où, plus
tard, ils pratiquent la culture. Cette utilisation saisonnière des ressources subsistera
tout au long de l’histoire de la région. Ces premiers habitants ne vivent pas isolés et
laissent de nombreuses traces de leur contact avec le monde extérieur, notamment
avec des civilisations habitant plus au nord, comme en Mésopotamie (Irak du sud) ;
en effet, on a retrouvé dans les Émirats des poteries peintes (de type Ubaid) venant
de ces régions.
Si l’on découvre les outils de pierre de ces premiers habitants des Émirats dans des
douzaines de sites situés entre Ghagha’ à l’ouest et Khatt au nord, peu de villages, par
contre, ont encore été mis au jour. Mais parmi eux, un village de l’île de Marawah, où les
fouilles ne sont pas encore achevées, est sans conteste le plus impressionnant.
LES TOMBES HAFIT
À la fin du 4e millénaire (vers 3100–3000 av. J.-C. ), les plus anciennes structures
archéologiques, sous forme de tombes construites en pierre brute au-dessus du sol (les
tombes Hafit) apparaissent dans deux sites des Émirats, Djebel Hafit (dont Mazyad) près
d’Al Ain et Djebel al-Emalah au sud de Dhaid. Ces sépultures communes contiennent des
poteries (de type Jamdat Nasr) qui proviennent de la partie centrale et méridionale de
l’Irak. La découverte d’autres objets importés prouve l’existence de liens commerciaux
avec d’autres régions ; il semble que le commerce du cuivre extrait des Monts Hajar
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motive ces échanges avec le monde extérieur. Ce qui est certain, c’est que les premiers
‘textes archaïques’ (3400–3000 av. J.-C.) d’Uruk en Mésopotamie méridionale
mentionnent déjà le cuivre de Dilmun, appelé plus tard Bahreïn ; or, étant donné
qu’il n’y a pas de cuivre dans cette région, il faut supposer que ce précieux métal
venait de plus loin, c’est-à-dire des gisements qui s’étendaient de Fujaïrah au nord,
au bas Oman au sud. À ce jour, les villages de ces peuples qui enterraient leurs
morts dans les tombes Hafit trouvées en Arabie du sud-est restent encore à découvrir.
UMM AL-NAR
Vers 3000 av. J.-C., le climat aride qui règne aujourd’hui sur la région s’installe. L’ère
suivante, connue sous le nom de période Umm al-Nar (2500–2000 av. J.-C.), se caractérise
par l’apparition de nombreuses villes oasis (par exemple à Hili, Tell Abraq, Bidiya,
Kalba) gardées par de massives forteresses circulaires. Ces colonies essentiellement
agricoles vivent de la culture du dattier (Phoenix dactylifera). Cet arbre sacré donne
en effet l’ombre nécessaire à la culture de plantes moins résistantes, notamment les
céréales, les légumes et les arbres fruitiers. Les nombreux puits sont alimentés par
l’eau douce de nappes peu profondes et relativement abondantes présentes dans la
plus grande partie des Émirats.
Pendant cette période, les morts sont enterrés dans des tombes communes rondes
faites de blocs de pierre finement assemblés (il en existe une particulièrement bonne
reconstruction à Hili). Les objets trouvés dans ces tombes témoignent de contacts très
développés avec la Mésopotamie, l’Iran, la vallée de l’Indus, le Baloutchistan et la
Bactriane (aujourd’hui l’Afghanistan). De manière significative, dans les textes
mésopotamiens de cette époque, la région est appelée Magan et il se peut que les
tours de la période Umm al-Nar aient été les bastions des ‘seigneurs de Magan’ avec
lesquels plusieurs empereurs akkadiens (de Mésopotamie méridionale) entrent en
guerre au cours du XXIIIe siècle av. J.-C. De ce moment, il reste de nombreuses traces de
la première utilisation intensive du cuivre des Monts Hajar. Ce qui est certain, c’est
qu’après 2300 av. J.-C., le bronze (alliage de cuivre et d’étain) est employé de plus
en plus couramment dans la fabrication des outils.
À la fin du troisième millénaire, une industrie bien particulière se développe : il s’agit
de la fabrication de vaisselle en pierre tendre – généralement des jattes, des vases à bec
et des boîtes compartimentées – le tout décoré de volutes pointillées esquissées au foret.
L’HISTOIRE ET LES TRADITIONS
longues épées, des arcs et des flèches ainsi que des centaines de pointes de flèches
lancéolées, en bronze coulé, présentant une nervure dorsale aplatie ; ceci indique une
évolution de la technologie guerrière pendant ces périodes.
D’autres objets, comme des plaques d’or et d’électrum montrant deux animaux dos
à dos, la queue souvent recourbée en spirale, témoignent de la prospérité de cette période,
prospérité probablement due en partie au cuivre qui transite par Dilmun (Bahreïn) avant
d’être exporté vers des pays plus lointains. En même temps, la quantité de vaisselle de
pierre tendre déposée dans les tombes augmente considérablement ; de nouvelles
formes et de nouveaux motifs de décoration apparaissent.
L’ÂGE DE FER
La domestication du chameau, pendant la fin du second millénaire av. J.-C., révolutionne
l’économie de l’Arabie sud-orientale, créant un nouveau moyen de transport. En même
temps, la découverte des principes d’irrigation reposant sur l’utilisation de réseaux
souterrains d’adduction d’eau entre les aquifères montagneux et les jardins en
contrebas (irrigation par falaj), permet un développement agricole qui entraîne une
véritable explosion démographique dans toute la péninsule d’Oman. Cette période
(1300–300 av. J.-C.) est appelée âge de fer, bien que le fer ne soit pas très employé
dans la région.
Le poisson et les crustacés continuent à constituer le régime de base des habitants
de l’âge de fer, mais ceux-ci élèvent aussi des moutons, des chèvres et des bovins et
chassent la gazelle, l’oryx, le dugong, les tortues et les cormorans. Ils cultivent le blé
et l’orge mais le dattier demeure prééminent.
Il semble qu’une sorte de gouvernement centralisé se mette en place pendant
cette période. Une inscription cunéiforme de Nineveh en Assyrie (Mésopotamie du
nord) fait état d’au moins un ‘roi’ dans la région à cette époque, un personnage nommé
Pade, roi de Qade, installé à Is-ki-e (aujourd’hui Izki en Oman) et qui paie un tribut
à l’empereur assyrien Assurbanipal aux alentours de cette période. De plus, on se met
à fabriquer des sceaux à grande échelle, ce qui suppose un certain pouvoir politique et
économique exercé par un organisme central. Il existe également les preuves d’un
commerce avec l’étranger ; un pendentif trouvé à Tell Abraq représentant une
embarcation munie d’une voile latine – la plus ancienne image de ce type à ce jour
– en témoigne.
WADI SUQ ET LA FIN DE L’ÂGE DE BRONZE
LA PÉRIODE MLEIHA
La période Wadi Suq et la fin de l’âge de bronze (2000–1300 av. J.-C.) se distinguent
par des villes moins nombreuses, mais celles qui continuent d’être peuplées en
permanence (comme Tell Abraq) ne montrent aucun signe de déclin culturel. Il
semble cependant que les ressources de la mer (poissons et crustacés) occupent une
place plus importante qu’à la fin du troisième millénaire. En outre, les rites mortuaires
changent : les tombes communes se font plus longues et généralement plus étroites
(comme à Shimal, Ghalilah et Dhayah).
Les centaines d’armes trouvées dans ces tombes sont particulièrement intéressantes. Au
lieu des dagues et lances de la période Umm al-Nar, ces sépultures contiennent de
Nous savons qu’à la fin du VIe siècle av. J.-C., l’empire persan, sous la férule de
Darius le Grand, étend son influence jusqu’à la région alors nommée Maka. Cependant,
au IIIe siècle av. J.-C., l’Arabie du sud-est se libère de toute domination étrangère.
Alexandre le Grand ne parvient pas jusqu’à la partie arabe du Golfe et aucun de ses
successeurs appartenant aux Séleucides n’arrivera à imposer une hégémonie grecque
dans la région. Cette époque est désignée sous le nom de période Mleiha (300 av.
J.-C.– 0) en l’honneur de la ville prospère de Mleiha, située dans la plaine caillouteuse du
sud de Dahir, dans l’arrière-pays de Sharjah. À ce jour, aucun autre signe de
peuplement connu, susceptible de remonter à cette période n’a été découvert dans la
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région. À Mleiha, le premier village datant de la fin de l’âge de pierre était probablement
constitué de ‘arish, maisons en feuilles de palme, parfaites pour le climat chaud
d’Arabie sud-orientale. Les habitants cueillent les dattes et moissonnent le blé. Mleiha
enterre ses morts dans des coffres sépulcraux en briques crues, coffres eux-mêmes
surmontés de tours pleines, chapeautées par des créneaux de pierre ; ces édifices
ressemblent aux tours funéraires de Palmyre (Syrie) et aux monuments les plus anciens
de Petra (Jordanie).
Les vestiges de cette période sont nombreux ; parmi les plus intéressants, citons
les articles importés de Grèce (poteries noires émaillées et amphores de Rhodes) et
d’Arabie du Sud (pots à onguents en albâtre). Plusieurs objets (stèles de pierres, coupes
de bronze) portent des inscriptions en caractères sudarabiques ; diverses pièces de
monnaie trouvées à Mleiha témoignent de la même origine, ce qui prouve l’existence
de liens culturels entre les deux régions. Ces objets constituent des découvertes
capitales qui tendent à confirmer l’hypothèse d’une migration des Azd du Yémen
vers la région. La période Mleiha voit également l’apparition du fer et son utilisation
intensive pour la première fois dans l’histoire de cette région.
LA PÉRIODE ED-DUR
Dès le premier siècle après J.-C. commence une période (0-250 apr. J.-C.) que l’on
peut beaucoup mieux connaître grâce aux écrits. En 77 apr. J.-C., l’écrivain romain
Pline le Jeune (23/24–79 apr. J.-C.) termine son Histoire Naturelle. Si l’on en croit ses
descriptions des lieux et des habitants de l’Arabie sud-orientale et si l’on se fie aux
informations données par la carte de Ptolémée (deuxième siècle apr. J.-C.), la région
occupée à présent par les Émirats était riche en villages, tribus et signes d’occupation. La
ville d’Omana, qui était à cette époque le port le plus important du bas Golfe, a été
liée au site ancien d’ed-Dur en Umm al-Qaiwain, une vaste région contenant des
habitations, des tombes, une forteresse et un temple (construit avec des rochers de
la côte), ainsi que des maisons ‘arish. Au lieu de descendre la mer Rouge, comme
les Romains, les caravanes empruntent une piste entre la Syrie et les villes du sud
de l’Irak, puis arrivent par bateaux jusqu’à Omana avant de faire route vers l’Inde ;
des objets de verre et de laiton, ainsi que des pièces de monnaie d’origine romaine
trouvés lors des fouilles attestent de cette présence.
Bien qu’ed-Dur soit la localité principale de cette période, d’autres sites de moindre
importance s’établissent dans les îles d’Abu Dhabi tandis que, plus à l’intérieur, la
ville de Mleiha continue à prospérer. Un chef connu sous le nom de Abi’el, qui
semble être un personnage capital dans la région pendant cette période, fait frapper
de la monnaie locale en grande quantité. À cette époque, les populations de Mleiha
et d’ed-Dur parlent l’aramaïque, ce que confirment les pièces de monnaie et les
autres objets gravés qui ont été retrouvés.
Le Périple de la Mer Érythrée, rédigé vers 60–75 apr. J.-C., nous révèle que les perles,
la pourpre, les vêtements, le vin, les dattes à profusion, l’or et les esclaves arrivent à
Omana pour être exportés.
Les perles, déjà utilisées pendant la préhistoire, font l’objet d’un commerce très
lucratif durant l’antiquité romaine. Ed-Dur est certainement un grand centre de pêche
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perlière comme en témoigne la découverte d’un plomb de plongeur ; en forme de cloche,
il est muni d’un anneau de fer où le pêcheur passait sa corde. De même, des monceaux
de coquilles d’huîtres ont été trouvés à l’entrée de l’un des monuments funéraires.
LA PÉRIODE PRÉ-ISLAMIQUE
En 240 apr. J.-C., l’arrivée au pouvoir de la dynastie sassanide en Iran du sud-ouest
contribue à répandre l’influence perse dans la plupart des pays d’Arabie orientale, dont
les Émirats, comme le prouvent les pièces de monnaie et les poteries découvertes à
Kush (Ra’s al-Khaimah), Umm al-Qaiwain et Fujaïrah. Pendant toute cette période,
le commerce se poursuit dans l’océan Indien ainsi que les échanges avec le ProcheOrient. Les contacts avec le monde extérieur se manifestent par la diversité des
influences religieuses qui coexistent à cette époque, du paganisme arabe au zoroastrisme
sassanide, en passant par le christianisme nestorien. Au IVe ou au Ve siècle apr. J.-C.,
au moins un monastère nestorien, orné de sculpture en stuc, dont plusieurs croix,
s’élevait à Sir Bani Yas – une île située au large d’Abu Dhabi.
Pendant toute cette période, le transport maritime et le commerce demeurent les
deux activités principales de ces zones côtières. Ibn Habib, dans son compte rendu
Kitab al-Muhabbar, fait état d’une ‘foire’ à Dibba, grand port aujourd’hui situé sur la
Côte Est des E.A.U. Ibn Habib indique que Dibba est ‘l’un des deux ports arabes
[l’autre étant Sohar] utilisés par les marchands du Sind et de Chine, ainsi que par
les voyageurs venus d’Orient et d’Occident. Cette foire a lieu le dernier jour de Tagab.
Les marchands y négocient leurs affaires par marchandage.’
L’ARRIVÉE DE L’ISLAM
En 630 apr. J.-C., l’arrivée des disciples du prophète Mohammed signale la conversion
des habitants de la région à l’Islam. La mort du Saint Prophète en 632 apr. J.-C. est
suivie par une grande révolte mais les insurgés sont écrasés par les soldats du
premier calife, Abu Bakr. À la même époque, la bataille de Dibba, sur la Côte Est des
Émirats, aurait fait plus de 10 000 victimes parmi les rebelles. On voit encore leurs
tombes à la sortie de la ville.
Dès 637 apr. J.-C., les armées islamiques se servent de Julfar (Ra’s al-Khaimah)
comme avant-poste dans leur conquête de l’Iran ; en fait des sources locales et des
historiens bien connus des premiers temps de l’Islam, comme al-Tabari, notent que
cette région présentait un intérêt considérable pour les souverains abbasides et
omeyyades successifs. En 892 apr. J.-C., la ville de Julfar fait à nouveau parler d’elle,
car c’est là que débarquent les envahisseurs abbasides lancés à la conquête d’Oman.
Au Xe siècle, la région occupée aujourd’hui par Oman et par les Émirats tombe sous
la tutelle de la dynastie des buyides (comme en témoignent les pièces buyides
découvertes à Ra’s al-Khaimah en 1965). Julfar demeure un grand port et un centre
perlier de première importance, mentionné par al-Maqdisi au Xe siècle, par al-Idrisi
au XIIe siècle et par Yaqut au XIIIe siècle. De Julfar, perpétuant une tradition vieille
de 5000 ans, de grands vaisseaux de bois sillonnent l’océan Indien et s’aventurent
même jusqu’à Mombasa au Kenya, jusqu’au Sri Lanka, au Vietnam et en Chine.
L’HISTOIRE ET LES TRADITIONS
L’essor de Sohar, important comptoir marchand de la côte Batinah d’Oman, entraîne
une véritable prolifération de routes commerciales convergeant sur Julfar au nord et
Tu’am (Al Aïn/Buraimi) à l’ouest. Dès le XIVe et le XVe siècles, les Émirats ont noué
de solides liens commerciaux avec le royaume d’Ormuz établi sur l’île de Jarun dans le
détroit d’Ormuz. Mais ces relations sont rompues en 1498 quand le Portugais Vasco
de Gama double le cap de Bonne Espérance en utilisant les connaissances arabes
en navigation.
IBN MAJID
Ibn Majid, le ‘Lion de la Mer’, personnage légendaire dans l’histoire des Émirats est
l’un de ces navigateurs dont les compétences sont utilisées par les Portugais pour
atteindre l’Inde. Né à Julfar vers 1432–1437, tout près de la ville actuelle de Ra’s al
Khaimah, Ibn Majid descend d’une longue lignée de marins intrépides. Sa réputation
de grand navigateur lui vient de ses ouvrages, dont 39, parmi les 40 qui nous sont
parvenus, sont écrits en vers. Certains sont de courts récits, d’autres sont très longs :
l’al-Sofaliya, par exemple, comporte 805 vers et relate un périple entre les Indes et
Sofala, sur la côte du Mozambique. Un traité (le Fawa’id) est une longue œuvre qui
non seulement récapitule toutes les connaissances acquises par Ibn Majid lors de
ses voyages au long cours mais aussi s’inspire largement des travaux des premiers
astronomes arabes. Son dernier poème connu a été composé en 1500 apr. J.-C. Son
auteur se serait éteint peu de temps après, à l’âge de 70 ans.
LA PRÉSENCE PORTUGAISE
L’arrivée des Portugais dans le Golfe a des conséquences désastreuses pour les
populations arabes de Julfar et des ports de la Côte Est comme Dibba, Bidiya, Khor
Fakkan et Kalba. Les forts construits dans ces villes ont été attribués à tort aux Portugais,
ayant en fait été construits par des cheikhs arabes locaux alliés des Portugais.
L’auteur portugais Duarte Barbosa, dans un compte rendu datant de 1517, note
que les habitants de Julfar sont ‘des hommes de bien, de grands navigateurs et de
grands négociants. La pêche des grosses perles et des semences est très développée’.
L’explorateur portugais Pedro Teixeira indique qu’une flotte de 50 embarcations
quitte Julfar tous les ans pour se rendre sur les bancs d’huîtres perlières. La ville de
Julfar donne même son nom à un certain type de perle. Devant l’engouement croissant
des Européens pour les ‘perles du Golfe’, le grand joaillier vénitien, Gasparo Balbi,
se rend à Julfar en 1580. Il est intéressant de constater que son inventaire de la côte
des Émirats, de Qatar à Ra’s al-Khaimah, est le premier ouvrage européen à mentionner
l’existence de la tribu Bani Yas d’Abu Dhabi.
BANI YAS
Les ancêtres des Bédouins, qui s’étaient établis dans les sables du désert d’Abu
Dhabi et de Dubaï, avaient planté des vergers de dattiers et avaient construit des
maisons en feuilles de palmier, au pied des dunes, là où ils trouvaient des réserves
d’eau. Ces habitations ‘arish finissent par former 40 hameaux, dont certains sont
occupés toute l’année. Disposés en un demi-cercle à Liwa, ces villages constituent
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un centre de vie sociale et d’activité économique pour les Bani Yas, au moins depuis
le XVIe siècle. Mais à partir de 1790, la ville d’Abu Dhabi devient si importante que
le chef politique de tous les groupes Bani Yas quitte Liwa pour s’y installer. Au début du
XIXe siècle, les membres de la tribu Al Bu Falasah, branche des Bani Yas, s’établissent
dans la crique de Dubaï et instaurent un royaume Maktoum dans cet émirat.
QAWASIM
Tandis que de grandes puissances européennes comme le Portugal, la Hollande et
plus tard l’Angleterre se disputent la souveraineté de la région, le pouvoir d’une famille
locale importante, les Qawasim, continue à croître et, au début du XIXe siècle, cette
famille possède une flotte de plus de 60 gros navires capables de transporter près
de 20 000 marins. Cette flotte constitue une menace pour les Britanniques désireux de
s’imposer comme les maîtres de l’océan Indien. Dans les deux premières décennies du
XIXe siècle, il se produit une série d’affrontements entre les deux camps ; cette lutte
se termine par la destruction de la flotte Qasimi et le renforcement de l’emprise
britannique dans le Golfe. Comme les Anglais accusent les navires Qasimi de se livrer à la
piraterie, la région prend le nom de ‘Côte des Pirates’. Cependant, dans son livre intitulé
Le Mythe de la Piraterie arabe dans le Golfe, Dr Cheikh Sultan bin Mohammed Al Qasimi,
maître de Sharjah, démontre que l’offensive anglaise est motivée par le seul désir de
contrôler tous les échanges maritimes entre le Golfe et l’Inde.
LES ÉTATS DE LA TRÊVE
Après la victoire d’une expédition navale britannique sur les Qawasim, les Britanniques
signent une série d’accords avec les cheikhs de chaque émirat ; plus tard, quand des
traités visant à préserver la trêve maritime sont ajoutés, ces États prennent le nom
d’‘États de la Trêve’. Les traités conclus avec la Grande-Bretagne interdisent aux
cheikhs d’entretenir des relations indépendantes avec des puissances étrangères et
les contraignent à accepter les conseils de la Grande-Bretagne dans certains domaines
bien définis. Cependant, la paix en mer facilite l’exploitation ininterrompue des
anciennes pêcheries perlières du Golfe inférieur ; les Émirats recommencent donc à
exporter des perles fines, non seulement vers l’Inde mais aussi vers l’Europe. L’industrie
perlière prospère au XIXe siècle et au début du XXe, faisant vivre les populations de
la côte du golfe Arabique.
Sur terre, libérés des effets néfastes de la guerre en mer mais manquant de vraies
ressources économiques, les Émirats se développent lentement. Cheikh Zayed bin
Khalifa d’Abu Dhabi est l’un des personnages les plus notables de cette période.
Connu sous le nom de ‘Zayed le Grand’, il gouverne l’émirat pendant plus de 50 ans,
de 1855 à 1909.
LES TEMPS DIFFICILES
La Première Guerre mondiale avait déjà durement frappé l’industrie perlière, mais
c’est la crise économique de la fin des années 20 et du début des années 30, crise
aggravée par l’apparition des perles de culture japonaises, qui lui donne le coup de
grâce. C’est une catastrophe pour la région.
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Bien que la population soit courageuse et entreprenante, les difficultés qu’elle affronte
sont énormes. L’éducation se trouve généralement limitée à l’apprentissage de la lecture
et de l’écriture ainsi qu’à l’enseignement de l’Islam dispensé par un prédicateur local. Les
infrastructures modernes comme les routes et les moyens de communications, tout
comme la protection médicale, sont absents. Le transport continue à se faire par chameau
ou par bateau ; l’aridité du climat rend souvent la survie difficile.
Le fils de Zayed le Grand, Cheikh Sultan, père du présent dirigeant Cheikh Zayed, reste
au pouvoir à Abu Dhabi de 1922 à 1926. Puis après le règne bref d’un de ses frères, c’est
un des fils de Cheikh Sultan, Cheikh Shakhbut qui monte sur le trône en 1928.
LA DÉCOUVERTE DU PÉTROLE
Au début des années 30, les premiers prospecteurs arrivent pour effectuer les études
géologiques préliminaires ; la première cargaison de pétrole brut quitte Abu Dhabi
en 1962. Comme les revenus augmentent d’année en année avec la production,
Cheikh Zayed, choisi comme gouverneur d’Abu Dhabi le 6 août 1966, en profite
pour lancer immédiatement un gigantesque programme de construction d’écoles, de
logements, d’hôpitaux et de routes. Une de ses premières mesures est d’augmenter les
contributions du pays au Fonds de Développement des États de la Trêve, créé
quelques années auparavant par les Anglais. Abu Dhabi en devient rapidement le
donateur principal.
Pendant ce temps, Cheikh Rashid bin Saeed Al Maktoum, maître effectif de Dubaï
depuis 1939, développe les installations portuaires le long de la crique pour essayer
de remplacer les revenus découlant des perles. Lorsque les exportations de pétrole
commencent à Dubaï en 1966, Cheikh Rashid utilise lui aussi les recettes pétrolières
pour améliorer la qualité de vie de son peuple.
LA FÉDÉRATION
Au début de 1968, quand les Anglais annoncent leur intention de se retirer du Golfe
à la fin de 1971, Cheikh Zayed décide immédiatement de nouer des liens plus
étroits avec les autres Emirats. Avec Cheikh Rashid, qui devait devenir vice-président
et Premier ministre du nouvel état, Cheikh Zayed demande la création d’une
fédération qui rassemblerait non seulement les sept Émirats formant les États de la
Trêve, mais aussi Qatar et Bahreïn. Après une période de négociations, un accord
intervient entre les leaders de six des Émirats (Abu Dhabi, Dubaï, Sharjah, Umm alQaiwain, Fujaïrah et Ajman). La Fédération, qui prend le nom d’Émirats Arabes Unis
(E.A.U.), voit officiellement le jour le 2 décembre 1971. Le 7e émirat, Ra’s al-Khaimah,
rejoint les autres le 10 février 1972.
LES TRADITIONS
La vie, pour les habitants des E.A.U. a radicalement changé depuis que le pétrole,
supplantant les perles, est devenu la ressource économique principale. Pour la plupart
des habitants du pays, le mode de vie traditionnel n’est plus qu’un lointain souvenir.
L’HISTOIRE ET LES TRADITIONS
Néanmoins, malgré les transformations sociales qui se sont produites dans les
Émirats, et tous leurs effets positifs et négatifs, l’essence même de la société
traditionnelle, de la religion, de la langue, de la famille et des affiliations tribales
demeure inchangée. De plus, les traditions sont valorisées et cultivées aujourd’hui
par des groupes et des institutions chargés de la conservation du patrimoine. Ainsi,
les jeunes générations d’Emiriens peuvent apprécier la valeur et l’ingéniosité de
leurs ancêtres et s’en inspirer.
LE CHAMEAU
Parfaitement adapté à la vie dans le désert, le chameau était le pilier de la vie seminomadique menée par un grand nombre d’Emiriens. La plus grande tribu des
E.A.U., celle des Bani Yas, parcourait les vastes étendues sableuses qui constituent
presque tout le territoire des Émirats d’Abu Dhabi et de Dubaï. D’autres tribus, comme
celles des Awamir et des Manasir, ont partagé cet environnement difficile pendant
de nombreuses générations, se fiant à leur précieuse connaissance des points d’eau
pour survivre dans cet environnement inhospitalier. Le chameau était à la fois la
raison et le moyen de ces longues expéditions. Ces tribus passaient de longues périodes
à errer à la recherche des pâturages d’hiver qui apparaissaient lorsque la végétation
dormante était ramenée à la vie par des pluies intermittentes. À l’approche de l’été
et au retour de l’aridité, presque toutes les familles Bani Yas, à l’exception des clans
de pêcheurs comme les Al Rumaithat, revenaient dans leur oasis pour soigner leur
verger et récolter les dattes. Les propriétaires de chameaux qui possédaient des prairies
d’été suffisantes près de leurs plantations de dattiers étaient particulièrement
favorisés car ils pouvaient faire leur récolte tout en abreuvant leur bétail avec l’eau
des puits communautaires.
Le chameau ne servait pas uniquement à transporter des personnes et des biens
sur les longues pistes à travers le désert ; on utilisait aussi sa chair, son lait, son cuir
et son poil. Il était une inestimable source de richesse. Dans bien des cas, le lait de
chamelle et ses produits dérivés étaient les seules protéines consommées par les
familles bedi pendant de longs mois. Les chameaux étaient également capables de
survivre sans boire pendant de longues périodes mais leur lait désaltérait leurs bergers.
Les jeunes mâles étaient élevés pour la viande qui étaient consommée dans les
grandes occasions. Des courses de chameaux étaient organisées de manière impromptue
lors des fêtes. Le cuir du chameau était utilisé pour faire des sacs et d’autres articles
ménagers ; les poils étaient tissés et servaient à fabriquer des tentes, des tapis et de
fines houppelandes (bisht).
Aujourd’hui, bien que tout le pays soit sillonné par un réseau de routes goudronnées
et bien que de puissants véhicules 4x4 soient utilisés pour parcourir le désert, le
chameau reste une précieuse possession. Beaucoup d’entre eux, ayant un pedigree,
sont utilisés pour les courses et sont élevés avec des moyens ultra modernes. Beaucoup
d’argent et d’efforts ont été investis dans l’organisation de courses de chameaux
officielles et dans la construction de pistes spéciales (voir Sports et Loisirs).
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LE DATTIER
Tout comme le chameau, le dattier (Phoenix dactylifera), capable de survivre dans les
dunes les plus arides, a su s’adapter et supporter des conditions particulièrement
difficiles. Il occupe une place spéciale dans le cœur des Emiriens.
Traditionnellement, les familles bedu qui avaient passé l’hiver à la recherche de
pâturages pour leurs chameaux, revenaient dans leur oasis pendant les mois d’été
pour s’occuper de leurs vergers de dattiers. Ces vergers sont encore cultivés autour des
villages situés dans le creux des énormes dunes de Liwa, les arbres se nourrissant de
l’eau piégée sous terre par les sables absorbants. Dans l’oasis de Al Aïn, les vergers
luxuriants étaient alimentés par un système d’irrigation traditionnel très efficace
(falaj), qui apportait l’eau des aquifères de la montagne. Ce système est encore
utilisé de nos jours. Dans ces conditions favorables, d’autres arbres que le dattier
peuvent pousser ; les figues, les mangues, les oranges, les grenades, le raisin, les
bananes et surtout les citrons verts sont récoltés en abondance. De grands vergers
de dattiers, alimentés par les nappes d’eau qui se trouvent sous les plaines de
gravier, sont encore cultivés par les habitants – traditionnellement plus sédentaires
– de la bande côtière de Ra’s al-Khaimah, et sur les plaines de la Côte Est.
Le dattier était traditionnellement propagé à partir des pousses latérales qui sortent
à la base du tronc de l’arbre adulte. Aujourd’hui, des méthodes scientifiques modernes,
comme la culture tissulaire, sont lancées par les universités émiriennes. Dans les deux
cas, les jeunes arbres nouvellement plantés ont besoin d’être arrosés régulièrement.
Dans le désert, l’eau était prise au puits et transportée jusqu’à l’arbre dans des
sacoches de cuir. Après des mois et parfois des années, les racines du jeune arbuste
finissaient par atteindre la nappe d’eau souterraine et la plante était alors autonome.
Cependant, le rythme de croissance du dattier et sa productivité annuelle dépendent
en grande partie de la quantité et de la qualité de l’eau dont il dispose. Bien
évidemment, les arbres poussent beaucoup mieux dans les vergers dotés de canaux
aflaj ou de systèmes d’irrigation modernes.
La culture du dattier, art perfectionné au fil des siècles et aussi efficace aujourd’hui
qu’à ses origines, est une activité qui dure toute l’année car elle ne se borne pas à
irriguer. Les branches qui sortent au niveau du sol doivent être rabattues tous les ans ;
elles sont ensuite coupées de plus en plus haut et quand l’arbre atteint sa taille
adulte, le tronc est formé. Au bout de trois ans (ou davantage selon la quantité d’eau
dont il dispose), l’arbre fait sa première floraison au printemps ; les fleurs de l’arbre
femelle doivent alors être pollinisées à la main ; le pollen vient des panicules des
quelques arbres mâles de la plantation. La cueillette a lieu pendant la période la plus
chaude de l’année, entre la fin juin et le début octobre selon les espèces – il existe
plus de 50 variétés de dattiers rien que dans les Émirats.
Il n’y a pas si longtemps, les dattes étaient essentielles à la survie. Les dattes
mûres étaient bouillies, puis comprimées dans une substance gélatineuse appelée
tamr qui, en raison de sa haute teneur en sucre, permettait de conserver les fruits
presque indéfiniment. Les feuilles du dattier étaient séchées et tressées pour faire
des boîtes dans lesquelles ces fruits nourrissants et riches en vitamines pouvaient
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REVUE ANNUELLE DES ÉMIRATS ARABES UNIS 2004
être transportés dans le désert, dans les montagnes ou en mer. Les dattes étaient
également entassées dans de petits locaux dont le sol était équipé pour recueillir le
précieux sirop qui s’écoulait des fruits.
Comme avec le chameau, tous les produits dérivés du dattier étaient utilisés. Les
feuilles étaient utilisées pour faire les murs et le toit des maisons ‘arish ou le tapis
protecteur dans les greniers des bâtisses plus solides construites en blocs de corail.
Le tronc servait de charpente dans les forts et les tours en briques argileuses et en
pierre. Aujourd’hui, on continue à tisser les feuilles du dattier pour en faire des
paniers, des sacs, des bols, des couvercles, des tapis et des balais. Avec la nervure
centrale des palmes, on a même fabriqué des bateaux (les shashah, sorte de canoës)
dont on trouve encore certains exemplaires à Fujaïrah et Kalba, sur la Côte Est. Le
tronc du dattier était souvent évidé pour former un mortier servant à écraser le blé.
Le pilon était façonné dans une souche.
Le pays étant maintenant plus prospère, ses habitants dépendent moins des
dattes pour leur survie. Malgré tout, la technologie moderne et les plantations
intensives ont transformé cette culture de subsistance en une grande industrie
agricole qui fournit les marchés nationaux et exporte dans le monde entier (voir
Agriculture et Pêche). On recense aujourd’hui plus de 40 millions de dattiers dans
les Émirats.
LES PERLES
La pêche aux perles, sur cette côte des Émirats riche en coquillages, est une activité
économique qui existe depuis très longtemps (voir Histoire). Pour les habitants, c’est
une des manières traditionnelles d’exploiter les ressources naturelles dont ils disposent.
Le commerce de ce précieux produit a connu des hauts et des bas au fil des
siècles. À la fin du XIXe siècle, cette activité était florissante et la plupart des
hommes valides s’engageaient comme plongeurs (ghaus) pendant les quatre mois
d’été ; en hiver, les membres des clans Bani Yas basés à Liwa quittaient la côte et
revenaient chez eux pour s’occuper de leurs plantations de dattiers.
On a calculé qu’au début du XXe siècle, plus de 1200 bateaux perliers opéraient
dans la région, chacun avec un équipage de 18 personnes en moyenne. Cette flotte
quittant le port devait être un spectacle fantastique. Mais pendant l’été plus de 22 000
hommes travaillaient sur les bancs de perles. Ces longues absences de leur époux
obligeaient les femmes à assumer d’énormes responsabilités au sein de leur famille,
tant sur le plan social qu’économique.
Pour les hommes, les conditions à bord étaient rudes et le travail pénible mais les
bénéfices réalisés après une bonne pêche justifiaient cette vie. Mais si la récolte était
médiocre, les hommes se retrouvaient criblés de dettes. Bon nombre des tribus Bani
Yas formèrent des coopératives, ce qui leur permettait d’acheter en commun un
bateau perlier ; ils partageaient alors les recettes selon un barème bien établi : la
part du lion revenait au capitaine (nakhuda) et les plongeurs recevaient une quote-part
plus importante que les équipiers restant à bord ; enfin, une fraction était réservée au
financement de l’expédition suivante. Sur plusieurs générations, certaines tribus de
pêcheurs se fixèrent dans des endroits précis et firent la prospérité de villes côtières
L’HISTOIRE ET LES TRADITIONS
comme Abu Dhabi, Dubaï et Ra’s al-Khaimah. Mais ces villes furent gravement
touchées par l’effondrement du marché des perles dans les années 40.
La pêche aux perles ne figure plus parmi les activités économiques des Émirats
mais la tradition est soigneusement conservée ; beaucoup de temps et d’efforts sont
consacrés à la préservation, pour les générations futures, de cette coutume ancestrale.
LA PÊCHE
Dans un pays offrant des ressources limitées, les habitants ont exploité au maximum
tout ce qu’avaient à offrir les plages, les bancs de sable, les criques et les îles de cette
côte de 600 kilomètres bordant le golfe Arabique. À la recherche de quoi se nourrir,
les hommes ont même peuplé de nombreuses îles plus éloignées. Bien qu’aujourd’hui
on emploie des méthodes modernes (voir Agriculture et Pêche), les techniques
traditionnelles restent populaires auprès des artisans pêcheurs.
Découverts à marée basse, les grands bancs de sable qui caractérisent une grande
partie de la côte du Golfe se prêtent parfaitement à la pose de filets et de nasses.
Les casiers à poissons sont de deux types – le hadra, casier fixe en forme de V dans
lequel le poisson est guidé le long d’une barrière de filet tendue sur des piquets et
arrive dans un petit enclos où il est ramassé à marée basse ; il y a aussi le garghour,
petit piège mobile en feuilles de dattier tissées, lesté par des pierres et garni d’appâts
qui attirent le poisson dans un goulot étroit. Outre le poisson, les tortues et les
dugongs – aujourd’hui protégés – apportaient autrefois les protéines nécessaires à
l’alimentation. Les dugongs étaient traqués au canoë dans les hauts fonds, mais le
succès de la chasse dépendait de l’habilité du pêcheur qui devait se mettre à l’eau
et se battre avec sa proie. Sur certaines plages à l’époque de la ponte, on récoltait
aussi des œufs de tortues et d’oiseaux de mer.
Sur la Côte Est moins abritée, là où les pêcheries sont remplies par les mouvements de
l’océan Indien, la pêche aux sardines était et reste l’activité la plus profitable. Des
bateaux en bois, avec 20 hommes à bord, étaient autrefois utilisés pour tendre un
filet lesté d’environ 100 mètres parallèlement au littoral. Pour les poissons plus
gros, tels que le thon ou le requin, on avait recours à des filets et à des lignes plus
robustes. Les pêcheurs de la Côte Est se servaient aussi d’une barque spéciale, sorte de
canoë (shashah) faite de feuilles de dattiers. Les poissons qui n’étaient pas consommés
immédiatement étaient étalés sur la plage ou suspendus au soleil pour sécher ; ou
encore, on les salait avant de les transporter dans les villages de l’intérieur où ils
étaient une source de protéines très appréciée. Une partie du menu fretin était donnée
aux chameaux.
La pêche constitue toujours une activité importante aux E.A.U. (voir section sur
les sociétés de pêches dans le chapitre sur le Développement Economique), mais
les méthodes ancestrales font place à des techniques plus sophistiquées et les
bateaux traditionnels à des navires modernes et à haut rendement.
LA CONSTRUCTION NAVALE
La région qui forme aujourd’hui les Émirats, particulièrement autour de Ra’s al-Khaimah
et la Côte Est, était célèbre pour les prouesses de ses marins et la beauté de ses
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REVUE ANNUELLE DES ÉMIRATS ARABES UNIS 2004
vaisseaux marchands, ces élégants boutres (dhows) de bois qui partaient des ports
des E.A.U. pour sillonner l’océan Indien, établissant des liens commerciaux avec des
pays lointains. Les pêcheurs de perles utilisaient également ces boutres mais ceuxci étaient équipés de plateformes de plongée et devaient servir d’habitation aux
pêcheurs pendant de longs mois.
Le plus souvent, les gros navires étaient construits en Inde, mais à l’apogée de la
pêche aux perles, une industrie navale indigène, utilisant le bois importé, s’est
développée, surtout pendant l’âge d’or de la pêche aux perles. Heureusement, bien
que d’énormes navires modernes soient aujourd’hui utilisés pour le transport, la
construction de boutres demeure une tradition bien vivante dans les Émirats : on
construit aujourd’hui au moins autant de boutres qu’au début du siècle dernier. À
cette époque Umm al-Qaiwain était un centre très dynamique dans ce domaine.
Aujourd’hui Ajman possède le plus important chantier naval de la côte, mais la
plupart des autres États pratiquent aussi cette activité. Ces endroits sont fascinants
à visiter à cause de l’atmosphère qui y règne. Des boutres à moteur continuent à
être utilisés pour le transport régional des marchandises et la pêche mais ce sont les
course de voiles et d’aviron, extrêmement populaires aux Émirats, qui continuent à
faire vivre cette activité traditionnelle.
Les méthodes de construction de ces élégants bateaux ont peu changé au cours
des siècles. Le bordé est formé en installant d’abord les planches, puis les membrures,
à l’inverse des méthodes européennes. Il est à franc-bord, c’est-à-dire que les planches
sont posées bord à bord. Des centaines et parfois des milliers de trous sont percés
à la main pour éviter que le bois ne se fende ; de longs clous fins, enveloppés dans
de la fibre huilée fixent les planches à la carcasse. Le travail est réalisé sans plans ni
croquis, les dimensions sont déterminées d’un simple coup d’œil et leur exactitude
est le fruit de l’expérience. Des gabarits sont cependant utilisés pour donner sa forme
à la coque. Il semble que les ouvriers travaillent d’instinct mais, en fait, un maître
artisan chevronné (ustadh) surveille les travaux. Les outils sont simples : marteaux,
scies, herminettes, forets, ciseaux, rabots et ciseaux de calfat. La construction d’un
gros bateau peut nécessiter jusqu’à dix mois ; les plus petits, par exemple les shu’i,
prennent de un à quatre mois.
LA FAUCONNERIE
La fauconnerie, ancienne méthode de chasse des habitants du désert est devenue
aujourd’hui une activité sportive traditionnelle. Les rapaces les plus couramment
utilisés demeurent le faucon sacre et le faucon pèlerin. Ceux-ci étaient jadis attrapés
le long de la côte pendant la migration d’automne, puis dressés à la chasse avant
d’être libérés au printemps.
Une fois que le fauconnier avait réussi à prendre un de ces oiseaux très recherchés,
il disposait de deux ou trois semaines pour le préparer à la chasse aux outardes
houbara qui arrivaient en migration. Les dresseurs procédaient en développant un
sentiment de confiance chez le rapace, ce qui demandait beaucoup de savoir-faire
et explique que ces personnages étaient très respectés par les fauconniers du monde
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REVUE ANNUELLE DES ÉMIRATS ARABES UNIS 2004
entier. Il fallait que le dressage soit terminé dès l’arrivée des premières outardes et
la chasse durait pendant tout l’hiver. Bien que les outardes soient la proie préférée
des bédouins, ceux-ci se servaient également des faucons pour attraper des courlis
de terre et des lièvres. De concert avec des lévriers persans, ils chassaient aussi parfois
la gazelle.
Aujourd’hui, beaucoup de ces oiseaux sont importés. En fait, actuellement, la
fauconnerie se pratique surtout hors des frontières ; les Émirats consacrant en outre
des efforts très importants dans la recherche pour la préservation des faucons. Un
programme de reproduction en captivité a été lancé afin de réduire le nombre d’oiseaux
pris dans la nature ; par ailleurs, l’Agence pour la recherche sur l’environnement et
le développement de la faune et de la flore (ERWDA) surveille par satellite la migration
des faucons afin d’évaluer leur taux de survie après la période de chasse. Les
Émirats sont également les pionniers de l’élevage des outardes qui, elles aussi, sont
suivies par satellite pendant leur voyage aller-retour entre Abu Dhabi et la Chine. Les
faucons de chasse des Émirats sont choyés par leurs propriétaires et des hôpitaux
vétérinaires ont été créés spécifiquement pour ces rapaces.
LE CHEVAL
Ancêtre du cheval de course d’aujourd’hui, le cheval arabe a joué un rôle noble tout
au long de l’histoire de cette région. Des fouilles exécutées à Mleiha, dans l’émirat
de Sharjah, ont montré qu’il y a plus de 2000 ans, des étalons caparaçonnés d’or
étaient enterrés auprès de leur maître afin de bien souligner le rang social de ce
dernier. L’endurance de ce cheval vaillant, loyal et doux a inspiré de merveilleux
poèmes arabes. Aujourd’hui, les E.A.U. se spécialisent dans l’élevage de cette race
et jouent un rôle de premier plan dans sa conservation. Les Émirats parrainent
également des courses réservées aux chevaux arabes dans de nombreux pays,
notamment en Grande-Bretagne, en Allemagne et en Australie. Même s’il n’a pas la
rapidité d’un pur-sang, le cheval arabe est apprécié pour sa résistance et sa capacité
à parcourir de longues distances. Les courses d’endurance couvrent parfois plus de
100 kilomètres. Les cavaliers des Émirats comptent parmi les meilleurs professionnels
de ce sport qui met à l’épreuve aussi bien la résistance de l’homme que celle de sa
monture (voir Sports et Loisirs).
L’USAGE TRADITIONNEL DES PLANTES
Entièrement adaptés à la vie dans le désert, les bédouins des E.A.U. connaissaient
parfaitement les vertus médicinales de sa flore. Encore aujourd’hui, les habitants de
ces régions utilisent avec profit les plantes médicinales. Les graines de Cassia italica, ou
séné, sont utilisées comme laxatif et sont supposées soulager les douleurs d’estomac. Les
graines de la coloquinte, Citrulus colocynthis, sont censées guérir le diabète. La sève
amère de l’arbre à soie, Calotropis procera, était séchée et utilisée pour plomber les dents
creuses ; les parties fibreuses de la plante étaient brûlées pour fabriquer le charbon
de bois qui entrait autrefois dans la fabrication de la poudre à canon. Ses feuilles
servaient à la confection de cataplasmes qui étaient appliqués sur les articulations
L’HISTOIRE ET LES TRADITIONS
pour soulager les rhumatismes. Ces feuilles servaient aussi d’engrais ; travaillées
dans la terre autour des racines d’un palmier chétif, elles lui redonnaient santé et
vitalité. La Salsola imbricata et plusieurs espèces de Suaeda étaient séchées et
réduites en poudre à priser, capable de dégager les sinus.
Tout le monde connaît le henné, plante dont on se sert pour teindre les cheveux
et se décorer les mains et les pieds à l’occasion d’un mariage ou des fêtes de l’Id alAdha et de l’Id al-Fitr. Pour faire une pâte de henné, des feuilles et des baies séchées
sont écrasées et mélangées avec des herbes médicinales, dont une en particulier
contient un pigment bleu. La pâte est alors appliquée sur la peau pour réaliser des
motifs compliqués. Les cataplasmes de feuilles de henné sont également utilisés
pour soulager les maux de tête. La plante vénéneuse Rhazya stricta est utilisée en
quantités infimes pour venir à bout des embarras gastriques. Le Teucrium stocksianum,
une herbe très odorante qui ressemble à la sauge, est utilisée pour combattre la
fièvre. Les graines d’acacia nilotique, Acacia nilotica, sont réduites en poudre pour
dessécher les brûlures au second degré.
Aujourd’hui, ce savoir ancestral sur la flore locale et ses propriétés biochimiques
fait l’objet d’une étude scientifique. Le Complexe Zayed pour la phyto-recherche et
les médecines douces, qui a été fondé à Mafraq, utilise une technologie moderne dans
le but d’établir une industrie phytopharmaceutique de pointe, reposant entièrement sur
les remèdes naturels.
MUSIQUE, DANSE ET POÉSIE
Les Émirats ont une longue tradition de musique et de danse, ces deux formes d’art
ayant joué un rôle capital dans la vie de leurs habitants. Des chansons étaient
composées pour accompagner différentes tâches, pour remonter l’eau d’un puits ou
plonger sur les bancs d’huîtres perlières du Golfe. Sur les bateaux, un chanteur
professionnel (naha’an) entamait son chant et tous les plongeurs et matelots se
joignaient à lui en travaillant en cadence. Chaque chant avait un rythme bien
particulier, adapté à une tâche précise ; tout comme les chansons des matelots
occidentaux, cette musique avait pour but de stimuler et de coordonner les efforts
de l’équipage.
Dans le désert, le soir autour des feux de camps, les hommes se rassemblaient
pour parler et échanger les dernières nouvelles. C’était également l’occasion de
raconter des histoires et de réciter des poèmes, le plus souvent en dialecte, ou
nabati. La parole a toujours été la forme artistique privilégiée par ces tribus qui
manquaient des matériaux nécessaires à des formes plus tangibles d’expression
artistique. Aujourd’hui, bien que la vie ait complètement changé dans les Émirats,
la poésie nabati reste un mode d’expression populaire et le diseur est un personnage
très respecté.
Pendant les festivals, les chansons et les danses jouaient un grand rôle ; beaucoup
ont survécu depuis ces temps anciens et sont parvenues jusqu’à nous. Les jeunes
filles se balançaient au rythme de la musique en faisant ondoyer leurs longs cheveux
noirs. Les hommes se livraient à des simulacres de batailles ou d’expéditions de chasse,
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REVUE ANNUELLE DES ÉMIRATS ARABES UNIS 2004
en utilisant des bâtons, des épées ou des fusils. Aujourd’hui, des groupes folkloriques
perpétuent cette tradition pendant les festivités émiriennes et vont même présenter
ces spectacles, toujours très acclamés, à l’étranger.
L’ARCHÉOLOGIE
Encore une fois, au cours de l’année 2003, d’importantes découvertes archéologiques
et paléontologiques (fossiles) ont été faites dans les Émirats Arabes Unis ; l’année a
vu également la publication de deux ouvrages consacrés au patrimoine archéologique
du pays. La plupart de ces découvertes ont été présentées lors d’un séminaire qui a
eu lieu en avril à Al Ain. Ce séminaire était organisé par le Centre Zayed de l’histoire
et du patrimoine, une division du Club du patrimoine des Émirats.
Les travaux paléontologiques ont été menés par le Centre d’études archéologiques
des îles d’Abu Dhabi, ou ADIAS, (www.adias-uae.com). Après la découverte en 2002
à Ruwais, à l’ouest d’Abu Dhabi, d’une défense d’éléphant de 2,54 mètres datant de
la fin du miocène, c’est-à-dire il y a 5 ou 6 millions d’années, ADIAS a continué ses
recherches dans la même zone avec l’aide de l’Abu Dhabi Oil Refining Company,
Takreer. Une seconde défense, de 1,9 mètre de long, ainsi que plusieurs côtes, ont
été découvertes au début de l’année, avec une paire presque complète de mandibules
(maxillaires inférieurs) appartenant à un troisième éléphant. D’autres découvertes,
dont deux dents d’éléphant, ont été faites en novembre. Le site de Ruwais, de toute
évidence, se classe parmi les sites fossiles du miocène les plus riches d’Arabie.
À plusieurs kilomètres vers l’est, ADIAS a repéré deux sites qui semblent recéler
des empreintes fossilisées de pieds d’éléphant, datant elles aussi de la fin du miocène ;
ce sont les seules empreintes de ce type et de cette période connues en Arabie.
Dans le domaine de l’archéologie, des travaux ont été entrepris au cours de
l’année passée à travers tous les Émirats sur des périodes allant de la fin de l’âge de
pierre, de 5500 à 3500 av. J.-C. à la basse période islamique.
À Abu Dhabi, les fouilles menées par ADIAS sur un site de l’île de Marawah ont
mis à jour trois bâtisses ayant des murs de près d’un mètre de hauteur. Dans un
premier temps, ces vestiges ont été jugés comme appartenant à la fin de la période
pré-islamique ; on sait maintenant que le site date de la fin de l’âge de pierre, une
datation de cendres au carbone 14 donnant le début du 5e millénaire av. J.-C. (environ
4750 av. J.-C.). Ces bâtiments sont les vestiges les mieux conservés de cette époque
jamais trouvés en Arabie sud-orientale. D’autres travaux d’excavation devraient
commencer au printemps 2004.
Dans la région Al Ain de l’émirat d’Abu Dhabi, d’autres fouilles ont été effectuées
par une équipe franco-écossaise sur le site mortuaire N de Hili, site datant du troisième
millénaire av. J.-C. Travaillant avec le Département des antiquités et du tourisme de
la région est d’Abu Dhabi, l’équipe a jusqu’ici identifié les vestiges de 700 sépultures.
Les études des ossements révèlent que les gens de cette époque avaient une
espérance de vie de 30 à 40 ans. La plus grande partie de la poterie trouvée sur le
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REVUE ANNUELLE DES ÉMIRATS ARABES UNIS 2004
site est locale mais certains articles viennent de la vallée de l’Indus et du sud-est de
l’Iran ; des bijoux viennent de mines d’Inde et d’Afghanistan.
À Dubaï, pendant l’année 2002 et jusqu’au début de 2003, un programme d’étude
couvrant deux saisons et portant sur les zones désertiques des Émirats, a été mené
par une équipe du Musée de Dubaï, musée qui fait désormais partie du Département
du marketing touristique et commercial. Vingt-cinq sites datant de la fin de l’âge de
pierre ont été identifiés à Tawi al-Ashush, Hafeer et Saruq al-Hadeed. Un autre site
à Tawi al-Ashush a révélé un village du troisième millénaire av. J.-C. avec des poteries
et des foyers typiques ; un monticule d’une surface de 150 mètres carrés reste encore
à excaver.
Sept sites de l’âge de fer ont été trouvés, un dans la région de Souq et six à Saruq
al-Hadeed ; des poteries, des fragments de vaisselle en pierre tendre et des outils de
métal y étaient dispersés sur une vaste zone. Les excavations au Site 8 de Saruq alHadeed ont montré que le village se trouvait à environ 220 centimètres en dessous du
niveau actuel des sables, ce qui montre à quel point le paysage a changé au cours
des 2000 à 3000 ans passés.
Plusieurs sites de surface datant de la basse période islamique ont également été
trouvés, dont celui de Tawi al-Ashush qui pourrait avoir été un campement le long d’une
voie qui traversait le désert et reliait Al Ain à Dubaï.
Ailleurs, une équipe allemande de l’université de Munich a entrepris d’autres travaux
à Al Sufouh-2, juste derrière l’Internet City de Dubaï et à environ 1,5 kilomètre de
la côte actuelle. Ce site se caractérise par la présence de nombreux foyers et ossements
de chameaux.
Les os sont étagés sur deux couches et dans la couche inférieure, ils sont accompagnés
de poteries de la période Wadi Suq (début et milieu du second millénaire av. J.-C.).
Ce fait donne au site une importance particulière pour ceux qui étudient la domestication
du chameau qui, pense-t-on, se serait produite vers cette époque. Une nouvelle saison
de travaux avait commencé sur ce site à la fin de 2003.
À Sharjah, une équipe rassemblant des membres de la Direction archéologique et
des étudiants de l’université allemande de Tubingen, a commencé sa 8e saison de
fouilles sur un site mortuaire datant de la fin de l’âge de pierre à Jebel Buhais, au
sud de Dhaid. Ce site contiendrait plus de 500 sépultures et un certain nombre de
foyers qui fournissent des indications sur le régime alimentaire de ses occupants. La
présence de coquilles de mollusques marins indique que les habitants de Jebel Buhais
faisaient des échanges avec la côte, distante de 60 ou 70 kilomètres.
Une découverte importante a été faite sur ce site : il s’agit d’une ancienne source,
dont la datation à l’uranium-thorium indique qu’elle se serait tarie vers l’époque où
le cimetière a été abandonné. Les bouleversements climatiques dans les Émirats ont
eu un impact majeur sur le mode de vie de leurs habitants. On sait que ces changements
se sont produits pendant le troisième et second millénaire av. J.-C. ; le site de Jebel
Buhais confirme qu’un autre changement s’est produit au 4e millénaire av. J.-C.
Les fouilles menées à Umm al-Qaiwain au cours de 2003 se sont concentrées sur
un site de la fin de l’âge de pierre, sur l’île d’Akab, près de la ville de Umm al-Qaiwain.
L’HISTOIRE ET LES TRADITIONS
Cet endroit avait déjà été étudié au début des années 90 par une équipe française
du Centre national des recherches scientifiques et s’était révélé être un grand site
de dépeçage des dugongs. Bien qu’encore présents en nombre considérable à l’ouest
de la ville d’Abu Dhabi, le dugong a pratiquement disparu des eaux des Émirats du
nord ; seuls un ou deux y ont été repérés au cours des vingt dernières années ; le
site d’Akab donne la preuve de la présence de cette espèce dans l’ensemble de la
région et montre les effets d’une chasse qui a duré plusieurs milliers d’années.
Le Département du patrimoine d’Umm al-Qaiwain et une équipe du Musée
municipal de Paris se sont livrés à des études stratigraphiques de l’île qui ont permis
d’identifier d’autres zones habitées. Akab semble avoir été, depuis le début du 5e
millénaire av. J.-C. et jusqu’à la fin du 4e millénaire av. J.-C., une base saisonnière
pour la chasse et la pêche.
Dans l’Émirat le plus au nord, Ra’s al-Khaimah, les archéologues ont découvert,
au cours d’études réalisées en février, une énorme muraille. À l’origine, on pensait
que ce mur, appelé ‘Wadi Sur’ par la population locale, était un barrage servant à
protéger la région des crues du Wadi Bih ; mais une étude plus poussée a révélé qu’il
s’agissait d’une fortification, constituée à l’origine d’une digue en gravier surmontée
d’un mur de briques crues.
Cette structure longue de 7 kilomètres va de la région de Nakheel au lieu dit ‘Palais
de la Reine de Sheba,’ près de Shimal et elle est préservée jusqu’à une hauteur de
2 mètres. Le mur de fortification montre clairement les vestiges de tours rondes qui
s’élevaient au-dessus. Il y avait près de 50 tours, espacées de 150 mètres, mais très
peu subsistent encore. Un fossé d’au moins 2 mètres de profondeur longeait la
muraille à l’extérieur, rendant les assauts encore plus difficiles et doublant presque
la hauteur de cet édifice défensif.
Aucune autre structure de ce type n’est connue en Arabie du sud-est et l’on pense
que ce mur a été construit pour défendre les vergers de palmiers de Shimal et de
Nakheel. Cette région fertile approvisionnait la ville marchande de Julfar qui connut
une grande prospérité entre le XIIIe et XVIe siècle de notre ère.
Sur la Côte Est des Émirats, une équipe de Français du CNRS a effectué des fouilles
pour la seconde année consécutive près de Bithna, dans le Wadi Ham. Les travaux,
réalisés sous l’égide du Département du patrimoine et des antiquités de Fujaïrah ont
porté sur un complexe datant de l’âge de fer, en particulier sur une petite vallée
d’environ 80 mètres par 100 qui avait été complètement entourée de fortifications ;
un autre site tout proche possède ce qui semblerait être un temple.
La ville de Bithna est située à un emplacement qui permettait à ses habitants
d’exercer un contrôle sur le passage à travers le Wadi Ham, une des voies principales
entre la Côte Est des Émirats et le golfe Arabique ; la ville elle-même est bien connue
aujourd’hui pour son impressionnante forteresse datant de la basse période islamique.
La découverte d’un village datant de l’âge de fer indique que la valeur stratégique de
ce site n’avait pas échappé à ses habitants d’il y a 3000 ans.
Également à Fujaïrah, une étude détaillée a été menée sur un complexe contenant
plus de 120 tombes pré-islamiques, à Wadi Saqamqam, au nord de la capitale. Ce
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REVUE ANNUELLE DES ÉMIRATS ARABES UNIS 2004
complexe, qui n’a été découvert qu’en 2001, est l’un des plus importants de ce type
jamais identifié sur la Côte Est des Émirats. Les travaux, réalisés par une équipe de
ADIAS en association avec le Département du patrimoine et des antiquités de Fujaïrah
ont été parrainés par Dolphin Energy, la grande compagnie gazière d’Abu Dhabi
dont les pipelines reliant Al Ain à la ville côtière de Qidfa passent tout près du site.
Le Département du patrimoine et des antiquités de Fujaïrah s’est employé, au
cours de l’année passée, à terminer la restauration du Fort de Fujaïrah, aux abords
de la ville actuelle ; il a également commencé à restaurer un fort datant de la basse
période islamique à Awhalla, fort lui-même construit au-dessus d’une forteresse plus
ancienne (et bien plus grande) datant de l’âge de fer.
Les études sur les dernières années de la basse période islamique dans les Émirats
sont relativement rares, probablement parce que cette période, qui ne s’est achevée
qu’avec la découverte du pétrole, est très récente, mais aussi parce que de nombreux
archéologues travaillant dans le pays ont préféré se consacrer à des périodes plus
anciennes. Une étude importante a toutefois été réalisée, au cours de l’année 2003,
sur un village fortifié à Fara dans le Wadi Farfar, où se situait la résidence d’un membre
de la famille Al Sharqi qui règne sur Fujaïrah.
Bien que ce village ne soit vieux que d’un demi-siècle, il est intéressant car c’est
un exemple de ces groupements fortifiés que l’on trouve à travers toute l’Arabie du
sud-est ; il illustre une tradition architecturale qui remonte au moins au XVIe et
XVIIe siècle.
Des renseignements ethnographiques ont été recueillis auprès des anciens habitants
de la maison principale ; le style architectural, les détails de construction, les objets
et les poteries ont également été étudiés. Les recherches qui ont également porté
sur les maisons plus modestes des alentours, sur les jardins et les cimetières, ont
donné un aperçu très utile des aspects peu documentés de la vie dans un village
émirien traditionnel.
Enfin, deux nouveaux livres importants sur l’archéologie du pays ont été publiés
pendant l’année.
L’un, sous le titre Archaeology of the United Arab Emirates, rédigé par le professeur
Dan Potts, de l’université de Sydney, le Dr Hassan Naboodah, du Centre Zayed du
patrimoine et de l’histoire, et Peter Hellyer, directeur exécutif du Centre d’études
archéologiques des îles d’Abu Dhabi, comporte 25 chapitres consacré à l’archéologie. Il
a été présenté lors d’une conférence sur l’archéologie des Émirats, organisée par le
Centre Zayed en avril 2001.
La plupart des auteurs qui ont contribué à cet ouvrage, publié en arabe et en anglais,
sont des archéologues qui travaillent aux Émirats depuis les trente dernières années.
Le second ouvrage est une étude des mines de souffre datant de la basse période
islamique à Jebel Dhanna, dans l’ouest d’Abu Dhabi ; ce sont les seules mines de ce
type dans toute l’Arabie du sud-est. Découvertes puis étudiées par ADIAS, ces mines
fournissent des renseignements précieux sur une partie jusque là peu connue de
l’histoire industrielle des Émirats. Cet ouvrage, intitulé Sulphur, Camels and Gunpowder
– The Sulphur Mines at Jebel Dhanna, Abu Dhabi, United Arab Emirates – An
L’HISTOIRE ET LES TRADITIONS
archaeological site of the late Islamic period, (Soufre, chameaux et poudre à canon –
Les mines de soufre de Jebel Dhanna, Abu Dhabi, Émirats Arabes Unis – Un site
archéologique de la basse période islamique), est rédigé par le directeur académique
d’ADIAS, le Dr Geoffrey King, de la Faculté des études orientales et africaines de
l’Université de Londres. Cet ouvrage est publié par ADIAS avec l’aide de l’Abu Dhabi
Company for Onshore Oil Operations (ADCO) qui a également financé l’étude du site.
SOMMAIRE
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