Entretien avec Klaus ROEH

Transcription

Entretien avec Klaus ROEH
HISTCOM.2
Histoire interne de la Commission européenne 1973-1986
Entretien avec
Klaus ROEH
par Guia Migani
à Overijse, le 6 juin 2011
Transcription révisée par KLAUS ROEH
En annexe : Remarque finale ajoutée par
Klaus Roeh
Coordonnateur du projet :
Université catholique de Louvain (UCL, Louvain-la-Neuve),
dans le cadre d’un financement de la Commission européenne.
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HistCom.2 « Histoire interne de la Commission européenne 1973-1986 »
Entretien avec Klaus ROEH (06.06.2010)
GM : Guia Migani
KR : Klaus Roeh
GM : Aujourd’hui nous sommes le 6 juin 2011. Guia Migani interviewe M. Klaus Roeh.
Pouvez-vous nous dire quelques mots sur votre formation ?
KR : J’ai une formation d’économiste. Quand j’ai fait mon Bac, je me suis dit « qu’est que je
peux faire ? » Mon père qui était à la Deutsche Shell m’a conseillé de commencer par la base ;
faire un apprentissage. En Allemagne on commence par l’apprentissage, ensuite on suit les
autres étapes, mais au début c’est toujours l’apprentissage. Alors j’ai fait mon apprentissage
dans une firme qui s’appelle Phoenix Gumminerke mais qui aujourd’hui n’existe plus, elle est
allée chez Continental. Et j’y ai passé 2 ans et demi, mais les derniers 6 mois j’avais
commencé à étudier et quand j’ai fait mon passage au Bac il y a eu une nouvelle, comme quoi
si on voulait avoir un diplôme il fallait faire 4 ans à la place de 3 ans. A l’époque c’était
comme ça. C’est en 1953 environs. Alors j’ai dit « pourquoi moi ? Si j’ai mon diplôme je vais
le faire en 3 ans. » Et pour la première année j’ai fait Hamburg-Harburg et il fallait faire un
trajet en train de Harburg à Hambourg. Ensuite j’ai eu mon diplôme dans le
Betriebswirtschaftslehre. Alors j’ai commencé à penser à quoi faire et je suis tombé sur une
firme qui s’appelait à l’époque Margarine-Union (qui était une filiale de Univeler) dans un
département d’analyse de la comptabilité, c’est à dire qu’ils avaient beaucoup de filiales en
Allemagne et ils m’ont envoyé d’abord à Mannheim où je suis resté pendant un an à peu près.
A partir de Mannheim je devais partir pour d’autres régions du sud de l’Allemagne, mais je
vous épargne tout ça … et ensuite je suis finalement arrivé à Düsseldorf et Hambourg, mais à
Hambourg je voulais quand même faire ma thèse de doctorat et je me suis demandé où je
pouvais la faire. Alors finalement à Hambourg ça a marché avec ma thèse de doctorat et j’y
suis resté pendant deux ans. Au total j’y suis resté 4 ans à la Margarine-Union, alors il y avait
un professeur très connu qui ensuite sera ministre de l’économie à Bonn : Schiller. Et il m’a
dit qu’il m’acceptait pour faire une thèse sur l’usine de Rourkela. C’était un domaine que je
ne connaissais pas de tout ; mais j’ai dit « ça m’intéresse, je vais m’y mettre ». Je suis alors
parti préparer ma thèse en Inde pendant 10 mois. J’y ai même appris un peu d’hindou. En
Inde je suis allé voir le ministre des mines et j’ai fait plein de choses pendant une année, mais
je suis surtout resté là pour avoir des impressions, parce qu’une comptabilité n’existait pas
encore. Il y avait un groupe allemand qui supportait cette usine. Je suis ensuite rentré à
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Hambourg. Je me suis dit que j’allais d’abord écrire ma thèse, cela m’a encore pris du temps,
mais je me posais la question suivante : « qu’allais-je faire après ?». C’est ainsi que je suis
arrivé à l’aide au développement allemand, mais ça ne les intéressait pas, je n’ai même pas
reçu une réponse après leur avoir écrit et j’ai dit : « ok si vous ne voulez pas de moi je
trouverai autre chose. » Alors je suis passé à Bruxelles où il y avait déjà mon beau-frère – je
m’étais marié entretemps – et mon beau-frère m’a dit : « je te conseille de venir ici. »
GM : En quelle année plus ou moins ?
KR : J’ai eu mon bac en 1952, j’ai eu mon diplôme d’économiste – en allemand on l’appelle
encore Diplôme-Kaufmann, c’était un truc que personne ne comprend − et avec ça j’ai fait ma
thèse de doctorat, que je n’avais pas encore terminée. J’ai laissé le tout à ma femme. J’ai lui
dit : « alors débrouille toi, moi je l’ai écrit et toi tu fais le reste. » Comme ça je suis parti à
Bruxelles. A partir du 22 juillet 1964 j’étais à Bruxelles pour commencer un stage. Parce
qu’ils disaient, « nous avons eu une mauvaise expérience avec un allemand alors nous l’avons
mis à la porte. On n’est pas sûrs de ce que cela va donner avec vous. » J’avais fait un peu de
français à l’école …
GM : Dans quel service étiez-vous en stage ?
KR : J’étais dans l’aide au développement … alors je me suis mis dans une ambiance
francophone. J’ai commencé à apprendre le français, simplement à écouter. Je n’ai pas suivi
de cours, j’avais un livre de grammaire mais pour le reste j’ai écouté, copié etc. J’étais chez
eux à partir du 22 juillet 1964. Il y avait un allemand qui s’appelait Docteur Wirsing, les
allemands sont très capricieux comme des autrichiens, pas tout à fait mais presque. Je n’avais
pas encore mon doctorat ; je l’ai eu un an après. Il m’a dit « vous faites ceci, cela, etc. » Et
vers la fin de l’année 1964 il y a eu un accident d’un collègue allemand. Il est mort dans un
accident de voiture avec sa famille, sa femme et son petit garçon en route vers le
Luxembourg. Il n’y avait pas encore d’autoroute, rien. Il est mort sur le coup, sa femme a été
très gravement blessée, le seul survivant était son fils, un garçon de 2 ans. Ferrandi, le patron
de l’aide au développement, m’a alors pris de côté et il m’a dit : « vous êtes d’accord si je
vous donne un contrat d’expert ? » Moi j’ai dit, « oui d’accord ». « Alors vous aurez autant » ;
en fait la même chose que j’aurais eu en Allemagne et c’est comme ça que j’ai été engagé.
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C’était une direction qui s’occupait surtout de faire des projets. Alors j’ai commencé à
voyager : ma première mission était au Tchad pour prendre un truc pour faire du caoutchouc.
Je me suis arrêté dans la ville où il y a maintenant les combats contre Gaddafi. … je n’avais
jamais été en Afrique, et le lendemain je suis parti et là il y avait déjà le premier incident entre
Tchadiens et de français. Il y avait une attaque contre des femmes qui étaient infermières à
Abéché. Justement je devais aller à Abéché mais finalement je n’y suis pas allé. Après une
semaine, j’ai eu mon premier coup de soleil et je suis rentré.
GM : Donc vous êtes rentré en tant qu’expert et on vous a confirmé par la suite ?
KR : Après on m’a confirmé jusqu’en 1967 quand je suis devenu fonctionnaire avec un grade
un peu plus haut je crois. Je suis devenu A5. A l’époque le système était différent. À l’époque
j’avais encore la responsabilité pour les projets au Rwanda et au Tchad. Au Rwanda j’ai fait
une mission très intéressante pour donner à ce petit pays une base d’électrification.
GM : Vous vous rappelez les différentes étapes de votre carrière ?
KR : Alors j’étais devenu fonctionnaire A5 je pense, et après un certain nombre d’années, 10
ans peut-être, je suis devenu A4 et à ce moment-là c’était le plus grand évènement dans ma
vie, c’était quand les Anglais arrivaient. On pouvait maintenant parler officiellement anglais.
GM : Donc vous êtes rentré en 1964 juste avant l’éclatement de la crise de la chaise vide. Estce cela a eu des répercussions ? Cela n’a pas bloqué votre entrée ?
KR : Non. Nous on était considéré comme un service indépendant même s’il n’était pas
comme ça. Il y avait toujours quand même une réalité. La chaise vide… Nous on disait c’est
De Gaulle … on se n’occupe pas.
GM : Je vous pose la question parce que pour d’autres, la crise a retardé l’entrée dans le
service de la Commission, a bloqué les concours…
KR : Dans mon cas c’était un autre type de contrat … Ferrandi, il s’appelait, il venait de la
Corse, et je l’aimais bien. C’était un type vraiment fort. Les directeurs généraux qui étaient
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au-dessus de lui étaient toujours des allemands et en général ils ne valaient pas grande chose.
C’était lui le patron qui disait oui ou non et c’était comme ça. Il avait aussi un bon assistant
qui s’appelait Cristofini, un nom plutôt italien que français, en tout cas c’était un évènement
majeur. On disait : maintenant le monde s’ouvre sur nous, avant c’était toujours le français ou
l’italien, même si j’avais un travail intéressant. Mais maintenant avec les anglais c’était autre
chose.
GM : Les perspectives s’élargissaient énormément ?
KR : Tout à fait, surtout pour nous ; sinon pour les Européens nous étions un peu moins fiers
parce que les Anglais avaient toujours leurs liens avec l’Afrique. Ils trainaient comme ils le
font toujours.
GM : Est-ce vous étiez membre d’un syndicat de fonctionnaires ? Ou adhérent ?
KR : Simplement adhérent mais pas impliqué. On les a suivi, mais c’était Schubert qui est
maintenant dans la section belge. C’était un type comme ça qui connaissait à fond les choses.
Si on discute maintenant de barème pour les anciens fonctionnaires, il y a encore de choses à
faire. Mais bon ça c’est autre chose. Mais ça ne m’intéressait pas. Il faut dire aussi que je
viens d’une famille… mon père qui était fonctionnaire à la Deutsche Shell, c’est toujours ça
qui a été déterminant. Malheureusement la mère ne comptait pas, au moins à l’époque. Il était
plutôt du côté chrétien, sans aller à l’église, mais il écoutait, mais chez nous les prières le soir
ou au midi, au début, existaient un peu quand j’étais petit mais après pas de tout. Il a disparu à
87 ans. Je n’avais pas de très bonnes relations avec mon père, de mauvaises relations non,
mais avec lui on s’était éloigné, déjà par la distance entre Hambourg et Bruxelles. Et tout cet
éloignement … c’était bizarre.
GM : Votre carrière s’est déroulée normalement ?
KR : Oui, tout à fait normalement. Après quelques années on m’a nommé A4, et après encore
j’étais chef d’unité, à l’époque on disait chef de division
GM : Avec quelles responsabilités ? En charge de quels pays ?
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KR : Non justement. C’est M. Frisch qui était mon directeur général, avec qui j’ai toujours eu
de bonnes relations, et il m’a supporté puisque c’était mon temps. Après mon accès au niveau
A3, j’étais chef d’une unité qui s’appelait… il faut que je m’explique différemment. Quand
La Commission avait dit (avec l’accord des Etats membres) « nous allons financer tel ou tel
projet », c’était au gouvernement ACP de lancer l’appel d’offre qui était ouvert à tous les pays
ACP et de la Communauté ; et il fallait quand même quelqu’un à Bruxelles qui dit : « oui
c’est en ordre et le choix que vous avez fait après cet appel d’offre c’était le bon. Vous pouvez
dire à la délégation d’accepter cet appel d’offre », c’était tout.
GM : C’était une sorte de contrôle.
KR : Tout à fait. Un service de contrôle. Tout ça s’est passé entre 1987 et 1990. Ensuite j’ai
été dans les relations avec la Cour de Comptes jusqu’en 1994.
GM : Vous êtes parti à la retraite en quelle année ?
KR : En 1998 quand j’avais 65 ans, j’ai dit à l’administration que je me sentais assez bien.
Pouvez-vous me prolonger encore 2 ans au-delà de 65 ans, comme ça j’aurai fait 4 ans à la
délégation d’un pays ACP, mais on m’a dit que cela était impossible puisque le statu de
fonctionnaires prévoyait que 65 ans de vie avant la retraite.
GM : Vous étiez où ?
KR : Au Mali, c’était une période intéressante, mais sans préoccupations ; A l’époque ça allait
sans problème. Quand je suis rentré, M. Frisch avait dû partir parce qu’il voulait se séparer du
Commissaire espagnol.
GM : Marin ?
KR : Marin.
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GM : Est-ce qu’après votre départ à la retraite vous avez continué à faire quelque type
d’activité ?
KR : Je n’ai plus rien fait pour la Commission, pour une simple raison, parce que tout a
tellement changé. Quand je suis sorti de la Commission, en mars 1998, il y avait16 États
membres. Maintenant on est à 27 et il y a tout le paquet de gens qui sont venus de Pologne,
Roumanie, Bulgarie etc. Alors ils ont tout changé, les procédures ont changé.
GM : Est-ce vous avez eu un engagement européen avant ou après votre entrée à la
Commission ?
KR : Non, pas d’engagement européen.
GM : Vous avez fait partie de clubs de réflexions sur l’Europe ?
KR : Non je n’avais simplement pas le temps. Il y avait tellement de choses à faire ! J’étais au
bureau de 9h du matin jusqu’à 8 heure du soir, avec une heure à midi parfois oui parfois non.
GM : C’est tout à fait compréhensible, mais qu’est que signifie pour vous la construction
européenne et la CEE?
KR : C’est la seule chose pour survivre ; quand je l’ai fait à l’époque, en 1964, je me suis dit
bon maintenant on va aider, même pour un petit cadre de l’aide au développement, pour
construire une Europe qui pourra aider à construire la grande Europe. Je suis toujours un
européen à 100% convaincu. Je déteste – bon je déteste – les anglais qui ne veulent pas…
mais il faudrait s’y mettre pour faire quelque chose de constructif. En effet il faudrait un
gouvernement européen un peu comme le gouvernement des États-Unis mais bon ça est
beaucoup plus difficile, parce que l’Europe est à l’origine de beaucoup de gens qui font
maintenant les États-Unis, vous pouvez y trouver tous ceux qui sont sorti de leur pays, en
Macédoine et en Serbie et Kossovo etc… tous sont partis aux États-Unis et nous on va
s’occuper du reste et je pense qu’ils ont des qualités. Mais il faudrait trouver une langue. J’ai
lu avec horreur que les italiens et les espagnols se sont exposés pour que leur langue soit
acceptée comme une des langues européennes pour le barème européen…
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GM : Maintenant on aborde la deuxième partie du questionnaire qui porte sur le métier de
fonctionnaire européen, donc on va voir un peu plus en détails vos fonctions et vos activités.
En fait dans la période entre 1973 et 1986 quelles fonctions avez-vous remplies dans le cadre
de votre carrière ?
KR : En 1975-1976 il y a eu un bouleversement. Je m’occupais d’un pays auquel je tiens
toujours beaucoup qui est Madagascar. Madagascar était un pays un peu difficile à
comprendre. J’ai fait plusieurs grands projets, c’est-à-dire j’ai vu passer à travers les
institutions européennes [plusieurs grands projets], et alors en 1975 ou 1976 je suis passé dans
une division, appelée la division de grands projets. Là j’étais devenu responsable pour la
réalisation des grands projets pour la moitié du monde.
GM : Quel type de projets ?
KR : Des projets ‘grands’.
GM : Mais qui intéressaient plusieurs pays ?
KR : On les appelait grands par la taille de leurs investissements. Alors on avait en Somalie
un projet de barrage qui aurait pu prendre plusieurs dizaines de millions de personnes. Nous
avons dit ok. Nous avons réuni autour d’une table 12 potentiels investisseurs pour savoir s’ils
étaient intéressés ; c’était vraiment un bon début d’une négociation pour un projet qui
coûterait beaucoup, quelque chose comme un milliard de dollars − je ne sais plus. Nous
avions un projet au Lesotho. Un projet qui devait produire de l’énergie, parce que le Lesotho
avait été lâché par l’Afrique du Sud parce que il n’avait rien, il y avait juste de rochers, il y
avait juste des roches, des roches des roches des roches : c’est ça que je me rappelle. Et on
devait financer des études parce que dans le nord de l’Afrique du Sud il n’y avait pas d’eau
pour les fermes. Alors pour faire ça il fallait faire un barrage pour faire de l’énergie qu’on
pouvait ensuite exporter. Pour un petit pays qui n’avait rien d’autre c’était un choix
formidable et après l’eau devrait être apportée dans la pleine pour être utile pour les fermiers.
Nous devions le financer, au moins les études, et ça était un des grands projets que j’aurai
bien voulu financer.
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GM : Vous vous êtes occupé de ces grands projets pour combien de temps ?
KR : 7 ans à peu près, jusqu’en 1982.
GM : Après 1982 qu’est ce vous avez fait ?
KR : Après 1982 le directeur général, M. Frisch m’a appelé parce que j’avais une position
presque comme chef d’unité pour une certaine partie du monde. Pour moi c’était l’Afrique de
l’est et l’océan indien. Et l’autre [collègue] avait l’Afrique de l’Ouest avec l’Inde et le
Pacifique, c’est possible…
GM : Frisch vous a appelé en 1982 à cause de la réorganisation de la DG VIII ou c’était juste
à vous à devoir bouger ?
KR : Non c’était dans le cadre d’une réorganisation générale et alors il m’a dit : je vous donne
la Syrie et l’Algérie.
GM : Et ça c’était dans le cadre des accords méditerranéens ?
KR : Voilà, c’était tout à fait un autre type d’accord
GM : Mais c’était toujours la DG VIII qui était en charge ?
KR : Tout à fait. Et après en 1985 ou en 1986 j’ai connu la Syrie surtout, l’Algérie très peu.
Après je suis devenu Chef d’unité pour les appels d’offre pour les pays ACP. C’était assez de
travail. Je crois qu’à l’époque il y avait 13 membres dans mon unité.
GM : Donc à chaque fois qu’il y avait un appel d’offre votre service devait vérifier que tout
était en règle ?
KR : Oui que tout était en règle, que tout était fait selon les habitudes etc. Les délégations en
fait le savaient déjà.
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GM : Ça devait être délicat comme travail.
KR : Tout à fait, c’était très délicat parce qu’avec ma signature la Commission devait dire si
elle était d’accord ou si il y avait telle ou telle remarque à faire. C’était ça, mais bon ça c’était
de 1987 jusqu’à 1993. J’ai eu un infarctus du cœur en 1992, ils m’ont ramené à Bruxelles et
pendant 5-6 semaines j’étais hors combat. Après j’ai recommencé à travailler mais Frisch m’a
dit « je ne vais pas vous laisser dans un poste qui vous rend tellement malade. »
GM : Et comment qualifierez l’organisation du travail dans la DG VIII ? Collectif ? Plutôt
hiérarchique ?
KR : Je trouvais mieux ce qu’on avait fait avant la réorganisation de 1982. Tout était organisé
autour d’un projet. Les aides étaient toutes concentrées. Ça rendait plus accessible les projets,
mieux contrôlables même; Je dirais que c’était une meilleure organisation.
GM : Avant 1982 ?
KR : Avant 1982, oui. Avant 1996 il y avait toujours les détails de l’organisation. Il y avait
des gens qui s’occupaient des projets mais seulement du point du vue économique et du
programme. Le programme d’un pays était établi selon une programmation, c’était la
Commission qui disait : « alors qu’est ce vous voulez faire ? ». Alors le pays disait « je veux
faire ceci et cela » ; alors la Commission le ramenait à des choses un peu plus raisonnables
parce que ils étaient quand même très peu développés et alors on a dit : « bon voilà », alors la
discussion de programmation commençait... il y avait des discussions avec chaque pays. Il y
avait aussi des projets régionaux mais c’était encore autre chose. Alors on a dit « ok, nous
sommes d’accord » et ensuite c’était lancé ; il y avait des modifications dans la
programmation de chaque projet. Et là ça allait. Mais il y avait une rupture, c’était au moment
de la responsabilité technique ; nous, c’était la programmation, eux étaient les techniciens qui
disaient : « nous voulons tel ou tel type de voiture, tel ou tel type de projet pour la
construction routière, etc. » Alors ça a fait beaucoup de dégâts entre les économistes, pour
ainsi dire, et les techniciens avec cette organisation par projet ; il y avait les économistes et les
techniciens dans chaque unité ensemble et chez nous ça allait très bien. Chez d’autres peut
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être ça allait moins bien. On avait des problèmes, mais chez nous ça allait bien parce qu’il
fallait laisser autant de liberté aux gens de l’équipe sans que le chef s’impose à chaque fois. Et
après c’était le retour à l’organisation, c’est-à-dire qu’on a séparé à nouveau les techniciens
d’un côté et les économistes de l’autre. Ça c’est de l’histoire grecque….
GM : Quel type d’ambiance il y avait dans votre service à la DG VIII ?
KR : Bonne, il y avait une bonne ambiance
GM : Tout au long de la période ? Ou il y a eu des moments plus difficiles que d’autres ?
KR : Non il y avait une bonne ambiance. Bien sûr, il y avait des gens qu’on aimait moins. Il y
avait un type qui s’appelait Achermann qui était pas du tout…, qui après a dû quitter la
Commission parce que il a reçu des bribes, je crois, d’une firme allemande. Mais il est mort
depuis longtemps et sa femme aussi, je ne sais pas ce que ses enfants sont devenus. Mais bon,
c’était en fait relativement rare qu’il y a eu des types comme ça. Mais c’était parce que la DG
VIII – comme on l’appelait, maintenant il y a encore des gens, les anciens qui l’appellent
encore comme ça, avec M. Frisch qui disent : « là c’était encore la cohésion », il y avait
encore les délégations dans les pays ACP, etc. − mais il y avait une cohésion, c’était une sorte
de bloc à l’intérieur de la Commission qui était séparé du reste.
GM : C’était une unité qui était quelque chose de différent par rapport à d’autres
directions… ?
KR : Tout à fait. Peut-être aussi parce que ils étaient laissés en bas…
GM : Ils étaient loin des autres bâtiments de la Commission ... ?
KR : Mais il n’y avait pas encore la politique étrangère telle qu’elle existe aujourd’hui avec
Mme Ashton.
GM : Quels étaient vos rapports avec supérieurs hiérarchiques ? Bons, tendus ?
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KR : Il faut le différencier : entre M. Ferrandi et son équipe, ils étaient bons en principe, c’està-dire on essayait toujours de dire « qu’est-ce il pense de ça ? »,… il faut pas aller toucher
mais c’était bien. Le Directeur est parti en 1976.
GM : Ferrandi ?
KR : Oui, Ferrandi est parti en 1976 et les autres… il y avait un type, un allemand que j’ai vu
la première fois en 1964 : M. Wirsing, qui est mort maintenant depuis un an. Il a été au
Cabinet de M. Von Der Groeben, un des premiers commissaires avec Hallstein. Il était un peu
bizarre. Mais il était typiquement allemand… .. Je n’ai jamais eu, malgré le fait que j’ai
travaillé avec lui pendant de longues années, (en fait pas avec lui mais sous sa coupe), j’ai
jamais eu accès à lui personnellement, c’était un peu bizarre. Mais il y avait aussi sa vie
familiale : il avait une femme belge qu’il avait épousée, il avait deux enfants. Sa femme est
morte assez vite, quand les enfants étaient encore petits. Nous, on a réagi en tant
qu’allemand : ça ne m’intéresse pas. Tant qu’il est là, il est mon chef, c’est tout. C’est bizarre.
Alors j’avais encore un directeur qui était chassé par l’anglais Christopher Patten, qui était un
type un peu mou, un peu doux, mais agréable. Il s’appelait Silva Domingos.
GM : En fait quels étaient vos rapports avec vos subordonnés ? Bons ? Dans la norme, il y
avait des contestations ou pas spécialement ?
KR : Pas spécialement,
GM : On peut dire qu’ils étaient bons ?
KR : Oui on peut dire qu’ils étaient bons. J’avais un fonctionnaire qui est devenu un Directeur
Général de la DG VIII après, Stephan… je ne me rappelle plus son nom.
GM : Les initiatives individuelles étaient appréciées, recherchées ou pas vraiment ?
KR : Il y en n’avait pas je crois.
GM : Il fallait travailler en équipe ?
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KR : Il y avait régulièrement une réunion par semaine où ceux qui étaient là recevaient les
ordres du grand chef. C’était tout. Mais chez nous aussi, quand j’étais membre d’une équipe.
GM : Mais s’il y avait quelques initiatives individuelles, elles étaient combattues ?
KR : On l’écoutait mais généralement ça n’existait pas. On avait beaucoup de liberté en
faisant ce travail. C’était très agréable.
GM : Comment l’information circulait-elle ? Par notes ? C’était une circulation plutôt
verbale ?
KR : A l’intérieur des services l’information circulait. Du moment qu’il y avait quelque chose
d’intéressant à dire, ton chef t’appelait dans son bureau…
GM : Donc surtout par mots, directement, non par écrit
KR : Tout à fait. Pas par écrit.
GM : Est-ce vous lisiez les bulletins de l’Agence Europe ?
KR : L’Agence Europe à l’époque, 1973-1986 je recevais les bulletins, ils circulaient dans la
direction. On le regardait, peut-être la première page mais on n’avait pas le temps de le lire.
GM : Est-ce vous avez perçu une évolution dans la langue de travail à la Commission ? Il y a
eu un glissement entre le français, l’allemand et l’anglais ?
KR : Non, je n’ai jamais écrit en allemand, j’écrivais en français et en anglais ;
GM : Mais en anglais après l’entrée de la Grande Bretagne.
KR : Oui bien sûr.
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GM : L’anglais s’est affirmé tout de suite ou il a fallu attendre un moment avant qu’il rentre
dans les habitudes de travail de la Commission ? Ou on est passé tout de suite à l’anglais ?
KR : Vous savez quand deux personnes se rencontrent, l’une parle bien français, l’autre parle
bien l’anglais, alors on va parler anglais, après on teste comme il parle le français et on parle
français. C’est l’anglais ou le français. D’habitude c’est ça. Il n’y a jamais eu de problème
pour la langue. Sauf si on commence à parler russe, mais non ce n’est pas une langue
officielle…. Mais polonais par exemple non. J’ai fait l’effort d’essayer d’apprendre le russe
deux fois. Une fois j’avais 30 ans je n’étais pas encore à la Commission. Après je suis entré à
la Commission et c’était le français. La deuxième fois à 60 ans mais là je suis parti au Mali,
alors de nouveau rien. Là j’ai abandonné. Peut-être à 90 ans…
GM : Peut-être, on ne sait jamais ! Est-ce qu’à l’intérieur de votre Direction vous aviez des
contacts réguliers avec le Cabinet, le Secrétariat général, le Service juridique, quelqu’un à
l’extérieur de la DG ou vos contacts étaient tous à l’intérieur de votre direction ?
KR : Non, c’étaient presque tous à l’intérieur de la DG.
GM : Vous aviez des contacts avec le commissaire ou son cabinet ?
KR : Parfois, mais très irrégulièrement. Je dirais même non. Normalement mes contacts
étaient à l’intérieur de la Direction
GM : Avec les autres services de la Direction ?
KR : Oui
GM : Est-ce qu’il vous est arrivé de coopérer avec d’autres DG ? Par exemple avec
l’Agriculture ou le Commerce ?
KR : Très peu. Les questions commerciales, c’était une affaire pour les gens qui s’occupaient
du commerce à l’intérieur de la Direction Générale. C’était pas qu’on allait voir Monsieur X
qui se serait révolté toute de suite (disant): « Qu’est-ce tu fais dans mon domaine ? »
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GM : Ça ne rentrait pas dans vos compétences.
KR : Non. Si jamais j’aurais voulu faire quelque chose, c’était avec la DG de mon
commissaire allemand. Il m’aurait écouté…
GM : Pas de contacts non plus avec la Direction des Relations extérieures ? Par exemple
quand vous alliez en mission dans un pays comme l’Algérie ou la Syrie, ça vous arrivait de
vous consulter avec les Relations Extérieurs ?
KR : Non c’était moi.
GM : Oui bien sûr mais je me demandais si les relations extérieures avaient quelque chose…
KR : Comme contrôle ?
GM : Non juste pour les informer
KR : Ah d’accord, mais non. Ils n’étaient pas compétents, ils n’avaient rien à me dire. Juste
« donnez-moi une copie de votre rapport ».
GM : Quel rôle estimez-vous avoir joué dans votre service ? Quel bilan tirez-vous de votre
expérience ?
KR : C’est une question que je ne me suis pas posée. J’ai fait mon travail. Je l’ai fait aussi
bien que j’ai pu.
GM : Il vous a donné satisfaction ?
KR : Oui
GM : Vous n’avez pas de regrets ?
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HistCom.2 « Histoire interne de la Commission européenne 1973-1986 »
Entretien avec Klaus ROEH (06.06.2010)
KR : Le seul regret que j’ai est d’avoir été non politicien. C’est ça que je regrette.
GM : Pas assez politicien dans votre travail ?
KR : Oui politicien dans mon travail à la Commission. Mais il faut aussi remarquer que je
n’avais que deux ans environ dans ces deux ans.
GM : Alors globalement vous êtes satisfait, heureux de votre expérience, d’avoir pu voyager ?
KR : Oui j’ai voyagé énormément parfois. J’ai dû aller une fois en Guadeloupe.
GM : Physiquement le travail vous a couté ?
KR : Oui avec Cheysson je crois, c’était mon Commissaire. Ensuite je suis retourné sur Paris
pour aller directement en Afrique du Sud, au Lesotho je crois. On le fait. J’ai dormi chez des
amis à Paris. J’ai voyagé, c’était intéressant de voir tout ça.
GM : Quand vous êtes parti vous avez eu l’impression de partir à la fin d’un cycle à la
Commission, et que donc c’était le moment de partir ?
KR : Non c’était la fin de mon séjour à la Commission. Ce n’était pas un cycle. Peut-être
c’était un cycle pour l’augmentation du nombre des pays africains et d’autres.
GM : Parce que les élargissements ont influencé aussi la manière de travailler … Mais vous
êtes parti peut-être avant de voir tous ces changements se mettre en place.
KR : Tout à fait, il y avait déjà le changement avec l’Autriche. Il est devenu un pays membre
à partir de 1995, et maintenant c’est la Hongrie, la Pologne, la République Tchèque.
GM : Quels ont été les grands évènements qui ont marqué votre période à la Commission à
votre avis ?
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Entretien avec Klaus ROEH (06.06.2010)
KR : Les Anglais. Mon premier chef après l’entrée des anglais était… il venait de
Wales. C’était un anglais, j’avais un très bon contact avec lui.
GM : Comment s’appelait-il ? Foley ?
KR : Ah non, Foley… Foley est mort malheureusement, il était un bon patron mais il n’avait
aucune profondeur.
GM : En fait c’était surtout les Anglais. L’arrivée de la Grèce, des Espagnols et des Portugais,
n’a pas beaucoup d’influence sur le travail de la Commission ?
KR : Les Grecs non. Les Espagnols …, j’avais un Commissaire espagnol, pendant quelques
années qui s’appelait Marin. Il était light-weight. On était avec lui au Luxembourg pour
rendre visite aux gens de la BEI. Pourquoi il nous a amené, je n’ai pas compris. Pour se
donner un air international, peut-être ?
GM : Pour avoir une suite, des personnes avec lui ?
KR : Oui.
GM : Donc à votre avis dans l’impact des élargissements, c’est essentiellement celui de la
Grande Bretagne qui est important ?
KR : oui
GM : Au niveau de la langue, mais aussi de la façon de travailler ?
KR : Il y avait beaucoup de largesse. Les anglais, ils laissaient faire. C’était un résidu de leur
passé colonial. En Europe il faut être prudent, pas s’exposer, ils laissaient faire…
GM : Pas seulement parce que après il y a eu les pays ACP en plus des pays africains ? C’était
vraiment une autre façon de travailler ?
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Entretien avec Klaus ROEH (06.06.2010)
KR : Oui c’était leur manière de travailler. Il signait tout. Maintenant il est mort depuis super
longtemps. C’était un type bien ; il racontait parfois de la Guerre.
GM : Foley ?
KR : Pas Foley ; je crois qu’il s’appelait autrement le type des Wales.
GM : Qui sont pour vous les personnes qui ont marqué les collèges, les personnalités entre
1973 et 1986?
KR : Pour ce que je connais, c’était Cheysson quand il était là, parce qu’après il est rentré en
France en tant que Ministre des Affaires étrangères. Hallstein je ne l’ai pas connu. Son
successeur était Mansholt qui était néerlandais ;
GM : Il y a eu Jean Rey, le belge, pour quelques années.
KR : Oui mais je n’ai pas compris pourquoi on dit tellement de bien de lui. Peut-être il était
bien, peut-être non, mais il ne m’a jamais marqué.
GM : Cheysson en quoi vous a-t-il marqué ? Dans sa vision politique ?
KR : (DING, il fait sonner un verre). Quand nous faisions ça, nous appelions Cheysson.
C’était une brute. Son chef de Cabinet, qui s’appelait Soubestre, un français, quand il était
furieux, il lui lançait à travers la table les dossiers, en lui disant : « qu’est ce vous m’avez fait,
qu’est ce ça ? »
GM : Alors il ne vous a pas tellement marqué en positif ?
KR : Mais non, comme personnalité il était convainquant
GM : Il a donné beaucoup de visibilité à la DGVIII peut-être ?
KR : Oui c’est vrai.
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Entretien avec Klaus ROEH (06.06.2010)
GM : Pisani était autre chose ?
KR : Pisani était une bouteille vide. Il a écrit un article sur Damascus, une cité de Damascus,
alors c’était pour lui la grande ouverture. Il n’a pas laissé de trace, il ne m’a pas marqué
comme Commissaire. Maintenant on a déjà oublié qui c’était.
GM : Donc surtout Cheysson, Hallstein même si vous ne l’avez pas connu.
KR : Hallstein était un type allemand.
GM : Delors peut-être.
KR : Delors oui, mais il ne s’est pas occupé de l’aide au développement. Delors était un type
bien.
GM : Oui mais il n’est pas occupé de l’aide au développement.
KR : Tout à fait.
GM : Est-ce vous avez eu des contacts directs avec Cheysson ou Delors ?
KR : Non, si vous appelez directs : je suis allé avec lui en mission au Lesotho et au Malawi.
GM : Donc il fallait s’adresser à vos supérieurs…
KR : Donc non je n’ai pas eu de contacts directs parce que il m’aurait dit, à moins à mon
understanding, « qu’est ce…, pourquoi vous me parlez de ça ? Ce n’est pas votre domaine. »
GM : Maintenant on aborde la Vème partie du questionnaire qui investit votre lieu de
résidence pour voir comment vous vous êtes installé ou intégré en Belgique. Quels sont les
conditions de votre installation dans votre lieu de résidence ? Comment vous êtes arrivé à
Bruxelles ? Vous avez loué ? Tout de suite acheté une maison ? Comment votre famille est20/33
HistCom.2 « Histoire interne de la Commission européenne 1973-1986 »
Entretien avec Klaus ROEH (06.06.2010)
elle arrivée ici ? Êtes-vous resté à Bruxelles sauf quand vous êtes parti au Mali les dernières
années ?
KR : Nous sommes restés à Bruxelles. Au début avec ma femme on avait loué une sorte
d’appartement, une chambre avec une kitchenette qui était, d’après ce que j’ai compris après,
une location pour des putes. Je connaissais à peine le français…
GM : C’est la première chose ?
KR : Oui, avant je logeais chez mon beau-frère, qui était encore A4, après il a fait une
ascension fulgurante.
GM : Dans quel service ?
KR : C’était un service qui était en train de se créer une position. Malheureusement il est mort
depuis 1980.
GM : Dans quelle Direction ? … Mais il travaillait à la Commission ?
KR : Tout à fait c’est lui qui m’a amené ici et m’a présenté à M. Wirsing, mon futur chef qui
était encore au Cabinet de Von Der Groeben. … mais je ne connais pas ces différentes étapes.
Parce qu’il avait, là où il y a actuellement notre maison, mais derrière, il y a une autre maison
avec un terrain. Il avait été fonctionnaire et moi je ne l’étais pas. Il m’a alors dit que je
pouvais habiter chez lui, c’était dans la rue des maraichers, on était là pendant 2 ou 3 mois ;
après on a loué une habitation à Auderghem où on est resté pendant un an ou deux et ensuite
on est allé à Overjise, pas loin d’ici et on a découvert la grande plaine qui était à vendre etc.
Et depuis lors on est resté.
GM : Vous avez acheté le terrain et fait bâtir la maison ?
KR : Tout à fait. On est là depuis 1969, novembre 1969
GM : Donc vous vous êtes installé assez rapidement ici vu que vous êtes arrivés en 1964
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Entretien avec Klaus ROEH (06.06.2010)
KR : Oui, à l’époque on avait trois enfants, et on a dit pourquoi payer le loyer. Alors j’ai pris
de l’argent de mon père mais qui l’avait pris à sa mère à lui. Sa mère était très âgée, elle avait
presque cent ans quand elle est morte. Elle avait toujours caché son épargne sous son tapis. Il
a pris 8000 Deutsch Mark à l’époque et il me les a donnés. Je les ai rendus une année après.
C’est comme ça que ça marche en Allemagne
GM : En Allemagne comme dans beaucoup d’autres pays.
KR : Oui en Allemagne comme dans d’autres pays….
GM : Vos enfants ont été scolarisés en Belgique ?
KR : Ils étaient scolarisés ici à l’école européenne qui était un bon choix ; il y avait le bus qui
s’arrêtait à 100m de notre porte et qui les amenait.
GM : En fait pensez-vous vous être intégré à Bruxelles ou ici ou est-ce surtout un quartier
d’ex-fonctionnaires européens ?
KR : Quand j’ai pris ma retraite on m’a posé la question : « où est-ce vous voulez habiter ? »
et ils m’ont dit « Vous pouvez habiter où vous voulez dans l’Union Européenne ». Alors j’ai
dit : Bruxelles ne me plait pas. En France on avait acheté entretemps une petite maison de
vacances. Je me suis dit je vais habiter là. C’était à 1800 mètres d’altitude, près de FontRomeu dans les Pyrénées orientales, à 100 km de Perpignan.
GM : Pas tout près
KR : Pas tout près mais mon beau-frère en fait qui s’était déjà acheté une maison là-bas ;
quand il est mort il l’a laissé à sa femme qui voulait la garder. Elle y va toujours avec ses trois
enfants aussi. Entretemps ma fille aussi a acheté une maison tout près de là. Comme ça j’ai dit
je vais aller à Egat. Mais entretemps les médecins m’ont dit : « votre cœur … On n’est pas
très satisfaits. » Alors c’est là qu’il faut décider de garder la maison ou pas. Mais la maison il
faut que je la garde parce que la famille la veut. Parce que mon fils l’aime, parce que ma fille
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Entretien avec Klaus ROEH (06.06.2010)
Nicola la connait. Les autres enfants y vont aussi. Béatrice avec ses 4 enfants… Alors comme
ça j’ai dit ça va aller.
GM : Donc vous partagez votre temps entre la France et ici ?
KR : Je me bats parfois avec l’administration qui me dit : « alors où est-ce que vous
habitez ? » parce que la retraite varie selon l’endroit où on habite. Et là elle est plus haute
qu’ici. Alors j’ai dit pourquoi ne pas habiter là-bas 6 mois de l’année et le reste de l’année ici.
Ici c’est une maison secondaire.
GM : C’est toujours compliqué avec l’administration… Est-ce pendant que vous travailliez
vous vous êtes intégrés à Bruxelles ou vous êtes-vous plutôt resté dans le cadre de la
Commission, des fonctionnaires ?
KR : Oui je restais plutôt entre fonctionnaires ; on a quelques amis qu’on a dû mettre en terre
dernièrement. Mais c’est la vie.
GM : Vous retourniez régulièrement en Allemagne ?
KR : Non, on va à Aix la Chapelle, c’est tout.
GM : Parce que c’est de la que vous veniez ?
KR : Non moi je viens d’Hambourg. Alors on y est allé parfois à Hambourg.
GM : Mais pas régulièrement
KR : Pas de tout
GM : Quand vous étiez à la Commission il vous arrivait de rentrer en Allemagne pour les
vacances, pour voir la famille ?
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Entretien avec Klaus ROEH (06.06.2010)
KR : Pas vraiment. Nous avions ma belle-mère pendant quelques années, pendant les années
1970, mais pas plus.
GM : Quand vous étiez à la Commission vous avez développé des relations amicales avec les
fonctionnaires de tous les pays membres ou il y avait des personnes avec qui vous vous
entendiez particulièrement bien ?
KR : Oui il y en avait un qui était anglais, même s’il venait de la Tanzanie. Sa famille était
originaire de l’Inde. Mais je n’ai plus de contacts avec lui.
GM : Mais vous avez sympathisé avec tous ou surtout avec des allemands ou anglais ou
français ?
KR : Non, sans distinction de nationalité. Si on s’entendait bien c’était bien.
GM : Vos échanges étaient plutôt en français ou en anglais ?
KR : Indifférent. Plutôt français je dirais parce que j’ai plutôt parlé français ou plutôt
allemand que l’anglais, parce que les anglais m’échappent je ne sais pas pourquoi.
GM : Peut-être ils restent un peu plus entre eux. ?
KR : Je ne sais pas. J’avais un collègue anglais qui était un fait un collègue de la DG VIII,
d’une délégation qui venait des Caraïbes, qui venait ici pour séjourner quelques semaines
parce qu’il devait aller en Nouvelle Guinée. Nous nous sommes dit au revoir, parce que
c’était un type bien. Arrivé en Nouvelle Guinée il est mort, parce qu’il s’est tué on ne sait pas
comment ou pourquoi en tombant du 5ème étage d’un bâtiment
GM : Il s’est suicidé ?
KR : On ne sait pas s’il s’était un suicide ou un accident. Mais cela m’a beaucoup attristé.
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Entretien avec Klaus ROEH (06.06.2010)
GM : Oui je comprends. Est-ce vous connaissez les lieux de sociabilité de fonctionnaire ? Il y
avait de restaurants ? Des clubs ?
KR : Oui il y en avait quelqu’un mais je ne suis pas allé régulièrement. Parfois oui, mais pas
beaucoup.
GM : C’étaient des restaurants ou des clubs ?
KR : Un club près de Val Duchesse…, là où il y a le grand parc avec des bateaux, près de
l’avenue de Tervuren … je ne sais pas comment elle s’appelle. Je ne suis pas allé depuis très
longtemps, mais bon on les a vus parfois, irrégulièrement, mais c’était des gens qu’on
connaissait comme ça. Mais ça fait très longtemps qu’on les a plus vus. Ça fait, je ne sais pas,
15-20 ans, parce que nous étions deux ans et demi au Mali. Alors pourquoi nous devions
encore les rencontrer ? C’était plutôt ici dans le voisinage.
GM : Vous fréquentiez surtout le voisinage ou des amis parmi les fonctionnaires ? Vous
voyiez aussi vos collègues en dehors du travail ou pas vraiment ?
KR : Non, avec le travail on avait déjà assez de choses à faire ; après on devait s’occuper des
enfants ou de la famille et après on n’avait plus le temps.
GM : Donc vos relations sociales étaient surtout ici dans le quartier ?
KR : Oui dans le quartier, on connaissait des gens parfois, pas plus.
GM : Maintenant on aborde la partie sur les questions spécifiques. Je les ai rédigées sans
connaitre votre parcours ; donc s’il y a des questions qui ne rentrent pas dans le cadre de vos
compétences on les laisse de côté. Ma première question concerne la période 1973-75, sur les
négociations
pour
Lomé,
comment
la
participation
des
pays
associables
du
Commonwealth était-elle envisagée? Est-elle tout de suite acceptée, envisagée, favorisée ou
s’est-on posé la question de comment gérer la coopération avec des pays qui passaient de 18 à
46 ? Comment ce changement est intériorisé par la DG VIII ?
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Entretien avec Klaus ROEH (06.06.2010)
KR : Là il y avait une unité spécifique, c’était un monsieur italien ou français : Soubestre qui
n’était pas encore chez Cheysson, mais avant. Mais eux avaient surtout ces contacts ; Nous on
a dit « on va voir, si on a l’argent qu’on peut utiliser, sinon on va voir. »
GM : Est-ce vous avez eu l’idée, pendant les négociations de Lomé ou même après, qu’il
fallait faire une coopération différente ou pas vraiment ?
KR : Non on nous a dit…, chez nous on a regardé le projet, c’est ça qui nous intéresse: est-ce
le projet est bon, est-il viable, est-il est réaliste ou non ? S’il n’est pas réaliste, tant pis.
GM : Les règles pour approuver un projet n’ont pas changé après Lomé?
KR : Non
GM : Les critères d’évaluation d’un projet sont restés les mémés ?
KR : Oui, Lomé n’a pas apporté de changements parce que si un projet n’est pas rentable il
n’est pas rentable. Même en 16 ans de critères. Si ça n’a pas de sens alors il faut pas le faire.
Mais bon c’est pas toujours facile à dire… Nous avons eu à Madagascar un grand hôpital, très
bien fait, c’était une merveille, c’était l’hôpital de Tananarive. Alors nous avons dit : « oui,
nous avons fait un beau projet. » 6 ans après, j’étais encore avec mon directeur général
allemand chez le président du Madagascar pour nous plaindre, qu’il n’avait toujours pas
réussi à mettre l’hôpital en service.
GM : Mais parce que il n’y avait pas de personnel ou parce que l’hôpital n’était pas terminé ?
KR : Il n’avait pas été mis en service. C’est toujours un truc qui est resté dans ma tête.
Pourquoi ? Les malgaches avaient reçu l’hôpital avec toutes les installations techniques, les
machines pour faire les radiographies, etc. Il y avait les médecins bien sûr qui travaillaient
dans l’ancien hôpital, dont je me rappelle encore qui datait de 1923 ou quelque chose comme
ça. Ça s’est ancré dans ma tête : une des infirmières avec un bol, avec quelque chose dedans,
qu’elle versait au-delà de son entrée. C’était elle qui le faisait ; ce n’était pas un des malades.
Ça nous devions le remplacer. Nous avons fait peut-être une erreur. C’était la rémunération
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HistCom.2 « Histoire interne de la Commission européenne 1973-1986 »
Entretien avec Klaus ROEH (06.06.2010)
des médecins qu’on voulait mettre sur un ticket ordinateur ou quelque chose comme ça, qui
recevaient leur paiement en fonction de ce qu’ils avaient fait. C’était probablement un des
facteurs qui a empêché la mise en service. L’autre était l’abattoir de Tananarive qui n’était pas
loin de là, où on voulait les amener à faire un modèle d’abattoir. Et bon, après on a encore
mis, pour être surs, un directeur de l’abattoir pendant une année. C’était deux fois rien, c’était
ridicule. Encore un chef mécanicien qui est resté pendant trois ans, et c’était tout. Il ne
marchait pas. Et il y avait encore le comptable qui était une malgache ; Je disais : mais qu’estce il passe ? Il n’y avait rien.
GM : Mais à votre avis avec l’entrée des anglais on fait la coopération différemment ou pas ?
KR : Non, les anglais ne s’intéressaient pas particulièrement à ça. Au moins à mon niveau, à
mon modeste niveau. Nous étions des gens qui nous prenions pour quelqu’un, ça il ne faut pas
l’oublier. …
GM : On va développer…
KR : C’est clair. C’est évident.
GM : Vous vous occupiez de Madagascar, l’Afrique de l’Est, à un moment aussi de l’Algérie
et de la Syrie. S’agissait-il de pays sensibles ? Il n’a jamais été question de Guerre froide ?
KR : Non pas du tout
GM : Comment le FED fonctionnait ? Le FED allouait un certain chiffre à un pays et le
pays…?
KR : C’est le secret sous Soubestre ou Ferrandi, non Ferrandi était déjà parti. Oui, à mon avis
c’était un amalgame entre les chiffres du passé et ce qu’on avait reçu comme augmentation,
pas trop, qu’on a un peu mélangé suivant la situation spécifique d’un pays et un autre … il n’y
avait pas beaucoup de chemistry, il y avait dans un pays une révolution, ou il n’y en avait pas.
On était toujours sur la ligne de supporter le calme
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Entretien avec Klaus ROEH (06.06.2010)
GM : Mais dans votre expérience, à la fois en tant que fonctionnaire en charge de certains
pays, et à la fois en tant qu’en charge des appels d’offre, est-ce vous avez vu la Commission
tendre à approuver un certain type de projet ? Par exemple dans l’infrastructure plutôt que
dans l’agriculture ? Est-ce il y a des priorités qui changent ? Ou certains pays sont prioritaires
par rapport à d’autres ? Ou dans certains pays on donne la priorité à un certain type de projet
parce qu’on estime qu’ils manquent d’infrastructure par exemple ?
KR : Vous savez si vous regardez le Mali c’est évident. C’est un pays tellement grand, c’est la
France multiplié pour X fois. Non, les gouvernants d’un pays nous disaient : nous voulons
faire ceci ou cela, et nous avons dit : oui ; oui ça s’est raisonnable.
GM : Est-ce que la Commission donnait de conseils aux gouvernants des pays ACP sur quels
projet présenter ?
KR : Je pense au plus haut niveau oui. Elle a certainement dit : « alors nous pensons que vous
avez encore besoin de ceci ou cela » mais sans exagérer. C’était de l’argent donné à eux.
GM : Dans votre expérience comment la coopération communautaire était-elle accueillie par
le pays bénéficiaire ? Elle est plus ou moins appréciée par rapport à une coopération
nationale. Elle est considérée trop compliquée ? Ils préfèrent l’aide européenne parce que
c’est une aide multilatérale et il y a peut-être moins de contraintes politiques par rapport par
exemple à l’aide française ou britannique ?
KR : Oui bien sûr, ils ont toujours préféré, mais la charge pour eux, pour leur service aussi…
parce que il fallait quand même dire : « Vous devez lancer l’appel d’offre. » Ils ont dit : « Oui
comment ? » Mais il y a les délégations ; alors ok. Alors à mon avis il n’y avait pas beaucoup
de contraintes à cet égard. Ils étaient contents, et je crois qu’ils n’aimaient pas trop l’aide
française parce que il y avait assez de contraintes politiques. L’aide anglaise était un peu plus
facile parce que les anglais disaient ok, on vous donne ceci et vous vous débrouillez, n’est
pas ? Ce qui arrivait c’était toujours les Français dans les pays francophones, des emprises
françaises, qui étaient régulièrement inscrites pour tel ou tel projet, les allemands il y en a eu
un ou deux qui se sont inscrits en Afrique de l’ouest mais pas plus. En fait c’était un
soulagement, plutôt, pour les aides françaises ou britanniques ; mais les aides françaises
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Entretien avec Klaus ROEH (06.06.2010)
prenaient aussi une autre forme. Ils envoyaient du personnel, même du personnel militaire …
et les britanniques aussi avaient ce genre d’aide. On ignore tout ça.
GM : Est-ce vous vous êtes occupé du Stabex ou du Sysmin ?
KR : Non, Sysmin j’ai vu ça, mais je ne m’en suis pas occupé.
GM : Entre 1975 et 1979 vous étiez encore sur les questions africaines ? Dans ce cas est-ce
que vous avez perçu un changement entre Lomé I et II ?
KR : Non pas vraiment. Il y a eu certainement un changement mais…
GM : Plus tard
KR : On l’a vu plus tard. Lomé I et II non.
GM : Avez-vous perçu un changement plus tard ?
KR : Je ne sais plus, j’ai oublié certaines choses.
GM : À partir des années 1980 la Banque Mondiale et le FMI commencent à avoir une
importance plus grande dans le domaine de l’aide au développement et peut-être cela se sent
aussi en Afrique. Vous avez perçu cette influence grandissante ou pas de tout ?
KR : Non pas vraiment. On a eu un collègue de la BM au Mali mais il n’a pas donné. C’est
impossible. C’est qu’on craignait toujours vis-à-vis de la BM, (du FMI beaucoup moins,
c’était surtout la BM), c’était que la BM prenne dans ses idées, nos projets mais tout ça n’était
peut-être pas dans la période 1973-1986, parce que on disait, ils sont fous. Ils veulent prendre
notre argent pour se glorifier eux-mêmes…
GM : Il y avait donc un peu de compétition avec la BM ?
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KR : Tout à fait, du point de vue des projets, mais qu’est-ce vous voulez. Si il y a un route à
faire… et les routes coutent énormément d’argent.
GM : Et si il y a l’aide de la BM pour bâtir la route, ça va ?
KR : Tout à fait.
GM : Vous vous rappelez quand la question des droits de l’Homme est arrivée ?
KR : Ce n’était jamais.
GM : Dans le cas des pays de la méditerranée − je m’intéresse à votre expérience avec la
Syrie et l’Algérie −, avec eux c’était la mise en route des accords signés dans la deuxième
moitié des années 1970 ? C’est de ça que vous vous occupiez ?
KR : C’était en 1985, ou avant, 1982 jusqu’en 1987.
GM: Est-ce que ça marchait ? Pas vraiment ? Fallait-il reformer ces accords méditerranéens ?
KR : Le cadre qui nous était donné était les accords entre la Syrie et l’Union européenne
(dans la mesure où ça existait) ; non et là, en Syrie, il s’agissait de mettre sur pied un projet
des eaux de l’Euphrate qui avait endommagé une grande partie des rives de l’Euphrate. Ils
avaient mis de l’eau de l’Euphrate contenait beaucoup de sel. Et ils l’avaient mis pour irriguer
là-dessus et alors l’eau était rentrée et avait juste laissé le sel qui avait tué toute l’agriculture.
C’était le drame ; la Commission avec un système d’irrigation autrement, devrait laver le sol
et ensuite les irriguer de manière différente.
GM : Quels étaient à votre avis les principales différences entre la coopération avec l’Algérie
et les pays africains ?
KR : L’Algérie je ne peux pas en parler, c’était trop peu de temps, six mois si je me rappelle
bien…
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Entretien avec Klaus ROEH (06.06.2010)
GM : La Syrie alors
KR : La Syrie était un pays qui fallait traiter avec beaucoup plus de circonspection qu’un pays
africain. Avec les africains on était des amis. Avec la Syrie on risquait toujours l’explosion,
n’est pas ?
GM : Parce qu’ils étaient plus susceptibles ou parce que la coopération pouvait toucher des
questions délicates ?
KR : Les deux... Il n’y avait pas une coopération comme dans notre expérience africaine. Ça
ne marchait pas.
GM : En plus avec les pays africains il y avait une tradition
KR : Oui c’étaient des anciennes colonies.
GM : Oui, mais même avec la CEE, la coopération datait de 1957. Par contre avec la Syrie la
coopération datait de la fin des années 1970
KR : Oui ça en tout cas. C’était bon ; on faisait notre travail, etc. mais attention…
GM : J’ai terminé mes questions, est-ce il y a quelque chose que vous aimeriez ajouter ?
KR : Non je crois, on a touché à tout.
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Entretien avec Klaus ROEH (06.06.2010)
Index des noms de personnes
Achermann, ?, 12
Ashton, Catherine, 12
Cheysson, Claude, 17, 19, 20, 26, 33
Cristofini, ?, 6
De Gaulle, Charles, 5
Delors, Jacques, 20
Domingos, Silva, 13
Ferrandi, Jacques, 4, 5, 13, 27
Foley, Maurice, 18, 19
Frisch, Dieter, 7, 10, 11, 12
Gaddafi, Muammar, 5
Hallstein, Walter, 13, 19, 20
Marin, Manuel, 7, 18
Patten, Christopher, 13
Pisani, Edgard, 20, 33
Rey, Jean, 19
Schiller, Karl, 3
Schubert, Ludwig, 6
Soubestre, Philippe, 19, 26, 27
Von Der Groeben, Hans, 13, 21
Wirsing, ?, 4, 13, 21
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Entretien avec Klaus ROEH (06.06.2010)
Remarque finale ajouté par Klaus Roeh
En relisant ce document je me rends compte que j’ai oublié de parler de la situation en
principe de la DGVIII. En fait, à l’intérieur de la Commission, celle-ci me paraissait comme
une sort de bloc : autour, dans d’autres DGs se passent des mouvements et chez nous pas
beaucoup. On a été, surtout pendant la période 1967-1982, comme une belle fleur qui
s’évanouirait après 1982 (quand Pisani remplaçait Cheysson). J’en étais conscient mais je
suivais mon travail avec toute diligence – et j’étais content. Des petites ricaneries etc.
m’ennuyaient, mais ne me touchaient pas.
Tout ceci me plaisait. J’ai été européen depuis 1950 quand j’entrais au « Bund Europäischer
Jugend » à Hambourg.
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HistCom.2 « Histoire interne de la Commission européenne 1973-1986 »
Entretien avec Klaus ROEH (06.06.2010)