d`automne2006

Transcription

d`automne2006
0 123
Festival
LITTÉRATURE Toni Morrison au Musée du Louvre
MUSIQUE George Benjamin aborde la scène lyrique
THÉÂTRE Compagnies Les Possédés et D’Ores et déjà
DANSE Thomas Hauert
ARTS PLASTIQUES Ernesto Neto au Panthéon
b
b
D’AUTOMNE 2006
b
b
b
Photographie pour le travail
prépararoire à la mise
en scène de « Baal »,
de Bertolt Brecht,
par la compagnie
D’Ores et déjà.
LOUIS GARREL
CAHIER DU « MONDE » DATÉ JEUDI 14 SEPTEMBRE 2006, N˚ 19171. NE PEUT ÊTRE VENDU SÉPARÉMENT
p. 2
p. 3
p. 4-5
p. 6
p. 7
LITTÉRATURE
0 123 - Jeudi 14 septembre 2006 - page 2
AUTOMNE 2006
26e FESTIVAL D’AUTOMNE À PARIS
Trente-cinq ans d’excellence, de risques, de partis pris, de controverses,
de coups de cœur. Trente-cinq ans aussi de fidélité à une certaine idée de l’art, à des artistes « privilégiés » qui constituent une famille tout en n’excluant pas pour autant les nouveaux arrivants. « Un anniversaire, certes, mais plutôt en
coup de vent. Rien à voir avec une commémoration », lance
Alain Crombecque, directeur du Festival d’automne à Paris,
qui ne cache pas le « désir de revenir à d’anciennes amours »,
comme celles, notoires, du festival avec la création américaine. Beaucoup des événements programmés cette année
concernent des artistes plasticiens, chorégraphes, musiciens et dramaturges venus des Etats-Unis d’Amérique,
qu’ils travaillent là-bas ou soient installés en Europe : Deborah Hay, William Forsythe, Richard Maxwell, Caden Manson, Cameron Jamie, Ryan McGuinley. Le 7e art n’est pas
oublié, avec une programmation qui éclaire « l’art d’aimer
le cinéma américain aux Etats-Unis et en France », en collaboration avec les Cahiers du cinéma, ainsi que la littérature,
avec un événement Toni Morrison imaginé par le Musée du
Louvre, auquel s’est associé le Festival d’automne.
Pour ce 26e supplément, les journalistes du Monde ont retenu, « égoïstement », au sein d’une programmation qui
offre de nombreuses autres prises au regard et à la
réflexion, quelques-uns des moments qu’ils pensent être les
plus prometteurs de cet automne 2006 : l’écrivain américain Toni Morrison ; le compositeur britannique George
Benjamin, qui livre son premier ouvrage lyrique sur un
livret de Martin Crimp ; deux jeunes compagnies de comédiens « autogérés », D’Ores et déjà et Les Possédés ; le chorégraphe suisse Thomas Hauert ; le plasticien brésilien
Ernesto Neto.
EDITO
La compagnie Les Possédés présente « Le Pays lointain », de Jean-Luc Lagarce. LES POSSÉDÉS
TONI MORRISON,
impérieuse et impériale
LE MANUEL D’EPICTETE / Sami FREY
LE SUICIDÉ
Nicolaï ERDMAN / Jacques NICHET - TNT
du 6 au 22 octobre – Première en Ile-de-France
Jazz / Kora Jazz Trio
Jazz / Sixun
La Périchole/Offenbach/Julie Brochen/Création Fest. Aix-en-Provence
Danse / Carmen / Ballet Antonio Gadès
Concert Bal / Caratini Jazz Ensemble et ses invités
Rock / Louis Bertignac
IPHIGENIE, SUITE ET FIN
EURIPIDE et Yannis RITSOS / Guillaume DELAVEAU
du 30 nov. au 17 décembre – Première en Ile-de-France
Premier Prix du Concours “Jazz à La Défense 2006“
Jazz / Renaud Garcia-Fons et Sylvain Luc Duo – Création
Jazz / Patrice Caratini Jazz Ensemble – Création
RENCONTRES EXCEPTIONNELLES
autour du spectacle “Le dialogue improbable”
14 et 16 janvier
LE DIALOGUE IMPROBABLE
Eliane GAUTHIER et Paul-Jean FRANCESCHINI /
Patrice KERBRAT
du 18 janvier au 4 février - Création
Jazz / Aldo Romano chante
HEDDA GABLER
Henrik IBSEN / Thomas OSTERMEIER (Berlin)
du 31 janvier au 11 février - Première en France
Jazz / Elisabeth Kontomanou Quartet
CYMBELINE
SHAKESPEARE / Declan DONNELLAN (Londres)
du 7 au 25 mars – Première en France
Jazz / Stéphane Belmondo - Antoine Hervé duo – Création
Jazz / Orchestre National de Jazz / Franck Tortiller
LES RENDEZ-VOUS CHOREGRAPHIQUES
DE SCEAUX – du 27 avril au 30 mai
Maryse Delente, Frédéric Flamand/Dominique Perrault,
Abou Lagraa, Angelin Preljocaj,
Russell Maliphant (Londres) - Première en France
Rufus
Jazz / Bojan Z Trio
TÉL. 01 46 61 36 67
Invitée par le Louvre, en association avec le Festival d’automne, le Prix Nobel Toni Morrison
a imaginé la thématique « Etranger chez soi » appliquée aux arts visuels et à leur histoire
C
’est une guerrière si Philip Roth était, au nombre
que le Louvre et le de titres cités, vainqueur, c’est
Festival d’automne Beloved, publié par Toni Morriaccueillent
cette son en 1987, qui a recueilli le
année. Toni Morri- plus grand nombre de voix. Belson, qui a composé le revanche, car Beloved est le
un programme sous le titre premier volet d’une trilogie,
« Etranger chez soi » , ne se lais- dont le troisième volume, Parasera jamais enfermer dans le sta- dise – après Jazz –, a reçu de la
tut de « Noire méritante », com- critique américaine un accueil
me elle l’a souvent répété. Rien plus que mitigé.
« On a reproché à ce roman,
ne calmera cette combattante
somptueuse d’une cause qui ne que je voulais appeler War, d’être
connaît pas de victoire, celle, trop poétique, surécrit. Sans parprécisément, de l’étrangeté en ler de ceux qui me collent l’étiquetson pays, où, comme l’a dit Julia te réalisme magique, disait au
Kristeva dans Etrangers à nous- Monde Toni Morrison en 1998,
mêmes (« Folio » essais), de lors de la sortie du livre en France. Cela n’a aucun sens, c’est ce
l’étrangeté à soi.
On a bien essayé d’endormir qu’on dit quand on ne sait pas
Toni Morrison sous les hon- quoi dire pour “littérature non
blanche”. A cela
neurs. Elle a été la
s’ajoute cette mode
première femme noiactuelle de juger la
re à recevoir, en Bill Clinton fut,
personne plutôt que
1993, le prix Nobel selon elle,
son texte, de prétende littérature. Elle en
dre délivrer des véria fait un tremplin « le premier
tés définitives sur ce
pour que Chloe président noir
que doit être un
Anthony Wofford,
roman, alors que le
née en 1931 à Lorain des Etatsroman est le lieu
(Ohio), enfant de la Unis »
même de la liberté. »
Grande Dépression,
Cette liberté, Toni
petite-fille d’esclaves
noirs de l’Alabama, devenue, Morrison l’a conquise et exercée
pour les Américains, « Toni en tous lieux. Dans ses livres,
Morrison, un écrivain national dans son enseignement universi», dise au monde sa révolte taire à Princeton, dans ses disdevant l’injustice, sa conscience cours, ses préfaces – celle qu’eld’être « une femme noire, le a écrite pour un livre d’essais
c’est-à-dire ni mâle ni blanche, sur l’affaire O. J. Simpson a fait
donc a priori interdite de réussite, scandale. Elle regarde tout cela
et devant s’attacher à créer quel- avec un œil impérieux, avec son
allure impériale, imposante silque chose de singulier ».
Cette année, à la fin du prin- houette aux grandes tresses poitemps, le supplément littéraire vre et sel. Comme ce soir du
du New York Times a publié les 26 mai où l’on célébrait, au
résultats d’une enquête menée Time Warner Center de New
auprès de 125 écrivains, criti- York, ses 75 ans. En présence de
ques et éditeurs du monde l’ancien président Bill Clinton,
entier, visant à désigner le qui, selon elle, fut « le premier
meilleur roman américain des président noir des Etats-Unis »,
vingt-cinq dernières années. Et ayant tous les traits de « la noir-
ceur : pauvre, milieu ouvrier,
famille monoparentale, Sudiste,
amoureux du saxophone et de
McDonald’s ». Ce soir-là, Bill
Clinton a ouvert Beloved et a
commencé à lire : « Cette grâce
qu’il faut imaginer pour la
CENTRE DRAMATIQUE NATIONAL
voir… » L’auteur de ces mots,
qui, précisément, sait mêler violence et grâce, vient le faire cet
automne à Paris. a
Josyane Savigneau
Musée du Louvre, du 6 novembre
au 11 décembre. www.louvre.fr
D'AUBERVILLIERS
Saison 2006 2007
Mères
La maman bohême et Médée Dario Fo et Franca
Mère Bertolt Brecht / Jean-Louis Benoit
Chair de ma chair Ilka Schönbein Antigone, Horsla-loi Anne Théron Dissident, il va sans dire Michel
Vinaver / Laurent Hatat May Hanif Kureishi / Didier Bezace
Spectacles Jeune public Le Petit Chaperon rouge / un
Rame / Didier Bezace La
froid de kronos / Petit Navire...
Et des lectures, les Dîners, les Rencontres
Ici et Là...
Abonnements / Adhésions
01 48 33 16 16
theatredelacommune.com
Théâtre de la Commune - Direction Didier Bezace - 2 rue Edouard Poisson - 93300 Aubervilliers
illustration Marc Daniau
SAISON 2006 / 2007
AUTOMNE 2006
MUSIQUE
page 3 - Jeudi 14 septembre 2006 - 0
LE GRAND
SOUFFLE
MONGOL
L
e compositeur britannique George Benjamin aura attendu l’âge
« canonique »
de
46 ans pour aborder le
genre lyrique, avec
Into the Little Hill, un « conte lyrique » sur un livret de son compatriote, le dramaturge Martin
Crimp, pour deux chanteurs et
quinze instruments. 46 ans, âge
« canonique » ? Oui, si l’on se souvient que Benjamin fit immédiatement sensation après que sa première grande pièce pour orchestre, Ringed by the Flat Horizon
(1980), fut donnée, il y a vingtcinq ans, aux célèbres « Proms »
de Londres, devant plus de
5 000 personnes : le jeune musicien de 18 ans, élève favori d’Olivier Messiaen au Conservatoire de
Paris, également excellent pianiste et chef d’orchestre, fut très vite
reconnu pour son extraordinaire
talent et la force poétique de sa
musique, de sorte que le landernau de la musique contemporaine
aussi bien qu’un public plus généraliste se sont parallèlement intéressés à lui. Après ce premier succès, Benjamin devait écrire deux
autres compositions, qui sont toujours parmi les plus jouées de son
catalogue et considérées unanimement comme des chefs-d’œuvre :
A Mind of Winter (1981), pour
soprano et orchestre, et At First
Light (1982), pour orchestre de
chambre, deux compositions magiques et profondément évocatrices.
Il faut attendre 1990 pour que
Benjamin réécrive pour la voix : sa
découverte des Fantaisies pour violes d’Henry Purcell (1659-1695) le
bouleverse et, spontanément, il
écrit Upon Silence, sur un poème
de Yeats, pour voix et cinq violes
de gambe, une musique nullement
archaïsante mais qui fait appel à
des formules canoniques (dans les
deux sens du terme) et qui indiquera au musicien une direction nouvelle pour sa musique : au sens des
couleurs et de l’harmonie, il joint
celui des lignes horizontales du
contrepoint qui vont désormais
tramer, parfois de manière très
savante, ses compositions à venir.
Le jeune Britannique est vite
courtisé par de nombreuses maisons d’opéra. Il ne dit pas non,
mais refuse de s’engager sur un
ouvrage de grande envergure. Surtout, il ne trouve pas de librettiste.
Le ballet l’attire, Benjamin approche des chorégraphes, mais rien
ne se concrétise de ce côté non
plus. En 1996 jaillit Sometime Voices, une pièce extrêmement singulière et poignante pour baryton,
chœur et orchestre, sur un extrait
de La Tempête, de Shakespeare,
une vraie scène d’opéra – à nos
oreilles du moins – qu’on dirait
promise à développement –, ce
George Benjamin. PHILIPPE GONTIER
GEORGE BENJAMIN,
enfin l’opéra
Pour sa première contribution à la scène chantée, le compositeur britannique s’est associé
au dramaturge Martin Crimp. Ensemble, ils ont conçu un conte lyrique, « Into the Little Hill »
que, à l’époque, George Benjamin l’humour, lit et aime la musique. Sa
n’exclut pas. Mais Sometime Voices femme et ses filles font d’ailleurs de
restera en l’état (qui lui convient la musique de chambre… »
La préparation s’est faite de
fort bien). Le compositeur n’écrira
manière inédite : « Ni Martin ni
plus pour la voix pendant dix ans.
2004 est une année décisive : en moi n’avions de sujet préétabli.
Nous avons tâtonné
Anne Teresa de Keersensemble. Je me suis
maeker, la grande chosouvenu d’un essai
régraphe belge, Benja- « Martin est
d’opéra que, encore étumin trouve une parte- un maître de
diant, j’avais écrit avec
naire qui lui inspire
un camarade. La musil’une de ses composi- la forme, il n’y a
que était mauvaise
tions les plus vivantes, jamais un mot
mais nous en avons garDance Figures (2004),
dé le thème du joueur
créée sur scène en de trop, c’est tout
mai 2006 à Bruxelles ; à la fois économe, de flûte de Hamelin.
Nous nous sommes vus,
en Martin Crimp, l’un étrange et
avons beaucoup échandes grands noms du
gé d’idées au téléphone.
nouveau théâtre bri- poétique »
Martin a écrit son textannique, il « tient »
te, je me suis à mon
enfin l’auteur d’un
livret cousu main. « J’avoue que je tour isolé pendant six mois avec ce
ne connaissais pas l’œuvre de livret parfait. Martin est quelqu’un
Martin Crimp. Un ami commun, le d’absolument à l’écoute de ce que je
violiste Lawrence Dreyfus, m’a parlé voulais faire. Et je dois dire que,
de lui, lui a fait entendre ma musi- pour ma part, j’ai le plus grand resque et m’a fait lire ses pièces. Cela a pect pour la courbe dramatique de
été une évidence : Martin est un être son texte et pour son intelligibilité. Je
dont l’intégrité personnelle et artisti- déteste ne pas comprendre ce qui est
que m’ont immédiatement plu. Il est chanté à l’opéra. »
Le livret de Martin Crimp est
à la fois fort et doux, il a le sens de
sobrement sous-titré : « Text for
Music ». « Les mots sont nets,
courts, une, deux syllabes. Les deux
chanteurs interprètent plusieurs
SAISON 2006 - 2007
personnages, ils sont tour à tour
acteurs, narrateurs et incarnent
même le chœur. Martin est un maî6 NOVEMBRE > 3 DÉCEMBRE
tre de la forme, il n’y a jamais un
mot de trop, c’est tout à la fois éconoJOHN FORD - YVES BEAUNESNE
me, étrange et poétique. Ce qui m’intéresse, c’est que nous avons trouvé
7 > 20 DÉCEMBRE
des solutions différentes de ce que
nous faisons par ailleurs chacun
dans notre travail individuel. »
PIER PAOLO PASOLINI - CHARLIE WINDELSCHMIDT
En ce début septembre, George
Benjamin parachève son travail
8 JANVIER > 4 FÉVRIER
d’orchestration : « La partition
réduite est gravée par mon éditeur,
MARIVAUX - ELISABETH CHAILLOUX
Faber Music, et je termine la partition d’orchestre pour que le chef,
10, 17 ET 24 FÉVRIER
Franck Ollu, et l’ensemble Modern
puissent la répéter à temps. »
Cette expérience donneRien d’humain - Les Serpents - Hilda
ra-t-elle envie à George BenjaMARIE NDIAYE - CHRISTIAN GERMAIN - JULIA ZIMINA - ELISABETH CHAILLOUX
min de tenter la grande forme
opératique ? « J’adore l’opéra,
26 FÉVRIER > 24 MARS
sous réserve
Pelléas et Mélisande, de Debussy,
que j’ai eu le bonheur de diriger au
Théâtre de la Monnaie de BruxelPIER PAOLO PASOLINI - ADEL HAKIM
les, les ouvrages de Janacek, Boris
Godounov, de Moussorgski, mais je
23 AVRIL > 20 MAI
suis incapable de garantir d’écrire
une œuvre de grande échelle. Il me
faut du temps, et il faut que
enfermé dans les toilettes
quelque chose déclenche cette envie.
WAJDI MOUAWAD - MAGALI LÉRIS
Ma technique d’écriture est plus
aguerrie qu’autrefois, j’écris plus
01 43 90 11 11
vite, mais je détruis énormément
Dommage qu’elle soit une putain
Bête de Style
La Fausse Suivante
Lectures - mises en espace
Pasolini : Politique-Visions
Willy Protagoras
123
aussi. Pour l’heure, après quelques
mois consacrés à la direction d’orchestre, je me concentrerai sur
l’écriture d’une œuvre avec piano
concertant pour mon ami Pierre-
Laurent Aimard et l’Orchestre de
Cleveland. » a
Renaud Machart
Opéra Bastille (amphithéâtre), les 22, 23 et
24 novembre à 20 heures.
« Ouvrir l’oreille au souffle
des herbes et du vent, au rire
d’une pie ; à la voix d’outreciel d’un chant féminin montant droit comme la fumée
d’un feu d’automne ; au silence d’un grand froid traversé
d’un claquement cristallin
venu de plus loin que l’œil ne
porte… » Ces mots de Jacques Legrand, spécialiste de
la langue et de la littérature
mongoles, extraits de son
ouvrage Vents d’herbe et de
feutre/Ecrits et dits de Mongolie (Editions Findakly,
1998) invitent à une visite inédite des steppes de l’Asie centrale via une riche programmation de musiques de Mongolie concoctée sous le
conseil de l’ethnomusicologue Alain Desjacques.
L’événement principal est
l’exécution de l’intégralité de
l’épopée fondatrice de la
culture mongole, L’Histoire
secrète des Mongols, souvent comparée au Kalevala
finlandais ou au Mahabharata indien. Les douze chapitres de ce récit anonyme, qui
daterait du XIIIe siècle, narrent « la généalogie, la naissance, les conquêtes et la descendance de Gengis Khan ».
THÉÂTRE
0 123 - Jeudi 14 septembre 2006 - page 4
AUTOMNE 2006
DU THÉÂTRE
EN AMÉRIQUE
Le regard que porte cette
année le Festival d’automne
sur une « autre Amérique »
révèle des créateurs d’outreAtlantique très peu présents en France. L’auteur,
metteur en scène et compositeur Richard Maxwell,
39 ans, propose Showcase
dans une chambre d’un
hôtel du quartier des Halles,
et Good Samaritans au Centre Pompidou. Caden Manson et son Big Art Group,
créé en 1999 à New York,
montreront à Créteil Dead
Set #2, théâtre techno pour
société techno. Elizabeth
LeCompte et son Wooster
Group, collectif d’artistes
fondé à New York dans les
années 1970, livrent, au Centre Pompidou, leur version
très personnelle du Hamlet
de Shakespeare.
Enfin, c’est un autre Américain, très connu celui-là
– l’une des signatures régulières du festival –, qui fait
l’ouverture de l’Odéon-Théâtre de l’Europe, dans sa salle
« historique » : Robert Wilson monte le Quartett de
Heiner Müller, avec Ariel
Garcia-Valdès et Isabelle
Huppert.
« Le Pays
lointain »,
de Jean-Luc
Lagarce,
création
collective
des Possédés.
LES POSSÉDÉS
DE JEUNES COMÉDIENS
questionnent les
idéaux dévastés
Deux compagnies théâtrales présentent un travail original, fondé sur l’invention collective,
qui s’affranchit de la toute-puissance du metteur en scène et de la position de l’« acteur porte-voix ».
S
ur les programmes du
Festival d’automne,
même les habitués des
théâtres parisiens verront cette année des
noms
qu’ils
ne
connaissent pas. Le festival a en
effet choisi de donner leur chance
à de jeunes, voire de très jeunes
équipes : la compagnie D’Ores et
déjà monte dans la deuxième salle
des Ateliers Berthier, qui restent
dévolus à l’Odéon - Théâtre de
l’Europe, Baal, de Bertolt Brecht.
Les Possédés mettent en scène, à
La Ferme du Buisson de Noisiel,
au Théâtre 71 de Malakoff et au
Théâtre de la Bastille, à Paris, Le
Pays lointain, de Jean-Luc Lagarce. Enfin, une dernière bande,
constituée autour de l’auteure
Marion Aubert et du metteur en
scène Richard Mitou, arrive dès
septembre au Théâtre de la Colline avec ses flamboyants Histrions :
nous reparlerons de ces derniers à
cette occasion.
Une « bande », oui, car ces trois
jeunes compagnies ont en commun de fonctionner de manière collective et de chercher une nouvelle
manière de faire du théâtre. Un
peu à la manière de leurs aînés du
Théâtre des Lucioles ou des Belges
du tg STAN – qui sont régulièrement invités dans le cadre du Festi-
val d’automne –, ce sont d’abord
des bandes de comédiens, qui ont
décidé de remettre l’acteur au
centre du processus théâtral, de
renouer avec la création collective
et de donner de la souplesse aux
distinctions trop nettes entre
auteur, metteur en scène et
comédien. Ils ont un autre point
THÉÂTRE
page 5 - Jeudi 14 septembre 2006 - 0
La compagnie D’Ores et déjà lors d’une répétition de « Baal », de Bertolt Brecht. JACKY LEY/FEDELPHOTO POUR « LE MONDE »
commun, c’est d’avoir digéré la
faillite des grandes idéologies qui
ont porté les générations précédentes, de se méfier des concepts
préfabriqués et de souhaiter repenser en profondeur le rôle politique
du théâtre. Modestement, et sans
illusions, à la différence de leurs
aînés. Mais peut-être pas moins
radicalement.
Les premiers, qui ont choisi de
s’appeler D’Ores et déjà – une
expression trouvée au hasard en
ouvrant le dictionnaire, affirmentils –, ont entre 22 et 25 ans et sont
donc d’ores et déjà programmés
par le Théâtre de l’Odéon, ce qui
n’est pas rien. Le noyau de base est
formé de quatre garçons, dont
l’un, Louis Garrel, porte un nom
déjà célèbre : petit-fils du comédien Maurice Garrel, il joue dans
les films de son père, Philippe.
Avec Sylvain Creuzevault, Arthur
Igual et Damien Mongin, ils se
sont rencontrés au conservatoire
du 10e arrondissement, alors qu’ils
étaient dans les classes théâtre de
différents lycées parisiens, avant
d’entrer au Conservatoire national
ou, pour Sylvain Creuzevault, à
l’école de Jacques Lecoq.
Ils ont fondé la compagnie en
2002 et ont depuis monté quatre
spectacles, au cours desquels
d’autres comédiens sont venus les
rejoindre. Comédiens, oui : car si
Sylvain Creuzevault endosse plus
particulièrement le rôle du metteur en scène, si Damien Mongin
écrit aussi, ils se veulent avant tout
acteurs, impliqués dans une recherche commune sur le plateau :
« Par rapport à la grande ère des
metteurs en scène, on se situe complètement ailleurs, expliquent-ils. Tout
pour nous part de ce que nous appelons l’“acteur de proposition”, et du
processus de répétition, qui doit être
particulier à chaque spectacle. Cela
dépasse le simple cadre du théâtre :
qu’est-ce qu’être acteur de sa propre
vie et de vivre avec ses semblables, plutôt qu’être une marionnette manipulée par “un homme qui sait” . Nous
cherchons ensemble notre vérité, qui
est collective. C’est vraiment au cœur
de notre réflexion sur ce que peut être
départ, de mettre le texte à l’épreuve
du plateau sans lui imposer un sens.
Avec ce Brecht-là, on a quelqu’un de
20 ans qui regarde ce qu’il pourra
devenir. Après, au fil des années, il
censure peu à peu son propre texte, ce
qui pose de multiples questions. Ce
qui est intéressant dans ce texte originel, c’est l’absence de solutions, de
réponse claire. C’est ce qui nous touche aujourd’hui, où il est beaucoup
plus difficile d’avoir un geste politi-
Ils travaillent aussi, classiquement, comme comédiens avec des
metteurs en scène comme Eric
Vigner ou Bérangère Jannelle,
avant que n’affleure le désir
d’« échapper au côté mercenaire de
l’acteur » et à la vision de « l’acteur comme porte-voix ». L’envie,
aussi, tout simplement, de faire un
théâtre qui leur corresponde au
plus près, qui retrouverait « quelque chose de plus humain, de plus
« Le politique aujourd’hui se situe à un autre endroit,
il n’est pas forcément de l’ordre de la dénonciation ou de la revendication. »
un théâtre politique aujourd’hui,
qui doit commencer par être politique dans son processus même de création. Il n’y a donc pas chez nous
d’“œil qui voit tout” , de démiurge
faisant tomber la vérité d’en haut,
comme dans la grande période idéologique, qui a aussi été, ce n’est pas
un hasard, celle des metteurs en scène et dramaturges porteurs d’un
sens très précis des œuvres. »
Ce n’est donc aucunement un
hasard s’ils ont choisi de travailler
sur Baal, la première pièce de
Brecht. Et sur les premières versions, écrites à 20 ans, en
1918-1919, de ce texte que Brecht
n’a cessé de reprendre et de remanier au fil de sa vie et dont on voit
en général, en France, la version de
1955 : « A cette époque, Brecht n’a
pas de vision du monde préétablie. Il
cherche. Il ne sait pas non plus pourquoi il écrit du théâtre. Il le fait. C’est
ce geste-là que l’on essaie de retrouver en montant la pièce, avec la volonté de ne pas trop conceptualiser au
que simple et frontal. » La boucle
est bouclée, chez ces très jeunes
gens qui, quand on leur demande
sur quoi repose leur désir de théâtre, répondent qu’ils « font du théâtre pour connaître leur désir ».
Les membres de la compagnie
des Possédés ont, eux, une dizaine
d’années de plus – entre 32 et
35 ans. David Clavel, Rodolphe
Dana, Katja Hunsinger, Nadir
Legrand, Katia Lewkowicz et
Marie Roig se sont rencontrés au
Cours Florent en 1995, avant de
travailler, ensemble, comme comédiens, dans la compagnie d’Eric
Ruf, avec laquelle ils tâtent de la
création collective sur Du désavantage du vent et Les Belles Endormies
du bord de Seine.
intime et de plus naturel que ce que
l’on voyait souvent ».
Le travail de la bande du
tg STAN, qu’ils découvrent à Paris
avec leur Platonov, sert de détonateur : même désir de « désacraliser » la représentation théâtrale,
de libérer le jeu, de se frotter directement et en profondeur, en tant
que comédiens, avec de grands textes, de trouver le jeu possible entre
le texte écrit et la personnalité de
l’acteur-personnage : « Nous ne
nous sommes jamais dit que nous
allions inventer une nouvelle forme », disent-ils avec la même
méfiance que leurs cadets pour
une trop grande conceptualisation. « Le travail du tg STAN nous a
juste aidés à assumer ce que nous vou-
lions vraiment : chercher cet état où
on ne triche plus au théâtre, se défaire du savoir-faire pour essayer de ne
pas perdre de l’humain, d’être au
plus près de la vie sur le plateau. »
En 2002, ils montent Oncle
Vania, de Tchekhov, à La Ferme
du Buisson à Noisiel, et créent la
compagnie. Les Possédés, « c’est
venu tout seul : à cause de Dostoïevski, bien sûr… Mais aussi pour assumer, tout en étant légèrement ironiques avec nous-mêmes, ce côté
“possédé” par le théâtre, cette
“possession” par un texte qui, après
tout, est la condition du comédien…
C’était une façon de nous amuser de
ce jeu perpétuel entre l’incarnation
et la distance qui est au cœur de
notre recherche ».
L’esprit collectif s’est imposé,
même si Rodolphe Dana assume la
direction – « en cas de conflits, il
faut bien une personne qui tranche ». « Ce n’était pas un choix directement politique. Juste la seule solution pour mener à bien ce type de
démarche, qui cultive la personnalité
du comédien, et dans laquelle le travail de l’acteur devient un vrai travail d’interprète et de chercheur. Une
manière, aussi, de mettre de côté les
problèmes d’ego de l’acteur ou du
metteur en scène. »
Ils font eux aussi le constat tranquille qu’« on ne peut plus être politique comme l’a été la génération qui
nous a précédés. Le politique aujourd’hui se situe à un autre endroit, il
n’est pas forcément de l’ordre de la
dénonciation ou de la revendication. » Comme pour l’équipe des
Histrions, la scène reste pour eux
cet endroit formidable où la vie
peut encore et toujours se réinventer, un lieu de création au sens fort
du terme.
Comme dans Le Pays lointain,
pièce-testament, pièce-monde de
Jean-Luc Lagarce, dans laquelle
l’auteur, mort en 1995 à 38 ans,
joue avec tous les codes du théâtre
et réinvente sa vie, avant de disparaître avec une ultime élégance.
Comme dans Merlin, de l’Allemand Tankred Dorst, qu’ils ont
aussi envie de monter : « Elle pose
cette question : que fait-on d’un
idéal dévasté ? » a
ÉCRITURES
CONTEMPORAINES
Placé sous l’ombre tutélaire
de deux grands Allemands,
Bertolt Brecht (avec Baal)
et Heiner Müller (avec Quartett), cet Automne fait aussi
la part belle à des auteurs
contemporains forts et singuliers, morts ou vivants :
Copi, disparu en 1987, avec
lequel Marcial Di Fonzo Bo
continue, avec Loretta
Strong (créé au dernier Festival d’Avignon), Le Frigo
(une création) et La Tour de
la Défense (créé à Bobigny
en avril 2005), un formidable voyage commencé en
1995.
Le Britannique Martin
Crimp, 50 ans, un des
auteurs les plus intéressants d’aujourd’hui, qui travaille les failles de notre
société de son écriture
a-réaliste, musicale, fait l’objet de trois créations : Probablement les Bahamas, pièce
radiophonique inédite, par
Louis-Do de Lencquesaing ;
Atteintes à sa vie et Paroles
d’acteurs par Joël Jouanneau, qui poursuit ainsi son
beau parcours dans les
écritures contemporaines.
Enfin, Bruno Geslin s’intéresse, dans Je porte malheur aux femmes…, à un personnage étonnant : Joë
Bousquet, né en 1897, écrivain paralysé, reclus et opiomane, mort en 1950 – d’un
chagrin d’amour.
Fabienne Darge
Les Possédés : La Ferme du Buisson
(Noisiel), à 20 h 45, Théâtre 71
(Malakoff), 19 h 30, Théâtre de
la Bastille (Paris), à 21 heures,
du 17 novembre au 10 décembre.
D’Ores et déjà : Odéon - Théâtre
de l’Europe aux Ateliers Berthier,
du 5 au 28 octobre à 20 heures.
saison 2006 - 2007
saison 06-07
Quartett
saison 06
07
Blaise Cendrars Jean-Michel Rabeux // Joë Bousquet Bruno
Jean-Luc Lagarce Rodolphe Dana // Pascal Quignard Marie Vialle//
Caterina Sagna // Eléonore Weber // Marius von Mayenburg
Mikaël Serre // Martin Bélanger // Daniel Léveillé // Daniil Harms
NOVEMBRE
NOVEMBRE
EN ORDRE
DE BATAILLE
OXYGÈNE
HIVER
DÉCEMBRE
JANVIER / FÉVRIER
LA TOUR
DE LA DÉFENSE
LE TIGRE BLEU
DE L'EUPHRATE
Cassandre
JANVIER
MARS
Le Roi Lear
CINQ HOMMES
SHOPPING
AND FUCKING
WILLIAM SHAKESPEARE / ANDRÉ ENGEL
MARS
AVRIL
M'PALERMU
BLOODY NIGGERS !
L'Affaire de la rue de Lourcine
MARS
MAI
LA POÉSIE / NUIT LES EUROPÉENNES 7
Alexis Forestier // Franz Kafka Thibault de Montalembert //
Isabella Soupart // Thierry Baë // Michèle Anne De Mey et Grégory
Grosjean // Joris Lacoste et Stéphanie Béghain // Pierre Meunier //
GaétanBesnard,Christian Dubet, Vincent Fortemps et Alain Mahé
théâtre de la bastille
01 43 57 42 14
www.theatre-bastille.com
HEINER MÜLLER / ROBERT WILSON
OCTOBRE
Geslin // Maria de Medeiros Arthur Nauzyciel // Ann Liv Young //
Baal
BERTOLT BRECHT / SYLVAIN CREUZEVAULT
Hey Girl !
SOCÍETAS RAFFAELLO SANZIO / ROMEO CASTELLUCCI
CHRISTA WOLF / MICHAEL JARRELL / GEORGES LAVAUDANT
Zaratustra
FRIEDRICH NIETZSCHE – EINAR SCHLEEF / KRYSTIAN LUPA
EUGÈNE LABICHE
JÉRÔME DESCHAMPS – MACHA MAKEÏEFF
Base 11/19
GUY ALLOUCHERIE – MARTINE CENDRE – HOWARD RICHARD
Thérèse
LES AUTEURS/ A. JUGNON/ I. VIRIPAEV/ J. FOSSE/
BOYER D’ARGENS / ANATOLI VASSILIEV
COPI/ L. GAUDÉ/ D. KEENE/ M. RAVENHILL/
E. DANTE/ D. RUGAMBA
Les Cenci
LES METTEURS EN SCENE/ G. CHAVASSIEUX/ G. STOEV/
La Tempête
E. DAUMAS/ R. BOUVIER/ S. DELÉTANG/ J. DELCUVELLERIE
ANTONIN ARTAUD / GIORGIO BATTISTELLI
GEORGES LAVAUDANT
WILLIAM SHAKESPEARE
DOMINIQUE PITOISET
Il Ventaglio
CARLO GOLDONI / LUCA RONCONI
04 78 37 46 30
theatre les Ateliers lyon
123
Berthier’07
un festival pour les jeunes acteurs
www.theatrelesateliers-lyon.com
01 44 85 40 40 / theatre-odeon.fr
© Dolorès Marat (détail) by courtesy of galerie Kamel Mennour
AUTOMNE 2006
DANSE
0 123 - Jeudi 14 septembre 2006 - page 6
THOMAS HAUERT
LA
CONTESTATION
MALICIEUSE
DE DEBORAH
HAY
et le don du
h
é
â
I
l est suisse, vit à Bruxelles
depuis 1991. Il danse et
chante, fait parfois les deux
en même temps. En
anglais, mais aussi en français, avec le rude accent du
canton allemand de Soleure, près
de Berne, où il est né dans un petit
village il y a trente-neuf ans. Sa
compagnie, créée en 1997, possède
le nom inoubliable de Zoo, immédiatement associé à son premier
spectacle, tout aussi inoubliable,
intitulé Cows in Space. Soit, à partir
de l’image des vaches broutant
dans un pré qu’un voyageur regarde à travers les vitres d’un train,
une pièce chorégraphique abstrai-
t
r
e
saison 06/07
Lemoine
Face à la mère Jean-René
i / Marcial Di Fonzo Bo
La tour de la Défense Cop
Paquien
La dispute Marivaux / Marc
, Le tragédien malgré
La demande en mariage
/ Patrick Pineau
lui, L’ours Anton Tchekhov
/ 4e édition
Festival Le standard idéal
an / Lev Dodine
Vie et destin Vassili Grossm
Schilling
Hamlet Shakespeare / Árpád
iter Gotscheff
Ivanov Anton Tchekhov / Dim
/ Kathrin Angerer
Kriegsfibel Brecht, Eisler
Brecht / Frank Castorf
Im Dickicht der Städte
gen Gosch
Macbeth Shakespeare / Jür
té
Le songe d’une nuit d’é
Rabeux
Shakespeare / Jean-Michel
Kouznetsov
sse sans douleur Anton
Le ru
- La décennie rouge
Mensch oder Schwein
Michel Deutsch
Salpêtrière
Les folles d’enfer de la
itriadis
Mâkhi Xenakis / Anne Dim
s
estionneur Nicolas Bigard
Lectures Barthes, le qu
n
aria
nes d’amour… Simon Abk
Les grandes scè
dina Duarte fado
Musique Wola Baba, Al
Archipel 118
vertige
Peu connu du grand public mais reconnu par la profession, le chorégraphe suisse, installé à Bruxelles depuis 1991,
se place en champion du « remue-méninges », au service d’une danse qui repousse les limites du corps.
On ne peut plus se passer de
la chorégraphe américaine
Deborah Hay. Cette figure
fameuse et malicieuse du
contestataire Judson Dance
Theater dans les années
1970 à New York, venue une
seule fois en France sous la
bannière du Festival d’automne en 1979, en est l’invitée
pour la deuxième fois en
deux ans. Une excellente chose, tant le geste artistique de
cette femme installée à Austin (Texas) depuis 1976 se
révèle d’une subtilité corporelle, d’une étrangeté visuelle réjouissantes. Il faut dire
que le parcours de cette native de Brooklyn en 1941 est
d’une infinie richesse. Ancienne danseuse de Merce Cunningham dans les années
1960, formée aux techniques
orientales comme celle du taichi, férue de philosophie
bouddhiste, elle se focalise
sur la conscience du corps
jusqu’à poser les bases
d’une danse dite « perceptuelle ». « Explorer le mouvement dans toute sa diversité,
sans discrimination » est le
leit-motiv de cette personnalité généreuse qui insiste sur
le vécu individuel. Après The
Match, pièce cocasse véhiculant une certaine idée du
corps sans complexe, elle
revient avec O, O, développement de la précédente
autour de la question des
modèles. Encore un défi à
toutes les rigidités physiques
ou mentales.
t
AUTOMNE 2006
tteurs en
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scène
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Métro : Bobigny Pablo Picasso
te dans laquelle cinq danseurs sont
lancés dans des circulations enchevêtrées. Les lignes se coupent et
recoupent à des vitesses variables
pour composer un saisissant paysage dont l’étrangeté réside dans l’incertitude qui plane sur le fonctionnement des corps. La partition gestuelle est-elle interprétée à l’envers
comme on rembobine un film ?
Qui sait.
Peu connu du grand public,
mais lesté de quelques prix internationaux (dont le Prix d’auteur aux
Rencontres chorégraphiques de
Seine-Saint-Denis pour Cows in
Space en 1998), Thomas Hauert
possède le don du vertige, lent
mais profond, avec des spectacles
résolument sophistiqués. Ce champion du remue-méninges met au
point des scénarios aux rouages
nombreux et tordus, ce qui explique un résultat scénique formidablement touffu. Dans Common Senses (2003), une part du processus
de travail résidait dans l’apprentissage de mélodies d’Anton Bruckner par les dix danseurs. Improvisée, la pièce se donnait pourtant en
silence pendant que les interprètes
intériorisaient les chants pour en
trouver la pulsation juste, la
respiration commune rythmée par
la musique.
« Walking Oscar »,
de Thomas Hauert.
Thomas Hauert reste sibyllin à
FILIP VANZIELEGHEM
propos de la complexité qui nourrit
ses pièces, de son goût pour les
concepts. Multiplier les couches
d’idées et d’images dans un specta- ques pour élargir le spectre du mouvecle lui semble la moindre des élé- ment. Tout est possible. Il suffit de
gances vis-à-vis de lui-même et du vouloir faire cette recherche et de croispectateur. Il reconnaît cepen- re qu’on est loin d’avoir exploré toudant : « Ecouter une voix, prononcer tes les capacités du corps. » D’où pardes mots et comprendre ou non la fois la sensation de contempler
voix (ou écouter de la musique, une une danse contrariée, de guingois,
chanson, ou regarder jouer des concassée même. Volontairement
acteurs, etc.) n’est qu’une partie de mal dégrossi ou interprété à l’arral’expérience, elle comporte aussi un ché, le geste de Thomas Hauert ne
cède jamais à la tentaaspect mental : tout ce
tion du lisse et du
qu’elle évoque pour
beau.
vous. Si vous avez deux « Il suffit [ ... ]
Pour sa nouvelle
expériences ou plus de croire qu’on
pièce Walking Oscar, il
simultanément, les assos’est adossé à l’œuvre
ciations se brouillent. est loin d’avoir
de l’écrivain hollanCela aussi, c’est com- exploré toutes
dais Oscar Van den
prendre. »
Boogard qui lui a donUn événement n’ar- les capacités
né des textes comporive jamais seul chez du corps. »
sant une sorte d’autoThomas Hauert. Son
biographie éclatée. Le
invention proliférante
fait plus que muscler l’imagina- chorégraphe en a conservé des
tion : elle met au jour un nouveau fragments, série d’anecdotes tanvocabulaire gestuel, bouscule la tôt banales, tantôt insolites, dressyntaxe, peaufine des règles de sant le portrait d’un homme insaigrammaire inédites pour aboutir à sissable. A partir de ce canevas, chaune langue singulièrement vive. cun des six danseurs a repris à son
« Depuis les débuts de la compagnie, compte un objet ou un mot, écrit
je travaille à repousser les limites du des chansons et tramé l’épaisseur
corps, à forcer les évidences anatomi- d’une vie au gré d’associations
d’idées et de thèmes comme l’innocence et la responsabilité, l’identité
et l’adaptation, la volonté et la
manipulation. « Oscar nous a donné carte blanche et nous sommes partis en balade avec son alter ego. Nous
le montrons, nous le chantons, nous
l’habillons, nous le confirmons, nous
le contredisons, nous l’interprétons,
nous l’incarnons, nous le critiquons,
nous le comparons, nous le comprenons mal, nous l’obscurcissons et
nous sommes sa sœur. Il ne s’agit pas
d’évoquer l’écrivain même si finalement le langage, la question des
mots, de l’écriture, de la perception
sont au cœur de la pièce. »
Etiquetée « comédie musicale », Walking Oscar rassemble les
morceaux d’un portrait masculin
sans cesse mouvant où chaque nouvelle information sur le personnage épaissit son mystère plutôt que
de l’éclairer. Quelques indices se
glissent néanmoins entre les multiples couches sans cesse ajoutées
par le chorégraphe. On apprend
que Thomas Hauert, qui démarra
la danse très tardivement, eut son
premier choc spectaculaire à 5 ans
avec Holiday on Ice, que ses
parents l’avaient emmené voir à
Berne. Après cette vision enchanteresse, Thomas Hauert passait son
temps à danser à la maison. Ce
n’est qu’à 22 ans, après des études
d’instituteur, qu’il choisit la danse
en partant faire son apprentissage
dans une école de Rotterdam. On
sait aussi qu’enfant Oscar avait des
difficultés pour colorier le dessin
d’un être humain et avait beau
mélanger les teintes, il ne parvenait pas à trouver la juste couleur
de la peau. Il la laissait donc en
blanc. a
Rosita Boisseau
une saison avec nous
06.07
ııı
josé navas ı jean-louis trintignant / fanny ardant guy
ıbedos
salia nï seydou / ars nova ensemble instrumental
ı ciegroup
big
art
manson ı sclavis / romano / texier /
ılubat grand corpscaden
malade ı israel galván ı cie la nuit surprise
ı
par le jour ı via katlehong dance ıı alvis hermanis ı laurent
pelly ı HAPPY INDE... ıııı kubilai khan investigations ıfalk
richter ı ballet angelin preljocaj ı emma dante ı lin yuan
shang ıı blanca li ı sons d’hiver ııı EXIT / kassys /
societas raffaello sanzio / bill t. jones / fiction@love... ııı
michel jonasz ıııı MARSEILLE... frédéric flamand / zaha
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ARTS PLASTIQUES
page 7 - Jeudi 14 septembre 2006 - 0
CAMERON
JAMIE,
SOCIOLOGUE
DE LA CULTURE
POPULAIRE
E
« Léviathan Thot », d’Ernesto Neto, au Panthéon. MARC DOMAGE
ERNESTO NETO
entre au Panthéon
Le plasticien, représentant officiel du Brésil à la Biennale de Venise en 2001,
investit le bâtiment républicain pour une installation ludique, sensuelle et inattendue
billes de plastique sous les doigts.
Sa conception de l’art ? Elle est
simplissime : « Toi toi toi toi
toi… », assure-t-il en chantonnant. Le tout mâtiné, l’air de rien,
de revendications métaphysiques
inspirées du bouddhisme, qu’il a
adopté, en le mêlant à ses références religieuses afro-brésiliennes.
Il décrit ainsi ses œuvres : « Un
pur mouvement : le corps sur le
temps ; cela arrive maintenant.
Une sensualité de l’instant, et de
l’espace… »
C’est en dansant la samba qu’il
nous avait fait visiter, l’année passée, son exposition à Kerguéhennec. Un château breton, devenu
centre d’art, qu’il avait enchanté,
Saison 2006 - 2007
Alban Richard
disperse, 12/17 octobre 06
■
■
Les Fables à la fontaine
conçu par Annie Sellem, 9/19 déc. 06
Chloé Moglia, Mélissa Von Vépy
I Look up, I look down...
11/21 janvier 07
■
Paco Dècina
Indigo, 1er/6 février 07
■
Pierre Rigal
Arrêts de jeu, 5/10 mars 07
■
Daniel Dobbels
L’Insensible déchirure, 2/6 avril 07
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ment de la monarchie vers la République : le début de ce pont qui
mène jusqu’à nous. Aujourd’hui,
nous vivons une nouvelle transition, elle aussi très violente. Le peuple donne toujours le pouvoir à ses
représentants, mais ces derniers
semblent absolument démunis face
au pouvoir économique, affaiblis
par les multinationales. C’est vrai
au Brésil comme en France. Mon
installation offre un peu une réponse à cette question : quel est le monde que nous voulons pour
demain ? »
fondément éloignée de notre société, elle est devenue comme une
ombre sur nos vies… » Mais l’artiste a vite oublié les querelles de
chapelle pour se plonger dans
l’histoire du Panthéon et répon-
Il décrit ainsi ses œuvres : « Un pur mouvement : le corps sur le temps ;
cela arrive maintenant. Une sensualité de l’instant, et de l’espace… »
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Danse et Cirque
lui aussi. Il y dansait, « parce que
la danse est le moment où tu configures ton âme avec ta spiritualité. » (Cela ferait une belle définition de son œuvre.) Il y avait
construit une grotte, rouge et sen-
Théâtre
Nicolas Gogol / Christophe Rauck
Le Révizor, 9 oct./5 nov. 06
■
Martin Crimp / Joël Jouanneau
Atteintes à sa vie
13 nov./3 déc. 06
■
Ivan Viripaev / Galin Stoev
Oxygène, 20 nov./19 déc.
■
Michel Laubu - Turak théâtre
Intimae, 8 janv./6 fév. 07
■
Jean Genet / Olivier Balazuc
« Elle », 6 mars/6 avril 07
■
Ronan Chéneau / David Bobée
Fées, 15 mars/6 avril 07
■
Odile Darbelley, Michel Jacquelin
Tout le bonheur est à l’intérieur
31 mai - 30 juin 07
■
suelle, que le visiteur arpentait
comme dans une douce régression. Il y avait conçu aussi une piscine remplie de balles de plastique, qui appelait au plongeon. Le
soir du vernissage, on avait
retrouvé l’artiste complètement
enfoui en son œuvre, submergé.
Seule sa chevelure brune et bouclée dépassait. Les yeux fermés, le
corps englouti, un quadragénaire
heureux comme un enfant.
Oublieux du monde ? Loin de
là. Si Neto s’en écarte parfois
dans ses mises en scène de paradis artificiels, il n’en néglige pas
pour autant la réalité. Au contraire. « A Rio, nous adorons détacher
la poésie du chaos, explique-t-il. Il
y a au Brésil une volonté de créer un
espace confortable et protecteur qui
permet d’engendrer un état de
réflexion silencieuse afin d’entrer
en contact avec notre propre corps.
Cela permet également d’accéder à
une libération sociale provenant de
la surprise que suscite cette expérience. » Le marché de l’art, qui
s’arrache ses œuvres, l’oublie
trop souvent : Ernesto Neto
invente aussi une nouvelle manière de faire de la politique : « En
tentant de donner une autre respiration au monde ». Son intervention au Panthéon en témoigne.
Derrière ses allures de « monstre
organique, humanoïde et rationaliste, de géant coquillage suspendu
et flottant, luttant avec la gravité », elle porte une réflexion sur le
monde actuel.
A priori, le Panthéon le rebute : « Une telle brutalité, un tel
gigantisme, et toutes ces peintures,
toute cette histoire !, s’emporte-t-il. A découvrir cela, j’ai vraiment regretté de ne pas être intervenu à la Salpêtrière, comme c’était
prévu l’année passée. J’adore cette
chapelle, elle est belle et féminine,
elle évoque la naissance de la psychiatrie… Il y a eu, hélas !, un désaccord avec le clergé, que je regrette
énormément. La religion s’est pro-
dre à la commande publique du
ministère de la culture et de la
communication (DAP/CNAP) :
« J’ai alors compris qu’il donnait
un éclairage passionnant sur ce
que le monde est aujourd’hui devenu. C’est le monument du changement politique, il symbolise le glisse-
Californien d’origine, l’artiste Cameron Jamie explore
en quasi-sociologue la
culture populaire. Folklore
suisse, rituels adolescents :
depuis ses débuts, il y a dix
ans, chacun de ses films et
performances explorent le
« vernaculaire » sous toutes
ses formes.
Projeté lors d’une soirée unique, son dernier film, JO, ne
déroge pas à la règle. JO,
comme Joan of Arc, Jeanne
d’Arc en anglais, mais aussi
JO comme « se masturber », toujours en anglais.
Documentaire à sa manière,
son film nous mène d’Orléans à Coney Island, sur
une musique expérimentale
du Japonais Keiji Hano.
Entre les images d’une fête
organisée à la mémoire de la
pucelle d’Orléans et celles
d’un concours américain
d’ingestion de hot-dogs, le
montage va et vient. Les frites cuites « à la Jeanne
d’Arc » voisinent avec l’enfournage
de
« chiens
chauds ». Le visage illuminé
de la jeune sainte remplaçante rencontre les trognes
empourprées des gloutons.
Rituel et ripailles se rejoignent. Procession ou festin,
c’est la même foule en folie.
Cameron Jamie, ou les dangers du collectif…
a JO, film de Cameron Jamie, projection à l’Opéra-Comique, le 23 octobre
à 20 heures.
Bérénice Bailly
Leviathan Thot, d’Ernesto Neto, au Panthéon,
place du Panthéon,
Du 15 septembre au 31 décembre.
SA I S O N 2 0 0 6
/
2007
2006
WI N C H O N LY
· C H R I ST O P H M A RT H A L E R
T H R E E AT M O S P H E R I C ST U D I E S
GENS DE SÉOUL
· W I L L I A M F O R SYT H E
· O R IZ A H I RATA - A R N A U D M E U N I E R
ST RA N G E R / ST RA N G E R R E P O RT
D E S G E N S Q U I DA N S E NT
HA M L ET
· R I C H A R D S I E GA L
· J E A N - C L A U D E GA L L OT TA
· W I L L I A M S H A K E S P E A R E - H U B E RT C O L A S
ZI G M U N D F O L L I E S
D E L’ O M M E
· P H I L I P P E G E NTY
· J A C Q U E S R E B OT I E R
L A M ÉC HA NT E VI E
· H E N R I M O N N I E R - J É RÔ M E D E S C HA M P S - MAC HA MA K E Ï E F F
2007
D I E M E I ST E R S I N G E R
· R I C H A R D WA G N E R - F RA N K CA ST O R F
L A D O U BL E I N CO N STA N C E
T H É ÂT R E NAT I O NA L
D E C HA I L L OT
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MAT R I ( K ) I S
· B L A N CA L I
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· P H I L I P P E P R I A S S O - C I E B E A U G E ST E
Q U E MA JO I E D E M E U R E
L É O N C E ET L É NA
L A Q U E ST I O N
· B É AT R I C E M A S S I N
· G E O R G B Ü C H N E R - J E A N - BA PT I ST E SA ST R E
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L E R E GA R D PA R - D E S S U S L E CO L · F RA N Ç O I S E ET D O M I N I Q U E
L A CAG E AUX BL O N D E S 2 · M A R I E PAY E N - A U R É L I A P ET IT
FAUT Q U ’ O N PA R L E !
L E « S O M B R E RO »
SOLO
· H A M I D B E N M A H I - G UY A L L O U C H E R I E
· PHILIPPE DECOUFLÉ
· PHILIPPE DECOUFLÉ
D U P UY
· M i c h a l B a t o r y · LICENCES · 750 1890 - 1/2/3/4
rnesto Neto est de
ceux qui enchantent
tous les lieux où ils
passent. Les installations enveloppantes
de cet artiste brésilien ont fait le tour du monde de
leurs courbes molles et minimales, remportant à chaque fois le
même succès : on s’y sent bien
comme dans un rêve qui emmènerait sur une autre planète. Mais
de là à investir le Panthéon ?
Cette invitation lancée par le Festival d’automne peut paraître
incongrue. Un peu comme
« l’obscure clarté des étoiles »,
cela semble un oxymore, la rencontre de deux choses inconciliables. L’un est colossal, néoclassique et solennel, comme tout
monument qui se respecte. Joufflu et frisé, l’autre est adepte de la
rondeur et de l’indolence, plein
d’une baroque sensualité. Que
peut bien faire ce représentant
officiel du Brésil à la Biennale de
Venise de 2001 dans l’écrasante
nécropole républicaine ?
Poser la question, c’est oublier
l’essentiel : Neto comme enchanteur d’espace. Il n’est qu’à visiter
son atelier de Rio de Janeiro pour
s’en convaincre. Au cœur de la
City carioca, l’artiste a investi un
ancien garage. Il en a fait un antre
de poésie. C’est là qu’il imagine
ces installations qui font son succès depuis une dizaine d’années.
Mousse, polystyrène, tissus et épices s’y entassent. De ces humbles
matières premières, dénichées
dans les chaotiques rues commerçantes alentour, il tire un univers
semblable à nul autre.
Des bulbes naissent du sol
mou ; des formes oblongues tombent du plafond. Des cellules se
gonflent et se creusent, où le
corps du visiteur est invité à s’allonger – à s’endormir, pourquoi
pas ? Pour un peu on se croirait
explorateur de grotte lunaire, en
légère apesanteur. Restes d’adolescence de l’artiste, de ces temps
où il se rêvait cosmonaute ? Ou
souvenirs de ses études de biologie ? On croirait parfois errer
dans une vue au microscope. Epidermes fragiles, le Nylon et le tulle s’étirent, se sculptent en sphères douces, en spores géantes et
diffusent des arômes de cumin,
lavande ou curry. Souvent, ces
œuvres se visitent pieds nus, à la
brésilienne, pour que le corps capte mieux toutes les énergies qui
ici se rencontrent. Jusqu’à
l’oreille qui se voit sollicitée :
Neto, qui souvent répond aux
interviews en chantant de la bossa-nova, est attentif au moindre
crissement de pas sur le sable, des
123
CONCEPTION GRAPHIQUE
AUTOMNE 2006
PROGRAMME 2006
PRATIQUE
Festival d’automne à Paris, du
14 septembre au 19 décembre.
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lieux, toutes les dates, tous les
spectacles sur
www.festival-automne.com, ou
par téléphone au 01-53-45-17-17.
Du lundi au vendredi de 11 heures
à 18 heures et samedi de 11 heures
à 15 heures
ARTS PLASTIQUES
Ernesto Neto, Léviathan Thot,
Installation. Panthéon, du
15 septembre au 31 décembre. De
4,80 ¤ à 7,50 ¤ (gratuit – 18 ans).
Downtown 81, agnès b. skyline.
Du 21 octobre au 21 novembre,
du mardi au samedi de 12 heures
à 19 heures. Entrée libre.
Ryan McGinley, Galerie du Jour,
du 28 octobre au 2 décembre,
du mardi au samedi de 12 heures
à 19 heures. Entrée libre.
Cameron Jamie, JO, vidéo, musique
live, Keiji Haino. Opéra-Comique,
le 23 octobre à 20 heures.
Tarif unique : 10 ¤.
THÉÂTRE
Les Histrions (détail), de Marion
Aubert. Richard Mitou (mise
en scène). Théâtre national
de la Colline, du 19 septembre
au 28 octobre. 13 ¤ à 27 ¤.
Quartett, de Heiner Müller
(création). Robert Wilson (mise
en scène). Odéon-Théâtre
de l’Europe, Théâtre de l’Odéon,
du 28 septembre au 2 décembre.
13 ¤ à 30 ¤.
Baal, de Bertolt Brecht (création).
Sylvain Creuzevault (mise en
scène). Odéon-Théâtre de l’Europe
aux Ateliers Berthier, du 5 au
28 octobre. 13 ¤ et 26 ¤.
Showcase (création
française).Richard Maxwell
(texte et mise en scène) . Hôtel
du quartier des Halles, du 11 au
14 octobre. Spectacle en anglais
non surtitré. 7,50 ¤ à 12 ¤.
Good Samaritans (création
française). Richard Maxwell
(texte et mise en scène). Centre
Pompidou, du 11 au 14 octobre.
Spectacle en anglais surtitré
en français. 10 ¤ et 14 ¤.
Dead Set #2, Big Art Group
(création française). Caden
Manson (mise en scène). Maison
des arts Créteil, du 17 au
21 octobre. Spectacle en anglais
surtitré en français. 10 ¤ à 20 ¤.
Je porte malheur aux femmes, mais
je ne porte pas bonheur aux chiens,
d’après Joë Bousquet (création).
Bruno Geslin (mise en scène).
Théâtre de la Bastille,
du 30 octobre au 1er décembre.
13 ¤ et 20 ¤.
Hamlet, The Wooster Group, de
William Shakespeare (création
française). Elizabeth LeCompte
(mise en scène ). Centre
Pompidou, du 4 au 10 novembre.
Spectacle en anglais. 10 ¤ et 14 ¤.
Loretta Strong, de Copi, précédé
de Les poulets n’ont pas de chaises,
d’après les dessins de Copi.
Le Frigo, de Copi (création).
Marcial Di Fonzo Bo (mise en
scène). Collaboration artistique
d’Elise Vigier. Théâtre de la Ville,
du 6 au 11 novembre. 13 ¤ et 23 ¤.
La Tour de la Défense. Marcial Di
Fonzo Bo (mise en scène). MC93
Bobigny, du 7 au 17 décembre.
11 ¤ à 23 ¤.
Probablement les Bahamas
(création). Une pièce
radiophonique de Martin Crimp.
Louis-Do de Lencquesaing (mise
en scène). Théâtre ouvert,
du 7 au 11 novembre. 8 ¤ et 13 ¤.
Atteintes à sa vie, de Martin Crimp.
(création). Joël Jouanneau (mise
en scène). Théâtre de la Cité
internationale, du 13 novembre
au 3 décembre. 12,50 ¤ à 21 ¤.
Hey Girl ! (création). Societas
Raffaello Sanzio. Romeo
Castellucci (mise en scène, texte,
scénographie). Odéon-Théâtre
de l’Europe aux Ateliers Berthier,
du 16 au 25 novembre. 13 ¤ et
26 ¤.
Le Pays lointain, de Jean-Luc
Lagarce, création collective des
Possédés dirigée par Rodolphe
Dana. La Ferme du Buisson/Scène
nationale de Marne-la-Vallée,
Noisiel, du 17 au 21 novembre ;
Théâtre 71 Malakoff, du 23 au
26 novembre ; Théâtre de la
Bastille, du 4 au 10 décembre.
13 ¤ et 20 ¤.
MUSIQUE
The Cycles of The Mental Machine,
film de Jacqueline Caux
suivi du concert de Carl Craig,
le 16 septembre à 20 heures.
Centre Pompidou. 10 ¤ et 14 ¤.
De Mongolie, chants longs, chants
diphoniques, épopée, danse.
Maison de l’architecture, du 21
au 30 septembre à 20 heures.
15 ¤ et 18 ¤.
L’Histoire secrète des Mongols
racontée et chantée selon la
tradition orale des bardes en deux
concerts. Maison de l’architecture,
le 24 septembre à 16 heures
(six premiers chapitres) et le
1er octobre à 16 heures (six derniers
chapitres). Récit surtitré.
15 ¤ à 18 ¤.
Wolfgang Rihm, Vigilia pour orgue,
ensemble instrumental et six voix
(création). Francesco Filidei
(orgue), ensemble MusikFabrik,
ensemble vocal Singer Pur, Stefan
Ashbury (direction). Eglise
Saint-Eustache, le 10 octobre
à 20 heures. 8 ¤, 12 ¤ et 16 ¤.
Œuvres d’Hugues Dufourt et
Johannes Brahms. FrançoisFrédéric Guy (piano), Musée
d’Orsay, le 17 octobre à 20 heures.
Oeuvres d’Hugues Dufourt et Ludwig
van Beethoven. François-Frédéric
Guy (piano), Musée d’Orsay,
le 18 octobre à 20 heures.
Œuvres de György Kurtág (création
française).
Heinz Holliger (création française).
Par Hiromi Kikuchi (violon), SWR
Vokalensemble Stuttgart,
Ensemble Modern, Marcus Creed
(direction). Théâtre du Châtelet,
le 6 novembre à 20 heures.
15 ¤ à 30 ¤.
Faustus, The Last Night, Pascal
Dusapin. Opéra en une nuit et onze
numéros. Livret de Pascal Dusapin
d’après The Tragical History of
Doctor Faustus de Christopher
Marlowe. Peter Mussbach (mise
en scène). Orchestre de l’Opéra
national de Lyon, Jonathan
Stockhammer (direction). Théâtre
du Châtelet, le 15, 16 et 18 novembre
à 20 heures. 30 ¤ à 90 ¤.
Œuvres d’Olivier Messiaen, Brian
Ferneyhough (création française),
Claude Debussy/Hans Zender,
Edgard Varèse. SWR
Sinfonieorchester Baden-Baden
& Freiburg, direction de Sylvain
Cambreling. Salle Pleyel,
le 18 novembre à 17 heures.
15 ¤ à 30 ¤.
Into The Little Hill de George
Benjamin, conte lyrique pour deux
voix et ensemble (2004-2006).
Texte original de Martin Crimp.
Commande du Festival d’automne
à Paris associé à la Fondation
Ernst-von-Siemens pour
la musique, de l’Opéra national
de Paris, de l’Ensemble Modern
associé à la Fondation Forberg
Schneider. Précédé de Viola,
Viola pour deux altos (1997),
Three Miniatures pour violon
(2001). Daniel Jeanneteau
(scénographie, mise en scène),
Ensemble Modern, Franck Ollu
(direction). Opéra national
de Paris-Bastille, Amphithéâtre,
du 22 au 24 novembre à 20 heures.
10 ¤ à 30 ¤. Théâtre
de Saint-Quentin-en-Yvelines,
le 26 novembre à 16 heures.
10 ¤ à 26 ¤.
Œuvres de George Benjamin,
Wolfgang Rihm. Ensemble Modern,
George Benjamin (direction).
Opéra national de Paris-Bastille,
Amphithéâtre, le 27 novembre
à 20 heures. 10 ¤ à 16 ¤.
Œuvres de Tristan Murail, Joshua
Fineberg, Hugues Dufourt (création
française), Jason Eckardt (création
française), Dominique My (piano),
Ensemble Fa, Jeffrey Milarsky
(direction). Ircam/Espace
de projection, le 4 décembre
à 20 h 30. 10 ¤ et 14 ¤.
Œuvres de Tristan Murail,
Joshua Fineberg, Jason Eckardt
(création française), Pascal Dusapin
(création), Drew Baker (création).
Marilyn Nonken (piano), Ensemble
21, Jean Deroyer (direction).
Ircam/Espace de projection,
le 9 décembre à 20 h 30. 10 ¤
et 14 ¤.
Œuvres de George Benjamin,
Alexandre Scriabine, Maurice Ravel,
Orchestre de l’Opéra national
de Paris, George Benjamin
(direction). Opéra national
de Paris-Bastille, le 19 décembre
à 20 heures. De 20 ¤ à 44 ¤.
Pompidou, du 15 au 18 novembre à
20 h 30. 10 ¤ et 14 ¤.
Thomas Hauert, Walking Oscar.
Théâtre de la Ville, du 28 novembre
au 2 décembre à 20 h 30. 13 ¤ et
23 ¤.
Boris Charmatz, Quintette Cercle.
Centre Pompidou, du 29 novembre
au 3 décembre à 19 h 30
et 21 heures. 10 ¤ et 14 ¤.
Le Louvre invite Toni Morrison,
Etranger chez soi. Musée du Louvre,
du 13 octobre au 11 décembre.
DANSE
Lieux de musique, Maison de
l’architecture, le 19 octobre à
10 heures et 21 heures. Entrée libre
sur inscription : 01-53-45-17-17.
Steven Cohen et Elu, I Wouldn’t Be
Seen Dead in That ! Centre
Pompidou, du 20 au 23 septembre
à 20 h 30. 10 ¤ et 14 ¤.
William Forsythe, Three
Atmospheric Studies.Théâtre
national de Chaillot,
du 4 au 7 octobre. 17 ¤ à 33 ¤.
Retranslation of Francis Bacon’s
Unfinished Portrait (Disfiguration).
Musée du Louvre, du 13 octobre
au 11 décembre.
Richard Siegal, Stranger/Stranger
Report, solo. Théâtre national de
Chaillot/Studio, du 5 au 21 octobre.
De 12 ¤ à 27 ¤.
Deborah Hay, « O, O ». Centre
Pompidou, du 26 au 28 octobre
à 20 h 30. 10 ¤ et 14 ¤.
Les Soli de « o, o », Centre national
de la danse, du 23 au 25 novembre.
8 ¤ et 12 ¤.
Vera Mantero, Jusqu’à ce que Dieu
soit détruit par l’extrême exercice
de la beauté (création). Centre
CINÉMA
Double Look, L’art d’aimer le cinéma
américain, aux Etats-Unis et en
France. Cinéma Max-Linder.
Du 15 au 21 novembre. 5 ¤ et 7 ¤.
Charles Burnett, une rétrospective
The Outsider. Musée
du Louvre-Auditorium, du 23 au
25 novembre. De 3,50 ¤ à 6 ¤.
COLLOQUE
0123
Siège social : 80, bd Auguste-Blanqui
75707 PARIS CEDEX 13
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du Monde,
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