Simon Gaudreau

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Simon Gaudreau
Simon Gaudreau
GALERIE II
La pratique artistique de Simon Gaudreau relève d’une approche
anthropologique et sociologique. Dans ses films documentaires,
il construit des récits ethnographiques souvent crus, parfois
critiques et mettant en scène des personnages singuliers. Dans ses
réalisations en arts visuels, il utilise des stratégies d’appropriation.
Par la répétition d’images, le détournement d’objets ainsi que la
citation littéraire, il explore les rapports culturels de l’homme à la
nature et à la société.
Simon Gaudreau a participé à plusieurs expositions collectives
depuis 2008, entre autres au Québec à la Galerie Verticale, au
Centre d’Exposition Circa, à la Galerie B-312, à la Maison de la
Culture Notre-Dame-de-Grâce ainsi que dans divers appartements,
ateliers et lieux de diffusions au Canada et en Europe. Son long
métrage documentaire King of the l’Est a été sélectionné au
Festival du Nouveau Cinéma en 2010. White Blanc est sa première
exposition solo. Il vit et travaille à Montréal.
L’artiste tient à remercier le Centre d’exposition Circa art
contemporain, Alexandre Jimenez, Ivan Lasser, Marc-Olivier Roux
des Décorateurs de Montréal ainsi que tous les prisonniers de camps
de travail qui lui permettent d’acheter du matériel électronique à
bas prix.
372 Ste-Catherine Ouest,
espace 444, Montréal, Qc
www.circa-art.com
12 janvier au 16 février 2013
Simon Gaudreau
White Blanc
Simon Gaudreau
«Dog in hand, chien à l’appui»
Romain Gary, Chien Blanc, (1970)
White Blanc
Batard was a devil. This was recognized throughout the Northland. "Hell’s
Spawn" he was called by many men, but his master, Black Leclere, chose
for him the shameful name "Batard." Now Black Leclere was also a devil,
and the twain were well matched. There is a saying that when two devils
come together, hell is to pay. This is to be expected, and this certainly
was to be expected when Batard and Black Leclere came together. The
first time they met, Batard was a part-grown puppy, lean and hungry,
with bitter eyes; and they met with snap and snarl, and wicked looks, for
Leclere’s upper lip had a wolfish way of lifting and showing the white, cruel
teeth. And it lifted then, and his eyes glinted viciously, as he reached for
Batard and dragged him out from the squirming litter. It was certain that
they divined each other, for on the instant Batard had buried his puppy
fangs in Leclere’s hand, and Leclere, thumb and finger, was coolly choking
his young life out of him.
"Sacredam," the Frenchman said softly, flirting the quick blood from his
bitten hand and gazing down on the little puppy choking and gasping in
the snow.
Leclere turned to John Hamlin, storekeeper of the Sixty Mile Post. "Dat fo’
w’at Ah lak heem. ‘Ow moch, eh, you, M’sieu’? ‘Ow moch? Ah buy heem,
now; Ah buy heem queek."
Bâtard est une mythologie de plus qui nous conte une union étrange,
violente, de deux personnages aux confins du Grand Nord. Les faits,
confinés dans le froid et la brutalité de ce lointain eldorado que nous avons
oublié - sagement cachés derrière les pages de notre modernisme -,
s’entrecroisent avec d’autres récits. Jack London a beau tenir ses
personnages prisonniers d’un paysage inaccessible, ses histoires croiseront
inévitablement d’autres chiens, d’autres maîtres.
Posté en prémices de l’exposition, Bâtard en devient le récit enchâssant.
Il met en place les conditions des images présentes dans l’espace. Figure
dominante et inévitablement placée en proue, l’animal se retrouve
soudainement intriqué avec d’autres images. Débordant le cadre de
l’exposition, le récit imbrique encore d’autres figures de Jack London :
That Spot, White Fang. Il convoque aussi le Chien Blanc de Romain Gary,
celui de Samuel Fuller, ou encore fait apparaître cet autre chien dressé
contre les noirs, photographié par Bill Hudson en 1963.
Bâtard est ce spectacle sauvage qui rappelle les temps primitifs du
monde. Avec sa violence démoniaque attelée à celle de son maître Black
Leclere, l’animal nous ouvre à un imaginaire thanatique. Le mythologique
et l’historique se resserrent autour des forces latentes de destruction.
L’entrelacement du démon de l’un avec le démon de l’autre nous renverra
sans scrupule vers nos propres démons. Cette image féroce et vitale est
aussi la nôtre. L’animal n’est jamais loin de l’humain, dans la suspension
tragique de deux forces qui s’opposent et s’imbriquent malgré tout.
Extrait de la nouvelle Batard de Jack London, 1902.
Claire Moeder