cuire oui mais comment
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cuire oui mais comment
nutrition Cuire oui mais comment ? Gaz ou électricité ? Le gaz permet de saisir tout de suite et de façon très brève (pour donner un bon goût) puis d’arrêter le feu (ou de le mettre au minimum) pour poursuivre la cuisson. C’est le meilleur compromis entre santé et saveur. nous sommes de plus en plus nombreux à nous préoccuper de manger des aliments frais et exempts de pesticides. Mais n’oublions pas que leur qualité nutritionnelle dépend en grande partie de la façon dont ils sont cuisinés. tout ce qu’il faut savoir pour une cuisson santé. Par Cendrine Barruyer-Latimier Sec ou humide ? Pour les spécialistes, il n’y a en fait que deux modes de cuisson des aliments : en milieu humide (eau, vapeur, papillote, mijotage) ou en milieu sec (gril, poêle, plancha, friture, four traditionnel). Globalement, le premier est meilleur pour la santé tandis que le second libère des composés aromatiques (HAP [hydrocarbure aromatique polycyclique], acrylamide, amines hétérocycliques) qui, certes, parfument les mets mais sont potentiellement cancérogènes. La vapeur Que ce soit à la Cocotte-Minute, au couscoussier, dans un panier en bambou, etc., elle est plébiscitée. Quid de la vapeur douce que certains estiment idéale ? Sa réputation est un peu usurpée car plus le temps de cuisson est long, plus cela dégrade de molécules. Certains autocuiseurs parviennent à une température de 125 °C, permettant une cuisson express qui préserve encore mieux les vitamines. La papillote Enfermé dans du papier cuisson, l’aliment cuit dans sa propre vapeur et reste moelleux, mais c’est un peu plus long que l’autocuiseur et donc un peu plus destructeur. On évitera l’aluminium, qui résiste mal à l’acidité naturelle de certains ingrédients (vin blanc, citron…) ou à celle qui est produite par la chaleur (acidification des végétaux, par exemple). On peut aussi utiliser des papillotes en silicone. La cuisson à l’eau Elle est saine et diététique, mais la perte de vitamines est deux fois plus importante qu’à la vapeur. Cette méthode est souvent choisie pour des légumes comme le chou ou l’endive car elle élimine l’amertume ou les forts goûts soufrés. Pour maîtriser ces derniers tout en conservant les vitamines grâce à la cuisson à la vapeur, il existe deux solutions. Blanchir rapidement le légume auparavant ou mettre préalablement dans la cocotte des aromates (thym, romarin…). Quelle que soit la méthode choisie (vapeur, eau ou papillote), on préférera la cuisson al dente : moins destructrice de vitamines pour les légumes, elle est aussi bénéfique pour les pâtes ou le riz, dont l’index glycémique est plus faible quand ils sont moins cuits. Travis Rathbone / Trunk Archive / Photosenso Depuis que l’homme a découvert le feu, il a entrepris de cuire certains aliments. Une pratique qui n’a rien d’anodin puisqu’elle entraîne de multiples transformations chimiques. Tout d’abord, elle change le goût : « De nouvelles molécules odorantes et de nouvelles textures apparaissent, comme le croustillant, le moelleux », explique Inès Birlouez, docteur en biochimie(1). Mais la cuisson sert aussi à détruire des toxines comme les molécules cyanogènes (gaz incolore très toxique) de la pomme de terre ou le facteur antitrypsique des légumes secs (qui empêche la dégradation des protéines en acides aminés), à anéantir des micro-organismes dangereux ou encore à rendre plus digeste un aliment (eh oui, gober un œuf pour rester en bonne santé est un mythe : les protéines du blanc d’œuf sont moins assimilables quand elles sont crues !). La cuisson sublime également certains composants : ainsi, le lycopène de la tomate, antioxydant puissant, est bien plus présent dans la tomate cuite que crue. Cuire, c’est donc bon pour la santé. À condition de bien choisir comment. Le mijotage au feu ou au four Les bourguignon, daube, cassoulet, ragoût, baeckeoffe, carbonade, pot-au-feu, tajine sont des cuissons humides. Il n’y a donc pas de formation de molécules toxiques. En termes d’arômes, le mijotage est remarquable mais présente l’inconvénient de durer longtemps, ce qui tend à dégrader certains acides gras essentiels, acides aminés et vitamines. « On compensera ces pertes en prévoyant une entrée composée de crudités », conseille Inès Birlouez. Le gril et la rôtissoire Cette cuisson sèche au barbecue ou au four est très critiquée car la disparition de l’eau entraîne différentes réactions chimiques, en particulier la réaction de Maillard, qui donne une texture croustillante, développe des saveurs nouvelles extrêmement appréciables mais est responsable de l’apparition de molécules délétères. Le barbecue au feu de bois est le plus souvent montré du doigt. D’aucuns affirment qu’il serait aussi cancérogène que la cigarette. Faut-il bannir pour autant ces modes de cuisson à sec ? Non, estime Inès N o17 ✦ n o v e m b r e - d é c e m b r e 2013 ✽ FemmeMajuscule 75 nutrition Il faut se méfier surtout des batteries de cuisine bon marché importées d’Asie : Le revêtement se délite facilement. Comment savoir si une casserole ou une poêle sont de bonne qualité ? Le poids est un indicateur. Le fond doit être épais pour favoriser la diffusion de chaleur. On le voit aussi lorsqu’on cuisine : si les aliments attachent à certains endroits et pas à d’autres, la répartition de la chaleur n’est pas optimale. À certains endroits, la chaleur va dépasser 250 °C, ce qui est propice à une réaction de Maillard et à la formation de composés cancérogènes. Que faut-il penser du verre, de l’Inox, de l’émail, la céramique, la terre ? Le verre est le seul matériau avec lequel il n’y a aucune interaction, c’est-à-dire qu’il n’y a aucun risque de relargage de molécule toxique dans les aliments. Mais il ne convient qu’au mijotage. L’émail est très bien aussi pour les cuissons mijotées. La terre ou la fonte sont idéales pour des cuissons lentes et douces, au four. Certains vernis des plats en terre peuvent néanmoins laisser passer des composés non souhaitables. Là encore, mieux vaut acheter un produit fait en France, si possible non décoré. La céramique a eu peu de succès dans l’Hexagone. Un de ses inconvénients : les salissures tendent à s’incruster. Quant à l’Inox, c’est un excellent matériau pour tous les usages, à condition de prendre des casseroles de qualité. Dans certaines casseroles en Inox fabriquées en Chine, on a notamment trouvé des traces de nickel. À éviter ! 1. Auteur notamment de Sang pour sang toxique, éd. Thierry Souccar. Birlouez, qui recommande toutefois de ne pas manger plus d’une fois par semaine des aliments riches en acrylamides et amines hétérocycliques (frites et chips, barbecue, pain grillé, pizza…). Elle conseille aussi de privilégier le barbecue électrique (dont la température est plus maîtrisable) ou la plancha, et d’enlever tout ce qui a noirci. « Pour le poisson, je le fais cuire très vite, côté peau. Dès que ça grille, j’arrête le feu, je retourne et la cuisson continue avec la chaleur qui pénètre doucement dans la chair. Le poisson garde son moelleux, son jus, tout en étant croustillant sur une de ses faces. » Au four, privilégiez la « chaleur tournante », meilleure que le four traditionnel. La friture Elle présente deux inconvénients : d’abord c’est une cuisson grasse, ensuite, comme le gril, elle induit une réaction de Maillard (c’est pour ça que les frites croustillent !). Problème : pour diminuer la réaction de Maillard, il faut réduire la température de l’huile mais moins l’huile est chaude, plus l’aliment absorbe de graisse. Comment minimiser ces deux inconvénients ? En optant pour des friteuses qui maintiennent la température à 170/180 °C. Il est impératif de filtrer l’huile après chaque utilisation, de la conserver au frigo et surtout de la jeter si elle change de couleur, d’odeur ou épaissit et en tout état de cause de ne jamais la conserver au-delà de sept ou huit fritures. Travis Rathbone / Trunk Archive / Photosenso Une cuisson santé, c’est aussi de bons ustensiles… On a beaucoup parlé des risques du Téflon… Les poêles et casseroles antiadhésives favorisent une cuisson santé, car elles permettent d’utiliser très peu de matière grasse. Encore faut-il bien les choisir. Des fabricants comme le leader français Tefal ou encore Guy Degrenne proposent de petites merveilles de technologie : le Téflon est recouvert de plusieurs couches protectrices et plusieurs strates métalliques forment la structure de la poêle afin de permettre une répartition harmonieuse de la chaleur et d’éviter les déformations du métal. Certaines poêles ont même des capteurs de température qui permettent de savoir à quel moment elles sont assez chaudes pour saisir la viande. Il faut se méfier surtout des batteries de cuisine bon marché importées d’Asie. Le revêtement se délite facilement, la poêle gondole. Quelle que soit la marque choisie, quand le revêtement est altéré, il faut remplacer l’ustensile. Mais une poêle de bonne qualité, utilisée correctement (c’est-à-dire jamais avec une spatule, une cuillère ou un couteau métalliques), résiste très longtemps. 3 questions à Jean-François Narbonne, Professeur de Toxicologie alimentaire, expert auprès de l’ANSES(1). Les viandes et poissons poêlés Rissoler permet de développer une saveur prononcée mais attention à ne pas faire brûler. On préférera l’huile (olive, tournesol…) plutôt que le beurre ou la margarine, qui sont plus fragiles, noircissent vite et se chargent alors de composés toxiques. À noter que l’huile est un excellent indicateur de la température de la poêle. Si elle fume, elle dépasse 200 °C, il faut baisser le feu ! Le wok Ce récipient venu d’Orient est un excellent outil pour donner une autre saveur aux légumes. Le métal, très conducteur, assure une température élevée et le fait de remuer sans cesse et de faire sauter les légumes les empêche de brûler, du coup ils sont discrètement grillés mais cuits dans leur propre vapeur. Le micro-ondes Ce four est beaucoup décrié alors qu’en réalité, aucune étude n’indique qu’il serait dangereux. Alors, quand l’utiliser pour cuisiner ? Quand on obtient une cuisson rapide, à cœur, qui conserve le moelleux de l’aliment, par exemple pour les poissons. Ou encore les pommes de terre et les pommes, qui y cuisent très vite et conservent bien leur vitamine C. En revanche, beaucoup de viandes se dessèchent au micro-ondes, ce qui n’est bon ni pour le goût, ni pour la santé. ✦ 1. Ancienne enseignante-chercheuse à AgroParisTech, coauteure, avec Juliette Pouyat-Leclère, de Cru ou cuit – La Cuisson santé, éd. Alpen. N o17 ✦ n o v e m b r e - d é c e m b r e 2013 ✽ FemmeMajuscule 77